Opération Wuambushu : « Nous sommes conscients de pas être les bienvenus à Mayotte »

Une partie de la population de Kawéni vit dans la peur depuis l’annonce de l’opération Wuambushu prévue à partir du samedi 22 avril. Celle-ci consistera à détruire les logements insalubres et expulser des personnes en situation irrégulière. Nous sommes donc allés dans le plus grand bidonville de France pour recueillir des témoignages. Ce qui n’a pas été toujours facile.

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Sur les hauteurs de Kawéni, un vrai labyrinthe de maisonnette en tôles s’étale. Les maisons y sont construites sur des pentes glissantes, la plupart ne sont pas raccordés à l’eau potable et à l’électricité. Les occupants, souvent des Comoriens en situation irrégulière, y sont méfiants, notamment avec l’opération d’expulsions massives qui se prépare. Nombreux ont refusé de nous parler de ce qui les attend dès la fin du ramadan. Seul un groupe d’hommes assis près d’une mosquée accepte, mais nous interdit de prendre des images.

« Mexes » est depuis deux mois à Mayotte pour des soins médicaux. Il revient chaque année suivre des traitements pour sa jambe malade. « Ce sera un vrai carnage. Des milliers de personnes, enfants et mères, seront séparées. La plupart abandonneront leurs biens et leurs vies. Les gens qui vivent ici savent très bien que ces terrains ne leurs appartiennent pas et leurs vies ne comptent pas non plus pour nos frères français », observe celui qui a eu un accident grave aux Comores. « Si j’étais resté là-bas, je serais mort. Regardez mon pied ! Je me demande comment nous allons faire pour nous soigner. »

« Nous déciderons si l’on abandonne ma fille ici ou pas »

Un autre homme de 46 ans d’origine comorienne en situation irrégulière nous confie à son tour en requérant l’anonymat : « Nous ne sommes pas les bienvenus à Mayotte et nous en sommes conscients. Mon seul souci, c’est ma fille qui est scolarisée ici. Le jour J, moi et ma femme déciderons si on l’abandonne ici ou pas. La laisser ici poursuivre son éducation pour un meilleur avenir est la solution qui me paraît appropriée. Je pense que tout parent soucieux de ses enfants fera pareil. Ma fille est née à Mayotte et elle n’est pas considérée chez elle ici, mais elle n’a jamais vécu à Anjouan. Elle n’y a jamais mis les pieds d’ailleurs. Nous souhaitons aussi du bien à nos enfants et nous avons traversé la mer en risquant nos vies pour ça. »

Celui-ci estime que cela risque d’augmenter encore le niveau de délinquance à Mayotte, « car peu de mineurs acceptent d’être isolés de leurs parents. » Un homme qui dit s’appeler Abdillah, un jeune dynamique de 31 ans, déclare : « Je suis né à Mayotte. J’ai fait mes études ici et j’ai aussi un enfant à Sada. J’ai déjà été arrêté trois fois et puis relâché trois fois. Mais cette fois, il n’y aura pas d’échappatoire ».

« Retenter par la mer »

Tous ont déjà l’idée de revenir s’ils sont expulsés. Le deuxième témoin âgé de 46 ans indique par exemple que « si cette opération arrive, moi, personnellement, j’irai aux Comores sans poser de résistance et retenter une autre chance par la mer après. Qui ne risque rien n’a rien. Azali doit nous préparer des tentes pour nous accueillir. Il a reçu beaucoup d’argent pour qu’on soit renvoyé auprès de lui mourir de faim ». Pareil pour Abdillah. « Si on m’envoie chez moi à Mramani, je saisirai l’occasion d’aller voir mon grand-père avant son décès. Le souci ,c’est le retour qu’Azali a encore rendu difficile. Des personnes aux Comores nous ont dit que la police aux frontières (PAF) de Mayotte et une unité de 80 personnes de l’armée française sont à Anjouan pour bloquer les départs vers Mayotte. Azali et Macron se sont mis d’accord pour en finir avec nous. »

« Mexes » est aussi prêt à refaire la traversée, même si c’est de manière illégale. « Les demandes de visa, c’est de l’arnaque. Les frais de demandes équivalent à 99 euros. Et ils sont non remboursables en cas de refus. » A 54 ans et originaire de Koki à Anjouan, Houmad est le seul de nos témoins à être en situation régulière. La seule préoccupation de ce père de quatre enfants est le relogement de sa famille. « Si on détruit nos maisons, nous ne pouvons rien y faire pour s’opposer. Les terrains qu’on occupe ne nous appartiennent pas », reconnaît-il. Si son logement venait à être mis à terre, il compte emmener sa famille dormir sur la place de la République, à proximité de la barge.

« Ce ne sera pas la première fois que des familles iront dormir là-bas. »

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