Contrairement à la première vague, qui avait provoqué la fermeture pure et dure des portes du tribunal à Mamoudzou, et renvoyé les affaires non urgentes aux calendes grecques, cette fois-ci, “tout est maintenu”, explique le président de la juridiction, Laurent Ben Kemoun. Précis d’une justice sous cloche.
Brrr le confinement ! C’est presque avec des frissons dans la voix que le premier président du tribunal judiciaire de Mamoudzou, Laurent Ben Kemoun, se souvient de cette bien sombre époque. “Au tribunal, tout était quasiment fermé, c’était extrêmement traumatisant. Et d’ailleurs le nouveau procureur ne l’avait pas vécu, mais moi je lui ai dit : “je n’ai pas le courage de vivre deux fois ce traumatisme”, souffle le chef de la juridiction au bout du fil. Ouf ! Cette fois-ci, ses doléances sont arrivées jusqu’au cabinet du préfet, qui, dans son arrêté du 5 février 2021 portant mesure de confinement généralisé pour le département de Mayotte, a notamment autorisé les déplacements dérogatoires pour répondre à une convocation de l’autorité judiciaire.
Incitations au télétravail
Miracle, tout roule donc à Kawéni ! “J’oublie vite ce confinement car rien ne change au tribunal… et je trouve qu’il y a aussi énormément de monde dans les rues”, constate Maître Alexandre Volz, qui a d’ailleurs un agenda d’audiences chargé toute la semaine. “Seule différence, le tribunal est peut-être un peu moins peuplé que d’habitude”, jauge l’avocat à vue de nez. Concrètement, “tout est maintenu”, confirme Laurent Ben Kemoun. Magistrats, fonctionnaires, agents de sécurité ou d’entretien, interprètes… Tous se rendent sur leur lieu de travail comme d’accoutumée pour recevoir les justiciables. Exceptions faites pour “ceux qui ont des problématiques de garde d’enfants par exemple”, ou qui peuvent rester en télétravail, “il y a alors une incitation à rester chez soi”, signale toutefois celui qui a la charge de chapeauter toute cette organisation.
Attestations : attention à bien rentrer dans les cases
Côté justiciables, deux cas de figure possibles : ceux qui ont une convocation peuvent “rompre le confinement” le jour J pour se présenter à la barre, munis de leur attestation et en cochant la case relative à une convocation judiciaire ou administrative. Les autres, qui veulent faire appel d’un jugement ou bien demander une ordonnance de protection – décision du juge qui permet de soustraire une femme victime de violences conjugales par exemple – seront reçus à l’accueil et redirigés vers qui de droit. À eux de sélectionner le motif qui leur semble le plus judicieux… comme celui des déplacements brefs, cite Laurent Ben Kemoun. Petit bémol : encore faut-il habiter à moins d’un kilomètre du tribunal. Un détail qui peut peut-être expliquer la légère baisse d’affluence constatée en ce premier lundi 2021 sous confinement.
Pas fini “d’éponger le passif” de 2020
Quoi qu’il en soit, cette autorisation de poursuivre l’activité judiciaire constitue un vrai soulagement pour l’établissement judiciaire. Car les stigmates de la fermeture en 2020 restaient jusqu’à ce jour bien visibles dans les allées bourdonnantes du tribunal et jusque dans les audiences parfois chargées. « Des “retards« , ce n’est pas le mot, mais nous n’avions pas terminé d’éponger le passif”, concède Laurent Ben Kemoun. Une situation maîtrisée certes, et rendue possible par la création d’audiences à juge unique à la rentrée de septembre dernier. “Nous avions retroussé nos manches, ce qui nous a permis de bien rebondir”, atteste-t-il.
Face à une situation de plus en plus tendue, le centre hospitalier de Mayotte enchaîne les augmentations de nombre de lits en réanimation. Parmi les options sur la table pour se donner une bouffée d’oxygène, l’agence régionale de santé a demandé à ouvrir l’hôpital de Petite-Terre d’ici un mois et la direction du CHM a reçu des garanties orales pour doubler quotidiennement les évacuations sanitaires vers La Réunion. Des mesures qui doivent se confirmer dans les prochains jours.
« Pour les soins de suite et de réadaptation, c’est l’épisode VI de Star Wars. » Si la métaphore peut prêter à sourire, la réalité n’en reste pas moins troublante avec des services de réanimation, de médecine et des urgences au bord de la saturation. « La situation est tendue, la marge se réduit », introduit Christophe Caralp, le chef de pôle Ursec, alors que Mayotte a enregistré 1.891 nouveaux cas entre le 28 janvier et le 3 février. « Aux urgences, nous intubons deux personnes par jour et deux autres sont en moyenne placées sous aide respiratoire. Nous ne l’avions pas fait lors de la première vague. » Cette tension hospitalière n’augure rien de bon pour les prochains jours. Ce qui explique l’arrivée d’une trentaine de militaires samedi dernier pour ouvrir et gérer cinq nouveaux lits de réanimation dans l’aile de chirurgie ambulatoire.
Entre 10 et 30 patients envoyés en Petite-Terre ?
D’autres réflexions sont en cours de réalisation pour tenter d’apporter une bouffée d’oxygène au personnel médical. La première concerne l’hôpital de Petite-Terre, dont la mise en fonction tarde depuis de longs mois en raison de travaux « mal falgotés » et qui est théoriquement prévue en avril 2021… Une source proche du dossier annonce que l’agence régionale de santé a donné une injonction à Catherine Barbezieux, la directrice du CHM, pour l’ouvrir d’ici un mois, c’est-à-dire début mars. Des propos toutefois relativisés par l’autorité sanitaire, qui fait plutôt état d’une demande pour « avancer sur tous les points qui bloquent ».
Reste à trouver le meilleur compromis entre la prise en charge et la logistique, notamment d’un point de vue de l’oxygène, puisque la nouvelle structure n’est pas équipée pour acheminer « de tels débits », précise Christophe Caralp. D’où l’idée, si cette opportunité se concrétise, d’envoyer entre 10 et 30 patients Covid, actuellement hospitalisés en médecine, et de les brancher à des extracteurs. Mais un autre problème persiste : l’aval de la commission de sécurité. Et à ce petit jeu-là, le préfet de Mayotte est catégorique, car « c’est un établissement amené à recevoir des personnes fragiles ». Ainsi, le délégué du gouvernement attend le passage des experts pour savoir si « toutes les garanties minimales sont remplies ». Du chemin reste donc à parcourir pour lever tous les obstacles légaux.
Plus d’une quinzaine de patients évacués à La Réunion ?
L’autre bonne nouvelle devrait venir du ciel, avec le doublement quotidien des évacuations sanitaires vers La Réunion grâce à l’envoi d’un deuxième équipage. « Nous avons eu l’accord oral de Paris », confie Christophe Caralp, qui espère débuter ce nouveau roulement en début de semaine. Une stratégie aérienne qui représente un budget supplémentaire de l’ordre de 86.000 euros. Concernant le profil des passagers, la décision s’oriente vers des Covid en détresse respiratoire et des hypertendus. « Il faut bien les sélectioner, nous ne transportons pas des Playmobils », ajoute le responsable du pôle Ursec, qui verrait d’un bon œil le transfert de 5 à 7 patients en réanimation et de 10 autres en médecine. Sauf que l’île voisine est aussi en proie à un regain du nombre de cas en raison du varint sud-africain. Une propagation du virus qui pourrait rebattre les cartes. Quelles seraient alors les options alternatives ? « D’ici un mois, la crise sera peut-être derrière nous… Mais si La Réunion était réellement impactée, il faudrait potentiellement envisager des évacuations vers la métropole. Un dispositif très lourd à mettre en place. »
Indépendamment de ces solutions envisagées, le centre hospitalier de Mayotte continue sa réorganisation interne pour « essayer de toujours garder un coup d’avance ». Ainsi, des médecins des centres médicaux de référence (CMR) pourraient être réaffectés très prochainement dans le service de médecine pour renforcer les effectifs. Et pour libérer des lits, le cheval de bataille sur l’île aux parfums, Christophe Caralp mise sur la possibilité de multiplier les hospitalisations à domicile, lorsque les états de santé le permettent. « Nous avons une autorisation de 45 patients, qui est déjà pleine. Nous voudrions l’augmenter à 70, mais pour cela il nous faut notamment l’accord des médecins libéraux. » Tout un tas de mesures suffisantes pour ne pas vivre une catastrophe sanitaire, voire une hécatombe ? Réponse imminente..
C’est reparti. Depuis vendredi soir 18h, tous les Mahorais sont priés de rester chez eux, et ce, pendant trois semaines minimum, sauf exceptions. Aides aux entreprises, économie informelle, immigration clandestine… Le préfet Jean-François Colombet revient pour Flash Infos sur les dispositifs en place pour les trois prochaines semaines.
Flash Infos : Lors du premier confinement, toutes les activités ou presque avaient été stoppées net, ce qui avait conduit à mettre en place tout un panel de mesures de soutien aux entreprises, avec plus ou moins de succès compte tenu des spécificités locales. Quelles mesures sont reconduites cette fois-ci, avec quelles adaptations possibles du dispositif ?
Jean-François Colombet : Le principe, c’est de tout faire pour travailler à domicile lorsque cela est possible. Pour les activités qui ne peuvent s’effectuer depuis chez soi, l’employé peut être autorisé à rejoindre son lieu de travail muni de l’attestation employeur. Tout ce qui ne relève pas du télétravail ou du travail à domicile doit se poursuivre, c’est notamment le cas des travaux publics, du bâtiment, qui est vital pour Mayotte. Dernier cas de figure, celui des commerces fermés, et là, bien sûr, le régime du travail partiel est complètement réactivé. Et nous sommes même intervenus, à la demande des représentants socio-professionnels rencontrés jeudi soir, pour tenter de mettre en place une procédure accélérée pour déclencher l’activité partielle avec le moins de formalités possibles. Cette demande est remontée à Paris, elle est à l’arbitrage du premier ministre.
FI : Qu’advient-il de l’économie informelle, qui représente ⅔ des entreprises marchandes à Mayotte ? L’année dernière, les vendeurs de route étaient rapidement réapparus sur les routes malgré le confinement…
J-F.C. : C’est aussi pour cette raison que je voulais à tout prix éviter le confinement généralisé… Il est évident qu’en interdisant tous les marchés déclarés officiellement, je ne suis pas en mesure de tolérer les marchés non officiels. Tous les vendeurs de bords de route seront donc verbalisés, et nous leur demanderons de partir. Pour les marchés officiels et exclusivement alimentaires, il y a certes une interdiction générale, mais malgré cela une possibilité de déroger si le maire met en place un protocole sanitaire strict : pour gérer les files d’attente, la proximité du public, le nettoyage des produits, pour vérifier que les gestes barrières sont bien respectés, etc. Si toutes ces conditions sont remplies, je peux donner une autorisation dérogatoire, avec comme obligation que ce protocole soit exécuté convenablement. Comme pour le dernier confinement d’ailleurs, souvenez-vous !
FI : Et pour l’aide alimentaire ? Le même dispositif, avec les distributions de bons alimentaires, via notamment les associations dispatchées sur différentes zones du territoire, va-t-il être reconduit ?
J-F. C. : Effectivement. Dès la semaine prochaine, nous distribuerons des bons alimentaires à ceux qui n’auront plus aucune possibilité de subvenir à leurs propres besoins. J’ai d’ores et déjà fait remonter à Paris nos besoins pour trois semaines de confinement. Comme d’ailleurs j’avais déjà lancé les distributions sur les trois communes confinées depuis la semaine dernière. Nous allons travailler avec les associations caritatives et les centres communaux d’action sociale (CCAS), tout cela est en train de se mettre en route et nous avons le soutien massif du gouvernement sur ce sujet, comme sur tout le reste. Pour les seuls bons alimentaires, Paris m’affecte une enveloppe de 550.000 euros par mois. Quant à l’organisation, nous allons remettre en place le même genre de dispositif, car ce que nous voulons éviter, ce sont les distributions de produits alimentaires, qui, comme nous l’avons appris lors du dernier confinement, entraîne une agrégation de personnes et favorise la circulation du virus. Donc dans la mesure du possible, nous favoriserons le porte à porte, ou les retraits auprès des CCAS.
FI : Vous expliquiez jeudi soir que nous allions garder deux vols par jour entre La Réunion et Mayotte. Doit-on s’attendre à une diminution du trafic aérien ?
J-F.C. : Nous allons tenter de les garder, nuance ! Nous n’en sommes pas sûrs. La grande différence avec le confinement de l’année dernière, c’est que nous n’avons pas de mesures administratives qui mettent fin aux liaisons aériennes commerciales. En mars 2020, dans l’urgence, les liaisons avaient été suspendues. Là, ce n’est pas le cas, mais nous sommes très rigoureux sur les motifs impérieux de déplacement au départ comme à l’arrivée, tant sur les vols Mayotte-La Réunion que Mayotte-Paris. Aujourd’hui, des gens peuvent se faire refouler en arrivant à Paris s’ils n’ont pas de pièce justificative. Et bien sûr, nous maintenons les tests PCR 72 heures avant le voyage. Donc nous serons très, très rigoureux, j’insiste là-dessus. Plus nous ferons preuve de sérieux dans la mise œuvre de ces garanties de sécurité, plus nous aurons des chances de maintenir les liaisons commerciales. Qui sont vitales pour Mayotte, car comme vous le savez, ce sont les passagers qui paient le fret dont nous avons besoin. Soit au minimum 50 tonnes de fret par semaine sur les produits indispensables.
FI : Vous allez renforcer la surveillance aérienne en mer, quels en sont les effets bénéfiques ?
J-F.C. : Notre dispositif aérien nous aide à anticiper l’arrivée des kwassas, car il nous permet de voir plus loin que les bateaux. Il peut ainsi nous dire la composition des flottilles de kwassas, souvent organisés de façon très stratégique pour que certaines embarcations fassent diversion… J’ai donc le soutien du gouvernement pour reconduire ce dispositif, ce que je viens de faire pour deux semaines, et éventuellement le pérenniser.
FI : Ce nouveau confinement tombe alors que le gouverneur d’Anjouan a récemment invité la population comorienne à envahir Mayotte et a annoncé la fermeture des frontières, un choix non suivi par le gouvernement central. Allez-vous poursuivre les reconduites pendant le confinement, et avez-vous le soutien de l’Union des Comores ?
J-F.C. : Ce n’est pas la première fois que le gouverneur d’Anjouan fait ce type de déclaration. Nous, nous traitons avec le gouvernement de l’Union des Comores, et il y a eu récemment une déclaration dans la presse qui disait bien que ce n’était pas au gouverneur de traiter de ces sujets. Il faut laisser cet événement dans la dimension qui est la sienne… Et nos relations avec l’Union des Comores sont bonnes. Nous allons poursuivre les éloignements et nos voisins ont très bien compris l’enjeu. Ils savent que nous prenons les garanties pour tester systématiquement tous les étrangers en situation irrégulière que nous éloignons. Pour l’instant, donc, c’est le statu quo.
FI : Le confinement est annoncé pour une durée d’au moins trois semaines. Est-il possible que des allégements soient pris plus tôt si les conditions s’améliorent, comme nous avons pu le voir à Bouéni ? Ou au contraire, un renforcement des mesures ?
J-F.C. : Non, non, pas d’allègement avant trois semaines. Il faut que chaque habitant de l’île prenne sérieusement la mesure de la chose et comprenne que le sort de Mayotte est entre ses propres mains. Le confinement, ce n’est pas juste l’affaire de l’État, des maires, du conseil départemental… C’est chacun d’entre nous, dans sa vie quotidienne, qui doit être amené à adapter ses comportements pour respecter les consignes, respecter les gestes barrières. Il faut que nous soyons performants individuellement pour espérer sortir du confinement. Dans le cas contraire, nous risquons plutôt de le prolonger si la pression sur l’hôpital reste la même, si nous avons encore un nombre de cas exorbitants dans trois semaines… Mais si nous jouons le jeu, cela marchera. Regardez : sur les trois communes que j’ai confinées, il y en a une où le maire est très très engagé, où les habitants ont compris l’intérêt des restrictions et en une semaine nous avons perdu 200 cas pour 100.000 habitants ! C’est la preuve que si chacun y met du sien, nous pourrons bientôt apercevoir un horizon plus clément.
Mayotte entrait en confinement le vendredi 5 février à partir de 18h. Un confinement qui a visiblement fait peur à la population. Les gens se sont rués dans les magasins, et ont provoqué des bouchons à n’en plus finir sur les routes. Une situation qui a totalement bloqué la circulation de Mamoudzou durant toute la journée.
Une ville totalement bloquée par des voitures qui créent des embouteillages interminables. Une population paniquée par la propagation d’un virus qui menace de contaminer tout le monde. Non ceci n’est pas le synopsis du film “Je suis une légende”, mais le scénario de la situation chaotique qui s’est déroulée dans le grand Mamoudzou, vendredi dernier. Appuyé contre le capot de sa voiture, en pleine discussion avec deux autres personnes, Ben est partagé entre la fatigue et l’incompréhension. Cet automobiliste est bloqué avec sa voiture à la rue du commerce depuis un bon moment. “Une heure pour faire 2 kilomètres, c’est hallucinant. Je n’ai jamais vu de tels embouteillages, même pas à la veille de la ide.”
Cet homme reflète le ras-le-bol des automobilistes qui ont eu le malheur de prendre leurs voitures vendredi pour circuler dans Mamoudzou. Depuis le matin, toutes les routes de la commune sont totalement bloquées. Seuls les deux roues arrivent à se faufiler entre les files de véhicules. La raison de cette circulation chaotique ? Le confinement qui approche. Il est vrai que la ville de Mamoudzou est tous les jours embouteillée, mais la situation était particulièrement critique ce jour-là. Les habitants ont voulu faire leurs derniers achats avant la fermeture des commerces, créant des bouchons allant de Majicavo jusqu’à Tsoundzou.
Un peu plus loin, sur la route menant à Cavani, plusieurs personnes descendent d’un taxi, excédées. “Ce n’est plus possible. Cela fait une demi-heure qu’on est bloqués ! Je pense qu’à pieds, j’arriverai plus vite chez moi qu’en voiture”, déclare un homme, son sac de courses à la main. À 20h, la circulation était encore très lente. Trop de voitures, pas assez de routes. Vendredi, plus que jamais, l’île a montré ses limites routières.
Les magasins envahis
Il fallait aussi être patient devant les magasins alimentaires. Des centaines et des centaines de personnes ont voulu faire leurs courses avant le début du confinement. Une attitude difficile à comprendre puisque les commerces en question resteront ouverts durant toute la période et chacun sera autorisé à aller faire ses courses muni de son attestation. Malgré cela, les gens ont préféré patienter de longues minutes devant les grandes surfaces pour se ravitailler. Et l’attente ne s’est pas toujours faite dans le calme. Les nerfs à vifs, la patience qui a atteint ses limites, les clients du supermarché à Baobab étaient devenus irritables. “J’en ai marre d’attendre. Je veux juste faire mes courses”, désespère une dame. “Madame, vous avez pris ma place, vous êtes arrivée après moi”, crie une autre à sa voisine de file.
Une file qui s’est formée à l’entrée du centre commercial. Le responsable a dû ordonner la fermeture des grilles et des portes afin d’éviter un mouvement de foule massif. “Dans le supermarché, on fait entrer 100 personnes à chaque fois. Puis on ferme pendant trente minutes, on les laisse passer en caisse, on nettoie les paniers, puis on fait entrer les autres clients au fur et à mesure que le magasin se vide”, explique Eddy Dorla, le directeur du centre commercial Baobab.
Dès l’annonce du confinement jeudi soir par le préfet, Eddy Dorla savait que la journée de vendredi allait être intense. “On s’attendait à ce que ça afflue comme ça, alors on a mis les moyens. J’ai fait revenir du personnel l’après-midi pour pallier à tout cela. Ce sont des gens qui n’étaient pas prévus dans le planning au départ.” Malgré l’organisation du magasin, les clients sont nombreux dans les rayons et devant les caisses. Les cadis sont pleins à craquer. Les étagères des produits de première nécessité se vident. Farine, eau, riz, mabawas, tomates pelées… sont particulièrement prisés par les clients qui ont fait leurs stocks. Voilà de quoi créer une pénurie qui n’a pas lieu d’être.
MICRO-TROTTOIR :La population prépare le confinement
Doihara
“Je ne savais pas que les magasins alimentaires seraient autorisés à ouvrir. Vous me l’apprenez, je n’avais pas cette information. Je me suis précipitée parce qu’on m’a dit que tous les magasins allaient fermer. Si j’avais su, je ne serais pas venue parce que cela fait une heure que je fais mes courses, c’est beaucoup pour moi.”
Tandhuma
“On nous a dit qu’on ne pourra plus sortir à partir de ce vendredi donc j’ai préféré faire les courses pour qu’ensuite je puisse rester à la maison avec mes enfants. Mais je dois avouer qu’il y a beaucoup de monde. Il faut prendre son mal en patience. J’ai acheté du riz, des mabawas, des frites, etc. Les produits de base.”
Chilly
“J’ai tourné dans le magasin pendant une demi-heure et je n’ai pas eu ce que je voulais. Je commence à m’inquiéter parce que je ne suis pas sûre de trouver ce que je cherche même si je reviens un autre jour. Le confinement est une bonne chose selon moi, mais je ne suis pas du tout prête.”
Nadjma et Mickael
Mickael : “Honnêtement, je ne savais même pas qu’on était confinés, c’est ma femme qui m’en a parlé. Alors on achète rien de spécial, on a juste pris quelques produits pour le bébé. Je viendrai faire les grandes courses une prochaine fois avec l’attestation. »
Nadjma : « Le confinement ne va rien changer pour moi parce que je travaille dans un magasin alimentaire donc je vais devoir travailler. Mais c’est une bonne chose, même si j’estime que la décision est arrivée trop tard. Il fallait anticiper dès le début.”
Alors que les chiffres de l’ARS confirment la propagation active du Covid-19 à Mayotte, la directrice de l’autorité sanitaire Dominique Voynet et le préfet Jean-François Colombet ont annoncé l’instauration d’un nouveau confinement, effectif à partir du vendredi 5 février 18h, et pour au moins trois semaines. Bis repetita, donc, même si cette nouvelle vague semble plus sévère que la première…
La rumeur enflait depuis plusieurs heures. Ce jeudi soir, le préfet de Mayotte Jean-François Colombet a confirmé sur le plateau de Mayotte la 1ère, aux côtés de la directrice de l’agence régionale de santé (ARS) Dominique Voynet, la mise en place d’un confinement généralisé à Mayotte, qui prendra effet vendredi à 18h, et ce, pour une durée de trois semaines. Cette annonce intervient alors que “la situation sanitaire continue de se dégrader, malgré les mesures de fermeture des frontières, de couvre-feu et de confinement localisé prises ces dernières semaines”, précise la préfecture dans un communiqué.
“Le gouvernement m’a autorisé à placer Mayotte en confinement général demain à 18h. Nous partons sur trois semaines, et ce sera au moins trois semaines”, a précisé Jean-François Colombet. Conséquence : le 101ème département retrouve “les contraintes connues il y a un an”, à savoir le travail à domicile dès qu’il est possible, la fermeture des guichets publics, écoles, collèges, lycées et aussi des bars et restaurants, sauf pour de la vente à emporter/livraison. “L’objectif est de réduire tous les facteurs qui peuvent nous donner à nous déplacer, de façon à freiner l’épidémie”, a abondé le délégué au gouvernement. Bien sûr, ceux dont l’activité ne peut se faire à distance pourront aller travailler, à condition d’être muni d’une attestation ou d’un justificatif de l’employeur. C’est le cas des travaux publics, notamment.
Taux d’incidence deux fois supérieur à la métropole
Malgré le couvre-feu mis en place sur tout le territoire depuis deux semaines, et le confinement localisé des communes de Dzaoudzi-Labattoir, Pamandzi et Bouéni, les chiffres communiqués par l’agence régionale de santé ces derniers jours n’ont cessé de se dégrader. Ce jeudi, ce sont 1.232 cas qui étaient recensés par l’ARS sur une semaine, et un taux d’incidence à 440,8, soit plus de deux fois les niveaux constatés en métropole… Quant aux tests, positifs à 17,7%, ils ne contredisent pas franchement cette tendance morose. En clair, près de deux personnes sur dix ont gagné leur septaine après un passage sous le coton-tige !
Des formes graves, même chez les jeunes
“Il y a beaucoup de différences entre la première vague et la seconde vague”, a tenu à souligner la directrice de l’ARS, Dominique Voynet. “Le virus se diffuse partout, pas une seule commune n’est épargnée et nous assistons à des contaminations chez des gens moins âgés avec des formes graves, parfois même chez les jeunes, dont des décès chez des personnes qui avaient à peine 25 ans”, a-t-elle ajouté, insistant sur le fait que ce virus n’était pas “une grippette”. “Nous ferons l’impossible, mais je demande aux Mahorais de s’inquiéter.”
Dans le viseur des autorités, le variant sud-africain, qui explique cette hausse soudaine des cas sur l’île aux parfums, jusqu’alors relativement épargnée par la pandémie. 78 porteurs de cette mutation ont été recensés à Mayotte, et un cas pour le variant britannique. Mais “les délais de séquençage s’élevant à plusieurs jours, le nombre de porteurs de ces variants est en réalité beaucoup plus élevé”, a précisé la préfecture. Le nombre de patients affectés par le Covid-19 admis aux urgences, en médecine et en réanimation progresse à une vitesse inédite. Comme le nombre de clusters.
Tic-tac tic-tac pour les vaccins
D’où l’importance, pour la directrice de l’ARS, d’oser dépasser sa peur de la seringue. “Le vaccin porte ses fruits deux semaines après la piqûre, donc il n’y a pas de temps à perdre”, a-t-elle indiqué, en citant son propre exemple, tout comme ceux du Docteur Martial Henry et du président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani. L’ancienne ministre compte beaucoup sur l’arrivée des vaccins AstraZeneca et Moderna à Mayotte, plus simples d’utilisation, et qui devront être livrés avant la deuxième semaine de mars, a-t-elle assuré.
Parmi les autres moyens sur la table, il y a bien sûr la réorganisation au CHM. L’hôpital accélère le rythme des Evasan pour libérer des lits, tandis que le nombre de réservistes doit encore augmenter en cette fin de semaine. Cinq lits supplémentaires seront par ailleurs équipés par les militaires ce week-end, et une autre demande de cinq lits supplémentaires est d’ores-et-déjà sur la table du cabinet du premier ministre, a mentionné Dominique Voynet. Une source du CHM nous précise que les militaires arriveront dimanche pour gérer l’aile de chirurgie ambulatoire dédiée au Covid, qui accueille actuellement 5 patients atteints du virus, placés en réanimation.
Les aides aux entreprises relancées
Repoussée au maximum, cette décision d’un nouveau confinement à Mayotte risque de mettre à mal une économie locale qui avait déjà souffert lors de la première vague. Et tout particulièrement l’économie informelle, qui représente deux tiers des entreprises marchandes dans le département. “Tout le dispositif d’aides est réactivé immédiatement”, a répondu le préfet, interrogé au sujet des mesures de soutien aux entreprises, en assurant défendre un dispositif “le plus adapté possible à la situation singulière de Mayotte”. Seul point positif pour cette nouvelle phase sous cloche, version 2.0 : le maintien des liaisons commerciales aériennes, “vitales” pour l’île, qui compte sur ses 50 tonnes de fret par semaine pour subvenir à ses besoins les plus élémentaires. Message aux voyageurs : le motif impérieux… l’est bel et bien ! S’il restait quelques sceptiques, ce nouveau confinement l’aura au moins prouvé.
Le président de la République, Emmanuel Macron, a nommé le docteur Abdourahim Chamouine, chef de service en pédiatrie au centre hospitalier de Mayotte, au grade de chevalier dans l’ordre national du mérite, comme bon nombre de ses compères du territoire, pour récompenser son parcours et ses engagements. Humble, le quadragénaire a surtout tenu à remercier ses pairs qui l’épaulent au quotidien et à mettre en avant ses projets professionnels, sa motivation première.
Comme bon nombre de ses collègues chefs de service du centre hospitalier de Mayotte, le docteur Abdourahim Chamouine fait partie des professionnels de santé nommés au grade de chevalier dans l’ordre national du mérite par le président de la République, Emmanuel Macron, en ce début d’année 2021. Une grande surprise pour l’homme âgé de 49 ans, qui, pour ainsi dire, ne s’y attendait pas du tout. Lui qui a l’habitude de ne pas se mettre en avant, surtout devant les médias, sauf quand il s’agit de «parler de mes patients». Réservé de nature, celui qui est arrivé sur l’île aux parfums en 2010 reçoit cette distinction «avec plaisir si les gens [la] considèrent comme gratifiante». Mais dans son style bien à lui, il dirige surtout «ce coup de projecteur» sur ses collègues, «tous ceux qui m’ont aidé dans mon travail et qui la mériteraient».
Diplômé d’un baccalauréat au lycée Said Mohamed Cheikh de Moroni, le Grand Comorien s’envole pour Montpellier où il poursuit ses études de médecine avant de débarquer à Besançon pour réaliser sa spécialité en pédiatrie. Un cursus de plusieurs années durant lequel il pose ses valises pour la première fois au CHM comme interne en 2002 puis comme praticien remplaçant régulier entre 2003 et 2007. «Des brefs séjours», souligne-t-il. À ce moment-là, rien ne le prédestine à s’installer durablement dans le 101ème département. Mais le hasard fait bien les choses. Son parcours universitaire lui fait rencontrer sa femme, originaire de Mayotte, elle aussi en exil dans le Doubs. «Le rapprochement familial a beaucoup joué», avoue-t-il, pour justifier sa venue.
La drépanocytose, son cheval de bataille
Chef du pôle enfant de 2012 à 2015, le docteur Abdourahim Chamouine décide de réduire la voilure pour devenir chef de service pédiatrie. Une réduction de ses responsabilités qui coïncide avec sa nouvelle fonction de coordinateur d’un centre de référence pour les maladies du globule rouge. Plus connues sous le nom de drépanocytose. Son leitmotiv et celui de son équipe ? «Que le traitement soit mis en place dans les deux mois après la naissance de chaque nouveau-né», martèle-t-il, au moment de se réjouir de la guérison définitive de trois enfants après une greffe de moelle osseuse. Si le père de famille reçoit un financement fléché du ministère de la Santé, il peut également compter sur l’aide de l’hôpital et de l’agence régionale de santé (ARS) sur le plan administratif.
Complètement investi dans sa mission, le Mahorais d’adoption souhaite continuer sur cette lancée, à savoir «exercer mon activité et soigner mes patients». «Si j’ai ces conditions de travail, il n’y a pas de raison que je parte !» Adulé par ses pairs qui n’ont pas manqué de lui adresser une ribambelle de louanges au moment de l’annonce, le docteur Abdourahim Chamouine espère toujours pouvoir autant s’investir dans les projets qui lui tiennent à cœur et qui touchent la petite enfance. Son vœu le plus cher pour l’avenir ? «Contribuer à quelque chose dont nous ne serons pas forcément bénéficiaires» et «avoir une banque de sang à Mayotte». Toujours dans l’intérêt général ! Un grand bonhomme au grand cœur qui mérite, sans conteste, la plus haute décoration honorifique française.
Elles s’appellent Servi-in ou encore D-eat maoré. Ce sont des plateformes de livraison de repas à domicile qui veulent changer le quotidien des Mahorais. L’objectif est de permettre à chacun de manger à la maison comme s’il était au restaurant.
Vous connaissez probablement Just Eat, Uber Eats ou Deliveroo. À Mayotte, on vous présente Serv-in et D-eat maoré. Les plateformes de livraison de repas à domicile se multiplient sur l’île, à l’ère où plus personne n’a envie de perdre du temps dans les embouteillages pour aller chercher à manger. El-Anziz Saidi Yahaya est l’un des précurseurs de ce concept à Mayotte. Il crée son entreprise en 2013 à partir d’un simple constat. “À chaque fois qu’il y avait une concentration d’activité, il y avait toujours un brochetti à côté. Nous étions condamnés à manger ce qu’il y avait à côté de nous parce que nous ne pouvions pas nous faire livrer. J’en avais marre de manger des brochettes alors j’ai décidé de proposer ce service de livraison avec des plats de qualité.”
En deux coups de cuillère à pot, il crée Serv-in. Aujourd’hui, la plateforme compte 33 restaurants qui proposent leurs menus sur le site et l’application. Le fondateur use de toutes les stratégies pour attirer le maximum de partenaires. “Nous laissons le choix au restaurateur. S’il n’a pas de livreur, nous lui en fournissons un ou plusieurs, et s’il en a, il peut tout de même utiliser notre site et notre application pour proposer ses plats. Nous sommes un canal de diffusion pour multiplier le nombre de ventes”, détaille El-Anziz Saidi Yahaya.
Actuellement, Serv-in se limite à Mamoudzou et ses alentours ainsi qu’à la Petite-Terre, par manque d’opportunités. “Nous ne pouvons pas couvrir des zones si le choix des restaurants n’est pas au rendez-vous. Pour ce trimestre 2021, nous voulions servir Combani mais à cause de la violence et de la Covid-19, cela n’a pas pu se concrétiser”, regrette le jeune homme. Mais ce n’est que partie remise, affirme-t-il. En attendant, il se concentre sur le marché qu’il connaît et cherche à perfectionner l’image de sa marque. Pour cela, la plateforme a besoin de plus de livreurs. Car même si elle propose un large choix de restaurants, les délais de livraison sont souvent trop longs. “C’est parce que nous n’arrivons pas à recruter des livreurs. En ce moment, nous en cherchons 10”, annonce l’entrepreneur. Tous les livreurs doivent avoir un statut d’auto-entrepreneur et être munis d’un scooter ou d’un vélo.
D-eat maoré, le nouveau qui veut faire la différence
La plateforme D-eat maoré n’est pas encore effective, mais son fondateur (qui souhaite rester anonyme) a déjà l’ambition de se démarquer des autres. Le site propose toujours un panel de restaurants et de livreurs pour assurer la mission de livraison, mais le gérant ne s’impose aucune limite géographique. “Dès le début, nous voulons être présents sur l’ensemble du territoire contrairement à nos concurrents qui se concentrent sur Mamoudzou et Petite-Terre.” Pour cela, les restaurateurs doivent répondre à l’appel. Il reste encore deux mois avant le lancement de D-eat maoré, mais il est primordial pour l’équipe de multiplier les partenariats. “Si nous avons seulement un restaurant dans le sud, ce sera compliqué de couvrir la zone. Nous cherchons des restaurants un peu partout mais surtout à M’Tsamboro, le grand Mamoudzou, à Dembéni, à Combani, à Chirongui et à Bandrélé”, précise le gérant. Selon lui, les restaurateurs ont tout intérêt à collaborer avec D-eat maoré puisqu’ils gagneront du temps et donc de l’argent. En effet, passer commande par téléphone ou sur place peut sembler long pour certains. Une situation qui irrite les plus impatients, et ces derniers finissent par aller ailleurs.
L’équipe de la nouvelle plateforme est consciente que le gain de temps peut être son atout principal. Elle met donc tous les moyens pour dépasser les concurrents. “Nous réduirons le temps de livraison et pour cela, nous aurons beaucoup de livreurs. Nous sommes en contact avec les CCAS qui peuvent nous mettre en relation avec les demandeurs d’emploi”, indique le gérant, qui est d’ailleurs toujours en phase de recrutement. Toute personne intéressée doit cependant avoir également le statut d’auto-entrepreneur et avoir un scooter ou un vélo. “À travers ce projet, je souhaite faire baisser le taux de chômage.”
Enfin, si les autres plateformes ont des horaires plus ou moins restreints, D-eat maoré veut pouvoir proposer un service à ses clients tout au long de la journée. Mais la décision finale revient aux restaurants qui auront le choix de proposer ou pas des plats même lorsque les autres seront fermés. À vos fourneaux !
Pour postuler aux postes de livreurs vous pouvez contacter :
Serv-in : sur leur page Facebook Serv-in D-eat maoré : par mail contact@d-eatmaore.com
L’enquête de recensement à Mayotte commence ce jeudi 4 février pour une publication des premières populations légales en décembre 2025. Au total, 40% des logements en dur et 100% en tôle des villes de plus de 10.000 habitants ou plus auront été recensés ainsi que tous les foyers des «petites communes». Pas moins de 100 agents recenseurs seront mobilisés dans un contexte sanitaire qui ne facilite pas leur tâche. Mais ce travail d’orfèvre doit permettre de définir les futures politiques publiques nationales et locales qui colleront au plus près de la réalité du terrain.
Top départ pour le lancement de la première enquête annuelle de recensement à Mayotte. Finies les publications officielles tous les 5 ans et les polémiques de comptoir sur le soi-disant nombre sous-évalué d’habitants dans le 101ème département. «C’est une étape de plus franchie depuis la départementalisation», se réjouit Aurélien Daubaire, responsable interregional océan Indien de l’institut national de la statistique et des études économiques (Insee), venu spécialement de La Réunion pour présenter en personne le nouveau dispositif qui existe en métropole depuis le début des années 2000. Mais surtout, c’est un pas de plus vers «le droit commun», comme le souligne Madi Madi Souf, le président de l’association des maires.
À partir de ce jeudi 4 février, pas moins de 100 agents recenseurs se déploient dans toutes les communes de plus de 10.000 habitants (Bandraboua, Bandrélé, Dembéni, Dzaoudzi, Koungou, Mamoudzou, Ouangani, Pamandzi, Sada et Tsingoni) pour recenser 8% des logements en dur et 20% en tôle d’ici le 13 mars prochain, soit environ 150 habitations chacun. Une course contre la montre qui doit se répéter sur les 5 prochaines années pour atteindre 40% pour les premiers foyers et 100% pour les seconds. Pour les «petites communes» comme on dit dans le jargon, soit celles de moins de 10.000 âmes, la donne est sensiblement différente puisqu’elle se base sur «l’ancienne méthode», confie Bertrand Aumand, le nouveau chef du service régional de Mayotte. En d’autres termes, il s’agit d’une opération unique. M’Tsangamouji ouvre le bal en 2021, suivie de Chiconi et Kani-Kéli en 2022, M’Tsamboro en 2023, Acoua et Chirongui en 2024 et Bouéni en 2025. Le chiffre tant attendu qui sera publié en décembre de cette dernière année-là correspondra à la population de 2023, «l’année médiane de l’intervalle de 5 ans».
Le recensement sur Internet : une nouveauté
«Une enquête préparée de longue haleine» selon les mots Muriel Granjon, responsable du recensement de la population sur l’île aux parfums. Enquête qui se déroule selon plusieurs caractéristiques en raison de la crise sanitaire. «Les superviseurs Insee et les coordonnateurs communaux n’auront de cesse de rappeler les mesures de prévention aux agents», insiste-t-elle. À l’instar du port du masque et du lavage des mains au gel hydroalcoolique. Autre consigne stricte : ne pas rentrer dans l’habitation lorsque le questionnaire (la feuille de logement et le bulletin individuel) est rempli sur papier, ce qui nécessite un deuxième rendez-vous pour le récupérer. Un seul mot d’ordre prime, à savoir «privilégier la réception en plein air». «Cette année, on a mis en place la collecte par Internet (en métropole, une réponse sur deux se réalise de cette manière, ndlr.) pour éviter le contact, c’était inenvisageable en 2017. Une notice avec code d’accès est déposée dans la boîte aux lettres des habitants.» Seul bémol ? Les réponses ne peuvent être complétées actuellement que sur ordinateur, en attendant le développement sur Smartphone.
Quid alors de la possible évolution des confinements localisés ? «La santé doit primer», martèle Aurélien Daubaire. Conséquence : il est prévu que la date de fin du recensement soit suspendue pour les communes qui seraient placées sous cloche d’ici le mois prochain. Avant de rappeler que si le recensement est obligatoire, la clé de voûte de celui-ci repose sur «la confidentialité et la confiance». Et d’ailleurs, les Mahorais le lui rendent bien puisque le 101ème département a le meilleur taux de réponse de France (97.6%). «L’énorme taux de sondage donne un résultat fiable», ajoute-t-il. Et réduit ainsi la marge d’erreur. «Ce n’est pas possible qu’on ait 400.000 habitants sur le territoire, sinon on serait passé à côté de 150.000 personnes. C’est inimaginable, il faut se fier aux chiffres de l’Insee», martèle Bertand Aumand, pour riposter face aux contre-vérités qui circulent continuellement sur les réseaux sociaux.
L’engagement de la population à l’égard de ce recensement est d’autant plus important qu’il permet de définir les politiques publiques nationales, d’établir la contribution de l’État au budget des communes (dotation globale de fonctionnement) mais aussi de décider des équipements collectifs et des programmes de rénovation, comme les crèches, les collèges, les théâtres ou encore l’ouverture de nouveaux commerces, à l’instar des pharmacies, et de construire de nouveaux logements. «Les communes ont tout intérêt à n’oublier personne, c’est un investissement pour l’avenir», conclut le chef du service régional de Mayotte, qui prenait part ce jour à sa première intervention publique depuis sa prise de fonction, en remplacement de Jamel Mekkaoui.
Trois établissements ont déjà mis en place des mesures pour limiter l’afflux des élèves et les risques de transmission du Covid-19. Alors que les chiffres de l’ARS continuent de grimper, d’autres structures pourraient être concernées par ces réductions des jauges d’accueil… Voire par une fermeture complète. Le recteur Gilles Halbout fait le point sur les zones de vigilance.
Flash Infos : Après le lycée de Sada, le lycée Bamana et le collège de Majicavo ont à leur tour mis en place une réduction de leur jauge d’accueil. Où en est-on de la situation sanitaire dans les établissements scolaires de l’île ?
Gilles Halbout : C’est en effet la situation pour ces trois établissements. Il s’agit, je le rappelle, du niveau 2 des restrictions qui vient aussi avec un dépistage massif des enseignants et de tous les personnels. Le passage au niveau 3, c’est-à-dire la fermeture pure et dure des portes, dépend des contraintes locales ou des chiffres de l’agence régionale de santé (ARS). Pour ne rien vous cacher, si la situation à Sada et à Bamana a l’air bien sous contrôle, les résultats des tests sont moins encourageants à Majicavo… Nous n’avons pas encore les derniers chiffres, mais il y a de fortes chances que nous soyons amenés à fermer le collège. Nos autres points de vigilance, que nous surveillons en lien avec l’ARS et la préfecture, concernent aujourd’hui les collège de M’Tsamboro, Tsingoni, Kani-Kéli, Dembéni, et la cité scolaire de Bandrélé. Là, nous allons certainement passer en jauge réduite également.
FI : Quid des communes confinées, en Petite-Terre et à Bouéni, où les établissements scolaires ont dû fermer ? Un assouplissement pourrait-il être envisagé pour permettre à certains élèves de retourner en classe, selon cette logique d’alternance présentiel/distanciel ?
G. H. : À l’heure où je vous parle, je n’ai pas d’information supplémentaire. Il y avait un léger espoir pour Bouéni, mais rien de concret pour l’instant. Nous restons en lien avec la préfecture et l’ARS et tout dépendra de l’évolution de la situation sanitaire.
FI : Dans le premier degré, certaines critiques ont ciblé le manque de nettoyage des établissements, et un relâchement sur les protocoles sanitaires. Que répondez-vous ?
G. H. : Oui, ces éléments ont été soulignés lors du dernier CHSCT avec les organisations syndicales. Celles-ci ont tenu à rappeler qu’il y avait un relâchement ces derniers temps dans le nettoyage et, d’une manière générale, dans le respect des gestes barrières. Il faut que tout le monde se remobilise sinon cela va nous amener à prendre des mesures plus drastiques. Et il faut notamment remobiliser les communes dans le nettoyage et les gestes barrières, et surtout le port du masque. Nous sommes en train de former des services civiques, en lien avec la préfecture, pour mettre en place des brigades anti-covid chargées de veiller à la bonne application des gestes barrières. Cette piste-là, nous pouvons la déployer très rapidement car nous avons beaucoup de services civiques. Certaines communes ont d’ailleurs déjà instauré ces “vigies”. C’est une très bonne initiative, qu’il faut généraliser.
FI : Est-ce que ce relâchement peut s’expliquer par un manque de moyens, matériel de nettoyage, masques ?
G. H. : Les masques, on dit toujours qu’il en manque… Mais de notre côté, nous en avons encore distribué 300.000 la semaine dernière. Nous tâchons de contrôler les circuits de distribution, après, il peut y avoir une école ici ou là qui n’a pas fait remonter ses besoins à temps, par exemple. Parfois, il s’agit avant tout de faire attention aux chaînes de transmission de l’information, c’est d’ailleurs ce que je réponds aux syndicats.
Quant au nettoyage, il faut garder en tête que nous revenons de loin, de très, très loin. Effectivement, nous pouvons imaginer qu’il y a eu un effort gigantesque à la rentrée, qui aujourd’hui s’est essoufflé… Mais s’il s’agit d’un manque de moyens matériels ou humains, car des personnels d’entretien peuvent par exemple tomber malade. Dans les établissements que nous gérons, le message est clair : s’il faut, nous payons une entreprise pour compenser. Il ne faut pas baisser la garde. Et l’effort fourni à la rentrée doit devenir la norme.
FI : Au lycée de Sada, la direction a fait le choix de mettre en alternance les classes de Seconde générale, car elles avaient en moyenne davantage accès aux supports numériques à la maison que d’autres, moins favorisées. Malgré cela, il semble difficile aux élèves de suivre les cours prévus dans leur emploi du temps, lorsqu’ils sont à distance… Comment assurez-vous la continuité pédagogique ? Quels enseignements avez-vous tiré du premier confinement ?
G. H. : Le premier bilan, comme vous pouvez vous en douter, c’est qu’une continuité pédagogique, surtout qui s’installe dans la durée, est particulièrement compliquée à instaurer à Mayotte. Nous faisons donc le maximum pour éviter qu’elle s’installe dans la durée, car nous savons que les conditions de travail de nos jeunes à la maison ne sont pas les mêmes qu’en métropole. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous favorisons ce parti pris de l’alternance un jour sur deux, car nous savons que de longues semaines sans cours entraînerait naturellement de nombreux décrochages. Et ce choix permet aussi de distribuer les cours papiers pour ceux qui ont moins accès à Internet. Et de maintenir le lien. Quand les établissements sont complètement fermés, comme en Petite-Terre et à Bouéni en ce moment, le plus important, c’est ce lien-là et les équipes pédagogiques doivent appeler régulièrement chaque élève pour être sûrs qu’il n’y ait pas de rupture.
FI : Ce jeudi, plusieurs syndicats entendent suivre la grève nationale. Le syndicat CGT Educ’action s’est notamment fendu d’un communiqué pour dénoncer, je cite, des “vies scolaires méprisées”. Le syndicat s’inquiète de l’ouverture des établissements en temps de Covid, sans personnels de vie scolaire, eux-mêmes frappés par l’épidémie…
G. H. : Ce que j’ai déjà répondu, c’est qu’il ne faut pas faire des généralités à partir d’un cas particulier. Il y a eu une fois, un jour, à un endroit, la situation que ce syndicat dénonce, sûrement à cause d’un manque d’anticipation dans l’établissement concerné. Mais s’il n’y a pas de personnel de vie scolaire, nous n’ouvrons pas, il n’y a pas de débat. Quant aux assistants d’éducation (AED), dont le communiqué que vous mentionnez dénonce la situation contractuelle, c’est aussi le rôle des organisations syndicales de dire aux agents ce qui est. Nous savons qu’il s’agit là de contrats réglementés par des textes, et qui ne peuvent excéder six ans au maximum. Il ne s’agit pas d’un CDD pouvant déboucher sur un CDI, c’est très particulier. Mais la couleur est annoncée dès le départ ! Et la plupart vont au bout de leur formation, passent le concours, etc. Nous les accompagnons en ce sens.
Enfin, au sujet de la participation au mouvement de grève, cette dernière a été déclenchée quand le ministre a annoncé de grosses mesures de revalorisation, des primes d’équipement alternatif pour tous les personnels, des rattrapages de rémunération pour les débuts de carrière… Des moyens sont mis sur la table, sans compter les mesures catégorielles pour les directeurs d’école. Après, que l’on dise que ça ne va pas assez loin ou assez vite, nous pouvons l’entendre. Mais c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avions organisé juste avant les vacances un Grenelle local à Mayotte avec les députés, qui avait permis de faire des propositions pour aligner les droits à la retraite des instituteurs d’État recrutés à Mayotte sur les autres collègues, pour renforcer les mesures d’attractivité, pour développer la formation… Et tout le monde a désormais l’ambition de porter ces conclusions au niveau national.
Ce jeudi 4 février est dédié à la journée mondiale contre le cancer. L’occasion de démocratiser le discours autour de cette maladie. Le réseau de santé Rédéca Mayotte a choisi de mettre en avant le cancer du col de l’utérus car il est encore très meurtrier chez les femmes à Mayotte.
Il est silencieux et agit sournoisement dans l’ombre pendant des années avant de faire des ravages. Le papillomavirus est à l’origine du cancer du col de l’utérus. Il évolue lentement et peut générer un cancer au bout de 10 à 15 ans après son apparition. “Nous contractons le virus très souvent lors d’un rapport sexuel”, informe Fatima Kassim, assistante de gestion au centre de santé Rédéca. Selon cette dernière, le cancer du col de l’utérus est le deuxième cancer féminin le plus meurtrier à Mayotte. Pourtant, une femme peut survivre si elle est dépistée à temps. “Le premier frottis, c’est-à-dire le dépistage, doit se faire à 25 ans. Il faut ensuite en faire un deuxième un an plus tard, puis tous les trois ans jusqu’à 65 ans”, explique Fatima Kassim.
En réalité, toutes les femmes sont susceptibles d’attraper le papillomavirus, mais le dépistage est fortement recommandé à celles âgées entre 25 et 65 ans car il est gratuit pour cette tranche d’âge, que l’on soit affilié ou pas à la sécurité sociale. “Se faire dépister régulièrement c’est mettre les chances de son côté. Si nous détectons les cellules malades assez tôt, nous pouvons avoir un traitement moins lourd et nous avons plus de chances de guérir car le cancer est précoce”, prévient la professionnelle. Pour rappel, le papillomavirus peut également toucher les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes.
Rédéca au coeur de la prévention
Le réseau de santé prend sa mission de prévention et de sensibilisation très à cœur. Il est possible d’effectuer des frottis au centre Rédéca situé à Mamoudzou, près de l’hôpital. Mais les professionnels sont conscients que toutes les femmes ne peuvent se déplacer jusqu’au chef-lieu. Alors ils vont vers elles. “Nous avons un camion qui se déplace dans chaque commune, chaque village, avec les médiatrices santé et les sages-femmes. Elles font de la sensibilisation mais également des dépistages sur place”, indique Fatima Kassim. Selon les endroits, les femmes sont plus ou moins nombreuses.
Les préjugés et les tabous sont encore tenaces puisqu’il s’agit d’un virus que l’on attrape lors d’un rapport sexuel, dans la grande majorité des cas. Peu de jeunes filles affluent, pourtant “elles peuvent faire un frottis même si elles sont mineures”, précise l’assistante de gestion au Rédéca. Mais puisqu’elles ne sont pas censées avoir des rapports sexuels avant le mariage, selon la tradition mahoraise, on ne les voit que très rarement au centre ou dans le camion. Et une autre catégorie de femmes manque aussi à l’appel. “Celles qui ont atteint la ménopause ne sont pas nombreuses parce qu’elles considèrent qu’elles ont déjà eu des enfants et qu’elles ne risquent rien”, constate Fatima Kassim. Une idée reçue, puisque même les femmes ayant eu des enfants peuvent être infectées par le papillomavirus.
Mais le vent tourne. De plus en plus de femmes prennent l’initiative de faire les frottis. Le réseau de santé recense en moyenne 5.000 dépistages chaque année. “Ce n’est pas assez par rapport à la population minime que nous visons. Nous souhaitons atteindre 20.000 femmes qui ont entre 25 et 65 ans. Nous sommes loin du compte, mais le nombre de dépistages est en augmentation”, relativise la professionnelle. Reste, aussi, à sensibiliser les hommes à la cause. Qui pourront en parler à leur entourage… et peut-être sauver leur femme, leur mère, ou leur soeur.
Depuis ce 1er janvier 2021, tous les usagers de la mer ne pourront plus approcher les mammifères marins de Mayotte à moins de 100 mètres. Une nouvelle qui réjouit le Parc naturel marin mais qui inquiète les opérateurs nautiques.
Approcher les dauphins et les baleines, nager avec eux… des moments uniques qui ne sont désormais plus possible. L’arrêté ministériel du 1er juillet 2011, modifié en septembre 2020, impose une nouvelle restriction. À compter du 1er janvier 2021, la distanciation physique s’impose également auprès des mammifères marins. Cette nouvelle règle s’applique sur toutes les aires marines protégées de France, Mayotte comprise. 100 mètres, c’est la distance à ne pas dépasser. “Cette distance de 100 mètres n’a pas été choisie au hasard. Les experts en comportement des cétacés et les centaines d’études sur le sujet montrent que le well watching (l’observation des mammifères marins) a un impact sur ces espèces. Elles sont perturbées et cela joue forcément sur leur évolution en mer”, affirme Léa Ramoelintsalama, chargée de mission mobilisation citoyenne et appui aux acteurs au Parc naturel marin de Mayotte.
Et gare à celui ou celle qui enfreindra cette nouvelle règlementation. Le Parc naturel marin mettra à disposition deux agents assermentés qui pourront délivrer des amendes. Et la note risque d’être salée si l’on est pris en flagrant délit. “Une contravention de 4ème classe peut être appliquée, autrement dit, la contravention peut aller jusqu’à 750 euros”, prévient Léa Ramoelintsalama. De quoi dissuader les plus réfractaires.
Une nouvelle qui ne fait pas que des heureux
Si cette nouvelle réglementation réjouit les défenseurs des espèces marines, certains opérateurs nautiques ne voient pas cela d’un bon œil. À l’exemple de Yannick Stéphan, gérant de Mayotte Découverte. “Si l’arrêté est respecté à la lettre à Mayotte, il nous sera impossible de travailler. Autant fermer de suite. Notre fonds de commerce est basé sur l’observation des mammifères marins. On permet à notre clientèle de les approcher sans être dans un aquarium. Ils veulent jouer avec, les voir évoluer près des bateaux.” Le professionnel sait que l’observation en mer ne sera plus pareil, et cela risque fortement de faire baisser son activité.
Selon lui, cette décision prise à Paris doit être adaptée à Mayotte. Le tourisme de masse est un concept inexistant sur le territoire, les mammifères marins seraient donc plutôt bien préservés. “On est des professionnels formés. Il y a des milliers de dauphins à Mayotte et on ne les dérange pas, on ne les empêche pas de se reproduire. On ne peut pas comparer Mayotte aux autres territoires”, continue Yannick Stéphan. Le Parc naturel marin voit les choses différemment et estime que cette mesure permet de prévenir d’éventuels débordements dans le futur. “Le tourisme en mer commence à se développer sur l’île. Cette mesure vient à point nommé pour en-cadrer tout cela”, assure Léa Ramoelintsalama. La question qui se pose désormais est l’interprétation des comportements des baleines ou des dauphins qui s’approchent de leur propre chef des bateaux. Comment être certain que c’est le mammifère qui a fait le premier pas et non le contraire ? Réponse en mer.
Alors que Bouéni, Dzaoudzi-Labattoir et Pamandzi vivent déjà sous cloche depuis une semaine, les établissements scolaires de l’île sont amenés à prendre des mesures pour éviter à leur tour le confinement total. À Sada, les élèves de Seconde générale ont désormais cours un jour sur deux. Une façon de limiter le brassage des 2.200 élèves du lycée. Et donc la transmission du virus. Reportage.
6h20. Le gros bus qui vient de larguer sa jeune cargaison masquée entame un demi-tour hasardeux. Pendant ce temps, les autres transports scolaires défilent, dans un ballet incessant et anarchique, sur ce terre-plein terreux qui fait office de dépose-minute devant le lycée de Sada. Chaque matin, jusqu’à la fermeture des grilles et le début des cours à 7h, c’est la même rengaine. Difficile de faire régner une quelconque harmonie au milieu de ce vacarme de coups de frein et de bavardages. “Nous l’appelons la cour des miracles… “miracles” parce qu’heureusement, nous n’avons jamais eu d’accident”, sourit le principal Jean-Pierre Redjekra, posté en maître d’orchestre en haut de ces marches que piétinent chaque jour quelque 2.000 élèves. Enfin, piétinaient.
Pas de “miracle” attendu, en effet, dès qu’il s’agit de la crise sanitaire. Afin de limiter la propagation du Covid-19, le lycée de Sada est le premier sur Mayotte à “réduire la jauge d’accueil” pour reprendre les termes officiels. Comprendre : diminuer les effectifs pour repousser au maximum l’hypothèse d’une fermeture pure et dure, comme cela avait été le cas en mars 2020. Une éventualité qui avait été annoncée par le rectorat à l’occasion des nouvelles mesures de restrictions, et du confinement des communes de Bouéni, Dzaoudzi-Labattoir et Pamandzi, le 28 janvier dernier. “En lien avec l’ARS et la préfecture, nous pourrions être amenés à prendre des décisions, au cas par cas, impactant le fonctionnement des établissements”, précisait le communiqué.
Sada, Bamana, Majicavo et les autres
Avec Sada qui mène la danse depuis ce lundi, c’est désormais chose faite. “Nous avons commencé par cet établissement, et nous avons rajouté le lycée Bamana aujourd’hui (mardi) et le collège de Majicavo dès mercredi. Et nous avons d’autres cibles pour les prochains jours”, confirme le recteur Gilles Halbout. Le “cas par cas”, dépend de la typologie des contaminations, poursuit le représentant de l’Éducation nationale, et des propositions des principaux d’établissement, qui font ensuite l’objet d’une validation par l’institution. À Sada, comme d’ailleurs à Majicavo et Bamana, le choix s’est porté sur une alternance de présentiel et distanciel.
Une semaine en deux semaines
“Pour l’instant, cela ne concerne que les quatorze classes de Seconde, qui ont désormais cours un jour sur deux”, décrit Jean-Pierre Redjekra. Lundi, sept classes ont suivi leur emploi du temps normal, et les sept autres sont revenues au lycée ce mardi, donc. La semaine prochaine, rebelote, mais inversée. “Sur deux semaines, ils font une semaine complète.” Quid des jours passés à la maison ? “Le professeur vient quand même au lycée, il est dans sa salle de classe, et il donne les devoirs en ligne”, explique justement dans le combiné le directeur adjoint Akim Dallal à un parent inquiet, qui l’appelle à ce propos.
Via la plateforme de l’Éducation nationale “Neo” – un ENT, “espace numérique de travail” dans le jargon – via Pronote ou encore par mail, les professeurs assurent la fameuse “continuité pédagogique”, qui a déjà fait taper beaucoup de caractères. Pour les élèves qui n’ont pas accès à Internet chez eux, reste le bon vieux papier… 80% des enseignants confirment y avoir encore recours, couplé pour 73% à du numérique, d’après un formulaire envoyé dare-dare par l’administration du lycée à l’annonce de cette nouvelle organisation des emplois du temps. “Nous avons mis ce questionnaire en place justement pour avoir des éléments concrets à répondre aux parents”, développe Akim Dallal.
Moitié moins de monde ce mardi
Heureusement, la plupart des élèves concernés ont accès à ces outils en ligne. “C’est pour cette raison que nous avons ciblé surtout les élèves de Seconde générale, car nous savons qu’ils viennent de familles plus favorisées, à l’inverse des Seconde pro”, fait aussi valoir le directeur adjoint. In fine, et en comptant les 477 élèves en stage actuellement, la décision permet de diminuer les effectifs du lycée de moitié. Difficile de vérifier le compte ce mardi matin à vue d’œil, surtout pour une personne extérieure, mais les élèves, eux, le ressentent bel et bien. « Ça se voit qu’il y a moins de monde, oui”, répond un groupe de jeunes filles qui patiente à l’entrée, avant le début des cours. Hier, l’une d’elle a dû rester chez elle au lieu de suivre ses cours de 7h à 16h.
Problèmes de “corona” et peur des maths
Et ce vilain Covid, dans tout ça ? “Nous avons pris la décision car nous avions en moyenne un cas tous les deux jours, et nous avons encore trois cas confirmés”, évalue Jean-Pierre Redjekra. Mais c’est sans compter les nombreuses absences dont les parents taisent parfois les causes, “par honte de la maladie”, déplore le principal. “On nous a dit 17, mais on sait tous que c’est plus, à chaque fois on entend parler d’un nouveau”, chiffre une élève de Seconde générale. “Ce nouvel emploi du temps, ça nous plaît pas ! Il faut le confinement total, ça fait peur ce corona”, marmonne quant à lui Fadel, adossé à un mur deux mètres plus loin. Pas sûr que sa camarade Saima approuve, elle qui “a déjà du mal à suivre à l’école”. Hier, elle a passé une heure et demie chez elle à se triturer les méninges sur l’exercice de maths…
Une semaine pour vanter la future classe préparatoire du Lycée
Bonne nouvelle par temps de Covid ! Le lycée de Sada se tient prêt à accueillir une classe préparatoire aux grandes écoles. Après le lycée de Chirongui lundi, ce mardi, le principal de l’établissement de Sada avait donc rendez-vous à Dembéni pour présenter cette nouvelle filière. Avec la première formation du genre à Mayotte, qui a été lancée en 2020 au lycée Bamana, la classe prépa “ECG” pour Économie, Commerce et Gestion doit ouvrir ses portes à la rentrée 2021. 24 places seront disponibles pour la nouvelle promotion qui permettra aux élèves les plus méritants d’accéder aux grandes écoles de commerces, HEC, EDHEC, ESSEC, mais aussi à l’École nationale supérieure (ENS), aux Instituts d’études politiques (IEP), ou encore au CELSA, l’École des hautes études en sciences de l’information et la communication. Des locaux seront inaugurés cette année pour accueillir la vingtaine d’étudiants, qui auront accès à des ressources numériques dédiées et pourront être hébergés à l’internat d’excellence de Dembéni, ou en famille à Sada. En cas d’échec aux concours, deux conventions de partenariat avec le CUFR et le CRESS de Mayotte offrent aux malchanceux une possibilité de réorientation. Inscriptions via Parcoursup pour tous les lycéens du territoire français.
Ce mardi 2 février, le président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani, s’est rendu à la MJC de M’Gombani pour recevoir une première dose du vaccin. Un acte citoyen rendu public dans l’espoir que les personnes âgées suivent l’exemple du responsable de la collectivité. Le tout accompagné d’un discours bien ficelé par l’agence régionale de santé.
Carte Vitale et passeport dans les mains, le président du Département, Soibahadine Ibrahim Ramadani, s’apprête d’ici quelques minutes à recevoir sa première injection du vaccin contre le Covid-19. «Vous avez quand même votre entretien pré-vaccinal avec la directrice de l’ARS», lui murmure l’un de ses collaborateurs pour détendre l’atmosphère. Pas de longue file d’attente dans la salle d’accueil pour le chef de file de la collectivité, qui se retrouve nez à nez avec le médecin pour la consultation médicale. Une formalité pour le politicien, âgé de bientôt 72 ans. Pas le temps non plus de s’asseoir pour discuter avec deux habitants que l’infirmier, Said Hassane Abdillahi, l’appelle à se présenter derrière les paravents. «Il est en train d’essayer de ne pas y aller», sourit Dominique Voynet, la responsable de l’autorité sanitaire à Mayotte, avant de l’aider à remonter la manche de sa chemise. «C’est le moment fatidique», ajoute avec un certain entrain un proche conseiller.
L’ambiance bonne enfant ne cache pas pour autant le geste symbolique et le moment solennel de l’instant présent. Malgré le masque, l’émotion se dessine dans les yeux de l’ancien sénateur, un brin tremblant en raison du contexte. En deux temps, trois mouvements, la seringue fait l’aller-retour dans le bras gauche du président du conseil départemental, qui ne cache pas sa joie. «Mon ami Martial ne m’a pas menti, ça ne fait pas mal !», lâche-t-il avec une pointe d’humour au moment de se «rhabiller». Mais devant les caméras, le sérieux revient au galop. «J’ai senti à peine la piqûre», confie-t-il, dans l’optique de rassurer les victimes de la bélonéphobie – eh oui, cette peur de l’aiguille a un nom !
Un discours cousu sur-mesure
Avec en point d’orgue une sensibilisation auprès des acteurs prioritaires concernés par la campagne de vaccination qui s’articule depuis plus d’une semaine. À savoir l’ensemble des habitants de plus de 65 ans, avec ou sans comorbidités, mais aussi les personnes considérées «à haut risque» sans limite liée à l’âge, ceux aux contacts des publics fragiles et vulnérables, ou encore les professionnels de santé libéraux et de l’Éducation nationale de plus de 50 ans. L’occasion de réciter un discours cousu sur-mesure par l’agence régionale de santé et d’évoquer l’affaiblissement de son système de défense naturel, en raison d’un infarctus du myocarde en mars 2019 – le mois de son anniversaire ! – qui avait nécessité son évacuation sanitaire à La Réunion. «Je souffre d’une maladie chronique comme bon nombre de Mahorais, du fait du changement de notre mode de consommation», ajoute-t-il en bon diététicien, sous le regard bienveillant de Dominique Voynet. «Les Mahorais ont tendance à manger plus gras et plus sucré. Et de ce fait, cela favorise la montée en puissance de l’hypertension, du diabète, de l’obésité, de l’apnée du sommeil… Ce sont des éléments aggravants face à un virus agressif. Nous devons disposer d’un rempart supplémentaire que constitue ce vaccin.»
Une invitation à la vaccination
Mais c’est surtout sa casquette d’homme public qui le pousse à se frotter à l’étape tant redoutée de l’aiguille. «Mon quotidien consiste à recevoir, à accueillir, à discuter, à négocier avec chacune et chacun mais aussi avec des institutionnels, des collectivités, des entreprises, des associations. Je suis donc exposé aux relations humaines», résume-t-il. Avant de dresser un parallèle avec le quotidien de ses administrés. «La société mahoraise est une société de convivialité, prompte aux regroupements.» Des rassemblements de masse interdits jusqu’à nouvel ordre en raison de la propagation rapide du Covid-19 au cours des dernières semaines, qui sature les capacités hospitalières. «Bien que cette vaccination ne soit pas obligatoire mais fortement recommandée, je souhaite que tous les Mahorais puissent prendre part à cette initiative. Cela ne peut être qu’un élément de plus dans leur protection et celle de leurs proches.»
En tout cas, le message semble de mieux en mieux perçu au sein de la population, puisque de plus en plus de monde se présente à la MJC de M’Gombani pour recevoir le «précieux sésame». «Hier [lundi 1er février], nous avons reçu 136 personnes», annonce l’infirmier libéral sur la commune de Mamoudzou, Said Hassane Abdillahi, qui note une montée en puissance du dispositif comme en témoigne la «grosse» centaine d’injections quotidienne, après 2-3 premiers jours «un peu compliqués». Un rythme de croisière qui doit d’ailleurs s’intensifier dès cette semaine avec une ouverture de centres à Pamandzi et à Bouéni, deux des trois communes touchées par le confinement localisé.
L’ARS s’attaque aux fake news
Dans un communiqué, l’agence régionale de santé a tenu à répondre aux pseudo-informations qui circulent sur les réseaux sociaux et qui ont été relayées par certains médias. L’autorité sanitaire a rappelé que le super congélateur à moins 80 degrés avait été réceptionné le 25 janvier dernier, avec les premières doses de vaccins. «Avant de pouvoir y mettre les flacons, il a dû être installé, puis qualifié par un technicien expert», a-t-elle précisé pour expliquer que les premiers vaccins n’aient pas pu y être stockés. «Ce qui nous a obligés à les consommer dans les 5 jours après décongélation.» Mais depuis, le frigo fonctionne parfaitement et permet ainsi de stocker, avec 6 mois de conservation, les nouvelles livraisons de vaccins. Concernant les aiguilles fournies, l’agence régionale de santé a indiqué qu’elles sont «aux normes et adaptées aux seringues utilisées pour l’injection du vaccin», qui se fait par voie intramusculaire dans le muscle deltoïde.
Ce mardi, le conseil représentatif des musulmans de Mayotte (CREMM) a approuvé et surtout adopté les nouvelles mesures restrictives prises par la préfecture. Si le conseil cadial veille à l’application des fermetures des 330 lieux de culte, les commerçants font le forcing pour ouvrir par tous les moyens.
Le communiqué de la préfecture de Mayotte paru lundi après-midi réclamant la fermeture des lieux de culte et des marchés a fait bondir les vendeuses de fruits et légumes du marché de Mamoudzou. Une phrase en particulier : « Ces mesures sont applicables dès aujourd’hui, sur l’ensemble du territoire, et ce pour une durée de 15 jours, soit jusqu’au lundi 15 février… » « Les fruits et légumes ne sont pas des produits qu’on peut conserver« , s’emporte Amina devant son espace de vente. « En métropole ou ailleurs au moins, on leur laisse quelques jours le temps de s’organiser et d’écouler un maximum de produits. Ici, la préfecture nous dit, « vous vous débrouillez avec vos marchandises, mais vous fermez et maintenant !« , c’est incroyable ! »
La marchande vient de regagner sa place, quelques peu rassurée. Cinq minutes auparavant dans une réunion improvisée, on venait de lui annoncer que le marché de Mamoudzou devrait rester ouvert. La Chambre de commerce et d’industrie (CCI), responsable des lieux, a en effet sollicité une dérogation, comme la préfecture le lui permet « si les conditions de leur organisation ainsi que les contrôles mis en place permettent de garantir le respect des règles de distanciation et la prévention de regroupements de plus de six personnes« , dixit le communiqué.
Le marché de Mamoudzou épargné ?
C’est Madi Djoumoi, lui-même commerçant au marché de Mamoudzou, qui a apporté la bonne nouvelle. « Ici, nous avons largement les moyens de remplir les conditions imposées par la préfecture. Mais ça demandera la participation et la vigilance de nous tous« , prévient-il face aux commerçantes. L’éphémère porte-parole des commerçants du marché de Mamoudzou a précisément visé celles et ceux qui étendent leurs produits au-delà de leur espace de vente, sur l’allée dédiée à la circulation des clients, réduisant ainsi l’espace de circulation et obstruant au respect des règles de distanciation.
Réunion d’urgence des commerçants de Mamoudzou, ce mardi après-midi au milieu du marché. Pour eux, le respect de la distanciation est jouable, par conséquent, le marché de Mamoudzou doit rester ouvert.
« Moi je vous surveillerai toutes ! La première qui ne respecte pas les conditions, je monte à la Chambre et je vais la dénoncer ! Il est hors de question qu’on m’empêche de travailler et que je paye pour les erreurs d’une autre« , menace haut et fort une autre marchande, chaleureusement ovationnée par ses pairs. Les entrées principales du marché de Mamoudzou étaient ainsi grandes ouvertes ce mardi, au lendemain du communiqué préfectoral, et devraient a priori le rester pour les jours à venir. Nul doute que la préfecture, par le biais de la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF), à qui il a été demandé d’adresser les dérogations, continuera d’être sollicitée pour permettre aux commerçants de continuer à exercer.
330 mosquées fermées du jour au lendemain
De dérogations, il n’en est aujourd’hui pas question pour les lieux de culte. Le conseil cadial a immédiatement fait adopter les nouvelles mesures restrictives aux 330 mosquées de l’île. Suspendues les écoles coraniques et les prières communes : la préfecture et le conseil cadial appliquent strictement les consignes de fermeture, au point même d’interdire l’appel à la prière par un muezzin. « C’est la position du conseil cadial, l’autorité religieuse. On se doit de la respecter« , affirme Anouoiri Chanfi, chef de service études et partenariat au conseil cadial.
Le soleil se couche devant la grande mosquée de Chirongui, pourtant, pas de muezzin pour annoncer la prière et encore moins de responsable des lieux pour déverrouiller les portes. Le CREMM a adopté les nouvelles consignes préfectorales, prises en commun avec le Conseil cadial.
Un message reçu cinq sur cinq par le conseil représentatif des musulmans de Mayotte (CREMM). Le représentant du conseil cadial admet que la nouvelle n’a pas été bien accueilli partout et que les questions ont fusé de la part de certains responsables de mosquées. Mais il considère que tout peut se régler par l’échange et le dialogue. « Il y a des responsables de lieux de culte qui ne comprennent pas, et qui veulent avoir plus de précisions. Ils s’interrogent et s’inquiètent surtout, parce que tout le monde n’a pas la même lecture de l’islam. Le conseil cadial est là pour échanger avec eux et apporter des réponses à leurs interrogations. C’est ce que nous avons fait et c’est pourquoi, même s’il peut y avoir des divergences d’opinions, la grande majorité a suivi nos conseils et fait fermer les lieux de culte« , soutient Anouoir Chanfi.
Les nouvelles mesures mises en place par la préfecture de Mayotte et le conseil cadial pour lutter contre la propagation du virus font suite aux derniers chiffres inquiétants de l’évolution du virus, indiquant une augmentation du taux de positivité (de 14,7% à 16,9%) et du taux d’incidence (de 287,7 à 404 pour 100.000 habitants). Des mesures qui ne laissent présager rien de bon pour Mayotte et les Mahorais…
La mairie de Mamoudzou et Electricité de Mayotte (EDM) se sont rendues ensemble à Kawéni ce lundi, afin de communiquer sur leur nouveau travail partenarial pour “le développement du territoire communal”. Claude Hartmann, directeur général d’EDM, revient sur les enjeux de cette opération, et, plus généralement, sur les stratégies du fournisseur d’électricité pour atteindre l’objectif d’autonomie énergétique de Mayotte d’ici 2030.
Flash Infos : Vous étiez ce lundi matin avec les services de la mairie de Mamoudzou pour une visite à Kawéni. Quel était l’objectif de cette opération ?
Claude Hartmann : C’était un choix des deux parties, la mairie de Mamoudzou et nous, pour illustrer une nouvelle manière de travailler. Tout cela avait bien sûr déjà été conclu en amont dans nos bureaux, mais nous souhaitions concrétiser la démarche aux yeux de tous. L’idée est simple : que l’opérateur EDM soit au service de la collectivité, à savoir ici la ville de Mamoudzou, en étant associé le plus en amont possible à tous les projets, de rénovation urbaine comme de développement. Avec un mot d’ordre : faire bien du premier coup ! Tout cela en se basant sur des plans, pour moderniser le réseau en même temps que la ville se modernise. Cela paraît basique dit comme ça… Et pourtant, ce n’est pas ce qui avait été privilégié jusqu’à présent. Ce matin, nous nous sommes donc rendus ensemble sur le terrain pour visualiser la zone, arpenter les lieux, dans la boue parfois, il faut le dire ! Mais avec les habitants, pour montrer que nous avons changé de braquet sur la manière de travailler, électricien et ville. Il s’agit qui plus est d’un projet phare, entre le lycée de Kawéni et la MJC, avec tout un tas de fonctionnalités, des salles de sport et des complexes dédiés à la scolarité mais aussi de l’habitat neuf, qui va venir supplanter de l’habitat existant. Bref, c’est une vraie restructuration de quartier que prévoit là la commune chef-lieu.
FI : Très concrètement, cela veut dire poser les câbles avant le béton, en somme ?
C. H. : C’est déjà une bonne solution, oui ! (rires) Concrètement, le réseau est imaginé, préparé, en même temps que l’on dessine les plans de l’urbanisme. Tout cela, pour amener la puissance électrique aux bons endroits et ne pas se laisser surprendre par les raccordements. Nous avons parfois tendance à mettre d’abord les consommateurs, et, ensuite, à tirer les rallonges, parfois jusqu’à un réseau éloigné, ce qui tisse aussi des toiles d’araignées inefficaces. Là, grâce à cette action en amont, nous allons poser les autoroutes de l’électricité souterraine, de sorte qu’aux endroits des futures constructions, il n’y ait plus qu’à faire les branchements.
FI : Tout cela a-t-il aussi pour but de sécuriser le réseau, en prévenant les raccordements sauvages ? Et aussi d’une manière plus générale à éviter les coupures ou désagréments pour le consommateur ?
C. H. : J’ai bien sûr cet aspect en tête. Ce matin, pour ne rien vous cacher, nous avons vu des endroits dans des zones plus informelles. Dans certaines, la commune ne peut pas laisser l’habitat se développer, la pente est raide, il s’agit de zones à risques, etc. Donc ce n’est pas l’objet de ce partenariat. En revanche, il y en a d’autres en terrain plat, où les voitures accèdent déjà tant bien que mal sur des semblants de route, où vous avez déjà des postes électriques… Là, l’urbanisme peut suivre en quelque sorte l’extension anarchique. Finalement, il devient possible de viabiliser a posteriori l’habitat, quand il est installé sur une zone non critique, parfois depuis dix ou quinze ans. Reste que les branchements sauvages sont une vraie préoccupation, car ils peuvent être dangereux et il faut effectivement remettre tout cela aux normes. Et c’est aussi le sens de notre action : quand la commune choisit de grignoter de l’informel pour en faire du formel, nous sommes prêts à l’accompagner dans ces choix.
Pour l’autre partie de la question, certes, un câble neuf vaut toujours mieux qu’un vieux câble. Mais à Mamoudzou, la qualité n’est pas mauvaise en termes de distribution. Les coupures qui surviennent sont plus liées à l’arrachement de gros câbles ou à des problèmes techniques.
FI : Cette nouvelle manière de travailler concerne-t-elle uniquement Mamoudzou ou les autres communes de l’île vont-elles aussi se mettre au diapason ?
C. H. : Historiquement, Mamoudzou est la seule commune de Mayotte qui est en lien direct avec l’opérateur. EDM assure la maîtrise d’ouvrage, de par la loi, sur le réseau d’extension et de raccordement, mais ce n’est pas le cas sur tout le périmètre de l’île, où le conseil départemental a aussi un rôle à jouer. Pour la leçon d’histoire, l’électrification dite rurale – une vieille dame, elle date des années 1950 – est toujours confiée à un syndicat d’électrification. Ici, c’est le Département. Normalement, à partir de plus de 2.000 habitants, les zones sont toutefois considérées comme urbaines… D’après la loi, l’intégralité de l’île devrait donc être en zone urbaine, et directement placée sous l’opérateur EDM. Je dirais que la loi s’applique à un rythme local… ce qui fait qu’aujourd’hui seule Mamoudzou est concernée. Mais je rêve d’avoir la même relation avec les 17 communes !
FI : À Mayotte, la croissance de consommation d’environ 5% par an, suit une démographie galopante… Et 5% c’est encore aujourd’hui la part, infime, des énergies non-fossiles utilisées dans le département. Une étude de l’Ademe rendue publique récemment analyse d’ailleurs plusieurs scénarios pour atteindre l’objectif d’autonomie énergétique d’ici 2030. Lequel favorisez-vous ?
C. H. : Le solaire, c’est l’atout principal de Mayotte. Devant le vent, qui n’est pas assez régulier, ou la biomasse, car il faudrait davantage de capacité de ramassage des déchets et d’usines. Malheureusement, la production photovoltaïque reste assez faible : nous atteignons 5% en énergie, 15% en puissance, mais je pense que nous pouvons tripler ces ordres de grandeur en quelques années. Je ne l’invente pas, tout cela est le fruit des travaux entamés avec les partenaires, l’Ademe, les associations, les industriels, la sphère politique… Et c’est donc le chemin que nous empruntons pour les quatre années à venir, selon la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Deux difficultés restent à surmonter : le foncier, qui, comme chacun sait, n’est pas infini ici. Et aussi l’intermittence, car il faut prévoir des solutions en cas de gros orages, ou même la nuit. Pour l’instant, nous nous orientons vers une logique de batterie, pour restituer l’énergie au client à la nuit tombée.
FI : De quoi atteindre l’objectif fixé en 2030 ?
C. H. : Nous ne pouvons pas imaginer un réseau qui ne marche qu’avec le solaire, pour des questions un peu techniques. Pour stabiliser le réseau insulaire, nous allons conserver des machines tournantes. Mais nous allons quand même pouvoir monter à un niveau important d’énergies renouvelables, à 40-50%. Faisons déjà cela ! Pour le reste, j’ai proposé dans le cadre du PPE, et je pense que cela sera accepté, de ne plus utiliser de gasoil sur la centrale technique mais du bioliquide. Certes, il ne sera pas local – il nous vient du nord de la France – mais il est bio, et répond en partie à l’équation. Une expérimentation est prévue en avril sur la centrale des Badamiers. Si elle est concluante, nous ferons passer les deux centrales de Longoni et des Badamiers sur cette huile de colza bio. Je pense que c’est de cette façon que nous pourrons atteindre l’objectif de 100% d’énergies renouvelables.
Les aventures de l’agent 2K et de son ennemi juré Moilim reprennent de plus bel dans le troisième épisode de la série FBI Mayotte, diffusé le week-end dernier. Les réalisateurs, Naftal Dylan et Mass Youssoufa, ont vu les choses en grand avec un épisode de 20 minutes. Ils veulent désormais passer à l’étape supérieure et réaliser toute une saison, à condition que les financeurs soient au rendez-vous.
L’épisode 2 de FBI Mayotte avait tenu les fans de la série en haleine. L’agent 2K allait-il pouvoir éviter la bombe installée par son ennemi Moilim ? Les téléspectateurs ont la réponse dans le troisième épisode de la série. Comme à leur habitude, les réalisateurs Naftal Dylan et Mass Youssoufa, mettent leurs personnages dans tous les états. Entre peur, suspense, surprise, rire, action, on n’a pas le temps de s’ennuyer durant les 20 minutes qui composent l’épisode. 20 minutes, c’est le double de l’épisode précédent.
Après un tel succès, les réalisateurs ne pouvaient faire autrement. “On a reçu beaucoup d’encouragement, alors on voulait mettre la barre encore plus haut et faire un épisode plus long afin de montrer qu’à Mayotte aussi on a du talent et les compétences pour faire une série de qualité 100% made in Mayotte”, sourit Naftal Dylan. Mission réussie pour le jeune homme et son associé. FBI Mayotte n’a rien à envier aux séries policières diffusées sur les chaînes nationales. La qualité des images est indéniable. Le scénario, qui mêle le suspense, les scènes d’action, et l’humour, capte l’attention du spectateur de la première à la dernière minute.
Financer un projet d’une plus grande envergure
Naftal Dylan et Mass Youssoufa sont deux passionnés qui pourraient travailler sans compter les heures. Mais pour continuer à réaliser et produire des épisodes de qualité, il leur faut plus de moyens. “Je ne peux pas me concentrer sur un projet de cet ampleur sans financement. L’idéal est d’avoir un budget pour embaucher plus de techniciens et un scripte, pour nous soulager de certaines tâches. Ainsi, mon associé et moi pourrions vraiment nous concentrer sur la réalisation et le scénario”, souligne Naftal Dylan. Pour l’heure, tous ceux qui ont participé à la série, l’ont fait bénévolement. Cela implique forcément quelques difficultés de planning. “Tout le monde travaille à côté puisqu’ils ne sont pas payés. Alors on a dû tourner sur les temps libres de chacun. Coordonner les plannings était notre plus grosse difficulté”, affirme le réalisateur. Avec un financement, ce dernier pourra payer toute l’équipe de tournage et la mobiliser plus longtemps.
Les deux réalisateurs n’hésitent pas à toquer aux portes de ceux qui peuvent les aider à l’exemple du conseil départemental, de la direction des affaires culturelles, ou encore des chaînes de télévision. Ils ont reçu beaucoup de promesses mais “tant que ce n’est pas signé, on ne peut être sûr de rien”, se méfie Naftal Dylan. L’objectif est de réussir à financer une série de 10 épisodes de 30 minutes à chaque fois. Des fans ont proposé de mettre la main à la poche, mais le jeune homme refuse l’idée. “Ce n’est pas à eux de payer pour cela.”
Selon lui, les institutions territoriales ont tout intérêt à supporter son idée car à travers FBI Mayotte, il redore à sa façon l’image de l’île et en fait sa promotion. “On va mettre en avant notre culture, le tourisme, la gastronomie, etc. De plus, si ça aboutit, je vais créer de l’emploi pendant 6 à 7 mois, donc tout le monde sera gagnant.” Une chose est sûre, la série a déjà trouvé son public. En l’espace de 3 jours, le troisième épisode a comptabilisé près de 17.000 vues, seulement sur Instagram. Nul doute qu’elle ratissera large si elle est diffusée un jour à la télévision.
La psychologue mahoraise Rozette Yssouf a publié au mois de décembre dernier aux éditions Edilivre un ouvrage sur la problématique des violences conjugales. Intitulé « Femmes victimes de violences conjugales : quel cadre thérapeutique pour favoriser le processus de résilience ? », ce recueil s’interroge entre autres sur les différents moyens que possèdent les femmes pour sortir du cercle vicieux de cette violence et reconstruire leur vie.
Comment se servir d’un vécu difficile pour en faire une force ? C’est la question que se pose la psychologue Rozette Yssouf dans son ouvrage «Femmes victimes de violences conjugales : quel cadre thérapeutique pour favoriser le processus de résilience». En effet la résilience, terme propre à la psychologie, consiste justement à sublimer les traumatismes du passé pour reconstruire sa vie sur de nouvelles bases, plus saines. Le recueil est en réalité issu du mémoire de M2 en psychologie que Rozette Yssouf a soutenu à La Réunion en 2011. Pour ses recherches, elle s’est basée sur les témoignages de femmes victimes de violences conjugales venues trouver refuge au sein de l’association «Femmes Solid’Air», dont les principales missions sont l’accueil, l’écoute et l’accompagnement des femmes victimes de ces violences. Ces dernières peuvent être de type physique, psychologique, verbal ou économique.
«Certaines femmes que j’ai interrogées ont perdu jusqu’à 60 ans de leur vie aux côtés d’un mari qui les maltraitait», précise Rozette Yssouf. Le but principal de l’association «Femmes Solid’Air» est de reconstruire les liens sociaux et familiaux des victimes afin qu’elles puissent reprendre le cours normal de leur vie. En effet, la violence conjugale va presque toujours de pair avec un isolement social orchestré par l’époux. «Il est très difficile pour une femme de se sortir de ce genre de situation car la plupart d’entre elles croient que leur mari les aime malgré leur comportement violent», explique la psychologue. «Pour qu’elles réalisent qu’il ne s’agit pas d’amour, il leur faut un déclic qui peut parfois venir d’une personne extérieure au couple ou parfois d’une peur que le mari ne s’en prenne aux enfants», indique-t-elle.
Se défaire du «mythe du prince charmant»
S’il peut paraître insensé au commun des mortels que certaines femmes restent aux côtés de maris violents pendant parfois plusieurs dizaines d’années, Rozette Yssouf éclaire sur ce comportement au sein de son ouvrage. «Les femmes victimes de violences conjugales sont souvent en situation de carence affective ou en proie à un complexe abandonnique. Leur point commun, c’est la mauvaise estime qu’elles ont d’elles-mêmes», affirme la psychologue qui explique le mécanisme de domination mis en place par les maris violents. «Au départ, ils se comportent comme des princes charmants, séduisent ces femmes et lorsque les premières violences surviennent, ils expliquent qu’il ne s’agit que «d’un accident». Les femmes les croient et le cercle vicieux «lune de miel/violences» recommence éternellement», affirme Rozette Yssouf qui recommande aux femmes de «partir dès les premiers signes de violences car elles ne s’arrêteront jamais».
Si la chercheuse reconnaît que certains hommes sont également victimes de violences conjugales, elle assure néanmoins que ce type de situation concerne en très grande majorité des femmes. Pourquoi ? Car elles seraient victimes du «mythe du prince charmant» que la société leur a mis dans la tête dès leur plus tendre enfance. Les femmes tombent en effet plus facilement amoureuses que les hommes, car on leur a affirmé depuis toujours que c’était la clé d’une vie de femme réussie. Résultat des courses, elles se laissent beaucoup plus facilement dominer et agresser en imaginant qu’elles font cela «par amour».
Quid de Mayotte ?
Le livre de Rozette Yssouf traite des violences conjugales en général, mais que pense-t-elle de ce qui se passe sur son île d’origine ? «La situation inégalitaire entre les hommes et les femmes est déjà très présente en métropole et à La Réunion, mais à Mayotte elle est encore plus flagrante», précise la chercheuse qui explique que sur l’île aux parfums, les hommes n’ont que très peu de respect pour les femmes et «se croient tout permis». La faute à une éducation très patriarcale menée par les pères mais également par les mères qui ont tendance à protéger leurs époux… «Les femmes victimes de violences conjugales sont très peu soutenues à Mayotte car la société est dans le déni de ce qui se passe», déplore Rozette Yssouf qui compte continuer son combat en sortant d’autres bouquins sur le thème des inégalités entre les hommes et les femmes dans la société.
Originaire de Mayotte, la Docteure en psychologie clinique, Rozette Yssouf, vit et travaille actuellement en Bretagne.
Depuis le déploiement des tests antigéniques, les reconduites à la frontière ont repris à un rythme effréné. Alors que les cas positifs sont relâchés dans la nature, plusieurs voix s’élèvent sur la gestion du centre de rétention administrative où des risques existent toujours bel et bien. De son côté, la préfecture et la direction territoriale de la police aux frontières assurent que toutes les mesures sanitaires sont appliquées à la lettre.
Samedi. 10h30. Face aux rumeurs concernant le non-respect des conditions sanitaires au centre de rétention administrative, l’autorité préfectorale déploie le tapis rouge en un temps record pour proposer une visite guidée du bâtiment mis en service en 2016. Quelques minutes plus tard, un groupe en instance d’éloignement monte dans le bus pour être amené vers le bateau qui doit les « rapatrier » à Anjouan. « Nous leur donnons tous un masque neuf en tissu au moment de leur départ », glisse le commandant Dominique Bezzina, le chef du centre, au moment de continuer son chemin vers l’une des six zones, choisie au hasard. En théorie, chaque « retenu » reçoit un masque chirurgical lors de son arrivée, s’il n’y a pas de rupture de stock. Car la réalité est tout autre sur le terrain… Et puis, de toute façon, « ils ne le mettent pas, pourtant Dieu sait qu’on leur dit ! », insiste celui qui est à la tête du CRA depuis 18 mois.
Depuis la reprise des reconduites à la frontière le 6 août dernier, le flux d’étrangers en situation irrégulière au sein de la structure explose littéralement, dont la conséquence directe est l’ouverture de cinq locaux de rétention administrative pour éviter la surpopulation de l’antenne principale qui a une capacité d’accueil de 136 individus. « [Ils] ont été un peu plus utilisés entre septembre et mi-décembre », avoue Nathalie Gimonet, la sous-préfète en charge de la lutte contre l’immigration clandestine.
Les cas positifs renvoyés dans la nature
Or, en période de crise sanitaire, le nombre vertigineux d’interpellations interroge. Comment expliquer un tel rouleau compresseur ? L’appât du chiffre selon Aldric Jamey, secrétaire départemental d’Alternative Police. « Tout le monde est débordé, c’est vraiment le gros bazar ! Les collègues tournent comme des avions de chasse pour atteindre l’objectif de plus de 30.000 expulsions en 2021. » Dans ces conditions, comment s’assurer que les va-et-vient ne multiplient pas la propagation du virus ? « Avec les tests antigéniques [déployés le 15 décembre], il n’y a plus de brassages entre les potentiels positifs et négatifs. Avec les PCR, nous n’avions pas le choix car il fallait attendre 24 heures pour avoir les résultats », justifie Nathalie Gimonet, qui avance un taux de positivité de l’ordre de 5-6% depuis le début du mois de janvier. Sauf que sa fiabilité laisse à désirer et que la contamination a pu se faire quelques heures plus tôt lors de la traversée en kwassa-kwassa… Et donc passer sous le radar !
Pour les cas détectés, l’heure est à l’attente dans l’une des deux salles de mise à l’écart prévues à cet effet, avant le transfert au centre d’isolement de Mlézi Maoré situé à Cavani, pour empêcher toute contamination massive. « Là bas, ils retrouvent le droit commun et sont traités comme tout patient. Nous leur conseillons de respecter la septaine. Si des personnes partent très rapidement, d’autres y restent deux ou trois jours », ajoute-t-elle. Avant la fin de leur rétention, l’unité médicale du CRA, issue du centre hospitalier, les sensibilise à la maladie. « Nous n’avons pas de moyens de contrainte », regrette le commandant Dominique Bezzina. Le risque de transmission auprès de la population n’est donc pas que racontars !
Pas d’alerte sur le plan sanitaire ?
Pour les autres, direction l’une des ailes (hommes, femmes ou familles) de rétention. « Le CRA est devenu une plateforme à Covid », tance l’une des juristes qui souhaite garder l’anonymat. « Les mesures ne sont pas respectées, ça nous met en péril, tout comme les ESI (étrangers en situation irrégulière ndlr) et les personnels administratifs. » Conséquence : l’accueil dans leurs bureaux est suspendu jusqu’à nouvel ordre. Pourtant, les responsables vantent le ménage des pièces trois fois par jour ainsi que la désinfection systématique après chaque « extraction ». « Pour limiter la transmission, nous distribuons les repas dans les zones », concède le chef du centre. Au lieu de la cantine donc. Soit une précaution supplémentaire, alors que le public est, dès lors, censé être négatif… « J’ai appelé les deux associations avec qui nous travaillons (Mlézi Maoré et Solidarité Mayotte). Aucune des deux directions ne m’a alertée sur le plan sanitaire », s’étonne Nathalie Gimonet. Difficile dans cette situation de démêler le vrai du faux…
Une chose est sûre, le rythme effroyable des reconduites à la frontière pèse sur le moral des effectifs, qui tournent par brigade de 30 agents. « Ce n’est pas possible à gérer. Ils sont usés physiquement et mentalement. Si rien ne change, il va y avoir un gros pétage de câble. Certains partent en dépression, d’autres sont contaminés [cinq nouveaux cas ont été confirmés vendredi dernier, ndlr] », assure Aldric Jamey. « Nous préparons une intervention syndicale au niveau du bureau national pour que la direction centrale de la PAF soit mise en au courant et fasse le nécessaire. Il faut fermer les LRA et faire tourner le CRA dans des jauges acceptables. » De son côté, le commandant Dominique Bezzina rappelle que les gestes barrières sont respectés à la lettre et que le contact tracing est appliqué comme dans n’importe quel milieu professionnel. Un arrêté en date du 25 janvier prévoit également que les policiers soient exemptés de septaine à leur arrivée sur le territoire. « Quand nous sommes cas contact et que nous ne présentons pas de symptômes, nous devons continuer à travailler », ajoute le secrétaire départemental, même si cette directive ne semble pas officielle.
En soi, le centre de rétention administrative fait, comme à son habitude, énormément jaser. Si certains se réjouissent d’une reprise accrue des reconduites, après une année 2020 en demi-teinte, d’autres voix s’élèvent contre le traitement sanitaire réservé aux personnels et aux personnes en situation irrégulière. Et l’arrêté pris ce samedi 29 janvier par le gouverneur de l’île d’Anjouan, stipulant que « tout mouvement de bateau de transport de passagers en provenance de Mayotte est suspensdu jusqu’à nouvel ordre », ne risque pas d’arranger les affaires des uns et des autres.
Alors que trois communes, Bouéni, Dzaoudzi-Labattoir et Pamandzi, viennent d’être reconfinées à cause de la hausse inquiétante des cas de Covid-19 dans leur population, le reste du département vit toujours sous la règle du couvre-feu, instaurée par la préfecture le 21 janvier. Une semaine après la mise en place de cette nouvelle mesure, le message semble être passé. Reportage avec la police municipale de Mamoudzou.
19h53, flexion de genou numéro 1. Accroché d’une main au panneau “Cédez le passage”, l’agent de police municipale qui attend les voitures en provenance de Mamoudzou centre fait le flamand rose. De quoi reposer son pied droit. Puis le gauche. Bientôt deux heures que le couperet est tombé, et aucune lueur de phare ne traverse en cet instant l’obscurité de cette portion de route.
Cela fait déjà une semaine, et l’instauration du couvre-feu le 21 janvier, qu’Anfane M’Godo, le directeur de la prévention et de la sécurité urbaine par intérim de la police municipale de Mamoudzou, et sa brigade de nuit surveillent le rond-point SFR, en lien avec les équipes de la police nationale. “À priori, nous savons qu’ils sont postés au rond-point de la barge, donc les automobilistes qui arrivent de ce côté ont déjà été contrôlés”, explique le chef pour justifier la répartition de ses gars, en bas de la côte Sogea. Une coordination rendue possible par le pacte de sécurité signé en octobre 2020 entre la mairie et la préfecture, précise quant à lui Malidi Mlimi Saïd, l’élu chargé de la sécurité à la commune chef-lieu, venu faire son troisième check-up du dispositif.
37 agents à faire tourner pendant 24h
Campés devant la boutique SFR, ce sont donc six à sept agents de la police municipale qui sont mobilisés sur ce poste fixe, de 18h à 2h du matin, avant d’être relayés par la police nationale pour la fin du couvre-feu. Une nouvelle note de service est toutefois venue réajuster le dispositif mercredi soir. À compter de ce jeudi, la bande doit garder les yeux ouverts jusqu’à 4h du matin, afin de “dégager les équipes qui devaient nous remplacer pour leur permettre de faire des rondes dans les villages”, poursuit Anfane M’Godo. Roulement et temps de travail obligent, le chef de la police envisage donc de réduire sa patrouille nocturne à quatre hommes, pour ne pas se retrouver en sous-effectifs pendant le reste de la journée. Entre les formations des uns et les congés des autres, difficile d’avoir la totalité de ses 37 agents sur le pont matin, midi, soir et nuit…Surtout qu’au rond-point, la consigne du couvre-feu a plutôt bien imprégné les esprits.
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350 contraventions
Mais il n’en est pas forcément de même dans les hauteurs reculées de Kawéni. “Là-bas, il faut sans doute retravailler un peu le dispositif, car il y a encore des jeunes qui ne respectent pas la consigne”, fait valoir Malidi Mlimi Saïd. Comme pour lui donner raison, trois ou quatre adolescents un brin oisifs balancent leurs guiboles sur un muret à une dizaine de mètres de là. Mise à part cette petite troupe, ceux qui font vrombir leurs moteurs devant les agents de police semblent avoir une bonne raison d’être là, pour la plupart. “Au tout début, nous avons eu quelques contraventions, parfois jusqu’à une dizaine par nuit”, retrace Anfane M’Godo. Désormais, entre la valse des camions Colas et SMTPC, les pompiers et les livreurs en scooter, rares sont les badauds qui s’aventurent dans la nuit sans leur précieuse attestation. Les 40 fonctionnaires de police mobilisés pour faire appliquer la nouvelle restriction – et au moins autant chez les gendarmes – y sont sans doute un peu pour quelque chose. Bilan des courses, à J+7 : plus de 4.000 véhicules sont passés sous la lampe-torche, pour un résultat de 350 contraventions. Soit, à 135 euros l’amende, un joli pactole de 47.250 euros, qui devrait a priori être rétrocédé à la collectivité et aux communes.
Perdus dans les attestations
Mais la jauge baisse. Ce jeudi soir au rond-point SFR, les habitués défilent, prévoyants pour la plupart. Comme cet homme qui colle automatiquement sa pochette plastifiée toute préparée à la vitre, l’autre main sur le volant de sa petite Clio, presque sans un regard. Ou cette équipe de boulangers, qui passe visiblement tous les soirs. “Eh, vous nous faites du bon pain !”, hèle l’un des fonctionnaires de Mamoudzou, sans prendre la peine de passer la tête par la vitre baissée. Un ou deux chanceux parviennent quant à eux à passer entre les mailles du filet. “Ça c’est l’attestation du confinement, là on vous contrôle pour le couvre-feu…”, tente d’expliquer le policier, pédagogue. L’histoire ne dit pas si le document présenté par le fautif venait de Bouéni, aujourd’hui reconfinée, ou du premier confinement de 2020… Outre ces quelques surprises, le temps passe lentement pour la patrouille. “Avec ce travail de nuit, ma femme me dit qu’on ne se voit plus !”, soupire l’un. “C’est vrai que c’est long. Mais bon, il faut qu’on soit là”, renchérit l’autre. Bon élève.
Sentiment d’abandon, perte de confiance, envie de se faire justice soi-même… Les Mahorais arrivent à point de non-retour. La violence croissante étouffe l’île et aucune solution apportée par l’État ne semble efficace à long terme. Et si le problème était plus profond ? Les délits et crimes dont le peuple mahorais est témoin actuellement sont les fruits d’années de négligence de la part des différentes autorités présentes sur l’île. Aujourd’hui, la population n’a plus confiance dans le système judiciaire français, qui ne semble plus adapté à la situation chaotique de Mayotte.
“Justice à deux vitesses”, “On n’a plus confiance en la justice”, “La justice encourage les délinquants”… Ce florilège de commentaires, du genre qui tourne en boucle sur les réseaux sociaux à chaque épisode de violences, reflète plutôt bien l’état de l’opinion publique mahoraise. Une opinion teintée de ressentiment depuis ces dernières années. Les Mahorais, pourtant si attachés à la France, grincent des dents dès qu’il s’agit de sa justice, jugée trop peu efficace face à la situation ingérable que traverse l’île. Tant et si bien que beaucoup appellent désormais au boycott du droit commun français… voire à la vengeance. Crue, s’il-vous-plaît. Un sentiment justifié ? Affirmatif, répondent sans détour un bon nombre d’observateurs de la société mahoraise. À l’exemple de Said Ali Mondroha, chargé d’études et de recherches au sein du conseil cadial. “Lorsque la justice attrape un délinquant, au lieu de prendre les choses en mains rapidement et de donner des peines exemplaires, elle prend tout son temps et est trop laxiste. Si l’État faisait son travail, les gens n’auraient pas envie de se faire justice eux-mêmes.” Les Mahorais ont choisi d’être libres en décidant de rester français, rappelle-t-il. Ironie du sort, ils ne sont plus libres aujourd’hui de vaquer à leurs occupations, sans craindre de se faire arracher leur sac, sans se faire caillasser, ou pire… Le week-end de violences en Petite-Terre la semaine dernière, où trois personnes ont perdu la vie, en a fait une cruelle piqûre de rappel. Inédit, même à Mayotte.
L’occasion de jeter un petit coup d’œil dans le rétro. Car, nous assure-t-on, à une époque pas si lointaine, l’île aux parfums passait même pour un territoire calme et paisible ! Vraiment ? “Tout cela n’a pas été vécu par le passé. Le peuple mahorais était très harmonieux. Nous sommes un peuple qui n’a pas beaucoup souffert, contrairement aux autres pays d’Afrique par exemple”, rembobine Salim Mouhoutar, écrivain mahorais qui a traité la question à plusieurs reprises.
Les origines du mal
Pour comprendre le phénomène, il faut un peu remonter le temps. Au moins jusqu’à la fin des années 1990, début des années 2000. “À partir de ces années, des parents ont été expulsés et des mineurs ont été laissés sur le territoire, seuls. Ils n’ont pas été pris en charge assez tôt. Il aurait fallu les encadrer dans des structures d’accueil ou les envoyer avec leurs parents. Au fil du temps, ces mineurs du début des années 2000 se sont constitués en bande organisée, vivant de violence, de racket, de mendicité. Nous avons fermé les yeux. Donc nous récoltons notre négligence d’il y a 15-20 ans”, analyse Elad Chakrina, avocat à la Cour. Ces délinquants qui n’étaient que des enfants ont appris à vivre avec leurs propres réglementations, leurs codes, sans aucune autorité pour les encadrer. Parents absents, structures institutionnelles qui ne prennent pas leurs responsabilités, autorités religieuses non compétentes… Un cocktail explosif, qui a généré un sentiment de toute puissance. La bombe à retardement aura fini par éclater en 2011. “Lorsque nous avons eu la grève de 2011, il y a eu des barrages érigés un peu partout. Cela a été l’occasion pour ces mineurs qui n’étaient pas regardés de s’en donner à cœur joie pour racketter. Nous n’avons jamais fait le bilan des casses qu’il y a eu, et les personnes qui ont commis ces actes n’ont jamais été sanctionnées”, se souvient Elad Chakrina. Ces jeunes délinquants se sont par la suite adonnés à tous types de violences, terrorisant peu à peu les habitants de l’île. Depuis, Mayotte doit jongler entre des périodes d’accalmie et d’autres, où délinquance et criminalité repartent en flèche.
Système judiciaire français inadapté à Mayotte
Depuis le début des années 2000, les mineurs isolés se sont accrus de manière considérable. Officiellement, on en recense 3.000. Un chiffre bien en deçà de la réalité, selon l’avocat. Et la croissance démographique n’arrange pas les choses. Le système serait dépassé par l’ampleur de la situation. Les moyens humains au tribunal et au sein des forces de l’ordre ne suffisent plus pour traiter les dossiers et encadrer la société. “À la base, il s’agissait d’effectifs pour gérer un territoire d’environ 200.000 habitants mais pas de 400 à 500.000 habitants. Ce n’est pas que le système judiciaire ne fonctionne pas, mais le nombre croissant d’actes délictuels commis sur le territoire rend plus difficile leur traitement chaque jour qui passe. Il faudrait davantage de magistrats et de forces de l’ordre pour un territoire réellement de 400.000 habitants”, fait valoir Elad Chakrina.
Du point de vue cadial, les services de l’État n’ont pas su relever le défi de la sécurité. “L’État n’apporte pas la paix sur cette île. Il est trop laxiste et c’est ce qui nous embête. Il doit faire son travail et nous (le conseil cadial) nous faisons le nôtre : conseiller”, abonde Said Ali Mondroha. Même lorsque les juges prononcent des peines de prison, elles ne semblent pas assez répressives. C’est un fait, la case prison ne fait plus peur aux jeunes délinquants qui sévissent à Mayotte. D’ailleurs, les juristes notent au contraire une augmentation des récidives. “Il semblerait que les conditions d’emprisonnement sur un territoire français, ne sont pas assez dissuasives par rapport au mode de vie de ces délinquants quand ils sont libres. Le centre pénitentiaire de Majicavo propose davantage d’insertion que lorsqu’ils sont à l’extérieur, livrés à eux-mêmes. Ils mangent à leur faim, ils sont soignés, ils ont une possibilité de pouvoir travailler et s’instruire” décrit Elad Chakrina. Et lorsque ces prisonniers sont libérés, ils retrouvent leurs gangs et s’adonnent une nouvelle fois à leurs activités.
Système judiciaire traditionnel mahorais désuet
Le droit commun français arrivé à Mayotte en 2007 n’est pas efficace. Soit. Le problème ? La justice islamique ou traditionnelle ne l’est pas non plus. La société mahoraise s’articule autour de valeurs que sont la communauté et la spiritualité. Elle est d’ailleurs fortement influencée par l’Islam. Un Islam tolérant qui n’applique pas la charia. Et dont le principal objectif est de maintenir la paix sociale. Cette dernière étant ébranlée, la société est désordonnée et la population, autrefois paisible, veut créer ses propres règles au détriment de ce que préconise l’Islam. « Aucune violence n’est autorisée dans aucune religion, encore moins dans l’Islam. Il est interdit de se faire justice soi-même. Il faut plutôt aller porter plainte auprès des autorités compétentes. Se venger n’est pas digne d’un musulman”, souligne le conseiller cadial. Une interdiction difficile à entendre pour les Mahorais qui pointent du doigt l’inaction de l’État et la lenteur des procédures judiciaires sur le territoire. Mais Said Ali Mondroha reconnaît que lorsque ces mêmes autorités “ne prennent pas en compte la douleur du plaignant”, ce dernier perd logiquement toute confiance en la justice. La légitime défense est cependant autorisée dans la religion musulmane. “Il faut que la personne attaquée se défende au moment où elle est attaquée. Et si elle ne le fait pas, elle aura des péchés”, rappelle le Said Ali Mondroha.
Quant aux procédures infra-judiciaires mahoraises, elles sont aujourd’hui dérisoires au vu de la situation qui s’aggrave chaque jour. “Souvent dans les conflits, on fait référence à Dieu pour qu’il statue, pour qu’il prononce une peine. On fait par exemple le “Badri” (prière)”, explique Salim Mouhoutar. Il y a ensuite le “Soulouhou” qui est la réconciliation. “C’est une procédure qui va inciter le plaignant et le coupable à faire la paix. C’est ce qu’utilisent essentiellement les Cadis.” Puis vient le “Maou”, l’amende civile. “On ne donne pas d’argent. On fait plutôt une grande fête de village, on paye à manger et à boire à tout le monde pour se faire pardonner auprès de la communauté” continue Salim Mouhoutar. Un fauteur peut également demander pardon lorsqu’il est en conflit avec un aîné, ou une personne hiérarchiquement supérieure à lui. Enfin, le dernier recours est le bannissement, qui ne se pratique plus de nos jours. Toutes ces mesures étaient efficaces lorsque l’île n’était pas sujette aux violences inouïes qu’elle connaît aujourd’hui. Désormais, les victimes de violences passent à l’acte et font leur propre justice.
Comment réussir à sortir de cette impasse ?
Même si la population mahoraise ne voit pas le bout du tunnel, Salim Mouhoutar est persuadé qu’il ne s’agit que d’une mauvaise passe. “Tout ce que l’on vit, La Réunion l’a connu. Nous sommes en phase de transition entre une société calme et une société qui va bouger. Et nous avons du mal à trouver nos repères pour le moment, mais tout cela va passer.” Pour ce faire, des solutions existent. La première serait de démanteler efficacement les réseaux de gangs. “Il faut prendre les têtes de ces groupes et les enfermer. La répression face aux meneurs doit être forte et ne doit pas donner le sentiment d’impunité. La peine prononcée doit être suffisamment dissuasive, et on ne doit pas chercher de circonstances atténuantes”, selon l’avocat Elad Chakrina.
Il faudrait également repenser l’organisation sociale et remettre les foundis, les cadis, les instituteurs au cœur de l’éducation et l’encadrement des jeunes, comme cela se faisait autrefois. “On pourrait aussi mettre en place des conseils de quartiers comme cela se fait ailleurs en France, pour identifier les poches de délinquance”, détaille Elad Chakrina. L’avocat préconise également un nouveau fondement de la coopération judiciaire avec les pays voisins. “Une personne qui n’a pas de papier, peut-elle se faire incarcérer dans son pays d’origine ? Nous devons pouvoir négocier cela au sein de la commission de l’Océan Indien qui regroupe les 5 pays de la région. C’est une manière de désengorger le centre pénitentiaire de Majicavo, et d’éviter les récidives.” Bonne idée sur le papier ! Les conditions d’incarcération chez nos voisins sont certes dissuasives… Encore faudrait-il qu’ils acceptent de récupérer leurs ressortissants.