Avion dérouté : derrière l’incident, l’enjeu de la sécurité aéroportuaire à Mayotte

Alors que le grève des pompiers de l’aéroport de Mayotte vient tout juste de débuter, un avion d’Air Austral en provenance de Paris a dû dévier en urgence vers La Réunion car les conditions de sécurité n’étaient pas réunies pour l’atterrissage. Une situation qui risque bien de mettre le feu au poudre entre les grévistes et leurs responsables…

À peine 24 heures après le début de la grève illimitée des pompiers, premier couac. Alors qu’il survolait l’aéroport de Dzaoudzi, un avion de la compagnie Air Austral, en provenance de Roissy Charles de Gaulle a dû virer de bord en catastrophe ce jeudi matin, direction La Réunion. En cause : la sécurité qui n’était pas assurée sur la piste, pour permettre l’atterrissage du Dreamliner, avec à son bord plus de 200 passagers. “Nous avons dû dérouter le vol arrivant de Paris en raison de la grève des pompiers et de la détérioration des camions de pompiers ne permettant pas à l’aéroport le niveau de sécurité requis”, souligne Stéphanie Bégert, la directrice de communication d’Air Austral. À la mi-journée, des solutions avaient été trouvées pour les passagers, qui ont finalement pu embarquer dans un nouveau vol pour Mayotte à midi. Ouf !

Mais la nouvelle n’a toutefois pas manqué de faire réagir sur les réseaux sociaux, les uns vociférant contre les grévistes, les autres houspillant institutions, aéroport et compagnie aérienne. “Il faut couper la cravate de ceux qui sont responsables pour que les pompiers puissent travailler dans des bonnes conditions”, notait ici un commentateur sur Facebook. “Prions pour que ces passagers arrivent sains et saufs, après on règlera nos comptes”, ajoutait là un autre internaute.

Actes de sabotage

En guise de réglement de compte, la préfecture de Mayotte s’est rapidement fendue d’un communiqué incendiaire, condamnant “les actes de sabotage qui ont compromis la sécurité des vols à Mayotte”. “Selon un mode opératoire qui sera déterminé dans la journée, des individus ont pénétré cette nuit par effraction dans l’enceinte de l’aéroport et ont saboté les véhicules de secours”, ce qui a “empêché les sapeurs pompiers en service de faire sortir les engins indispensables à la sécurité des atterrissages”, peut-on lire. Les équipements ont alors dû être réparés en urgence pour permettre le décollage de quatre évacuations sanitaires. Le préfet “forme le souhait que leurs auteurs soient très durement sanctionnés”. Côté Edeis aussi, on pointe un “sabotage” et la responsabilité des sapeurs-pompiers grévistes, qui “auraient fait une intervention”. “Une enquête en interne avec la gendarmerie de l’aéroport est en cours”, tempère néanmoins Olivier Capiaux, le directeur d’Edeis, l’entreprise gestionnaire.

Niveau 5 de sécurité aéroportuaire

Des accusations qui font monter la moutarde au nez d’Abdallah Bamana, le responsable syndical des sapeurs-pompiers de l’aéroport. “Un sabotage ? Nous ne sommes pas au courant, nous demandons à la préfecture de nous dire quel est ce sabotage”, grogne le soldat du feu. Qui n’hésite pas à renvoyer la balle dans le camp de l’État et d’Edeis. “Monsieur le Préfet, vous mettez tous les jours les passagers de l’aéroport de Mayotte en danger, vous et l’entreprise EDEIS avec l’accord de la GTA (gendarmerie des transports aériens) et la DGAC (direction générale de l’aviation civile)”, vise sans détour la section syndicale des sapeurs-pompiers de l’aéroport de Mayotte sur sa page Facebook. “Nos hommes sont en mouvement social depuis hier, et ils n’ont pas accès à l’aéroport en dehors des horaires de garde”, rappelle Abdallah Bamana.

Service minimum oblige, ils sont toutefois deux pompiers à continuer à exercer leur mission de sécurité avec un seul des trois camions opérationnels du SSLIA, malgré la grève illimitée lancée mercredi. Or ce service minimum remplit les critères du niveau 5 de sécurité aéroportuaire. Un chiffre bien inférieur au niveau requis pour permettre aux gros porteurs d’Air Austral d’atterrir sur le tarmac. “Nous les avons avertis depuis hier soir que seul le niveau 5 serait garanti, ils ont fait le choix de venir malgré tout”, dénonce le syndicaliste.

La sécurité, fer de lance des pompiers

Quoi qu’il en soit, cet incident fait écho selon lui aux revendications des sapeurs-pompiers. Outre la reconduite de la convention entre gestionnaire de l’aéroport de Mayotte EDEIS et le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) qui se termine fin décembre, sorte d’épée de Damoclès qui menace leurs postes, c’est bien le manque de moyens pour assurer la sécurité que pointent du doigt les grévistes. S’ils ont bien obtenu un nouveau camion en août, ils attendent encore des moyens nautiques indispensables pour le sauvetage maritime. En attendant qu’ils soient entendus, d’autres incidents du même type pourraient bien survenir. “Tant que le mouvement social se poursuivra, il n’y aura que du niveau 5 à l’aéroport”, met en garde Abdallah Bamana. Prêt pour le bras de fer…

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