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Restauration : bientôt un japonais à Mayotte

Mayotte ne fait pas peur à tout le monde. Preuve en est avec Kamel Guerraoui qui s’apprête à ouvrir sa troisième entreprise sur le territoire. Et c’est d’une nouveauté qu’il s’agira puisque c’est un restaurant japonais qui accueillera prochainement les gourmands aux Hauts-Vallons. 

Un restaurant japonais à Mayotte ? Certes, il en existe bien un ou deux cuisinant quelques spécialités, mais aucun qui soit entièrement dédié à l’art culinaire du pays du soleil levant. Ikajo, son nom, sera donc le premier du genre et devinez quoi : il devrait ouvrir ses portes prochainement aux Hauts-Vallons, sur la place principale du quartier. À l’origine du projet, Kamel Guerraoui. Son objectif : « Restituer les saveurs des plats de la culture japonaise et proposer aux habitants de Mamoudzou et plus largement de toute l’île une nourriture différente. » Que les amateurs de goûts plus locaux se rassurent toutefois : une partie de la carte sera consacrée à de la « cuisine fusion », comprendre un mélange de saveur entre le Japon et Mayotte. D’ailleurs, si une partie des produits sera importée, faute de se trouver sur place, une autre sera, elle, du terroir. Le poisson évidemment – excepté le saumon et l’anguille toutefois –, mais aussi certains fruits et légumes. « Si on peut travailler avec des producteurs locaux d’avocats, de mangues, d’ananas, etc., tant mieux ! », se réjouit le gérant en poursuivant : « J’ai une large préférence à travailler localement dès que possible pour participer au développement et au circuit économique de l’île. » Pour relever ce challenge gustatif, Kamel Guerraoui a fait venir à Mayotte un chef fort « de 20 ans d’expérience dans la cuisine japonaise, très impliqué dans les nouveaux projets et qui dispose d’une riche expérience à l’international puisqu’il a travaillé au Portugal, à Hong-Kong, à Monaco, en Norvège, ou encore à La Réunion », s’enthousiasme-t-il. Alléchant. 

Côté personnel, hormis pour le chef, c’est sur les compétences locales que compte s’appuyer le gérant. Et dès qu’on parle de compétences dans la restauration, le RSMA est là. C’est au sein des jeunes de l’institution que Kamel Guerraoui ira donc puiser ses aide-cuisiniers, serveurs, etc. : deux recrutements pour commencer, puis cinq envisagés à terme. « Travailler avec des gens qui ont un certain état d’esprit et un certain savoir-être », comme le dit l’entrepreneur, c’est l’objectif affiché de cette démarche. D’autant que pour le personnel qui sera recruté, c’est là « une bonne expérience, avec une nouvelle spécialité qui ne demande qu’à exploser. À La Réunion, le secteur de la cuisine japonaise est en plein boom depuis deux ou trois ans, avec toute une nouvelle génération de restaurateurs. Les habitants de Mayotte ont, eux aussi envie de retrouver ces saveurs qu’ils ont pu découvrir ailleurs ». 

Le restaurant, implanté au rez-de-chaussée de l’immeuble Manek, aux Hauts-Vallons, disposera d’une cinquantaine de couverts : 30 en salle et 20 en terrasse. Compte tenu de la législation du moment, liée au Covid-19 et aux mesures sanitaires à respecter, c’est d’ailleurs sur cette terrasse aménagée que se fera le service d’Ikajo jusqu’à ce que le quotidien des Mahorais redevienne enfin normal. 

De la confiance dans le territoire 

Originaire de région parisienne et à Mayotte depuis « très peu de temps », Kamel et sa femme se sont pris d’amour pour le territoire, qu’ils ont découvert durant un an, en 2016, à l’occasion d’un premier séjour professionnel. « Cela a été un coup de cœur pour la population, l’île, le lagon, tout. Venir à Mayotte, c’était venir dans un endroit où la société de consommation et l’individualisme ne sont pas encore prépondérants et où les valeurs de partage et d’échange sont plus présentes qu’ailleurs », se rappelle l’homme. Alors, à l’issue de cette année de découverte, il fait le choix de rester et de s’investir dans l’économie du territoire avec d’abord une société d’import, puis un magasin d’ameublement moderne, Style et sofa. Avec Ikajo, l’entrepreneur ajoute désormais une corde à son arc, et confirme la confiance qu’il a dans le territoire, malgré les difficultés qu’on lui connaît. Et de l’assurer : « Ce sont des projets qui me motivent, je n’ai donc pas de crainte. J’ai confiance en Mayotte, c’est un jeune département qui ne peut pas courir encore aussi vite que La Réunion, mais Mayotte c’est une vision à 20 ans. Il faut être patient avec l’île et cela viendra, je n’ai aucun doute là-dessus. Les Mahorais ont fait le choix d’avoir une histoire liée à la France, et c’est à mon avis le bon car, grâce à cela ils peuvent avoir accès à des compétences et à des expériences qui permettent de se développer. »

Cérémonies d’investitures hautes en couleurs à Mayotte

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Le week-end dernier a été rythmé par les cérémonies d’investiture des maires fraîchement élus ou réélus. L’occasion pour eux de prendre officiellement leurs fonctions. Mais les scènes de foules et d’embrassades constatées un peu partout sur l’île feraient presque oublier la pandémie.

À Mayotte, les cérémonies d’investiture des maires sont particulièrement folkloriques et festives. C’est entre chants traditionnels et discours solennels que les nouveaux maires ont endossé l’écharpe tricolore tant convoitée. Et si dans les autres départements de France, les investitures se sont déroulées sans artifices, chez nous l’ambiance était toute autre. Le week-end dernier, les cérémonies d’investiture avaient des allures de Manzaraka. Dans chaque commune, des centaines et des centaines de personnes se sont réunies sous des chapiteaux, sur les places publiques, ou encore dans les MJC. Les colliers de fleurs ont refait leur apparition. Les femmes ont sorti leurs plus beaux salouvas et les hommes leurs plus beaux costumes. Le tout animé par les différentes associations de chants et danses traditionnels mahorais. Les maires ont été accueillis tels des célébrités et ils ont dû se plier au jeu des embrassades, des bains de foule, et des selfies, oubliant complètement les mesures barrières répétées inlassablement depuis des mois. Certaines communes ont tenté tant bien que mal de les faire respecter. À Mamoudzou par exemple, un cordon de sécurité empêchait les personnes non conviées à la cérémonie d’y accéder. Ces dernières se sont cependant regroupées derrière les barrières de sécurité. Et le nouveau maire, Ambdilwahedou Soumaila, s’est finalement retrouvé encerclé par ses partisans dans un moment de joie. À M’tsamboro, tous les administrés étaient invités à prendre part à la cérémonie. La mairie avait mis à disposition des masques, mais cela n’a visiblement pas été suffisant puisque beaucoup n’en portaient pas. De plus, elles se sont ruées sur le maire pour l’embrasser et prendre des photos. “Nous avons fait le nécessaire mais dans des groupements comme celui-là, il est très difficile de respecter les gestes barrières. Chez nous, les gens croient beaucoup en Dieu et s’en remettent à lui en pensant qu’il ne leur arrivera rien”, explique Ben Kassim Ali Hamidi, organisateur de la cérémonie d’investiture du maire de M’tsamboro.

Des surprises, des larmes, et des promesses

L’émotion était bien présente lors de ces cérémonies. À Mamoudzou, le nouveau maire a fondu en larmes dans les bras de sa mère. À M’tsamboro, Laïthidine Ben Said, a essuyé discrètement quelques lames lorsqu’il est monté sur l’estrade pour endosser son écharpe. Mais les cérémonies ont surtout été marquées par les discours des premiers magistrats qui semblent réaliser l’ampleur du travail qui les attend. “Je pense aux responsabilités qui me pèsent aujourd’hui”, avoue Said Andhanouni, nouveau maire de Chirongui. “La priorité est de rétablir très rapidement la sécurité, la sécurité et la sécurité”, martèle Youssouf Ambdi, nouveau maire de Ouangani. “Je vais mettre en place un plan d’investissement pluriannuel pour savoir les programmes prioritaires et les faire en urgence”, indique Laïthidine Ben Said, nouveau maire de M’tsamboro.

 

Afin de prendre officiellement leurs fonctions, les candidats élus le 28 juin devaient être investis par les conseillers municipaux via un énième vote. Tous ont été élus sans grande difficulté mais non sans quelques surprises. À Mamoudzou, le candidat du premier tour Jacques-Martial Henry a à nouveau présenté sa candidature sous les regards effarés du public. Une audace qui lui a tout de même permis de récolter neuf voix. À M’tsamboro et à Chirongui, les maires se sont confrontés à des votes blancs qui en ont surpris plus d’un. 6 votes blancs pour la commune du nord-ouest qui ont installé un silence inattendu à chaque fois. Une manière pour l’opposition de rappeler qu’ils ne seront jamais bien loin.

À Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaila s’installe dans le fauteuil de maire pour « réussir »

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Ce dimanche se déroulait la cérémonie d’investiture du nouveau maire de Mamoudzou. Un événement marqué par l’intronisation d’Ambdilwahedou Soumaila, qui a rameuté de nombreux habitants et créé quelques scènes de liesse ahurissantes, pas tout à fait protocolaires en cette période de crise sanitaire. Dans son discours, le nouvel homme fort de la commune chef-lieu a promis de jouer la carte du rassemblement pour réussir ensemble.

Dimanche. 10h. Habitants et sympathisants affluent au compte-gouttes sur le parvis de la MJC de M’Gombani, pour prendre part à l’installation du conseil municipal. Crise sanitaire oblige, beaucoup n’ont pas le privilège de passer le cordon de sécurité et se retrouvent agglutinés derrière une ribambelle de barrières installées tout autour pour suivre ce rendez-vous solennel. Un attroupement conséquent qui justifie le retard à l’allumage de vingt-cinq minutes. Laps de temps durant lequel l’organisation s’époumone tant bien que mal à rappeler le port obligatoire du masque et le respect des gestes barrières.

10h30. Le calme s’installe enfin. Convié à présider l’investiture, le doyen des 49 nouveaux élus une semaine plus tôt, Chihabouddine Ben Youssouf, déclare la séance ouverte. Forte de ses 35 sièges, la liste Réussir Ensemble annonce, en toute logique, la candidature de son chef de file, Ambdilwahedou Soumaila au poste de maire. Imaginant ne pas devoir se confronter à un nouvel adversaire dans les urnes, ce dernier apprend dans une stupeur générale sa confrontation avec Jacques-Martial Henry. Incompréhension totale… Comment expliquer une telle décision ? « C’est une initiative personnelle et non validée par Elyassir [Manroufou, de la liste Mamoudzou c’est nous ensemble] », souffle après coup l’un des acteurs de la campagne pour Hamidani Magoma. « Je pense que c’est histoire qu’il n’y ait pas une logique de candidat unique. Mais c’est juste pour le fun démocratique, on va dire. » Un culot qui permet tout de même à l’ancien conseiller départemental de recueillir 9 soutiens, mais qui ne l’empêche évidemment pas de déjouer les pronostics.

« Le poids des responsabilités »

11h11. Explosion de joie. Ambdilwahedou Soumaila devient officiellement le nouveau maire de la commune chef-lieu, avec 37 voix, soit 75% du suffrage exprimé. La foule se précipite immédiatement sur le nouvel homme fort de la municipalité, créant un chaos incontrôlable, pour immortaliser le moment. Une scène surréaliste… Une image forte dans la vie politique mais déraisonnable, voire choquante, en cette période de Covid-19. Au bout de quelques minutes, un retour à la raison s’opère enfin. Laissant la possibilité de procéder à une passation de pouvoir en bonne et due forme sur l’estrade. Mohamed Majani, le maire sortant, peut alors confier l’écharpe tricolore, symbole porté par les titulaires de fonctions électives, à son successeur. Empreint d’émotion, Ambdilwahedou Soumaila débute son allocution en rendant hommage à l’ancien député, Abdoulatifou Aly, décédé le 27 juin dernier. Après la minute de silence, place aux paroles. Bon orateur, le néo premier magistrat manie les mots avec aisance et fluidité. « Je mesure pleinement, le poids des responsabilités qui sont désormais les miennes devant les administrés de Mamoudzou, dont les attentes légitimes sont nombreuses », souligne-t-il, avant de réaffirmer son engagement, à savoir d’être « au service des concitoyennes et concitoyens de tous les quartiers ». « Notre victoire n’est pas celle d’un parti ni d’un camp, c’est une victoire collective, celle de l’ensemble de la population, qui exige un grand rassemblement des responsables politiques. Le défi que nous devons relever ensemble, nous tous, les 49 élus de cette assemblée est grand. Nous devons nous mobiliser, main dans la main, avec nos partenaires, chacun à sa juste place, pour construire une ville pour tous, aux rendez-vous des enjeux de son temps. » Et les défis qui se présentent face à lui sont nombreux : propreté, développement durable, jeunesse, sécurité, emploi, aménagement équilibré du territoire… « Mamoudzou doit devenir une ville propre, belle et sûre ; une chance pour tous ses enfants, quelques soient leurs origines, sans distinction aucune ; elle doit s’ouvrir à la région et au monde et tirer profit de la révolution numérique en cours pour consolider son développement économique et social. »

Pendant près de vingt minutes, l’enfant de Tsoundzou multiplie les louanges à l’égard des agents de la ville, des personnalités politiques, du monde économique et associatif, mais aussi et surtout de sa famille. Si l’embrassade avec sa femme et ses deux garçons sur scène prête à sourire, le moment marquant reste la longue accolade avec sa maman. En pleurs, Ambdilwahedou Soumaila prend alors conscience du devoir qui l’attend au cours de son mandat. « La commune de Mamoudzou c’est nous, c’est vous. Ensemble, nous devons réussir. Et ensemble, nous allons réussir. » Un slogan prémonitoire ? Réponse dans six ans.

14 adjoints élus dans la foulée

Après le discours d’Ambdilwahedou Soumaila, les 49 membres du conseil municipal sont une deuxième fois passés dans l’isoloir pour élire la liste des 14 adjoints. Et sans grande surprise, celle-ci a largement reçu le feu vert des élus. On retrouve Dhinouraine M’Colo Mainty, Hamidani Magoma, Nourainya Loutoufi, Zoulfati Madi, Toiyfou Ridjali, Soiyinri Mhoudoir, Munia Dinouraini, Inayatie Kassim, Dhoul-Mahamouid Mohamed, Assane Mohamed, Rabia Assan, Hadia Madi Assani, Said Djanfar Mohamed et Moina Fatima Ibrahim.

Pourquoi 180 passagers ont vu leur vol Mayotte-Réunion annulé ce vendredi ?

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La reprise des vols commerciaux par Air Austral est encore timide. Et ce vendredi 3 juillet, 180 passagers ont vu leur réservation annulée à la dernière minute à cause d’une restriction de la capacité de voyageurs à l’arrivée, à l’aéroport de Saint Denis.

“Tous les vols annulés”, une population “prise en otage”, “situation ubuesque”… Sur les réseaux sociaux, les commentaires fusent, de la part de voyageurs coincés à Mayotte depuis plusieurs mois et qui aimeraient bien, enfin, atterrir à La Réunion. Et si possible, pas en Evasan. Dans leur viseur : les autorités – préfectures de La Réunion et de Mayotte, Agences régionales de santé (ARS) – et bien sûr Air Austral. Il faut dire que la compagnie est une cible idéale, alors que les vols commerciaux commencent tout juste à reprendre dans un contexte de crise sanitaire encore palpable. Surtout à Mayotte, où le virus circule toujours activement. Mercredi dernier, la compagnie a dû avertir 180 passagers qu’ils ne pourraient pas s’envoler comme prévu vendredi 3 juillet. La raison ? “Pour cause de limitation de capacité de traitement sanitaire à l’arrivée à La Réunion, nous sommes au regret de vous informer que votre réservation est annulée”, ont reçu par SMS les voyageurs concernés.

“Je me suis rendue directement à l’agence, et ils m’ont expliqué que je pouvais opter pour un report ou une annulation. J’ai choisi le report à la première date disponible, le 21 juillet, mais ils m’ont prévenue que ce vol aussi risquait d’être annulé”, raconte cette résidente de La Réunion, qui tente de faire venir sa mère souffrante depuis déjà trois mois. Un ophtalmologue lui a en effet conseillé de se rendre rapidement dans le département voisin pour consulter un spécialiste. “Son avion devait décoller aujourd’hui. J’avais prévu de passer par la préfecture, mais quand j’avais effectué une demande pour moi, je n’avais jamais eu de suite”, hésite la jeune femme. Une autre s’inquiète pour son vol prévu la semaine prochaine, alors qu’un collègue a vu le sien annulé cette semaine, “pour raison d’Evasan”. “Devant lui, il y avait trente personnes dans la même situation…”, rapporte la future passagère.

Un vol par semaine vers La Réunion

Qu’elle soit rassurée : contrairement à ce qui a pu être écrit sur les réseaux sociaux, tous les vols vers La Réunion n’ont pas été annulés. En réalité, depuis la réouverture de l’aéroport, le programme des vols reste le même, à savoir un vol par semaine en provenance de Mayotte et à destination de La Réunion ; cinq vols par semaine en sens inverse. “Même planning pour la semaine prochaine, et a minima, nous devrions avoir la possibilité de maintenir ce rythme-là, mais nous avons des discussions hebdomadaires avec l’ensemble des autorités concernées, à savoir les préfectures et ARS de Mayotte et de La Réunion, et bien sûr notre autorité de tutelle, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC)”, présente Stéphanie Bégert, la directrice de la communication d’Air Austral. Par ailleurs, quatre vols Dzaoudzi-Paris étaient au planning du 29 juin au 5 juillet, et à compter du 6 juillet, cinq rotations sont programmées.

Une restriction, tombée cette semaine

Quid du couac de ce vendredi ? “Les autorités demandent à ce qu’on se plie à leurs autorisations, et nous avons eu, cette semaine seulement, l’annonce de la restriction du nombre de passagers”, développe la responsable. Une restriction qui s’explique par le processus mis en place à l’arrivée à La Réunion, pour éviter la propagation du coronavirus entre les deux départements. Quand ils arrivent, les passagers doivent effectuer un contrôle et ceux qui n’ont pas été testés 72h maximum avant leur vol peuvent être dirigés vers une zone dédiée au dépistage. “Toutes ces modalités conduisent à limiter le nombre de passagers pour que les traitements puissent se faire dans les meilleures conditions”, explique Stéphanie Bégert.

Résultat, suite à l’annonce de la limitation à 250 du nombre de passagers sur le vol Dzaoudzi – Saint-Denis prévu ce vendredi, la compagnie n’a eu d’autre choix que d’annuler “aléatoirement” les réservations de 180 passagers. Et si cette situation n’avait pas eu lieu la semaine dernière, c’est parce que, d’une part, l’appareil mobilisé, un Boeing 787, ne contenait que 242 passagers – contre les 430 que pouvait transporter le Boeing 777 de ce vendredi – et d’autre part, les autorités n’avaient pas encore communiqué ces restrictions à Air Austral. Les voyageurs inscrits sur le vol du 10 juillet n’ont, a priori, pas trop de souci à se faire, car ils s’envoleront avec un Boeing 787 d’une capacité maximale de 262 places (10 sièges sont réservés pour le transport de civières).

Des tests obligatoires ?

Bien sûr, la situation pourrait être amenée à évoluer, dans un sens comme dans l’autre. Du côté de La Réunion, les professionnels de santé s’inquiètent du risque de propagation du virus par des voyageurs en provenance de Mayotte, toujours en orange sur la carte. D’après nos confrères de Réunion La 1ère, leurs représentants ont demandé à la préfecture un dépistage systématique et obligatoire pour les passagers au départ de Mayotte. Une information qui n’a pas été confirmée à ce jour par l’ARS de Mayotte, qui conseille toutefois aux voyageurs de se faire dépister 72h avant leur voyage, sur prescription médicale et au laboratoire privé de Mayotte.

En route avec Co’reindré, l’application de partage de véhicule à Mayotte

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Faire du covoiturage, louer ou mettre en location une voiture entre particuliers à Mayotte… Ce sont les services que propose la nouvelle application Co’reindré créée par un jeune mahorais et qui incite les Mahorais à changer leurs habitudes.

Tout est parti d’un tour de Mayotte qui ne s’est pas déroulé comme prévu. En 2017, un groupe d’étudiants mahorais venus passer des vacances à Mayotte ont souhaité faire le tour de l’île. La mission s’avérera compliquée car ils n’ont pas de voiture et rencontrent beaucoup de mal à trouver une solution qui leur convienne. Les prix des véhicules de location ne sont pas à leur portée, et il n’existe pas de transport qui permet de faire le tour de Mayotte. Vient alors l’idée de créer une plateforme qui mettrait en relation directement les particuliers entre eux. L’objectif est de pouvoir louer ou faire louer un véhicule, mais également de faire du covoiturage. Ainsi naîtra Co’reindré. “Nous avons créé une application qui sera disponible sur toutes les plateformes. Chacun pourra proposer son service de location ou de covoiturage et les demandeurs pourront entrer en contact avec eux facilement”, explique Said, le créateur de Co’reindré. L’inscription sera simplifiée, mais il faudra se soumettre à certaines conditions. Le locataire d’une voiture devra avoir au minimum trois ans de permis, et le propriétaire devra attester que son véhicule est en règle en fournissant les documents nécessaires. Chacun sera libre de fixer le prix qui lui convient, mais les plus malins se rendront rapidement compte que les petits prix font de bonnes affaires. La société récupère 30% du chiffre pour les locations, et les sommes récoltées pour le covoiturage seront intégralement versées à la personne qui le propose. Cependant, selon le fondateur, “cela risque d’évoluer dans le temps, en fonction du succès ou pas de ce service”. L’application et le site Co’reindré devraient être opérationnels dès la fin du mois de juillet “pour que les gens puissent profiter des vacances autrement et circuler plus facilement”.

Une concurrence pour les professionnels

Said est enthousiasmé par son projet, il est cependant conscient qu’il risque de s’attirer les foudres des chauffeurs de taxis et des agences de location de véhicules. “Je ne pense pas leur faire de l’ombre et même si c’est le cas, la concurrence n’est pas toujours mauvaise”, clame-t-il. Il voit en ce projet, un moyen de fluidifier la circulation sur les routes qui peut s’avérer être un vrai calvaire aux heures de pointe. “Cette application sera bénéfique pour tout le monde car des personnes peuvent partager une voiture au lieu de prendre chacun la sienne, ainsi on diminuerait les bouchons”, indique le fondateur. La forte diminution des embouteillages et des voitures sur la route engendrerait également une baisse de la pollution atmosphérique et sonore qui étouffe les habitants.

Un concept très similaire existe déjà dans l’Hexagone, et Said espère rencontrer le même succès. “Sur les réseaux sociaux, je vois beaucoup de personnes mettre en location leur voiture ou chercher un covoiturage. Il y a une réelle demande à Mayotte, le marché est bien présent, il faut maintenant savoir l’exploiter.” En espérant que les Mahorais si fidèles à leurs taxis et à leurs voitures seront prêts à changer leurs habitudes.

Un centre de soins des tortues marines bientôt créé à Mayotte

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L’association environnementale Oulanga Na Nyamba a dévoilé les premières esquisses de sa future maison de la tortue. Avec une ouverture prévue en 2022, la structure devrait inclure le premier centre de soins de l’île pour les animaux blessés et un musée dédié. Objectif : prendre en charge une vingtaine de tortues à l’année et accueillir, dans le même temps, quelque 7.000 visiteurs.

Préserver l’environnement, sensibiliser le grand public et même créer une plus-value touristique. Nombreux sont les enjeux du futur centre de soins des tortues marines de l’association Oulanga Na Nyamba, dont l’ouverture est prévue d’ici deux ans en Petite-Terre. « Ça fait plusieurs années que tous les acteurs engagés en faveur de l’environnement ont défini ce besoin, et jusqu’à présent, il n’y a aucune structure pour accueillir les animaux marins blessés », pointe du doigt Jeanne Wagner, biologiste marine et directrice de l’association.

Depuis 2010, tout animal mort ou blessé peut être signalé auprès du réseau d’échouage mahorais de mammifères marins et de tortues marines (Remmat), qui, si nécessaire, peut faire appel à un vétérinaire. Problème : aucun lieu de convalescence n’existe. « On fait avec les moyens du bord, mais ce n’est pas toujours optimal », regrette la directrice d’Oulanga Na Nyamba, dont l’organisation est elle-même membre du Remmat. Ainsi, seulement deux à quatre tortues blessées sont prises en charge chaque année. « Malheureusement, certaines sont relâchées sans presque aucun soin, parce que nous ne sommes pas capables de les prendre en charge », déplore Jeanne Wagner. C’est par exemple le cas lorsque la carapace de l’animal est sévèrement cassée, ou qu’un membre a été arraché par un chien.

Des tortues et des hommes

Mais pour ériger le centre de soins des tortues, baptisé la Kaz’a Nyamba, encore fallait-il trouver un terrain adapté, facilement accessible, au bord de l’eau et à proximité d’un cabinet vétérinaire. Finalement, après plusieurs années de recherches foncières menées par Oulanga Na Nyamba, le maire de Dzaoudzi-Labattoir finit par proposer une parcelle en cours d’aménagement sur le boulevard des Crabes. Un énorme pas en avant pour le projet, à tel point que celui-ci prend même une nouvelle dimension. « À la base, ça devait être un centre de soins d’urgence, mais vu l’engouement des acteurs et des financeurs, on s’est dit qu’il serait bien de rajouter une structure de sensibilisation où on peut accueillir résidents, touristes et scolaires, ce qui manque cruellement à Mayotte », dévoile Jeanne Wagner. En somme, une version mahoraise de Kélonia, clinique et musée des tortues implantés à Saint-Leu sur l’île de La Réunion, et qui collabore par ailleurs avec l’association dans le cadre du projet régional Life qui vise à suivre et protéger les populations locales.

« On compte accueillir 7.000 visiteurs par an », projette l’association Oulanga Na Nyamba. « En réalité, ce n’est pas soigner les tortues qui va le plus permettre de les protéger, mais plutôt le fait de sensibiliser le public en valorisant cet animal d’une manière différente, et que cela devienne un levier de responsabilisation de la population. On peut faire de l’éducation grâce et autour de la tortue », dont beaucoup d’individus en détresse ne sont, aujourd’hui encore, jamais signalés. Pourtant, il n’est pas rare que certaines d’entre elles soient victimes d’accident de pêche. « Ce qui revient le plus souvent, ce sont des tortues qui ont avalé un hameçon par accident », explique Jeanne Wagner. Si dans la plupart des cas, « les pêcheurs jouent le jeu » en relâchant la prise, le crochet métallique lui, reste dans la bouche de l’animal qui finit par déclencher une infection, possiblement fatale si elle n’est pas soignée.

À travers les premières esquisses du bâtiment, Oulanga Na Nyamba envisage, à ce stade, d’installer six bassins dans lesquels seraient accueillies, sur une période moyenne de deux mois, les tortues en convalescence. Soit une vingtaine d’individus pris en charge à l’année. « Mais selon les recours, ce nombre pourra évoluer », précise l’association, dont le projet devrait également permettre d’apporter un intérêt touristique supplémentaire au territoire, le centre Kélonia représentant, sur l’île intense, l’un des lieux de visite les plus fréquentés depuis plusieurs années.

Ces premières esquisses du bâtiment du futur centre de soins des tortues sont susceptibles d’évoluer.

 Signalez les animaux blessés ou échoués

Si vous rencontrez une tortue ou tout mammifère marin mort ou vivant échoué, signalez-le sans délai en contactant le Remmat au 06.39.69.41.41, afin de permettre sa prise en charge par un vétérinaire. Les équipes du réseau d’échouage vous indiqueront la marche à sui

Coviplasm à Mayotte : inquiétude ou opportunité ?

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La possibilité fait polémique depuis quelques jours. Avec l’annonce de l’ouverture de centres d’essais thérapeutiques en Guyane et à Mayotte dans le cadre de l’essai clinique Coviplasm, des voix s’élèvent et l’inquiétude monte. Tout comme les rumeurs. Des rumeurs parfois folles auxquelles le CHM a souhaité répondre, en rappelant que pour l’heure, rien n’avait encore été décidé. 

Coviplasm : le nom fait polémique depuis quelques jours. Alors, si le sujet n’était pas le seul à être abordé lors de la conférence de presse du CHM (voir encadrés), hier, il y a évidemment occupé une place de choix. Pour rappel, le nom fait référence à un essai clinique destiné à transférer du plasma sanguin de patients guéris du Covid-19 à des patients encore convalescents. L’idée semble simple : le plasma en question contient des anticorps qui pourraient aider les malades à lutter contre le virus. Si les prélèvements, débutés au mois d’avril dans trois régions métropolitaines – Île-de-France, Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté –, ont pris fin à la fin de ce même mois car suffisamment de plasma avait été reçu, ils pourraient se poursuivre en Guyane et à Mayotte, territoires encore marqués en orange. Une annonce faite par la chercheuse et infectiologue Karine Lacombe lors de son audition devant l’Assemblée nationale, qui reste toutefois à prendre au conditionnel. Car la possibilité – ou ce qui a été interprété comme tel – d’être pris pour des cobayes a déclenché en Guyane une vague d’indignation, qui s’est également répandue à Mayotte, faisant de l’étude Coviplasm un sujet ô combien sensible. 

Sensibilité palpable notamment chez le président du conseil de surveillance du CHM, également vice-président du Conseil départemental en charge des affaires sociales, Issa Issa Abdou, qui juge que le sujet est désormais aussi un « sujet politique ». S’il ne se veut donc pas « aussi catégorique » que les Guyanais sur la question, en rappelant que « Mayotte n’est pas une exception puisque des prélèvements ont aussi été fait en métropole », il appelle à la « prudence » et à « la pédagogie », estimant que Coviplasm ne pourra se mettre en place que s’il y a « consensus de tout le monde et que les patients concernés donnent leur accord ». 

Un accord qui, pour les autorités sanitaires, relève de l’évidence. Ce qu’a d’ailleurs rappelé la directrice du CHM, Catherine Barbezieux, citant les protocoles cadrant les transfusions sanguines et les essais cliniques en général, et excluant de fait tout ce qui pourrait s’apparenter à un essai forcé, a fortiori sur de prétendus cobayes. « Presque tous les établissements [de santé] ont été contactés. Ce ne sont pas des savants fous ! », a-t-elle ainsi illustré, rappelant que « tout est extrêmement codifié ». Et d’estimer que « si la recherche doit entrer dans l’Outre-mer, c’est une chose positive car cela permet au patient d’accéder à des protocoles pour lesquels ce n’était pas le cas ». Pour autant, si la directrice n’a pas formulé « d’opposition de principe », elle attend d’avoir « un peu de recul » sur la question. Rien n’est encore acté donc, et « non, ces essais n’ont pas encore commencé », comme on a pu l’entendre ici ou là. 

Une chance pour soigner ? 

Moins nuancé en revanche, l’infectiologue Mohamadou Niang. Pour le docteur, c’est presqu’une évidence. « Aucun médicament [contre le Covid] n’a fait ses preuves jusqu’à présent », explique-t-il, rappelant par ailleurs que le principe d’immunité passive, c’est-à-dire le transfert de plasma, a déjà fait l’objet d’essais lors d’autres épidémies du genre et qu’il « y a eu des preuves [de son efficacité] in vitro [en laboratoire, NDLR]. Alors, pourquoi ne pas donner cette chance à des patients qui le souhaiteraient ? Des essais cliniques ont également lieu en Chine, en Europe, aux USA. Tout est contrôlé, avec un consentement signé par le patient à qui tout est expliqué clairement », plaide-t-il. Et d’appuyer son propos sur le point d’éventuels effets secondaires : « Il y a des critères d’éligibilité et des critères d’inéligibilité. Cela veut dire qu’il ne suffit pas que le patient soit d’accord, encore faut-il qu’il n’y ait pas de contre-indications pour lui. Les allergies sont par exemple des contre-indications formelles, une fièvre aussi, etc. Le plasma thérapeutique est très encadré. » De l’inquiétude ou de l’opportunité, reste désormais à savoir à quel notion Mayotte sera la plus sensible. 

 

Le service de santé des armées remballe 

Arrivé à la fin du mois de mai à Mayotte, le Service de santé des armées est sur le départ puisque sa mission ici s’est achevée lundi 29 juin. Hier, les militaires étaient d’ailleurs en train de remballer le matériel. Au total, l’unité de réanimation qu’ils ont amené avec eux aura permis de prendre en charge 18 patients, pour 162 jours cumulés en service de réanimation. « Le bilan de leur présence est très positif, avec une bonne coordination, une bonne coopération et un soutien apporté à d’autres services du CHM », s’est réjoui la directrice, Catherine Barbezieux. 

L’épidémie de Covid sur la fin ? 

Irait-on vers une fin très proche de l’épidémie de Covid-19 sur l’île ? S’il faut être prudent, les chiffres rendent confiant : « seuls 10 patients sont actuellement hospitalisés en médecine, et trois sont en réanimation », s’est réjouie Catherine Barbezieux. Une baisse « conséquente » des hospitalisations qui va de pair avec une baisse conséquente de la positivité des testés : « 10 cas positifs hier sur 117 tests réalisés. » De quoi laisser penser que l’épidémie sera peut-être bientôt « derrière nous », pour reprendre les mots de l’infectiologue Mohamadou Niang. Mise en garde toutefois de la directrice : « Il faut rester vigilants quant au respect des gestes barrières, il ne s’agit pas de se relâcher. »

Des chercheurs de toute la France étudieront Mayotte pour les quatre prochaines années

Inédit à Mayotte. Le centre national de recherche scientifique a décidé d’y consacrer son nouveau site d’étude en écologie globale. Concrètement, des chercheurs locaux et nationaux seront chargés d’étudier les modifications de l’environnement naturel mahorais, et l’impact que celles-ci peuvent avoir sur la population insulaire. Les premiers travaux concernent la subsidence de l’île et les dynamiques épidémiologiques. 

Ils sont moins d’une dizaine dans le monde. Pourtant, c’est bel et bien à Mayotte que le nouveau site d’étude en écologie globale (SEEG) du centre national de recherche scientifique (CNRS) est dédié depuis le 29 juin. Derrière ce nom un peu alambiqué, une équipe de chercheurs locaux et métropolitains, chargés d’étudier, depuis leurs laboratoires respectifs, l’environnement et la biodiversité du 101ème département au sens large, et surtout, l’impact de leurs modifications sur la population. Une approche scientifique holistique inédite pour le territoire. 

« Dans ce terme, ce n’est pas forcément le mot écologie qu’il faut retenir », explique Matthieu Jeanson, maître de conférences en géographie au CUFR de Dembéni, et chercheur pour ce nouveau SEEG. « Notre approche intègre la géographie, l’anthropologie, l’économie, le social et le sociétal… Mayotte est un territoire à fort potentiel de recherches et ses habitants sont très demandeurs, comme nous l’avons vu avec la crise sismo-volcanique. » Une crise, d’ailleurs, qui a accéléré le phénomène naturel de subsidence de l’île, au point que le centre universitaire de formation et de recherche ait décidé de lancer une vaste étude afin d’envisager les différents scénarios d’évolution du territoire du fait de son enfoncement, en analysant la situation sur le plan naturel et social. Un travail précieux, puisque jamais un phénomène d’une telle ampleur n’avait été observé auparavant sur une île habitée. 

« On étudie les possibles conséquences de cette subsidence, mais le CUFR n’a pas les moyens d’envoyer un sous-marin en mer, alors que les autres structures du site d’étude en écologie globale, si », commente encore Matthieu Jeanson. D’où l’intérêt de cette nouvelle fédération de structures en tout genre, parmi lesquelles le CUFR et le CNRS, évidemment, mais aussi la Deal, la Daf, le BRGM et le conseil départemental. « Tous les acteurs sont invités à participer à la réflexion, et des chercheurs viendront de l’extérieur pour monter des projets, ce qui nous permettra de mener des études bien plus larges et de mutualiser nos moyens », sourit le conférencier. « Le CNRS et nous-même sommes bien conscients de tout ce qu’il y à faire à Mayotte. » 

Mayotte, un joyau de biodiversité… et d’humanité 

En effet, le 101ème département constitue « la plus orientale, la plus australe et la plus ancienne (environ huit millions d’années) terre émergée de l’arc volcanique des Comores », rappelle le centre national de recherche scientifique. « Cette histoire géologique, sa position géographique et la diversité des influences humaines ont façonné un paysage très singulier avec une diversité biologique et sociale exceptionnelle. » D’autant plus que le lagon constitue le seul parc marin français avec une double barrière de corail, fait naturel extrêmement rare à l’échelle du globe, et qui permet de nourrir et de protéger un large réservoir de biodiversité animale, végétale, mais aussi humaine, l’histoire de l’archipel ayant été marquée par des flux migratoires venus d’Afrique, de Madagascar, d’Europe et d’Asie. 

Alors, au même titre que la résilience des mangroves face aux changements climatiques, l’évolution de la situation sanitaire sera aussi au cœur des préoccupations scientifiques de ce tout nouveau SEEG. « Il s’agit de décrire et comprendre les processus infectieux et chroniques en lien étroit avec les bouleversements environnementaux et sociétaux de l’île », vulgarise le CNRS. Ainsi, le rôle de vecteurs que sont les moustiques, les rongeurs, les chauves-souris ou les oiseaux marins dans l’émergence de certaines pathologies seront à l’étude pour mieux comprendre les dynamiques épidémiologiques et la façon dont elles impactent les sociétés locales. Inévitablement, la diffusion du Covid-19 à Mayotte et Madagascar sera également prise en compte, et même modélisée, à l’instar de la prévalence des maladies chroniques comme l’obésité et le diabète, largement influencés par des facteurs socio-culturels. 

L’ensemble de ces travaux s’étalera sur quatre années, durée de vie classique d’un site d’étude en écologie globale. « Mais il pourra être renouvelé si, en fonction de la production scientifique, les recherches sont toujours actives », précise le CUFR. « Certains durent depuis dix ans, et à Mayotte, on ne doute pas qu’il y ait suffisamment de matière ! » Une aubaine, alors que rares sont les témoignages de chercheurs dans la littérature insulaire.

Mayotte donne du fil à retordre à la chambre régionale des comptes

L’organe déconcentré de la Cour des comptes qui œuvre tant à Mayotte qu’à La Réunion a rendu public ce jeudi son rapport d’activité pour l’année 2019. Une année particulièrement chargée pour la juridiction veillant à la bonne utilisation des deniers publics et qui a produit pas moins de 25 rapports d’observations définitives, huit jugements des comptes et 14 avis budgétaires. Retour sur quelques moments forts pour le territoire qui ne fait pas vraiment figure de bon élève. 

« La chambre a rempli son office qui est de s’assurer du bon emploi de l’argent 

public, d’en informer le citoyen et de contribuer ainsi à l’amélioration de la qualité et de la transparence de la gestion publique locale », estime en préambule le président de la chambre régionale des comptes La Réunion-Mayotte. Une mission essentielle donc, qui prend d’autant plus d’importance dans le plus jeune mais aussi le plus pauvre département de France. Et c’est peu dire que la chambre prend son rôle très au sérieux, quitte à tancer les organismes contrôlés par ses soins. 

À Mayotte, l’ire des magistrats a ainsi pu se porter sur le très défrayé Sieam, le syndicat des eaux et de l’assainissement de Mayotte – devenu Smeam – décrit dès le titre comme « un service public défaillant face à des enjeux majeurs ». Saisie par le préfet de Mayotte au motif que les budgets eau et assainissement n’avaient pas été adoptés en équilibre réel, la chambre s’est donc penchée sur les comptes du syndicat. Lesquels méritaient également un sérieux assainissement. Dans un premier avis rendu en juin 2019, la chambre a ainsi révélé un déséquilibre budgétaire maquillé par des « insincérités ». Croulant sous des déficits colossaux, le Sieam a donc été invité par les magistrats à fermer les vannes des dépenses pour ne se concentrer que sur l’indispensable. Fin juillet, la revoilà pour examiner la nouvelle délibération censée venir corriger le budget initial. Sans grande surprise, « les mesures de redressement sont apparues trop limitées », soulignaient les magistrats qui ont donc demandé au préfet de régler le budget et proposé un large plan de redressement des finances tablant sur un retour à l’équilibre en 2021. Nul doute que la chambre se penchera à nouveau sur le cas du syndicat. 

Aide social à l’enfance, Comité du tourisme… des rapports au vitriol 

Au tour du Département, cette même année 2019, d’en prendre pour son grade. Qui plus est sur une mission de la plus haute importance quand on connaît les problématiques liées à la jeunesse sur le territoire : l’aide sociale à l’enfance. Une prérogative « insuffisamment mise en œuvre en raison de moyens limités ne permettant pas d’apporter une réponse à l’ensemble des besoins de la population et aux obligations posées par le code de l’action sociale et des familles (CASF) », notent les magistrats dans un rapport au vitriol à l’attention de la collectivité. Laquelle « privilégie le traitement des situations d’urgence et agit en prenant des mesures palliatives ; des informations préoccupantes datant de 2014 étaient encore en instance de traitement lors du contrôle mené par la chambre ». Conséquence directe, des milliers de mineurs, faute d’être repérés, ne sont pas pris en charge. Dans sa synthèse du rapport, la chambre régionale des comptes apporte tout de même une petite note d’espoir, quoique douce-amère : « Les conditions d’exercice des missions s’améliorent depuis 2018. Si le Département a lancé de nombreux chantiers concernant l’ensemble des domaines relevant de la protection de l’enfance, il est peu probable qu’il puisse atteindre les standards de prise en charge nationaux dans le cadre du schéma départemental de l’enfance et de la famille (SDEF) 2017-2020. » 

Sévère aussi, le rapport concernant le Comité du tourisme, décrit par la chambre comme une véritable coquille vide, loin de remplir ses missions pourtant censées œuvrer au développement économique de l’île au lagon. Loin, également, de remplir ses obligations réglementaires, qu’il s’agisse du temps de travail ou des conditions de rémunération des personnels. Concernant ses missions stratégiques, le comité interrogé à la suite de la publication du rapport avait expliqué se sentir bien seul, mal épaulé par le conseil départemental. Un argument entendu par la chambre dans son rapport annuel, estimant que « le travail de promotion ne pourra toutefois réellement porter ses fruits sans une impulsion dynamique des partenaires institutionnels et un effort de mise en valeur des sites touristiques, lequel incombe à d’autres acteurs publics et privés que le seul comité départemental ». 

Du mieux du côté du CHM 

Pas tendre non plus, le rapport de 2019 concernant le centre de gestion de la fonction publique territoriale de Mayotte. Irrégularités dans l’organisation des concours, politique de rémunération, comptes pas fiables… Le centre est largement épinglé par les magistrats qui n’hésitent pas à jouer les censeurs. « Ces errements sont d’autant plus contestables qu’ils émanent d’un organisme supposé référent et expert en matière de ressources humaines », pointent-ils ainsi, rappelant au centre son « devoir d’exemplarité ». 

Incendiaire, encore, le rapport sur le Sdis 976. Le service départemental d’incendie et de secours s’est ainsi fait taper sur les doigts pour sa gestion des effectifs « largement perfectible ». Pêle-mêle, on apprenait ainsi dans ce rapport que « l’absentéisme représente un coût annuel estimé à 1,7 million d’euros », que « l’organisation des gardes génère des sureffectifs de nuit équivalents à 63 agents à temps plein pour un montant annuel estimé à 2,6 millions d’euros », que « dix-sept sapeurs-pompiers mis à disposition de la société d’exploitation de l’aéroport de Mayotte ont bénéficié d’indemnités et d’heures supplémentaires dans des conditions irrégulières » ou encore que le conseil d’administration devrait encadrer la mise à disposition des logements et des véhicules pour les cadres. De quoi mettre de l’huile sur le feu quand on connaît les relations houleuses qui animent le Sdis. 

Du mieux, enfin, du côté du CHM qui, même s’il bénéficie de marges de progression concernant « le pilotage financier avec la fiabilisation des trajectoires financières, la gestion des ressources humaines et la logistique », fait figure de bon élève dans ce rapport annuel. « Dans un contexte difficile, le CHM assume au mieux la mission de santé qui lui est impartie dans le département le plus pauvre de France », écrit la chambre régionale des comptes. De quoi mettre un peu de baume au cœur dans cet inventaire, plutôt sombre, mais qui n’oublie pas les embûches auxquels font face les différents acteurs du territoire. Et de quoi « contribuer ainsi à l’amélioration de la qualité et de la transparence de la gestion publique locale » ? Éléments de réponse l’année prochaine.

Dans les coulisses d’un tournage 100% made in Mayotte

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C’est un travail de longue haleine qui verra le jour au mois d’octobre. Seconde Zone, une série policière tournée à Mayotte et qui est fortement inspirée de la culture mahoraise risque d’en intriguer plus d’un. Le téléspectateur sera entraîné dans une atmosphère fantastique très proche de la réalité. 

Un crime, du suspens, des conflits familiaux, le tout mélangé avec une bonne dose de magie vaudou. Voici la recette de la nouvelle série policière et fantastique Seconde Zone, entièrement tournée à Mayotte. L’intrigue se déroule sur une île fictive volcanique appelée Djézéré située dans l’océan Indien, inspirée de Mayotte, La Réunion ou encore Haïti. L’histoire met en scène le quotidien de Kala, jeune femme flic de retour de métropole après plusieurs années. Elle va faire équipe avec Sirius, un policier qui fonctionne encore à l’ancienne et qui a trop souvent été corrompu. La découverte macabre d’un corps va remuer de lourds secrets et perturber la vie de tous en réveillant les démons du passé. L’île est déchirée par les ambitions, les intérêts économiques, le pouvoir politique tandis que les cadavres s’accumulent et que les phénomènes inexpliqués se multiplient. En effet, la série est également inspirée en grande partie par le vaudou haïtien, les zombies, et les sorts jetés. “Le but était de faire une série policière avec des éléments de mystère et du fantastique en incluant à la fois la culture locale et la culture qu’on peut retrouver au Bénin ou en Haïti”, explique Cyril Vandendriessche, réalisateur de la série. 

Le pilote de la série sera diffusé en octobre à condition de récolter les fonds nécessaires pour financer la post-production et la distribution. “Ce n’est pas une grosse production mais on a essayé d’y argumenter la qualité d’une grosse production”, précise le réalisateur. La production a besoin de 8.500 euros pour mener à bien le projet. Une cagnotte est lancée sur la plate-forme Ulule afin que tous ceux qui le souhaitent puissent contribuer. Passer par cette plate-forme permet aussi de récompenser les contributeurs qui recevront un prix à la hauteur de leur investissement. L’avenir de la série dépend surtout du succès de ce pilote. Les autres épisodes ne seront tournés et diffusés si le premier est bien accueilli par le public. 

Les difficultés de tourner à Mayotte 

Ce projet est né de la conjugaison de plusieurs moments d’écriture sur une dizaine d’années, par Antoine Boché, et Cyril Vandendriessche depuis maintenant 3 ans. Lors de la concrétisation, ils ont été confrontés au manque criant d’investissements dans le septième art chez nous. La première difficulté a été de trouver les professionnels compétents pour une production de qualité. Les deux hommes ont fait venir trois techniciens de la métropole et de La Réunion. Ces derniers ont également dû ramener le matériel nécessaire puisque là encore Mayotte ne dispose pas des ressources adéquates. “Ici c’est très compliqué parce qu’il n’y a pas de boîte de location pour le matériel. On ne peut pas non plus juste aller au magasin et acheter”, regrette le réalisateur de la série. 

Malgré toutes ces péripéties, la mission la plus complexe a été le casting des acteurs. Il aura fallu un an et demi à l’équipe pour trouver les perles rares. Le premier rôle, Kala, est incarné par Sitti-Thourayat-Daoud, qui vient tout droit des Comores. Les autres acteurs viennent des quatre coins de Mayotte. “À Mayotte, on ne trouve pas des acteurs aussi facilement. Nous avons auditionné toutes les troupes de théâtre de l’île, nous sommes allés dans tous les lycées et collèges, et nous avons aussi fait du casting sauvage c’est-à-dire que l’on arrêtait chaque personne dans la rue qui pouvait correspondre à un personnage”, explique Cyril Vandendriessche. La stratégie sera-t-elle payante ? Chacun pourra se faire sa propre opinion lorsque le premier épisode d’une heure et demie sera diffusé au cinéma de Chirongui. En attendant, les teasers diffusés sur les réseaux sociaux rencontrent le succès espéré. 

 

Pour participer à la cagnotte cliquer sur le lien suivant : https:/fr.ulule.com/seconde-zone/ 

Pour regarder les teasers cliquer sur le lien suivant : https://www.facebook.com/echtrafilms/videos/1029690194153458/

Chronique judiciaire : Du réseau de passeurs au business de l’immigration clandestine à Mayotte

Entre 2014 et 2017, une équipe de passeurs à Mayotte a mis en place un business pour acheminer des clandestins des Comores à l’îlot Mtsamboro, puis de l’îlot aux côtes mahoraises. Et les passagers apprenaient au dernier moment qu’ils devaient payer les deux traversées….

Il avance les mains dans les poches de son grand pantalon de costume noir trop large, ses lunettes de soleil teintées de rose vissées sur le haut de son crâne. Avec sa chemise blanche assortie à ses escarpins, on pourrait presque croire que l’homme s’est mis sur son 31 pour adoucir les juges. Mais la dégaine, nonchalante, le trahit. “En garde à vue, vous avez déclaré toucher 1.500 euros par mois grâce à vos activités, que déclarez-vous aujourd’hui ?”, l’interroge la magistrate. L’homme baragouine un peu, hausse les épaules et se tapote la tête d’un air de dire : “je sais pas”. L’interprète traduit. Au suivant.

Toute la matinée, c’est peu ou prou le même sketch qui se joue, ce mercredi, au Tribunal judiciaire de Mamoudzou. Les cinq prévenus, appelés tour à tour à la barre, bottent en touche, évitent les questions, se contredisent, tandis que la juge tente de déterminer le rôle des uns et des autres dans cette nouvelle affaire de passeurs. Mais ceux-là jouent dans la cour des grands. Leur ‘‘petit’’ business, actif de 2014 à 2017, aura permis le transport de quelque 1.200 clandestins depuis les Comores voisines à Handrema, au nord de Mayotte, pour un butin total de 240.000 euros. Pas mal pour un job d’appoint. L’un des prévenus, supposé être le cerveau de la bande, aurait même touché 8.000 euros certains mois, une somme toutefois contredite par la défense.

Un stratagème lucratif

Pour faire tourner leur petite affaire, l’équipe avait mis en place une mécanique bien huilée. En lien avec des passeurs d’Anjouan, ils acheminaient depuis les Comores des clandestins jusqu’à Mayotte. Enfin… pas exactement. La première barque, payée par les migrants ou leurs proches aux passeurs anjouanais s’échouait sur les plages de l’îlot Mtsamboro. Les passagers, déjà éprouvés par la rudesse de la traversée, n’étaient alors pas au bout de leur peine, puisqu’ils devaient embarquer dans un second bateau, direction la pointe Handrema. Là, ils étaient retenus par les prévenus, qui ne les libéraient qu’après d’âpres négociations pour obtenir le paiement de leur traversée. Un stratagème plutôt lucratif, mais qui leur vaut aujourd’hui d’être également accusés d’enlèvement et séquestration, en plus de l’aide à l’entrée et au séjour de personnes en situation irrégulière…

C’est un habitant de Mayotte, qui, devant la rançon demandée pour récupérer son frère et sa mère, dénonce le réseau aux forces de l’ordre. Et la mise sur écoute de l’un des passeurs, couplée à une surveillance assidue, révèlent alors l’étendue des faits. Dans les échanges téléphoniques, les passagers clandestins deviennent des “colis”, les kwassas des “voitures”, et un lexique coloré de fruits tropicaux finit de compléter le tableau. Autant d’éléments qui prouvent, selon le ministère public, “la connaissance et un mépris de la législation française motivé par l’appât du gain” et l’existence d’un critère de bande organisée.

Mayotte, “cimetière marin”

“Ce qui est difficile, d’habitude, dans ce genre d’affaire, c’est que l’on ne retrouve souvent que des petites mains. Or, ce dossier-là est impressionnant, car l’on s’attaque à un réseau constitué. Les prévenus l’ont mis en place pour pouvoir vivre de manière pérenne et très lucrative d’un commerce morbide”, a-t-il avancé. Il faut dire que l’affaire aurait pu se résumer à ces quelques sommes – certes faramineuses -, et ce caractère organisé, si ce n’était pour le naufrage d’un des kwassas. Ce jour de novembre 2017, trois personnes perdent la vie, dont deux enfants, et trois sont portées disparues. Le sixième prévenu, qui est visé par un mandat d’arrêt et ne s’est pas présenté à l’audience, est donc aussi accusé d’homicide involontaire. “Les fonds de l’eau à Mayotte sont transformés en cité mortuaire, en cimetière marin, à cause de ces individus qui non seulement ne respectent pas la loi mais qui exploitent la misère humaine”, a encore attaqué le substitut du procureur, en demandant une sévérité de la peine proportionnelle à la gravité des faits : quatre ans de prison pour les quatre premiers prévenus ainsi qu’une interdiction du territoire français pour cinq ans, et six ans d’emprisonnement pour le chef de la bande.

Le juteux business de l’immigration

Bien entendu, les avocats de la défense ne l’entendent pas de cette oreille. Leur principal argument ? La géographie. “Est-ce que l’îlot Mtsamboro est une entité comorienne ? À écouter le ministère public, on dirait presque que l’on remettrait en question l’appartenance de cet îlot à la France”, lance Maître Ibrahim. D’après lui, il n’y a guère de différence entre les faits rapportés aujourd’hui, et les autres arrivées de kwassas sur les plages du sud de l’île. “Ces gens-là sont aussi ramenés dans les différents villages de Mayotte et on ne qualifie pas cela d’aide au séjour et à l’entrée irrégulière”, déroule l’avocat. Les prévenus avaient un business ? Les taxis aussi, expose-t-il en substance. Et même la préfecture avec les titres de séjour ; ou encore les associations “largement subventionnées”, rajoute Maître Andjilani, lui aussi conseil de certains des prévenus. “Je veux bien qu’on discute de ce business lucratif. Si ce n’était pas un business pour tout le monde, on aurait arrêté l’immigration”, tacle encore Maître Ibrahim. Bien tenté, mais sa défense ne suffira pas à adoucir le jugement, plus sévère même que les réquisitions du parquet. Le chef de bande et le pilote absent à son audience écopent de six ans, et les autres prévenus de quatre ans d’emprisonnement avec mandat de dépôt de trois ans. Une peine assortie pour tous de l’interdiction de territoire français pendant cinq ans.

J. Kerdoncuf : « Je ne vois pas en quoi il serait pire d’être intégré au CRA que de faire 12 heures en kwassa »

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Alors que plusieurs cas de coronavirus ont été détectés chez des personnes intégrées au centre de rétention administrative, Julien kerdoncuf, sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, répond aux inquiétudes qu’a suscité la nouvelle. Et assure que « des protections sanitaires maximales », sont mises en place au sein d’un CRA qu’il espère prochainement redevenir point de départ des reconduites.

Flash Infos : Considérez-vous que toutes les mesures sont prises pour éviter une propagation du coronavirus au sein du centre de rétention administrative ?

Julien Kerdoncuf : Premièrement, et ce n’est pas nouveau, nous avons à Mayotte le seul centre de rétention en France à organiser un examen médical préalable à la rétention pour les personnes qui arrivent par voie maritime. Dans ce cadre, le protocole permet de savoir si l’état de santé de la personne interpellée est compatible ou non avec la rétention. Actuellement, cela permet également de déterminer si ces personnes ont des symptômes évocateurs du Covid, auquel cas elles ne sont pas placées en rétention. Deuxièmement, le CRA de Mayotte est doté d’une infirmerie particulièrement robuste pour laquelle une convention prévoit d’allonger ses horaires afin qu’elle soit ouverte 24h/24.

Par ailleurs, les personnes qui sont placées au centre sont désormais systématiquement testées. Il est vrai que parmi elles, nous avons diagnostiqué plusieurs personnes positives au coronavirus. Il s’agit d’une mère de famille accompagnée de ses quatre enfants qui ont été placés au centre d’hébergement de Tsararano lorsque les résultats sont tombés. Plus récemment, six autres cas positifs ont été testés et ont suivi le même chemin. Alors, quand on dit qu’il y a des cas de Covid en rétention, ce n’est pas le cas dès lors que le diagnostic est posé, on persuade les malades d’intégrer le centre de Tsararano le temps de leur guérison.

De plus, 5.000 masques ont été remis au CRA il y a plusieurs semaines, accompagné de gel hydroalcoolique ou encore de tenues de protection. Une formation aux gestes barrière a également été menée auprès des forces de l’ordre au tout début de l’épidémie et une autre au personnel du centre il y a une semaine. Enfin, nous avons revu l’organisation du CRA pour respecter ces mêmes gestes barrière. Concrètement, nous séparons les zones en fonction des arrivées de kwassa – seules ces personnes étant intégrées dans le centre actuellement – afin de ne pas mélanger les groupes et d’éviter de croiser les flux de personnes tant que les résultats des tests ne sont pas connus. Dernier point, les repas sont servis dans les zones et non plus au réfectoire.

L’effort est donc considérable et si, effectivement, le virus circule encore sur le territoire, tout est fait pour que le centre ne connaisse pas de vague épidémique comme on a pu le constater dans d’autres administrations par exemple.

FI : Différentes mesures que vous citez, en premier lieu le dépistage systématique, sont pourtant très récentes alors que le centre a rouvert il y a plus d’un mois. Par ailleurs, les personnes sont tout de même intégrées le temps que les résultats de leurs tests soient connus, ce qui laisse le temps à une éventuelle propagation du virus…

J. K. : C’est vrai, les tests n’ont pas été mis en place immédiatement, il y a eu plusieurs semaines de battement. Mais je rappelle que la doctrine nationale sur le sujet est de ne tester que les personnes symptomatiques. Et dans la mesure où nous procédons à un examen médical préalable à la rétention, on peut considérer que cette évaluation est déjà faite. Dès lors, on voit que l’on va, avec ce test, plus loin que la doctrine nationale.

En ce qui concerne les tests, les résultats arrivent dans les 48 heures et les groupes de kwassa ne sont, je le répète, pas mélangés et la distanciation physique est possible au vu de la taille des différentes zones du CRA. Dans ce cadre, je ne vois pas en quoi il serait pire d’être intégré au centre que de faire 12 heures de traversée dans un kwassa.

FI : Que se passerait-il si le nombre de zones venait à être inférieur au nombre de kwassas interpellés ?

J. K. : Cela ne s’est pour l’heure jamais produit. En ce qui concerne les personnes positives au coronavirus, elles sont incitées à rejoindre le centre de Tsararano et en ce qui concerne les autres, elles sont libérées au bout d’un certain temps puisque les reconduites ne peuvent malheureusement pas être effectuées. Cela libère donc de la place dans les zones que nous décontaminons après chaque passage.

FI : Pour autant, le personnel du CRA et des syndicats de police s’inquiètent de cette situation, ces derniers allant jusqu’à pointer un manque d’information de la part des autorités… Comprenez-vous cette inquiétude ?

J. K. : Mon rôle n’est pas d’alerter les syndicats de police mais les policiers qui sont sur le terrain au plus proche des dangers sanitaires. Lorsque le premier cas de Covid a été diagnostiqué, nous avons tout de suite convoqué le personnel afin de les en informer et de leur demander de renforcer leurs précautions. En ce qui concerne l’inquiétude, elle est tout à fait légitime mais relève du ressenti. Tout le monde a peur d’attraper le Covid et c’est bien normal. Mais en fournissant tous les efforts que j’ai évoqués, n’y a-t-il finalement pas moins de risque au centre qu’en allant faire ses courses ? Je comprends donc l’inquiétude et nous sommes là pour rassurer le personnel mais en parallèle de ça, il y a toutes les mesures qui forment une protection optimale contre la propagation du virus.

FI : Pour vous, il n’y a donc pas de risque à intégrer dans un même centre, par nature fermé et pendant 48h, des personnes dont on ne connaît pas l’état de santé pour, in fine, les libérer ?

J . K. : La question qu’il faut se poser est : quelle est l’alternative ? Est-ce qu’il n’est pas finalement plus sûr d’intégrer ces personnes dans un centre qui respecte toutes les précautions et qui permet d’effectuer des tests sur les personnes qui arrivent et, le cas échéant, les inviter à se protéger en intégrant le centre de Tsararano que de laisser tout le monde dans la nature dans l’ignorance de leur état de santé ? Pour moi, la réponse est assez claire.

FI : Vous adoptez un discours sanitaire quand d’autres voient dans la réouverture du CRA sans reconduites un geste essentiellement politique…

J. K. : Les reconduites ne sont effectivement pas possible pour l’heure mais si nous faisons cela, c’est que nous avons la certitude de pouvoir les reprendre dans des délais raisonnables. Le ministère des Affaires étrangères et l’Élysée sont tellement mobilisés dans la reprise des reconduites vers les Comores et Madagascar que tout laisse à penser qu’elles puissent effectivement reprendre dans les jours ou les semaines prochaines. Le juge des libertés et de la détention estime que ce n’est pas le cas dans la plupart des dossiers qui lui sont soumis mais il ne m’appartient pas de commenter ses décisions. De notre côté, notre travail est d’obtenir le plus rapidement l’accord des autorités comoriennes pour reprendre les éloignements. Nous nous activons tous très forts en ce sens en coulisse et si effectivement nous n’avons pas de date pour l’heure, tous les efforts sont faits.

FI : Les dépistages resteraient-ils systématiques ? Une personne testée positive pourrait-elle être reconduite ?

J. K : Je vais être très clair : nous n’éloignerons pas les personnes testées positives.

Drame à Hamjago : La crainte de représailles inquiète les habitants

Après un regain de violences le week-end dernier, un nouvel affrontement entre bandes rivales s’est tenu, mardi en pleine journée, à Hamjago. Un événement qui aurait, selon les habitants, provoqué la crise cardiaque d’une commerçante, décédée en tentant de sauver un jeune en train de se faire agresser. Un scénario différent de celui relaté par les forces de l’ordre, mais qui laisse toutefois craindre une possible riposte.

« On sait que ça ne va pas s’arrêter là », lâche, encore traumatisée, Faoulati. « En tant que mère de famille, je suis très angoissée pour ma sécurité et celle de mes enfants. » Quelques heures plus tôt, une autre mère de famille, elle aussi habitant dans le village d’Hamjago, perdait la vie. Il est midi, mardi, lorsque, venus de M’tsamboro, plusieurs dizaines de jeunes – une cinquantaine, selon les témoignages du voisinage – font irruption dans la commune, prêts à en découvre avec une bande rivale, chombo, parpaings et barres de fer au poing.

Sur les réseaux sociaux, un récit dramatique prend rapidement de l’ampleur. Selon plusieurs habitants, les adolescents, arrivés à hauteur de la rue Tchad, s’en seraient pris à un jeune du quartier, près d’un petit commerce. Aux premières loges du déferlement de violences qui éclate alors, la gérante de la boutique aurait tenté de s’interposer. Mais la peur, le stress et l’adrénaline auraient déclenché l’arrêt cardiaque de la femme âgée d’une cinquantaine d’années, qui décédera quelques minutes plus tard. Si cette personne est bel et bien morte d’un arrêt cardiaque, celui-ci serait toutefois survenu, selon la gendarmerie locale, plus de deux heures après les faits. Surpris du jeune âge de la victime, le médecin-légiste a alors prononcé un obstacle médico-légal. Mais face à l’hostilité de la famille et de la foule voyant l’ambulance venue chercher le corps, les examens prévus ont finalement été abandonnés.

Pourtant, alors que les appels signalant les premiers affrontements avaient fait saturer le standard du 17, une douzaine de gendarmes s’étaient une première fois rendus sur place quinze minutes après l’irruption de la bande dans le village. Trop tard, tous les assaillants ayant déjà pris la fuite. « Une fois arrivé, il n’y avait plus personne. Alors nous avons entamé des recherches entre les deux villages, mais ils avaient tous disparus dans la nature. » Dans le même temps, le Samu intervient à Hamjago, où deux jeunes, grièvement blessés par la bande de M’tsamboro avant qu’elle ne prenne la fuite, doivent être évacués sur le champ. Impuissante, Faoulati ne rate pas une seconde de la scène qui se joue, à quelques pas du domicile familial. « Les jeunes d’Hamjago ne vont pas en rester là, c’est certain », craint-elle. « Cette rivalité existe depuis plus de 30 ans… »

Si, comme à chaque fois, les auteurs de violence n’ont pu être interpellés, le secrétaire départemental du syndicat Alliance police nationale, Bacar Attoumani, suggérait, plus tôt dans la semaine et après que trois policiers aient été blessés lors d’affrontements avec des bandes de jeunes, de réitérer l’intervention du GIGN afin d’identifier, sur le terrain, les meneurs des caillassages, en les photographiant en pleine action et avant qu’ils ne prennent la fuite. Un dispositif qui avait été déployé en décembre dernier et qui avait permis de juger plusieurs agresseurs et coupeurs de route. Mais pour la gendarmerie, l’antenne normalement attelée à cette tâche est actuellement exclusivement mobilisée sur l’identification d’autres personnes impliquées dans des faits « plus graves », comme des vols à mains armés dans plusieurs commerces. En attendant, les habitants d’Hamjago ont décidé d’organiser un grand rassemblement ce jeudi à 16 heures, sur le plateau de M’tsamboro.

 

À Mamoudzou et Tsararano aussi

Alors que les policiers de Mamoudzou auraient reçu l’ordre de ne plus intervenir entre M’tsapéré et Doujani, dans l’espoir que les affrontements s’apaisent, de nouveaux affrontements ont eu lieu mardi soir dans le chef-lieu. Puis, mercredi matin à Tsararano, plusieurs élèves de Dembéni venus au lycée pour se réinscrire en vue de la prochaine rentrée scolaire, ont été pris à partie par « plusieurs jeunes non scolarisés qui les attendaient dehors », selon la gendarmerie. L’un d’entre eux aurait ainsi frappé un lycéen avec un sac banane rempli de sable et de gravas. Le jeune homme aurait tenté de se défendre avec une paire de ciseaux, mais ne réussira, finalement qu’à déchirer un bout du t-shirt de son agresseur. Les deux « victimes-agresseurs », âgés de 16 ans environ, ont été pris en charge médicalement et seront prochainement entendus par les forces de l’ordre.

Pauvreté : La dichotomie mahoraise

Le chiffre est l’un des plus parlants pour décrire la situation de Mayotte. Régulièrement employé, il va désormais changer. La part de la population vivant sous le seuil de pauvreté national passe en effet de 84% à 77%. Une baisse qui ne doit pas masquer une autre réalité : les inégalités de vie se sont creusées.

Hier, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) présentait les résultats de son enquête nationale Budget de famille, menée entre octobre 2017 et octobre 2018. Mayotte n’échappait pas à cette dernière, menée depuis 1979 en France et 1995 chez nous. C’est donc une nouvelle photographie budgétaire du territoire qui a été dévoilée, mettant à jouer les données jusqu’ici employées, datées de la précédente enquête du genre en 2011. Revue de détails.

Un taux de pauvreté qui diminue

Il faudra désormais parler de 77% – et non plus 84% comme jusqu’à présent – de la population vivant sous le seuil de pauvreté national (1.010 euros, soit 60% du revenu médian qui sépare la population en deux parts égales). Une part certes en baisse, mais qui demeure de loin la plus élevée de France, puisqu’elle est de 14% en métropole et de 53% en Guyane, autre département ultramarin pourtant souvent comparé – vraisemblablement de façon un peu trop hâtive – à Mayotte. Autant dire que le 101ème département garde largement son triste record et son statut de territoire le plus pauvre de France.

Toutefois, perception de la pauvreté divergente en fonction des territoires, l’Insee établit également un revenu médian local. Ainsi, la moitié de la population vit avec moins de 260 euros par mois. Un niveau de vie médian six fois plus faible qu’en métropole et trois fois plus faible qu’en Guyane. Et alors que celui-ci était en hausse entre 2007 et 2011, il était en retrait de 40 euros en 2018. En cause : les flux migratoires de populations pauvres entrant sur le territoire, mais aussi le départ de natifs de Mayotte, plus aisés, vers la métropole ou La Réunion.

Un écart qui se creuse

À partir de ce niveau de vie médian local, on peut déterminer une sorte de sous-seuil de pauvreté de 160 euros par mois, séparant les « bas-revenus » au-dessus (mais en dessous du seuil de pauvreté national), et les « très bas revenus » en dessous. Et c’est 42% des habitants de l’île qui vivent dans cette dernière catégorie, soit 109.000 personnes. Un part qui gagne 27.000 personnes depuis 2011. En métropole, cela représente moins de 1% de la population, et seulement 6% en Guyane. En revanche, la part des ménages à « bas revenus » baisse de huit points. Pour récapituler : la part des non-pauvres – c’est-à-dire vivant au-dessus du seuil de pauvreté national – augmente, tout comme les ménages à « très bas revenus ». En somme, les écarts de niveau de vie se creusent. Les chiffres le disent très clairement : en 2018, les 10 % les plus aisés des habitants de Mayotte ont un niveau de vie plancher – comprendre les moins aisés de cette catégorie – 6,8 fois supérieur au niveau de vie médian mahorais, contre 4 fois supérieur seulement en 2011. Pas d’emballement toutefois, il ne s’agit pas forcément de niveaux de vie mirobolants, celui-ci correspondant à peu près à un revenu de 1.800 euros par mois, soit le niveau de vie médian métropolitain.

Une pauvreté qui concerne tout le monde

Parmi les profils de la pauvreté à Mayotte, on trouve les natifs de l’étranger. Ainsi, 94 % des ménages dont la personne de référence est née à l’étranger sont pauvres. Pour autant, les natifs du territoire ne sont pas épargnés. Pour les ménages natifs de Mayotte ou d’un autre DOM, le taux de pauvreté s’établit en effet à 59 % tout de même.

Autre constat : si les ménages dont la personne de référence est chômeur ou inactif sont quasiment tous pauvres, avoir un emploi ne protège pas forcément de la pauvreté : 58 % des ménages dont la personne de référence occupe un emploi sont en effet, eux aussi pauvres.

Par ailleurs, sans surprise, l’absence de diplôme et le fait d’être une famille monoparentale sont aussi des facteurs propices à la pauvreté.

Prestations sociales : fin d’une idée reçue

Non, les prestations sociales à Mayotte ne suffisent pas à réduire la pauvreté. Leur influence sur cette problématique est d’ailleurs marginale. Elles ne représentent en effet que 17% du revenu moyen des ménages pauvres du Mayotte, ne font baisser le taux de pauvreté que de seulement deux points, et ne sont de toute façon pas accessibles à la population étrangère régularisée depuis moins de 15 ans, et a fortiori non régularisée. Par ailleurs, au-delà des questions migratoires, seules 16.000 personnes bénéficient du RSA à Mayotte. Les pensions de retraites ne sont, elles aussi, perçues que par une très faible part de la population.

Une consommation qui stagne

Autre secteur étudié par l’enquête : la consommation des ménages. Premier constat : elle stagne entre 2011 et 2018. En moyenne, un ménage mahorais consomme donc 1.190 euros par mois, une consommation moitié moindre qu’en métropole et inférieure d’un tiers à celle des autres départements ultramarins. Évidemment, cette donnée masque de forts contrastes. Les ménages à « très bas revenus » consomment ainsi quatre fois moins que les ménages « non pauvres » – un écart qui s’accentue logiquement à la lumière des analyses précédentes – et ceux à « bas revenus » consomment, eux, 2,5 fois moins que ces mêmes ménages.

Parmi les postes de dépenses, l’alimentation occupe la première place puisqu’elle représente 24% du budget. Autre donnée liée à l’alimentation, et relativement stable quel que soit le niveau de vie des ménages : 30% d’entre eux recourent à l’autoconsommation.

Derrière l’alimentation, ce sont les transports qui pèsent le plus, avec d’ailleurs une hausse de trois points (18%) du budget des ménages. Logement ensuite à hauteur de 15% du budget, surtout vrai pour les locataires puisque ce sont les loyers et les dépenses en eau et électricité qui sont ici comptabilisés, et non le remboursement des prêts immobiliers. Le poids des dépenses liées au logement dans le budget est le seul point comparable avec la métropole. Viennent ensuite l’habillement à hauteur de 10% – très élevé quel que soit le niveau de vie, une spécificité locale –, ainsi que les dépenses d’assurances et les services financiers, qui progressent depuis 2011.

Enfin, un point intéressant à soulever : s’ils disposaient de 10 % de ressources supplémentaires, 25% des ménages l’utiliseraient prioritairement pour la culture et l’éducation de leurs enfants.

Conflit social à Mayotte : Rien ne va plus entre les pompiers et leur directio

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Les conflits s’enchaînent entre le syndicat des pompiers de Mayotte, SNSPP-PATS 976 et la direction du SDIS. Menace d’une grève illimitée, accusation de discrimination raciale, la tension est palpable entre les deux partis.

On pourrait croire que tout a commencé le jour où la caserne de pompiers de Kahani a été vandalisée au mois de mai. Ce jour-là, les pompiers en colère avaient mis en cause leur direction qui aurait laissé à l’abandon le site sans aucune sécurité. En réalité, ce conflit remonte à plusieurs années. “Depuis 2012, on nous a promis de vraies rénovations mais ça n’a pas été fait. On continue sur du provisoire. Le mobilier est devenu très vétuste, il tombe tout seul. Il y a des trous partout, les rats et les poules s’en donnent à cœur joie, c’est devenu invivable”, dénonce Abdoul Karim Ahmed Allaoui, président du syndicat SNSPP-PATS 976. L’agression du 10 mai a été la goutte de trop, puisque les malfaiteurs sont entrés par le portail qui ne se fermait plus depuis des mois. Des discussions ont été enclenchées entre les représentants du personnel et la direction du SDIS, mais le 30 juin, le SNSPP-PATS 976 a déposé un préavis de grève car selon son président “il n’y a que des promesses et rien de concret”. Une version contestée par le colonel Fabrice Terrien, directeur du SDIS, qui indique que de tels propos visent à tromper les gens. Une solution provisoire a été apportée au portail, il bénéficie désormais d’une “fermeture fiable” selon lui. Le portail en question est désormais fermé grâce à une grosse chaîne et un cadenas robuste. “Nous sommes conscients que ce n’est pas suffisant, mais pour le long terme nous avons programmé un projet pour reconfigurer totalement le site de Kahani. La caserne sera remise à neuf d’ici deux ans”, affirme le directeur du SDIS. Ce projet n’est pourtant pas au goût du syndicat SNSPP-PATS 976 qui est à l’origine du préavis de grève et qui aurait boycotté les réunions. “Il y avait une réunion le 19 juin, ils ne sont pas venus. Nous avons convoqué à nouveau tout le monde le 25 juin. Nous avons présenté le rapport, il a été validé à l’unanimité par tous les partis, y compris ceux qui appellent à la grève, et le 30 juin nous avons reçu un préavis de grève qu’on ne comprend pas”, déclare le colonel Fabrice Terrien. Il avoue également être dans l’embarras parce que le processus est lancé et l’appel d’offres sera mis sur le marché sous peu. Les pompiers veulent de nouvelles négociations, au cas contraire, ils entreront en grève illimitée à partir du 8 juillet.

Discrimination ou manque d’initiative ?

La caserne de Kahani n’est pas la seule source de conflit entre le SNSPP-PATS 976 et l’administration du SDIS. Le syndicat accuse également la direction de faire une différence raciale entre trois sapeurs-pompiers qui partent à la retraite. “La direction a choisi de faire une cérémonie pour les deux Métropolitains mais pas pour le Mahorais. Cela montre encore une fois à quel point notre direction méprise les pompiers mahorais. Elle cherche à nous diviser parce que lorsqu’il s’agit des Mahorais, notre hiérarchie est insensible mais quand ce sont les autres elle s’active”, accuse Abdoul Karim Ahmed Allaoui. Le président du syndicat y voit là une provocation et une insulte envers les sapeurs-pompiers d’origine mahoraise. La direction se dit indignée par la tournure que prend le débat. Selon le directeur du SDIS, si une cérémonie n’a pas été organisée pour le Mahorais qui part à la retraite, c’est tout simplement car la demande n’a pas été faite. “C’est déplacé de parler de conflits ethniques. La prise d’initiative revient au chef de caserne ou chef de service. Celui des deux collègues métropolitains qui partent à la retraite nous a notifié sa volonté d’organiser une cérémonie, chose qui n’a pas été faite par le chef de caserne du retraité mahorais. Nous ignorons les raisons mais s’il l’avait fait nous l’aurions aussi accompagné”, souligne le colonel Fabrice Terrien. Ce dernier rappelle qu’il est encore temps d’organiser une cérémonie pour le troisième retraité à condition que son supérieur en fasse la demande.

Covid-19 : l’indignation face aux essais thérapeutiques à Mayotte et en Guyane

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L’infectiologue Karine Lacombe a annoncé sur la chaîne LCP, l’ouverture de centres d’essais thérapeutiques à Mayotte et en Guyane pour lutter contre la Covid-19. La nouvelle a enflammé la toile qui dénonce un nouveau mépris envers les Mahorais et les Guyanais.

Le 25 juin, le professeur Karine Lacombe, cheffe de service des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine (Paris), était auditionnée au parlement par la commission d’enquête Covid-19. Lors de cette audition, elle a annoncé l’ouverture de centres d’essais thérapeutiques à Mayotte et en Guyane. “Nous allons ouvrir un centre à Mayotte et un autre à Cayenne, en Guyane, où l’épidémie fait rage et où le pic ne sera vraisemblablement pas atteint avant la fin du mois de juillet. Il est donc indispensable d’apporter une solution thérapeutique.” Cette solution thérapeutique consiste à prélever du plasma sanguin chez des personnes guéries de la Covid-19 et de le transfuser chez des personnes malades. L’objectif est de savoir si le plasma collecté rempli d’anticorps est capable d’immuniser le malade et éviter une forme sévère de la maladie ainsi qu’un passage en réanimation. Les essais se feront sur la base du volontariat. En métropole, ce test a été lancé par l’établissement français du sang (EFS) en avril, en Île-de-France, dans le Grand Est et en Bourgogne-Franche-Comté. 200 donneurs ont été sollicités mais selon la directrice de l’Agence régionale de santé de la Guyane, ce n’est pas suffisant. “Dans l’Hexagone, les personnes malades (sollicitées) ne sont pas assez nombreuses pour que l’on puisse vraiment confirmer tout l’intérêt de cette nouvelle thérapeutique. Donc le fait qu’en Guyane, on ait beaucoup de malades va pouvoir faire progresser très fortement cette recherche vraiment très prometteuse”, a déclaré Clara de Bort à Guyane la 1ère. Cette dernière ajoute également que c’est une “chance” de pouvoir participer à cet essai. Chez nous, l’ARS ne souhaite en dire plus car il est encore trop prématuré. Elle précise cependant qu’“une demande a effectivement été faite pour lancer cette étude à Mayotte mais nous ne sommes qu’en phase de discussion pour voir s’il y a un réel intérêt ou pas. C’est un processus très long et si cela se fait, ça ne sera pas aujourd’hui ni demain”, déclare Manon Rabouin, chargée de communication à l’ARS de Mayotte. Selon elle, la Guyane a précipité la communication sur cet essai thérapeutique.

Une annonce qui scandalise les Mahorais et Guyanais

La nouvelle du Pr. Karine Lacombe a rapidement enflammé la toile chez nos compatriotes Guyanais. “Prendre des Guyanais pour des cobayes, il est hors de question !”, “Pourquoi ne pas le faire dans les clusters de l’Hexagone ?” “Pas un seul essai sur les habitants de notre pays (Guyane)”, peut-on lire sur les réseaux sociaux. Une pétition a été lancée par Jean-Victor Castor, guyanais et secrétaire général du Mouvement de décolonisation et d’émancipation sociale. Il ne croit pas en la théorie du volontariat. “Les deux territoires qui vont être utilisés comme cobayes sont Mayotte et la Guyane et on sait que sur ces deux territoires, il y a beaucoup de populations précaires qui pourront être influençables.” À Mayotte, pour l’heure aucune personnalité ni aucun élu n’a commenté la nouvelle. Cependant, les voix des internautes s’élèvent petit à petit. “Mayotte n’est pas un rat de laboratoire à ciel ouvert. Ils font cela parce que nous sommes les départements les plus pauvres et parce que nous sommes noirs. Nous devons nous révolter contre ce mépris et refuser que ces tests se fassent chez nous, qu’ils les fassent ailleurs. À Paris ou à Marseille par exemple où il y a beaucoup plus de cas. Où sont les élus ? Pourquoi personne ne réagit ?”, s’indigne Gaillard Junior, fervent défenseur de la cause mahoraise sur la page Front départemental mahorais. L’ARS de Mayotte entend la colère de certains et affirme qu’il n’y aura “aucune différence avec les essais déjà faits en métropole”. Cette affirmation calmera-t-elle les esprits ? Nous le serons probablement à partir du 2 juillet, date à laquelle le Pr. Karine Lacombe se rendra en Guyane.

Le coronavirus a fait son entrée au CRA de Mayotte

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Alors qu’associations et syndicats de police s’inquiétaient le mois dernier des conséquences sanitaires qu’impliquait la réouverture du centre de rétention administrative, les derniers ours viennent leur donner raison. Plusieurs cas de coronavirus y ont en effet été détectés, sans que les mesures nécessaires à contenir la propagation du Covid-19 ne soient prises.

De la rétention d’information au centre de rétention ? Le mot pourrait prêter à sourire. Mais Aldric Jamet n’est pas d’humeur. « On a eu l’info à l’arrache », s’emporte le représentant d’Alternative police sur le territoire. Le 24, les voyageurs à bord d’un kwassa en provenance des Comores sont interceptés puis placés dans le centre de rétention administrative. Dépistés dans la foulée, « au moins six, peut-être neuf » d’entre eux sont diagnostiqués porteur du coronavirus. Voilà « l’info » en question. Le problème, pour le policier, « c’est que nous l’avons appris hier d’une source extérieure, les officiers et la préfecture ne nous ont rien dit ». C’est donc sans aucune connaissance de leur état de santé que les porteurs du virus « ont été mis en contact avec tout le monde pendant plusieurs jours », pointe le syndicaliste selon qui « forcément, il y a eu propagation ».

« Il y a des moyens de protection, mais quand on doit gérer 60/70 personnes tous les jours avec toutes les allées-venues, c’est trop compliqué. Alors, si l’on ne connaît même pas l’état de santé des personnes retenues, c’est injouable », martèle celui qui s’inquiète pour ses collègues, certes, « mais aussi pour tout le monde ». « Si on ne découvre pas ça, cela veut dire que l’on va potentiellement relâcher 70 personnes positives dans la nature et qui vont contaminer le reste de la population. Tout le monde est en danger », alerte Aldric Jamet. Pour Alternative police Mayotte, qui a saisi l’Agence régionale de santé sur la question, la solution est pourtant simple. « Ce qui était à prévoir est arrivé alors nous demandons soit que le CRA soit limité à un rythme de quatorzaines, soit qu’il soit tout simplement fermé tant que les expulsions ne pourront pas reprendre », explique-t-il à l’attention du préfet de Mayotte, car « c’est lui qui a décidé de le rouvrir, à lui désormais de le fermer. Après… C’est vrai qu’on aimerait bien que nos officiers prennent un peu leur part », lâche-t-il.

Un protocole sanitaire tardif et « insuffisant »

Selon nos informations, un dépistage est systématiquement organisé – dans les 24 heures – lors de l’intégration des personnes au sein du centre de rétention. Problème, ce dispositif sanitaire opéré par les équipes du CHM ne s’est mis en place que le 25 juin, soit plus d’un mois après la réouverture du CRA, le 15 mai. 200 personnes auraient circulé dans les lieux entre-temps. Pour des sources internes au CRA, le protocole mis en œuvre depuis est toujours loin d’être suffisant. « Dans l’attente des résultats, on laisse tout de même jusqu’à trois jours des personnes dans une même zone, le virus a donc largement le temps de se transmettre sachant que les retenus utilisent les mêmes sanitaires etc. », dévoile l’une de ces sources.

 

Ce n’est donc qu’une fois que le test revient effectivement positif que les personnes porteuses du virus sont écartées « En principe, elles sont envoyées dans le centre d’hébergement de Tsararano, mais c’est assez opaque », poursuit cette source, affirmant que tous, « policiers et autres, ne comprennent pas pourquoi on laisse les choses comme ça ». « C’est purement politique, pour dire que le CRA est ouvert mais c’est faire prendre des risques à tout le monde, à l’intérieur comme à l’extérieur du centre puisqu’après cinq jours de rétention, le juge des libertés et de la détention est bien obligé d’ordonner la remise en liberté des personnes intégrées car ne peut pas les expulser », se désole-t-on au sein du centre. Lequel, en termes de propagation du virus, semble faire tout sauf de la rétention.

*Contactée, la préfecture n’a pas donné suite à nos sollicitations

Rachat de Vindemia par GBH : la grande distribution de Mayotte face à la menace d’une concentration inédite

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Réunion au sommet ce lundi, entre les différents acteurs économiques et politiques du 101ème département, alors que le rachat de Vindemia, filiale de Casino, par GBH, qui détient 11 magasins Carrefour, doit avoir lieu le 1er juillet. Pour l’instant, ni l’Autorité de la Concurrence, ni le Conseil d’État ne se sont prononcés contre l’opération. Mais après La Réunion, c’est au tour des acteurs mahorais de s’inquiéter de ses conséquences pour la vie économique locale.

C’est un nouvel épisode dans le feuilleton du rachat de Vindemia par GBH. Ce lundi, les acteurs économiques – syndicats patronaux et salariés, président de la CCI, figures politiques de l’île – se sont réunis à huis clos pour répondre à l’appel de la préfecture et de l’Observatoire des Prix, des Marges et des Revenus (OMPR) de Mayotte. À l’ordre du jour : la présentation d’un rapport du cabinet Bolonyocte Consulting, qui aura déjà fait couler un peu d’encre. Mandaté par les OPMR de La Réunion et de Mayotte, ce document a été finalisé le 20 mai dernier mais rendu public courant juin. Et il n’est pas tendre avec le groupe Bernard Hayot, véritable empire de la distribution en Outre-mer qui brasse quelques 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires mondial. “Le groupe Sodifram, jusqu’alors leader à Mayotte, va voir ses parts de marché fondre au profit d’un acteur qui va devenir encore plus dominant. Et ce nouveau duopole qui pèsera 84% du marché aura un effet de concentration très préjudiciable pour le consommateur mahorais”, prédit Christophe Girardier, le directeur du cabinet mandaté et auteur de l’étude.

Situation “urgente” pour Mayotte

Plusieurs facteurs expliquent selon lui cette augmentation des parts de marché, alors même que l’entreprise familiale née en Martinique n’est en réalité pas encore présente à Mayotte. D’abord, Bourbon Distribution Mayotte (BDM) – qui dépend de Vindemia et regroupe les enseignes Jumbo, Score, SNIE et Douka Bé – a un projet d’extension de son parc de magasins, qui est “bien plus que dans les cartons, qui est en cours”, souligne Christophe Girardier. Ensuite, le changement d’enseigne – de Jumbo à Carrefour, en l’occurrence – “aura un impact très important sur les Sodifram”. Enfin, le groupe Hayot a une intégration verticale du marché en cela qu’il détient des entreprises en amont comme en aval de la filière. “Avec l’opération, il deviendra le fournisseur pour près d’un tiers des produits de consommation sur l’île”, s’inquiète Bourahima Ali Ousseni, le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) à Mayotte.

Tous ces effets cumulés risquent de faire grimper les parts du nouvel acteur à 45,5% tandis que celles du futur ex-numéro 1 tomberont de 7 points, à 38,4%, chiffre l’étude du cabinet Bolonyocte. Une concentration qui aura des conséquences non seulement sur le secteur de la grande distribution alimentaire, mais sur le monde économique mahorais dans son ensemble. Plus de 1.000 petites épiceries de proximité, qui participent au tissu économique local, seraient en effet menacées. D’après Christophe Girardier, il s’agit donc d’une situation “urgente” pour Mayotte, alors que l’opération doit être finalisée le 1er juillet. À tel point que le consultant parisien a dû embarquer en toute hâte ce samedi, direction Dzaoudzi, afin de pouvoir assister à la réunion au sommet de ce lundi.

Les “erreurs” de l’Autorité de la Concurrence

Les conclusions de son étude vont pourtant à rebours de celle de l’Autorité de la Concurrence, qui a donné son aval le 26 mai dernier. Son avis complet a été rendu public vendredi. “Mettre un mois pour publier son enquête me paraît un peu surprenant, pour ne pas dire anormal”, s’étonne d’ailleurs Christophe Girardier. Et sur le fond, ce dernier n’y va pas de main morte sur ce qu’il juge “une décision entachée d’erreurs très importantes de raisonnement qui sont contraires à la doctrine même de l’Autorité et privent de fait cette décision de base légale”. Il faut dire que, là où le consultant assure avoir interviewé pas moins de quarante acteurs du 101ème département, la publication ne fait, elle, pas beaucoup cas de Mayotte, mentionnée à peine deux fois dans les soixante pages que pèse son rapport. La raison ? L’Autorité la résume en une phrase : “GBH n’étant pas présent à Mayotte avant l’opération, la reprise par GBH des activités de Vindémia dans ce département ne modifie pas la situation concurrentielle.” Le directeur général de Carrefour à La Réunion, Amaury de Lavigne, et le directeur général de GBH pour la zone Afrique, Maghreb, océan Indien, Michel Lapeyre, défendaient d’ailleurs le même argument dans nos colonnes, le 25 juin dernier. “GBH n’est présent dans aucun domaine d’activité à Mayotte (…) Nous rachetons une entreprise qui existe déjà et (…) nous restons sur les mêmes parts de marché que l’entreprise existante. Je ne vois pas comment Sodifram, acteur historique à Mayotte, pourrait passer subitement à la deuxième place, tandis que GBH passerait premier d’un claquement de doigts !”, assuraient-ils.

Plusieurs recours au Conseil d’Etat

Toujours est-il que leur défense peine à convaincre sur l’île aux parfums. Et les premières voix commencent à s’élever contre ce qui pourrait devenir une opération de concentration inédite. Le 22 juin, la CPME, qui a aussi assisté à la réunion ce lundi, a déposé deux requêtes en annulation de la décision de l’Autorité de la Concurrence, dont une en référé. “L’Autorité de la Concurrence a bafoué les droits de Mahorais à donner leur avis sur cette opération”, critique Bourahima Ali Ousseni. “Dès lundi prochain, plusieurs entreprises de distribution à Mayotte vont à leur tour déposer des recours, pour multiplier nos chances d’être entendus”, poursuit le représentant des petites et moyennes entreprises. D’après Médiapart, qui révélait l’affaire vendredi dernier, les requérants devront prouver que la décision de l’autorité administrative est motivée par les problèmes d’endettement du groupe Casino – maison-mère de Vindemia -, davantage que par la problématique de la vie chère dans les Outre-mer. Pour l’instant, le Conseil d’État a déjà rejeté un recours formulé par les entreprises Leclerc et Caillé sur les effets de cette décision pour la concurrence à La Réunion. Mais il s’agit d’un recours devant le juge des référés destiné à suspendre l’opération avant de rendre un examen approfondi sur le fond. “Il y a urgence, mais Leclerc et Caillé n’ont pas réussi à l’établir”, affirme Christophe Girardier. “Le Conseil d’État a rendu une première partie de sa décision, il est également saisi de recours au fond concernant cette opération, rien n’est donc terminé”, a réagi le groupe Leclerc le 17 juin dernier. Suite au 1er juillet ?

 

Un premier pas pour le tourisme mahorais, ou un énième coup d’épée dans l’eau ?

L’hémicycle du conseil départemental accueillait, mardi matin, une séance plénière. À l’ordre du jour, la relance de l’aquaculture, l’étude des comptes administratifs de l’année passée et surtout, la première étape du schéma régional de développement du tourisme et des loisirs à Mayotte. Si la théorie semble désormais acquise, à voir ce qui suivra dans la pratique. Et rien n’est encore gagné.

« Je crois qu’il manque encore une vraie stratégie », souffle Issa Issa Abdou, vice-président du conseil départemental, sous le toit de l’hémicycle Younoussa Bamana. Mardi matin, plusieurs dizaines d’élus de la collectivité étaient réunis en séance plénière pour voter, notamment, l’adoption du schéma de développement du tourisme et des loisirs à Mayotte. Un dossier qui a nécessité une pleine année d’études, de diagnostic et d’élaboration. L’objectif : créer 150 chambres d’hôtels supplémentaires d’ici cinq ans, et 1.000 nouveaux lits sur les dix prochaines années. Autrement dit, doubler l’offre déjà disponible, et mettre l’accent sur la création d’établissements trois étoiles, au standing international. Rien que ça.

Mais pour développer l’offre touristique, encore faut-il que les touristes soient attirés par la destination Mayotte, ce qui, comme personne ne l’ignore, est loin d’être le cas aujourd’hui. Alors, le schéma régional de développement, une stratégie imposée par la loi NOTRe, adoptée en 2015, mais que Mayotte n’avait à ce jour jamais élaborée, repose sur plusieurs piliers : l’aménagement du territoire avec une appropriation « stratégique » du foncier, une denrée locale rare ; la création d’un observatoire départemental du tourisme ; le développement de la formation autour des métiers du tourisme pour qu’ils deviennent un métier d’avenir aux yeux des jeunes mahorais ; la mobilisation de tous les acteurs et un accompagnement professionnel et financier « fiable », selon les mots de Moiyegue Zoubert, qui s’est fait, mardi matin, le porte-voix du service développement touristique, au sein de la direction du développement économique et de l’innovation du conseil départemental.

Appâter les gros poissons

En 2017, le tourisme ne pesait que 2 à 4 % dans le PIB total de Mayotte, faisant du secteur « un tourisme confidentiel », comme n’a pas manqué de le rappeler Moiyegue Zoubert. Les voyageurs affinitaires représentent à ce jour et à eux seuls 70 % des visiteurs qui atterrissent sur le sol mahorais, les 30 % restants étant essentiellement constitués de touristes d’affaires. C’est pourtant cette seconde catégorie que le conseil départemental entend attirer un peu plus, puisqu’elle incarne un public « plus dépensier », donc largement plus consommateur.

Mais comment dépenser alors que l’offre de loisirs et de service n’en est – depuis des années – qu’à ses balbutiements ? Pour répondre, la collectivité territoriale ne manque pas d’idées : renforcer le « parcours clients », notamment sur la côte est et dans le centre de l’île, via la plongée sous-marine, les sports de plein air et un « plan plages » coconstruit avec les intercommunalités, à qui revient depuis peu cette compétence ; développer la concurrence pour désenclaver le territoire, notamment sur le plan aérien et accentuer le marketing autour de l’image de Mayotte sont autant de pistes qui ont été égrenées, sous le portrait de Younoussa Bamana, dans l’hémicycle du conseil départemental. « Cela pourrait aussi permettre de développer le tourisme pour les locaux, et permettre de mettre en place des excursions pour les croisiéristes et les touristes d’agrément », glisse au passage Moiyegue Zoubert. « L’objectif n’est en aucun cas de viser le tourisme de masse, mais il y a une vraie occasion à saisir avec le projet gazier dans le canal du Mozambqiue », complète à son tour Ben Issa Ousséni, 7ème vice-président du conseil départemental, en charge du développement économique et touristique.

Sur le papier, les idées ne manquent pas, mais les moyens d’action pour les mettre en place semblent, eux, encore chimériques à ce stade. Dans l’assemblée, un élu se lève : « Je souhaiterais que l’on puisse mettre en place un comité de suivi de mise en œuvre du schéma de développement ! », suggère l’homme sous son masque, pendant que ses voisins hochent discrètement la tête en signe d’approbation. Si la remarque n’a pas obtenu de réponse claire, tous les élus ont voté, à l’unanimité et sans abstention aucune, l’adoption de ce schéma régional. Comment ce plan se traduira-t-il concrètement ? L’avenir nous le dira, ou pas.

De l’aquaculture aux finances, d’autres rapports adoptés

Plusieurs autres rapports ont été adoptés dans la même matinée. Parmi les ordres du jour, le schéma régional de développement de l’aquaculture, qui devrait permettre d’attirer plus d’exploitants industriels notamment, et de mieux organiser la logistique sur terre concernant la douzaine de sites fraîchement recensés pour relancer la filière. Puis, changement de domaine, avec la présentation du rapport relatif aux comptes administratifs de l’année passée. Un bilan jugé « positif » par les élus, satisfaits d’annoncer que le Département était en train « de sortir de la situation de crise financière dans laquelle nous étions depuis plusieurs années ». Dans le détail, la collectivité enregistre 306 millions d’euros de recettes de fonctionnement (dont la moitié correspond à des dotations de l’État) pour plus de 200 millions de frais de fonctionnement. Au total, 2,3 millions d’euros, générés par l’octroi de mer, ont été transféré aux communes de l’île, qui affiche un excédent d’investissement de 51 millions d’euros. « Nous avons des marges disponibles pour aller vers de nouveaux emprunts », ont estimé les conseillers départementaux qui ont tout de même fait état de « facteurs de faiblesse », comme les 45 millions d’euros de créances non remboursées. Concernant les dépenses imprévues liées à la crise sanitaire, « elles seront remboursées par les fonds européens », a assuré le président du conseil, Soibahadine Ibrahim Ramadani.

Maor’Aide : l’entraide fonctionne encore

Créée au cœur de l’épidémie de Covid-19 à Mayotte, l’association Maor’Aide connaît une rapide extension. La mission qu’elle s’est fixée ? Venir en aide aux plus démunis en leur apportant une aide alimentaire. Un besoin malheureusement trop présent à Mayotte, mais auquel répondent nombre de personnes.

C’est avant tout une histoire d’entraide. Et elle commence lorsqu’un groupe de métropolitains, sur l’île dans le cadre de leur travail, se rencontre. « Une bande d’amis qui, touchée par la situation de grande précarité vécue par certaines familles, décide d’agir à son échelle », commente Youssef, président de l’association Maor’Aide*. Une précarité qui devient encore plus prégnante avec l’arrivée de l’épidémie de Covid-19 à Mayotte, notamment à cause de l’interdiction de se déplacer, qui complique largement le quotidien de ces familles en termes d’approvisionnement en eau et en nourriture. Un constat qui amène les bénévoles à se constituer officiellement en association, celle qui deviendra Maor’Aide. Son objectif ? Apporter un soutien alimentaire et en eau, essentiellement, aux habitants de ces zones. « Nous avons commencé en recueillant des dons dans nos cercles d’amis, auprès de nos proches », détaille le responsable. « Qu’il s’agisse d’un soutien financier, logistique, ou encore vestimentaire, tout est bienvenu. »

L’appel rencontre un bel écho et si, au départ, ce sont des paniers repas qui sont offerts, l’association réoriente rapidement son offre. En cause ? « En demandant aux concernés, nous nous sommes rendu compte qu’il valait mieux privilégier les produits alimentaires de base, comme le riz, l’huile, les sardines. » Un choix qui, de plus, permet de toucher un nombre plus large de familles. Pour bien se rendre compte du succès remporté par l’association, ce sont entre 1 et 1,3 tonne de vivres qui sont distribués à chaque rendez-vous. De quoi soutenir en moyenne quelque 300 familles dans le besoin. Forcément, compte tenu de la réussite des actions menées et des énormes besoins en la matière, Maor’Aide est amené à se développer et à intervenir ailleurs sur l’île. Une véritable organisation se met alors en place, toujours sur la base du bénévolat et de l’entraide, faisant aussi appel à des collectes jusqu’en métropole, notamment en collaboration avec l’association World Boxing.

Aujourd’hui, l’association qui regroupe 60 adhérents – professeurs, infirmiers, médecins, pompiers, gendarmes, militaires, etc. – œuvre ainsi « à Majicavo, Dzoumogné, Passamaïnty, Tsoundzou 1 et 2, Vahibé, mais aussi Sada, Koungou, etc. Nous sommes quasiment sur tous les secteurs, à part le nord, mais c’est en cours de mise en place », se félicite le président. Des zones nombreuses, donc, qui bénéficient chacune d’un référent au sein du quartier chargé de prévenir les habitants et d’organiser, avec l’association, les distributions : une par semaine dans un secteur différent. Une quinzaine ont ainsi déjà été menées.

Et elles ne concernent pas, comme nous l’avons vu, que des denrées alimentaires. Car l’eau est aussi un problème majeur. Alors, sur le même rythme d’une fois par semaine, Maor’Aide organise une distribution d’eau, en amenant avec elle des cartes prépayées pour les bornes fontaines. Le tout en sensibilisant aux questions d’hygiène et à l’importance des gestes barrières, qu’il s’agit aussi de faire respecter systématiquement.

Vouée à se développer

Et après ? Une fois que la crise Covid sera terminée ? Les besoins, eux, demeurent présents. C’est donc logiquement que Maor’Aide poursuivra ses actions et s’étendra sur tout le territoire. À la vue de l’ampleur qu’ont prises ses activités, l’association a déjà reçu un soutien de l’ARS – qui a offert deux cartes d’eau de 30m3 –, et est en contact avec les autorités, notamment la Direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS), à qui un projet doit être présenté dans les semaines à venir. Un accord est aussi en route avec les enseignes Jumbo et Douka Bé pour récupérer des denrées invendues et encore consommables. Bref, c’est un bel exemple de solidarité qui s’est mis en place et qui connaît un réel succès. « Nous sommes juste des personnes volontaires de tous les horizons », rappelle Youssef. « On se complète, chacun apporte son aide et son savoir-faire dans un but humain, de solidarité. Cet élan, tout le monde peut l’avoir. » Un élan parti pour durer puisque « même quand nous quitterons Mayotte, d’autres prendront notre place pour que l’association continue. Notre objectif est vraiment de s’inscrire dans la durée. » C’est dit.

*Pour faire un don, soutenir ou adhérer à l’association : page Facebook Maor’Aide, ou par mail à maoraide@gmail.com.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes