Max Orville : « J’avais envie de voir cette départementalisation, qui est incomplète »

Le député européen Max Orville a passé quelques jours à Mayotte, la semaine dernière, à l’invitation du Modem mahorais. Outre son rôle en tant que représentant des Outre-mer, nous avons pu évoquer les thèmes qui lui sont chers, l’environnement, l’éducation et revenir sur la départementalisation de Mayotte.

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Dans la même après-midi, le député européen a visité les écoles maternelle et élémentaires de Doujani.

Flash Infos : Quelle est la raison de votre venue à Mayotte ?

Max Orville : Premièrement, je voudrais dire bonjour à tous vos lecteurs. Ma venue correspond à une invitation du Modem Mayotte [N.D.L.R. il est membre du parti classé au centre] et à une curiosité. Je voulais voir de plus près tout ce dont on parle. Enfin, c’est pour moi un retour. Je suis venu en 2010, un an avant la départementalisation. Avec le député de l’époque [N.D.L.R. Abdoulatifou Aly], on regardait ce que Mayotte voulait. Aujourd’hui, j’avais envie de voir de près cette départementalisation, qui est incomplète. Douze ans après, Mayotte est toujours dans un processus social où les avantages ne sont toujours pas acquis. S’ajoutent à cela les difficultés que nous connaissons, économiques et migratoires. Je suis aussi venu pour parler d’Europe, de ce que je fais en tant qu’une des voix d’outre-mer.

F.I. : Quels messages souhaitez-vous d’ailleurs porter ici ?

M.O. : L’une des propositions d’un colloque que j’ai récemment organisé, c’est de faire des Outre-mer comme Mayotte un laboratoire climatique. On doit tenir compte de la diversité des aléas climatiques et de ne pas être toujours dans la correction, plutôt anticiper.

F.I. : On parle beaucoup de laboratoire pour Mayotte, mais pas forcément au niveau environnemental. Comment on peut parler environnement, alors qu’il y a bien d’autres problèmes à régler ?

M.O. : Ben, justement, il faut remettre de l’ordre dans les priorités. Après avoir participé au forum social de Porto, au Portugal, il y a deux mois, nous avons compris que l’Europe est vue comme « un machin technocratique ». Elle doit être confraternelle et s’occuper des humains, et ne pas opposer systématiquement économie, social et écologie. On a besoin des trois, on ne peut pas vivre dans une nature perturbée. Il faut remettre la maison à l’endroit.

On parle beaucoup de Mayotte pour son immigration, ses difficultés, son insécurité. J’ai vu tout à l’heure, dans les écoles de Doujani des miracles. Comment avec toutes ces difficultés, nos collègues [N.D.L.R. il est inspecteur académique de profession] arrivent à les réaliser ? J’ai eu tout à l’heure un enfant de CE2 me faire une déclamation de bienvenue qui était mémorable. Donc on a du potentiel ici. Et ce n’est pas parce qu’on a ces miracles, qu’il ne faut pas améliorer tout le reste.

F.I. : Et ce laboratoire climatique, comment vous le voyez ?

M.O. : Il faut prendre en compte les atouts de Mayotte, sur le plan de la faune, la flore, la mer, solaire, volcanique. Mon rôle n’est pas dire qu’il faut faire ça, mais de dire : « vous avez un potentiel ». A Mayotte, ce que j’ai déjà pu voir, les embouteillages sont un vrai problème. La question est alors de comment y remédier sans polluer davantage. Pour la flore, je pense à l’ylang-ylang, qui est connue pour son huile essentielle, alors que dans le même temps, on peut développer la pharmacopée traditionnelle. Dernier point, Mayotte est forte de ses cerveaux. La jeunesse mahoraise est parfois obligée de s’exiler pour les études et ne revient pas, c’est inacceptable. C’est un pays qui se meurt.

F.I. : Justement, en tant que Martiniquais, vous avez vu le même phénomène se produire. Comment on peut lutter contre ça ?

M.O. : Vous avez pointé du doigt quelque chose qui m’est chère. Dans cinq ans, la Martinique et la Guadeloupe seront les plus vieux départements en moyenne en France. On n’est pas dans le même cas de figure à Mayotte [N.D.L.R. c’est le plus jeune], mais il faut en premier maintenir notre jeunesse chez nous. Il faut du travail, de la formation, si possible adaptée au territoire. Il faut être innovant. Je ne suis pas pour une formation forcément universitaire, mais plutôt qui cherche à innover. Je cite parfois l’exemple d’Israël qui produit des ingénieurs à la pelle. C’est un désert et ils n’ont pas de pétrole. Ils font des logiciels à distance, ils ont des centres de recherche, ils en ont un pour la banane par exemple. Je pense que Mayotte a plus de ressources qu’un territoire comme Israël. Il faut donc une nouvelle culture pour développer nos talents et les inciter à rester ici.

F.I. : De quelle manière pouvez-vous également œuvrer pour Mayotte ?

M.O. : J’ai discuté [ce jeudi matin] avec Ben Issa Ousseni, le président du conseil départemental. Je lui ai expliqué ce que je voulais faire pour les outre-mer : avoir une meilleure utilisation de l’article 349 du traité de l’Union européenne, qui stipule que l’UE prend en compte les régions ultrapériphériques (RUP). Parce que pour dire la vérité, c’est que ce n’est pas le cas. A chaque nouvelle directive européenne, on nous met des dérogations.

F.I. : Vous êtes présents sur le territoire alors que l’État est lancé dans une grande opération de lutte contre l’immigration clandestine.

M.O. : C’est vrai. On m’a dit que Wuambushu était dix fois « nécessaire ». J’ai demandé si c’était suffisant, on m’a dit quinze fois « non ». Donc, il faut mettre en place des structures de dialogue avec les Comores. Je suis prêt à l’initier au niveau européen. Car je comprends très bien que les Mahorais ont besoin d’être rassurés et de vivre en paix.

F.I. : C’est l’occasion de vous demander quelle image l’Europe a de Mayotte ?

M.O. : En toute honnêteté, je vous mentirais en disant qu’on a déjà une image. Ce n’est pas une image négative, elle n’est pas non plus positive, on n’a pas d’image. Ce n’est pas propre à Mayotte, c’est le cas de toutes les régions ultrapériphériques. Seuls trois pays en ont : l’Espagne, la France et le Portugal. Sur 705 députés, on représente 1%. Vous voyez comment il faut qu’on soit hyper-vigilant sur les directives. Mais comme je le dis, nous sommes des citoyens, nous payons des impôts. On veut être Européens.

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