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Dembeni remporte la Cadema, un coup dur pour Ambdilwahedou Soumaila

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Le nouveau maire de Mamoudzou n’a pas réussi à rassembler une majorité avec lui. Saindou Rachadi, conseiller municipal à Dembeni, devient le nouveau président de la communauté d’agglomération. 

Nouvel épisode des municipales 2020 ce dimanche, à la MJC de Dembeni. C’est l’heure d’annoncer les candidats des deux communes pour la présidence de la communauté d’agglomération, la Cadema. Et pourtant, l’assesseur Mohamed Saïd Djanfar joue les prolongations, signe de l’importance stratégique de cette élection. “Monsieur le Président, j’aimerais dire un mot avant d’annoncer le candidat de Mamoudzou”, lance-t-il au doyen qui tente vainement de le faire taire. “Il est important de rappeler que les choses doivent se passer de manière démocratique. Chacun doit entrer dans l’isoloir avec deux bulletins, et si la loi n’est pas respectée, nous serons dans l’obligation de mettre un terme à cette élection.” Message reçu. Le nom du candidat Hamidani Magoma finit par sortir, sous des applaudissements épars et amusés, pendant que les baffles entonnent un symbolique “Bella Ciao”. 

Et c’est bien une petite révolution qui a lieu quelques minutes plus tard. Mamoudzou perd la présidence de la Cadema au profit de Dembeni. L’espace d’un instant, les gestes barrières, ressassés depuis le début de la matinée, ne sont plus vraiment la priorité, quand les vainqueurs se ruent sur Saindou Rachadi pour le féliciter. Après le maire sortant de la commune chef-lieu Mohamed Majani, cet ancien adjoint au maire et actuel conseiller municipal de Dembeni devient donc le nouvel homme fort de la communauté d’agglomération, à 26 voix contre 16.  

Un jeu d’alliance trouble 

Ce résultat est le fruit d’un jeu d’alliance inédit qui aura fait pencher la balance, alors même que les majorités des deux communes sont issues du même parti, Les Républicains. Mais Dembeni a fait le choix de faire front commun, et l’opposition menée à Mamoudzou par Mohamed Majani s’y est ralliée. Au grand dam du nouveau maire de Mamoudzou Ambdilwahedou Soumaila, qui n’est pas parvenu à rassembler autour de lui. “La majorité de Dembeni a fait le choix de s’allier avec l’opposition, c’est un choix que je regrette, même si je le respecte”, déplore-t-il. “Nous, notre majorité nous l’avons gardée et puis nous avons une voix de plus, je ne sais pas qui c’est, mais je la remercie de cette confiance”, s’amuse-t-il en refaisant le calcul. 

Mais derrière ce sourire de bon perdant, c’est un vrai coup dur pour le nouveau maire de la commune chef-lieu. Car pour mener à bien ses projets pour Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaila devra désormais composer avec les choix de cette interco menée par Dembeni. Or la Cadema dispose d’un large attirail de compétences en matière d’aménagement, de développement économique et touristique, de salubrité publique, et d’environnement. Autant de sujets qui figuraient aussi dans le programme du nouveau maire de Mamoudzou. Comme il l’expliquait d’ailleurs sur les antennes de Mayotte la 1ère en mars dernier : « Notre priorité est le développement durable, l’écologie, la salubrité publique. Nous voulons en faire la première cause communale pour les 10 prochaines années. Nous devons régler définitivement le problème de l’assainissement. Nous devons revoir le système de ramassage des ordures qui n’est pas du tout efficace. »  

Des projets d’envergure 

Gageons que les deux communes sauront s’entendre pour mener à bien ces projets d’envergure, dont le plus médiatique et attendu est bien sûr le réseau de Caribus. Cet ambitieux projet doté de 145 millions d’euros doit permettre de désengorger l’agglomération, mais, comme le note un rapport de la Chambre régionale des comptes, il “a longtemps souffert d’une mise en œuvre financière et technique non aboutie”. Il incombera à Saindou Rachadi de mener à bien cette lourde tâche. Ainsi que les autres projets initiés par la précédente mandature, comme les Zac d’Ironi Be, de Doujani, la technopole et l’amélioration des collectes et des campagnes de Pré tri. La problématique des déchets figure d’ailleurs en tête pour le nouveau président, qui a érigé l’environnement comme l’une de ses priorités. En espérant qu’il soit à la hauteur du défi. 

La Cadema, une interco plus que stratégique 

Si le vote de ce dimanche était si crucial, c’est que la Cadema est un véritable pôle économique et politique. Créée en 2015, la communauté d’agglomération Dembeni-Mamoudzou est la première agglomération du département, avec 87.285 habitants, et 17.918 emplois (56% de l’emploi total du territoire). Elle dispose d’un budget de plus de 11 millions d’euros et de plusieurs compétences obligatoires ou optionnelles, qui vont de l’aménagement de l’espace communautaire, au traitement des ordures ménagères, en passant par la voirie d’intérêt communautaire ou encore la protection et la mise en valeur de l’environnement. 

 

 

 

Said Omar Oili, l’homme fort de Petite-Terre

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Le week-end dernier a été rythmé par l’élection des conseils communautaires des trois intercommunalités de Mayotte. Et si le pouvoir a changé de camp dans l’une d’entre elles, l’interco de Petite-Terre a joué la carte de la continuité. Said Omar Oili signe pour un nouveau mandat à la présidence de la communauté des communes de Petite-Terre. 

Le suspens n’est que pure illusion lorsque Said Omar Oili, maire de Dzaoudzi-Labattoir, se présente à une élection. C’est avec une sérénité déconcertante qu’il a assisté à la cérémonie d’installation du président de la communauté des communes de Petite-Terre samedi dernier. Le président sortant a de nouveau présenté sa candidature. Face à lui, Ousseni Maandhui, enseignant et docteur en sciences de l’éducation. Malgré sa détermination, et le soutien de ses partisans, ce dernier récolte 12 voix sur 30, contre 18 pour le maire de Dzaoudzi-Labattoir. “Une élection n’est jamais certaine, mais j’étais serein car en démocratie si on connaît le succès, il faut aussi reconnaître l’échec. On avait envisagé toutes les éventualités, mais ce qui compte ce n’est pas d’être président mais de travailler pour la Petite-Terre”, affirme Said Omar Oili. Des propos qu’il a martelés encore et encore à chaque prise de parole. Le président de la communauté des communes de Petite-Terre appelle à l’union. “À l’interco de Petite-Terre, il n’y a pas de joutes politiques, pas d’idéologie politique qui tienne la route. Je sais que je peux compter sur vous pour dépasser nos divergences politiques”, déclare-t-il. Ce discours ne convainc pas l’opposition. Elle pointe du doigt la politique de la communauté des communes de Petite-Terre menée par Said Omar Oili durant son précédent mandat. “J’ose espérer que dans l’avenir l’interco va changer de configuration, notamment administrative, parce que la photographie actuelle donne l’impression d’être à la mairie de Dzaoudzi-Labattoir et non à l’interco de Petite-Terre”, dénonce Ousseni Maandhui. Il prend sa défaite avec philosophie et accepte les règles de la démocratie. Son seul souhait désormais est de voir tous les élus travailler de concert pour la Petite-Terre et non pas au service d’une seule commune. 

“Notre défi est de consommer les crédits de l’État et de l’Europe” 

Afin de rassurer ses opposants et de convaincre les plus sceptiques, Said Omar Oili énonce les grands projets. Certains seraient déjà en route, et d’autres prendront un peu plus de temps. Cela étant, son principal défi est de “consommer les crédits de l’État et de l’Europe. D’ici le 31 décembre 2022, tous les crédits de l’Europe doivent être consommés. Pour cela, il faut des projets qui tiennent la route et je souhaite que l’interco de Petite-Terre soit gourmande pour qu’elle puisse réaliser ses travaux”. Les dossiers s’entassent et semblent tous prioritaires. L’insécurité, l’insalubrité, l’assainissement des eaux… Tous doivent être traités rapidement. Après la création de la police intercommunale, Petite-terre devrait être équipée incessamment sous peu de caméras de vidéo-surveillance selon Said Omar Oili. Une déchèterie va également voir le jour dans le quartier des Badamiers afin de mettre fin aux déchets qui jonchent les rues. Enfin, le président de l’intercommunalité affirme que le foncier est “maîtrisé” pour gérer les problèmes d’assainissement des eaux pluviales et eaux usées. “Nous voulons faire de la Petite-Terre la vitrine de Mayotte et c’est notre ambition pour les six années à venir”, clame-t-il. Pour cela, il devra composer avec les neuf vice-présidents élus au scrutin uninominal. Parmi lesquels, Nizar Souffou, premier vice-président et originaire de Pamandzi. Lors de sa nomination, il est plus acclamé que le président et son cou se noie dans les dizaines de colliers de fleurs qu’il reçoit. Ému, il revisite une célèbre citation. “J’ai fait un rêve. Celui de travailler avec Said Omar Oili et aujourd’hui mon rêve se réalise.” La nomination de Nizar Souffou à la première vice-présidence est le lot de consolation pour les habitants de Pamandzi qui espèrent ne pas être oubliés cette fois-ci par la communauté des communes de Petite-Terre. 

 

 

 

Mayotte : et si la place des Congrès de Pamandzi prenait le nom de Khams ?

J acqueline Guez, la gérante de Clap Productions, a lancé une pétition en ligne pour que la mairie de Pamandzi fasse en sorte que la place des Congrès soit rebaptisée en hommage à Hassani Kamardine, dit Khams, acteur mahorais qui est décédé dans un tragique accident de jet ski il y a un mois.  

Lancée par Jacqueline Guez, la gérante de la société Clap Productions, la pétition en ligne* en hommage à Khams fait un carton, atteignant en un peu moins de 48 heures l’objectif initial des 1.500 signatures. Son idée ? Honorer la mémoire de l’acteur « fétiche » Hassani Kamardine, repêché en mer le dimanche 14 juin après un accident de jet ski la veille, en rebaptisant la place des Congrès à Pamandzi en son nom. « Il y rassemblait les jeunes en désoeuvrance pour leur donner des cours de théâtre. Il a donné vie à ce lieu situé à 150 mètres de chez lui, qui est devenu hautement symbolique », souligne celle qui a collaboré de nombreuses fois avec l’humoriste au cours des dernières années. Devenu incontournable dans le paysage audiovisuel mahorais avec la création de son personnage phare « Fatima Djampopo », Khams « liait les habitants » et « défendait le rire fin ». Plus récemment, il avait tourné dans la série Askip, qui évoquait le sujet tabou de la sexualité, ou encore dans Ketsi Dagoni, qui relatait des messages à la population pour limiter la propagation du virus. Un dernier tournage sur lequel « il n’a pas pris de cachet », rappelle fièrement Jacqueline Guez.

Devoir de mémoire

Cette démarche « individuelle » vise principalement à mettre en lumière une figure incontournable de l’île aux parfums. « À Mayotte, on a tendance à vite oublier… », regrette-t-elle. Avant d’avouer que sa hantise était que « la mémoire de Khams ne continue pas de vivre auprès des prochaines générations » et que « ses vidéos sur Youtube disparaissent ». Une finalité que ne peut imaginer la directrice de la boîte de production. « [Cette pétition] n’est pas un coup de pression à l’égard de la municipalité, mais c’est pour montrer l’importance qu’il avait ! » Pour bien comprendre, la dénomination d’une voie publique est du ressort des communes (article L2121-29 du code général des collectivités territoriales). Il appartient donc au conseil municipal d’en délibérer et de décider sur proposition du premier magistrat. Et Jacqueline Guez entend bien prendre sa plus belle plume et envoyer un courrier au nouveau maire de Pamandzi dans le but de lui expliquer par écrit ses bonnes intentions.

Selon elle, la symbolique d’y accoler le nom d’Hassani Kamardine aurait un impact non négligeable. Un message fort qu’elle espère devenir réalité très rapidement. « Il était un exemple pour tous, sa perte a été une véritable tragédie », conclut-elle, toujours autant émue par la disparition de son « ami ».

 

* Pour signer la pétition, il suffit de vous rendre sur l’adresse suivante : https://www.change.org/p/le-maire-de-la-commune-changer-le-nom-de-la-place-des-congr%C3%A8s-%C3%A0-pamandzi-pour-place-hassani-kamardine-dit-khams?recruited_by_id=5ecdd360-c534-11ea-b5f1-970e6f12765b&utm_source=share_petition&utm_medium=copylink&utm_campaign=psf_combo_share_initial&utm_term=psf_combo_share_initial

 

Plusieurs jeunes tuent un père de famille à M’tsapéré

Au moins une dizaine de jeunes ont molesté à mort un homme de 35 ans ce lundi soir à M’tsapéré. Un premier suspect aurait déjà été identifié comme meneur. Ce jeune majeur est un délinquant notoire, puisqu’il avait déjà été enfermé à Majicavo pour des faits de violences.  

Moins d’un mois après le meurtre d’un retraité à Chiconi, un nouveau drame a secoué Mayotte ce lundi soir. Entre 21 et 22 heures, un père de famille de Doujani qui rejoignait son domicile à pieds a été battu à morts par 15 à 20 jeunes, visages masqués, venus semer la terreur dans les rues de M’tsapéré. Visiblement prise pour cible au hasard, la victime âgée de 35 ans aurait tenté de prendre la fuite en voyant d’autres passants se disperser en courant, l’air affolé, mais ses agresseurs, armés de bâtons et de chombo, l’ont alors rattrapé pour rouer l’homme de coups. Lourdement blessé, il aurait ensuite réussi à rejoindre le remblai, où des automobilistes, qui cherchaient à échapper à la même bande, l’auraient pris en charge et conduit à l’hôpital. Il y décèdera quelques minutes plus tard.  

Selon nos informations, plusieurs témoins, spontanément conduits au commissariat par la famille du défunt, étaient entendus par les enquêteurs mardi après-midi. Ces auditions auraient permis d’identifier au moins l’un des meneurs de la bande de M’tsapéré, un jeune – mais majeur – délinquant notoire, déjà enfermé à Majicavo pour des faits similaires. La police a également indiqué mardi soir qu’un homme venait d’être interpellé, sans toutefois préciser s’il s’agissait ou non du même mise en cause. Son degré d’implication dans l’affaire demeure encore à préciser. Une piste sérieuse, et particulièrement précieuse, puisqu’aucun mis en cause n’a été interpellé au moment des faits.

Ce soir-là, les effectifs de police ne sont arrivés sur place qu’à 23 heures. « On nous a demandé depuis plusieurs semaines de ne pas intervenir lorsque des bandes foutent le bordel, sauf lorsque la population est prise à partie », confie une source syndicale. « C’est une façon de les laisser se calmer puisqu’à chaque fois qu’on intervient, les caillassages repartent de plus belle. » Ainsi, les escadrons ont dû attendre l’arrivée des pompiers, venus secourir un jeune délinquant blessé, avant d’être autorisés à débarquer. « Une fois sur place, les bandes s’étaient déjà dispersées, il n’y avait plus que quelques jeunes de M’tsapéré qui tournaient dans le quartier » mais qui, en l’absence de flagrant délit ou de toute autre preuve, n’ont pu être arrêtés.

Si les forces de l’ordre redoutent une riposte dans les jours à venir, les habitants de M’tsapéré qui ont assisté à ces scènes de violences attestent qu’il ne s’agissait pas d’affrontements entre bandes rivales issues de villages différents, mais bel et bien d’un seul et même groupe constitué par une quinzaine d’individus venus du quartier de Mandzarsoa. « Lundi soir, des voisins ont vu des jeunes boire et fumer ensemble dans le quartier, ils se préparaient à nous attaquer nous, citoyens, et pas un groupe rival », atteste le cousin de l’homme décédé. Quoi qu’il en soit, la BAC est de nouveau intervenue dans le quartier mardi midi afin de disperser un attroupement en cours. Lors de sa patrouille, la brigade anticriminalité a par ailleurs surpris, là encore, à Mandzarsoa, des jeunes en train de préparer des cocktails molotov, avant de prendre la fuite en apercevant le véhicule de police.

Le maire active la cellule de crise

Au lendemain du meurtre, le nouveau maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaila (LR), s’est rendu au chevet de la famille du défunt, avant de s’entretenir avec le commissaire de police du chef-lieu. L’élu, qui a appelé les jeunes du quartier au calme, a activé dans le même temps la cellule de crise communale, qui vise à prendre rapidement des décisions adaptées en concertation avec les forces de l’ordre et la préfecture. « Nous avons besoin d’une ville apaisée. Nous allons créer les conditions pour dans les semaines, dans les mois à venir, nous allons essayer d’apporter des réponses aux attentes nombreuses et légitimes de nos jeunes et que la répression et la justice puissent suivre dans les prochains jours et être à la hauteur de ces actes ignobles », a-t-il déclaré lors de son déplacement à M’tsapéré.

Le premier élu de Mamoudzou a par ailleurs révélé que plusieurs escadrons de gendarmerie et de police maintenaient une présence sur la zone depuis mardi après-midi, et projette de faire durer le dispositif toute la semaine. Il prévoit également de réactiver le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance dans les prochains jours.

Le président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani, a quant à lui fait part de son « immense tristesse face à ce drame de la violence expéditive ». « Le plan de sortie de crise adopté juste avant la survenue du Covid- 19 et la mise en place effective des groupes de médiation citoyenne que nous finançons sont des pistes sérieuses mais qui devront sans nul doute être complétées de mesures supplémentaires », a-t-il fait part.

Les syndicats de police ont par ailleurs tenu à rappeler que depuis un an, ils militent pour que soient déployées des opérations d’intervention coordonnées, dites « SLIC », entre les différents services de police et de gendarmerie, et diligentée par le procureur. De quoi mutualiser les moyens et intervenir sur un secteur précis avant même que les bandes n’aient le temps d’y commencer leur méfait. « Mais nous n’avons jamais eu aucune réponse des institutions », regrette un représentant syndical sous couvert d’anonymat. « Je pense que c’est pour des raisons politiques, car ce genre de missions risqueraient encore de faire parler de Mayotte et de ternir l’image des autorités et de la préfecture. Du coup pour le moment, on ne mène pas vraiment d’opérations efficaces. » Un avis partagé par la famille de l’homme abattu lundi soir : « Moi, ça ne me suffira pas de savoir qui a fait ça, je veux comprendre comment le système a pu créer ces monstres qui tuent des gens sans histoires. Je me demande si l’État ne fait pas exprès de laisser pourrir la situation pour empêcher les Mahorais de réfléchir et de faire évoluer le territoire… » Si les proches de la victime estiment que les forces de l’ordre ont manqué de réactivité, ils ont par ailleurs expliqué être pleinement favorables à l’autopsie du corps. Mais pour que celle-ci ait lieu, un médecin-légiste devra être envoyé à Mayotte depuis l’île de La Réunion.

Des Mahorais tournent un clip contre les violences

Le mois dernier, quatre Mahorais ont tourné et diffusé un clip musical afin de dénoncer les violences qui agitent le département. Disponible sur YouTube et sur toutes les plateformes de streaming, le son Mahoré Yatru, de Bodo, Zedcee, N.A.S.S. et N Pro Game affiche déjà plus de 35.000 vues.

 

 

UMIH de Mayotte : “S’il faut attendre fin septembre pour rouvrir les discothèques, elles seront en danger de mort”

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Le président de l’UMIH, Charles-Henri Mandallaz, se bat pour obtenir la levée des restrictions qui pèsent sur le secteur CHRD (cafés, hôtels, restaurants et discothèques) à Mayotte.

Le 8 juillet dernier, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie de Mayotte adressait un courrier aux élus pour demander la levée des restrictions qui plombent le secteur CHRD (cafés, hôtels, restaurants et discothèques). Deux jours plus tard, la loi parue au Journal officiel pour définir la sortie de l’état d’urgence en métropole confirmait son maintien à Mayotte et en Guyane, toujours en orange, jusqu’au 30 octobre. Et ce, alors même que le virus du Covid-19 semble reculer dans le 101ème département… Pour Charles-Henri Mandallaz, le président de l’UMIH 976 et gérant du restaurant L’Orient Express, cette situation, assortie des mesures très strictes qui pèsent sur l’hôtellerie-restauration à Mayotte, ne peut plus durer. Au risque de voir certaines entreprises disparaître… Entretien.

Flash Infos : La branche locale de l’UMIH à Mayotte a été relancée récemment, face à la crise sanitaire. Quelles actions menez-vous pour défendre le secteur, particulièrement touché par les retombées économiques de cette crise ?

Charles-Henri Mandallaz : En France, l’Union des métiers des industriels de l’hôtellerie est le plus gros syndicat professionnel pour le CHRD. Ici, nous sommes dotés d’une quarantaine d’adhérents, et nous avons en effet relancé la branche locale au vu de la crise, pour les aider à se mettre en conformité. Et depuis, tous les jours, nous sommes sur le terrain à battre le pavé auprès de la préfecture, du conseil départemental, de la Dieccte, de la CCI, de tous ceux qui peuvent nous aider dans ce passage difficile. Nous étions encore en réunion avec le préfet la semaine dernière pour faire entendre notre voix. Car les salles sont toujours fermées, seules les terrasses peuvent recevoir la clientèle. Et même pour ces établissements, il faut respecter des conditions très strictes, des espacements entre les tables, le port du masque pour le personnel et les clients dès qu’ils se déplacent, etc. Et toutes ces mesures, que nos adhérents appliquent, ne sont économiquement pas viables. Surtout que la situation sanitaire évolue favorablement à Mayotte ! Quand nous voyons que les écoles ont pu rouvrir, les lieux de culte aussi, qu’il est à nouveau impossible de circuler dans Kawéni en journée car toutes les entreprises ont repris du service, les interdictions qui pèsent sur nos établissements sont incompréhensibles. Je ne pense pas que les risques y soient plus élevés qu’ailleurs. D’autant plus que nous avons particulièrement mis l’accent sur la formation de nos personnels aux gestes barrières et aux mesures de distanciation.

FI : Au vu de ce constat et de vos réclamations, qu’est-il ressorti de votre réunion avec le préfet ?

C-H. M. : Ce constat est sorti renforcé, puisque l’évolution de la situation sanitaire est favorable. Deux indicateurs seraient déjà au vert et les deux autres en passe de l’être. Et l’annonce de la prolongation de l’état d’urgence jusqu’au 30 octobre ne devrait pas être un frein à la reprise de l’activité, si nous repassons au vert. Nous sommes en phase très descendante et nous tendrions vers un déblocage à la fin du mois. C’est en tout cas ce que nous espérons tous. Nous en avons aussi profité pour parler au préfet de l’aérien, car la situation est inacceptable. La Réunion impose des restrictions abusives, on peut presque crier à la discrimination. Et pour notre secteur, c’est extrêmement dommageable, car notre flux de touristes d’affaires qui vient surtout de La Réunion ne peut toujours pas reprendre. Sans parler d’Air Austral qui fait sauter les vols de manière assez opaque…

FI : Depuis le début du mois de juin, les terrasses ont pu rouvrir. Quel est l’impact économique des mesures barrières et de ces ouvertures partielles sur votre activité ?

C-H. M. : Disons que pour L’Orient Express, nous faisons 40% de notre chiffre habituel. Donc la situation n’est vraiment pas bonne et ne peut pas perdurer. Nous sommes obligés de faire des repas fixes, donc pas de cocktails, de séminaires, de mariages ou d’anniversaires… Et le problème, c’est qu’il faut quand même des bras pour faire tourner la boutique, alors même que nous avons moins de clients. Il faut aussi mettre en place un nettoyage systématique, qui est assez pointu, entre chaque convive. Résultat, l’activité est inférieure mais vous avez le même personnel et des frais supplémentaires. En fonction de l’entreprise, ces derniers seront plus ou moins lourds. Par exemple, à L’Orient Express, nous avons des nappes et des serviettes en tissu, et les frais de nettoyage en blanchisserie, plus fréquents que d’habitude, s’ajoutent au reste. Il y a aussi l’acquisition de produits, de désinfectant, de masques, de visières, de tenues pour le personnel, ou encore de l’affichage et des aménagements pour séparer et cloisonner l’espace. La préfecture nous a donné un petit coup de pouce, sous la forme de kits pour les professionnels de la restauration avec visière, masques, gel. Le stock ne suffit pas mais le geste a été très apprécié, vu la situation. 

Mais je tiens à rappeler que nous ne parlons là que des restaurants avec terrasse. Beaucoup n’ont même pas encore pu rouvrir ! Pour le reste des CHRD, et notamment les discothèques, toujours fermées, c’est encore pire. Vu les interdictions encore très strictes sur les soirées, les regroupements de personnes, les activités nocturnes, s’il faut attendre fin septembre pour une possible réouverture, ces métiers-là sont en danger de mort.

FI : Les aides économiques sont-elles prolongées autant que l’état d’urgence et peuvent-elles permettre au secteur de survivre à la crise ?

C-H. M. : Oui, les CHRD ont obtenu une prolongation des dispositifs d’aide, davantage que pour les autres professions. Le chômage partiel se poursuit jusqu’en septembre et sans dégressivité. Et c’est aussi le cas pour ceux qui ont pu rouvrir leurs terrasses. Au niveau de L’Orient Express, j’ai donc encore 50% de mes effectifs au chômage partiel. Il y a aussi la prolongation du fonds de solidarité jusqu’à la fin de l’année qui peut nous aider à garder la tête hors de l’eau. Bonne surprise d’ailleurs, le premier ministre Jean Castex, de passage en Guyane, a annoncé que ce fonds passerait à 3.000 euros pour les petites entreprises de Guyane et de Mayotte ! C’est qu’il a bien compris que ces sociétés étaient dans une situation ultra-sinistrée. Sinon, au niveau bancaire, nous avons toujours droit au PGE, mais cela reste un emprunt de survie, qu’il faudra rembourser dans un an. Enfin, au niveau du département, les aides se mettent en place très lentement, encore aujourd’hui. Les premiers dossiers sur le prêt d’honneur sont en train de passer en commission, et sur les fonds de solidarité cela prend aussi un peu de temps. Bien sûr, nous ne doutons pas de la bonne volonté du Département. Mais il y a urgence. Et si ces aides tombent dans six mois, il sera peut-être trop tard. 

 

 

 

 

La présidence de la CADEMA, le casse-tête chinois des Républicains

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Ce dimanche se déroule l’installation du conseil communautaire de la communauté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou (Cadema). Deux villes passées sous la houlette des Républicains. Pourtant, à 48 heures du scrutin, il semble que les majorités respectives se livrent une bataille féroce pour prendre le contrôle de la collectivité. Une opposition se joue en coulisse pour glaner les voix qui feront pencher la balance. 

Ambdilwahedou Soumaila versus Moudjibou Saidi. Ou plutôt leurs lieutenants Hamidani Magoma contre Saindou Rachadi. Le premier est dirigeant de l’entreprise Tema, spécialisée dans l’aménagement, l’urbanisme et le foncier depuis 40 ans, tandis que le second est archiviste au syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte. Si les deux protagonistes font partie de la majorité de leurs communes respectives, toutes deux passées sous la bannière des Républicains à la suite des dernières élections municipales, une bataille féroce se joue pour briguer la présidence de la communauté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou (Cadema). Un choix cornélien qui divise au sein même du parti de droite qui revendiquait début février la formation d’une gouvernance territoriale pour faire front commun. 

À 48 heures de l’installation du nouveau conseil communautaire, le match se montre serré entre les deux clans. Les tractations vont bon train des deux côtés pour « draguer » les 12 voix des 4 groupes d’opposition et ainsi faire pencher la balance. Les discussions se multiplient ces derniers jours, notamment avec Elyassir Manroufou, qui n’a cessé de répéter son intention de travailler de manière intelligente avec la nouvelle municipalité. Il semblerait à l’heure actuelle que les 4 sièges du maire sortant de la ville chef-lieu, Mohamed Majani, soient prédestinés au candidat de Dembéni. Une décision qui choque dans les rangs de la majorité de Mamoudzou. « Alors que sous la mandature précédente, tout le conseil sans distinction avait voté pour lui », rappelle un proche du dossier. « Est-ce que c’est une position purement politique pour montrer son désaccord avec les nouveaux élus ? On est en plein questionnement alors que Magoma compte jouer le jeu de la continuité par rapport aux projets déjà initiés. » Ce qui selon cette même source ne semble pas être le cas du camp adverse. « De qui a-t-on besoin pour bâtir la collectivité ? », rajoute-t-il. Selon nos informations, le patron de la liste Hima a pour ambition de créer une nouvelle zone d’activités au sud de Tsoundzou dans le but de désengorger et déconcentrer Kawéni et de permettre une meilleure fluidité via les transports en commun, avec le Caribus. 

Intervention indispensable de Kamardine ? 

Le dénouement de cet imbroglio pourrait venir du grand sage, en la personne du député (LR) Mansour Kamardine, mais qui botte en touche : « ce que je souhaite ? C’est qu’il y ait un consensus qui se dégage ». Pour cela, il invite les deux candidats à échanger pour trouver un terrain d’entente : « Nous sommes dans un pays où la palabre a une grande place. » Avant de rappeler l’importance de l’intercommunalité, au vu de ses compétences, qui participe activement au développement de Mayotte. « Il en va de l’intérêt du périmètre géographique de la Cadema. Les compétences et les énergies doivent se retrouver. Chaque matin, nous nous rendons à Mamoudzou en passant par Dembéni. Il serait plus que désastreux que ces élus ne puissent pas se rassembler ! » Suffisant pour convaincre les troupes d’éviter une bataille qui ferait de gros dégâts au sein de la famille LR ? Malheureusement, la politique prend souvent le dessus sur le pragmatisme… Sachant que l’approche des élections cantonales et sénatoriales entrent également en ligne de compte. Les alliances sont donc de mise. Réponse ce dimanche.  

La Cadema, une grosse machine réunissant 42 élus 

Ce dimanche s’installe le nouveau conseil communautaire de la Cadema. Les résultats du second tour des élections municipales ont attribué le nombre de sièges pour chaque liste. 2 pour La Renaissance 2020 et Mamoudzou c’est nous, 4 pour l’Union de Dembéni et Le rassemblement en marche avec l’union pour le renouveau de Mayotte, et 15 pour Mouvement jeunes unis – Les Républicains et Réussir ensemble. Soit un total de 42 élus qui vont voter pour le nom du nouveau président.

Mayotte : les braconniers de Papani condamnés à deux ans de prison ferme en appel

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Relaxés pour vice de procédure, les deux hommes qui avaient été interpellés sur la barge en avril alors qu’ils transportaient 65 kilos de viande de tortue ont été jugés en appel jeudi. Absents lors de l’audience, ils ont écopé d’une peine de deux ans d’emprisonnement et sont condamnés à verser 1.000 euros de dommages et intérêts à chaque partie civile, à savoir des associations environnementales et le conseil départemental. Une peine inédite. 

Après plusieurs dizaines de minutes de délibération, les trois juges regagnent enfin la petite salle d’audience de la cour d’appel de Mamoudzou. Les yeux rivés sur les magistrats, les représentants des associations environnementales et du conseil départemental retiennent leur souffle, dans l’espoir que la peine prononcée contre les braconniers de la plage de Papani, jugés puis relaxés en comparution immédiate trois mois plus tôt, soit à la hauteur des faits qui leur sont reprochés. Enfin, le jugement tombe : les deux hommes sont condamnés à deux ans de prison ferme et doivent en sus verser 1.000 euros de dommages et intérêts à chacune des quatre parties civiles. Une victoire pour les Naturalistes, Oulanga Na Nyamba, Sea Shepherd France et la collectivité territoriale. À l’autre bout de la salle, Loïc Thouvignon, chef du service départemental de l’office français de la biodiversité (OFB), et témoin clé dans l’affaire, esquisse un sourire. Lui qui vit et exerce sur l’île depuis près de 20 ans ne se souvient pas avoir un jour entendu plus lourde condamnation dans ce genre de procès. Un procès auquel les prévenus ne se sont pas présentés, empêchant de facto leur avocat de plaider, et donc, de faire valoir l’exception de nullité qui, en premier instance, leur avait permis d’échapper à la justice. Ils font désormais l’objet d’un mandat d’arrêt. 

Le 28 avril, plusieurs agents du STM remarquent, sur la barge, une odeur nauséabonde qui semblerait se dégager de lourds sacs, portés par plusieurs individus. Ils préviennent alors immédiatement les affaires maritimes, qui passent elles-mêmes le relais à la brigade de gendarmerie de Petite-Terre. L’amphidrome est rappelé à quai, à Dzaoudzi. Deux de ses passagers, identifiés comme les porteurs des cabas suspects sont interpellés. L’office français de la biodiversité intervient à son tour et examine le contenu des sacs. « Deux foies et deux appareils digestifs de tortues vertes », rappelle Loïc Thouvignon devant les magistrats. « Quel âge avaient ces tortues ? », interroge le juge. « Sûrement une vingtaine d’années. C’était deux adultes, de taille assez importante. » 65 kilos de viande seront ainsi saisis. 

Libérés malgré leurs aveux 

Les mis en cause sont conduits au commissariat le jour même. Dès le début de leur garde à vue, ils admettent avoir tué et dépecé les animaux la veille, sur la plage de Papani en Petite-Terre, avant de cacher leur chair encore fraîche dans un champ à proximité, en attendant, devine-t-on, de pouvoir livrer le commanditaire. Face aux enquêteurs, l’un des deux suspects reconnaîtra même qu’il s’agit de son troisième acte de braconnage depuis le début du confinement. À la vue de ces aveux, la culpabilité des hommes semble clairement établie. Pourtant, le lendemain, ils sortiront de leur comparution immédiate libres, relaxés pour vice de procédure, puisqu’ils n’avaient pas eu le droit d’être assisté par un avocat lors de leur garde à vue. Si cette disposition est en effet prévue par la loi, l’état d’urgence sanitaire avait permis, dès le début du confinement, d’y déroger. 

« Les débats ont été, en première instance, un petit peu rapides », a ainsi estimé jeudi l’avocate générale, Maître Lacroix. « Si les prévenus sont absents aujourd’hui, c’est peut-être qu’ils ont peur. C’est un honneur pour Mayotte d’avoir autant d’espèces protégées, et c’est un devoir pour chacun des les respecter », a-t-elle plaidé avant de requérir un an de prison ferme contre chacun des accusés. C’est finalement le double qui sera prononcé. Pourtant, « d’aussi lourdes condamnations dans le cadre d’une affaire de braconnage étaient jusqu’alors très rares », se souvient le chef départemental de l’office français de la biodiversité. En effet, jusqu’en janvier dernier, les braconniers reconnus coupables ne pouvaient s’exposer à une condamnation plus lourde. Or, dans les tribunaux français, les peines maximales sont rarement appliquées. Mais, depuis maintenant six mois, cette durée a été revue à la hausse pour finalement être fixée à trois ans. De quoi réprimer un peu plus les auteurs de chasse illégale. « Le verdict est enfin à la hauteur des enjeux », sourit Michel Charpentier, président des Naturalistes. 

À Mayotte, le réseau d’échouage des mammifères marins et tortues estime qu’au moins un braconnage a lieu chaque nuit, moment privilégié pour la ponte. Un phénomène qui impacte inévitablement la biodiversité de toute la région, les tortues nées à Mayotte nageant dans les eaux africaines et malgaches, avant de revenir pondre sur la plage où elles ont elles-mêmes vu le jour. « Cette nuit-là, ils (les braconniers, ndlr) ont guetté les tortues venues pondre, venues participer à la régénération de l’espèce. Et celles-ci se sont retrouvées face à des hommes venus les exterminer. Ils ont dépecé les animaux alors qu’ils étaient encore vivants, et c’est parfaitement assumé ! », a défendu jeudi l’avocate de Sea Shepherd, Maître Mattoir. Désormais, c’est aussi parfaitement condamné.

La mixité, une spécificité de Mayotte

Après le budget des ménages la semaine dernière, l’Insee livre les résultats de sa deuxième enquête basée sur le recensement de 2017. Cette fois, ce sont les couples du territoire qui sont étudiés. Un chiffre ressort tout particulièrement : un tiers des couples de l’île sont mixtes. 

Les études se suivent… et ne se ressemblent pas toujours. Après le budget des ménages la semaine dernière, c’est en effet un tout autre sujet que l’Insee a présenté hier : le profil des couples, conclusion d’une étude toujours basée sur le recensement de 2017. Évidemment, compte tenu du sujet, seuls les habitants de l’île de 14 ans ou plus ont été pris en compte ici. Et c’est là une première donnée : la moitié des habitants de Mayotte de cette catégorie vit en couple, sous un même toit. Ce n’est toutefois pas le chiffre le plus parlant. Point par point, voilà ce qu’il nous faut retenir. 

Un tiers des couples sont mixtes 

C’est sur cette donnée – 29% pour être précis, soit 37.600 couples – que l’Insee a choisi de titrer. Et pour cause : la mixité à Mayotte est bien plus fréquente qu’en métropole, où seuls 12% des couples sont concernés. Attention toutefois, on n’entend pas là une mixité de couleurs ou d’origine, mais de nationalité. Ainsi, un couple considéré comme mixte aux yeux de l’étude est composé d’une personne née en France – que ce soit en métropole ou à Mayotte – et d’une personne née à l’étranger. Explication de ce constat : « la part plus importante de résidents d’origine étrangère » à Mayotte par rapport à la métropole. Si ce taux de 29% reste stable depuis 2012, un autre augmente en revanche très fortement : celui des couples composés de deux personnes nées aux Comores. Une augmentation de 10 points à imputer à « une immigration importante » qui porte à 42% le taux de couples où les deux conjoints sont nés à l’étranger, ceux-ci étant nés « essentiellement aux Comores ». À l’inverse, la part des couples unissant deux personnes nées en France perd huit points et, au sein de ceux-ci, seuls 2% des couples sont composés d’un natif de Mayotte et d’un natif d’un autre département. Enfin, 58% des couples sont composés d’au moins un conjoint né en France. 

Des femmes plus souvent célibataires après 30 ans 

Si les femmes débutent leur vie de couple très tôt à Mayotte – 7% d’entre elles vivent déjà en couple entre 14 et 19 ans, contre seulement 2% en métropole –, elles demeurent moins souvent en couple après 30 ans : 63% à Mayotte contre 70% en métropole. Et cette différence s’accentue au-delà de 35 ans. Le contraire des hommes qui, en ce qui les concerne, vivent peu en couple avant 25 ans, mais le sont de plus en plus au-delà : 50% des 25-29 ans (contre 45% en métropole) et 80% au-delà (contre 70% en métropole). Globalement, les femmes vivent moins souvent en couple que les hommes : 46% des femmes et 54% des hommes. Constat identique en métropole : 55% des femmes et 60% des hommes). 

Un écart d’âge deux fois plus grand qu’en métropole 

De ce précédent constat en découle un autre : les écarts d’âge entre conjoints et conjointes sont élevés à Mayotte avec huit ans d’écart en moyenne, contre quatre ans en métropole. Et dans huit couples sur dix, c’est l’homme qui est plus âgé que sa conjointe. Cet écart dépasse même 15 ans dans 12% des cas. Des écarts élevés qui concernent le plus souvent les couples dont l’homme a plus de 60 ans : 33% des hommes en couple âgés de 60 à 74 ans vivent ainsi avec des femmes d’au moins 15 ans plus jeune, contre à peine 4% en métropole. Dans le détail, l’écart d’âge moyen entre conjoints est de 10 ans dans les couples mixtes, de huit ans dans les couples étrangers, et de sept ans dans les couples français. 

L’enfant, suite logique à la vie de couple 

C’est là une autre spécificité forte du département : seulement 17% des couples vivent sans enfants, contre 50% en métropole. L’âge de maternité est également plus bas à Mayotte, et la mise en couple s’accompagne très souvent de l’arrivée d’un enfant, même lorsque les conjoints sont très jeunes : seuls 33 % des couples dans lesquels la femme a moins de 20 ans vivent sans enfant, contre 80 % en métropole. En ce qui concerne les couples composés de conjoints nés tous les deux à l’étranger, seuls 11% des couples n’ont pas d’enfant. Une part bien plus élevée pour les couples unissant deux personnes nées en métropole et qui vivent à Mayotte puisqu’elle est de 50%. 

Des profils au même niveau d’instruction 

Dernier constat : les personnes qui vivent en couple ont souvent le même niveau d’instruction. 70 % des conjoints ont en effet le même niveau de diplôme, « alors que la probabilité que deux personnes de sexe différent prises au hasard parmi l’ensemble des habitants de Mayotte aient le même niveau de diplôme n’est que de 52 % ». « En particulier », rajoute l’Insee, « 7% des couples sont formés de deux personnes diplômées de l’enseignement supérieur, alors que la probabilité théorique que deux personnes de Mayotte soient diplômées du supérieur n’est que de 1 %. » Un profil statistique qui se retrouve également sur la question de l’emploi : « Deux conjoints ont bien plus souvent le même statut face [à lui] (68%) que deux personnes prises au hasard dans l’ensemble de la population (59 %). » En métropole, 51 % des conjoints ont le même niveau de diplôme, et 78 % ont le même statut d’emploi.

Munia Dinouraini, une benjamine prête à redistribuer les cartes de la politique

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Novice en politique, la benjamine de 27 ans du nouveau conseil municipal de Mamoudzou, membre de la majorité, ne veut pas faire de la figuration au cours des six prochaines années. Au contraire, elle compte bien jouer des coudes pour se faire entendre et défendre ses dossiers avec hargne. Portrait d’une enfant de M’Tsapéré, prédestinée à un tel engagement. 

12h30. Munia Dinouraini pousse la porte de la BRED. Sa longue chevelure s’envole dans la bourrasque de l’appel d’air, tandis que son large sourire, pigmenté d’un rouge à lèvre, rayonne depuis l’obscurité. « N’oubliez pas le gel hydroalcoolique à l’entrée », signale la responsable clientèle particulier, tout en se rendant en direction de son bureau. Du haut de ses 27 ans, la benjamine du nouveau conseil municipal de Mamoudzou dégage une certaine aisance et une assurance déconcertante à l’heure de son « premier entretien » post-élection, mais aussi une ressemblance frappante avec Michelle Obama dans son tailleur bleu. Des vertus qui expliquent peut-être la nouvelle corde à son arc ? Pas vraiment. « Cette fibre politique », comme elle aime le répéter, elle la tisse depuis bien plus longtemps. Revenue sur son île natale en juin 2018 pour passer les vacances, la jeune diplômée de l’ESSEC, la grande école de commerce de Cergy, doit repartir quelques semaines plus tard pour travailler dans le consulting à Londres. Mais une réflexion auprès des siens chamboule alors ses plans professionnels. « Mon père m’a expliqué que pour devenir quelqu’un, il faut être chez soi. Il est important d’avoir la reconnaissance de ses pairs et de pouvoir participer au développement de son territoire. » Ce discours sonne alors comme une évidence pour Munia Dinouraini. « À partir de là, j’ai eu cette envie de m’engager en politique. » Une volonté également nourrit par son appétence pour l’essayiste américain, Anthony Robbins, dont les ouvrages lui permettent de « m’améliorer en tant que personne ». Profondément intéressée par le développement personnel, elle considère que « la vision du bonheur est la contribution à autrui, le sentiment d’avoir pu aider sa communauté ». L’essence même de l’engagement politique en soi. 

Elle s’engage alors aux côtés de M’Colo Mainty Dhinouraine et rejoint le Mouvement pour le Développement de Mayotte. Là voilà propulsée en deuxième position sur la liste du candidat à la mairie. Son âge ? « Un atout », rétorque-t-elle du tac au tac. « Le MDM s’est très peu renouvelé ces dernières années. Depuis le combat pour la départementalisation, il avait du mal à trouver un nouveau souffle. Avec Soiyinri Mhoudoir, l’autre « jeune », on nous a tout de suite offert la possibilité de prendre la parole durant les meetings », souligne celle qui a participé à la gestion de la communication au cours de la campagne. Une manière pour le parti de redorer son blason, englué dans des tensions internes depuis de longs mois, mais aussi de préparer les prochains scrutins, en plaçant ses nouveaux talents sur le devant de la scène. L’entre-deux-tours marque le ralliement du MDM au LR d’Ambdilwahedou Soumaila. Une coalition qui ne freine pas les ardeurs de Munia Dinouraini. Figure marquante, elle devient officiellement adjointe lors de l’investiture de dimanche dernier. 

Les finances ou l’insertion dans son viseur 

Moins d’une semaine plus tard, il est encore trop tôt pour connaître son futur rôle au sein de la municipalité. « J’ai envoyé mes délégations de prédilection », sourit l’ancienne responsable achat chez Bourbon distribution. Et tout naturellement, son regard se pose sur un poste « très prisé », à savoir les finances. Une attribution qui peut coller à son parcours estudiantin, marqué par la gestion et le marketing international, qui lui a notamment fait découvrir Singapour. L’autre domaine qui l’attire tout autant ? L’insertion des jeunes, avec qui elle a longuement échangé au cours des derniers mois. « L’oisiveté extrême dans laquelle ils sont m’a vraiment touché ! » Pour leur venir en aide, il lui apparaît nécessaire de subventionner des centres dédiés, pour former aux métiers du sport, de l’art et de la culture dans l’optique de « pouvoir en faire des champions », et d’insister sur la formation. Une ambition qui demande énormément de moyens… « L’idée serait d’être épaulée par une structure pour monter ces dossiers d’envergure et qui ne serait là que pour chercher des financement, tels que le fonds social européen. » D’ici là, elle réfléchit déjà à créer une association dans ce sens-là. 

Ambitieuse, Munia Dinouraini veut aller vite et loin, quitte à bouger l’échiquier politique. « S’il faut que je tape à la porte des personnes concernées pour que mes projets aboutissent, j’irai sans problème. Je les défendrai avec hargne ! », insiste l’habitante originaire du quartier de Mandzarisoa à M’Tsapéré. Travailleuse, elle souhaite marquer son territoire dès le début pour ne pas se faire marcher sur les pieds, quitte à aménager ses horaires à la banque populaire pour s’investir à 100% dans ses nouvelles fonctions. « Ambdil porte beaucoup d’espoir sur moi, je n’ai pas envie de le décevoir », souligne l’aînée d’une fratrie de sept enfants, qui a conscience de la pression sur ses épaules. « Il faut que je redouble d’effort pour démontrer que je mérite ma place. » Et à ce petit jeu-là, pas question de faire les choses à moitié. Celle qui se définit comme carriériste veut être une élue de proximité et surtout à l’écoute de ses administrés. « Je ne vais pas fermer ma porte à double tours ou changer de numéro. » Au contraire : « Mon apparence et mon âge pourraient donner l’impression que je ne compte pas m’investir. Je vais travailler sur mon image pour faire en sorte que je sois respectée à ma juste valeur ! » Une poigne de fer dans un gant de velours ?!

Un quartier en feu à Trévani, Mayotte

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C’est une vraie scène de guérilla qui s’est déroulée dans la nuit de mercredi à jeudi à Trévani. Le quartier appelé Troca était en feu. L’incendie a volontairement été déclenché par une quarantaine de jeunes. Aucun blessé n’est à déplorer, mais des familles se retrouvent sans domicile. 

20h00. Heure du début du cauchemar pour une partie des habitants de Trévani. Selon la gendarmerie nationale, une quarantaine de jeunes armés de coupe coupe terrorisent les passants et habitants du quartier de Troca à Trévani en jetant des pétards sur les voitures et les maisons. La gendarmerie qui patrouillait à Dzoumogné a rapidement été dépêchée sur place. 32 gendarmes mobiles et 12 militaires sont envoyés à Trévani. Ils se retrouvent face à un incendie initié volontairement dans une cour et qui s’est propagé à plusieurs cases en taules. L’incendie a rapidement été maîtrisé par les sapeurs-pompiers mais a laissé de lourdes conséquences. “Nous avons évacué une soixantaine d’occupants. Les gendarmes ont même dû évacuer à dos d’homme les personnes les plus vulnérables avant l’arrivée des pompiers. L’incendie a complètement mis en cendre deux habitations et deux familles ont dû être relogées”, indique le général Philippe Leclercq, commandant de la gendarmerie à Mayotte. La mairie de Koungou a proposé de les installer à l’école maternelle de Trévani, avant de trouver une meilleure solution, mais les familles étaient réticentes selon le DGS de la mairie de Koungou, Alain Manteau. Certaines personnes ont préféré se loger chez des proches. “Sur les 10 personnes qui ont perdu leurs logements, 7 sont allées chez leurs familles à Majicavo et 3 ont été relogées par un adjoint au maire”, précise Alain Manteau. Sur le long terme, la mairie pourrait aider ces personnes à trouver un logement dans la mesure où elles vivaient dans ces cases en taules légalement… 

L’évacuation des habitants et la maîtrise de l’incendie n’ont pas ramené le calme dans le quartier cette nuit-là. Les militaires de la gendarmerie ont tenté d’interpeller les auteurs des faits, en vain. “Ces individus ont continué à être très agressifs envers les gendarmes par jets de pierres comme c’est malheureusement la tradition ici, ce qui nous a conduit à mettre en œuvre les techniques pour les disperser”, évoque le général Leclercq. Le dispositif a été levé vers minuit. Malgré les quatre heures d’intervention, il leur a été impossible d’identifier les jeunes à l’origine de l’incendie mais une enquête judiciaire est ouverte. La gendarmerie ignore les raisons qui ont motivé de tels actes, même si les rumeurs vont bon train sur les réseaux sociaux. 

Une violence disproportionnée ? 

Un scénario similaire s’était produit à Labattoir il y a quelques semaines. Ces actes criminels dépassent l’entendement. “Malheureusement, les raisons sont souvent inconnues. Elles peuvent être multiples mais la plupart du temps elles sont totalement disproportionnées par rapport à la manière dont ces conflits sont résolus”, regrette le commandant de la gendarmerie. En effet, un simple vol de chien ou de vélo peut mener à une riposte d’une violence inouïe. “Ce sont des bandes qui sont extrêmement volatiles, qui agissent par regroupement de circonstance et il n’y a pas beaucoup de logique derrière tout ça. Ils sont juste dans la recherche de l’affrontement et de l’affirmation d’une autorité territoriale”, ajoute le général Leclercq. Encore une fois, ce dernier appelle tous les acteurs à trouver une solution efficace, car la gendarmerie ne peut pas s’en charger seule. 

Elle est pourtant dans la ligne de mire de ces jeunes qui multiplient les actes de provocation pour attirer les gendarmes. “Le niveau d’exposition des militaires de la gendarmerie à Mayotte est de très haute intensité. Mais on continuera tant que cela sera nécessaire. Personne chez nous ne se laisse désabuser ou abattre”, affirme fièrement le commandant de la gendarmerie. Même si cela signifie qu’ils doivent sacrifier des nuits à ces missions qui blessent leurs troupes.

Protection des tortues à Mayotte : une affaire d’environnement, et l’affaire de tous

Alors que les deux braconniers arrêtés quelques mois plus tôt, puis relaxés pour vice de procédure, seront rejugés ce jeudi, les Naturalistes ont dévoilé leurs prochains projets. Objectif : sensibiliser le plus grand nombre à la protection des tortues marines, et poursuivre, dans la durée, les opérations de suivi des populations. 

Les associations environnementales retiennent leur souffle. Ce jeudi, les deux braconniers de la plage de Papani, surpris alors qu’ils transportaient de la viande fraîche de tortue, retourneront au tribunal où ils seront jugés en appel. Courant avril, ils avaient été relaxés in extremis pour vice de procédure. Depuis, et alors que le confinement avait marqué une recrudescence des actes de braconnage, ceux-ci sont repartis encore de plus belle. « Comme une partie des forces de l’ordre était mobilisée sur autre chose, les braconniers avaient le terrain complètement libre et là, ça leur a donné un sentiment d’impunité », souffle Michel Charpentier, président des Naturalistes, l’une des parties civiles dans cette affaire. Concernant les deux mis en cause, ils encourent des peines maximales de deux ans d’emprisonnement ferme et de 150.000 euros d’amende. 

En sus des dizaines de corps retrouvés sur la petite plage de Moya, au cours des quatre derniers mois, l’association a recensé plus d’une douzaine de cadavres ou de traces de braconnage à Saziley, où elle mène, deux nuits par semaine, des opérations de surveillance et de suivi des populations, ces plages étant l’un des sites de ponte les plus actifs de l’île. C’est donc tout naturellement que la communauté de communes du Sud a été choisie par les Naturalistes pour accueillir pendant neuf mois, à compter de juillet, le projet Life4Best financé par l’Europe. Ainsi, jusqu’au mois de mars 2021, 12 conférences aux thématiques différentes se tiendront dans toutes les localités du secteur pour sensibiliser le grand public à la protection des tortues marines, du braconnage jusqu’aux bonnes pratiques d’observation. D’autres activités de plus grande ampleur, comme des « voulé naturalistes », se tiendront pour attirer l’attention des élus, des techniciens et des partenaires financiers notamment. 

Une centaine de sites potentiels de ponte 

« Nous (les Naturalistes, ndlr) sommes très motivés, mais quand bien même nous doublerions nos capacités, cela serait encore très insuffisant », défend Michel Charpentier. D’où l’intérêt de sensibiliser les habitants et de mener en amont des opérations auprès des scolaires et des travaux pratiques sur les plages de ponte. « La surveillance et la protection ne peuvent pas être l’affaire que des associations ou des pouvoirs publics. Il y a à Mayotte une centaine de plages qui sont potentiellement des sites de ponte et seules les plus fréquentées peuvent être vraiment surveillées par les associations… », déplorent encore les Naturalistes. 

L’année dernière, l’association avait dû abandonner son opération de suivi à Saziley après seulement quelques mois, faute de fonds. Un projet qui a été relancé au mois de février, avec cette fois pour objectif de poursuivre les bivouacs réguliers de suivi sur un an et demi, afin de déterminer plus précisément les périodes de pics et de creux de ponte, et par conséquent, d’estimer un peu mieux les populations de tortues qui fréquentent le lagon. Mais la structure espère pouvoir aller plus loin et devrait déposer d’ici quelques jours une note de concept pour un second projet européen, qui s’étalerait cette fois sur cinq ans, en partenariat avec l’association Oulanga Na Nyamba et le centre de recherche et de soins Kélonia, basé à Saint-Leu, sur l’île de La Réunion. 

La fête de la mer et des littoraux débarque à Mayotte 

Du 17 au 19 juillet, Mayotte, à l’instar de tous les autres départements, accueillera la seconde édition de la fête de la mer et des littoraux. Cette année, les Naturalistes se mobilisent autour de différents thèmes, comme la pollution par les déchets plastiques, la découverte du milieu naturel au sens large et son évolution. Ainsi, différentes opérations se tiendront sur les plages de Saziley ainsi qu’à M’Tsamboro, où un focus sera fait sur le projet Leselam, ou lutte contre l’érosion des sols et l’envasement du lagon. Parallèlement, les bénévoles ont commencé à ramasser différents déchets, lors des bivouacs de surveillance dans le Sud, qu’ils revaloriseront, dès la rentrée prochaine, avec les jeunes de l’île.

Ali Nizary, président de l’UDAF à Mayotte : l’indispensable développement des CCAS

À la suite du scrutin municipal, le président de l’Union départementale des associations familiales (UDAF), Ali Nizary, a adressé une lettre aux communes de l’île. Il y rappelle l’importance des centres communaux d’action sociale (CCAS) à Mayotte et la nécessité de leur donner toute leur place au sein de la société. Un travail qui doit être soutenu pour répondre aux nombreux enjeux sociaux du département. 

Flash Infos : À l’issue de ces élections municipales, l’UDAF demande aux communes – et en particulier aux nouveaux maires – que l’accent soit particulièrement mis sur les CCAS. Vous dîtes que ces organismes correspondent particulièrement bien à Mayotte… 

Ali Nizary : Les CCAS développent l’action sociale des communes, et ce sont elles le premier échelon pour les familles, le premier service de proximité. Quand les familles ont un problème, c’est donc vers les CCAS qu’elles se tournent. Ensuite, ils développent en leur sein une série de dispositifs pour permettre aux familles de s’informer, mais aussi de trouver des solutions à leurs problématiques. C’est vraiment une porte d’entrée pour elles. C’est pour cela que nous insistons afin que les CCAS soient suffisamment équipés et outillés : il ne faut pas que les familles soient perdues. 

FI : Ils sont toutefois relativement jeunes à Mayotte. Que doivent-ils améliorer ? 

A. N. : Ce qui leur manque, c’est qu’ils soient identifiés par les familles comme étant des services pouvant leur donner les premières informations. De ce point de vue-là, les CCAS doivent encore faire des efforts. Il leur faut aussi des techniciens, des personnes formées, des travailleurs sociaux. Certains n’en ont pas encore, mais c’est indispensable. Quelqu’un qui est formé à cela est plus à même d’identifier la problématique d’une famille, de l’orienter et de l’accompagner. Malgré tout, ces organismes marchent assez bien chez nous pour leur jeune âge, et l’évolution va dans le bon sens. Ils sont composés d’élus et d’associations, et ce couple-là fonctionne bien. C’est pourquoi nous disons aux communes que l’UDAF est toujours là pour impulser le mouvement et pour pousser les associations à prendre leur place au sein des CCAS. Ils sont face à des enjeux qui sont énormes. 

FI : Des enjeux qui se sont révélés prégnants durant la crise sanitaire… 

AN : Tout à fait. Mais les CCAS, le tissu associatif, la communauté, l’engagement citoyen étaient mobilisés. La question de la solidarité dans notre société est une valeur centrale, et elle doit se retrouver au sein des CCAS. 

FI : Vous soulignez l’importance de la vie associative et des initiatives citoyennes sur le territoire. Mais comment structurer tous ces échelons de solidarité ? 

AN : Au sein de l’UDAF, nous avons déjà un travail énorme à mener. Il nous faut sensibiliser le tissu associatif à son rôle et sa place au sein des CCAS. Ils sont aussi là pour écouter les associations et à travers elles, écouter les doléances des familles. Il y quatre types d’associations : celles qui s’occupent des personnes âgées, celles qui s’occupent des personnes handicapées, les associations familiales – fédérées au sein de l’UDAF –, et celles qui luttent contre l’exclusion. Si ces quatre types d’association se mobilisent, alors on peut couvrir la totalité des problématiques que rencontrent les familles. On compte donc organiser d’ici la fin de l’année 2021 une formation financée par l’Union nationale des associations familiales (UNAF), qui donnera beaucoup d’éléments et d’outils aux associations et à leurs rôles dans les CCAS.

À Mayotte, des vacances ludiques et apprenantes pour lutter contre l’oisiveté

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Les vacances d’été auront une toute autre saveur pour les élèves mahorais cette année. Ceux qui le souhaitent pourront participer au dispositif “vacances apprenantes” mis en place par le rectorat. L’objectif est d’apprendre, de consolider les acquis tout en s’amusant. 

Habituellement, les vacances apprenantes ne sont organisées que pour les petites vacances. Coronavirus oblige, l’Éducation nationale a dû revoir sa copie et a prolongé le dispositif aux vacances d’été. Quatre programmes sont proposés par le rectorat et ses partenaires (les mairies, les associations, les différents services de l’État). Stage de réussite, école ouverte, été du pro, colonies apprenantes, chacun a un objectif bien précis mais tous ont la même ligne de conduite : apprendre de façon ludique. “L’idée est de consolider les fondamentaux (lire, écrire, compter et le respect d’autrui) à l’école primaire et les compétences acquises au collège. Tout cela de façon ludique. Si l’enfant rentre chez lui en disant qu’il n’a pas appris, il n’a fait que jouer, alors la mission est accomplie”, explique Balbine Ollier, en charge du dispositif de l’école ouverte. 

Les vacances apprenantes existent dans tout le pays. La consigne nationale veut que les enfants qui ont le plus décroché soient prioritaires lors des inscriptions qui se font sur la base du volontariat. Mais à Mayotte, beaucoup d’élèves sont concernés, alors les établissements privilégient ceux qui sont en fin de primaire pour préparer l’entrée en sixième et ceux qui sont en fin de collège pour préparer l’arrivée au lycée. Avec la crise sanitaire, le nombre d’élèves qui peuvent participer aux différents dispositifs a été revu à la hausse. “Le budget a été multiplié par sept, c’est-à-dire que l’on peut accueillir sept fois les dispositifs qui existaient auparavant. C’est important car plus les élèves feront ces activités ludiques et apprenantes, moins ils seront en difficulté à la rentrée”, selon Balbine Ollier. À titre d’exemple, les cinq établissements scolaires de la ville de Mamoudzou concernés pour l’école ouverte représentent à eux-seuls un montant de 150.000c euros. Petit bémol, toutes les communes de Mayotte ne seront pas couvertes par ces dispositifs. Pour l’heure, seulement quatre collèges et sept écoles primaires ouvriront leurs portes cet été. La région du sud de l’île est la plus déserte. 

L’environnement au cœur des colonies 

L’île a la chance d’avoir une nature très riche et les vacances apprenantes la mettront en valeur. Notamment à travers des colonies non pas de vacances mais éducatives et pédagogiques. Elles sont organisées par la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS). “Nous allons travailler sur des activités de nature, sur l’écologie, l’environnement, les sciences naturelles et du sport. On essaye d’être un peu plus dans les activités de découverte, grâce à nos associations partenaires”, annonce Patrick Bonfils, directeur de la DRJSCS. 22 séjours d’une semaine à chaque fois sont prévus pour le mois de juillet et début août. Le chiffre est cependant amené à augmenter puisque les organisateurs estiment que ce n’est pas suffisant et souhaitent étaler ces colonies au mois d’août. Les contenus seront plus pédagogiques et les enfants seront sensibilisés aux questions du développement durable, de l’écologie, des problématiques environnementales en général. Ces colonies sont également une aubaine pour les parents qui ne débourseront pratiquement rien. “Les colonies sont majoritairement prises en charge par l’État. Il versera aux associations 500 euros par enfant, et si c’est une mairie qui organise, c’est 400 euros par enfant”, indique Patrick Bonfils. Pour inscrire son enfant, il faut se renseigner auprès du directeur de son école ou directement auprès des associations. Les places seront limitées puisqu’à cause de la crise sanitaire, les colonies ne pourront accueillir que 10 enfants. Le premier arrivé sera le premier servi.

Trois mois de prison avec sursis pour Daniel Zaïdani, dans l’affaire de la SPL 976

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L’ancien président du conseil départemental et actuel conseiller départemental de Pamandzi était jugé avec l’ex-directeur général de la Société publique locale 976 pour des faits d’atteinte à l’égalité des marchés publics. Les deux prévenus ont été reconnus coupables. 

À peine annoncée, la condamnation de Daniel Zaïdani aura fait réagir les réseaux sociaux, déçus par le manque de sévérité de la peine. L’ancien président du conseil départemental a été jugé coupable ce mercredi par le tribunal correctionnel de Mamoudzou, dans l’affaire qui l’opposait ainsi que Saidi Issouf Andrianavélo Kelimanjaka à la Société publique locale (SPL) 976 et au conseil départemental. Les deux prévenus ont écopé respectivement de trois et six mois de prison avec sursis, pour atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics et abus de bien social. Les magistrats ont rejeté les demandes de non-inscription de la peine au casier judiciaire. 

Or pour les commentateurs des réseaux sociaux, il s’agit là d’une condamnation bien clémente, au regard des soupçons qui pesaient sur les deux prévenus. Tout juste auront-ils à s’acquitter des frais de procédure, alors qu’un rapport de la Chambre régionale des comptes déplorait, en 2017, des “recours à des procédures irrégulières” ayant conduit, au total, à “plus de 100.000 euros (…) payés à des prestataires extérieurs sollicités sans publicité ni mise en concurrence préalables”. 

Mais, comme le précise l’avocat de Daniel Zaïdani, un seul fait était reproché à son client dans cette affaire, à savoir la signature d’un bon de 30.000 euros pour permettre la création de la SPL. Pour sa défense, le conseil de l’ex-président cite notamment l’ex-article 28 du code des marchés publics alors en vigueur, qui permettait de passer une commande sans publicité et sans mise en concurrence lorsque « ces formalités sont impossibles ou manifestement inutiles en raison de l’objet du marché, de son montant ou du faible degré de concurrence dans le secteur considéré ». D’après lui, le statut hybride de la SPL, relativement récent au moment des faits, et relevant à la fois du droit privé et public, ne permettait pas une mise en concurrence efficace. 

Aucune action de la SPL 976 n’avait abouti 

Pour bien comprendre le contexte dans lequel la signature de cette commande a eu lieu, il faut remonter à 2012, et à la création de la Société publique locale (SPL) 976. Cet organisme, lancé par Daniel Zaïdani alors président du conseil départemental, avait pour objectif de favoriser le développement économique de Mayotte, d’abord en permettant l’accession à la propriété pour les revenus médians, et ensuite en attirant des financements extérieurs. Les activités de cette société étaient centrées sur des opérations d’aménagement et de construction pour les collectivités locales. Problème : cinq ans après, un rapport de la CRC notait qu’aucun des projets attribués à la SPL 976 n’avait abouti au moment de son enquête. La subvention du Département notamment, d’un montant d’1 million d’euros, versée “en pure perte”, avait donc été détournée de son objet et avait davantage “servi au fonctionnement courant de la structure”. “Entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016, 1,5 millions d’euros de fonds publics ont été dépensés, dont 71 % pour des charges de personnel, sans réaliser de chiffre d’affaires”, soulignaient aussi les observateurs des comptes publics. 

Des rémunérations douteuses 

En plus de ces irrégularités, le directeur général Saidi Issouf placé à la tête de la structure par Daniel Zaïdani, récupérait les coquettes sommes de 30.408 euros, en rémunération rétroactive versée au titre de l’exercice 2012, ainsi que 16.333,32 euros de salaires sur les mois de novembre et décembre 2012. Le principal intéressé, dans sa réponse à la chambre, ne “contestait plus avoir perçu deux mois de salaires indus”, relevait d’ailleurs le rapport. Et de son côté, Daniel Zaïdani faisait voter en septembre 2014 au conseil départemental une délibération lui autorisant à recevoir une rémunération exceptionnelle de près de 100.000 euros annuel, finalement ramenée à 16.000 euros dans les relevés des comptes courants pour l’année 2014. 

Encore dans le viseur de la justice 

Au vu de cette gestion calamiteuse, la présidente de la SPL 976 issue de la nouvelle majorité du conseil départemental, Bichara Bouhari Payet, décidait en 2015 de porter plainte. Et les conclusions de la Chambre régionale des comptes poussaient finalement le parquet à se saisir de l’enquête en 2017, pour atteinte à l’égalité des marchés publics. Enquête qui s’est soldée par un procès le 1er juillet, et dont le jugement a été rendu ce mercredi 8 juillet. Le parquet comme les prévenus ont vingt jours pour faire appel de la décision. “Pour l’instant mon client hésite”, rapporte Maître Benoît Jorion. Pour lui, cette décision du tribunal est mitigée, car “elle dit en substance “vous n’êtes coupable qu’à moitié”. S’il était innocent, il devait être acquitté, s’il était coupable, il aurait dû y avoir une peine d’inéligibilité”, poursuit-il. “On a vraiment le sentiment qu’il y a une volonté d’attraper un gros poisson, dans cette affaire comme dans d’autres.” 

Il faut dire que cette affaire n’est pas la seule casserole que traîne le médiatique ex-président du conseil départemental, pour des faits datant de la même période. En décembre 2019, Daniel Zaïdani avait été placé en garde à vue pour des soupçons de prise illégale d’intérêts au sujet de la vente d’un terrain familial pendant l’exercice de ses fonctions. Le conseil général avait accordé une subvention à l’acheteur, la mairie de Kani-Kéli, mais c’est l’ex-président qui avait signé la vente pour le compte de sa famille. Et en 2013 et 2017, il était mis en examen pour détournement de fonds publics dans le cadre de la venue du groupe de musique Sexion d’Assaut en 2012 à Mayotte, l’organisation d’un foutari pour ses proches et pour des subventions accordées à des associations détournées des fins pour lesquelles elles avaient été attribuées. Ces affaires n’ont pas encore été jugées.

Sébastien Lecornu remplace Annick Girardin au ministère des Outre-mer

Avec le remaniement ministériel de lundi, c’est un nouveau ministre des Outre-mer qui échoie aux territoires ultramarins. Sébastien Lecornu remplace en effet Annick Girardin, qui récupère pour sa part le ministère de la Mer, recréé sous le gouvernement Castex. 

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un critère déterminant, c’est une surprise : le nouveau ministre de l’Outre-mer, Sébastien Lecornu, n’est pas lui-même ultramarin. Une première depuis 2009. Nommé lundi soir par le nouveau premier ministre, Jean Castex, en remplacement d’Annick Girardin, le désormais ministre référent des Ultramarins aura donc provoqué quelques étonnements parmi lesquels celui du député européen Younous Omarjee (FI) sur son fil Twitter : « Plus d’Ultramarin au ministère des Outre-mer. Vive le temps des colonies ! »

Sans aller jusque-là, le député de Mayotte, Mansour Kamardine, regrette aussi, non pas qu’il ne soit pas Ultramarin, mais qu’il ne soit pas Mahorais. « C’est un point de déception », confirme l’élu en expliquant : « Le gouvernement n’a pas été à même d’assumer le fait que Mayotte soit française. Toutes les collectivités ultramarines ont déjà eu l’occasion d’avoir un ministre à l’exception de Mayotte. Alors j’espérais que cette heure serait venue et qu’un des enfants du département soit nommé au gouvernement. Cela aurait été un signal fort d’intégration de Mayotte dans la République. Ce signal n’est finalement pas venu, mais je ne désespère pas que cela soit le cas un jour. » 

Une origine continentale sur laquelle est revenu Sébastien Lecornu lors de son allocution, hier, à l’occasion de la passation de pouvoir avec son prédécesseur. « C’est déjà largement commenté : je ne suis pas issu d’un territoire d’Outre-mer. [Mais] la République, elle est qu’une. On l’aime et ce n’est pas une affaire de carte d’identité, c’est une affaire de cœur. Et le cœur j’en aurai », a-t-il répondu, mettant un terme à cette mini-polémique.

Car ce n’est pas tant sur ses origines ultramarines ou non qu’un ministre des Outre-mer est attendu, que sur sa capacité à prendre en compte les spécificités de ces territoires dispersés aux quatre coins du globe et qui valent parfois à la France le qualificatif de « pays sur lequel le soleil ne se couche jamais ». Et pour ce qui la concerne, des spécificités, Mayotte n’en manque pas. Ce que rappelle Mansour Kamardine : « L’Outre-mer est plurielle. Chaque territoire est déjà un enjeu en soit, et au milieu d’eux, l’enjeu mahorais est encore plus particulier. » Et pour cause : « C’est le territoire le plus pauvre de France. Cette pauvreté gagne encore du terrain parce que les mesures de fond n’ont pas été prises. Il est donc plus qu’urgent de tenir la promesse d’améliorer les aides sociales à Mayotte et d’étendre les dispositifs qui n’y sont pas encore. Cela a été annoncé pour le 30 décembre, nous sommes en juillet, et ce n’est pas encore fait. Ce chantier doit donc désormais être mené et accéléré. » Pour le député, ce n’est pas tout : « Pour que Mayotte progresse, elle doit aussi s’appuyer sur son économie et les infrastructures qui la soutiennent, comme la piste longue, une université de plein exercice, un réseau routier amélioré, le haut débit, des services publics reparamétrés et mis à niveau, etc. » Et d’espérer voir se mettre en place sous l’égide de ce nouveau ministre « un véritable plan de développement qui parle aux Mahorais. Nos jeunes, face aux difficultés, s’en vont. Nous ne pouvons pas continuer dans cette direction. Mayotte ne saura se construire qu’avec les Mahorais et sa jeunesse ». 

« Attendre des élus locaux »

Un point de vue que le député pourra expliciter directement à Sébastien Lecornu si celui-ci décide de recevoir les élus locaux pour appréhender l’ampleur des chantiers à mener. Si aucun agenda n’est encore prévu en ce sens, il l’a assuré : « Je vais beaucoup attendre des élus locaux d’Outre-mer. (…) L’État a besoin des collectivités territoriales d’Outre-mer et ces dernières ont besoin de l’État. Ces dernières années, quand les uns ou les autres ont pu jouer l’un contre l’autre, ce sont nos concitoyens ultramarins qui ont payé l’addition. Je tends donc la main aux élus locaux afin que nous puissions nous mettre au travail. »

Une annonce attendue car, dans un communiqué envoyé à la suite à cette nomination, le président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani, expliquait sa volonté de « me rapprocher de lui pour évoquer les dossiers stratégiques pour Mayotte et sa population, qu’il s’agisse de la convergence des droits sociaux, du désenclavement effectif de l’île avec la nécessaire piste longue, de la reconnaissance de Mayotte dans sa région avec une participation pleine et entière à la Commission de l’océan Indien (COI), de la transformation du port de Longoni en grand port maritime pour ne citer que ces dossiers importants ».

Des élus locaux dont il connaît par ailleurs bien la fonction. Ancien président du conseil départemental de l’Eure entre 2015 et 2017, Sébastien Lecornu était surtout, jusqu’à sa nomination à la rue Oudinot, ministre en charge des collectivités territoriales depuis octobre 2018. Une responsabilité qui l’aura notamment amené à animer le Grand débat national consécutif à la crise des Gilets jaunes. L’expérience satisfait d’ailleurs quelques élus ultramarins, soulignant, à l’instar de la Guadeloupéenne Josette Borel-Lincertin, sa connaissance des dossiers et son approche d’élu local. 

Girardin prend la mer

Quant à Annick Girardin, elle ne reste pas sans rien puisqu’elle prend la tête du ministère de la Mer, recréé – la précédente institution du genre date de 30 ans – à l’occasion de ce remaniement. Un ministère qui ne sera donc pas tout à fait coupé des Outre-mer, ceux-ci participant largement aux 11 millions de mètres carrés du domaine maritime français. L’ex-ministre des Outre-mer n’a d’ailleurs pas manqué de le souligner, pas plus que d’avoir un mot pour Mayotte, territoire qu’elle aura visité à plusieurs reprises et qui lui aura donné du fil à retordre. « Mayotte, un territoire que j’ai découvert », s’est-elle rappelée lors son allocution de départ. « Un territoire à qui j’ai dit dès les premiers jours qu’il n’avait pas eu l’intérêt qu’il méritait. Je crois pouvoir dire aujourd’hui que nous avons été au rendez-vous de ses difficultés. Il reste du travail mais nous avons avancé. Les moyens sont là, les engagements aussi. Il nous faut finaliser un certain nombre d’actions. » Reste désormais à prendre son successeur au mot.

 

 

Approvisionnements : les effets “boule de neige” du confinement pour les entreprises mahoraises

À Mayotte, très dépendante de l’extérieur pour se réapprovisionner, les entreprises subissent toujours les conséquences du confinement. Outre la distribution alimentaire, des fournisseurs de produits de construction ou ménagers, comme Ballou ou Disma, peinent à assurer leurs stocks. 

Ici, c’est un four micro-ondes qui n’a pas pu sortir à temps de son usine en Chine. Là, un conteneur de voitures qui tarde à débarquer à Mayotte. Après plus de deux mois de confinement, l’heure de la reprise économique tant attendue est enfin arrivée. Mais pour les entreprises, qui, comme Mayotte dans son ensemble, dépendent toujours beaucoup des arrivages extérieurs, la relance reste encore bien timide. En cause d’abord : des retards dans l’arrivée des bateaux. “Les livraisons ne sont pas conformes à ce qui est annoncé, on ne peut pas gérer une entreprise si les délais ne sont pas respectés”, assène Safdar Ballou, le gérant de la société d’électroménager Ballou.

Des conséquences à la chaîne

Si le Covid-19 et le confinement peuvent expliquer une large partie de ces retards, certaines chaînes de production ayant été interrompues ou fortement ralenties, d’autres facteurs pèsent aussi dans la balance. Et visiblement, les compagnies maritimes qui assurent le transport des marchandises depuis la métropole ou l’Asie y sont aussi un peu pour quelque chose. D’après des transitaires, les armateurs qui livrent à Mayotte, comme CMA-CGM ou MSC, ont en effet réduit leur nombre de rotations par mois. Résultat, les délais de livraison sont allongés, et il faut parfois compter jusqu’à 80 jours pour acheminer le conteneur jusqu’au port – contre maximum 60 jours en temps normal. Conséquence du confinement ou non, une escale effectuée en mars à Mombasa au Kenya aurait aussi retardé la livraison de marchandises. “Les compagnies maritimes n’ont pas assez de produits, et c’est l’acheminement vers Mayotte qui pose problème”, résume Safdar Ballou.

Or, tous ces retards finissent par avoir des conséquences “par ricochet” sur l’activité économique. “Mon client, qui est dans la vente de véhicules, attend son conteneur échoué à Mombasa depuis le mois de mars. Et à force d’attendre, certains de ses propres clients finissent par se désister”, relate le gérant de la société de transitaire Adam Transit. Les entreprises, déjà frappées par la crise économique due au confinement, doivent supporter de nouveaux coups durs pour leur trésorerie. “Quand on reçoit dix conteneurs en même temps, cela devient compliqué de tous les sortir du port”, explique Akil Kassamaly, le gérant de Disma. 

Le poids des tarifs portuaires

Car il ne faut pas oublier que les tarifs pratiqués au port restent particulièrement élevés. “Compte tenu de ces tarifs, ce surcoût se ressent particulièrement sur les produits à faible valeur ajoutée, comme les produits de construction – ciment, colle, enduit, carreaux…”, poursuit-il. Rien que pour l’acconage d’un conteneur de carreaux, il faut débourser près de 1.000 euros, d’après lui. “À La Réunion, le même service doit revenir à 300 euros maximum”, chiffre-t-il encore. Et c’est sans compter les coûts de stockage pour l’occupation du terre-plein. Passés les cinq jours de franchise, ces frais peuvent vite monter en flèche. Entre les commandes qui se chevauchent, et la timide reprise de l’activité économique, les entreprises peinent donc parfois à payer leur dû. D’autant plus que les transitaires, qui ont eux-mêmes été fragilisés pendant le confinement, ne leur font plus d’avances. “C’est un effet boule de neige. Nous avons eu des surcoûts et nous avons dû demander un report d’échéances pour les douanes”, rapporte Safdar Ballou.

Heureusement, ces coûts supplémentaires ne devraient pas, pour l’instant, se ressentir sur les prix pratiqués pour les consommateurs mahorais. Une bonne nouvelle, quand on sait qu’avec “les tarifs pratiqués au port depuis 2017, le sac de ciment, par exemple, a pris 10 ou 20 centimes”, note Safdar Ballou. Mais le gérant de l’enseigne rouge se veut rassurant : “Je pense que cet effet boule de neige est en train de se normaliser, et nous sommes plutôt optimistes.” Les bateaux continuent d’ailleurs d’affluer au port ces derniers jours, éloignant la menace d’une rupture de stocks. Du côté de Disma, les commandes, qui ont pu être à nouveau effectuées à partir de la mi-avril, devraient arriver au mois d’août. Et remplir des étagères vidées à vitesse grand V pendant le confinement, parfois par des particuliers… en manque d’occupations ?

MCG déboutée par le Conseil d’État : toujours le flou sur les tarifs au port

Nouvel épisode judiciaire au port de Longoni. Mayotte Channel Gateway a été déboutée le 19 mai dernier par le Conseil d’État dans son pourvoi contre la décision de la cour administrative d’appel de Paris du 22 octobre dernier.

Depuis son arrivée à la délégation de service public, l’entreprise d’Ida Nel fait régulièrement l’objet de contestations au sujet des tarifs élevés qu’elle pratique. En effet, en 2016, le président du conseil départemental avait d’abord approuvé l’ensemble des tarifs proposés par le délégataire, avant de rectifier cette grille en septembre 2016. Le cabinet mandaté CATRAM avait relevé les “pratiques inacceptables”, concernant les tarifs d’utilisation des grues et RTG. Après un recours de l’Union Maritime de Mayotte (UMM) contre l’arrêté du président du conseil départemental validant les premiers tarifs, débouté par le tribunal administratif de Mayotte, la cour administrative d’appel de Paris avait annulé le 22 octobre 2019, l’ordonnance du tribunal administratif de Mayotte, et l’arrêté du président du conseil départemental. Résultat, les tarifs de 2016 concernant les grues et RTG, ne sont plus valides. Et le Conseil d’État vient de confirmer cette décision en déboutant le pourvoi de MCG. Reste à savoir quels tarifs devront désormais être appliqués. Contacté, Jacques-Martial Henry, le chargé de mission d’Ida Nel, botte en touche : “Nous allons voir le jugement du Conseil d’État et se positionner en conséquence.” Le responsable considère toutefois que les tarifs de 2016 correspondent aux investissements réalisés. Et même s’ils sont désormais caduques, Jacques-Martial Henry tient à remettre les points sur les “i”. “La délégation de service public est très claire, si les tarifs ne permettent pas d’équilibrer le budget, il reviendra au conseil général, et donc aux contribuables mahorais, de payer. En aucun cas la DSP ne peut être déficitaire, et encore moins sur des investissements – concernant les grues et RTG – qui ont été validés en 2015”, souligne-t-il.

 

 

Le commandant du PSIG grièvement blessé à Dzoumogné

Nouvelle nuit de tensions à Dzoumogné. Le commandant du peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie de Mamoudzou a été grièvement blessé par un jet de pierres lors d’une intervention dans le village du nord, lundi, vers 1h15 du matin. Frappé au visage, il a subi une double fracture de la mâchoire qui lui vaut 45 jours d’incapacité temporaire de travail (ITT) et d’être évacué ce jour à La Réunion pour une opération chirurgicale. Au moment du drame, la patrouille du PSIG de Mamoudzou était à la recherche d’un véhicule qui avait servi à deux individus pour prendre la fuite après une tentative de cambriolage d’un magasin alimentaire spécialisé dans les produits surgelés. “Le PSIG y est allé avec deux autres véhicules et sur le retour, la patrouille est tombée dans un traquenard et des individus ont commencé à les caillasser”, relate le général Philippe Leclercq, commandant de la gendarmerie nationale dans l’île.

Ce ne sont pas là pas les premières violences qui frappent le nord de l’île, ni le village de Dzoumogné. Face aux violences aux abords de leur lieu de travail, les employés du dispensaire exercent leur droit de retrait, depuis vendredi et l’intrusion d’une bande armée dans l’établissement médical. “Le secteur nous mobilise pas mal, et nous faisons en effet le constat d’une prise à partie par des bandes de jeunes qui agissent par désœuvrement ou provocation”, confirme le général Philippe Leclercq. Mais si ce genre de prises à partie peut donner l’impression que les individus cherchent à attirer les forces de l’ordre dans des guet-apens dans le but de les caillasser, le chef de la gendarmerie nationale se veut plus nuancé : “cela peut faire partie du mode opératoire adverse, mais nos unités sont éprouvées à ce type de pratiques et nous essayons d’éviter que des faits imaginaires puissent entraîner une embuscade. Et en réalité, le mode d’action n’est pas si élaboré, et relève davantage de la prise à partie d’opportunités”, souligne-t-il.

 

« Le bac à Mayotte n’a pas été bradé »

Le suspens n’est plus de mise. Tous les bacheliers connaissent les résultats qui concluent une année de bac si particulière. Cette année, le taux de réussite est en hausse chez nous. La bienveillance recommandée par l’Éducation nationale a porté ses fruits.

Les résultats du baccalauréat ont officiellement été dévoilés ce 7 juillet au niveau national. À Mayotte, les bacheliers ont eu le privilège d’être fixés sur leur sort avant les autres comme chaque année. Le taux de réussite de cette année est plutôt satisfaisant sur l’ensemble du pays. Il s’élève à 91,5% au niveau national, avant les rattrapages, soit une augmentation de 13,8 points par rapport à l’année dernière. Chez nous, les chiffres ont également explosé. 80.1% des candidats de la filière générale ont été admis. Le chiffre passe à 76.5% pour la filière technologique et monte à 90.4% pour le bac professionnel. Ces résultats sont encourageants mais il est important de rappeler que l’année scolaire 2018-2019 a été particulièrement catastrophique à Mayotte. Les élèves n’avaient pas pu bénéficier de l’accompagnement nécessaire à cause des grèves. 

Cette édition 2020 est dans le collimateur de certains qui parlent d’un bac au rabais. Une critique que réfute Gilles Halbout, le recteur de l’académie de Mayotte. “Cette année, c’est vrai qu’on a de meilleurs taux de réussite, c’est le résultat de la consigne nationale qui nous demandait d’être bienveillants. Mais le bac de Mayotte n’a pas été bradé.” 

Parcoursup, un indicateur plus explicite

“L’indicateur qu’il faut prendre en compte est le taux d’admission sur Parcoursup parce que les élèves sont admis grâce à leur dossier scolaire et aucune université ou école n’a envie de faire de cadeau, peu importe le contexte particulier de cette année”, rappelle Gilles Halbout. À ce sujet, les lycéens mahorais sont plutôt bien placés. Actuellement 82% des élèves qui ont formulé des vœux ont été acceptés dans l’une des formations qu’ils ont demandées. 95% des candidats du bac général ont obtenu une réponse favorable, 77% de la filière technologique, et 69% de la filière professionnelle. “Cette année, il y a eu un déclic, les formations de l’enseignement supérieur se sont rendues compte que les Mahorais réussissent aussi. On a une visibilité qu’on n’avait pas avant”, se réjouit le recteur.

Mayotte dernier de la classe

Malgré les efforts des élèves mahorais, Mayotte est encore à la traîne. Les taux de réussites sont toujours inférieurs aux moyennes nationales car l’histoire de l’Éducation nationale est plus récente sur le territoire. Les enfants ne sont pas toujours scolarisés en maternelle. De plus, les élèves n’évoluent pas dans les mêmes conditions que ceux de la métropole. Le recteur en est parfaitement conscient et souhaite rattraper le retard même si cela ne se fera pas en quelques années. “Cela passera par la scolarisation de plus en plus tôt. Nous allons également améliorer les conditions de scolarisation, notamment au collège en mettant en place des dispositifs d’adaptation des publics en difficulté pour remettre à niveau les fondamentaux. Enfin, les élèves ne seront plus orientés dans les filières générales par défaut.” En attendant, l’académie de Mayotte souhaite préparer rapidement les bacheliers de cette année à intégrer l’enseignement supérieur et à vivre loin de leurs parents. Chose qui n’a pas été faite à cause du contexte particulier de cette année.

Essais Coviplasm : « Il ne faudrait pas que les Mahorais subissent des choses qu’ils ne comprennent pas »

Les essais thérapeutiques dits Coviplasm n’ont pas encore débuté à Mayotte. Pour autant, les représentants des usagers du système de santé rappellent qu’à l’heure où aucune conclusion définitive n’a été rendue concernant ces tests, il demeurera capital d’informer clairement tous les potentiels candidats. 

Il y a encore quelques semaines, son nom ne parlait qu’à une poignée d’initiés. Désormais, le Coviplasm est sur toutes les lèvres, particulièrement en Guyane et à Mayotte. Les deux départements d’Outre-mer devraient accueillir des centres d’essai thérapeutique visant à transférer du plasma sanguin de patients guéris du Covid-19 à d’autres encore en convalescence. Si pour l’heure, le CHM, en charge d’encadrer ces recherches scientifiques, n’a pas commencé à recenser les premiers cobayes – les tests reposant impérativement sur la base du volontariat –, les associations et les représentants des usagers du système de santé à Mayotte alertent quant aux risques d’une mauvaise communication. 

« Le manque d’information alimente un climat de défiance et interroge sur le respect du consentement éclairé des participants à de tels essais », prévenait déjà quelques jours plus tôt France Assos Santé à propos de la situation sanitaire en Guyane. Il aura fallu peu de temps pour que le relais local de la structure monte à son tour au créneau. France Assos Santé Mayotte (anciennement France Assos Santé océan Indien) a ainsi rappelé aux différents acteurs de santé « qu’il est proscrit de faire la promotion d’une recherche clinique en mettant en avant un bénéfice individuel ou populationnel. Ce bénéfice n’est pas prouvé tant que les résultats définitifs ne sont pas connus ». Or, en l’état, « il est hasardeux de parler de Coviplasm comme d’une « solution thérapeutique » comme on a pu l’entendre. La recherche clinique ne peut et ne doit en aucun cas être considérée et présentée comme du soin », explique les représentants des usagers du système de santé. 

L’importance du « consentement éclairé » 

Ainsi, si tout patient volontaire doit signer un formulaire de « consentement éclairé », attestant qu’il a bénéficié, objectivement et sans pression aucune, d’informations « loyales, claires et adaptées à son degré de compréhension ». Des notions qui devront se heurter à certaines spécificités locales. « Il ne faudrait pas que les Mahorais subissent des choses qu’ils ne comprennent pas », insiste Antufati Hafidou, porte-parole de France Assos Santé Mayotte. Car si les premiers essais déjà menés en métropole et aux États-Unis notamment sont, certes, « prometteurs » selon certains chercheurs, les résultats définitifs n’ont pas encore été publiés par la communauté scientifique. D’où l’importance d’une transparence absolue entre le corps médical et les patients qui accepteraient de participer à ces essais. 

Au début de la crise, l’ARS et les autres institutions ont veillé – parfois tardivement – à une large diffusion des messages relatifs à la santé publique. Mais, plus de trois mois plus tard, France Assos Santé Mayotte, chargé de fournir à tous les usagers du système de santé une aide morale, pratique, financière, sociale ou juridique, estime que pour une partie non négligeable de la population, la compréhension de ces informations aurait été particulièrement longues, du fait de la fracture numérique, de l’état d’isolement de certains, ou encore du plurilinguisme local. « Même les messages traduits en mahorais et en kibushi le sont de façon françisé », s’inquiète Antufati Hafidou. « Il y a encore beaucoup de gens qui ne les comprennent pas. » Depuis que l’épidémie de Covid-19 secoue le territoire, la structure explique intervenir fréquemment auprès de personnes qui ne savent pas, par exemple, comment porter ou laver leurs masques, et ignorent parfois même sa durée de vie – un masque en tissu grand public ne pouvant servir qu’à 30 utilisations. 

« Nous sommes les acteurs les plus proches des usagers », rappelle France Assos Santé Mayotte. « Mais depuis le début de la crise, nous ne sommes pas vraiment pris en compte lorsque nous nous adressons aux autorités pour demander des moyens plus adaptés. » Or, aucune information n’a été faite concernant les possibles essais cliniques à venir dans le 101ème département, un scénario que l’association a découvert en même temps que le grand public. Comment, dans ce contexte, pourra-t-elle accompagner les potentiels volontaires ? 

Aucun volontaire à ce jour 

Si la question demeure capitale, le CHM a expliqué, lundi, qu’aucun malade ne s’était encore porté volontaire à ce jour. « Si on n’a pas un échantillon assez grand de candidats, nous ne lancerons rien », a précisé la direction, aucune conclusion ne pouvait évidemment être scientifiquement établie en se basant sur un infime nombre de malades. Mais les premiers essais ne débuteront pas nécessairement dès lors qu’un premier patient acceptera de participer aux essais Coviplasm. « Sur le principe, la direction et les médecins sont d’accord, mais il y aussi l’opinion publique qui joue son rôle puisque le sujet est devenu politique… », reconnaît encore le CHM. 

La semaine dernière, l’infectiologue et chercheuse Karine Lacombe, celle-là même qui avait projeté devant l’Assemblée nationale d’étendre les essais thérapeutiques à Mayotte et la Guyane, annulait son voyage vers Cayenne, face à l’hostilité de la population, des élus locaux et même du préfet quant aux tests qu’elle entend y mener, et les laissant par conséquent en suspens. Si le sort de Mayotte n’est pas encore tout à fait clair, l’île, où le virus circule encore, reste un territoire de premier choix, alors qu’en métropole, où l’épidémie décline, beaucoup de patients hospitalisés ne remplissent pas les critères d’inclusion pour bénéficier de l’essai plasma. Affaire à suivre donc.

Violences conjugales à Mayotte : une mineure victime du cycle de l’emprise

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En plein confinement, une jeune femme de 17 ans a dû subir les coups de son mari. Et deux mois après sa plainte, l’épouse aurait bien aimé qu’il reparte libre… 

“On s’est juste poussé.” À part des hochements de tête et quelques “oui” ou “non”, cette réponse est à peu près la seule que les juges obtiendront ce lundi. Malgré son salouva flamboyant, la jeune femme qui se tient la tête basse entre une avocate et une administrateur ad hoc, chuchote comme si elle voulait surtout se faire oublier. Assis à sa droite, le prévenu, son mari, de onze ans son aîné, serre compulsivement ses poings – ceux-là mêmes qu’il a utilisés pour la “pousser” à cause d’une histoire de téléphone portable. Derrière, la mère de la jeune femme, un peu avachie sur son banc, hausse parfois les sourcils sous le foulard rouge qui lui enserre la tête. Sa fille, mineure, n’a que 17 ans. Et les circonstances ont poussé la justice à nommer un autre représentant légal pour cette procédure… 

Face au silence de l’adolescente, la juge reprend textuellement la plainte, retranscrite dans le procès-verbal joint au dossier. Les faits remontent au 8 mai 2020. Cet après-midi-là, une dispute éclate au domicile conjugal. En cause : un appel entre la victime et sa sœur à la suite duquel le mari décide de suspendre la ligne. Quand la jeune femme tente de demander pourquoi et de récupérer son téléphone, le ton monte. “Il m’a poussée, il m’a giflée à la tête, tordu la main, étranglée”, récite la juge en reprenant le procès-verbal. Les voisins finissent par intervenir pour séparer le couple et constatent alors une plaie sanglante sur le dos de l’épouse. C’est au moins la deuxième fois que son mari la frappe, et casse son téléphone portable. 

Colère et pression familiale 

La victime décide alors de porter plainte… jusqu’à aujourd’hui. “J’étais en colère quand j’ai dit ça”, répond-t-elle à la magistrate qui lui demande si le récit qu’elle vient de lui lire correspond à ce qu’elle a vécu. L’administrateur ad hoc, appelée elle aussi à témoigner, confirme que la jeune femme “a immédiatement demandé si elle pouvait retirer sa plainte, stopper l’instruction judiciaire”. Une demande, également répétée par sa famille, qui, toujours selon l’administrateur ad hoc, exerce “énormément de pression” sur elle. “Est-ce que vous avez bien compris que vous n’êtes responsable de rien, que vous êtes une victime aujourd’hui ?”, soulève alors le substitut du procureur. En effet, le retrait d’une plainte n’entraîne pas systématiquement l’arrêt des poursuites. Et dans cette affaire, c’est le parquet qui a décidé de continuer la procédure jusqu’à cette comparution. 

Trois condamnations pour violences conjugales 

Il faut dire que le profil du prévenu ne plaidait pas vraiment en sa faveur. Au moment des faits, il a à sa cheville un bracelet électronique, qu’il porte pour des faits similaires. Trois condamnations récentes figurent dans son casier judiciaire, toutes pour des violences conjugales. Pourtant, entendu à la barre, le mari nie avoir un comportement violent, alors même que ses précédentes peines, en prison ferme, en sursis et assorties d’un bracelet électronique, viennent avec une obligation de soins pour régler ses problèmes de colère. Il dément aussi avoir été violent envers sa femme de 17 ans, qui aurait tout commencé, d’après lui. Quand on lui demande s’il serait prêt à se remettre avec elle, il assène : “si elle s’excuse, oui”. De son côté, la jeune épouse souffle : “s’il veut bien…” 

Le cycle de l’emprise 

Et c’est bien là tout le drame. “Nous sommes témoins du fameux cycle de l’emprise, tant décrit par les psychologues”, résume le substitut du procureur. De la dispute, aux coups, à la réconciliation, en passant parfois par le dépôt puis le retrait de la plainte, elles sont environ 213.000 femmes en France à connaître ce cercle vicieux chaque année. Et ce chiffre, issu de l’enquête “Cadre de vie et sécurité” de 2012-2019 – INSEE-ONDRP-SSMSI, ne prend pas en compte les mineures… Il ne prend pas non plus en compte la période du confinement, qui, à en croire Marlène Schiappa, la secrétaire d’État à l’égalité femmes-hommes, aurait conduit à une hausse de 36% des signalements. À Mayotte, l’association pour la condition féminine et aide aux victimes (ACFAV), particulièrement sollicitée au téléphone pendant cette période de crise sanitaire, avait elle aussi confirmé une montée en flèche des violences par rapport à l’année dernière. Un fait, que même l’avocat de la défense a tenu à remettre sur la table, tout en défendant que les faits de violence rapportés dans la plainte n’étaient pas avérés. Mais le tribunal en décidera autrement : le prévenu est jugé coupable et écope de 18 mois de prison, dont six avec sursis – auxquels s’ajoutent la révocation de quatre mois de sursis de sa précédente condamnation. Après ses 16 mois sous les verrous, il aura interdiction d’entrer en contact avec sa conjointe.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes