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24/10/2008 – Entretien avec le Préfet Denis Robin

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Mayotte Hebdo : Que ce passe-t-il avec la commune d'Acoua ?

Denis Robin : C'est la première commune pour laquelle nous déclenchons un contrôle budgétaire auprès de la Chambre régionale des comptes. Même si l'article 72 de la Constitution pose le principe de la libre administration des collectivités, ce principe n'est pas exempt de contrôle, pour lequel interviennent deux autorités; d'une part le préfet, et d'autre part la Chambre régionale des comptes. Je le rappelle, cette Chambre a deux missions : une mission d'audit et une mission juridictionnelle.

Les cas de saisines de la Chambre régionale des comptes sont cependant limités au nombre de quatre : absence de budget, déséquilibre du budget, insincérité des inscriptions budgétaires, et non-inscription d'une dépense obligatoire. Concernant la commune d'Acoua, le motif de saisine concernait le déséquilibre du budget, qui est de l'ordre d'1,6 million d'euros. La Chambre régionale des comptes m'a demandé de faire des propositions de rééquilibrage du budget et s'est substituée aux élus de la commune pour arrêter un nouveau budget.

 

MH : Peut-on parler de mise sous tutelle ?

D.R : Non. Je ne crois pas que l'on doive parler de mise sous tutelle. C'est un terme daté. Le maire et le conseil municipal n'ont pas été soudainement dessaisis de toutes leurs attributions à la faveur du préfet. Il est plus juste de dire que le budget, qui reste le cadre dans lequel va s'inscrire l'activité financière de la commune, a été fixé par la Chambre régionale des comptes.

En terme de conséquences, cette décision est tout de même contraignante. Le maire et le conseil municipal ne peuvent plus faire ce qu'ils veulent. Ils sont désormais encadrés par un budget qu'ils n'ont pas voté et qu'ils ne peuvent modifier. Même le payeur communal est tenu par ce budget arrêté.

 

 "Face à des budgets que nous estimons insincères, je n’hésiterai pas à saisir la Chambre régionale des comptes"

 

MH : D'autres communes peuvent-elles être concernées par de telles mesures ?

D.R : Non, pas dans l’immédiat pour des communes. En tout cas ça n'aurait pas grand sens, car nous arrivons à la fin de l'exercice budgétaire. Par contre, la façon dont s'est déroulé l'exercice budgétaire des communes en 2008 et l'analyse qu'en ont fait les services de la préfecture font apparaître un certain nombre de doutes sur la sincérité de certaines inscriptions budgétaires, et sur l'inscription des dépenses obligatoires au budget. A partir de ce constat, il est évident que la préfecture sera extrêmement vigilante pour la préparation de l'exercice 2009 sur ces questions-là. Et si nous nous retrouvons face à des budgets que nous estimons insincères, je n’hésiterai pas à saisir la Chambre régionale des comptes.

 

MH : Les rapports de la Chambre régionale des comptes et l'analyse des comptes administratifs des communes mettent en lumière une gestion calamiteuse et des pratiques que l'on peut qualifier d'abusives. Outre la saisine de la Chambre des comptes, l'Etat a-t-il d'autres moyens d'actions ou de pressions sur les communes ?

D.R : Oui. La liberté des collectivités n'est pas exclusive de l'accompagnement et du contrôle par le préfet. L'accompagnement d'abord. Afin d'éviter d'entrer dans une phase de contentieux avec les collectivités, nous pouvons tenter d'exercer auprès d'elles une fonction de conseil. Ce conseil peut prendre plusieurs formes. Il peut par exemple être méthodologique, en rappelant le principe de sincérité des inscriptions budgétaires, ou le sacro-saint principe de l'inscription des dépenses obligatoires. Nous pouvons aussi leur expliquer comment construire un budget, en commençant par inscrire les dépenses obligatoires, les salaires, le paiement des fournisseurs, et c'est seulement après qu'elles pourront répartir la masse disponible sur des dépenses à caractère moins contraint, comme les acquisitions de véhicules, les déplacements, les fêtes et cérémonies, etc. Dans cette optique, nous allons réunir tous les maires courant novembre pour avoir cette explication avec eux. Dans un deuxième temps, il existe un contrôle, autre que celui juridictionnel exercé par la Chambre régionale des comptes, sur l'utilisation faite des dotations et des subventions de l'Etat aux communes. Le préfet est chargé de veiller à l'utilisation des fonds de l'Etat sur le territoire dont il a charge, et je compte bien exercer cette prérogative avec conviction. Notamment déclencher un certain nombre d'audits dans les communes pour vérifier comment ont été utilisées les dotations délivrées, particulièrement en ce qui concerne les constructions scolaires, la dotation spécifique état civil et la dotation globale d'équipement.

  

"J'ai demandé à être entendu personnellement par la commission des finances du conseil général"

  

MH : Beaucoup de municipalités expliquent leur faible taux de réalisation des investissements par le défaut de versement effectif des différentes dotations de l'État. Quelle est votre position sur ce point ?

D.R : Tout d'abord, il est important de préciser qu'il existe deux formes de dotations différentes. La plus importante, la dotation globale de fonctionnement, est versée régulièrement et de manière automatique. D'autre part, les subventions, qui sont en fait des remboursements des dépenses engagées par les communes, ne peuvent être versées que sur production effective des factures. Si la commune ne produit pas les justificatifs, ou, car il faut aussi que l'on balaye devant notre porte, si les services de l'État ne sont pas suffisamment diligents pour vérifier les dossiers produits par les communes, il est évident que c'est autant d'argent qui dort. J'ajouterai que nous avons fait un effort sur le Fip (Fonds intercommunal de péréquation), cette année, car le décret autorisant son versement a été très long à venir : il est arrivé le 9 septembre. Dès le mois d'avril, nous avons versé, par anticipation, la part du Fip réservée au fonctionnement, mensuellement.

 

MH : De nombreuses voix s'élèvent pour exiger le règlement de la dette de l'Etat à la CDM, mais aussi pour que les paiements par les différents services de l'État des factures dues aux entreprises se fassent dans des délais plus acceptables. L'État ne devrait-il montrer l'exemple ?

D.R : Sur la question de la dette de l'État, je tiens à préciser que cela concerne uniquement la Collectivité départementale, et non pas les communes. Depuis mon arrivée, on s'envoie à la figure des chiffres qui donnent le tournis. J'ai d'abord entendu parler de 63 millions d'euros, puis de 45 millions d'euros. Devant l'importance de ces montants, j'ai immédiatement voulu vérifier. J'ai demandé à ce que les services de la préfecture se rapprochent de ceux de la trésorerie générale pour me faire un décompte précis de ce qui a été versé à la CDM, et de ce que doit l'État. D'ailleurs, la notion de dette, entre collectivités publiques, n'a que peu de sens, il serait plus juste de parler de "reste à verser".

 

 "Il est clair que tant que le marché de Mamoudzou ne sera pas réceptionné et en état de fonctionnement, je ne verserai pas le solde"

  

Pour revenir au chiffre, je constate que nous sommes très loin de ceux qui ont été avancés. Et c'est pour mettre fin à ce débat stérile que j'ai demandé à être entendu personnellement par la commission des finances du conseil général. L'audition est fixée au 30 de ce mois, en présence du Trésorier-payeur général. L'occasion d'enfin poser sur la table des chiffres fiables, pour que l'on sache exactement de quoi l'on parle. Même si je ne peux dévoiler ici tous les faits, je peux simplement avancer que nous sommes plus proches de 10 millions d'euros.

De plus, sur ces restes à payer, il y a des factures importantes qui ont été envoyées par le conseil général au mois d'août. Entre collectivités publiques, deux mois de traitement de trésorerie, ce n'est pas vraiment surprenant, c'est même très banal. Il y a également des factures qui ont été envoyées pour des équipements qui ne sont pas achevés. On me demande aujourd'hui, par exemple, de verser le solde de la subvention de l'État pour le marché de Mamoudzou. Il est clair que tant que ce marché ne sera pas réceptionné et en état de fonctionnement, je ne verserai pas le solde.

Concernant les services de l'État, la source du problème peut être double. Comme je l'ai déjà dit précédemment, peut-être que les services ne sont pas suffisamment diligents dans le traitement technique des dossiers et des factures qu'ils reçoivent. Je vais vérifier la situation avec le Trésorier-payeur général, et si c'est le cas, donner des instructions afin de corriger cela. Il existe également un deuxième facteur. Les services de l'État à Mayotte reçoivent en général en début d'année une avance importante, de l'ordre de 80%, des fonds de leur budget pour l'exercice à venir. Le solde arrive généralement en fin d'exercice. Dès lors, il est possible qu'ils conservent un stock de factures dans l'attente du versement, par leur administration centrale, du solde de leur budget.

 

MH : Il y a 5 ans, face à la même situation, le préfet avait provoqué une réunion d'urgence avec les représentants patronaux, le Trésorier-payeur général et le président du conseil général. Après avoir pris l'engagement de ramener les délais de paiement à trois mois, la situation s'était rapidement améliorée. Une telle réunion est-elle envisageable aujourd'hui ?

D.R : Je ne suis pas un adepte des grands-messes, qui souvent dramatisent un sujet. Même si elles peuvent, il est vrai, apporter parfois des solutions immédiates, elles ne sont, le plus souvent, pas pérennes. Ce que je souhaite plutôt, c'est engager un travail de fond. Et ce, dans trois directions. D'abord sur l'objectivité du discours. Je veux que l'on s'habitue, entre partenaires publics, à parler sur des bases objectives et arrêter de manier le fantasme.

Ensuite, engager un travail de fonds, d'explications et de compréhension mutuelle, avec l'ensemble des collaborateurs publics, que sont notamment les maires. C'est d'ailleurs l'objet de la réunion qui se tiendra au mois de novembre. Et enfin, engager un travail d'audit, mais aussi, il faut bien le dire, de contrôle de l'utilisation des deniers publics. Je ne veux pas que l'on puisse considérer que l'Etat est complice ici, par son abstention, de dérive financière. J'engagerai donc les moyens, dans mes services, pour m'en assurer.

Pour conclure, j'avancerai que l'urgence, c'est améliorer la gestion administrative collective, pour qu'on l'on se donne les moyens de s'assurer que, lorsque des travaux sont engagés, le paiement des fournisseurs soit considéré, par les collectivités publiques, comme une priorité. Cela passera par un travail d'explications, de pédagogie, d'accompagnement et de contrôle que nous allons amorcer. Mais dans notre état de droit, l'État ne peut pas, à sa guise, se substituer aux collectivités publiques pour régler des factures.

 Propos recueillis par François Macone

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