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Médiation citoyenne à Mayotte : “Oui, c’est ambitieux, mais il faut l’être sur ce territoire !”

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Nawale Yssoufa est directrice générale de Messo, une des associations partenaires du dispositif de médiation citoyenne qui doit déployer ses premiers bénévoles à partir du 15 juin. Alors que beaucoup de voix se lèvent pour dénoncer un supposé laxisme des autorités, la directrice défend ici un projet, une main tendue envers la jeunesse, qui se veut nouveau, alternatif et dans lequel elle place de grands espoirs. Même si “ce ne sera pas la solution miracle”. 

Flash Infos : Comment allez-vous, en tant qu’association partenaire, participer aux groupes de médiation qui doivent mailler le territoire à partir de la mi-juin ? 

Nawale Yssoufa : En ce qui concerne Messo, nous allons tout simplement travailler avec les acteurs de terrain, des associations et faire appel à des bénévoles qui se sentent concernés par les problématiques de violences. Et ils sont nombreux ! Il faut savoir que beaucoup de personnes travaillent déjà dans la médiation dans leur propre commune, ils se sentent concernés par ce qu’il se passe, participe activement à travailler avec les jeunes, leur parler. L’objectif de ce dispositif est donc aussi d’offrir un cadre à toutes ces personnes qui s’investissent déjà au quotidien pour qu’ils puissent travailler plus en profondeur avec les jeunes tout en étant suivis par une structure. Je pense que c’est la stratégie que nous allons adopter et que nos partenaires dans ce dispositif adopteront également. 

Au niveau des bénévoles, c’est vrai qu’il y avait des réticences, car on peut avoir peur dès lors que l’on utilise ce terme d’avoir du mal à mobiliser, mais force est de constater que l’on a déjà des personnes qui veulent aider ces brigades de médiation sans même que nous soyons encore allés vers elles. Cela montre bien qu’il y a un véritable engouement qui existe autour de ce projet. 

FI : Malgré toutes les bonnes volontés, faire appel à des bénévoles n’est-il pas un frein à une démarche pérenne et efficace ? On pourrait estimer qu’au vu de l’ampleur du travail, faire appel à des professionnels serait plus efficient. Qu’en pensez-vous ? 

N. Y. : Oui, c’est vrai, c’est un métier. Mais il faut savoir que, par exemple, les emplois aidés que nous accueillons chez Messo se spécialisent dans la médiation. Ils ont des formations obligatoires dont nous avons convenu avec le Département et la préfecture. Il y a des personnes que nous allons accompagner et il y a aussi des cadres, des coordinateurs qui vont assurer l’encadrement et qui sont diplômés. De notre côté, nous faisons ainsi appel à des éducateurs spécialisés pour encadrer les bénévoles de terrain. Le tout dans un cadre qui n’est pas nouveau ; nous sommes une association qui œuvre déjà dans l’accompagnement des mineurs suivis à l’ASE [aide sociale à l’enfance, ndlr] donc il y a tout de même un réel savoir-faire, nous n’avons pas été choisis au hasard, nous sommes en plein dans la problématique. Nous avons des psychologues en interne, etc. Le social fait vraiment partie de notre ADN, ce n’est pas un monde que nous découvrons. Nous connaissons ses problématiques et avons développé des outils donc non, je ne pense pas que la partie bénévolat soit un frein. Je pense aussi que ceux qui critiquent le font, car ils ne connaissent pas les rouages de ce dispositif et tout le travail qui a été mené en concertation pour le mettre sur pied. Ce n’est pas un projet hors-sol, il a été pensé pleinement avec les acteurs du terrain à travers de longs échanges constructifs avant d’être mûr. 

FI : Concernant les critiques justement, beaucoup considèrent ce dispositif comme une réponse trop douce face aux défis posés et inscrivent cette démarche dans un supposé laxisme au détriment de la répression. Que répondez-vous à cela ? 

N. Y. : C’est vrai, il y a un véritable ras-le-bol face à la violence et à l’insécurité en général. Ce ras-le-bol est partagé et nous en avons tous marre d’avoir peur de nous faire taper dessus ou de nous faire cambrioler. Mais à un moment donné, nous sommes dans un État de droit où la seule réponse n’est pas la prison. Ce n’est le cas que pour ceux dont les infractions ont été avérées et pour lesquelles on considère que c’est la réponse adaptée. Mais pour le reste, il faut trouver des solutions alternatives. De notre côté, nous sommes dans la prévention, cela veut donc dire que nous dirigeons notre action vers tous les jeunes pour qui il y a encore de l’espoir. Le préfet l’a d’ailleurs rappelé ; pour ceux qui ne voudraient pas de la main tendue et qui n’aurait pour objectif que de perturber la vie sociale, la réponse sera la répression. Nous ne sommes pas là pour prendre la place des forces de l’ordre, mais bien pour tendre la main à ceux qui n’ont pas de réponses et qui se retrouvent aujourd’hui échoués sans avenir avant qu’ils ne tombent dans le cercle vicieux de la violence. Il y a bel et bien deux choses, ceux qui nous accuseraient d’entretenir la délinquance ont tout faux, nous sommes simplement là pour dire : tous ceux qui veulent aller de l’avant, nous vous tendons la main. Les autres feront l’objet d’une autre réponse. 

FI : Quels sont les objectifs que vous vous fixez à travers ce dispositif ? 

N. Y. : Je pense que tout le comité de pilotage et les différents partenaires se fixent comme objectif principal de réduire les faits de violence sur le territoire. C’est la gangrène actuelle et force est de constater qu’il fallait, pour tenter de l’arrêter trouver autre chose. Et c’est donc peut-être en allant sur le terrain, en étant à l’écoute de ses attentes que nous serons les mieux armés pour être force de proposition pour affiner la réponse. Beaucoup de structures manquent sur le territoire et nous pouvons réclamer leur intervention à partir du moment où nous prouvons leur pertinence. Si on est sur le terrain et que l’on porte à partir de lui un discours cohérent, je porte l’espoir que des outils supplémentaires verront le jour. En nous réunissant toutes les semaines avec la préfecture, le Département, les forces de l’ordre et les autres associations, nous nous donnons les moyens de partager nos expériences, nos visions et porter des propositions pour développer de nouvelles solutions. 

Bien sûr que l’actuel dispositif ne réglera pas tout et qu’il faudra faire beaucoup plus, mais en attendant c’est la solution que nous avons et celle qui nous permet de travailler tous ensemble pour améliorer la réponse. On est dans une logique d’action, on se dit qu’il faut tenter, faire quelque chose et corriger au fur et à mesure. Cela va nous enrichir. C’est en tout cas le point de vue que nous portons chez Messo. 

FI : Concrètement 600 bénévoles, est-ce suffisant ? Trop ambitieux ? 

N. Y. : Oui, c’est ambitieux, mais il faut l’être sur ce territoire. Mais je ne pense pas que cela soit trop ambitieux et en tout état de cause, c’est un besoin. Comme je l’ai déjà dit, beaucoup de personnes œuvrent déjà au quotidien et ont besoin d’un cadre. À partir de là, ça ne me semble pas impossible – sinon nous ne participerions pas (rires) -, mais il va falloir beaucoup de communication. Notamment pour apporter une parole claire et cohérente envers les bénévoles, savoir comment les approcher avec beaucoup de transparence pour que chacun s’engage en toute connaissance de cause et que personne ne soit frustré, c’est très important. 

FI : Dans le même temps, de plus en plus de personnes investissent le terrain ou souhaitent l’investir à travers des groupes qui n’ont pas le dialogue avec les jeunes comme maître mot. Cela ne risque-t-il pas de télescoper votre action ? 

N. Y. : Il y aura toujours de la confrontation au niveau des idées. Nous avons tous des visions différentes sur les réponses à apporter aux problèmes de notre territoire, même au niveau des institutions. Après, rien n’est incompatible. Mais une chose est sûre, seul le droit doit l’emporte, il y a des lois qui régissent les dispositifs donc on ne peut pas faire n’importe quoi de son côté. Il y a les forces de l’ordre avec leurs responsabilités. Dans ce cadre, il y a des discours prônant le fait de prendre les armes que l’on ne peut pas entendre. Quand on se dit être Français, on se doit de rester dans le cadre de la loi, il faut être raisonnable et répondre par la violence, au-delà du problème légal, ne fait qu’attiser la haine. Ce n’est donc pas une réponse que nous pouvons cautionner. En ce qui nous concerne, nous sommes là pour apporter une solution alternative même si rien n’est absolument figé dans le temps. Nous pourrons très bien changer notre fusil d’épaule dans quelques mois et je sais que les institutions motrices de ce dispositif sont à l’écoute pour cela. 

FI : Comprenez-vous qu’une partie de la population ne veuille plus entendre parler de méthode douce, de dialogue ? 

N. Y. : Il ne faut pas se leurrer, il y a de vrais problèmes qui trouvent sans doute leur origine dans une croissance démographique extrêmement forte. Cela pose des enjeux énormes. De mon côté, je suis partisane de dire que la jeunesse doit être une force et non une faiblesse. Cela ne m’empêche pas de comprendre le ras-le-bol général par rapport à tout ce qu’il se passe et les violences quotidiennes, on ne peut que déplorer cela. Cette peur permanente dans laquelle vit la population est très pesante. Mais rappelons que nous avons des atouts énormes et cette jeunesse doit en être. Nous avons d’énormes besoins pour nous développer et la réponse est là : formons notre jeunesse. Je pense que la formation et l’emploi sont les deux clés du salut de notre territoire. Quelqu’un qui a une occupation journalière, qui a une rentrée d’argent voit sa vie changer. Nous avons beaucoup de jeunes que nous avons accueillis dans notre structure qui auparavant ne faisaient rien d’autre qu’errer et maintenant quand ils sont de 8h à 16h au travail, je peux vous assurer que lorsqu’ils rentrent, ils ont d’autres choses à faire que d’aller commettre des violences dans la rue. Je suis persuadée que la formation et l’insertion par l’emploi sont les seules chances pour notre territoire de trouver un nouvel équilibre. Les besoins de recrutement sont là, la jeunesse est là, maintenant il faut faire en sorte que les deux correspondent. C’est cela qui permettra de sortir du cercle vicieux de la violence. 

Au niveau de la population, je pense que beaucoup de peur s’est installée au fil des années et que les gens en ont marre de vivre comme cela. Ne pas pouvoir vivre sans craindre pour sa sécurité est insupportable et il est vrai que beaucoup de structures, notamment d’encadrement pour occuper la jeunesse, manquent. Quand ont été mis en place des centres d’accueil et de loisirs à Koungou pendant les vacances, force est de constater que cela marche. 

FI : Pensez-vous rapidement voir les effets concrets de ce dispositif ? 

N. Y. : Nous allons tout faire pour. Nous allons travailler main dans la main avec les associations. Si nous pouvons apporter un peu d’espoir à la population, à la jeunesse, c’est tout ce que l’on souhaite. Mais nous avons besoin de tout le monde, chacun doit se sentir libre de venir nous solliciter. Nous avons ici quelque chose de formidable qui est cet instinct de protection, nous sommes très protecteurs les uns des autres. Gardons cela. Je compte beaucoup là-dessus, sur la solidarité et l’envie de porter ce territoire vers une paix sociale. Rendez-vous dans un mois pour voir les premiers résultats, mais je suis convaincue que nous aurons de très bonnes surprises.

Tourisme à Mayotte : “On ne peut pas tout attendre de l’extérieur”

Déjà en temps normal, l’île aux parfums n’attire pas les touristes. Mais à l’heure où le gouvernement affiche une volonté de relancer rapidement le secteur dans les Outre-mer, quelles perspectives se dessinent pour Mayotte ? Pour le groupement des entreprises mahoraises spécialisées en la matière, les Mahorais devront être les premiers consommateurs du tourisme, à condition qu’il soit local. 

Et si la crise sanitaire profitait au tourisme dans les Outre-mer ? L’idée a de quoi surprendre, mais c’est pourtant celle formulée par le gouvernement depuis maintenant une poignée de semaines. Mi-mai, le premier ministre annonçait que les Français pourraient voyager partout dans l’Hexagone, ainsi que dans les DOM-TOM durant les vacances d’été. Une aubaine à l’heure où les séjours à l’étranger pourront être soumis à des restrictions particulières. 

Mais alors que le tourisme représente 10 % du PIB des territoires ultramarins, Mayotte fait, comme souvent, exception à la règle. Entre les tarifs pratiqués par Air Austral, la mauvaise image du département véhiculée par les médias et de lourds freins structurels, le tourisme peine à décoller. À ces blocages, s’ajoute désormais l’obligation d’une quatorzaine stricte à l’arrivée dans les Outre-mer, jugée particulièrement dissuasive par les professionnels du secteur. “Qui voudrait payer un billet d’avion 1.000 euros pour aller s’enfermer deux semaines dans un hôtel ?”, s’interroge Ali Abdou, directeur du Gemtour, le groupement des entreprises mahoraises spécialisées dans le tourisme. 

Alors, la semaine dernière, Édouard Philippe, suivi plus tard par Annick Girardin, ministre des Outre-mer, dévoilait vouloir expérimenter une nouvelle forme d’isolement pour les voyageurs en direction des territoires ultramarins. Concrètement, un dépistage au Covid-19 devrait être réalisé 48 heures avant l’embarquement, puis renouvelé une semaine après l’arrivée dans les DOM-TOM. Si celui-ci s’avère être négatif, les personnes concernées pourront y circuler librement. Un scénario que le conseil scientifique n’a pas encore approuvé, pas plus que les acteurs du tourisme eux-mêmes. Sur les réseaux sociaux, beaucoup de résidents ultramarins s’inquiètent d’ailleurs qu’une telle décision encourage la propagation du virus. “Est-ce que notre droit à la santé va être bafoué au profit de l’économie ?”, s’interroge sur Twitter un internaute qui pointe du doigt la vulnérabilité des systèmes de santé ultramarins. 

“Tant qu’il y aura une quatorzaine imposée, il n’y aura pas de touristes” 

“Quand on voyage jusque dans les Outre-mer (via un vol long-courrier, ndlr), les jours comptent !”, souligne le représentant du Gemtour. “Une semaine, c’est la durée “normale” d’un séjour. Tant qu’il y aura une quatorzaine imposée, même ramenée à sept jours, il n’y aura pas de touristes, ou ils préféreront aller vers les DOM où le billet d’avion coûte moins cher.” D’autant plus que depuis le début de la crise sanitaire, Mayotte concentre à elle seule plus de la moitié des cas de Covid-19 dans les Outre-mer. Une mauvaise presse, renforcée par les faits d’insécurité qui semblent se multiplier depuis les deux derniers mois. “Les autres DOM-TOM pourront tirer leur épingle du jeu pour les vacances de juillet-août, mais pour Mayotte, ça va être compliqué : on a des facteurs exogènes, l’environnement local ne s’apaise pas”, insiste le Gemtour, qui envisage toutefois une autre piste de développement : celle du tourisme local. Par les Mahorais, pour les Mahorais. 

Une stratégie qui pourrait se développer sur deux axes sur lesquels travaille activement le groupement des entreprises mahoraises du tourisme : la généralisation des tickets restaurants pour tous les fonctionnaires et le déploiement plus larges des chèques vacances. Concernant les premiers, le Gemtour s’étonne de voir que certains organismes majeurs, comme le syndicat des eaux ou la Cadema, n’y ont pas encore recours. S’agissant du second, s’ils ont été déployés localement sept ans 

plus tôt, ils sont encore à Mayotte quasi inexistants. Pourtant, développées à grande échelle, ces deux formules permettraient d’inciter la population à consommer et visiter local, qu’il s’agisse de bivouacs ou d’activités nautiques, de visites culturelles, de sorties au restaurant ou de séjours dans les hôtels. Ces derniers, d’ailleurs, principalement occupés par des professionnels en voyage d’affaires, seront particulièrement disponibles au cours des vacances d’été. Fait rare, l’île n’offrant qu’un petit millier de lits. 

“Consommer local ne fait pas partie des habitudes des Mahorais”, juge Ali Abdou. “Mais on peut l’impulser, on ne peut pas toujours tout attendre de l’extérieur. Pour ça, il faut anticiper, communiquer.” Problème, aucun groupe de travail n’a été constitué en ce sens par les autorités. “Il faut que les acteurs se bougent”, estime le directeur du Gemtour. Il juge par ailleurs qu’après deux mois de confinement et d’“épargne”, les Mahorais auront un pouvoir d’achat plus conséquent. Une affirmation toutefois relative, à l’heure où plus de 13.000 salariés sont, dans le département, concernés par le chômage partiel.

L’attente avant la reprise des vols à Mayotte

Le week-end dernier, la ministre des Outre-mer annonçait une reprise progressive des vols au cours de la deuxième quinzaine de juin. Comment cela pourrait-il se passer ? C’est encore flou. Et pour cause : les compagnies aériennes sont dans l’attente, elles aussi, de plus de détails. Ils devraient vraisemblablement tomber dans les jours à venir, une fois les décrets parus. 

Samedi 30, la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, durant son audition auprès de la délégation des Outremer de l’Assemblée nationale, annonçait une vraisemblable reprise des vols commerciaux vers Mayotte “sans doute” à partir de la seconde partie du mois de juin, les voyages pour “raisons impérieuses” demeurant la règle jusqu’au 22. Plus récemment, mardi 2 juin, la même ministre s’exprimait sur la chaîne Antenne Réunion. Au sujet du 101ème département, elle réitèrera ses dires, affirmant que “Mayotte s’ouvrira aussi directement vers la métropole d’ici quelques jours, mais j’aurais l’occasion de l’annoncer à Mayotte”. Bien, mais comment pourrait-elle s’organiser, cette reprise de vols ? Pour le moment, point de précisions et la compagnie aérienne desservant le territoire, Air Austral, confie être elle aussi dans l’attente de la publication des décrets qui rendront officielle la reprise des liaisons. “Nous n’avons pour le moment aucune information ministérielle sur le sujet, nous considérons donc que ce n’est encore qu’une possibilité”, explique la compagnie, qui concède toutefois avoir entendu la déclaration de la ministre : “On peut en effet espérer l’assouplissement des conditions de voyages, mais nous devons attendre que cela soit officiel pour dérouler notre programme.” 

En attendant, Air Austral travaille donc sur la base d’hypothèses, différents scénarios susceptibles d’évoluer. Elle poursuit donc son travail “sur des bases commerciales extrêmement souples qui permettent à notre clientèle de reporter de façon très simple les voyages s’ils ne sont pas possibles” et participe à une expérimentation, celle annoncée par la ministre et qui pourrait devenir une mesure obligatoire avant tout départ dans un territoire ultramarin : imposer un test dans les deux jours précédant le départ, mais aussi une septaine à l’arrivée accompagnée d’un nouveau test et, si ce dernier est négatif, une deuxième septaine allégée. “Nous avons récemment mené cette expérimentation sur un vol Paris-La Réunion”, détaille Air Austral, précisant que cela pourrait également servir lors de la reprise des vols vers Mayotte. 

Une reprise progressive ? 

Et à Mayotte, justement, la situation sanitaire étant ce qu’elle est – bien qu’en voie d’amélioration –, il semble que la problématique des conditions de déplacements ne soit pas encore tout à fait réglée. Ce que faisait remarquer Annick Girardin lors de son intervention chez nos confrères d’Antenne Réunion, en réponse à un auditeur inquiet de devoir voyager avec des passagers habitant à Mayotte où l’épidémie sévit encore. “Nous travaillons à pouvoir là aussi donner une garantie qui n’existe pas aujourd’hui”, a concédé la ministre. Comprendre : il va falloir sécuriser les vols pour que le virus ne se remette pas à circuler depuis Mayotte. 

Quoi qu’il en soit, la reprise devra être “progressive”, mais là encore, pour Mayotte, le doute plane. Air Austral détaille donc son ambition pour La Réunion, dans l’attente de plus d’informations concernant le 101ème département : “atteindre au mois de juillet une liaison quotidienne avec la métropole sur la base d’une reprise dès la mi-juin.” Dans tous les cas, “on est en capacité de réagir rapidement. Notre activité est en sommeil, mais peut repartir vite. On est prêt. On a juste besoin d’y être autorisé.”

Économie informelle à Mayotte : Le CODAF repart à la chasse

Après une suspension de ses activités pendant le confinement, le comité opérationnel départemental anti-fraude (CODAF) a repris ses activités il y a une semaine. Une première mission de contrôle a été effectuée dans le grand Mamoudzou et sans surprise, les fraudes constatées ont été nombreuses. 

Le comité opérationnel départemental anti-fraude a voulu marquer le coup après plus de deux mois d’inaction. Le 28 mai, une opération de contrôle a été coordonnée entre la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIECCTE), la police aux frontières (PAF) et la caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM). Cette mission est tout simplement liée à la reprise de l’activité économique. “On avait remarqué qu’à Mamoudzou, beaucoup de chantiers avaient repris, on y est donc allés un peu au hasard”, relate David Touzel, responsable de la lutte contre le travail illégal à la DIECCTE et secrétaire du CODAF. Contrôler de manière aléatoire est la procédure habituelle, mais les contrôles peuvent aussi être effectués lorsqu’il y a un signalement. Pour la première mission post confinement, 14 chantiers dans le secteur du bâtiment et 2 menuiseries ont été visités à Doujani, Cavani et Mamoudzou centre. “Dans tous les chantiers, sans exception, nous avons constaté des salariés pas déclarés. Sur la plupart des chantiers, il y avait aussi des salariés en situation irrégulière”, indique David Touzel. Deux menuiseries n’étaient pas non plus en règle, la situation de l‘une d’entre elles est particulièrement préoccupante. “La menuiserie en question était totalement clandestine c’est-à-dire que l’employeur n’avait pas déclaré son activité ni immatriculé sa société. Et les 7 ouvriers n’étaient évidemment pas déclarés et tous étaient en situation irrégulière”, précise David Touzel. Par ailleurs, deux des salariés de cette menuiserie étaient hébergés dans des conditions jugées indignes à côté de l’atelier. En somme, le CODAF a recensé 21 ouvriers non déclarés au préalable à l’embauche et parmi eux 11 sont en situation irrégulière à Mayotte. 

La crise sanitaire a mis à mal un pan de l’économie informelle, mais cette dernière a tout de même su faire de la résistance pendant le confinement. Selon le secrétaire du CODAF, “les activités qui étaient déjà dans l’économie informelle ont continué. Par exemple, un contrôle a été effectué il y a une dizaine de jours par l’administration de la mer, et elle a constaté la présence de pêcheurs en situation irrégulière.” 

Des sanctions dissuasives 

Les employeurs, tous en situation régulière ou ressortissants français, encourent des peines qui peuvent en dissuader plus d’un. Cela dépend du niveau de gravité de la situation. Lorsqu’une personne ne déclare pas son activité ou son salarié, elle risque jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende. Pour l’emploi de personnes en situation irrégulière, cela s’élève à 5 ans d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende par salarié étranger. À cela s’ajoutent les amendes de l’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) qui montent à plusieurs dizaines de milliers d’euros par salariés et qui sont “de plus en plus mises en œuvre”, selon David Touzel. Enfin, pour tous types de fraudes, la sécurité sociale demandera un remboursement des coûts de cotisations pour la période pendant laquelle l’employeur n’a pas déclaré. Le paiement des cotisations sociales est de ce fait la première cause du travail dissimulé. “Ils ne veulent pas payer les cotisations sociales ni le salaire minimum. Généralement, le salarié pas déclaré perçoit un salaire souvent très inférieur à ce qu’il percevrait s’il était déclaré. Des fois, c’est moins de 700 euros par mois”, indique le responsable de la lutte contre le travail illégal. Pour rappel, le salaire minimum à Mayotte s’élève à plus de 1.160 euros brut mensuel. Les salariés en situation irrégulière sont quant à eux pris en charge par la police aux frontières et reconduits. Malgré tout cela, les peines maximales ne sont généralement appliquées que lorsqu’il s’agit d’une récidive ou si l’activité illégale est trop importante à l’image de la menuiserie entièrement clandestine qui a été révélée. “S’il s’agit d’une première fois et que la situation n’est pas très grave, on propose à l’employeur un stage alternatif dans un organisme de formation pour qu’il s’informe”, fait savoir David Touzel.

Justice : “Mayotte ne pourra se construire que dans le respect de la loi”

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C’est un plaidoyer des plus fermes qu’est venu livrer Denis Chusserie-Laprée, procureur près la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion, dont dépend la juridiction de Mayotte. Plaidoyer de soutien envers le procureur Camille Miansoni – dont on apprend d’ailleurs le départ prochain -, mais aussi pour la justice. Celle de l’État de droit et contre celle, privée, dont l’apologie se fait de plus en plus courante.

C’est une chose peu commune pour un procureur général que de se faire avocat. “Mais les attaques dont j’ai pris connaissance à l’égard de Monsieur Miansoni sont tellement inacceptables que je ne pouvais imaginer être là pour lui apporter mon soutien”, explique Denis Chausserie-Laprée, le procureur général de La Réunion. Un soutien également apporté par “tous les procureurs de France, les 164”, assure par ailleurs le magistrat. Qui se fait donc l’avocat du procureur de la République à Mayotte, victime d’une campagne où se mêle “calomnie et propos racistes extrêmement graves” selon les mots de Denis Chausserie-Laprée qui n’a eu de cesse de vanter le travail effectué par Camille Miansoni à Mayotte. “Je suis donc venu dire très clairement l’entier soutien que j’apporte à Monsieur Miansoni qui a fait un excellent travail, au point que cet excellent travail est couronné par une promotion qui l’amènera à exercer pour la troisième fois la fonction de procureur”, a insisté le procureur général avant de préciser que le représentant du parquet à Mayotte prendra probablement la direction de Brest après un passage devant le Conseil supérieur de la magistrature qui doit statuer en dernier lieu sur cette promotion. Une promotion donc. Et gare à ceux qui verraient dans ce changement d’affectation une “victoire” après avoir réclamé le départ du procureur. “C’est aussi faux que si je disais que la terre était plate”, assure le représentant du ministère public indiquant que “cela faisait plusieurs mois que nous recherchions un poste à la hauteur de ses compétences”.

“Incitations à la justice privée insupportables”

Mais au-delà de la défense de Camille Miansoni, c’est bien celle de la justice qu’est venu assurer à travers son déplacement à Mayotte le procureur général. Car “en 32 ans de carrière, je n’ai jamais vu ça”, se désole-t-il. “Ça, ce sont les incitations à la justice privée qui sont tellement insupportables compte tenu des dangers que nous savons lui être systématiquement associés.” C’est aussi “la violence des commentaires qui ont été faits sur l’action du ministère public que je représente”. C’est, de manière générale, appeler à travers différents textes ou propos “à se tourner vers des méthodes que je ne pensais plus jamais rencontrer”, déroule le magistrat.

Un texte, en particulier, a fait bondir le procureur général. “La loi du talion contre l’impunité des criminels.” Un écrit diffusé sur les réseaux sociaux et qui va “à ma demande, donner lieu à la recherche de celui qui en est l’auteur qui de mon point de vue est non seulement constitutif d’un certain nombre d’infractions à la loi sur la presse sous la forme de diffamation ou d’injures à caractère racial, mais qui est également constitutif de mon point de vue de ce que la loi incrimine en tant qu’apologie de la violence. C’est tout simplement passible de cinq ans d’emprisonnement”, martèle le magistrat. “Je suis toujours surpris que ceux-là mêmes qui prétendent vouloir lutter contre l’insécurité, la première chose qu’ils font est de commettre différentes infractions”, insiste-t-il. Le ton est cinglant. À la hauteur du choc qu’a pu provoquer la lecture de différents textes chez ce serviteur de la justice, dénonçant avec force “l’ignorance terrible des mécanismes de notre justice”, dont on fait preuve selon lui leurs auteurs. L’occasion de rappeler que le procureur est en charge de “poursuites et des accusations, mais il n’est pas toute la justice. Et parce que les choses sont ainsi équilibrées, il y a aussi les décisions prises par les magistrats du siège. Et que ce soit à Lille ou à Toulouse, il n’est pas rare que ceux-ci prennent des décisions de relaxe. Ce n’est en aucun cas la démonstration d’un procureur qui aurait mal fait son travail, mais c’est tout simplement la règle procédurale. Et quoi qu’il en soit, ce n’est pas un homme qui décide, c’est une institution, Monsieur Miansoni sera remplacé par une personne qui, je l’espère fera le même travail et ce n’est pas les cris des uns et des autres qui y changeront quoi que ce soit. Car nous, nous agissons dans le cadre de la loi”.

Laxisme : “une accusation tout simplement fausse”

L’occasion aussi, pour le procureur général de remettre les choses à leur place quant à un supposé laxisme de la justice. “On parle de l’impunité ici, mais est-ce que vous savez aujourd’hui que sur tout le ressort de la cour d’appel de Saint-Denis, c’est le centre pénitentiaire de Majicavo qui est le seul à connaître un taux d’occupation au-delà des 100 % ? Les accusations qui sont portées contre l’institution judiciaire et le ministère public sont tout simplement fausses”, martèle le procureur général tout en précisant “qu’il y a un évident problème d’insécurité” sur le territoire. “Je ne dis pas qu’il n’y a pas de violence, je ne dis pas qu’il n’y a pas de cambriolages qui sont commis et évidemment qu’ils sont trop nombreux, évidemment que c’est compliqué pour nous d’identifier tous les acteurs. Mais croyez-moi, à chaque fois que le parquet de Mayotte considère que des éléments de preuve sont suffisamment établis, des poursuites sont engagées, quelle que soit la nature de l’infraction.”

Attaques ad hominem, régulièrement racistes, remise en cause de la justice, incitation à la violence, “tout cela est trop grave” pour Denis Chausserie-Laprée venu rappeler ici que “c’est inacceptable dans un État de droit”. Et son jugement est sans appel : “Mayotte est un jeune département, qui n’a cessé de rappeler son attachement à la France, mais Mayotte ne pourra se construire que dans le respect de la loi.

 

Une centaine de Mahorais (enfin) de retour au pays

Ouf de soulagement. 106 résidents de l’île aux parfums bloqués à La Réunion depuis le début du confinement ont finalement atterri à Mayotte mercredi après-midi, dans un avion affrété par la préfecture. Quelques heures plus tôt, tous ignoraient alors la date de leur départ.

Pour certains d’entre eux, l’attente aura duré plus de deux mois. Mercredi, 106 résidents mahorais ont pu regagner le territoire via un avion Air Austral spécialement affrété par la préfecture. Tous étaient jusqu’alors coincés à l’île de La Réunion, sans aucune visibilité sur la date de leur retour. Quelques renforts de la réserve sanitaire étaient eux aussi du voyage.

Comme deux semaines plus tôt, alors qu’un premier vol du même genre avait permis de ramener une cinquantaine de personnes, tous les passagers ont été soumis à un contrôle sanitaire à peine le pied posé sur le tarmac. Après une distribution de masques chirurgicaux et de gel hydroalcoolique, les voyageurs ont dû, un à un, passer sous la tente installée là par la Croix-Rouge française où leur température a été prise. Dernière étape, mais pas des moindres : une quatorzaine stricte à domicile et régulièrement suivie par téléphone par la préfecture. Au préalable, l’ensemble des passagers ont dû attester sur l’honneur ne pas avoir été en contact avec des personnes atteintes du Covid-19.

Pour en arriver là, la préfecture, justement, a dû “prioriser les demandes” de rapatriement, explique le sous-préfet Julien Kerdoncuf, qui cite “des motifs impérieux, médicaux, familiaux ou professionnels”. Aux commandes de ce délicat recensement, la préfecture, la délégation du conseil départemental de Mayotte à l’île de La Réunion, mais aussi un collectif de citoyens qui s’était spontanément organisé sur place.

Une communication compliquée

Parmi les passagers, Ibrahim*, coincé à La Réunion depuis le début du confinement est “tombé par hasard”, une dizaine de jours plus tôt, sur une publication Facebook de ce même collectif, qui partageait alors le formulaire en ligne de recensement. “Et là, ça s’est compliqué”, plaisante-t-il à peine après avoir passé le contrôle sanitaire. Le Mahorais qui devait rentrer pour des raisons familiales appelle alors la maison de Mayotte à La Réunion, qui le réoriente vers la préfecture. “Il m’a fallu une semaine pour les avoir, ils m’ont fait tourner en rond”, souffle-t-il sous le masque chirurgical que les personnels de l’ARS viennent de lui remettre. “La préfecture de Mayotte ne répondait pas, celle de La Réunion ne savait pas grand-chose.” Finalement, il apprend qu’il pourra partir seulement la veille du décollage, en fin d’après-midi. Devant la grande toile de tente blanche floquée d’une croix rouge, Alice* hoche la tête en signe d’acquiescement. Après avoir réservé un billet quelques mois plus tôt, bien loin de se douter de la crise sanitaire à venir, elle voit rapidement le vol qu’elle devait impérativement prendre pour des raisons professionnelles cette fois, être annulé. Mardi soir, après des semaines d’attente et “aucune info de la part de la préfecture”, elle découvre elle aussi qu’elle embarquera dès le lendemain, pour une arrivée prévue à 14 heures.

C’est pourtant deux heures plus tard que le Boeing atterrira sur le tarmac de Mayotte. La raison de ce retard ? “Je n’ai pas de précision là-dessus”, répond le sous-préfet qui était venu accueillir les voyageurs. Pourtant, d’autres employés de la préfecture feront état d’un “bruit suspect” lors de la préparation au décollage, qui a contraint le personnel navigant à évacuer de l’appareil la centaine de personnes déjà installées, pour que des vérifications puissent être faites. Dimanche, moins d’une centaine d’étudiants devraient eux aussi regagner le département depuis La Réunion, où ils sont actuellement hébergés par le Crous.

* Les prénoms ont été modifiés

 

La santé financière des communes mahoraises en réanimation

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La crise sanitaire a conduit à une crise économique qui met à mal les collectivités. Mayotte est fortement touchée, et les communes suffoquent sous les dettes qui s’accumulent alors que les recettes financières ne cessent de baisser. Pour panser l’hémorragie, l’État a décidé de mettre la main à la poche. Parmi les mesures phares, la compensation de l’octroi de mer si important pour les communes mahoraises.

Les communes de Mayotte vont mal. Très mal si l’on en croit les dernières annonces du préfet. “Aujourd’hui, une grosse moitié des communes rencontrent des difficultés financières. Certaines parce qu’elles ont des problèmes structurels et puis d’autres parce que les recettes liées à l’octroi de mer et à la taxe sur le carburant ont chuté”, indique Jean François Colombet, préfet de Mayotte. Sur 17 communes, environ 8 à 9 seraient dans un état critique et ne seraient plus en mesure de payer leurs salariés dans deux à trois mois. Une réunion d’urgence a donc eu lieu vendredi dernier en présence du premier ministre, des différents préfets de l’Outre-mer et des présidents des associations des maires pour ne citer qu’eux. Le gouvernement a décidé d’octroyer 110 millions d’euros aux territoires d’Outre-mer afin de compenser la chute de l’octroi de mer et de la taxe sur le carburant. L’octroi de mer a un poids considérable à Mayotte et à cause de la crise sanitaire la perte a été conséquente. “Au mois d’avril 2020, le montant de l’octroi de mer s’est élevé à 5 millions d’euros. C’est une baisse de 21 % par rapport au mois d’avril de l’année dernière”, explique le préfet. Cette baisse très sensible affecte l’équilibre financier des communes qui dépendent de cette taxe. En moyenne à Mayotte, l’octroi de mer rapporté représente 38,8 %. À titre de comparaison, le pourcentage s’élève à 25 % à La Réunion.

Le remboursement de cette taxe sera basé sur les recettes fiscales perçues ces trois dernières années (2017-2018-2019) par chaque commune. Le montant sera divisé par trois afin d’établir une moyenne. Les communes qui auront une recette fiscale supérieure ou égale à cette moyenne n’auront rien, et celles qui en auront une inférieure seront automatiquement remboursées. Le remboursement devrait se faire dans les plus brefs délais puisque “c’est dans le projet de loi de finance rectificatif qui sera examiné par le parlement au cours des mois de juin et juillet”, précise Jean-François Colombet.

Sortir les communes de l’état critique par tous les moyens

La compensation de la taxe sur le carburant et l’octroi de mer aidera certainement les communes, mais ne les sauvera pas complètement. D’autres coups de pouce sont nécessaires pour sortir la tête de l’eau. Le remboursement d’une autre taxe est convoité par les maires. Le système des Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) devrait être revu. Normalement, les communes qui ont investi de manière conséquente sont remboursées une partie, mais seulement à N+2. “Nous avons demandé que le FCTVA de 2019 soit versé en 2020 parce qu’en 2019 les communes ont versé beaucoup d’argent. L’État a dit qu’il était favorable. Nous négocions donc avec l’agence française de développement pour qu’il nous fasse une avance et elle touchera en 2021 ce que nous devions recevoir”, annonce Said Omar Oili, président des associations des maires de Mayotte. Cette avance permettrait entre autres de financer les chantiers déjà engagés.

Said Omar Oili indique que ses confrères et lui ont également demandé des avances de 50 % sur les différentes aides nationales et européennes habituellement octroyées aux territoires.

À cela, s’ajoute une autre mesure économique qui se veut également sociale. “L’État va augmenter le quota des emplois aidés, particulièrement à Mayotte, pour que l’on puisse donner du travail à ceux qui se sont retrouvés sans emploi pendant la crise”, selon le président des associations des maires de Mayotte.

Pourquoi les communes mahoraises vont-elles si mal ?

La crise sanitaire n’a fait que mettre en évidence les différentes failles du système économique à Mayotte. En réalité, la santé financière des communes mahoraises est dans un état critique depuis bien longtemps. “Cela est principalement dû à la recette fiscale qui est très inférieure à ce que les communes devraient réellement recevoir. Mais il y a un réel travail de fond à faire notamment sur l’adressage. Beaucoup de personnes et de bâtiments échappent à l’impôt. Nous devons identifier ceux qui habitent chez nous pour que tout le monde paye les impôts. Si on arrivait à faire payer tout le monde, nos recettes fiscales seraient supérieures à l’octroi de mer” , selon Said Omar Oili. Dans les autres territoires, les recettes fiscales représentent en moyenne 65 à 70 % du budget, selon ce dernier. Ce qui est loin d’être le cas à Mayotte. “La fiscalité directe locale progresse d’année en année de 10 % environ, mais elle reste quand même très faible”, constate également Jean François Colombet. Toutes ces aides régleront donc une partie du problème à court terme, mais il semble que les soins prodigués devront se multiplier pour sortir les communes mahoraises de la réanimation.

 

Masques : une gestion élastique pour couvrir les besoins à Mayotte

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Depuis le début de la crise, les masques sont au centre des débats. L’agence régionale de santé doit gérer un stock important pour approvisionner les professionnels de santé libéraux ainsi que les habitants contaminés au Covid-19 et leurs cas contacts. Un travail rigoureux qui exige une organisation minutieuse pour ne pas faire voler en éclat la gestion de ce précieux sésame.

Arrivé à l’agence régionale de santé le 17 février dernier en tant que responsable financier, Victor Mathe a vu son poste quelque peu évoluer avec la crise sanitaire que subit Mayotte depuis bientôt trois mois. Dans son bureau situé au rez-de-chaussée, le jeune homme doit se frayer un chemin à travers les monticules de cartons qui jonchent la pièce pour rejoindre son siège. Covid oblige, il apporte alors sa pierre à l’édifice au service logistique des masques. Une plateforme indispensable qui permet de fournir des protections aussi bien aux professionnels de santé de libéraux qu’aux personnes contaminées et à leurs cas contacts.

Mais avant cela, l’ARS doit tout d’abord batailler avec Paris pour recevoir des quantités suffisantes. Et à ce petit jeu-là, elle n’a pas tout à fait la main, même si l’envolée de la propagation du virus de ces dernières semaines lui assure de se trouver sur la pile des dossiers prioritaires du gouvernement. “Notre stock se gère à l’échelle nationale par Santé Publique France. Et nous avons une équipe ici qui s’occupe de la priorisation du fret médical”, précise Victor Mathe. Une fois acheminés sur l’île aux parfums, les transitaires récupèrent le colis et se chargent de les envoyer dans trois points identifiés et sécurisés pour éviter des vols, comme cela a pu être le cas il y a quelques semaines au centre hospitalier de Mayotte. “Nous avons un suivi rigoureux avec un bon vieux fichier Excell pour gérer notre distribution”, sourit-il.

Distribution dans les officines et à domicile

Tout ce travail en amont s’articule dans un but précis : la délivrance de masques chirurgicaux et FFP2 dans la vingtaine d’officines du territoire, que viennent ensuite récupérer les différents libéraux, à raison d’une fois toutes les deux semaines. Selon leur patientèle, les 11 chirurgiens-dentistes, les 149 infirmiers, les 55 kinésithérapeutes, les 34 médecins, les 23 pharmaciens et les 26 sages-femmes reçoivent chacun une quantité bien déterminée en accord avec les réglementations (voir tableau). Ces chiffres sont en constante augmentation en fonction de la réouverture de certains cabinets jusqu’alors fermés. Autres habitants concernés par cette distribution ? Les personnes testées positives et leurs cas contacts. “Chacun d’eux reçoit quinze masques pour la période d’incubation, soit une huitaine de jours.” À la différence des professionnels de santé, le mode de réception est sensiblement différent. Ce sont des bénévoles du comité régional olympique et sportif (Cros) qui gère les livraisons au domicile des habitants concernés.

Si la gestion des stocks a pu parfois paraître sensible aux yeux de l’opinion publique en raison de l’explosion de la demande internationale, l’agence régionale de santé certifie que la période la plus délicate est bel et bien derrière elle. “La semaine dernière, nous avons reçu une grosse quantité de SPF. Il y a eu des moments un peu critiques, en termes de gestion, il n’y a pas eu de pénurie. En tout cas, nous ne sommes plus en flux tendu, comme cela peut être le cas actuellement pour les blouses”, concède Victor Mathe. Pour se soulager, l’ARS a également commandé 4.000 masques en tissu à une entreprise locale pour protéger ses agents sur le terrain ainsi que les associations avec qui elle collabore. Toujours est-il que le responsable financier met quiconque au défi de réussir cette mission épineuse sans traverser aucune zone de turbulence : “Cela ne se fait pas aussi facilement que ce que les internautes pensent sur Facebook…”

 

Propagation du virus : vers un répit à Mayotte

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Mayotte toucherait-elle du doigt le déclin de l’épidémie de Covid-19 ? Si la vigilance continue de s’imposer, les chiffres publiés par l’ARS tendent à rassurer. À défaut de la certitude d’une sortie de crise immédiate, on assiste en tout cas, au moins, à une période de répit. 

Sept cas de Covid-19 supplémentaires par rapport à la veille et une marche symbolique de 2.000 cas toujours pas atteinte : sans s’emballer pour autant, l’agence régionale de santé observait l’avenir de manière un peu plus sereine qu’à l’accoutumée, hier, lors de la désormais traditionnelle présentation des chiffres de l’épidémie. Au total, 1.993 cas étaient confirmés à Mayotte, dont “les trois quarts guéris”, précisait la directrice de l’organisme, Dominique Voynet. 

Des chiffres qui ne tiennent toutefois pas compte de la dernière salve d’analyses d’une centaine de tests menés à la prison de Majicavo, et dont les résultats étaient encore attendus. Toutefois, le nombre de personnes à risques au sein de l’établissement pénitentiaire est “très réduit”, et l’isolement inhérent à leur privation de liberté rend inopérant le risque de transmission. Ce sont donc surtout les gardiens qui représentent un risque du fait de leurs allers et venues entre l’extérieur et l’intérieur de la prison. D’où l’importance majeure du contact-tracing de ces derniers. 

Hormis ce principal cluster, on observe donc une diminution des cas positifs par rapport à la semaine dernière et un taux de positivité lui aussi en baisse depuis, pour sa part, trois semaines. Logiquement, le taux d’hospitalisation baisse lui aussi. En service de réanimation, par exemple, “nous avons largement ce qu’il faut” en termes de lits. Et si cette diminution du nombre de cas est souvent imputée à une baisse des tests pratiqués – baisse réelle compte tenu des difficultés à obtenir les matériels nécessaires, mais aussi de la baisse des prescriptions, des demandes de tests par de potentiels porteurs du virus, etc. –, elle ne contrecarre pas la baisse constatée du taux de positivité, ni celle du R0. Un R0 toujours en dessous de 1, et pour lequel “nous n’observons pas, à ce stade, de hausse à la suite des préparatifs de l’Aïd”, qui avait notamment vu l’organisation d’un marché non déclaré et très fréquenté à Majicavo-Dubaï. Rassurant, mais la vigilance doit toutefois demeurer. 

Dengue : le plus dur est passé 

Autre épidémie, particulièrement forte cette année : la dengue. Celle-ci touche vraisemblablement à sa fin avec, malgré des indicateurs qui demeurent encore élevés, un “effondrement du nombre de consultations, des hospitalisations, et du nombre de tests”, a constaté Dominique Voynet. Verrait-on le bout du tunnel d’une année épidémique décidément bien agitée ? C’est à espérer.

Carla Baltus, présidente du Medef à Mayotte : “Il ne faut pas se le cacher, la reprise sera difficile”

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Même avec la reprise progressive des activités dans le 101eme département, les entreprises risquent de se heurter à plusieurs obstacles. La perte des aides et les coûts supplémentaires, liés aux dépenses pour le respect des règles sanitaires, pourraient freiner la relance. La présidente du Medef à Mayotte soulève plusieurs points de vigilance. Entretien. 

Flash Infos : À Mayotte, passée en orange, la vie économique peut progressivement reprendre depuis ce mardi. À cette occasion, vous avez participé à une réunion avec le préfet. Quels sont les principaux points que vous avez abordés ? 

Carla Baltus : C’était en effet notre quatrième rencontre depuis le début du confinement et nous en avons profité pour balayer tous les sujets. D’abord, nous avons fait remontrer notre inquiétude au sujet de la fermeture de l’aéroport. C’est un véritable handicap, alors que les commerces ont rouvert progressivement depuis l’Aïd environ, et que nous avons des besoins de fret aérien. Nous devons aussi nous déplacer pour nos activités économiques. À ce sujet, le préfet va plutôt dans notre sens, même si nous sommes tous suspendus aux observations du comité de la santé, et à la décision au niveau national. Des dates ont commencé à être évoquées pour la reprise des vols commerciaux, mais rien n’est encore officiel malheureusement. Ensuite, notre deuxième préoccupation va à la réouverture des administrations. Beaucoup sont encore fermées, alors que nous en avons besoin pour des formalités, et pour préparer le rebond, notamment avec le plan de convergence. Il va vite falloir relancer les permis de construire, les bureaux d’étude, reprendre les grands projets et les chantiers, et pour cela, nous avons besoin des administrations, des mairies, de la Deal, des collectivités dans leur ensemble. Enfin, nous avons beaucoup parlé de l’accompagnement vers la reprise, que ce soit au sujet des dispositifs d’aide déjà initiés ou encore des surcoûts liés aux nouvelles règles sanitaires. 

FI : Justement, depuis le 1er juin, le dispositif d’activité partielle a été revu : l’État et l’Unédic ne prendront plus en charge que 85 % de l’indemnité versée au salarié. La mesure s’appliquera-t-elle à Mayotte comme en métropole ? 

C. B. : Nous n’avions plus beaucoup de doute sur la décision, qui nous a en effet été confirmée mardi lors de cette réunion avec le préfet : tous les textes sont nationaux, et il en va de même pour l’activité partielle. Dès ce lundi, 15 % de l’indemnité revient donc à la charge des entreprises, à Mayotte exactement comme en métropole. C’est une façon de pousser les entreprises à remettre les salariés au travail. 

FI : Ouvrir peut donc être synonyme de perte des aides, de recettes moindres et de coûts supplémentaires pour assurer le respect des règles sanitaires… 

C. B. : Effectivement, de nombreux dispositifs de soutien s’arrêtent. C’est le cas notamment du report de charges. Mis à part pour les secteurs de l’hôtellerie-restauration/tourisme qui vont pouvoir continuer à en bénéficier jusqu’à la fin de l’année, tous les autres devront recommencer à payer leurs cotisations à partir du 15 juin. Et il faudra alors retourner négocier les échéanciers, car il apparaît que toutes les entreprises ne pourront pas bénéficier d’exonération. Les textes officiels ne sont d’ailleurs pas encore très clairs sur ce sujet. Heureusement, le conseil départemental commence à mettre en paiement les aides, et nous espérons que les entreprises vont pouvoir les toucher, même en retard. Cela ne sera pas de trop, car la reprise va aussi demander des investissements pour respecter les règles d’hygiène sanitaire. Nous risquons d’ailleurs d’avoir des problèmes d’approvisionnement en plexiglas par exemple, vu que l’aéroport est encore fermé. 

FI : Comment les entreprises vont-elles être accompagnées pour faire face à ces défis et réussir la relance ? 

C. B. : Il ne faut pas se le cacher, la reprise risque d’être compliquée. La préfecture est en train de voir comment coordonner tous ces sujets, et de notre côté au Medef, nous allons accompagner nos adhérents au mieux pour qu’ils puissent bénéficier de subventions, et réussir la reprise de leurs activités. Nous restons vigilants quant aux différents dispositifs. Nous avons d’ailleurs profité de cette réunion pour aborder aussi le sujet des aides de la Sécurité sociale pour les équipements de protection : l’Assurance maladie pourra prendre en charge 50 % des dépenses hors taxes, et ce jusqu’à 5.000 euros, ce n’est donc pas négligeable. Mais le problème, c’est que cette aide est conditionnée au document unique, le livret qui recense les risques liés aux activités d’une entreprise et les précautions qu’elle prend pour y faire face. Or beaucoup d’entreprises mahoraises n’ont pas ce document en leur possession, car il peut être assez lourd à mettre en place, jusqu’à 3.000 euros par entreprise, d’après certaines estimations. C’est un peu comme pour l’attestation fiscale, les aides pour les travailleurs indépendants, dont nous n’avons pas pu bénéficier à Mayotte car le statut n’existait pas encore, ou encore l’indemnisation des employés de maison en activité partielle. La volonté politique se heurte aux spécificités locales, et il est parfois difficile aux entreprises de se conformer à tous les prérequis pour obtenir les aides. 

Dernier point de vigilance, qui nous a été remonté par plusieurs entreprises et que nous relayons : beaucoup ont obtenu le prêt garanti par l’État (PGE). Le problème, c’est que les banques leur refusent désormais des emprunts, sous prétexte qu’elles sont surendettées. Résultat, certaines risquent de se retrouver coincées par ce crédit, destiné à payer les fournisseurs, à rembourser les dettes, alors qu’elles souhaiteraient se lancer sur de nouvelles opportunités de marché. Pour les petites et moyennes entreprises qui espéraient bénéficier du contrat de convergence, cela risque d’être un frein. La relance pourrait en pâtir…

Après la marche de Petite-Terre, une course autour de l’île de Mayotte

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Contre l’insécurité, et surtout l’impossibilité de circuler librement, impossible de rester assis considèrent les trois initiateurs du Challenge Mayotte tour. Pour ces trois sportifs, il faut même aller plus vite qu’en marchant. Leur idée donc : porter la volonté de pouvoir traverser l’île de part en part sans craindre pour sa sécurité en la traversant concrètement lors de courses à pied. 

“Je connais des jeunes d’Hamjago qui n’osent pas se rendre à M’tsamboro de peur d’être victimes d’agressions.” Le constat de Chad est amer. Pourtant, son île n’a pas toujours rimé avec insécurité. “Avant de quitter Mayotte, vers l’âge de 15 ans, je me souviens que je pouvais aller n’importe où sans me poser de question, je faisais tout à pied. J’allais à pied jouer au foot à Mliha alors que j’habitais Hamjago. Maintenant, ce n’est plus du tout imaginable, depuis que je suis rentrée en 2011 c’est de pire en pire, on ne peut plus rien faire sans penser à sa sécurité”, se désole l’ancien militaire. Une vie passée à laquelle il n’hésite d’ailleurs pas à faire référence pour appuyer son propos. “J’ai servi la France pendant de longues années et j’ai été envoyé en Afghanistan. Là-bas, on sortait toujours armé et casqué avec la peur pour notre sécurité. J’exagère un peu mais quelque part je retrouve aujourd’hui ce même sentiment à Mayotte. Les gens ont peur de se déplacer”, fait valoir Chad. Alors, pour dénoncer cette peur issue de l’insécurité, le sportif et deux de ses compères, Ybnou et Adifane ont pris leurs bâtons de pèlerin. Ou plutôt leurs chaussures de course. Et ont créé le Challenge Mayotte Tour. 

“Montrer que l’on doit pouvoir traverser n’importe quel village sans crainte” 

“L’idée c’est que l’on traverse tous les villages de l’île en courant avec chaque mois une étape d’environ 19-20 kilomètres, on souhaiterait mobiliser à travers cela et montrer que l’on doit pouvoir circuler librement à Mayotte”, explique le coureur. Si une première étape “test” a déjà été parcourue le mois dernier entre Mamoudzou et Sada “pour voir comment ça se passe et ajuster au besoin”, la deuxième course, prévue le 21 juin sera des plus symboliques. “Nous avons choisi de partir de la station Total de Longoni, lieu de nombreuses violences le week-end dernier”, annonce Chad. L’arrivée, elle, est prévue à Hamjago. Et pour ceux que les dizaines de kilomètres à parcourir auraient tendance à refroidir, le message est clair. Comme contre l’insécurité, “chacun peut participer à sa manière”, explique le membre du trio. “On peut par exemple se mobiliser sur le parcours avec des banderoles, des T-shirts mais on peut aussi tout à fait courir un kilomètre, rejoindre le peloton quand il traverse son village, courir ou marcher, l’important, c’est que le message passe, de montrer que l’on doit pouvoir traverser n’importe quel village de notre île”, appuie le sportif que rien ne semble plus pouvoir arrêter. 

“Il faut agir, que chacun prenne ses responsabilités et arrête d’accuser untel ou un autre pour la situation qui existe sur notre territoire. Nous avons tous un rôle à jouer et si nous ne faisons rien, la situation continuera d’empirer. De nôtre côté, c’est notre manière de nous mobiliser et je pense que le faire à travers le sport va dans le bon sens car il a des vertus thérapeutiques. Certains ont choisi de marcher, pour nous c’est la course à pied”, plaide encore l’ancien militaire, bien décidé à faire grossir ses rangs. Et au pas de course !

Une rentrée entre enthousiasme et questionnement au collège K1

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C’était une rentrée pas comme les autres vécue par les 4.000 à 5.000 élèves du second degré qui ont repris le chemin de l’école hier. Au collège K1 à Kaweni, la reprise a été minutieusement planifiée. L’équipe pédagogique s’en félicite et les élèves sont heureux de retrouver les bancs de l’école.

275 élèves de cinquième étaient attendus au collège K1 ce mardi 2 juin. Environ deux tiers d’entre eux ont répondu présents. Un chiffre qui satisfait le principal du collège. Tous se sont pliés aux nouvelles règles imposées sans aucune difficulté. Les changements s’opèrent dès le portail d’entrée. Les agents postés à l’accueil ne peuvent laisser passer que les élèves qui figurent sur les listes en leur possession. Le collège a choisi de faire revenir en premier les 10 classes de 5ème. Toutes sont divisées par deux, le premier groupe est accueilli le matin à partir de 8h pour une durée de trois heures, et le deuxième groupe l’après-midi à partir de 13h. “Nous sommes chargés d’accueillir les élèves en leur donnant un masque et nous fournissons du gel hydroalcoolique au personnel”, explique Ansfati à l’accueil. Cette dernière redoutait la réaction des jeunes, mais elle a été surprise par leur coopération. “Honnêtement, je pensais que ça allait être compliqué avec les élèves, mais finalement ils nous ont écoutés.” Port du masque, lavage des mains, s’aligner tout en respectant la distance d’un mètre, les élèves ont en effet suivi les indications avec le sourire. Ils ont pu bénéficier d’une démonstration du port du masque avant d’entrer dans l’établissement. Une fois à l’intérieur, ils sont orientés vers l’un des quatre points d’eau du collège pour laver leurs mains avec de l’eau et du savon. Ensuite, chaque élève rejoint la file qui correspond à sa classe en suivant les marquages au sol. Un deuxième lavage des mains avec du gel hydroalcoolique est obligatoire avant d’entrer dans la salle de cours. Malgré toutes ces nouvelles règles, les collégiens ne manquent pas d’enthousiasme à l’idée de retrouver leurs camarades, à l’image de Farza. “Je suis contente de retourner à l’école, ça m’avait manquée. J’adore l’école, car c’est le meilleur chemin de la vie. Les cours à la maison c’était difficile pour moi. Je préfère apprendre avec mes professeurs et mes camarades. Je trouve que j’apprends mieux.” Elle admet cependant que la distanciation physique lui pose problème, mais “je ferai avec, je n’ai pas le choix”, déclare-t-elle. D’autres sont heureux de retrouver leurs enseignants afin d’être rassurés sur l’avenir qui leur parait encore incertain. “Je voulais revenir au collège pour mieux connaitre la crise qu’on traverse et ce qui nous attend plus tard. Et même si j’ai peur de croiser des gens contaminés sans le savoir, je devais revenir”, témoigne Saila. Très consciente du danger du Covid-19, cette élève avait déjà pris ses dispositions. “Je ne serre plus la main aux gens, j’évite les embrassades et je garde toujours un mètre de distance, donc les nouvelles règles du collège ne me dérangent pas.”

“La motivation des élèves ne me fait pas regretter mon choix”

Un des professeurs d’EPS du collège le confirme, “les élèves connaissent la plupart des gestes barrières”. Cela étant, tous les enseignants doivent en premier lieu apprendre ces gestes aux élèves. Tout le personnel de l’établissement, sans aucune exception, a suivi une formation aux gestes barrières d’une heure, dispensée par l’infirmière du collège qui elle-même a été formée par le médecin de l’Éducation nationale. Les enseignants qui ont accepté de fréquenter à nouveau l’établissement sont plutôt rassurés de constater que le protocole sanitaire est scrupuleusement respecté. “Nous avons pris toutes les mesures nécessaires pour éviter ou du moins limiter les contaminations donc je suis serein”, indique le professeur d’EPS. Sa collègue, professeur d’anglais, tient plus ou moins le même discours. “Comme tout le monde, j’ai un peu peur, mais il faut reprendre à un moment donné alors je suis là parce que les élèves ont besoin de nous.” Cette dernière affirme que certains de ses élèves ont rencontré beaucoup de difficultés à suivre les cours à la maison, particulièrement ceux qui n’ont pas internet. “Ils sont tous motivés et contents d’être là. Cela ne me fait pas regretter mon choix.” Cette première semaine sera en grande partie dédiée aux procédures administratives pour la prochaine rentrée, et à l’explication des nouvelles règles. Chaque jour sera consacré à un niveau de classe différent.

Afin d’éviter le brassage des élèves, le collège est divisé en trois secteurs et les élèves de différents niveaux n’ont pas le droit de se mélanger. Le principal a entièrement repensé le flux de circulation au sein de l’établissement. “Nous avons interdit l’accès à l’étage. Nous utilisons uniquement les salles du rez-de-chaussée. De plus, toutes les classes n’iront pas en récréation en même temps. Enfin, les élèves resteront toujours dans la même salle et ce sont les professeurs qui se déplaceront”, informe Christophe Jacquet, le principal. Malgré tous ces efforts pour respecter le protocole sanitaire, une étape manque à l’appel. La température des élèves n’est pas prise à l’entrée de l’établissement puisqu’il n’est pas équipé de thermomètre réglementaire permettant de le faire, selon l’infirmière du collège.

 

L’accès à l’eau, le cheval de bataille de l’agence régionale de santé de Mayotte

Quelques jours après le début du confinement, l’agence régionale de santé a décidé de faciliter l’accès aux bornes-fontaines aux populations les plus précaires, mais aussi d’installer des rampes de distribution d’eau. Des dispositifs indispensables qui permettent de lutter contre l’épidémie de Covid-19. 

Mardi, 8h30. Devant la borne-fontaine de Bandrajou, salouvas multicolores des habitants du quartier scintillent à proximité de tee-shirts noirs de l’association ABK. Au sol, des dizaines de bidons s’entassent tandis qu’une jeune fille, foulard rouge enroulé sur la tête, regarde du coin de l’œil son récipient se remplir. Jusque-là rien d’inhabituel pour ce public précaire, qui utilise une carte monétique délivrée par la Smae pour récupérer 10 mètres cubes. Mesure de confinement oblige, synonyme pendant au moins un temps de l’arrêt de l’économie informelle, l’agence régionale de santé prend la décision dès le 23 mars de permettre à cette population de bénéficier d’un accès gratuit mais limité aux 64 bornes-fontaines réparties sur l’île. Depuis cette date donc, la Croix Rouge et onze structures œuvrent sur le terrain pour promouvoir les gestes barrières, comme le lavage des mains, et assurer directement les distributions d’eau. “Nous les avons formés pendant une heure et nous leur avons donné un guide de bonnes pratiques et des affiches. Nous leur avons aussi expliqué qu’en cas d’attroupements ou de présences d’enfants, il fallait stopper l’opération”, confie Léa Lemay du service santé environnement à l’ARS, après sa discussion avec Hamid Soumeth, le responsable du projet durant la crise pour l’association de quartier de Bandrajou-Kawéni (ABK), qui se plie en quatre du lundi au samedi, de 7h à 10h et de 16h à 18h. 

50 rampes supplémentaires au mois de juin 

Mais ce n’est pas tout. Le déploiement insuffisant de ces bornes-fontaines sur l’ensemble du territoire pousse l’agence sanitaire à aller encore plus loin. Si l’ouverture d’établissements recevant du public ne porte pas officiellement ses fruits, à cause d’une absence de communication des communes, la réalisation de quinze rampes d’eau dans les quartiers défavorisés s’avère plus reluisante. “Il s’agit d’un simple grillage rigide avec un tuyau et trois robinets accessibles à tous de 7h à 16h”, détaille à son tour Christophe Riegel du même service. Une deuxième phase doit suivre au mois de juin avec l’installation de cinquante nouvelles rampes, avant qu’une nouvelle étape n’offre ce type d’infrastructures dans l’ensemble des villages sur le long terme. Seule contrainte technique ? Le raccordement sur des canalisations d’adduction, qui permettent de maintenir les réservoirs en eau potable en cas d’arrêt du réseau de distribution. 

À l’heure actuelle, un tiers des habitants de Mayotte n’a toujours pas accès à l’eau courante dans son logement. Un constat accablant qui est à l’origine de nombreux cas récurrents de typhoïdes, d’hépatites A ou encore de gastro-entérites, comme le précise Christophe Riegel. “L’objectif est d’éviter ces autres épidémies pour ne pas saturer le système de santé.” Alors oui, depuis le début de la crise, les chantiers et les initiatives se multiplient pour que cette ressource devienne pérenne sur le territoire. Mais pour Hamid Soumeth, “l’individu est le premier acteur de sa santé”. À chacun donc de mettre de l’eau dans son vin…

Des distributions gratuites qui représentent une goutte d’eau 

Depuis la mise en place de la gratuité sur les bornes-fontaines, 1.860 mètres cubes d’eau ont été distribués à la population dans le besoin, soit l’équivalent de 1.240.000 bouteilles de 1.5 litre. Les associations ont utilisé 54 cartes de rechargements de 30 mètres cubes, ce qui représente un montant global de 6.000 euros. En parallèle, les dix rampes mises en service n’ont distribué que 233 mètres cubes en deux semaines, soit environ 0.05 % de la distribution d’eau par rapport à l’ensemble des abonnés qui consomment 34.000 mètres cubes par jour. “L’effet d’échelle est abyssal”, tempère Christophe Riegel. Un constat partagé par sa collègue, Léa Lemay qui souligne que “les bénéficiaires des rampes et des bornes récupèrent entre 20 et 40 litres par jour, un chiffre dérisoire si l’on compare à notre consommation”. Ainsi, les deux responsables de l’ARS invitent les plus réfractaires à “ramener les chiffres au centre du débat”. Sur la base de 1.8 € le mètre cube, le calcul est vite fait… En conclusion : “Ils ne pompent pas toute l’eau de Mayotte !”

Mayotte : une reprise annoncée du trafic aérien après le 15 juin

Dans une déclaration à la délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale, samedi 30, la ministre Annick Girardin a annoncé une reprise des vols commerciaux vers Mayotte dans la seconde partie du mois de juin. Un retour à la normale progressif, accompagné d’un nouveau protocole sanitaire. 

Samedi 30 mai, la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, répondait aux questions de la délégation des Outre-mer de l’Assemblée nationale sur les mesures de déconfinement annoncées par le premier ministre Édouard Philippe. L’occasion pour elle d’annoncer une vraisemblable reprise des vols commerciaux vers Mayotte “sans doute” à partir de la seconde partie du mois de juin. 

Une reprise qui sera progressive, à l’instar de tous les autres territoires ultramarins, mais aussi accompagnée de mesures sanitaires applicables dans les autres DOM. Ce protocole nouveau consiste à réaliser des tests Covid-19 dans les 48 heures précédant l’embarquement, à effectuer une période d’isolement de sept jours – et non plus quatorze – à l’arrivée, en l’accompagnant d’un nouveau test qui permettra, selon les résultats de ce dernier, d’assouplir les conditions de cette “septaine”. Et si le dispositif n’est pour le moment “pas encore validé par le conseil scientifique, nous allons le faire très rapidement”, a assuré Annick Girardin, qui attendait par ailleurs le décret qui permettra d’imposer ces tests aux voyageurs concernés. 

D’autres vols auront lieu avant cette reprise, mais seront destinés à ramener les Mahorais désireux de revenir sur le territoire : “Nous avons 1.314 étudiants qui souhaitent rentrer, et un recensement mené par la délégation de Mayotte à Paris qui nous indique que 87 Mahorais (non-étudiants, NDLR) souhaitent revenir aussi. Un avion sera mis en place en direction de Mayotte avant la mi-juin, j’espère autour du 8 ou 9 juin”, a confirmé Annick Girardin, faisant référence au décret suscité, permettant d’effectuer des tests avant l’embarquement 

Des compagnies inquiètes 

Une reprise bienvenue et attendue par les usagers, mais aussi par les compagnies aériennes desservant l’Outre-mer, qui attendaient une réponse et de la visibilité. La veille en effet, les dirigeants d’une dizaine de ces compagnies étaient entendus par une commission du Sénat afin qu’elles expriment leurs difficultés. Impactées par deux mois de restriction, leurs craintes quant à la pérennité de leur activité sont réelles. Parmi elles, Air Austral, représentée par son secrétaire général, Dominique Dufour. Avec “95 % d’activité en moins”, la société a souffert malgré les dispositifs de soutien mis en place par l’État et le soutien de son actionnaire principal, la société mixte d’économie Sematra qui lui a permis d’obtenir un prêt garanti par l’État “et donc d’avoir un peu de visibilité pour tenir les mois qui viennent”. Pour les mois qui viennent, oui, mais après ? “Tenir et survivre sont une chose, mais vivre est quand même ce qui nous préoccupe le plus”, a avoué le responsable. “Ce qui nous pose problème aujourd’hui, à nous compagnies aériennes, c’est que l’on n’a aucune visibilité sur la sortie de cette crise et sur comment nous allons pouvoir programmer un retour à la normale. Et ce retour à la normale, il est vital parce que les prix garantis par l’État, cela reste des prêts qu’il va falloir rembourser dans un contexte où on nous annonce que le retour du passager à bord va être très progressif. C’est [ce retour à la normale] qui fera que, malgré la situation d’urgence, la pérennité de nos entreprises pourra être assurée.” Et d’ajouter que “si Air Austral n’existait plus, cela serait une vraie catastrophe pour l’ensemble des territoires français de l’océan Indien. (…) On permet aux voyageurs de La Réunion de se projeter sur tout l’océan Indien, de même que pour Mayotte on permet de créer le lien entre La Réunion et Mayotte. Cela serait également une catastrophe économique”. 

Le député Kamardine se réjouit de l’annonce 

Dans un communiqué envoyé à la presse, le député Mansour Kamardine s’est satisfait des annonces faites par la ministre des Outre-mer à la délégation du même nom à l’Assemblée nationale. “Le cauchemar que vivent les centaines de personnes bloquées entre la Métropole et Mayotte depuis plus de deux mois va enfin prendre fin”, écrit l’élu en référence au retour des Mahorais de métropole qui souhaitent rentrer à Mayotte. Quant au protocole mis en place, le député le juge “à la fois plus sure et plus souple : un test avant le départ et un confinement à domicile à l’arrivée ramené à 7 jours. Je me félicite que les demandes formulées par les élus aient été entendues et me réjouis de l’annonce de la reprise prochaine et au fur et à mesure des vols commerciaux selon des procédures qui permettront à nos familles et aux étudiants de voyager plus facilement de et vers Mayotte et la Métropole et de participer à la relance de l’économie et de l’emploi.”

Déconfinement : les aides aux entreprises vont-elles se poursuivre à Mayotte ?

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Alors que les terrasses peuvent à nouveau accueillir la clientèle depuis ce mardi, les entreprises mahoraises s’inquiètent de l’adaptation et de la prolongation des mesures de soutien. Certains n’en ont d’ailleurs toujours pas vu la couleur… 

Activité partielle, fonds de solidarité de l’État, aides du conseil départemental… Pour beaucoup d’entreprises de Mayotte, les différents dispositifs de soutien proposés pendant le confinement ont permis, a minima, de sauver les meubles et des emplois. Aujourd’hui, alors que les bars et les restaurants sont enfin autorisés à rouvrir leurs portes en terrasse, la question de la continuité des aides, indispensables pour assurer la relance de l’économie, se pose. Et les attentes sont nombreuses, alors que beaucoup d’entreprises n’ont pas vu toutes leurs demandes aboutir ces deux derniers mois. “C’est simple, j’ai annoncé l’ouverture pour demain (mercredi), et à partir de là, d’après les calculs que nous avons faits avec mon comptable, tout s’arrête”, signe Patrick Muller, le gérant de la société Latitude Jet, pour qui les 1.500 euros du fonds de solidarité de l’Etat ont permis de garder la tête hors de l’eau. 

L’aide de l’État disponible jusqu’à la fin de l’année ? 

C’est un plus compliqué que ça, répond en substance la CCI. “Cela dépendra en réalité du secteur d’activité : pour les secteurs de la restauration ou du tourisme, qui ont été particulièrement touchés par la crise, l’aide de 1.500 euros de l’État pourra continuer jusqu’à la fin de l’année”, rappelle Kaissani Madi, responsable numérique et entreprises en difficulté à la CCI. En effet, comme annoncé lors de la présentation de la stratégie du déconfinement à la mi-mai par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, le dispositif du fonds de solidarité doit être maintenu au-delà du 31 mai pour les entreprises de l’hôtellerie-restauration, et maintenant aussi du tourisme. Mais il faudra encore répondre à certains critères : outre le nombre de salariés, le bénéfice, ou le chiffre d’affaires de l’entreprise, il faut avoir fait l’objet d’une fermeture administrative ou avoir subi une perte de chiffre d’affaires de plus de 50 % par rapport au chiffre d’affaires de référence. “Si en avril 2019, vous aviez un chiffre d’affaires de 500 euros par exemple, et qu’en avril 2020, vous avez fait un chiffre d’affaires de zéro euro, alors vous aurez 500 euros d’aides de l’État”, résume Kaissani Madi. Ce qui pourrait donc expliquer le calcul fait par le patron de Latitude Jet pour les mois de reprise. 

Remboursement des protections sous conditions 

Mais ce n’est pas là la seule aide dont l’entrepreneur pourra bénéficier. En effet, pour de nombreuses sociétés, la réouverture est synonyme de surcoûts destinés à respecter les normes sanitaires : achats de matériel, gants, gels hydroalcooliques, désinfectant ou vitrines de plexiglas… “J’ai investi dans des bouteilles de désinfectant, du spray, des bouteilles poussoir, de quoi faire des traits au sol aussi, le tout pour environ 400 ou 500 euros”, table Patrick Muller, qui conserve soigneusement ses factures “au cas où”. Et il fait bien, car depuis le 18 mai, l’Assurance maladie met à disposition des entreprises une subvention “prévention Covid” pour rembourser jusqu’à 50 % des dépenses de matériel de protection. Mais là encore, certaines conditions sont requises : la mesure concerne les entreprises de moins de 50 salariés et les travailleurs indépendants sans salariés ; l’investissement global en matériel doit être d’au moins 1.000 euros hors taxe et ne doit pas dépasser 5.000 euros ; les gants et lingettes ne sont pas remboursés ; les masques, gels hydroalcooliques et visière ne sont financés que si la société a aussi investi dans des mesures barrières et de distanciation de plus grande envergure, comme des poses de vitre, de plexiglas ou de cloisons de séparation (la liste est disponible dans les conditions générales d’attribution). Cette subvention concerne les achats effectués entre le 14 mars et le 31 juillet 2020, et les demandes peuvent être envoyées jusqu’au 31 décembre. Mais vu les conditions, pas sûr que les entreprises mahoraises se précipitent aux portes de la CSSM… 

Du côté des entreprises de travaux publics, la question de la prise en charge des surcoûts liés aux obligations sanitaires est d’autant plus importante, étant donné la proximité sur les chantiers. “Entre l’achat de masque, de gel, le respect d’un certain nombre de personnes par transport qui nous oblige à utiliser des véhicules supplémentaires, nous avons évalué à 5 à 10 % la plus-value par chantier à Mayotte”, souligne Julian Champiat, le président de la Fédération mahoraise du bâtiment et des travaux publics. Des discussions sont en cours au niveau national, et des mesures devraient être annoncées le 10 juin. Fin mai, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire avait suggéré qu’une partie des surcoûts soit prise en charge par les maîtres d’ouvrage publics. En attendant, du côté des adhérents de la FMBTP, l’on attend surtout le règlement des factures publiques, plus efficace pour consolider la trésorerie que le prêt garanti par l’État… “La réflexion est en cours et le conseil départemental appuie l’idée de céder les créances des entreprises auprès des collectivités locales aux organismes fiscaux et sociaux”, assure Ben Issa Ousséni 7e vice-président, chargé des finances, du développement économique et touristique au conseil départemental. 

Le conseil départemental est toujours à l’écoute 

Autre possibilité : les aides du Département. Le fonds de soutien adapté à la situation particulière de Mayotte, a recueilli 2.067 demandes, pour l’aide de 1.000 euros. Quant au fonds de solidarité complémentaire, qui vient en plus des 1.500 euros de l’État, il n’a pour l’instant enregistré que 11 demandes. “Sur les 13 millions d’euros initialement prévus pour faire face à la crise, il reste donc des fonds”, confirme Ben Issa Ousséni. “Nous sommes en train d’étudier les pistes pour prolonger le dispositif : une option serait de renouveler les plafonds, pour passer par exemple de 1.000 à 3.000 euros ; une autre serait de clôturer les demandes aujourd’hui, pour relancer le dispositif un peu plus tard, et permettre à tous de postuler à nouveau.” Mais pour l’instant, rien n’est fixé, dans l’attente d’une séance au conseil départemental. Quant au fonds de solidarité complémentaire, la simplification de la procédure au niveau national, basée désormais sur une simple attestation sur l’honneur, et une connexion simplifiée avec France Connect, devrait permettre de générer davantage de demandes. 

De quoi peut-être rassurer certains entrepreneurs, dont beaucoup n’ont pas encore réussi à obtenir les aides. D’après une enquête de la BGE réalisée auprès de quelque 120 personnes, 50 % ont fait des demandes, et seules 10 % ont abouti. “Et plus de 86 % seraient en difficulté financière, une situation qui pénalise beaucoup les créateurs d’entreprise”, tient à rappeler Samira Chaouch, conseillère à la BGE, qui invite les entrepreneurs à se tourner vers d’autres dispositifs d’accompagnement, indépendants de la crise sanitaire actuelle. “Nous avons clôturé un appel à projets du conseil départemental vendredi dernier, et malheureusement, vu la situation, certains ont eu dû mal à remplir les dossiers pendant le confinement”, développe la conseillère. “Une extension de l’appel à projets, ou encore le lancement d’une nouvelle campagne permettrait de redonner du souffle à beaucoup d’entreprises”, propose-t-elle. 

Activité partielle et zone orange 

Dernière inconnue de ce déconfinement et pas des moindres : l’activité partielle. 13.549 salariés et 1.428 entreprises sont concernés à ce jour par le dispositif à Mayotte. Or, officiellement, depuis le 1er juin, l’Unédic et l’État ne prennent plus en charge que 85 % de l’indemnité versée au salarié, le reste étant à charge pour l’employeur. La situation est inchangée pour le salarié, qui continue de bénéficier de 84 % de son salaire net. La préfecture n’a pas encore communiqué sur l’adaptation de 

cette mesure à Mayotte, étant donné que le 101ème département connaît toujours des mesures restrictives. “L’hôtellerie-restauration continuera à bénéficier de l’activité partielle en totalité, car nous sommes en orange”, explique Bruno Garcia, le gérant du Caribou Hôtel. Son restaurant restera d’ailleurs fermé aujourd’hui, car il ne dispose pas de terrasse. “Il ne manquerait plus qu’on nous empêche d’ouvrir complètement et qu’en plus on nous retire cette aide !”, souffle-t-il.

Justice à Mayotte : “Il faut se battre contre l’insécurité, mais de la bonne manière”

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Alors que le député Mansour Kamardine et le président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani ont donné de la voix pour protester contre les attaques à l’endroit du procureur de la République, Camille Miansoni, au tour de Yanis Souhaïli de monter au créneau et de se faire l’avocat de l’appareil judiciaire. Alors que la robe noire n’est autre que le conseil des trois personnes mises en examen dans l’affaire du rapt de Petite-Terre. 

“Je fais seulement mon travail”, considère Yanis Souhaïli. Pourtant, force est de constater que le dossier qu’il a la charge de défendre n’a rien de commun. L’affaire du rapt de Petite-Terre soulève en effet l’émoi au sein d’une partie de la population s’affichant en soutien aux clients de l’avocat, mis en examen pour séquestration et violences. Devant le tribunal ou dans les rues de Petite-Terre comme sur les réseaux sociaux, ils sont ainsi nombreux à soutenir une justice expéditive à défaut, selon eux, de celle de la nation. Une réelle colère, légitimant la violence comme réponse, se soulève donc contre l’insécurité pour charrier avec elle une critique des plus virulentes à l’encontre du système judiciaire. Quitte à se focaliser sur la personne du procureur de la République, Camille Miansoni. Cette première colère, Maître Souhaïli dit la comprendre. “Oui, j’entends tout cela, car le contexte est en effet très particulier à Mayotte. On demande aux gens de respecter la loi en déposant plainte, mais quand ils le font, ils constatent que rien ne se fait. C’est une réalité alors quand ces personnes retrouvent dans la rue leurs agresseurs, ils ne peuvent qu’enrager et avoir envie de prendre les choses en main”, explique-t-il tout en tempérant : “je le comprends, mais il y a une loi en France et même si l’on peut considérer qu’elle devrait s’adapter à Mayotte, elle est bel et bien là et chacun se doit de la respecter.” 

Une justice mal comprise 

La colère et son expression sont donc deux choses bien distinctes pour l’avocat qui affiche une satisfaction en demie-teinte quant au soutien populaire accordé à ses clients. “C’est bien, car il faut se battre contre cette insécurité, mais de la bonne manière. Il est important que la population comprenne comment marche la justice française. Quand on voit ce qui se dit, on voit très bien que beaucoup de personnes se trompent sur beaucoup de choses et malheureusement, quand on tente de leur expliquer qu’ils ont tort, ils se braquent”, considère-t-il ainsi. Pour l’avocat “on peut bien sûr critiquer la justice, mais il faut d’abord avoir fait l’effort d’essayer de la comprendre. Pour cela, j’invite chacun à se rendre à une audience et ils seront nombreux à se rendre compte qu’ils se trompent”. Qu’ils se trompent, notamment, sur la personne que tant d’internautes ou de manifestants ciblent vindicativement. “Le procureur est dans son rôle, les insultes envers lui ne sont pas acceptables, d’autant plus qu’elles ne sont pas fondées puisque la justice fait son travail. Malheureusement, la vindicte tombe sur lui, mais ç’aurait très bien pu être sur les avocats ou sur le juge des libertés et de la détention ou tout autre acteur de la justice. Ces personnes ne font que leur travail dans un contexte très compliqué”, plaide le conseil qui n’oublie pas son dossier : “un soutien de cette manière est contreproductif, il aurait même pu faire courir un risque à mes clients et conduire à leur placement en détention provisoire”.

“Si cet homme était retrouvé, ça faciliterait les choses”

Pour Maître Souhaïli, la position est des plus claires : “le meurtre est totalement contesté par mes clients et par ailleurs, aucun élément de l’enquête et de l’instruction ne va en ce sens. Si cet homme était retrouvé, ça faciliterait beaucoup les choses”, assure-t-il encore. L’avocat tient par ailleurs à rappeler que ses clients sont des primo-délinquants, comme il l’a fait devant le juge des libertés et de la détention qui a choisi de ne pas les placer en détention provisoire. “Il a estimé que pour mener à bien cette enquête, il n’y avait pas besoin d’enfermer ces personnes”, commente-t-il sobrement avant de lâcher : “rappelons tout de même que la victime en question n’est pas un enfant de chœur, c’est un multirécidiviste à propos duquel les gendarmes m’ont par ailleurs confié qu’ils tentaient de lui mettre la main dessus depuis deux mois”.

 

Services civiques et bénévoles formés aux bons gestes à adopter

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En lien avec la direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS), le rectorat et l’agence régionale de santé, l’association pour le développement du sauvetage et du secourisme (ADSS) forme des volontaires en service civique et des bénévoles du monde associatif pour sensibiliser la population aux bons gestes à adopter. Explications avec Anli Abdou, le président de la structure.

Flash Infos : Vendredi dernier, vous avez animé la deuxième journée d’information auprès d’acteurs de la vie associative, de professionnelles de la protection de l’enfance, du sport, de la culture, de l’aide à la personne, de l’environnement. Comment avez-vous été sollicité pour participer à ces formations ?

Anli Abdou : L’association pour le développement du sauvetage et du secourisme (ADSS) est une structure de sécurité civile. Donc on ne pouvait pas se jeter seule dans la gueule du loup. Il fallait qu’il y ait une réquisition de la part des services de l’État ou que l’on travaille par le biais d’une convention pour que ce dispositif soit encadré, comme c’est le cas aujourd’hui. On attendait d’être sollicité puisque depuis de la crise, on se mobilise pour distribuer des masques et des bons alimentaires. Ce vendredi [29 mai] correspond à la deuxième journée, après celle de la semaine dernière. On organise plusieurs sessions d’une heure trente qui regroupe une dizaine de stagiaires, notamment des volontaires en service civique qui travaillent dans les établissements scolaires mais aussi des bénévoles du monde associatif.

FI : Justement, comment se déroulent ces sessions ? Et quel message souhaitez-vous adressé à vos différents participants ?

A. A. : La formation se divise en deux temps. Il y a tout d’abord une partie théorique d’une vingtaine de minutes durant laquelle on revient sur le Coronavirus, la manière dont on peut le contracter, les consignes à suivre en cas d’infection, etc. Puis vient ensuite la partie pratique avec trois exercices techniques, comme le lavage des mains qui est primordial, l’utilisation du gel hydroalcoolique ainsi que la pose et le retrait du masque car certains le baissent ou le relèvent sur le visage pour parler… Donc on essaie de sensibiliser sur les bonnes conduites à tenir pour freiner la propagation du virus.

Par exemple, sur le lavage des mains, il y a six étapes à mémoriser pour qu’il soit efficace : la pomme, le dos, le croisement des doigts, le dos des doigts, le pouce et les ongles… Pour les aider, on a rédigé un petit recueil que l’on donne à chacun à l’issue de la session puisque ces gestes techniques, que l’on appelle hygiène et asepsie, rentrent dans notre champ de compétences. Tout le monde doit savoir les reproduire. Et si quelqu’un n’y arrive pas, on reprend !

FI : À Mayotte, le déconfinement est progressif avec la réouverture des commerces, des écoles et des bars ce mardi. Cette prévention apparaît comme indispensable pour éviter un pic épidémique qui nous pend au nez depuis plusieurs semaines.

A. A. : Et le rôle de prévention doit continuer et se pérenniser ! Comme vous le dites, le déconfinement se fait petit à petit, mais une partie de la population pense que cette maladie n’existe pas ou alors elle se mélange les pinceaux avec les symptômes de la dengue. Il faut donc insister auprès de ceux qui sont présents aujourd’hui. On compte sur eux pour relayer le message et expliquer les gestes barrières. Cette diffusion de l’information ne doit pas cesser, car il ne faut pas se voiler la face, certaines mesures ne sont pas respectées… Face à constat, il est de notre devoir de rappeler aux gens comment se comporter à la mosquée, à la maison, ou au restaurant en cette période de crise sanitaire que de rester les bras croisés. Comme on dit, il vaut mieux prévenir que guérir. Et plutôt que de réprimander les habitants, il m’apparaît préférable de la jouer pédagogue.

 

Mayotte en orange avec 1.934 cas : les explications de l’ARS

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Alors que 191 nouveaux cas ont été recensés dimanche et lundi, Mayotte, passée en orange sur la carte du gouvernement, va entamer une nouvelle phase de déconfinement mardi, avec l’ouverture des bars et des restaurants. Mais l’ARS reste sur ses gardes.

Et tout devint vert… ou presque. Alors que la plupart des départements a entamé une nouvelle phase de déconfinement, Mayotte, classée rouge jusqu’à jeudi dernier, est quant à elle passée en orange. Avec l’Ile-de-France et la Guyane, l’île aux parfums fait partie des trois départements encore concernés par des mesures restrictives, et un niveau élevé de vigilance. “Il faut retenir que nous faisons partie des territoires où il y a encore une circulation virale forte, voire au-delà du seuil d’alerte, en ce qui concerne l’Oise et Mayotte”, a tenu à souligner Dominique Voynet, la directrice de l’ARS lors de son point presse vendredi dernier. “Même en orange, cela ne doit pas nous inciter à alléger notre vigilance”, a-t-elle insisté.

Et elle ne fait d’ailleurs pas si bien dire. Ce week-end, après une campagne de prélèvements massive au centre pénitentiaire de Majicavo-Lamir, le verdict est tombé. En tout, 191 nouveaux cas sont venus s’ajouter dimanche et lundi, portant à 1.934 le nombre de personnes contaminées par le Covid-19 à Mayotte, contre 1.699 vendredi. Parmi eux 152 nouveaux cas se sont révélés positifs à la prison. Cette forte hausse du nombre de personnes contaminées s’explique par la décision prise par l’ARS et le CHM de dépister l’ensemble des détenus, des personnels et des professionnels de santé du centre, après avoir constaté plusieurs cas positifs chez des surveillants. Cette situation poussait la directrice de l’ARS à rappeler à tous de ne pas baisser la garde, alors que de nouveaux cas étaient aussi recensés dans certains milieux professionnels bien informés sur les gestes barrières. “Nous continuons à voir une circulation active du virus dans les quartiers les plus défavorisés, mais pas que : on a des cas qui apparaissent dans des milieux où les gens sont formés et ont tout le matériel de protection nécessaire”, s’est-elle inquiétée vendredi.

Les nouveaux critères de la carte du déconfinement

Mais alors pourquoi Mayotte est-elle passée en orange ? Plusieurs facteurs permettent de l’expliquer. Déjà, le gouvernement a revu les critères permettant d’établir la carte du déconfinement. Auparavant, étaient retenus le taux de circulation du virus – à savoir la proportion de passage aux urgences pour suspicion de Covid -, la tension hospitalière sur les capacités de réanimation – soit le taux d’occupation des lits de réanimation par des patients covid par rapport à la capacité initiale avant l’épidémie -, et les capacités de tests. “Ces critères étaient d’ailleurs peu adaptés à la situation de Mayotte, car nous partons déjà sur une faible capacité en réanimation, qui est une vérité 365 jours par an”, a rappelé Dominique Voynet.

Ce sont désormais l’incidence – le taux de cas positifs dans la population -, le taux de positivité des tests, le taux de reproduction R0 – le nombre de personnes infectées par une personne contaminée -, et le taux d’occupation des services de réanimation, qui permettent d’établir la carte. D’après la directrice de l’ARS, les nouveaux critères retenus sont plus efficaces pour étayer la circulation du virus. Toutefois, “nous avions plaidé que le calcul de l’incidence ne se fasse pas sur les derniers jours, car les gens ont peu fréquenté les centres de santé, entre l’Ascension et l’Aïd. Sur ce critère-là au moins, nous serions plutôt en alerte qu’en vigilance”, a-t-elle expliqué. D’autres critères sont plus positifs, comme le taux de positivité des tests “qui a nettement baissé alors que nous n’avons pas changé notre stratégie de tests”, et le taux de reproduction, lui aussi en baisse, “même s’il est difficile à interpréter, car il faudrait dépister beaucoup plus pour en avoir le coeur net”, a développé Dominique Voynet. Quant à l’occupation des services de réanimation, si la tension n’est pas comparable à ce qu’ont pu connaître certains départements de la métropole au plus fort de l’épidémie, les evasan vers La Réunion y participent largement.

Deux décès supplémentaires

En clair, Mayotte, toute orange qu’elle soit, n’est pas encore tirée d’affaire. Et les deux décès survenus ce week-end, portant le bilan à 24, sont aussi venus le rappeler. Les deux personnes âgées étaient hospitalisées en réanimation depuis plusieurs jours, et l’une d’elle est morte après son évacuation vers La Réunion. Au sein même du CHM, “on voit réapparaître des cas groupés dans certains services”, a noté l’ancienne ministre. Depuis le pic au début de l’épidémie, le nombre de nouveaux cas parmi les soignants s’était maintenu à un niveau plutôt faible, jusqu’à aujourd’hui. La situation à Mayotte conserve donc ses zones d’ombre, constat d’ailleurs partagé par les deux épidémiologistes qui étaient venus en renfort avec la ministre des Outre-mer Annick Girardin et sont repartis vendredi matin. Malgré les signes d’une circulation active du virus sur le territoire, la vague pressentie ne s’est pas encore abattue sur Mayotte. Pour autant, cela ne veut pas dire que le pic épidémique est derrière nous, supposent les experts : le 101eme département traverserait plutôt une phase de répit. Avant la tempête ?

 

Le CHM fait le point

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Vendredi 29, les instances dirigeantes du CHM tenaient une conférence de presse afin de faire un point sur les divers dossiers du moment : Covid-19 bien évidemment, mais aussi rapport de la CRC et moyens supplémentaires déployés durant la crise. Des moyens que l’hôpital aimerait voir pérenniser.

L’une des institutions majeures du territoire, le Centre hospitalier de Mayotte (CHM), tenait vendredi 29 une conférence de presse en présence notamment de Catherine Barbezieux, sa directrice, et d’Issa Issa Abdou, son président. En pleine crise sanitaire, l’idée de celle-ci était d’aborder les grands sujets du moment. Parmi eux, l’épidémie de Covid-19 qui continue de sévir sur le territoire, bien évidemment, mais aussi le rapport publié la semaine dernière par la Chambre régionale des comptes (CRC) de la Réunion-Mayotte, ou encore l’arrivée de moyens supplémentaires durant la crise, que l’établissement de santé aimerait voir se pérenniser. Revue.

Covid-19 : sur le pied de guerre

Soutien d’envergure dans le cadre de la crise du Covid-19, malgré les quelques complications d’installation qu’il a connue, le service de santé des armées a pris ses marques au CHM. En amenant avec lui des spécialités comme des radiologues, un hygiéniste, des oto-rhino-laryngologistes, etc., « il nous permet d’envisager un avenir plus serein », s’est réjoui la directrice, Catherine Barbezieux. D’autant plus que si les équipes arrivées sont autonomes, quelques membres du contingent devraient venir au sein du CHM pour épauler ses équipes.

Le module militaire servira en premier lieu à prendre en charge des patients en post-réanimation, un service qui n’existe pas classiquement au CHM. En d’autres mots : un service intermédiaire de soins intensifs et continus permettant aux malades de regagner des forces avant de rejoindre un service nécessitant moins de surveillance. « C’est un renfort important qui vient compléter notre offre de soins » et qui « permet d’alléger nos services », se sont félicités les responsables. Quatre patients devaient ainsi, vendredi, rejoindre ce module.

De manière plus générale, en termes de lits disponibles en réanimation, « 26 sont opérationnels, avec une extension de six lits supplémentaires, et la possibilité de monter à 50 si nécessaire. »

Enfin, Catherine Barbezieux a mis un terme à la rumeur : non, il n’y a pas eu pénurie de tests. « Nous avons des réactifs, nous avions simplement suspendu des prélèvements à domicile à cause de certaines difficultés avec les équipes. Après avoir fait un bilan, nous les réactivons. »

Moyens aériens : un vrai plus

C’est une avancée majeure en termes d’interventions : la mise en service, le 14 mai dernier, d’un hélicoptère dédié aux transports d’urgence sur le territoire. Avec 23 vols comptabilisés au 29 mai, l’équipement est d’ores et déjà qualifié « d’extrêmement important » par Christophe Caralp, chef du pôle Ursec (pour urgences, réanimation – Samu/Smur, évacuation sanitaire et caisson hyperbare/chambre mortuaire). Et pour cause, il permet un gain de temps déterminant dans les interventions urgentes, particulièrement sur une île où le trafic routier est régulièrement encombré : « 55 minutes [d’intervention] quand il faut aller dans le sud, par exemple, contre 2h à 2h30 par la route », illustrait ainsi le responsable, parlant d’un « gain de temps réel pour les patients. »

Autre avantage à cet hélicoptère : la possibilité d’amener rapidement au pied d’un avion les patients devant être évasanés en urgence. Entre le CHM et l’aéroport, le vol dure en effet 7 minutes seulement là où, habituellement, il faut compter le déplacement en ambulance de l’hôpital à la barge, le temps de traversée de celle-ci, et le trajet routier jusqu’à l’aéroport. Bref : une organisation complexe et longue. Autant de raisons qui font que les autorités du CHM espère voir cette solution héliportée se pérenniser : « le projet, accéléré par la crise, était déjà en réflexion auparavant. C’est un véritable avantage pour Mayotte. »

Évacuations sanitaires toujours avec l’utilisation depuis la semaine dernière d’un Embraer-145, exclusivement dédié aux vols sanitaires vers La Réunion. Depuis son premier vol et à la date du 29, l’avion avait déjà effectué quatre rotations vers l’île Bourbon, permettant d’évasaner 18 patients. Une flexibilité bien plus forte que lorsque le CHM dépend des vols commerciaux et que le CHM aimerait, là aussi, voir se prolonger sur le long terme. Prévu pour rester deux à trois mois sur le territoire, jusqu’à la fin de la crise sanitaire, « nous allons essayer de le rendre disponible 24h/24h », mais aussi de « démontrer son utilité » durant ce temps-là, confiait Christophe Caralp dans l’espoir que l’appareil reste positionné à Dzaoudzi, même après le Covid-19.

Et ses avantages ne résident pas, pour le CHM, uniquement dans sa facilité d’évacuation : en permettant une continuité directe avec le CHU de La Réunion pour certains cas, l’avion « permettrait d’encourager la venue de spécialités médicales absentes sur le territoire, car le patient peut, grâce à lui, être pris en charge sur toute la chaîne. C’est quelque chose de déterminant pour les praticiens. » Le président du CHM, Issa Issa Abdou, entend ainsi soutenir cette possibilité, d’autant que le projet gazier du Mozambique pourrait, dès son lancement, s’appuyer sur le CHM pour d’éventuelles évacuations sanitaires.

Rapport de la CRC

Publié la semaine dernière, le rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC), a conforté le CHM dans son rôle. « Il nous a fait plaisir même si des choses restent à améliorer. Cet hôpital le mérite bien » a réagit la directrice, mettant en avant le travail effectué au quotidien. Elle est rejointe en ce sens par le président du CHM, Issa Issa Abdou qui estime « que ce rapport tombe vraiment bien pour le personnel soignant, qui s’est montré à la hauteur pendant le Covid-19. »

Il n’en demeure pas moins que quelques points ont été soulignés par la CRC, tels que la sur-rémunération outre-mer des personnels contractuels, alors que cette majoration n’est normalement prévue que pour les agents titulaires. Une remarque plus qu’un reproche, défendue par la directrice, expliquant que « Nous avons pris le pari de la maintenir, car l’arrêter serait dramatique en termes d’attractivité. »

Attractivité toujours avec des contrats désormais de deux ans pour les praticiens, au lieu de quatre auparavant. Une mesure qui semble contribuer à régler la problématique des services sous tension. « Pour la première fois, nous avons plus d’entrées que de départs. » a défendu la direction, mettant avant le fait qu’un engagement de deux ans était « plus rassurant qu’un engagement de quatre ans. » Une remarque appuyée par le chef du pôle Ursec, qui constate que « nous pouvons aujourd’hui sélectionner les candidatures, ce qui n’était absolument pas le cas il y a encore quelques années. » La visibilité en termes d’effectifs aux services des urgences est ainsi aujourd’hui, par exemple, de deux ans.

Du mieux, donc, que complète un autre constat : « beaucoup de candidatures veulent s’inscrire dans la durée car il y a une véritable dynamique, un véritable projet au CHM, et les praticiens le voient. »

Des projets maintenus

S’il avait été ouvert, l’hôpital de Petite-Terre aurait confortablement facilité la gestion de crise. Pour autant, malgré le retard accumulé par la crise sociale de 2018, la défaillance d’une des entreprises travaillant dessus, et l’épidémie de Covid-19, son ouverture est toujours envisagée en novembre, prochain. « Lorsque la crise sanitaire est arrivée, nous étions en train de passer un appel d’offres pour remplacer cette entreprise et finaliser l’hôpital. Cela a été interrompu mais la démarche devrait bientôt reprendre », a assuré la directrice.

Par ailleurs, cette dernière s’est réjouie de l’attribution d’une enveloppe de 1,7 million d’euros destinée à la formation d’agents peu qualifiés. De quoi, espère-t-elle, diminuer le turn-over que connaît le CHM, y compris à ce niveau de qualification.

Déconfinement : Qu’est-ce qui change (vraiment) à partir de ce mardi à Mayotte ?

20 jours après l’annonce de la première phase de déconfinement, Édouard Philippe a dévoilé jeudi soir de nouvelles mesures d’assouplissement, qui, cette fois, concernent Mayotte. Si la situation sanitaire et hospitalière y demeure au-dessus des seuils de vigilance, le 101ème département, qui se prépare à faire face au pic épidémique, est enfin passé au orange, après plus de deux mois dans le rouge. Autrement dit, certaines interdictions vont pouvoir être levées dès aujourd’hui. Mais comme en Île-de-France et en Guyane, il convient encore d’observer une certaine vigilance, du fait de la circulation active du virus. Un nouveau point d’étape est prévu le 22 juin, lors de l’annonce du troisième acte du plan de déconfinement. D’ici là, les préfets de chaque territoire sont susceptibles d’adapter localement les mesures annoncées.

Bars, cafés et restaurants

Si dans les zones vertes, tous les cafés et restaurants peuvent désormais rouvrir, seules les terrasses sont concernées dans les trois territoires classés orange. Il y sera par ailleurs interdit d’être à plus de dix personnes par table, et au moins un mètre devra être observé entre les tables de chaque groupe. Le port du masque sera obligatoire pour tous les personnels, ainsi que pour les clients lorsqu’ils se déplacent. Des conditions particulières qui ne marquent pas la fin de la crise économique pour ces entreprises, dont certaines étaient totalement fermées depuis plusieurs mois.

Parmi elles, le Camion Rouge, installé sur la jetée de Mamoudzou, avait, dès la mi-mars, suspendu la vente, faute, à ce moment-là, de pouvoir équiper ses salariés en conséquence. Mais désormais, l’enseigne est pourvue de masques, gants et gel hydroalcoolique, et l’organisation des effectifs a été revue pour que deux équipes puissent s’alterner afin de limiter les risques éventuels de contamination. « On ne va pas pouvoir reprendre en régime normal les premiers temps, et je m’attends d’abord à une faible fréquentation », déplore Patrice Roux, le patron des lieux dont la terrasse ne pourra désormais accueillir plus d’une vingtaine de personnes. « Il nous faudra au moins un mois avant de se remettre sur pied et on a déjà du retard dans les salaires. » En conséquence, le Camion Rouge ouvrira, au moins la première semaine, de 7h à 15h uniquement, de quoi pouvoir prendre le pouls.

Du côté de Chez Cousin, situé en face du centre-commercial Baobab, les inquiétudes semblent moins lourdes, les lieux permettant d’espacer les tables sans que cela n’impacte véritablement le taux de remplissage de la terrasse. Petite nouveauté, un camion-bar sera installé sur le parking attenant, et les pizzas devraient être remises à la carte pour le service du midi. Mais Chamsiddine Cham, mieux connu sous le surnom de Cousin, préfère rester prudent. « On ne va pas remettre tous les salariés dès le début, avant je préfère voir comme ça se passe », prévient le patron. « Je pense que les gens seront là, mais on ne peut pas savoir comment ça va se passer. » Alors, l’enseigne s’adapte elle aussi pour marquer une courte pause l’après-midi, entre 15h et 17h, heure où la fréquentation devrait être plus faible. Si la visibilité est moindre pour les prochaines semaines, elle l’est d’autant plus pour les établissements sans extérieur, condamnés à demeurer fermés ou à ne s’en tenir qu’à la vente à emporter à minima jusqu’au 22 juin, date du déploiement de la troisième phase de déconfinement annoncée par le Premier ministre.

Hôtels

La question des hôtels n’a en revanche pas été abordée par Édouard Philippe, pour la simple et bonne raison que ceux-ci n’ont jamais eu l’obligation légale de fermer, contrairement à ce qu’avait expliqué Emmanuel Macron à la mi-avril. Mais à Mayotte où la plupart de ces établissements accueillent des personnes en voyage d’affaires ou des touristes affinitaires, tous les clients avaient précipitamment écourté leur séjour afin de pouvoir embarquer sur l’un des derniers vols commerciaux avant la fermeture de l’aéroport, courant mars. Depuis, à défaut de dégager des recettes suffisantes, les professionnels du milieu ont préféré fermer, essuyant de nombreuses annulations de réservation. L’hôtel Caribou par exemple, l’un des plus fréquentés de l’île, voit encore des clients décommander leur séjour, parfois jusqu’au mois de novembre. L’activité du secteur est donc suspendue jusqu’à la reprise du trafic aérien. Mais elle sera par ailleurs touchée par l’obligation de quatorzaine à l’arrivée des voyageurs dans tous les Outre-mer. De quoi encourager encore un peu plus le report des séjours, et plus particulièrement ceux de courte durée.

Aéroport

Sans surprise, la reprise des vols commerciaux n’a pas été annoncée. « Une réouverture plus large des vols est prévue pour les vacances d’été », a précisé Édouard Philippe, sans ne citer aucune date. Le Premier ministre a toutefois expliqué que le rétablissement de la continuité territoriale dans les outre-mer était une priorité. Si la quatorzaine reste encore de mise pour les voyageurs, celle-ci pourrait être amenée à évoluer pour être, dans les territoires ultramarins, réduite à une période de sept jours, à l’issue de laquelle les voyageurs à l’arrivée devront être dépistée. En cas de résultat négatif, l’isolement pourra être interrompu.

Plages, plans d’eau, criques et îlots

« Les plages sont rouvertes sur l’ensemble du territoire national », a annoncé jeudi soir Édouard Philippe, alors qu’aucun maire mahorais n’avait encore adressé à la préfecture de demande de réouverture des sites de baignade dans sa commune. L’application locale de cette mesure, bien qu’explicite, a donc dans un premier temps posé question, avant que le préfet ne confirme, ce lundi soir, que toutes les plages, plans d’eau, criques et îlots de Mayotte étaient, dorénavant, à nouveau accessibles, et ce malgré les réticences de certains maires. Toutefois, les rassemblements sont toujours limités à dix personnes. Autrement dit, les voulé et bivouacs doivent impérativement s’organiser en petit comité, à l’instar des sorties en mer avec les opérateurs nautiques, qui ont pu reprendre le travail ce week-end.

Pour mémoire, Jean-François Colombet avait annoncé, il y a une semaine, que les plages pourraient rouvrir à condition que les maires prennent les mesures nécessaires au respect des gestes barrières. Ce week-end, Saïd Omar Oili, maire de Dzaoudzi-Labattoir, était encore le seul à avoir autorisé l’accès aux plages, criques et îlots de sa commune. Quelques jours plus tôt, l’élu avait pourtant expliqué à nos confrères de Mayotte La 1ère préférer attendre que le pic épidémique soit passé pour rouvrir ces espaces au public, avant de faire machine arrière.

Écoles

Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale était lui aussi au rendez-vous jeudi pour détailler la reprise de l’école, et l’annulation de l’épreuve orale du bac de français dans tout le pays. Dans le premier degré, seule une quinzaine d’établissements ont pu rouvrir à Mayotte la semaine dernière. Désormais, toutes ont l’obligation d’accueillir les élèves, au moins quelques jours par semaine, dès mardi, sous réserve, évidemment, que les préconisations sanitaires puissent y être observées. Alors que la fréquentation des écoles avait été très faible la semaine dernière, le rectorat espère voir une cinquantaine d’établissements rouvrir d’ici la semaine prochaine, parmi lesquels ceux de Mamoudzou, Kougnou, Bandraboua ou Pamandzi. « Si une école n’est pas prête, nous repousserons son ouverture », rassure Gilles Halbout. D’autant plus que « certains maires sont encore récalcitrants », pendant que d’autres ont profité de cette période – électorale, rappelons-le –

pour entamer des travaux dans quelques établissements. « Certains ne s’attendaient pas à devoir rouvrir dès mardi, il va falloir tout remettre en ordre. La semaine qui vient est cruciale », commente encore le recteur. Parmi les bons élèves, la maire de Chirongui a annoncé ce week-end que toutes les écoles de la commune pourraient rouvrir dès le 2 juin pour les classes de grande section, de CP, de CE1 et de CM2, grâce notamment à l’installation de points d’eau dans les établissements et aux réagencements des salles de classe. Près d’une centaine d’agents seront également aux côtés des élèves pour rappeler les gestes barrières et veiller à leur respect. Ils seront également chargés de désinfecter les locaux après les cours.

Concernant le second degré cette fois, la reprise des cours sera plus progressive. Sept collèges rouvriront mardi, uniquement pour les classes de 6ème et de 5ème. Côté lycée, la priorité est donnée aux formations professionnelles, où « il y a plus de décrochage », selon le ministre de l’Éducation nationale. Ainsi, le lycée de Sada pourra de nouveau accueillir ses élèves de terminale en filière professionnelle, aux horaires habituels, dès cette semaine. Ils sont par ailleurs autorisés à emprunter les transports scolaires. Gilles Halbout mise sur une ouverture de l’ensemble des autres lycées à compter du lundi 8 juin. De quoi permettre aux élèves d’assurer des entretiens pédagogiques individuels notamment.

Culture, loisirs et sports

Enfin, en zone orange, l’ouverture des piscines, gymnases, salles de sport, parcs de loisirs, salles de spectacles et théâtre a été fixée, au plus tôt, pour le 22 juin. Limitation des rassemblements à dix personnes oblige, la pratique de sports collectifs, ainsi que des sports de contact, demeure encore interdite et les discothèques et cinémas ont ordre de rester fermées jusqu’à cette date.

Les parcs et jardins ainsi que les musées et monument peuvent, eux, déjà recommencer à accueillir du public dans le respect des gestes barrières. Aussi, en début de semaine dernière, le préfet de Mayotte annonçait la réouverture progressive des lieux de culte, dans des conditions adaptées.

 

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes