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“Confinement ou pas, la déforestation bat son plein à Mayotte”

De nouveaux chiffres viennent rappeler l’ampleur des défrichements à Mayotte, et la nécessité de déployer davantage de moyens pour protéger l’environnement du 101ème département. Or, les deux derniers mois de confinement n’ont sûrement pas arrangé les choses, s’inquiètent les associations. 

Le constat est alarmant : avec 6,7 % de défrichement du couvert boisé entre 2011 et 2016, Mayotte est le département français qui subit le plus fort taux de déforestation. Un niveau qui se rapproche même de ceux constatés en Argentine ou en Indonésie ! Pour parvenir à ce chiffre, le comité français du l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a eu recours aux données disponibles sur le site de l’Observatoire de Mayotte et mises à disposition par la direction de l’agriculture de l’alimentation et de la forêt (DAAF) et la direction de l’environnement de l’aménagement et du logement (DEAL). Grâce à la photographie aérienne, l’Observatoire montre l’évolution du statut des sols. “Et là, quand on regarde l’évolution des parcelles boisées, le changement est considérable”, décrit Grégoire Savourey, chargé de mission biodiversité, océan indien au comité français de l’UICN à Mayotte, qui a réalisé les calculs. Parmi les zones les plus touchées, les parcelles privées représentent 95 % de la surface déforestée, soit 1.422 hectares. Une situation qui rappelle la difficulté de sensibiliser, de responsabiliser voire même de verbaliser les propriétaires. “Nous avons souvent du mal à remonter aux donneurs d’ordre ou bien à savoir si l’exploitation de la parcelle s’est faite à leur insu ou non”, explique Cannelle Phillipps du service des ressources forestières du Département. 

Surtout, ces chiffres de 2016 inquiètent les associations et les organismes défenseurs de la forêt et de la biodiversité, alors que Mayotte vient de passer plus de deux mois en confinement. Si les données chiffrées ne sont pas encore disponibles pour l’année 2020, le bilan risque d’être lourd. “Là, il s’agit plutôt de constats de terrain, formulés par l’ONF, les associations ou le Département : c’est comme pour le braconnage des tortues, pendant le confinement, l’absence de passages ou d’agents verbalisateurs a pu favoriser certaines pratiques”, poursuit Grégoire Savourey. Et plus particulièrement les brûlis à des fins agricoles illégales, une pratique répandue et difficile à appréhender à Mayotte. “Entre 2017 et 2020, nos constats de terrain ne font que confirmer ces chiffres de 2016”, souligne Cannelle Phillipps. “À ce rythme-là, dans cinquante ans, il n’y aura plus de forêt à Mayotte”, ajoute Grégoire Savourey. 

Plus de moyens pour Mayotte 

Face à l’urgence de la situation, l’UICN s’est donc fendue d’un courrier, adressé au gouvernement, aux services de l’État à Mayotte et aux collectivités locales. Objectif : obtenir davantage de moyens pour mieux contrôler les dérives et pour soutenir les initiatives. L’UICN demande notamment une clarification de code forestier à Mayotte ; un ratio d’agents plus élevé par hectare ; la mise en place de fourrière pour les animaux d’élevage ; une meilleure protection des surfaces forestières dans les documents de planification et d’urbanisme ; une diminution de la surface minimale de 25 hectares à 4 hectares pour l’obligation de réaliser un document de gestion durable, compte tenu du morcellement des bois et des forêts ; une adaptation des modalités de développement de l’agroforesterie ; une généralisation des opérations de reforestation. 

“Que ce soit pour des actions de sensibilisation, ou pour encourager les bonnes volontés dans le sens de l’agroforesterie, il faudra des moyens techniques, financiers et humains”, insiste Grégoire Savourey qui estime par exemple les besoins du territoire à un agent tous les 100 hectares 

pour les forêts publiques et dix fois plus d’agents pour les forêts privées. En tout, Mayotte compte un peu plus d’une vingtaine de personnes dédiées à la protection des forêts – une quinzaine pour le Département, environ cinq pour l’ONF, et peu ou prou le même nombre pour la DAAF, chargée plus particulièrement de la surveillance des parcelles privées. Car même sur sa propre parcelle, il faut une dérogation particulière pour déraciner un arbre. “Mais des ambiguïtés dans le code forestier conduisent à un certain laxisme”, déplore le responsable de l’UICN. 

Les limites du reboisement 

Bien sûr, le tableau n’est pas tout noir. D’après lui, la faible proportion des forêts publiques touchées par le phénomène de déforestation dans les données de 2011-2016 prouve l’utilité des agents répartis sur le territoire. L’action des associations locales directement sur le terrain constitue aussi un levier d’action important, notamment auprès des propriétaires privées – à condition d’être dotées de moyens. L’une d’elles, les Jardins de Mtsangamouji, travaille justement sur un projet de reboisement sur le bassin versant de la rivière. En allant au contact directement des propriétaires, les quelque trente bénévoles de l’association espèrent bien les convaincre de planter certaines plantes aux abords du cours d’eau. Mais le projet n’a pas encore pu voir le jour. “Nous avons besoin de partenaires pour nous fournir les plantes, car souvent les propriétaires n’acceptent pas n’importe lesquelles, ils veulent des arbres fruitiers”, développe Moussa Nassim, le président de l’association, qui constate par ailleurs une recrudescence des brûlis depuis la fin du confinement. 

Malheureusement, ces opérations de reboisement n’en sont qu’à leurs balbutiements. “À ma connaissance, il y a eu en 2019 peut-être 100 hectares de reforestation, contre 400 hectares partis en fumée dans l’année”, chiffre Michel Charpentier, le président des Naturalistes de Mayotte qui dénonce l’absence de politique de biodiversité sur l’île. Pour lui, il y a donc urgence à créer la réserve naturelle des forêts de Mayotte : “Ce projet, en chantier depuis trois ans, permettrait de donner des moyens en personnels et en financements pour faire une véritable politique de préservation.” La mise en place d’une surveillance accrue via une police de l’environnement est aussi essentielle afin de poursuivre et de sanctionner les dérives. Or, “pour l’instant, les moyens n’y sont pas”, déplore-t-il. Sans parler du confinement, qui a encore un peu plus allégé la surveillance en matière de biodiversité et de protection de l’environnement, comme en attestent les nombreux constats de braconnages établis par l’association ces dernières semaines. Mais “confinement ou pas, la déforestation bat son plein à Mayotte”, soupire Michel Charpentier.

Santé Publique France à Mayotte : “Les moins de 18 ans nous sauvent dans la dynamique épidémique”

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Méconnue du grand public, Santé Publique France regroupe quatre épidémiologistes à Mayotte, dont la mission principale est l’observation de l’état de santé, la surveillance et la veille épidémiologique. Dans le cadre de la crise, l’équipe en poste tient un rôle important dans la mise en place de la plateforme d’investigation autour des cas positifs et du contact tracing. Mais elle s’emploie aussi à produire des données à destination des autorités pour orienter la décision en matière de mesures de gestion et ainsi dénicher la meilleure stratégie à aborder dans le but de lutter contre la propagation du virus. Rencontre avec Marion Subiros.

Flash Infos : Santé Publique France joue sa partition dans tout le travail d’enquêtes auprès des cas positifs et des cas contacts. Quel est l’intérêt de suivre de près ces recherches fastidieuses ?

Marion Subiros : Sur les investigations, il y a deux volets. Une fois que les annonces ont été faites, soit par l’équipe médicale de l’ARS, soit par les médecins du territoire, nous récupérons le dossier au niveau de la plateforme. La première étape est d’enquêter auprès du cas confirmé pour comprendre l’origine de sa contamination, avant de dresser dans un second temps la liste des personnes qu’il a croisé dans sa phase de contagiosité, pour ensuite attaquer tout le contact tracing. L’objectif est de mettre en évidence des chaînes de transmission. Plus nous aurons de cas prévenus et avertis de leur état, plus nous aurons des chances de contrôler l’épidémie. Toutes ces informations sont centralisées dans une grande base de données qui sert à la gestion des cas, mais aussi à l’exploitation de ces informations pour comprendre la dynamique de l’épidémie. Tout cela nous permet de réaliser des cartographies quand nous avons le village de résidence des cas, mais aussi de comprendre quelles tranches d’âge sont touchées pour décrire le profil des patients.

L’idée est d’essayer d’avoir de l’information réactive et précise pour pouvoir mettre en place des mesures de lutte ciblées, en complément de toute la stratégie de prévention mise en place par l’ARS aussi bien sur le terrain que dans sa communication.

FI : Comment s’établit la stratégie de Santé Publique France en termes de dépistage ? Et comment vous y êtes-vous pris lors de l’apparition du cluster au centre pénitencier de Majicavo ?

M. S. : Depuis le début, la stratégie de dépistage est clairement adaptée à nos capacités. Nous avons essayé d’aller le plus loin possible, mais il est vrai qu’en termes de matériel, de logistique et de ressources humaines, il y a des limites que nous ne pouvons pas franchir. Donc, nous sommes partis sur une stratégie qui se base sur 300 tests par jour, répartis entre le privé et l’hôpital. Nous ne prélevons que des personnes qui répondent à un tableau clinique évocateur. En fonction de ce que nous avons observé dans la littérature chinoise ou italienne, et en analogie avec d’autres pathologies infectieuses respiratoires, nous avons dressé un outil d’aide aux prescripteurs.

La deuxième indication est quand nous avons besoin d’explorer une situation un peu étrange ou problématique qui survient sur une population vulnérable, que ce soit socialement ou médicalement. Dans ce cas de risque d’explosion du cluster, nous nous réunissons avec l’ARS pour décider s’il est pertinent ou pas de déclencher une opération de dépistage. Par exemple, la prison fait partie typiquement des situations à risque où nous n’avons pas envie que cela dégénère, donc nous avons suivi l’évolution de très près dès l’apparition des premiers cas. Nous avons testé tous les détenus et surveillants pour regarder ce qu’il en ressortait. Et c’est là que ça devient intéressant, car sur une population en milieu carcéral, nous pouvons nous rendre compte des taux de positifs et d’asymptomatiques.

FI : Y a-t-il eu une évolution de cette stratégie au fil de l’avancée de l’épidémie à Mayotte ?

M. S. : Il n’y a pas eu de grands chambardements. La seule évolution est sur le tableau clinique en fonction des données de la littérature qui arrivaient et des épidémies dans d’autres pays. Par exemple, nous avons très rapidement mis en évidence l’anosmie (perte d’odorat) et l’agueusie (perte de goût). À l’origine, nous ne prélevions pas ceux qui présentaient ces symptômes s’ils n’avaient pas de fièvre. Quand nous avons compris qu’il s’agissait d’un signe très typique de la maladie, nous l’avons intégré. Et nous avons aussi fait évoluer la définition de cas que SPF met à jour très régulièrement. Par contre, nous ne prélevons pas de manière systématique les cas contacts comme cela peut se faire en métropole.

En matière de surveillance, nous avons mis le paquet sur tous les axes possibles. La surveillance des cas confirmés biologiquement est exhaustive. Après, concernant les cas probables, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas forcément une PCR positive à cause du pourcentage de faux négatif ou ceux qui ont une symptomatologie respiratoire évocatrice lors d’un scanner, nous les prenons en charge comme des cas positifs parce qu’ils répondent à la définition d’un cas de covid. Nous les avons récupérés récemment pour les “tracer”. La surveillance des cas hospitalisés, notamment en réanimation et en médecine, donne également une bonne idée de la dynamique épidémique. Sans oublier la surveillance de la mortalité sur des cas qui ont un diagnostic de covid.

À la différence de la métropole, la surveillance des cas confirmés et les investigations autour d’eux n’ont jamais cessé à Mayotte. C’est vraiment un atout parce que nous avons toujours contribué à limiter ces chaînes de transmission en appelant la majorité de leurs contacts.

Sur la stratégie de prélèvements, il y a eu une grosse mobilisation, notamment de l’hôpital et de ses équipes mobiles. La mise en place de ces dernières était indispensable pour aller au contact des populations qui n’ont pas recours aux soins. Cette activité de prélèvements à domicile représente 30 % des dépistages au mois de mai. C’est doublement utile, car d’une part, nous allons chercher des cas que nous n’aurions pas trouvés et d’autre part, nous évitons qu’ils se déplacent par le biais de moyens de transport collectif.

FI : Vous attendiez-vous à une telle propagation du virus à Mayotte ? Et comment expliquer que le profil de la majorité des cas positifs ne soit pas le même qu’en métropole ?

M. S. : Nous nous attendions à une dynamique épidémique compte tenu des milieux de vie, de l’environnement, ou encore de l’accès à l’eau très limité à Mayotte. Ceci dit, nous pensions devoir gérer plus de cas de formes sévères, sachant que nous avons une très forte prévalence des maladies cardiovasculaires, du diabète, d’hypertension ou d’obésité qui constituent des facteurs de risque avéré. Nous pensions avoir plus d’hospitalisation en lien avec ces patients-là. Et finalement, nous n’avons pas énormément d’admissions en médecine et en réanimation en comparaison aux nombres de cas dépistés. Encore une fois, le nombre de cas diagnostiqués sur le territoire est fortement sous-estimé de par la forte proportion de personnes asymptomatiques.

À ce stade, la plupart de nos patients hospitalisés qui ont des comorbidités assez lourdes se trouvent dans la tranche d’âge 15-44 ans. Et plus les patients vieillissent, plus ils ont tendance à les cumuler. À

Mayotte, nous voyons bien que les 50 % de la population âgée de moins de 18 ans nous sauvent dans la dynamique épidémique. Il faut aussi retenir que les comorbidités sont un facteur de risques de formes sévères, mais cela ne veut pas forcément dire qu’un comorbide va développer une forme sévère.

FI : Aurait-il été plus judicieux de prendre le parti de procéder à un dépistage massif à Mayotte ? Ou au moins de dépister tous les cas contacts ?

M. S. : Il faut bien garder à l’esprit le “pourquoi nous testons ?”. Cela ne sert à rien de tester pour tester et de dépister toute la population. Quand nous tenons compte des délais d’incubation et du risque de propagation, il faudrait tester tous les habitants chaque semaine jusqu’au moment où nous arrivons à un certain seuil d’immunité. À mes yeux, cela n’a pas trop de sens… Par contre, la stratégie de prélèvement et de dépistage doit être ciblée autour des cas. Et c’est sûr que nous aurions envie de le faire beaucoup plus systématiquement pour limiter la propagation.

Ensuite, dépister tous les cas contacts autour d’une personne positive n’aurait pas pu être systématisé. Et surtout, l’énergie déployée pour mettre en place ces mesures n’aurait pas été payante. Alors que lorsque nous investissons des clusters professionnels, nous pouvons endiguer la propagation.

Dès le début de l’épidémie, dès que nous avons eu des clusters géographiques ou professionnels, nous sommes allés les explorer. Je pense par exemple au cluster de Bandrélé ou à ceux au sein de la police nationale et des sapeurs-pompiers. Dans ces deux derniers types de foyer, il s’agit de personnes qui sont au contact de la population et qui peuvent être vectrices. Dans ces cas-là, il y a vraiment urgence de dresser un état des lieux de positivité du groupe, d’isoler les malades et de mettre en quatorzaine les contacts étroits.

Nous avons eu aussi la chance d’avoir un semblant de confinement et un semblant respect de la quatorzaine. Aujourd’hui, c’est différent, car nous devons faire à une épidémie dans un environnement déconfiné. Donc il faut adapter les mesures et cibler les situations prioritaires, ce que nous appelons les super spreader events, c’est-à-dire des événements connus qui sont sources de contamination et de propagation du virus. Par exemple, des rassemblements, où les gens sont nombreux et proches. D’ailleurs, à ce sujet-là, j’ai été choquée par la marche contre l’insécurité en Petite-Terre.

FI : Comment voyez-vous la suite avec ce déconfinement progressif ?

M. S. : Sur l’apparente stabilisation, voire diminution, de ces dernières semaines, il faut rester très prudent avec ces données. La surveillance subit énormément de biais, liés à un certain nombre d’incertitudes, que ce soit en matière de stratégie de prélèvements ou de diagnostics. Les prochaines semaines seront décisives : l’arrivée de l’hiver austral, avec un petit changement de température, peut peut-être avoir un impact. Et les futurs événements à cette période de l’année, comme les manzarakas, ainsi que le second tour des élections municipales seront très propices à la création de clusters et à une dynamisation de la circulation virale.

Insécurité à Mayotte : La marche blanche a bien eu lieu à Kahani

Plusieurs centaines de personnes ont participé dimanche à la marche blanche organisée à Kahani en soutien aux soignants de la commune, cibles récurrentes d’agressions. Si la manifestation avait été interdite par la préfecture, les participants, eux, entendent bien renouveler l’événement, qui s’est par ailleurs déroulé sans accroc.

Ils ont marché contre l’insécurité. Dimanche matin, 300 personnes, selon les forces de l’ordre, sont venues afficher leur soutien aux soignants du dispensaire de Kahani, en droit de retrait depuis deux semaines pour dénoncer les faits de violence dont ils sont régulièrement la cible, ainsi qu’aux sapeurs-pompiers et aux effectifs du lycée professionnel, eux aussi régulièrement pris à partie. Une marche blanche organisée par le collectif des citoyens, rejoint par différents syndicats, qui avait été pourtant interdite par le préfet, les rassemblements de plus de dix personnes n’étant toujours pas autorisés. Le délégué du gouvernement avait alors appelé la population “au civisme” après avoir expliqué que les gestes barrières ne pourraient pas strictement être observés en pleine manifestation, craignant ainsi qu’un nouveau foyer de contamination ne se forme.

Ils ont pourtant été nombreux à arborer fièrement leur masque tout au long des dix kilomètres parcourus par le cortège entre Kahani et Coconi. Autour des manifestants – et plus largement, du village –, plusieurs escadrons de gendarmerie et deux blindés. “On voulait absolument éviter qu’il y ait des barrages qui se forment en marge de l’événement”, commente le lieutenant-colonel Bisquert, soulagé de voir que la matinée s’est finalement avérée “très calme”.

Réunion d’urgence ce mercredi

Parmi les manifestants, le docteur Lahalle, chef de service de Kahani et secrétaire général du syndicat des praticiens hospitaliers de Mayotte, regarde les forces de l’ordre qui cerclent le secteur. “Au vu du nombre de gendarmes mobilisés, on peut imaginer qu’on est vraiment dans une zone dangereuse et qu’on peut en mobiliser un peu plus pour notre sécurité au quotidien.” Une revendication qui sera, parmi d’autres, évoquée mercredi, lors d’une réunion instiguée par la préfecture à laquelle sont conviés les différents acteurs de la marche blanche afin d’évoquer la question de la sécurité.

Si les invitations n’ont toutefois pas encore été envoyées, Salim Nahouda, secrétaire général de la CGT Mayotte, espère vivement pouvoir participer à cette table ronde, après être intervenu lors du rassemblement de Kahani. “L’État ne nous protège pas et la justice est laxiste, ils ont laissé des bandes de délinquants s’installer, maintenant, il faut qu’ils les assument, les Mahorais sont obligés de se défendre eux-mêmes. Il faut qu’on ait les moyens de condamner les personnes jugées, sans les libérer au bout de quelques mois !”, résume-t-il. Afin d’interpeller davantage les pouvoirs publics, l’ensemble des manifestants a décidé de renouvelé cette marche blanche dans des villages différents tous les dimanches – à l’exception du second tour des élections municipales, le 28 juin. Le prochain rendez-vous est donné à Acoua.

Opération formation aux gestes barrières grandeur nature à Mayotte

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Déconfinement oblige, la formation aux gestes barrières doit désormais se faire en masse. L’ARS, en partenariat avec les autres structures de l’État ont organisé vendredi dernier une formation aux gestes barrières, place de la République à Mamoudzou. 120 personnes ont répondu présentes. Elles devront par la suite à leur tour former la population.

Du savon, de l’eau, des masques, distance d’un mètre respectée… La place de la République de Mamoudzou a été transformée en centre de formation aux gestes barrières contre le Covid-19 le temps d’une matinée. Les agents de l’association pour le développement du sauvetage et du secourisme (ADSS) de Mayotte étaient mobilisés pour l’occasion par l’ARS en tant que formateurs. Les membres des nombreuses associations présentes sur le territoire étaient conviés à prendre part à cette formation. 120 personnes étaient présentes, mais l’objectif est d’en former 1.200 en deux semaines. “Ces personnes formées vont par la suite en former d’autres au sein des associations et auprès de la population. Ce sont les 1.200 soldats qui vont aller sur le territoire pour expliquer aux gens ce que sont ces fameux gestes barrières. C’est une initiative que nous prenons pour mieux ancrer dans l’état d’esprit de chacun ce qu’il faut faire pour se protéger”, explique Jean-François Colombet, le préfet qui était également présent. Le mode d’emploi est simple, les agents illustrent tous les gestes barrières, puis chaque apprenti le répète sous le regard avisé du formateur. Tous les connaissent de manière générale, mais des précisions sont de rigueur. “La plupart des gens comprennent l’importance du masque, mais ne savent pas le mettre ou le retirer correctement par exemple”, rapporte Abdou Anli, président de l’ADSS. Les questions fusent, les apprentis ont tous rangé leurs portables et écoutent attentivement les explications. Cette formation n’est pas seulement ludique, elle est plus que nécessaire dans la lutte contre la propagation du virus à Mayotte. “Je suis venu pour apprendre les gestes barrières afin de pouvoir mieux accompagner et sensibiliser notre public. À Koungou, le besoin est réel, car nous sommes dans un village où les conditions de vie sont très difficiles. On constate que finalement très peu de gens respectent les gestes barrières à Koungou”, révèle Abdallah Alilou, participant et coordinateur de la régie de quartier à Koungou. Pour d’autres, la formation chamboule leur comportement envers les autres. “Aujourd’hui, j’ai appris de quelle manière je dois me comporter avec les personnes qui sont considérées à risques. Maintenant, je vais appliquer cela aux enfants et j’ai hâte”, sourit Nadia Bourahima, participante et membre de l’association Action coup de pouce.

Les professionnels et l’aéroport sensibilisés

La formation aux gestes barrières ne s’arrête pas aux associations. L’ARS, la préfecture et les différents partenaires souhaitent sensibiliser le maximum de personnes en passant par tous les moyens. “Nous allons aller plus loin puisque quand les premiers vols arriveront, les passagers bénéficieront également de cette formation”, annonce le préfet. Elle ne durera pas une heure et demie comme pour les associations, il s’agira plutôt d’un récapitulatif de 5 à 10 minutes à l’arrivée des passagers pour leur expliquer les gestes barrières. On va également la faire en direction des professionnels des taxis et des restaurateurs pour qu’au-delà de la communication institutionnelle on ait vraiment une explication pour chaque Mahorais sur l’intérêt des gestes barrières” ajoute Jean-François Colombet. Sur le long terme, d’autres professions seront sensibilisées, ainsi que les clubs de sport.

Former toute la population aux gestes barrières, l’objectif de l’ARS de Mayotte

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Les agents de l’ARS mobilisés sur la cellule Covid-19 ne chôment pas. L’équipe de prévention chargée de partager les messages sur les gestes barrières est particulièrement sollicitée. Elle travaille en étroite collaboration avec les associations qui sont formées à ces gestes et qui à leur tour doivent transmettre le message à la population.

Depuis le début de la crise sanitaire, l’ARS de Mayotte a fait un appel massif à la trentaine d’associations partenaires afin de travailler ensemble sur la diffusion des messages de santé liés au Coronavirus. “Ce sont des associations qui travaillent sur différents domaines, mais tout le monde s’est mobilisé sur la pandémie. L’objectif est de faire comprendre la maladie, respecter les gestes barrières et répéter inlassablement les messages avec tous types de populations et tous milieux de vie”, indique Julie Durand, chargée de prévention santé environnementale à l’ARS. Ces associations ainsi que les professionnels de santé de l’ARS répondent aux demandes des entreprises ou des autres associations qui souhaitent former leurs collaborateurs. Le déconfinement progressif accélère le travail, et les formateurs sont très sollicités. “On forme au maximum les structures qui vont reprendre les activités pour qu’elles facilitent le respect des gestes barrières et fassent en sorte que ça dure pendant des mois parce que ces gestes vont devenir une normalité pour l’ensemble des citoyens”, selon Julie Durand. Cette dernière le confirme, la présence des associations sur le terrain a permis de sonder la population sur leurs aprioris et leurs doutes. Un partenariat qui a permis d’adapter les messages pour mieux répondre aux questionnements de la population. “Elle a été très réceptive et curieuse de comprendre la maladie. Encore aujourd’hui, on se rend compte qu’il y a plein de gens qui ne l’ont pas cernée. Mais dès qu’on leur explique, ils comprennent, c’est pour cela qu’il ne faut absolument pas baisser les bras malgré la fatigue et continuer à mobiliser tout le monde”, soutient Barbara Massez, infirmière hygiéniste à l’ARS. Cette sensibilisation dure depuis presque trois mois et elle continuera jusqu’en août au moins, selon l’évolution de la pandémie sur l’île. L’équipe de l’ARS forme une dizaine de structures par semaine. Les professionnels affirment ne pas avoir d’objectif particulier si ce n’est de répondre à toutes les sollicitations.

Sensibiliser autrement à plus grande échelle

Les associations et les professionnels ne sont pas les seuls à être formés. Afin de toucher le plus grand nombre de personnes, les mosquées sont mises à contribution. “Les imams font appel à nous. On les aide à sécuriser les mosquées ou même les madrassas pour que la vie reprenne. On essaye de fournir un minimum de matériel parce qu’on n’est pas dotés de manière infinie et le nombre de mosquées à Mayotte est énorme et il faut que les gens se responsabilisent. On sait qu’une santé 100 % gratuite n’est pas efficace”, indique Barbara Massez, l’infirmière hygiéniste. Un énième projet est également mis en place avec les grands distributeurs. “On les a approchés pour la mise en place de ces mesures au sein de leurs sites. On sollicite également les organisations comme la chambre de commerce parce qu’elles ont un réseau et grâce cela, on peut démultiplier les messages”, précise Nassim Guy, adjointe au service prévention à l’ARS. L’équipe affirme ne pas rencontrer de difficultés particulières puisque sa méthode de travail consiste à s’adapter à chaque situation. “Nous ne venons pas avec des solutions toutes prêtes. On essaye de co-construire des réponses adaptées avec les associations et les autres structures et c’est ainsi que les difficultés sont rapidement levées.” Il existe cependant un public compliqué à sensibiliser, mais il est difficile de définir facilement un profil. Et si les adolescents sont moins réceptifs aux messages, “les 8-12 ans sont nos meilleurs alliés sur le terrain. Ce sont de très bons messagers, ils comprennent rapidement et transmettent à leur tour les messages de prévention, ils font même office de police sanitaire”, raconte Julie Durand. Finalement, l’ARS a cerné la particularité de Mayotte et en a fait un atout. Ici, le bouche-à-oreille est plus efficace que n’importe quel média, et l’équipe de prévention contre le Covid-19 compte bien jouer sur cela pour parvenir à ses fins.

StopCovid, l’application du gouvernement qui fait flop à Mayotte

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Déjà téléchargée par plus de 600.000 personnes d’après le gouvernement, l’app, qui doit permettre de rompre les chaînes de transmission, n’est pas encore active à Mayotte. Explications.

“Ça ne vous dérange pas d’être à la même table que d’autres clients ?” Pas du tout, au contraire. Justement, au fond de mon sac à dos, l’application StopCovid et mon smartphone branché en mode Bluetooth n’attendent qu’une chose : pouvoir repérer d’autres utilisateurs aux alentours. Un peu comme une application de rencontre, mais pour le Covid-19. Pour fonctionner, l’app du gouvernement doit être à proximité d’une personne positive au Coronavirus et qui a elle-même téléchargé l’application, pendant au moins quinze minutes. Après une heure passée en terrasse, à côté d’au moins cinq personnes, force est de constater que mon nouveau gadget ne m’enverra pas de notification. Même bilan des courses rue du Commerce et au supermarché Baobab, où les files d’attente ne permettent pas vraiment de rester aussi longtemps à côté des clients.

Une application décriée

Pour rappel, cette application, développée en grande pompe par le gouvernement au temps fort du confinement, et défendue à plusieurs reprises par le secrétaire d’État au numérique Cédric O, doit permettre de “contribuer au travail des médecins et de l’Assurance maladie, pour alerter au plus vite les personnes ayant été en contact avec les personnes malades du Covid-19, et ainsi casser la chaîne de transmission”, est-il précisé sur le site du ministère de l’Économie. Fortement décrié par les défenseurs de libertés individuelles et de la protection des données personnelles, ce dispositif a toutefois fait l’objet d’un avis favorable de la CNIL. En effet, l’app, gratuite et uniquement basée sur le volontariat, fonctionne avec le Bluetooth, et non la géolocalisation du téléphone. Elle ne brasse par ailleurs pas beaucoup de données personnelles : nom, numéro de téléphone, adresse e-mail… Aucune de ces informations permettant d’identifier l’utilisateur ne sont demandées à l’activation. De plus, l’identification des cas contacts positifs au Covid, pseudonymisée, ne doit en théorie être stockée sur le serveur que pendant 14 jours. Un patient testé positif au Covid reçoit désormais, en même temps que le résultat de son test, un code généré de façon aléatoire, qu’il peut renseigner dans l’application.

Voilà pour le principe. Disponible pour iOS et Androïd depuis mardi, pour accompagner l’étape 2 du déconfinement, StopCovid aurait été téléchargée déjà plus de 600.000 fois. Aujourd’hui encore, elle arrive en première position dans le Top 1 des téléchargements gratuits sur l’App Store en France. Mais sans surprise, le dispositif risque fort de passer à la trappe à Mayotte, alors que le 101ème département entame lui aussi depuis mardi son déconfinement progressif. Première raison évidente : l’application n’est disponible qu’en français. Ensuite, difficile d’imaginer des légions de volontaires pour activer StopCovid à Mayotte, alors que de nombreux patients ont plutôt manifesté leur peur d’être marginalisés en cas de résultat positif…

Une autre plateforme de contact tracing à Mayotte

En réalité, même les administrations du département ne semblent pas miser sur l’application pour leur stratégie de déconfinement. Un patient, testé récemment positif au Covid-19, assure d’ailleurs qu’il n’a reçu aucun code destiné à StopCovid. “Le dispositif n’est pas encore actif de notre côté. À confirmer auprès de l’ARS aussi”, nous signale-t-on du côté du CHM. Contactée, l’ARS assure n’avoir pas reçu d’information de la part du gouvernement sur le déploiement de cet outil à Mayotte. “On doit être quatre à l’avoir téléchargé, et déjà on n’arrive pas tous à l’activer sur notre téléphone. Mais même si l’on pouvait, cette application se base sur un QR code, disponible à partir de la base de données alimentée par le réseau Sidep, qui ne fonctionne pas à Mayotte”, nous explique-t-on. Ce “service intégré de dépistage et de prévention système” constitue en effet une base nominative qui doit permettre de recenser l’intégralité des tests PCR réalisés depuis le 11 mai. Mais faute d’y avoir accès sur l’île aux parfums, les équipes de l’ARS doivent se résoudre à un recensement bien plus manuel, aidées seulement d’un tableur Excel.

Censée venir en appui au travail des médecins et de l’Assurance maladie, l’application n’est pas non plus l’affaire de la CSSM, qui planche plutôt sur son propre dispositif. “L’assurance maladie (donc la CSSM) ne gère pas cette application. À différencier de la plateforme contact tracing déployée par le réseau Assurance maladie et l’ARS. La CSSM communiquera prochainement sur ce dispositif”, nous indique-t-on à la caisse de sécurité sociale. D’après l’agence régionale de santé, cette plateforme d’appel devra permettre de soulager le personnel de l’ARS en dédiant une équipe de la CSSM à ce suivi chronophage des cas contacts. En clair, cette nouvelle arme du gouvernement, déjà contestée sur son efficacité et ses coûts de fonctionnement (elle a été développée bénévolement et n’a donc au moins pas coûté cher à produire) en métropole, ne servira pas beaucoup à Mayotte…

Le contact tracing, le travail de fourmis des enquêteurs et des médecins de l’ARS de Mayotte

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Au quotidien, médecins de l’équipe médicale de suivi et enquêteurs de la brigade de contact tracing de l’agence régionale de santé s’activent pour retrouver les cas contacts des habitants positifs au Covid-19. Une démarche qui demande de la patience et de la persuasion, tant la maladie n’est pas systématiquement prise au sérieux par une partie de la population. 

“Bonjour […]. La recherche du covid est revenue positive : vous êtes porteur du Coronavirus.” Chaque jour, pendant une vingtaine de minutes, c’est le même refrain pour Maxime Jean, infectiologue au CHM, et Salimata Diall, médecin de santé publique au réseau périnatal, tous deux détachés de leurs postes respectifs pendant la crise sanitaire pour renforcer l’équipe médicale de l’agence régionale de santé. Au moment de dévoiler le verdict du dépistage, l’un comme l’autre parcourt tout un questionnaire pour mettre à l’aise l’interlocuteur au bout du fil et surtout mieux connaître son environnement pour savoir si un isolement au domicile est possible. “Quand nous annonçons le résultat, nous le faisons en douceur, car il espère, bien évidemment, qu’il sera négatif.” L’empathie est alors le mot d’ordre ! Après avoir instauré une relation de confiance, s’ensuit une avalanche de préconisations comme les risques pour l’entourage, notamment les personnes âgées, celles qui présentent des comorbidités, c’est-à-dire des pathologies chroniques, ou les femmes enceintes. “Nous lui demandons de rester au maximum en dehors du cercle familial et de porter un masque dès qu’il sort de sa chambre.” 

Au troisième, tout comme au septième jour, un nouveau contact s’établit pour évaluer une détérioration ou une amélioration de l’état de santé. “Les habitants se sentent abandonnés par le CHM et l’ARS alors que nous suivons les réglementations nationales du ministère de la Santé. Mais il faut insister sur l’auto-surveillance car il s’agit d’une maladie qui se guérit facilement en temps normal”, développe Maxime, qui regrette les attaques incessantes à l’égard des deux institutions sanitaires de l’île. Même si le Covid-19 est semblable, pour une grande majorité, à une grippe saisonnière, il est possible de développer des formes graves, qui nécessitent une hospitalisation. Et en cas de complication, à l’instar d’un essoufflement ou des difficultés respiratoires, les deux collègues recommandent d’appeler le 15 sans plus tarder et non pas l’ARS comme beaucoup le pensent. “Il ne faut pas attendre”, martèle Salimata, qui qualifie son “job” de télémédecine. 

Mettre le grappin sur les cas contacts 

Mais cet échange régulier a aussi et surtout pour objectif de traquer les cas contacts, qui oscillent entre 5 et 20 pour un cas positif… “Ils nous intéressent pour deux raisons : la première est qu’ils sont susceptibles d’avoir reçu le virus et qu’ils sont en phase d’incubation avec un risque de contracter une forme sévère ; la seconde est que lorsqu’ils développent des symptômes le 25 du mois par exemple, ils vont être transmetteurs ou contaminants à partir du 23”, détaille Maxime. Ainsi, le but du jeu est de leur mettre la main dessus pour bloquer la chaîne de transmission. “Nous passons un temps fou à leur faire comprendre qu’ils participent à la diffusion du virus. Nous nous en fichons de savoir s’ils ont rompu le confinement !” 

Justement, pour mettre le grappin sur ces individus, l’équipe médicale de suivi peut compter sur le soutien de la brigade de contact tracing qui regroupe une dizaine d’enquêteurs métropolitains et mahorais. Un mix indispensable pour régler les éventuels problèmes linguistiques, comme cela a pu se présenter au milieu de l’épidémie lorsqu’une majorité des cas ne parlaient pas ou peu le français… Indépendamment de la barrière de la langue, plusieurs autres obstacles se mettent en travers de leur route. En effet, quelques-uns ne répondent pas au téléphone. La raison ? “Il y a beaucoup d’erreurs de numéros alors qu’une confirmation est demandée lors du prélèvement. La proportion de personnes injoignables s’élève à environ 10 %. Si nous essayons de passer par le bureau des entrées du CHM pour les retracer, un certain nombre de dossiers sont classés sans suite”, révèle le docteur Genneviève Dennetière, responsable du service de veille et de sécurité sanitaire. D’autres refusent de divulguer des informations. “Pour eux, le Covid est une maladie honteuse. Ils préfèrent nier son existence”, explique-t-elle. “Les gens ont du mal à dire avec qui ils vivent et où ils travaillent. Ils ont peur du regard de leur voisinage ou de leur famille. Nous avons même rencontré certains d’entre eux à l’extérieur du village pour ne pas montrer la voiture de l’ARS.” 

Depuis le 13 mars, les enquêteurs issus des différents services sont sur le qui-vive et s’emploient sept jours sur sept à “éduquer” la population aux risques de contamination. Et leur abnégation commence à payer au regard de l’évolution de la courbe de ces derniers jours selon Genneviève Dennetière. “Nous espérons arriver à la fin d’une circulation massive et ainsi uniquement gérer les clusters et la survenue de cas groupés.” En tout cas, l’ARS va pouvoir envisager un retour à la “normale” dès les prochains jours grâce au recrutement d’une quinzaine de personnes par l’assurance maladie pour continuer le contact tracing. Un bol d’air synonyme de reprise progressive ? L’avenir nous le dira…

Médiation citoyenne à Mayotte : “Oui, c’est ambitieux, mais il faut l’être sur ce territoire !”

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Nawale Yssoufa est directrice générale de Messo, une des associations partenaires du dispositif de médiation citoyenne qui doit déployer ses premiers bénévoles à partir du 15 juin. Alors que beaucoup de voix se lèvent pour dénoncer un supposé laxisme des autorités, la directrice défend ici un projet, une main tendue envers la jeunesse, qui se veut nouveau, alternatif et dans lequel elle place de grands espoirs. Même si “ce ne sera pas la solution miracle”. 

Flash Infos : Comment allez-vous, en tant qu’association partenaire, participer aux groupes de médiation qui doivent mailler le territoire à partir de la mi-juin ? 

Nawale Yssoufa : En ce qui concerne Messo, nous allons tout simplement travailler avec les acteurs de terrain, des associations et faire appel à des bénévoles qui se sentent concernés par les problématiques de violences. Et ils sont nombreux ! Il faut savoir que beaucoup de personnes travaillent déjà dans la médiation dans leur propre commune, ils se sentent concernés par ce qu’il se passe, participe activement à travailler avec les jeunes, leur parler. L’objectif de ce dispositif est donc aussi d’offrir un cadre à toutes ces personnes qui s’investissent déjà au quotidien pour qu’ils puissent travailler plus en profondeur avec les jeunes tout en étant suivis par une structure. Je pense que c’est la stratégie que nous allons adopter et que nos partenaires dans ce dispositif adopteront également. 

Au niveau des bénévoles, c’est vrai qu’il y avait des réticences, car on peut avoir peur dès lors que l’on utilise ce terme d’avoir du mal à mobiliser, mais force est de constater que l’on a déjà des personnes qui veulent aider ces brigades de médiation sans même que nous soyons encore allés vers elles. Cela montre bien qu’il y a un véritable engouement qui existe autour de ce projet. 

FI : Malgré toutes les bonnes volontés, faire appel à des bénévoles n’est-il pas un frein à une démarche pérenne et efficace ? On pourrait estimer qu’au vu de l’ampleur du travail, faire appel à des professionnels serait plus efficient. Qu’en pensez-vous ? 

N. Y. : Oui, c’est vrai, c’est un métier. Mais il faut savoir que, par exemple, les emplois aidés que nous accueillons chez Messo se spécialisent dans la médiation. Ils ont des formations obligatoires dont nous avons convenu avec le Département et la préfecture. Il y a des personnes que nous allons accompagner et il y a aussi des cadres, des coordinateurs qui vont assurer l’encadrement et qui sont diplômés. De notre côté, nous faisons ainsi appel à des éducateurs spécialisés pour encadrer les bénévoles de terrain. Le tout dans un cadre qui n’est pas nouveau ; nous sommes une association qui œuvre déjà dans l’accompagnement des mineurs suivis à l’ASE [aide sociale à l’enfance, ndlr] donc il y a tout de même un réel savoir-faire, nous n’avons pas été choisis au hasard, nous sommes en plein dans la problématique. Nous avons des psychologues en interne, etc. Le social fait vraiment partie de notre ADN, ce n’est pas un monde que nous découvrons. Nous connaissons ses problématiques et avons développé des outils donc non, je ne pense pas que la partie bénévolat soit un frein. Je pense aussi que ceux qui critiquent le font, car ils ne connaissent pas les rouages de ce dispositif et tout le travail qui a été mené en concertation pour le mettre sur pied. Ce n’est pas un projet hors-sol, il a été pensé pleinement avec les acteurs du terrain à travers de longs échanges constructifs avant d’être mûr. 

FI : Concernant les critiques justement, beaucoup considèrent ce dispositif comme une réponse trop douce face aux défis posés et inscrivent cette démarche dans un supposé laxisme au détriment de la répression. Que répondez-vous à cela ? 

N. Y. : C’est vrai, il y a un véritable ras-le-bol face à la violence et à l’insécurité en général. Ce ras-le-bol est partagé et nous en avons tous marre d’avoir peur de nous faire taper dessus ou de nous faire cambrioler. Mais à un moment donné, nous sommes dans un État de droit où la seule réponse n’est pas la prison. Ce n’est le cas que pour ceux dont les infractions ont été avérées et pour lesquelles on considère que c’est la réponse adaptée. Mais pour le reste, il faut trouver des solutions alternatives. De notre côté, nous sommes dans la prévention, cela veut donc dire que nous dirigeons notre action vers tous les jeunes pour qui il y a encore de l’espoir. Le préfet l’a d’ailleurs rappelé ; pour ceux qui ne voudraient pas de la main tendue et qui n’aurait pour objectif que de perturber la vie sociale, la réponse sera la répression. Nous ne sommes pas là pour prendre la place des forces de l’ordre, mais bien pour tendre la main à ceux qui n’ont pas de réponses et qui se retrouvent aujourd’hui échoués sans avenir avant qu’ils ne tombent dans le cercle vicieux de la violence. Il y a bel et bien deux choses, ceux qui nous accuseraient d’entretenir la délinquance ont tout faux, nous sommes simplement là pour dire : tous ceux qui veulent aller de l’avant, nous vous tendons la main. Les autres feront l’objet d’une autre réponse. 

FI : Quels sont les objectifs que vous vous fixez à travers ce dispositif ? 

N. Y. : Je pense que tout le comité de pilotage et les différents partenaires se fixent comme objectif principal de réduire les faits de violence sur le territoire. C’est la gangrène actuelle et force est de constater qu’il fallait, pour tenter de l’arrêter trouver autre chose. Et c’est donc peut-être en allant sur le terrain, en étant à l’écoute de ses attentes que nous serons les mieux armés pour être force de proposition pour affiner la réponse. Beaucoup de structures manquent sur le territoire et nous pouvons réclamer leur intervention à partir du moment où nous prouvons leur pertinence. Si on est sur le terrain et que l’on porte à partir de lui un discours cohérent, je porte l’espoir que des outils supplémentaires verront le jour. En nous réunissant toutes les semaines avec la préfecture, le Département, les forces de l’ordre et les autres associations, nous nous donnons les moyens de partager nos expériences, nos visions et porter des propositions pour développer de nouvelles solutions. 

Bien sûr que l’actuel dispositif ne réglera pas tout et qu’il faudra faire beaucoup plus, mais en attendant c’est la solution que nous avons et celle qui nous permet de travailler tous ensemble pour améliorer la réponse. On est dans une logique d’action, on se dit qu’il faut tenter, faire quelque chose et corriger au fur et à mesure. Cela va nous enrichir. C’est en tout cas le point de vue que nous portons chez Messo. 

FI : Concrètement 600 bénévoles, est-ce suffisant ? Trop ambitieux ? 

N. Y. : Oui, c’est ambitieux, mais il faut l’être sur ce territoire. Mais je ne pense pas que cela soit trop ambitieux et en tout état de cause, c’est un besoin. Comme je l’ai déjà dit, beaucoup de personnes œuvrent déjà au quotidien et ont besoin d’un cadre. À partir de là, ça ne me semble pas impossible – sinon nous ne participerions pas (rires) -, mais il va falloir beaucoup de communication. Notamment pour apporter une parole claire et cohérente envers les bénévoles, savoir comment les approcher avec beaucoup de transparence pour que chacun s’engage en toute connaissance de cause et que personne ne soit frustré, c’est très important. 

FI : Dans le même temps, de plus en plus de personnes investissent le terrain ou souhaitent l’investir à travers des groupes qui n’ont pas le dialogue avec les jeunes comme maître mot. Cela ne risque-t-il pas de télescoper votre action ? 

N. Y. : Il y aura toujours de la confrontation au niveau des idées. Nous avons tous des visions différentes sur les réponses à apporter aux problèmes de notre territoire, même au niveau des institutions. Après, rien n’est incompatible. Mais une chose est sûre, seul le droit doit l’emporte, il y a des lois qui régissent les dispositifs donc on ne peut pas faire n’importe quoi de son côté. Il y a les forces de l’ordre avec leurs responsabilités. Dans ce cadre, il y a des discours prônant le fait de prendre les armes que l’on ne peut pas entendre. Quand on se dit être Français, on se doit de rester dans le cadre de la loi, il faut être raisonnable et répondre par la violence, au-delà du problème légal, ne fait qu’attiser la haine. Ce n’est donc pas une réponse que nous pouvons cautionner. En ce qui nous concerne, nous sommes là pour apporter une solution alternative même si rien n’est absolument figé dans le temps. Nous pourrons très bien changer notre fusil d’épaule dans quelques mois et je sais que les institutions motrices de ce dispositif sont à l’écoute pour cela. 

FI : Comprenez-vous qu’une partie de la population ne veuille plus entendre parler de méthode douce, de dialogue ? 

N. Y. : Il ne faut pas se leurrer, il y a de vrais problèmes qui trouvent sans doute leur origine dans une croissance démographique extrêmement forte. Cela pose des enjeux énormes. De mon côté, je suis partisane de dire que la jeunesse doit être une force et non une faiblesse. Cela ne m’empêche pas de comprendre le ras-le-bol général par rapport à tout ce qu’il se passe et les violences quotidiennes, on ne peut que déplorer cela. Cette peur permanente dans laquelle vit la population est très pesante. Mais rappelons que nous avons des atouts énormes et cette jeunesse doit en être. Nous avons d’énormes besoins pour nous développer et la réponse est là : formons notre jeunesse. Je pense que la formation et l’emploi sont les deux clés du salut de notre territoire. Quelqu’un qui a une occupation journalière, qui a une rentrée d’argent voit sa vie changer. Nous avons beaucoup de jeunes que nous avons accueillis dans notre structure qui auparavant ne faisaient rien d’autre qu’errer et maintenant quand ils sont de 8h à 16h au travail, je peux vous assurer que lorsqu’ils rentrent, ils ont d’autres choses à faire que d’aller commettre des violences dans la rue. Je suis persuadée que la formation et l’insertion par l’emploi sont les seules chances pour notre territoire de trouver un nouvel équilibre. Les besoins de recrutement sont là, la jeunesse est là, maintenant il faut faire en sorte que les deux correspondent. C’est cela qui permettra de sortir du cercle vicieux de la violence. 

Au niveau de la population, je pense que beaucoup de peur s’est installée au fil des années et que les gens en ont marre de vivre comme cela. Ne pas pouvoir vivre sans craindre pour sa sécurité est insupportable et il est vrai que beaucoup de structures, notamment d’encadrement pour occuper la jeunesse, manquent. Quand ont été mis en place des centres d’accueil et de loisirs à Koungou pendant les vacances, force est de constater que cela marche. 

FI : Pensez-vous rapidement voir les effets concrets de ce dispositif ? 

N. Y. : Nous allons tout faire pour. Nous allons travailler main dans la main avec les associations. Si nous pouvons apporter un peu d’espoir à la population, à la jeunesse, c’est tout ce que l’on souhaite. Mais nous avons besoin de tout le monde, chacun doit se sentir libre de venir nous solliciter. Nous avons ici quelque chose de formidable qui est cet instinct de protection, nous sommes très protecteurs les uns des autres. Gardons cela. Je compte beaucoup là-dessus, sur la solidarité et l’envie de porter ce territoire vers une paix sociale. Rendez-vous dans un mois pour voir les premiers résultats, mais je suis convaincue que nous aurons de très bonnes surprises.

Tourisme à Mayotte : “On ne peut pas tout attendre de l’extérieur”

Déjà en temps normal, l’île aux parfums n’attire pas les touristes. Mais à l’heure où le gouvernement affiche une volonté de relancer rapidement le secteur dans les Outre-mer, quelles perspectives se dessinent pour Mayotte ? Pour le groupement des entreprises mahoraises spécialisées en la matière, les Mahorais devront être les premiers consommateurs du tourisme, à condition qu’il soit local. 

Et si la crise sanitaire profitait au tourisme dans les Outre-mer ? L’idée a de quoi surprendre, mais c’est pourtant celle formulée par le gouvernement depuis maintenant une poignée de semaines. Mi-mai, le premier ministre annonçait que les Français pourraient voyager partout dans l’Hexagone, ainsi que dans les DOM-TOM durant les vacances d’été. Une aubaine à l’heure où les séjours à l’étranger pourront être soumis à des restrictions particulières. 

Mais alors que le tourisme représente 10 % du PIB des territoires ultramarins, Mayotte fait, comme souvent, exception à la règle. Entre les tarifs pratiqués par Air Austral, la mauvaise image du département véhiculée par les médias et de lourds freins structurels, le tourisme peine à décoller. À ces blocages, s’ajoute désormais l’obligation d’une quatorzaine stricte à l’arrivée dans les Outre-mer, jugée particulièrement dissuasive par les professionnels du secteur. “Qui voudrait payer un billet d’avion 1.000 euros pour aller s’enfermer deux semaines dans un hôtel ?”, s’interroge Ali Abdou, directeur du Gemtour, le groupement des entreprises mahoraises spécialisées dans le tourisme. 

Alors, la semaine dernière, Édouard Philippe, suivi plus tard par Annick Girardin, ministre des Outre-mer, dévoilait vouloir expérimenter une nouvelle forme d’isolement pour les voyageurs en direction des territoires ultramarins. Concrètement, un dépistage au Covid-19 devrait être réalisé 48 heures avant l’embarquement, puis renouvelé une semaine après l’arrivée dans les DOM-TOM. Si celui-ci s’avère être négatif, les personnes concernées pourront y circuler librement. Un scénario que le conseil scientifique n’a pas encore approuvé, pas plus que les acteurs du tourisme eux-mêmes. Sur les réseaux sociaux, beaucoup de résidents ultramarins s’inquiètent d’ailleurs qu’une telle décision encourage la propagation du virus. “Est-ce que notre droit à la santé va être bafoué au profit de l’économie ?”, s’interroge sur Twitter un internaute qui pointe du doigt la vulnérabilité des systèmes de santé ultramarins. 

“Tant qu’il y aura une quatorzaine imposée, il n’y aura pas de touristes” 

“Quand on voyage jusque dans les Outre-mer (via un vol long-courrier, ndlr), les jours comptent !”, souligne le représentant du Gemtour. “Une semaine, c’est la durée “normale” d’un séjour. Tant qu’il y aura une quatorzaine imposée, même ramenée à sept jours, il n’y aura pas de touristes, ou ils préféreront aller vers les DOM où le billet d’avion coûte moins cher.” D’autant plus que depuis le début de la crise sanitaire, Mayotte concentre à elle seule plus de la moitié des cas de Covid-19 dans les Outre-mer. Une mauvaise presse, renforcée par les faits d’insécurité qui semblent se multiplier depuis les deux derniers mois. “Les autres DOM-TOM pourront tirer leur épingle du jeu pour les vacances de juillet-août, mais pour Mayotte, ça va être compliqué : on a des facteurs exogènes, l’environnement local ne s’apaise pas”, insiste le Gemtour, qui envisage toutefois une autre piste de développement : celle du tourisme local. Par les Mahorais, pour les Mahorais. 

Une stratégie qui pourrait se développer sur deux axes sur lesquels travaille activement le groupement des entreprises mahoraises du tourisme : la généralisation des tickets restaurants pour tous les fonctionnaires et le déploiement plus larges des chèques vacances. Concernant les premiers, le Gemtour s’étonne de voir que certains organismes majeurs, comme le syndicat des eaux ou la Cadema, n’y ont pas encore recours. S’agissant du second, s’ils ont été déployés localement sept ans 

plus tôt, ils sont encore à Mayotte quasi inexistants. Pourtant, développées à grande échelle, ces deux formules permettraient d’inciter la population à consommer et visiter local, qu’il s’agisse de bivouacs ou d’activités nautiques, de visites culturelles, de sorties au restaurant ou de séjours dans les hôtels. Ces derniers, d’ailleurs, principalement occupés par des professionnels en voyage d’affaires, seront particulièrement disponibles au cours des vacances d’été. Fait rare, l’île n’offrant qu’un petit millier de lits. 

“Consommer local ne fait pas partie des habitudes des Mahorais”, juge Ali Abdou. “Mais on peut l’impulser, on ne peut pas toujours tout attendre de l’extérieur. Pour ça, il faut anticiper, communiquer.” Problème, aucun groupe de travail n’a été constitué en ce sens par les autorités. “Il faut que les acteurs se bougent”, estime le directeur du Gemtour. Il juge par ailleurs qu’après deux mois de confinement et d’“épargne”, les Mahorais auront un pouvoir d’achat plus conséquent. Une affirmation toutefois relative, à l’heure où plus de 13.000 salariés sont, dans le département, concernés par le chômage partiel.

L’attente avant la reprise des vols à Mayotte

Le week-end dernier, la ministre des Outre-mer annonçait une reprise progressive des vols au cours de la deuxième quinzaine de juin. Comment cela pourrait-il se passer ? C’est encore flou. Et pour cause : les compagnies aériennes sont dans l’attente, elles aussi, de plus de détails. Ils devraient vraisemblablement tomber dans les jours à venir, une fois les décrets parus. 

Samedi 30, la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, durant son audition auprès de la délégation des Outremer de l’Assemblée nationale, annonçait une vraisemblable reprise des vols commerciaux vers Mayotte “sans doute” à partir de la seconde partie du mois de juin, les voyages pour “raisons impérieuses” demeurant la règle jusqu’au 22. Plus récemment, mardi 2 juin, la même ministre s’exprimait sur la chaîne Antenne Réunion. Au sujet du 101ème département, elle réitèrera ses dires, affirmant que “Mayotte s’ouvrira aussi directement vers la métropole d’ici quelques jours, mais j’aurais l’occasion de l’annoncer à Mayotte”. Bien, mais comment pourrait-elle s’organiser, cette reprise de vols ? Pour le moment, point de précisions et la compagnie aérienne desservant le territoire, Air Austral, confie être elle aussi dans l’attente de la publication des décrets qui rendront officielle la reprise des liaisons. “Nous n’avons pour le moment aucune information ministérielle sur le sujet, nous considérons donc que ce n’est encore qu’une possibilité”, explique la compagnie, qui concède toutefois avoir entendu la déclaration de la ministre : “On peut en effet espérer l’assouplissement des conditions de voyages, mais nous devons attendre que cela soit officiel pour dérouler notre programme.” 

En attendant, Air Austral travaille donc sur la base d’hypothèses, différents scénarios susceptibles d’évoluer. Elle poursuit donc son travail “sur des bases commerciales extrêmement souples qui permettent à notre clientèle de reporter de façon très simple les voyages s’ils ne sont pas possibles” et participe à une expérimentation, celle annoncée par la ministre et qui pourrait devenir une mesure obligatoire avant tout départ dans un territoire ultramarin : imposer un test dans les deux jours précédant le départ, mais aussi une septaine à l’arrivée accompagnée d’un nouveau test et, si ce dernier est négatif, une deuxième septaine allégée. “Nous avons récemment mené cette expérimentation sur un vol Paris-La Réunion”, détaille Air Austral, précisant que cela pourrait également servir lors de la reprise des vols vers Mayotte. 

Une reprise progressive ? 

Et à Mayotte, justement, la situation sanitaire étant ce qu’elle est – bien qu’en voie d’amélioration –, il semble que la problématique des conditions de déplacements ne soit pas encore tout à fait réglée. Ce que faisait remarquer Annick Girardin lors de son intervention chez nos confrères d’Antenne Réunion, en réponse à un auditeur inquiet de devoir voyager avec des passagers habitant à Mayotte où l’épidémie sévit encore. “Nous travaillons à pouvoir là aussi donner une garantie qui n’existe pas aujourd’hui”, a concédé la ministre. Comprendre : il va falloir sécuriser les vols pour que le virus ne se remette pas à circuler depuis Mayotte. 

Quoi qu’il en soit, la reprise devra être “progressive”, mais là encore, pour Mayotte, le doute plane. Air Austral détaille donc son ambition pour La Réunion, dans l’attente de plus d’informations concernant le 101ème département : “atteindre au mois de juillet une liaison quotidienne avec la métropole sur la base d’une reprise dès la mi-juin.” Dans tous les cas, “on est en capacité de réagir rapidement. Notre activité est en sommeil, mais peut repartir vite. On est prêt. On a juste besoin d’y être autorisé.”

Économie informelle à Mayotte : Le CODAF repart à la chasse

Après une suspension de ses activités pendant le confinement, le comité opérationnel départemental anti-fraude (CODAF) a repris ses activités il y a une semaine. Une première mission de contrôle a été effectuée dans le grand Mamoudzou et sans surprise, les fraudes constatées ont été nombreuses. 

Le comité opérationnel départemental anti-fraude a voulu marquer le coup après plus de deux mois d’inaction. Le 28 mai, une opération de contrôle a été coordonnée entre la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIECCTE), la police aux frontières (PAF) et la caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM). Cette mission est tout simplement liée à la reprise de l’activité économique. “On avait remarqué qu’à Mamoudzou, beaucoup de chantiers avaient repris, on y est donc allés un peu au hasard”, relate David Touzel, responsable de la lutte contre le travail illégal à la DIECCTE et secrétaire du CODAF. Contrôler de manière aléatoire est la procédure habituelle, mais les contrôles peuvent aussi être effectués lorsqu’il y a un signalement. Pour la première mission post confinement, 14 chantiers dans le secteur du bâtiment et 2 menuiseries ont été visités à Doujani, Cavani et Mamoudzou centre. “Dans tous les chantiers, sans exception, nous avons constaté des salariés pas déclarés. Sur la plupart des chantiers, il y avait aussi des salariés en situation irrégulière”, indique David Touzel. Deux menuiseries n’étaient pas non plus en règle, la situation de l‘une d’entre elles est particulièrement préoccupante. “La menuiserie en question était totalement clandestine c’est-à-dire que l’employeur n’avait pas déclaré son activité ni immatriculé sa société. Et les 7 ouvriers n’étaient évidemment pas déclarés et tous étaient en situation irrégulière”, précise David Touzel. Par ailleurs, deux des salariés de cette menuiserie étaient hébergés dans des conditions jugées indignes à côté de l’atelier. En somme, le CODAF a recensé 21 ouvriers non déclarés au préalable à l’embauche et parmi eux 11 sont en situation irrégulière à Mayotte. 

La crise sanitaire a mis à mal un pan de l’économie informelle, mais cette dernière a tout de même su faire de la résistance pendant le confinement. Selon le secrétaire du CODAF, “les activités qui étaient déjà dans l’économie informelle ont continué. Par exemple, un contrôle a été effectué il y a une dizaine de jours par l’administration de la mer, et elle a constaté la présence de pêcheurs en situation irrégulière.” 

Des sanctions dissuasives 

Les employeurs, tous en situation régulière ou ressortissants français, encourent des peines qui peuvent en dissuader plus d’un. Cela dépend du niveau de gravité de la situation. Lorsqu’une personne ne déclare pas son activité ou son salarié, elle risque jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende. Pour l’emploi de personnes en situation irrégulière, cela s’élève à 5 ans d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende par salarié étranger. À cela s’ajoutent les amendes de l’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) qui montent à plusieurs dizaines de milliers d’euros par salariés et qui sont “de plus en plus mises en œuvre”, selon David Touzel. Enfin, pour tous types de fraudes, la sécurité sociale demandera un remboursement des coûts de cotisations pour la période pendant laquelle l’employeur n’a pas déclaré. Le paiement des cotisations sociales est de ce fait la première cause du travail dissimulé. “Ils ne veulent pas payer les cotisations sociales ni le salaire minimum. Généralement, le salarié pas déclaré perçoit un salaire souvent très inférieur à ce qu’il percevrait s’il était déclaré. Des fois, c’est moins de 700 euros par mois”, indique le responsable de la lutte contre le travail illégal. Pour rappel, le salaire minimum à Mayotte s’élève à plus de 1.160 euros brut mensuel. Les salariés en situation irrégulière sont quant à eux pris en charge par la police aux frontières et reconduits. Malgré tout cela, les peines maximales ne sont généralement appliquées que lorsqu’il s’agit d’une récidive ou si l’activité illégale est trop importante à l’image de la menuiserie entièrement clandestine qui a été révélée. “S’il s’agit d’une première fois et que la situation n’est pas très grave, on propose à l’employeur un stage alternatif dans un organisme de formation pour qu’il s’informe”, fait savoir David Touzel.

Justice : “Mayotte ne pourra se construire que dans le respect de la loi”

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C’est un plaidoyer des plus fermes qu’est venu livrer Denis Chusserie-Laprée, procureur près la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion, dont dépend la juridiction de Mayotte. Plaidoyer de soutien envers le procureur Camille Miansoni – dont on apprend d’ailleurs le départ prochain -, mais aussi pour la justice. Celle de l’État de droit et contre celle, privée, dont l’apologie se fait de plus en plus courante.

C’est une chose peu commune pour un procureur général que de se faire avocat. “Mais les attaques dont j’ai pris connaissance à l’égard de Monsieur Miansoni sont tellement inacceptables que je ne pouvais imaginer être là pour lui apporter mon soutien”, explique Denis Chausserie-Laprée, le procureur général de La Réunion. Un soutien également apporté par “tous les procureurs de France, les 164”, assure par ailleurs le magistrat. Qui se fait donc l’avocat du procureur de la République à Mayotte, victime d’une campagne où se mêle “calomnie et propos racistes extrêmement graves” selon les mots de Denis Chausserie-Laprée qui n’a eu de cesse de vanter le travail effectué par Camille Miansoni à Mayotte. “Je suis donc venu dire très clairement l’entier soutien que j’apporte à Monsieur Miansoni qui a fait un excellent travail, au point que cet excellent travail est couronné par une promotion qui l’amènera à exercer pour la troisième fois la fonction de procureur”, a insisté le procureur général avant de préciser que le représentant du parquet à Mayotte prendra probablement la direction de Brest après un passage devant le Conseil supérieur de la magistrature qui doit statuer en dernier lieu sur cette promotion. Une promotion donc. Et gare à ceux qui verraient dans ce changement d’affectation une “victoire” après avoir réclamé le départ du procureur. “C’est aussi faux que si je disais que la terre était plate”, assure le représentant du ministère public indiquant que “cela faisait plusieurs mois que nous recherchions un poste à la hauteur de ses compétences”.

“Incitations à la justice privée insupportables”

Mais au-delà de la défense de Camille Miansoni, c’est bien celle de la justice qu’est venu assurer à travers son déplacement à Mayotte le procureur général. Car “en 32 ans de carrière, je n’ai jamais vu ça”, se désole-t-il. “Ça, ce sont les incitations à la justice privée qui sont tellement insupportables compte tenu des dangers que nous savons lui être systématiquement associés.” C’est aussi “la violence des commentaires qui ont été faits sur l’action du ministère public que je représente”. C’est, de manière générale, appeler à travers différents textes ou propos “à se tourner vers des méthodes que je ne pensais plus jamais rencontrer”, déroule le magistrat.

Un texte, en particulier, a fait bondir le procureur général. “La loi du talion contre l’impunité des criminels.” Un écrit diffusé sur les réseaux sociaux et qui va “à ma demande, donner lieu à la recherche de celui qui en est l’auteur qui de mon point de vue est non seulement constitutif d’un certain nombre d’infractions à la loi sur la presse sous la forme de diffamation ou d’injures à caractère racial, mais qui est également constitutif de mon point de vue de ce que la loi incrimine en tant qu’apologie de la violence. C’est tout simplement passible de cinq ans d’emprisonnement”, martèle le magistrat. “Je suis toujours surpris que ceux-là mêmes qui prétendent vouloir lutter contre l’insécurité, la première chose qu’ils font est de commettre différentes infractions”, insiste-t-il. Le ton est cinglant. À la hauteur du choc qu’a pu provoquer la lecture de différents textes chez ce serviteur de la justice, dénonçant avec force “l’ignorance terrible des mécanismes de notre justice”, dont on fait preuve selon lui leurs auteurs. L’occasion de rappeler que le procureur est en charge de “poursuites et des accusations, mais il n’est pas toute la justice. Et parce que les choses sont ainsi équilibrées, il y a aussi les décisions prises par les magistrats du siège. Et que ce soit à Lille ou à Toulouse, il n’est pas rare que ceux-ci prennent des décisions de relaxe. Ce n’est en aucun cas la démonstration d’un procureur qui aurait mal fait son travail, mais c’est tout simplement la règle procédurale. Et quoi qu’il en soit, ce n’est pas un homme qui décide, c’est une institution, Monsieur Miansoni sera remplacé par une personne qui, je l’espère fera le même travail et ce n’est pas les cris des uns et des autres qui y changeront quoi que ce soit. Car nous, nous agissons dans le cadre de la loi”.

Laxisme : “une accusation tout simplement fausse”

L’occasion aussi, pour le procureur général de remettre les choses à leur place quant à un supposé laxisme de la justice. “On parle de l’impunité ici, mais est-ce que vous savez aujourd’hui que sur tout le ressort de la cour d’appel de Saint-Denis, c’est le centre pénitentiaire de Majicavo qui est le seul à connaître un taux d’occupation au-delà des 100 % ? Les accusations qui sont portées contre l’institution judiciaire et le ministère public sont tout simplement fausses”, martèle le procureur général tout en précisant “qu’il y a un évident problème d’insécurité” sur le territoire. “Je ne dis pas qu’il n’y a pas de violence, je ne dis pas qu’il n’y a pas de cambriolages qui sont commis et évidemment qu’ils sont trop nombreux, évidemment que c’est compliqué pour nous d’identifier tous les acteurs. Mais croyez-moi, à chaque fois que le parquet de Mayotte considère que des éléments de preuve sont suffisamment établis, des poursuites sont engagées, quelle que soit la nature de l’infraction.”

Attaques ad hominem, régulièrement racistes, remise en cause de la justice, incitation à la violence, “tout cela est trop grave” pour Denis Chausserie-Laprée venu rappeler ici que “c’est inacceptable dans un État de droit”. Et son jugement est sans appel : “Mayotte est un jeune département, qui n’a cessé de rappeler son attachement à la France, mais Mayotte ne pourra se construire que dans le respect de la loi.

 

Une centaine de Mahorais (enfin) de retour au pays

Ouf de soulagement. 106 résidents de l’île aux parfums bloqués à La Réunion depuis le début du confinement ont finalement atterri à Mayotte mercredi après-midi, dans un avion affrété par la préfecture. Quelques heures plus tôt, tous ignoraient alors la date de leur départ.

Pour certains d’entre eux, l’attente aura duré plus de deux mois. Mercredi, 106 résidents mahorais ont pu regagner le territoire via un avion Air Austral spécialement affrété par la préfecture. Tous étaient jusqu’alors coincés à l’île de La Réunion, sans aucune visibilité sur la date de leur retour. Quelques renforts de la réserve sanitaire étaient eux aussi du voyage.

Comme deux semaines plus tôt, alors qu’un premier vol du même genre avait permis de ramener une cinquantaine de personnes, tous les passagers ont été soumis à un contrôle sanitaire à peine le pied posé sur le tarmac. Après une distribution de masques chirurgicaux et de gel hydroalcoolique, les voyageurs ont dû, un à un, passer sous la tente installée là par la Croix-Rouge française où leur température a été prise. Dernière étape, mais pas des moindres : une quatorzaine stricte à domicile et régulièrement suivie par téléphone par la préfecture. Au préalable, l’ensemble des passagers ont dû attester sur l’honneur ne pas avoir été en contact avec des personnes atteintes du Covid-19.

Pour en arriver là, la préfecture, justement, a dû “prioriser les demandes” de rapatriement, explique le sous-préfet Julien Kerdoncuf, qui cite “des motifs impérieux, médicaux, familiaux ou professionnels”. Aux commandes de ce délicat recensement, la préfecture, la délégation du conseil départemental de Mayotte à l’île de La Réunion, mais aussi un collectif de citoyens qui s’était spontanément organisé sur place.

Une communication compliquée

Parmi les passagers, Ibrahim*, coincé à La Réunion depuis le début du confinement est “tombé par hasard”, une dizaine de jours plus tôt, sur une publication Facebook de ce même collectif, qui partageait alors le formulaire en ligne de recensement. “Et là, ça s’est compliqué”, plaisante-t-il à peine après avoir passé le contrôle sanitaire. Le Mahorais qui devait rentrer pour des raisons familiales appelle alors la maison de Mayotte à La Réunion, qui le réoriente vers la préfecture. “Il m’a fallu une semaine pour les avoir, ils m’ont fait tourner en rond”, souffle-t-il sous le masque chirurgical que les personnels de l’ARS viennent de lui remettre. “La préfecture de Mayotte ne répondait pas, celle de La Réunion ne savait pas grand-chose.” Finalement, il apprend qu’il pourra partir seulement la veille du décollage, en fin d’après-midi. Devant la grande toile de tente blanche floquée d’une croix rouge, Alice* hoche la tête en signe d’acquiescement. Après avoir réservé un billet quelques mois plus tôt, bien loin de se douter de la crise sanitaire à venir, elle voit rapidement le vol qu’elle devait impérativement prendre pour des raisons professionnelles cette fois, être annulé. Mardi soir, après des semaines d’attente et “aucune info de la part de la préfecture”, elle découvre elle aussi qu’elle embarquera dès le lendemain, pour une arrivée prévue à 14 heures.

C’est pourtant deux heures plus tard que le Boeing atterrira sur le tarmac de Mayotte. La raison de ce retard ? “Je n’ai pas de précision là-dessus”, répond le sous-préfet qui était venu accueillir les voyageurs. Pourtant, d’autres employés de la préfecture feront état d’un “bruit suspect” lors de la préparation au décollage, qui a contraint le personnel navigant à évacuer de l’appareil la centaine de personnes déjà installées, pour que des vérifications puissent être faites. Dimanche, moins d’une centaine d’étudiants devraient eux aussi regagner le département depuis La Réunion, où ils sont actuellement hébergés par le Crous.

* Les prénoms ont été modifiés

 

La santé financière des communes mahoraises en réanimation

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La crise sanitaire a conduit à une crise économique qui met à mal les collectivités. Mayotte est fortement touchée, et les communes suffoquent sous les dettes qui s’accumulent alors que les recettes financières ne cessent de baisser. Pour panser l’hémorragie, l’État a décidé de mettre la main à la poche. Parmi les mesures phares, la compensation de l’octroi de mer si important pour les communes mahoraises.

Les communes de Mayotte vont mal. Très mal si l’on en croit les dernières annonces du préfet. “Aujourd’hui, une grosse moitié des communes rencontrent des difficultés financières. Certaines parce qu’elles ont des problèmes structurels et puis d’autres parce que les recettes liées à l’octroi de mer et à la taxe sur le carburant ont chuté”, indique Jean François Colombet, préfet de Mayotte. Sur 17 communes, environ 8 à 9 seraient dans un état critique et ne seraient plus en mesure de payer leurs salariés dans deux à trois mois. Une réunion d’urgence a donc eu lieu vendredi dernier en présence du premier ministre, des différents préfets de l’Outre-mer et des présidents des associations des maires pour ne citer qu’eux. Le gouvernement a décidé d’octroyer 110 millions d’euros aux territoires d’Outre-mer afin de compenser la chute de l’octroi de mer et de la taxe sur le carburant. L’octroi de mer a un poids considérable à Mayotte et à cause de la crise sanitaire la perte a été conséquente. “Au mois d’avril 2020, le montant de l’octroi de mer s’est élevé à 5 millions d’euros. C’est une baisse de 21 % par rapport au mois d’avril de l’année dernière”, explique le préfet. Cette baisse très sensible affecte l’équilibre financier des communes qui dépendent de cette taxe. En moyenne à Mayotte, l’octroi de mer rapporté représente 38,8 %. À titre de comparaison, le pourcentage s’élève à 25 % à La Réunion.

Le remboursement de cette taxe sera basé sur les recettes fiscales perçues ces trois dernières années (2017-2018-2019) par chaque commune. Le montant sera divisé par trois afin d’établir une moyenne. Les communes qui auront une recette fiscale supérieure ou égale à cette moyenne n’auront rien, et celles qui en auront une inférieure seront automatiquement remboursées. Le remboursement devrait se faire dans les plus brefs délais puisque “c’est dans le projet de loi de finance rectificatif qui sera examiné par le parlement au cours des mois de juin et juillet”, précise Jean-François Colombet.

Sortir les communes de l’état critique par tous les moyens

La compensation de la taxe sur le carburant et l’octroi de mer aidera certainement les communes, mais ne les sauvera pas complètement. D’autres coups de pouce sont nécessaires pour sortir la tête de l’eau. Le remboursement d’une autre taxe est convoité par les maires. Le système des Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) devrait être revu. Normalement, les communes qui ont investi de manière conséquente sont remboursées une partie, mais seulement à N+2. “Nous avons demandé que le FCTVA de 2019 soit versé en 2020 parce qu’en 2019 les communes ont versé beaucoup d’argent. L’État a dit qu’il était favorable. Nous négocions donc avec l’agence française de développement pour qu’il nous fasse une avance et elle touchera en 2021 ce que nous devions recevoir”, annonce Said Omar Oili, président des associations des maires de Mayotte. Cette avance permettrait entre autres de financer les chantiers déjà engagés.

Said Omar Oili indique que ses confrères et lui ont également demandé des avances de 50 % sur les différentes aides nationales et européennes habituellement octroyées aux territoires.

À cela, s’ajoute une autre mesure économique qui se veut également sociale. “L’État va augmenter le quota des emplois aidés, particulièrement à Mayotte, pour que l’on puisse donner du travail à ceux qui se sont retrouvés sans emploi pendant la crise”, selon le président des associations des maires de Mayotte.

Pourquoi les communes mahoraises vont-elles si mal ?

La crise sanitaire n’a fait que mettre en évidence les différentes failles du système économique à Mayotte. En réalité, la santé financière des communes mahoraises est dans un état critique depuis bien longtemps. “Cela est principalement dû à la recette fiscale qui est très inférieure à ce que les communes devraient réellement recevoir. Mais il y a un réel travail de fond à faire notamment sur l’adressage. Beaucoup de personnes et de bâtiments échappent à l’impôt. Nous devons identifier ceux qui habitent chez nous pour que tout le monde paye les impôts. Si on arrivait à faire payer tout le monde, nos recettes fiscales seraient supérieures à l’octroi de mer” , selon Said Omar Oili. Dans les autres territoires, les recettes fiscales représentent en moyenne 65 à 70 % du budget, selon ce dernier. Ce qui est loin d’être le cas à Mayotte. “La fiscalité directe locale progresse d’année en année de 10 % environ, mais elle reste quand même très faible”, constate également Jean François Colombet. Toutes ces aides régleront donc une partie du problème à court terme, mais il semble que les soins prodigués devront se multiplier pour sortir les communes mahoraises de la réanimation.

 

Masques : une gestion élastique pour couvrir les besoins à Mayotte

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Depuis le début de la crise, les masques sont au centre des débats. L’agence régionale de santé doit gérer un stock important pour approvisionner les professionnels de santé libéraux ainsi que les habitants contaminés au Covid-19 et leurs cas contacts. Un travail rigoureux qui exige une organisation minutieuse pour ne pas faire voler en éclat la gestion de ce précieux sésame.

Arrivé à l’agence régionale de santé le 17 février dernier en tant que responsable financier, Victor Mathe a vu son poste quelque peu évoluer avec la crise sanitaire que subit Mayotte depuis bientôt trois mois. Dans son bureau situé au rez-de-chaussée, le jeune homme doit se frayer un chemin à travers les monticules de cartons qui jonchent la pièce pour rejoindre son siège. Covid oblige, il apporte alors sa pierre à l’édifice au service logistique des masques. Une plateforme indispensable qui permet de fournir des protections aussi bien aux professionnels de santé de libéraux qu’aux personnes contaminées et à leurs cas contacts.

Mais avant cela, l’ARS doit tout d’abord batailler avec Paris pour recevoir des quantités suffisantes. Et à ce petit jeu-là, elle n’a pas tout à fait la main, même si l’envolée de la propagation du virus de ces dernières semaines lui assure de se trouver sur la pile des dossiers prioritaires du gouvernement. “Notre stock se gère à l’échelle nationale par Santé Publique France. Et nous avons une équipe ici qui s’occupe de la priorisation du fret médical”, précise Victor Mathe. Une fois acheminés sur l’île aux parfums, les transitaires récupèrent le colis et se chargent de les envoyer dans trois points identifiés et sécurisés pour éviter des vols, comme cela a pu être le cas il y a quelques semaines au centre hospitalier de Mayotte. “Nous avons un suivi rigoureux avec un bon vieux fichier Excell pour gérer notre distribution”, sourit-il.

Distribution dans les officines et à domicile

Tout ce travail en amont s’articule dans un but précis : la délivrance de masques chirurgicaux et FFP2 dans la vingtaine d’officines du territoire, que viennent ensuite récupérer les différents libéraux, à raison d’une fois toutes les deux semaines. Selon leur patientèle, les 11 chirurgiens-dentistes, les 149 infirmiers, les 55 kinésithérapeutes, les 34 médecins, les 23 pharmaciens et les 26 sages-femmes reçoivent chacun une quantité bien déterminée en accord avec les réglementations (voir tableau). Ces chiffres sont en constante augmentation en fonction de la réouverture de certains cabinets jusqu’alors fermés. Autres habitants concernés par cette distribution ? Les personnes testées positives et leurs cas contacts. “Chacun d’eux reçoit quinze masques pour la période d’incubation, soit une huitaine de jours.” À la différence des professionnels de santé, le mode de réception est sensiblement différent. Ce sont des bénévoles du comité régional olympique et sportif (Cros) qui gère les livraisons au domicile des habitants concernés.

Si la gestion des stocks a pu parfois paraître sensible aux yeux de l’opinion publique en raison de l’explosion de la demande internationale, l’agence régionale de santé certifie que la période la plus délicate est bel et bien derrière elle. “La semaine dernière, nous avons reçu une grosse quantité de SPF. Il y a eu des moments un peu critiques, en termes de gestion, il n’y a pas eu de pénurie. En tout cas, nous ne sommes plus en flux tendu, comme cela peut être le cas actuellement pour les blouses”, concède Victor Mathe. Pour se soulager, l’ARS a également commandé 4.000 masques en tissu à une entreprise locale pour protéger ses agents sur le terrain ainsi que les associations avec qui elle collabore. Toujours est-il que le responsable financier met quiconque au défi de réussir cette mission épineuse sans traverser aucune zone de turbulence : “Cela ne se fait pas aussi facilement que ce que les internautes pensent sur Facebook…”

 

Propagation du virus : vers un répit à Mayotte

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Mayotte toucherait-elle du doigt le déclin de l’épidémie de Covid-19 ? Si la vigilance continue de s’imposer, les chiffres publiés par l’ARS tendent à rassurer. À défaut de la certitude d’une sortie de crise immédiate, on assiste en tout cas, au moins, à une période de répit. 

Sept cas de Covid-19 supplémentaires par rapport à la veille et une marche symbolique de 2.000 cas toujours pas atteinte : sans s’emballer pour autant, l’agence régionale de santé observait l’avenir de manière un peu plus sereine qu’à l’accoutumée, hier, lors de la désormais traditionnelle présentation des chiffres de l’épidémie. Au total, 1.993 cas étaient confirmés à Mayotte, dont “les trois quarts guéris”, précisait la directrice de l’organisme, Dominique Voynet. 

Des chiffres qui ne tiennent toutefois pas compte de la dernière salve d’analyses d’une centaine de tests menés à la prison de Majicavo, et dont les résultats étaient encore attendus. Toutefois, le nombre de personnes à risques au sein de l’établissement pénitentiaire est “très réduit”, et l’isolement inhérent à leur privation de liberté rend inopérant le risque de transmission. Ce sont donc surtout les gardiens qui représentent un risque du fait de leurs allers et venues entre l’extérieur et l’intérieur de la prison. D’où l’importance majeure du contact-tracing de ces derniers. 

Hormis ce principal cluster, on observe donc une diminution des cas positifs par rapport à la semaine dernière et un taux de positivité lui aussi en baisse depuis, pour sa part, trois semaines. Logiquement, le taux d’hospitalisation baisse lui aussi. En service de réanimation, par exemple, “nous avons largement ce qu’il faut” en termes de lits. Et si cette diminution du nombre de cas est souvent imputée à une baisse des tests pratiqués – baisse réelle compte tenu des difficultés à obtenir les matériels nécessaires, mais aussi de la baisse des prescriptions, des demandes de tests par de potentiels porteurs du virus, etc. –, elle ne contrecarre pas la baisse constatée du taux de positivité, ni celle du R0. Un R0 toujours en dessous de 1, et pour lequel “nous n’observons pas, à ce stade, de hausse à la suite des préparatifs de l’Aïd”, qui avait notamment vu l’organisation d’un marché non déclaré et très fréquenté à Majicavo-Dubaï. Rassurant, mais la vigilance doit toutefois demeurer. 

Dengue : le plus dur est passé 

Autre épidémie, particulièrement forte cette année : la dengue. Celle-ci touche vraisemblablement à sa fin avec, malgré des indicateurs qui demeurent encore élevés, un “effondrement du nombre de consultations, des hospitalisations, et du nombre de tests”, a constaté Dominique Voynet. Verrait-on le bout du tunnel d’une année épidémique décidément bien agitée ? C’est à espérer.

Carla Baltus, présidente du Medef à Mayotte : “Il ne faut pas se le cacher, la reprise sera difficile”

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Même avec la reprise progressive des activités dans le 101eme département, les entreprises risquent de se heurter à plusieurs obstacles. La perte des aides et les coûts supplémentaires, liés aux dépenses pour le respect des règles sanitaires, pourraient freiner la relance. La présidente du Medef à Mayotte soulève plusieurs points de vigilance. Entretien. 

Flash Infos : À Mayotte, passée en orange, la vie économique peut progressivement reprendre depuis ce mardi. À cette occasion, vous avez participé à une réunion avec le préfet. Quels sont les principaux points que vous avez abordés ? 

Carla Baltus : C’était en effet notre quatrième rencontre depuis le début du confinement et nous en avons profité pour balayer tous les sujets. D’abord, nous avons fait remontrer notre inquiétude au sujet de la fermeture de l’aéroport. C’est un véritable handicap, alors que les commerces ont rouvert progressivement depuis l’Aïd environ, et que nous avons des besoins de fret aérien. Nous devons aussi nous déplacer pour nos activités économiques. À ce sujet, le préfet va plutôt dans notre sens, même si nous sommes tous suspendus aux observations du comité de la santé, et à la décision au niveau national. Des dates ont commencé à être évoquées pour la reprise des vols commerciaux, mais rien n’est encore officiel malheureusement. Ensuite, notre deuxième préoccupation va à la réouverture des administrations. Beaucoup sont encore fermées, alors que nous en avons besoin pour des formalités, et pour préparer le rebond, notamment avec le plan de convergence. Il va vite falloir relancer les permis de construire, les bureaux d’étude, reprendre les grands projets et les chantiers, et pour cela, nous avons besoin des administrations, des mairies, de la Deal, des collectivités dans leur ensemble. Enfin, nous avons beaucoup parlé de l’accompagnement vers la reprise, que ce soit au sujet des dispositifs d’aide déjà initiés ou encore des surcoûts liés aux nouvelles règles sanitaires. 

FI : Justement, depuis le 1er juin, le dispositif d’activité partielle a été revu : l’État et l’Unédic ne prendront plus en charge que 85 % de l’indemnité versée au salarié. La mesure s’appliquera-t-elle à Mayotte comme en métropole ? 

C. B. : Nous n’avions plus beaucoup de doute sur la décision, qui nous a en effet été confirmée mardi lors de cette réunion avec le préfet : tous les textes sont nationaux, et il en va de même pour l’activité partielle. Dès ce lundi, 15 % de l’indemnité revient donc à la charge des entreprises, à Mayotte exactement comme en métropole. C’est une façon de pousser les entreprises à remettre les salariés au travail. 

FI : Ouvrir peut donc être synonyme de perte des aides, de recettes moindres et de coûts supplémentaires pour assurer le respect des règles sanitaires… 

C. B. : Effectivement, de nombreux dispositifs de soutien s’arrêtent. C’est le cas notamment du report de charges. Mis à part pour les secteurs de l’hôtellerie-restauration/tourisme qui vont pouvoir continuer à en bénéficier jusqu’à la fin de l’année, tous les autres devront recommencer à payer leurs cotisations à partir du 15 juin. Et il faudra alors retourner négocier les échéanciers, car il apparaît que toutes les entreprises ne pourront pas bénéficier d’exonération. Les textes officiels ne sont d’ailleurs pas encore très clairs sur ce sujet. Heureusement, le conseil départemental commence à mettre en paiement les aides, et nous espérons que les entreprises vont pouvoir les toucher, même en retard. Cela ne sera pas de trop, car la reprise va aussi demander des investissements pour respecter les règles d’hygiène sanitaire. Nous risquons d’ailleurs d’avoir des problèmes d’approvisionnement en plexiglas par exemple, vu que l’aéroport est encore fermé. 

FI : Comment les entreprises vont-elles être accompagnées pour faire face à ces défis et réussir la relance ? 

C. B. : Il ne faut pas se le cacher, la reprise risque d’être compliquée. La préfecture est en train de voir comment coordonner tous ces sujets, et de notre côté au Medef, nous allons accompagner nos adhérents au mieux pour qu’ils puissent bénéficier de subventions, et réussir la reprise de leurs activités. Nous restons vigilants quant aux différents dispositifs. Nous avons d’ailleurs profité de cette réunion pour aborder aussi le sujet des aides de la Sécurité sociale pour les équipements de protection : l’Assurance maladie pourra prendre en charge 50 % des dépenses hors taxes, et ce jusqu’à 5.000 euros, ce n’est donc pas négligeable. Mais le problème, c’est que cette aide est conditionnée au document unique, le livret qui recense les risques liés aux activités d’une entreprise et les précautions qu’elle prend pour y faire face. Or beaucoup d’entreprises mahoraises n’ont pas ce document en leur possession, car il peut être assez lourd à mettre en place, jusqu’à 3.000 euros par entreprise, d’après certaines estimations. C’est un peu comme pour l’attestation fiscale, les aides pour les travailleurs indépendants, dont nous n’avons pas pu bénéficier à Mayotte car le statut n’existait pas encore, ou encore l’indemnisation des employés de maison en activité partielle. La volonté politique se heurte aux spécificités locales, et il est parfois difficile aux entreprises de se conformer à tous les prérequis pour obtenir les aides. 

Dernier point de vigilance, qui nous a été remonté par plusieurs entreprises et que nous relayons : beaucoup ont obtenu le prêt garanti par l’État (PGE). Le problème, c’est que les banques leur refusent désormais des emprunts, sous prétexte qu’elles sont surendettées. Résultat, certaines risquent de se retrouver coincées par ce crédit, destiné à payer les fournisseurs, à rembourser les dettes, alors qu’elles souhaiteraient se lancer sur de nouvelles opportunités de marché. Pour les petites et moyennes entreprises qui espéraient bénéficier du contrat de convergence, cela risque d’être un frein. La relance pourrait en pâtir…

Après la marche de Petite-Terre, une course autour de l’île de Mayotte

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Contre l’insécurité, et surtout l’impossibilité de circuler librement, impossible de rester assis considèrent les trois initiateurs du Challenge Mayotte tour. Pour ces trois sportifs, il faut même aller plus vite qu’en marchant. Leur idée donc : porter la volonté de pouvoir traverser l’île de part en part sans craindre pour sa sécurité en la traversant concrètement lors de courses à pied. 

“Je connais des jeunes d’Hamjago qui n’osent pas se rendre à M’tsamboro de peur d’être victimes d’agressions.” Le constat de Chad est amer. Pourtant, son île n’a pas toujours rimé avec insécurité. “Avant de quitter Mayotte, vers l’âge de 15 ans, je me souviens que je pouvais aller n’importe où sans me poser de question, je faisais tout à pied. J’allais à pied jouer au foot à Mliha alors que j’habitais Hamjago. Maintenant, ce n’est plus du tout imaginable, depuis que je suis rentrée en 2011 c’est de pire en pire, on ne peut plus rien faire sans penser à sa sécurité”, se désole l’ancien militaire. Une vie passée à laquelle il n’hésite d’ailleurs pas à faire référence pour appuyer son propos. “J’ai servi la France pendant de longues années et j’ai été envoyé en Afghanistan. Là-bas, on sortait toujours armé et casqué avec la peur pour notre sécurité. J’exagère un peu mais quelque part je retrouve aujourd’hui ce même sentiment à Mayotte. Les gens ont peur de se déplacer”, fait valoir Chad. Alors, pour dénoncer cette peur issue de l’insécurité, le sportif et deux de ses compères, Ybnou et Adifane ont pris leurs bâtons de pèlerin. Ou plutôt leurs chaussures de course. Et ont créé le Challenge Mayotte Tour. 

“Montrer que l’on doit pouvoir traverser n’importe quel village sans crainte” 

“L’idée c’est que l’on traverse tous les villages de l’île en courant avec chaque mois une étape d’environ 19-20 kilomètres, on souhaiterait mobiliser à travers cela et montrer que l’on doit pouvoir circuler librement à Mayotte”, explique le coureur. Si une première étape “test” a déjà été parcourue le mois dernier entre Mamoudzou et Sada “pour voir comment ça se passe et ajuster au besoin”, la deuxième course, prévue le 21 juin sera des plus symboliques. “Nous avons choisi de partir de la station Total de Longoni, lieu de nombreuses violences le week-end dernier”, annonce Chad. L’arrivée, elle, est prévue à Hamjago. Et pour ceux que les dizaines de kilomètres à parcourir auraient tendance à refroidir, le message est clair. Comme contre l’insécurité, “chacun peut participer à sa manière”, explique le membre du trio. “On peut par exemple se mobiliser sur le parcours avec des banderoles, des T-shirts mais on peut aussi tout à fait courir un kilomètre, rejoindre le peloton quand il traverse son village, courir ou marcher, l’important, c’est que le message passe, de montrer que l’on doit pouvoir traverser n’importe quel village de notre île”, appuie le sportif que rien ne semble plus pouvoir arrêter. 

“Il faut agir, que chacun prenne ses responsabilités et arrête d’accuser untel ou un autre pour la situation qui existe sur notre territoire. Nous avons tous un rôle à jouer et si nous ne faisons rien, la situation continuera d’empirer. De nôtre côté, c’est notre manière de nous mobiliser et je pense que le faire à travers le sport va dans le bon sens car il a des vertus thérapeutiques. Certains ont choisi de marcher, pour nous c’est la course à pied”, plaide encore l’ancien militaire, bien décidé à faire grossir ses rangs. Et au pas de course !

Une rentrée entre enthousiasme et questionnement au collège K1

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C’était une rentrée pas comme les autres vécue par les 4.000 à 5.000 élèves du second degré qui ont repris le chemin de l’école hier. Au collège K1 à Kaweni, la reprise a été minutieusement planifiée. L’équipe pédagogique s’en félicite et les élèves sont heureux de retrouver les bancs de l’école.

275 élèves de cinquième étaient attendus au collège K1 ce mardi 2 juin. Environ deux tiers d’entre eux ont répondu présents. Un chiffre qui satisfait le principal du collège. Tous se sont pliés aux nouvelles règles imposées sans aucune difficulté. Les changements s’opèrent dès le portail d’entrée. Les agents postés à l’accueil ne peuvent laisser passer que les élèves qui figurent sur les listes en leur possession. Le collège a choisi de faire revenir en premier les 10 classes de 5ème. Toutes sont divisées par deux, le premier groupe est accueilli le matin à partir de 8h pour une durée de trois heures, et le deuxième groupe l’après-midi à partir de 13h. “Nous sommes chargés d’accueillir les élèves en leur donnant un masque et nous fournissons du gel hydroalcoolique au personnel”, explique Ansfati à l’accueil. Cette dernière redoutait la réaction des jeunes, mais elle a été surprise par leur coopération. “Honnêtement, je pensais que ça allait être compliqué avec les élèves, mais finalement ils nous ont écoutés.” Port du masque, lavage des mains, s’aligner tout en respectant la distance d’un mètre, les élèves ont en effet suivi les indications avec le sourire. Ils ont pu bénéficier d’une démonstration du port du masque avant d’entrer dans l’établissement. Une fois à l’intérieur, ils sont orientés vers l’un des quatre points d’eau du collège pour laver leurs mains avec de l’eau et du savon. Ensuite, chaque élève rejoint la file qui correspond à sa classe en suivant les marquages au sol. Un deuxième lavage des mains avec du gel hydroalcoolique est obligatoire avant d’entrer dans la salle de cours. Malgré toutes ces nouvelles règles, les collégiens ne manquent pas d’enthousiasme à l’idée de retrouver leurs camarades, à l’image de Farza. “Je suis contente de retourner à l’école, ça m’avait manquée. J’adore l’école, car c’est le meilleur chemin de la vie. Les cours à la maison c’était difficile pour moi. Je préfère apprendre avec mes professeurs et mes camarades. Je trouve que j’apprends mieux.” Elle admet cependant que la distanciation physique lui pose problème, mais “je ferai avec, je n’ai pas le choix”, déclare-t-elle. D’autres sont heureux de retrouver leurs enseignants afin d’être rassurés sur l’avenir qui leur parait encore incertain. “Je voulais revenir au collège pour mieux connaitre la crise qu’on traverse et ce qui nous attend plus tard. Et même si j’ai peur de croiser des gens contaminés sans le savoir, je devais revenir”, témoigne Saila. Très consciente du danger du Covid-19, cette élève avait déjà pris ses dispositions. “Je ne serre plus la main aux gens, j’évite les embrassades et je garde toujours un mètre de distance, donc les nouvelles règles du collège ne me dérangent pas.”

“La motivation des élèves ne me fait pas regretter mon choix”

Un des professeurs d’EPS du collège le confirme, “les élèves connaissent la plupart des gestes barrières”. Cela étant, tous les enseignants doivent en premier lieu apprendre ces gestes aux élèves. Tout le personnel de l’établissement, sans aucune exception, a suivi une formation aux gestes barrières d’une heure, dispensée par l’infirmière du collège qui elle-même a été formée par le médecin de l’Éducation nationale. Les enseignants qui ont accepté de fréquenter à nouveau l’établissement sont plutôt rassurés de constater que le protocole sanitaire est scrupuleusement respecté. “Nous avons pris toutes les mesures nécessaires pour éviter ou du moins limiter les contaminations donc je suis serein”, indique le professeur d’EPS. Sa collègue, professeur d’anglais, tient plus ou moins le même discours. “Comme tout le monde, j’ai un peu peur, mais il faut reprendre à un moment donné alors je suis là parce que les élèves ont besoin de nous.” Cette dernière affirme que certains de ses élèves ont rencontré beaucoup de difficultés à suivre les cours à la maison, particulièrement ceux qui n’ont pas internet. “Ils sont tous motivés et contents d’être là. Cela ne me fait pas regretter mon choix.” Cette première semaine sera en grande partie dédiée aux procédures administratives pour la prochaine rentrée, et à l’explication des nouvelles règles. Chaque jour sera consacré à un niveau de classe différent.

Afin d’éviter le brassage des élèves, le collège est divisé en trois secteurs et les élèves de différents niveaux n’ont pas le droit de se mélanger. Le principal a entièrement repensé le flux de circulation au sein de l’établissement. “Nous avons interdit l’accès à l’étage. Nous utilisons uniquement les salles du rez-de-chaussée. De plus, toutes les classes n’iront pas en récréation en même temps. Enfin, les élèves resteront toujours dans la même salle et ce sont les professeurs qui se déplaceront”, informe Christophe Jacquet, le principal. Malgré tous ces efforts pour respecter le protocole sanitaire, une étape manque à l’appel. La température des élèves n’est pas prise à l’entrée de l’établissement puisqu’il n’est pas équipé de thermomètre réglementaire permettant de le faire, selon l’infirmière du collège.

 

L’accès à l’eau, le cheval de bataille de l’agence régionale de santé de Mayotte

Quelques jours après le début du confinement, l’agence régionale de santé a décidé de faciliter l’accès aux bornes-fontaines aux populations les plus précaires, mais aussi d’installer des rampes de distribution d’eau. Des dispositifs indispensables qui permettent de lutter contre l’épidémie de Covid-19. 

Mardi, 8h30. Devant la borne-fontaine de Bandrajou, salouvas multicolores des habitants du quartier scintillent à proximité de tee-shirts noirs de l’association ABK. Au sol, des dizaines de bidons s’entassent tandis qu’une jeune fille, foulard rouge enroulé sur la tête, regarde du coin de l’œil son récipient se remplir. Jusque-là rien d’inhabituel pour ce public précaire, qui utilise une carte monétique délivrée par la Smae pour récupérer 10 mètres cubes. Mesure de confinement oblige, synonyme pendant au moins un temps de l’arrêt de l’économie informelle, l’agence régionale de santé prend la décision dès le 23 mars de permettre à cette population de bénéficier d’un accès gratuit mais limité aux 64 bornes-fontaines réparties sur l’île. Depuis cette date donc, la Croix Rouge et onze structures œuvrent sur le terrain pour promouvoir les gestes barrières, comme le lavage des mains, et assurer directement les distributions d’eau. “Nous les avons formés pendant une heure et nous leur avons donné un guide de bonnes pratiques et des affiches. Nous leur avons aussi expliqué qu’en cas d’attroupements ou de présences d’enfants, il fallait stopper l’opération”, confie Léa Lemay du service santé environnement à l’ARS, après sa discussion avec Hamid Soumeth, le responsable du projet durant la crise pour l’association de quartier de Bandrajou-Kawéni (ABK), qui se plie en quatre du lundi au samedi, de 7h à 10h et de 16h à 18h. 

50 rampes supplémentaires au mois de juin 

Mais ce n’est pas tout. Le déploiement insuffisant de ces bornes-fontaines sur l’ensemble du territoire pousse l’agence sanitaire à aller encore plus loin. Si l’ouverture d’établissements recevant du public ne porte pas officiellement ses fruits, à cause d’une absence de communication des communes, la réalisation de quinze rampes d’eau dans les quartiers défavorisés s’avère plus reluisante. “Il s’agit d’un simple grillage rigide avec un tuyau et trois robinets accessibles à tous de 7h à 16h”, détaille à son tour Christophe Riegel du même service. Une deuxième phase doit suivre au mois de juin avec l’installation de cinquante nouvelles rampes, avant qu’une nouvelle étape n’offre ce type d’infrastructures dans l’ensemble des villages sur le long terme. Seule contrainte technique ? Le raccordement sur des canalisations d’adduction, qui permettent de maintenir les réservoirs en eau potable en cas d’arrêt du réseau de distribution. 

À l’heure actuelle, un tiers des habitants de Mayotte n’a toujours pas accès à l’eau courante dans son logement. Un constat accablant qui est à l’origine de nombreux cas récurrents de typhoïdes, d’hépatites A ou encore de gastro-entérites, comme le précise Christophe Riegel. “L’objectif est d’éviter ces autres épidémies pour ne pas saturer le système de santé.” Alors oui, depuis le début de la crise, les chantiers et les initiatives se multiplient pour que cette ressource devienne pérenne sur le territoire. Mais pour Hamid Soumeth, “l’individu est le premier acteur de sa santé”. À chacun donc de mettre de l’eau dans son vin…

Des distributions gratuites qui représentent une goutte d’eau 

Depuis la mise en place de la gratuité sur les bornes-fontaines, 1.860 mètres cubes d’eau ont été distribués à la population dans le besoin, soit l’équivalent de 1.240.000 bouteilles de 1.5 litre. Les associations ont utilisé 54 cartes de rechargements de 30 mètres cubes, ce qui représente un montant global de 6.000 euros. En parallèle, les dix rampes mises en service n’ont distribué que 233 mètres cubes en deux semaines, soit environ 0.05 % de la distribution d’eau par rapport à l’ensemble des abonnés qui consomment 34.000 mètres cubes par jour. “L’effet d’échelle est abyssal”, tempère Christophe Riegel. Un constat partagé par sa collègue, Léa Lemay qui souligne que “les bénéficiaires des rampes et des bornes récupèrent entre 20 et 40 litres par jour, un chiffre dérisoire si l’on compare à notre consommation”. Ainsi, les deux responsables de l’ARS invitent les plus réfractaires à “ramener les chiffres au centre du débat”. Sur la base de 1.8 € le mètre cube, le calcul est vite fait… En conclusion : “Ils ne pompent pas toute l’eau de Mayotte !”

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