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De défenseur des droits humains à habitant du bidonville du stade Cavani

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Depuis septembre, les abords du stade Cavani, à Mamoudzou, ont vu pousser plusieurs habitats de fortune, abritant des migrants en grande partie originaires de la région des Grands Lacs, en Afrique. Parmi eux, Alain Tshipanga, qui a accepté de nous raconter son histoire.

Alain Tshipanga a passé la matinée à nettoyer autour de chez lui avec un de ses voisins. Il n’y a pas un seul détritus autour de sa case et le cours d’eau qui coule à proximité a aussi eu droit à un coup de balai. « J’ai été élevé dans un endroit sain, je veux que ce soit propre pour mes enfants. » Cet endroit, c’est Kasaï, une province de la République démocratique du Congo, avant un déménagement avec ses parents à Bukavu, la capitale de la province du Sud-Kivu, à l’est. C’est là qu’il fera ses études et commencera à fonder sa famille. Car avant d’habiter dans le campement de fortune du stade Cavani, à Mamoudzou, Alain Tshipanga était un défenseur des droits de l’Homme dans son pays.

Tout commence en 2016. Cette année-là, le Congolais découvre, lors d’une enquête qu’il mène avec l’ONG African Initiative Program (AIP), que des militaires, sous la supervision du général Muhindo Akili Mundos, collaboreraient avec des rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF), affiliées depuis à l’État islamique (EI). L’activiste, ainsi qu’un rapport circonstanciel signé par l’AIP, indiquent que ces militaires congolais, censés lutter contre les ADF, leurs fourniraient des armes contre des minéraux. Ces révélations marquent le début d’un long cauchemar pour Alain Tshipanga, qui devient la cible de menaces de mort. Des menaces qui n’en resteront pas longtemps.

« Ne viens pas ici, ils veulent te tuer »

En juin 2017, l’homme, alors âgé de 32 ans, part avec sa femme pour un voyage à Eringeti, dans le Nord-Kivu, afin de présenter son nouveau-né à son propre père. Le 20 juin, alors qu’il est de sortie, il reçoit un appel. « Ne viens pas ici, ils veulent te tuer. » Ces mots résonnent encore dans l’esprit d’Alain Tshipanga, dont le destin bascule ce jour-là. « Ils ont assassiné mon père et violé ma femme », nous livre-t-il. Ce dernier arrive à retrouver son épouse et son bébé avant de fuir par la route pour rentrer chez eux, à Bukavu. Mais ils n’y sont plus en sécurité : le 3 juillet 2017, lui, sa femme et leurs quatre enfants quittent la République démocratique du Congo.

La famille commence une nouvelle vie au Burundi, pays voisin dans lequel l’activiste obtient le statut de réfugié. Il y travaille alors comme commissionnaire dans le domaine de la construction. « Au départ, nous y étions bien, j’avais même acheté une maison », se souvient-il. Seulement au départ. Car en 2020, il reçoit un client qui n’en est en fait pas un. D’après Alain Tshipanga, cet homme, qui aurait été envoyé par le général mis en question dans son rapport, ainsi que des officiels du Burundi, lui demande de démentir les résultats de l’enquête qu’il avait menée quatre ans plus tôt dans une vidéo. L’activiste, pris au piège, prétend qu’il va y réfléchir avant de couper tout contact.

« Si j’avouais ce qu’ils voulaient, j’étais mort »

Mais le 28 juin, alors qu’il partait laver son véhicule, il est kidnappé. S’ensuivent alors des heures de tortures durant lesquelles on lui ordonne de faire cette vidéo. « Si j’avouais ce qu’ils voulaient, j’étais mort de toute façon, je me suis dit : « autant que la vérité reste ». » Il est finalement relâché dans la brousse, au milieu de nulle part, couvert de blessures et terrifié. « Un homme m’a guidé jusqu’à un hôpital, mais je marchais derrière lui, parce que j’avais peur qu’ils l’aient envoyé pour me tuer », se remémore Alain Tshipanga, qui sera finalement pris en charge par un médecin avant de retrouver sa famille.

Le Burundi n’est plus sûr pour l’activiste, qui décrit plusieurs démêlés avec la police par la suite, qu’il soupçonne être en rapport avec cette affaire. Plusieurs organismes de défense des droits humains le prennent alors sous leurs ailes. Il reçoit notamment l’aide du Africa Human Rights Network (AHRN), qui lui obtient des titres de séjour pour lui et sa famille en Tanzanie, destination pour laquelle il part en juillet 2023 grâce au programme de relocalisation temporaire pour les défenseurs des droits humains de l’organisation.

Mais finalement, Alain Tshipanga et sa famille ne peuvent pas rester plus de trois mois dans le pays. Alors qu’il écrit à différentes ambassades pour trouver un nouveau pays d’accueil en capacité de lui offrir la protection dont il a besoin, une connaissance lui parle de Mayotte. « On m’a dit qu’il y avait une île où on pourrait me protéger », se souvient celui qui n’avait encore jamais entendu parler de l’île aux parfums.

« Aujourd’hui, on vit avec 90 euros par mois »

Avec sa famille, ils décident alors de partir en octobre. Après un bateau depuis la Tanzanie, ils rejoignent un kwassa en pleine mer et entament la traversée pour Mayotte. En arrivant, Alain Tshipanga fait une demande d’asile, dont il attend le résultat. Hébergé un mois par l’association Solidarité Mayotte, il a été contraint de rejoindre le campement de fortune du stade Cavani à la mi-novembre. Coincé là-bas, ce dernier souhaite simplement voir sa demande aboutir pour pouvoir travailler et offrir la sécurité à sa famille qui ne l’a pas connue depuis six ans. « J’ai tout perdu, nous avons besoin de stabilité. Je suis fatigué, ma famille est traumatisée », déplore-t-il.

Ce dernier se souvient de sa vie en RDC. « Moi avant j’étais riche, je prenais souvent l’avion, j’avais une maison. Aujourd’hui, on vit avec 90 euros par mois pour six personnes », explique celui qui se refuse de prendre un emploi illégal, voulant s’intégrer pleinement dans le système français. Alors, quand il est la cible de l’hostilité de certains riverains, ce n’est pas facile pour le père de famille : « On comprend qu’on est chez autrui, mais on est des êtres humains avec des valeurs. On est instruits, je suis pour la non-violence et pour la paix ».

Les journées dans le camp sont longues, alors Alain Tshipanga a eu le temps de réfléchir à ce qu’il ferait s’il n’obtient pas l’asile. « Je repartirai et je continuerai de chercher un endroit où on m’accordera la protection dont j’ai besoin », affirme celui qui ne trouvera pas le repos tant qu’il n’aura pas le statut de réfugié.

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