Affaire Roukia : Mathias Belmer enfin à la barre

Hagard, Mathias Belmer donnait l’impression d’être un peu perdu au moment de rentrer dans la salle d’audience. Le juge lui fait remarquer d’emblée de parler distinctement afin qu’il n’ait pas besoin de l’aider à interpréter ses déclarations et réponses confuses. Le quadragénaire a démarré son audition en exprimant ses regrets : “c’est terrible pour Roukia et sa famille”.

Les lamentations passées, le juge pose sa première salve de questions particulièrement sur la relation qu’entretenaient Roukia et Mathias. Ce dernier la considérait à vrai dire que comme une maîtresse alors que la jeune femme souhaitait se marier avec lui. “On était ensemble sans vraiment être ensemble, car j’avais d’autres petites amies, mais c’est elle que je préférais”, lance le prévenu. Le président Laurent Sabatier rebondit sur l’écart d’âge entre les deux amants, environ 20 ans : “ça me paraît beaucoup”, avant d’en venir à la consommation de la drogue qui a causé l’overdose mortelle à la lycéenne.

“Une soirée en amoureux” avec un rail de coke

L’ancien coiffeur ne s’est pas défilé sur ses responsabilités, il reconnaît ses actes. “Je lui ai donné ce que je croyais être de la cocaïne si je savais que c’était de l’héroïne, je ne l’aurai pas fait”, se justifie-t-il. Se défendant d’avoir forcé ou incité sa petite amie, c’est selon lui cette dernière qui lui a demandé d’amener de la cocaïne pour une dite “soirée en amoureux”. Le président de la cour correctionnel demande alors au prévenu de revenir quasiment heure par heure sur le déroulé de cette journée du 12 janvier jour du drame. Alors en contact avec Saïd Ahamada M’zé un des indicateurs du Gir qui devait le fournir depuis plusieurs semaines en cannabis, il finit par rencontrer ce jour-là Daniel Mohamed autre informateur par le biais de Saïd. Daniel lui fournit la poudre que tout le monde pense être de la cocaïne. Il s’absente pour la tester dans un cagibi à son lieu de travail en compagnie de Vincent H oarau son ami poursuivi dans cette affaire pour transport non autorisé de stupéfiants. Mathias lui avait aussi promis de le fournir en résine de cannabis. “Après l’avoir goûté, Vincent m’a dit que la poudre était coupée”, le juge l’interrompt et lui demande si son compère a employé la phrase “c’est de la merde” pour décrire le produit ce que Mathias réfute. Une déclaration donc, contradictoire par rapport à celle de Vincent Hoarau. “Il ne m’a pas dit ça, car il voulait en commander”, réplique Mathias. Après cette entrevue, le prévenu retourne acheter ce même produit à ses fournisseurs. Plus tard Roukia le rejoint dans son salon où ils vont sniffer chacun une ligne de cette poudre. Puis ils se rendent à son domicile situé à Majicavo- Dubaï où ils vont de nouveau inhaler la drogue. Après s’être endormi, Mathias Belmer se réveille le lendemain matin constatant le corps sans vie de Roukia.

L’homme perd rapidement toute raison en décidant de ne pas appeler les secours. Il devine tout de suite que le décès a été causé par le stupéfiant : “je me suis dit ce n’est pas de la cocaïne ça doit être de l’héroïne pour qu’elle en soit morte”. Le toxicomane tente de trouver des réponses à ses questions en essayant en vain de retrouver Saïd pour savoir quel produit les indics lui ont donné. Il joint finalement Brian Mokhefi un ami “qui connaît bien la cocaïne”. Il est affirmatif, il s’agit d’héroïne. “Brian m’a dit je vais te cacher la poudre”, explique Belmer. Mais ce dernier se rend compte après coup qu’il aura besoin du sachet et de son contenu comme preuve du drame. Paniqué, il essaie de la récupérer auprès de Brian là aussi sans succès, l’échantillon a déjà disparu. “Je me suis dit, on va croire que j’ai étouffé Roukia ou quelque chose comme ça”. C’est par la suite qu’il sollicite l’aide de son employeur pour se débarrasser du corps qui refuse une première fois. Il se retourne vers Ismaël Kidza qui va finir par se raviser à la dernière minute. La suite est bien connue : Mathias finit par convaincre sa patronne Frédérique Blondel à l’aider dans la macabre opération.

 

“Je n’ai pas été honnête sur ma première déclaration”

S’en suit une série de contradictions entre la déclaration faite par cette dernière lundi lors du premier jour de procès et celle de son employé. Par exemple, lui affirme que Blondel l’a aidé pour transporter le corps de son domicile dans la voiture de la coiffeuse alors que celle-ci dit avoir juste donné un coup de main pour disposer le cadavre dans le coffre.

Le juge en vient aux différentes versions que Mathias Belmer a données lors de ses auditions en garde à vue et pendant sa mise en examen. “Sur ma première déclaration, je n’ai pas été honnête parce que je n’étais pas dans mon état normal”, argumente le prévenu.

Me Idriss avocat des parties civiles en profite pour lui rappeler ce qu’il a expliqué aux policiers concernant la bague qu’il avait offert à Roukia et qu’il avait enlevé après sa mort : “j’ai retiré la bague pour que l’on ne m’identifie pas”. Une phrase qui témoigne de la volonté du suspect d’avoir voulu effacer des preuves.

La cour mettra plusieurs fois le doigt sur l’excuse présentée par Belmer pour expliquer son choix de ne pas prévenir les forces de l’ordre. Ce dernier dit avoir perdu ses moyens et était désespéré. “Vous pensez que l’on va croire qu’à ce moment-là vous perdez les pédales alors que vous avez demandé à plusieurs personnes de l’aide pour vous débarrasser du corps”, interroge fermement le juge, agacé par les explications du prévenu. Déstabilisé, Mathias Belmer répète plusieurs fois dans le procès la phrase “je ne me souviens pas”. Reste à savoir combien de fois encore, l’ex-petit ami de Roukia continuera de se retrancher derrière sa perte de mémoire concernant ce dramatique événement de janvier 2011.

GD

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