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Mayotte Explo lancera bientôt son hôtel sur l’eau à Mayotte

Si les opérateurs nautiques sont légion dans le 101ème département, le lagon accueillera bientôt un nouveau catamaran, mais pas n’importe lequel. À bord de l’appareil baptisé Mayotte Explo et commandé par le gérant de Lagon Aventure, seront proposés des services haut de gamme d’hôtellerie et de restauration. Entre autres. 

Un catamaran, mais pas seulement. D’ici le mois de novembre, un nouveau voilier viendra caresser les eaux mahoraises, pour le plus grand plaisir des amoureux du lagon et de farniente. Avec une surface habitable de 130 m², le futur appareil du prestataire Mayotte Explo – une société fondée par le gérant de Lagon Aventure – sera un véritable hôtel flottant. 

À bord du catamaran, cinq chambres doubles, Wifi, télévision, climatisation, bains de soleil et plancha… Côté prestations, toutes les formules sont possibles : excursion à la journée autour de l’île, croisière vers Madagascar et Mohéli, nuit sur l’eau, au mouillage ou au ponton de Mamoudzou ou privatisation, le tout supervisé par un marin… et un cuisinier. « Les attentes des gens ont évolué », explique Denis Fabre, gérant de Mayotte Explo et Lagon Aventure, capitaine et propriétaire du bateau fait sur-mesure en métropole. « Le but n’est pas de proposer des safaris dauphins ou baleines et de faire un maximum d’îlots dans la journée, mais plutôt de proposer une formule pour décompresser totalement. L’idée, c’est de se poser sur le cata, de se faire plaisir et de souffler. C’est ce que beaucoup de monde recherche sur le lagon ! »

Et ça, Denis en sait quelque chose. Arrivé à Mayotte comme militaire de la marine nationale, il ne quittera jamais la mer. C’est d’ailleurs pour la faire découvrir aux habitants de l’île qu’il décide fonder sa propre entreprise, Lagon Aventure. Il sera même le premier à organiser des excursions à bord de ce qu’il surnomme « l’aquarium », le bateau à fond de verre. Pourquoi, alors, ne pas avoir investi plus tôt dans un catamaran haut de gamme ? « À l’époque, le ponton n’avait rien à voir avec ce qu’il est maintenant, et pour pouvoir faire hôtel au ponton quand nécessaire, on a besoin d’eau, d’électricité… Avant ça ne valait pas le coup et beaucoup de prestataires ont dû arrêter à cause de ça », souffle le capitaine. « Mais les choses ont bien évolué, et c’est maintenant qu’il faut le faire ! » 

Il passe alors commande à Canet-Plage, dans le Languedoc-Roussillon, où son « petit » bébé de 17 mètres de long se construit jour après jour, pour rejoindre Mayotte d’ici trois mois. « Une fois qu’il arrivera, on pourra lancer la machine tout de suite, tout est déjà en règle », se réjouit Denis Fabre. À côté de lui, son épouse, Chloé, elle aussi investie dans le projet, acquiesce : « Et notre gros point fort, c’est toute la place qu’il y a bord ! » En atteste la capacité du catamaran : il pourra accueillir jusqu’à 30 personnes à la journée, contre 11 à 12 en mode croisière ou hôtel. Le tout pour environ 90 à 120 euros selon la prestation choisie. 

Où réserver ? 

Si le catamaran Mayotte Exploration n’est pas encore arrivé sur l’île, il sera bientôt possible de réserver la sortie de son choix par téléphone uniquement, en contactant Lagon Aventure au 0639 65 4263. Un site web au nom de Mayotte Explo est par ailleurs en construction. 

 

Mayotte, une fois de plus en proie au manque d’eau

Depuis lundi, un arrêté préfectoral impose des restrictions temporaires sur l’eau. Une décision qui fait craindre de nouvelles séries de coupures comme en avait connues le département en 2016-2017.

Safina Soula est une femme préoccupée. Il faut dire que depuis déjà début août, les membres de son collectif constatent avec effroi la baisse rapide de la retenue collinaire de Combani. “Tous les jours, on envoie quelqu’un pour contrôler, et il y a à chaque fois une vingtaine de centimètres d’eau en moins”, s’alarme la vice-présidente des Assoiffés du Sud. Sa plus grande crainte ? Revivre le cauchemar de 2016-2017, et ces fameux “tours d’eau” censés aider le département à supporter la pénurie liée au manque de précipitations pendant la saison sèche. À l’époque, les habitants du sud et du centre de l’île avaient dû vivre deux mois de calvaire, entre décembre et février, marqués par ces mesures de rationnement et ces heures perdues à remplir seaux et bouteilles dès que cela était rendu possible.

Si nous n’en sommes pas encore là, “la situation est quand même assez critique, avec des niveaux dans les rivières et les retenues qui sont assez bas”, confirme Aminat Hariti, la nouvelle vice-présidente en charge de l’eau potable au SMEAM, le syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte. Le niveau des retenues collinaires est en effet à un peu moins de 50% – en 2016, la réserve qui alimentait 84% du sud de l’île était tombée à 20% de sa capacité totale. Des réunions hebdomadaires sont donc prévues avec les nouveaux élus du syndicat, la SMAE et la préfecture pour décider de la marche à suivre.

Des premières restrictions

Pour éviter d’épuiser la ressource trop rapidement, la préfecture a d’ores et déjà pris un arrêté préfectoral qui limite depuis lundi certains usages de l’eau sur le département. Sont concernés le lavage des véhicules, des trottoirs, bâtiments, façades, terrasses, cours, murs et bateaux de plaisance de particuliers, l’arrosage des pelouses, potagers et équipements sportifs ou encore le remplissage des piscines. Des mesures d’économies qui n’empêcheront malheureusement pas les coupures. “Nous n’aurons pas le choix, mais dans un premier temps, nous allons surtout faire ces coupures le soir, et un jour sur sept, puis peut-être un jour sur six si la situation se tend davantage”, explique Aminat Hariti. Le calendrier doit encore être discuté en fonction des localités et de l’évolution des prévisions météorologiques. À moyen terme, le syndicat explore avec l’ensemble des parties prenantes les autres solutions, comme le captage de l’eau en forage et en rivière, tandis que les projets de retenue collinaire d’Ouroveni et de l’usine de dessalement de Grande-Terre peinent encore à sortir de terre.

Une saison des pluies tardive

Des solutions qui ne suffisent pas à rassurer les Assoiffés, qui dénoncent déjà les gaspillages. Dans leur viseur : les rampes d’eau installées par l’Agence régionale de santé pendant le confinement pour permettre aux populations les plus précaires d’accéder à la précieuse ressource. En tout, 12 équipements sont venus s’ajouter aux 63 bornes fontaines

du territoire. Mais “ce ne sont pas les rampes d’eau qui sont responsables des pénuries”, répond Julien Thiria. D’après les relevés hebdomadaires réalisés par les préleveurs de l’ARS, la consommation d’eau aux rampes ne représente en effet que 0,3% de la consommation totale de l’île par jour, et celle aux bornes fontaines 0,5%. Soit moins de 1% de l’eau distribuée qui alimente ⅓ de la population du territoire, sans accès à l’eau dans son logement. “Le problème, ce sont les 6 à 8% d’augmentation des besoins en eau chaque année, une hausse qui provient surtout de la modernisation des ménages”, souligne encore Julien Thiria.

Sans compter que le principal problème réside aussi dans les conditions météorologiques. « Nous constatons depuis quelques années un phénomène de resserrement avec une saison des pluies qui arrive plus tardivement et une saison sèche qui arrive plus tôt », confirme Laurent Floch, directeur de Météo France Mayotte. Les précipitations, qui sont quant à elles plus importantes, notamment au mois de janvier et de février, perdent alors en efficacité car l’eau ruisselle davantage vers la mer. Et les premières prévisions saisonnières laissent présager une saison des pluies tardive, cette année encore.

Dhitoimaraini Foundi de Maoré Digital : « Nous devons exploiter ces nouvelles technologies pour créer de la valeur et réduire les inégalités »

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Cofondateur de la première plateforme d’investissement en actions sur les entreprises non cotées à l’île Maurice, Dhitoimaraini Foundi vient de lancer le concept Maoré Digital, dont l’idée est d’accompagner individuellement des projets de startup qui ont pour ambition de mêler technologies et innovations au service de l’inclusion.

Flash Infos : Comment est né votre projet d’incubateur de startup 100% digital à Mayotte ?

Dhitoimaraini Foundi : L’incubateur de startup 100% digital est l’un des projets développés au sein du Café de l’Entrepreneur, qui se veut être une véritable plateforme d’innovation à Mayotte. Nous sommes dans la quatrième révolution industrielle, l’ère de l’Internet des objets, de l’intelligence artificielle, de la blockchain (une technologie de stockage et de transmission d’informations sans organe de contrôle, ndlr.), des FinTech (technologies financières, ndlr.) et des cryptomonnaies… Les Mahorais doivent prendre en considération cette nouvelle réalité économique pour penser l’avenir de l’île.

Comme partout dans les économies matures, la nouvelle génération est encouragée à innover et à inventer des technologies disruptives (ces fameuses deeptech). Nous, jeunes mahorais, avons fait les mêmes études que ceux qui réussissent ailleurs, que ce soit à Paris ou à Londres ! Nous avons fréquenté les mêmes écoles, avons le même bagage intellectuel. Mais alors pourquoi eux réussissent dans leurs pays respectifs et pas nous à Mayotte ? La réponse est que nous n’avons pas créé un écosystème favorable à l’émergence et au développement de l’économie numérique. C’est de ce constat qu’est née l’idée d’incubateur, avec comme missions de former, d’informer et d’accompagner les acteurs dans cette nouvelle ère économique, l’ère de l’entreprise 2.0.

FI : Comment se matérialise la mise en place de ce projet sur le territoire ?

D. F. : Concrètement, il s’agit d’un support technique à destination des jeunes porteurs de projet d’entreprise innovante se déclinant en deux parties. D’abord, un programme de pré-incubation de 4 à 6 semaines au sein duquel les incubés découvriront la culture de start-up et durant lequel ils apprendront des méthodologies spécifiques aux start-ups, notamment le lean startup (une approche spécifique du démarrage d’une activité économique et du lancement d’un produit, ndlr.). Créer une start-up est différent d’une société traditionnelle. Par exemple, lorsque quelqu’un veut monter une entreprise à Mayotte, nous lui demandons d’emblée de produire un business plan et une étude de marché, alors que pour une start-up, c’est une étape non nécessaire, pour ne pas dire une perte de temps…

Durant cette période, la partie primordiale est d’identifier la clientèle et de connaître ses besoins ainsi que le potentiel du chiffre d’affaires. Une fois que nous avons cette data pertinente entre les mains, nous devons aller tester ces hypothèses directement sur le marché avec un MVP (minimum viable product). En d’autres termes, il faut se présenter sur le marché avec seulement 20% du produit. C’est un exemple parmi tant d’autres qui illustre la dichotomie de méthodologie entre la création d’une entreprise traditionnelle et une start-up.

Après la phase de pré-incubation suivra un programme d’accélération sur quatre mois durant lequel seront abordées les questions liées aux stratégies d’affaires, de financement, de branding… Une start-up n’est pas réservée à un marché local, sa vocation est de croître rapidement et de se lancer à l’international. C’est pourquoi, il est utile de se préparer au mieux à cette possibilité, en nouant des partenariats avec des acteurs implantés aux quatre coins du monde. Enfin, le coaching et l’accompagnement individualisés se feront exclusivement via des plateformes en ligne.

FI : Combien de porteurs de projets pouvez-vous accompagner en même temps ? Et à l’avenir, est-il envisagé de mettre en place un espace coworking pour rassembler les différentes startups qui vont voir le jour dans un seul et même lieu ?

D. F. : Pour cette première édition, nous nous limiterons à 20 candidats. Un appel à projets sera lancé dans les jours à venir. Ne seront retenus que ceux qui sont porteurs d’idées innovantes mais aussi ceux qui ont la motivation nécessaire pour se lancer dans l’entrepreneuriat.

Maoré Digital a opté pour la version digitale parce qu’il finance le programme sur ses fonds propres et n’a donc à ce jour pas les moyens d’offrir à ces jeunes un espace coworking, même si un incubateur peut en proposer un. Mais dans l’absolu, pouvoir faire du présentiel serait la configuration parfaite.

FI : Comment le digital pourrait-il permettre à Mayotte de « s’émanciper » économiquement et socialement ? Sachant que le développement de la fibre est encore en cours de réalisation sur le territoire…

D. F. : Toutes les économies matures sont en crise et cherchent de nouveaux leviers de croissance, notamment à travers l’économie numérique. Mayotte étant un territoire structurellement fragile et économiquement limité, nous devons exploiter ces nouvelles technologies pour créer de la valeur et réduire les inégalités, à l’image de la Tech For Good, qui conjugue rentabilité et impact sociétal positif. Nous devons revoir notre modèle d’économie sociale et solidaire actuel en y intégrant la dimension technologique. Sur le territoire, nous avons un instrument très puissant pour subvenir à nos besoins de consommation : il s’agit des « chikoa » (groupes de personnes qui mettent chaque mois une certaine somme pour qu’elle soit récupérée par l’une d’elles en cas de besoin). Il nous appartient de l’utiliser pour financer des activités créatrices de richesses, en le fléchant sous forme de capital dans nos entreprises. D’où l’intérêt de montrer un FinTech Hub à Mayotte pour promouvoir l’inclusion financière. Ce sont des technologies que nous maîtrisons déjà. Et cela aurait pour conséquence de ne plus avoir besoin de se reposer sur une ingénierie importée.

La Tech est importante sur l’île aux parfums parce qu’elle doit jouer son rôle d’intégrateur social. Le digital doit contribuer à réduire les inégalités économiques et sociales. Enfin, Maoré Digital, comme toutes les autres technologies hébergées au Café de l’Entrepreneur, entend jouer un rôle de pivot en contribuant modestement à la construction d’un écosystème Tech favorable aux innovations et à l’émergence de l’économie numérique dans notre territoire. La formation et l’innovation sont les clés de notre développement.

Mayotte : le « Globe Tour Ylang », le Vendée Globe du Canal du Mozambique

Après six années de préparatifs intenses, le projet « Globe Tour Ylang » de l’association Défi Inter Ylang commence à prendre forme. L’évènement promet de secouer l’ile mahoraise. En effet, la plus grande régate est en phase de se concrétiser. Cette aventure sportive, à consonance culturelle, entend faire rayonner Mayotte à l’échelle nationale et internationale en conjointe coopération avec cinq îles voisines.

C’est aux abords du port de plaisance de Mamoudzou que Frédéric Niewiadomski crée, en 2013, l’association Défi Inter Ylang. Du haut de ses 17 années sur l’île, c’est un Mahorais dans l’âme. Conscient de l’image négative que reflète Mayotte, le président allie sa passion pour l’océan et son amour pour sa localité dans le but d’imaginer un évènement qui va apporter un souffle nouveau à cette étiquette. C’est sur un copier-coller assumé du « Vendée Globe » que l’association calque son projet. « Nous nous appuyons sur ce qui a été réalisé, qui est connu et qui marche », annonce fièrement le porte-parole du GTY. Le « Globe Tour Ylang » s’articule sur Mayotte, « qui sera la plateforme de départ et d’arrivée. Le coup d’envoi est envisagé pour 2022 ». Les voiliers, revêtis de leurs plus beaux drapeaux, vogueront à travers l’océan Indien en empruntant la route d’Ylang pour la première fois lors d’une compétition officielle. Les autres 5 îles participantes : Madagascar, Maurice, Les Seychelles, Moroni et Zanzibar sont à l’honneur à l’occasion de ce road-trip maritime.

Chacune d’entre elles est garante du bon déroulement de cette aventure. « L’objectif est d’impliquer chaque île dans sa découverte et d’offrir un accueil label qualité », prévient Frédéric Niewiadomski. Les organismes de tourismes locaux se chargent de mettre en place des ateliers à thème. Au programme ? Rencontre entre les usagers et les animateurs, échanges thématiques, techniques, professionnelles, traditionnelles et culturelles. « C’est une véritable ouverture sur le monde », s’enthousiasme-t-il. Cet épisode inédit compte révolutionner le domaine de l’aéronautique mahorais.

« Mayotte va se développer uniquement par le bleu »

Cependant, aux vues des infrastructures actuelles, l’île aux parfums n’est pas encore en mesure d’accueillir cet évènement. « Nous prévoyons d’agrandir le ponton de Mamoudzou et de doubler sa capacité d’accueil afin de pouvoir amarrer les navires », ambitionne le président du DIY. Il prévoit d’en accueillir 25. En ce qui concerne la logistique, « 3.000 lits sont attendus pour loger les navigateurs, ce qui est impossible à l’heure actuelle », ajoute-t-il. Le plaisancier reste optimiste car un partenariat est déjà conclu avec la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) qui prévoit de faire venir des acteurs extérieurs de l’hôtellerie.

« C’est un gros chantier de l’ordre de 5 millions d’euros », rapporte l’instigateur du projet. « Nous parlons des retombées économiques avoisinant les 20 à 30 millions d’euros, un excellent retour sur investissement », se réjouit-il. Mais Frédéric Niewiadomski souligne aussi les bienfaits de l’aspect « terrestre » du GTY, avec la création de pas moins de 2.500 emplois. « Pas seulement dans le secteur maritime, mais aussi dans ce qu’on appelle l’électron arrière, à l’instar de la restauration, l’hôtellerie et le tourisme. » Si cette course lui tient tant à cœur, c’est surtout dans l’espoir de faire prendre conscience de l’environnement aquatique qui entoure la population : « Nous sommes en train de couler et il nous faut un rayonnement mondial. Mayotte va se développer uniquement par le bleu, car c’est notre richesse première ». Selon lui, le seul moyen d’éradiquer la délinquance omniprésente à Mayotte, c’est en impliquant activement les jeunes dans le projet.

« Mayotte, l’âme d’une île » ou la découverte de l’île aux trésors

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Véritable ode à la culture mahoraise, « Mayotte, l’âme d’une île », fruit de la collaboration entre le photographe Thierry Cron et l’écrivain Nassuf Djailani est désormais disponible en librairie. L’ouvrage invite, au fil des lignes et des images aux émotions captivantes, à porter un autre regard sur l’île. Et à entretenir le feu d’un patrimoine sans pareil.

Si la République est « une et indivisible » comme le dit le texte, ce petit bout de terre reste pourtant unique. Souvent invisible. Noyés sous les gros titres des journaux « métros » ou éludés par les œillères des voyageurs, oubliés dans la course à la modernité et rattachés de force au passé, vivent ainsi ses secrets. Et vive ses secrets ! Alors, pour qu’ils ne soient tus à jamais, Thierry Cron et Nassuf Djailani se sont fait les orpailleurs des richesses de Mayotte. Non pas pour se les approprier, mais pour les partager, pour « encourager la jeunesse à reprendre le flambeau que les anciens ont su leur transmettre ». Un objectif pour ce premier, le photographe, une émotion pour ce second au choix des mots. L’émotion, justement, est partout dans ce livre. Au fil des pages, au cours des lignes de lettres et des êtres en images. Les âmes y sont incarnées.

On les retrouve ainsi, ces âmes, ces hommes et ces femmes de l’île à la pêche, aux champs, lors des mariages, au long de leur vie et des rites qui l’anime. « J’espère avoir témoigné d’une réalité. C’est en tout cas ma réalité, celle que j’ai vu à travers mon objectif mais elle a été capturée sans trucage, avec sincérité », explique Thierry Cron qui, au cours de ce projet a louvoyé entre « la peur de l’illégitimité » pour ce photographe métropolitain et le désir profond de rendre hommage à une culture « fabuleuse, que l’on ne retrouve nulle part ailleurs », pour le baroudeur qui a traîné ses boitiers aux quatre coins du globe. Et c’est sa rencontre avec Nassuf Djailani, dit-il, qui lui aura permis de lever ce premier doute. De sublimer cette seconde volonté.

Un autre regard sur Mayotte

« Quand j’ai lu les premiers textes de Nassuf, j’en ai pleuré. Le travail du photographe s’arrête à une image, et même si l’on fait tout pour raconter une histoire, chacun se l’interprète librement et Nassuf a su trouver des mots d’une justesse incroyable pour donner vie à ces images », lâche-t-il, encore ému par la symbiose qui est née de leurs deux regards sur une île. « Ce livre, c’est d’abord une histoire de rencontres. Le travail de Thierry m’a replongé dans mon lieu d’écriture », raconte de son côté l’écrivain. « Le passage par la photo permet de faire une pause, il n’y a rien de tel pour ancrer l’imaginaire », poursuit-il. Et pour plonger dans des réalités souvent discrètes. « En tant que natif de l’île, on croit tout savoir d’elle, mais c’est en réalité bien souvent une prétention de connaître qui nous empêche d’aller voir plus loin. Se mettre à la place de l’autre, à travers des visages, des mains, permet de raconter autre chose. De mon côté, en tout cas, ça m’a permis de faire un pas de côté », confie l’auteur.

Un autre regard, « pour rendre compte de ce qui disparaît face à la violence du temps », voilà donc ce que veut susciter « Mayotte, l’âme d’une île ». « J’ai découvert un Mayotte fabuleux, à rebours de celui qui fait l’actualité. Malheureusement, on a l’impression que toute la richesse de cette culture est vouée à disparaître. Inéluctablement, les coutumes s’effacent face aux désirs de modernisation et on ne peut pas vraiment jouer sur cela », pointe le photographe. Les coucher sur papier de la manière des plus nobles permet ainsi de les faire vivre encore. Et déjà, prenant du recul sur leur travail, les deux complices parviennent-ils à entrevoir de l’espoir.

Une île qui résiste

« On peut voir Mayotte comme une île oubliée ou comme une île qui résiste et je pense que malgré tout, elle compose et avance à son propre rythme. Pour moi, c’est une île qui résiste, dont les secrets sont bien ancrés mais qui ne les livre qu’à ceux qui veulent bien regarder. Malgré les différentes pressions qui peuvent l’accabler, tout cela vit encore et ce livre est une manière d’offrir à ceux qui maintiennent ce feu le sentiment d’être réhabilités, de pouvoir se réapproprier une parole, une vision alors que l’espace est saturé de paroles tordues, manipulatrices », considère Nassuf Djailani. « J’espère que la jeune génération, que je sais attachée à la culture exceptionnelle qui leur a été transmise, tienne encore dans ce patrimoine et j’espère que ce livre les y encouragera », conclut le photographe. Ra hachiri.

Covid-19 : un casse-tête pour les crèches à Mayotte

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Crise sanitaire oblige, les crèches du 101ème département sont toujours limitées à des groupes de 10 enfants maximum, selon le guide ministériel publié au début du confinement. Un protocole qui pèse sur les structures et sur les parents, dont beaucoup restent sur liste d’attente alors que la rentrée approche.

C’est l’incertitude de plus pour cette rentrée. Alors que les vacances touchent à leur fin, trouver une place en crèche risque bien de relever du parcours du combattant cette année. Car avec l’état d’urgence sanitaire prolongé à Mayotte jusqu’au 30 octobre, les crèches doivent toujours appliquer les protocoles édités en mars dernier qui prévoient une capacité d’accueil maximale de dix enfants à la fois. Alors depuis quelques jours, c’est un peu la chasse à la place.

“Nous avons rouvert depuis le 3 août et là, les demandes affluent”, raconte Fatima Aboudou, la présidente de la fédération des crèches de Mayotte. Sa structure à Kani-Kéli peut en temps normal dorloter une vingtaine d’enfants, un nombre qu’elle prévoyait de faire monter à 30 à la rentrée. Impossible, avec ces restrictions sanitaires qui perdurent. Résultat, 23 familles sont encore sur liste d’attente. Même son de cloche à Emamex, la crèche de Kangani, qui peut normalement prendre en charge trente bambins. “Beaucoup de parents qui étaient déjà inscrits chez nous sont très en colère. C’était leur moyen de garde favori et là on les vire, ce qui les met dans une situation très compliquée”, déplore Faima Zidini, la directrice adjointe de l’établissement.

Seulement 262 places à Mayotte

“Cela fait deux semaines que j’ai fait ma demande, mais c’est plus une formalité. Au fond, je sais bien que la liste est longue devant moi”, soupire ainsi Said Kalame. Cette responsable de service aménagement et voirie à la mairie, mère de trois enfants, dont une fillette de 10 mois, a repris le travail à temps plein depuis juin. Et pour garder la plus jeune, elle a dû faire des pieds et des mains. “J’ai vraiment fait un appel au secours à tous mes contacts. Heureusement, j’ai pu trouver une nounou in extremis”, rembobine-t-elle. Sinon, sa fille devait rester à la maison avec sa grand-mère, déjà âgée. “Pour moi, ce n’était pas la solution, ma fille a besoin de s’éveiller, et vu qu’elle a déjà vécu en crèche, c’était comme la faire régresser”.

Or, difficile de trouver un plan B. “Beaucoup de crèches ont déjà une liste d’attente conséquente”, signale Fatima Aboudou. Les 262 places réparties au sein des 13 structures en activité, dont 4 micro-crèches, valaient déjà cher avant la crise sanitaire. Et aujourd’hui, seules quatre peuvent se permettre d’avoir deux groupes de dix enfants. Une organisation qui apporte de plus son lot de contraintes pour les établissements. À Kangani, Emamex a ainsi fait le choix de répartir les enfants en trois petits groupes. “Et pour chaque groupe, il faut prévoir un espace couchette, un espace jeux, et un espace change”, développe Faima Zidini. Sans parler du personnel en charge de chaque groupe, qui ne doit pas se croiser, ou encore de la disposition des couchettes, qui doivent être espacées minimum d’un mètre les unes des autres.

Encore le flou sur les aides

À ces réorganisations complexes s’ajoutent enfin les mesures sanitaires, qui pèsent sur le personnel et les enfants. “On ne peut plus que leur proposer des jeux que l’on peut désinfecter facilement. Cela veut dire, plus de piscine à balles, plus de lego, plus de dinette… Pour eux, les journées ne sont plus aussi enrichissantes qu’avant”, note la directrice adjointe d’Emamex. Et pour les structures, cette situation représente aussi un coût financier non négligeable, car elles doivent notamment se fournir en masques et laver les tenues des employés quotidiennement. Des dépenses qui finissent par peser, alors que la limitation des capacités d’accueil représente déjà un manque à gagner. À la base, les établissements se sont vus promettre une aide de 10 euros par jour et par place non attribuée. “Mais vu que ces aides se sont arrêtées au 3 juillet au niveau national, on ne sait pas combien de temps nous allons pouvoir continuer à en bénéficier à Mayotte”, explique Fatima Aboudou. Une réunion est prévue le 24 août avec la Caisse de sécurité sociale, la préfecture, l’ARS et la PMI pour tenter de démêler cette situation. “J’espère bien que la règle des dix enfants va être levée rapidement”, souffle Alexandra André, directrice de la crèche de Bandrélé. Sans cela, de nombreux parents risquent bien de se retrouver sur la touche…

Risques naturels à Mayotte : pour Fahad Idaroussi Tsimanda, « sans la sensibilisation, nous sommes voués à l’échec »

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Une équipe de chercheurs se trouve actuellement à Mayotte pour identifier les différents points de refuge en cas de risques naturels. Doctorant au laboratoire Gred à l’université Paul Valéry de Montpellier 3, Fahad Idaroussi Tsimanda, un Mahorais de 28 ans originaire d’Acoua, y prend part et détaille les contours de cette mission baptisée « Tsunami ».

Flash Infos : En quoi consiste cette mission scientifique ? Et qu’est-ce qui va en découler ?

Fahad Idaroussi Tsimanda : À la suite des différents essaims de séisme à Mayotte, la préfecture nous a sollicités, mon professeur, Frédéric Leone, une ingénieure de mon laboratoire, Monique Gherardi, et moi-même, pour procéder à des repérages pendant deux semaines. Compte tenu de la naissance du volcan, notre objectif est de modéliser les différents tsunamis qui sont susceptibles d’affecter l’île avant de les cartographier pour identifier les différentes zones qui seraient plus impactées que d’autres, à l’image des plaines côtières. À partir de là, nous avons essayé de repérer les zones de refuge pour que la population puisse se mettre à l’abri.

Toutes ces informations seront intégrées dans l’application SW Map. En cliquant sur n’importe quelle maison, vous pourrez connaître l’itinéraire le plus court pour rejoindre les points de refuge, que nous avons géoréférencés pour les associer dans le système d’information géographique qui nous permet de modéliser des cartes.

Enfin, nous réfléchissons aux différents dispositifs qui pourront être installés, tels que des sirènes. En cas de risque avéré, elles seront automatiquement enclenchées. Des GPS et des radars, placés au large de Mayotte, alertent en premier lieu le service interministériel de défense et de protection civile, qui donne ensuite le signal aux différentes communes.

FI : En décembre dernier, le cyclone Belna est passé à quelques kilomètres de Mayotte. Cet événement avait poussé les autorités compétentes à réagir dans l’urgence et a mis en lumière que les habitants préféraient rester chez eux plutôt que de rejoindre un lieu sûr.

F. I. T. : La population marginale et vulnérable a peur de perdre le peu en sa possession. En cas de risques de cyclone, elle refuse d’évacuer. Mais la croyance joue également un grand rôle dans ce type de refus. En parallèle de cette mission, je poursuis ma thèse intitulée « Vulnérabilité différentielle des migrants à Mayotte : enjeux socio-politiques de la réduction des risques dans un département français insulaire en développement », qui me permet de réaliser des enquêtes dans les bidonvilles. Bon nombre d’habitants m’expliquent que Dieu pèse sur leurs gestes et leurs agissements. Après, le problème est aussi plus profond et concerne leur situation administrative. Pour éviter toute expulsion, certains préfèrent ne pas entrer en contact avec les autorités.

Les municipalités doivent jouer le jeu et rentrer dans les quartiers les plus précaires. Et pour cela, elles devraient se rapprocher des associations qui y mènent des actions. Ces structures connaissent davantage les réalités du terrain et surtout, elles ont une relation de confiance avec les habitants de ces quartiers informels. Sans la sensibilisation, nous sommes voués à l’échec et à des catastrophes de grande ampleur. Il faut aussi passer par les écoles. Car vous n’êtes pas sans savoir que les enfants sont un vecteur de message auprès de leurs parents.

FI : Avec ses spécificités, Mayotte peut-elle espérer passer entre les mailles du filet en cas de catastrophe naturelle ?

F. I. T. : Le risque est réel ! Il faut savoir que dans l’océan, Mayotte se situe sur un plancher, qui rassemble des zones de montagne. Et avec les différents essaims de séisme, celles-ci peuvent se fragiliser et s’écrouler. Les roches dans l’eau peuvent être un vecteur de tsunami. En cas de glissement de l’édifice du volcan, ce phénomène peut provoquer l’arrivée soudaine de grosses vagues. Du coup, la mangrove est protectrice, tout comme les deux barrières de corail qui entourent l’île. Elles peuvent jouer un rôle important dans l’atténuation d’un éventuel tsunami.

Malheureusement, la situation est plutôt alarmante à certains endroits, notamment à Iloni où la mangrove est assiégée et abîmée. Et d’ici quelques années, il y a de fortes chances qu’elle ait complètement disparu du paysage… Idem à Acoua. La zone marécageuse a été rasée et remblayée pour accueillir le terrain de football et les écoles maternelles. Sans oublier le remblai de M’tsapéré où se situe le siège de la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement. Je pense que l’État n’a pas pris conscience, ou alors très tardivement, de l’enjeu de la mangrove.

En 2014, lors du passage du cyclone Hellen, il y a eu un phénomène de submersion marine. Cela montre bien que quand la nature décide de reprendre ses droits, l’humain n’est qu’un simple pion sur l’échiquier. Si l’objet de cette mission n’est pas de créer des psychoses, nous devons avertir les acteurs. Il faut insister et travailler main dans la main avec la population. Le risque zéro n’existe pas. Nous ne pouvons prédire ce que l’avenir nous réserve… Sensibiliser et faire des exercices permettent de minimiser les impacts. Au Japon, cela a pu sauver 95% des vies. Il faut donc multiplier les exercices. Il ne faut pas en faire un par an, mais plutôt un tous les trimestres pour que les mécanismes puissent rentrer plus facilement dans les mœurs. Comme le dit l’adage, mieux vaut prévenir que guérir !

Jardin de M’tsangamouji : une association mahoraise aux multiples facettes

L’association Jardin de M’tsangamouji fête cette année ses 5 ans d’activités. 5 ans de dur labeur dédiés à préserver et mettre en valeur la nature ainsi que le patrimoine de Mayotte. Les bénévoles sont également impliqués dans l’éducation et accompagnent les plus jeunes dans leur parcours scolaire.

Lorsqu’il a créé son association en 2015, Moussa Nassim, président de Jardin de M’tsangamouji, voulait redorer l’image de sa commune du même nom. « Il y avait des manques, à part le sport, rien d’autre ne fonctionnait », déclare-t-il. C’est donc tout naturellement qu’avec 10 autres membres de l’association, ils sensibilisent les habitants aux questions environnementales. Très vite, le nombre de bénévoles s’agrandit et ils réalisent que d’autres domaines tels que l’éducation et le patrimoine culturel et historique sont également délaissés. Depuis 2017, Jardin de M’tsangamouji accompagne les élèves de CM1 jusqu’en 3ème pendant la période scolaire. « De 18h à 20h, des animateurs et quelques professeurs les aident pour leurs devoirs. Et chaque année, nous organisons un grand concours communal pour les élèves du primaire. Ils sont récompensés avec des tablettes et des livres d’exercices », explique Moussa Nassim. Ceci-dit, les plus grands enjeux de l’association demeurent dans le patrimoine et l’environnement. Depuis 2017, elle mène des actions de sensibilisation sur l’utilisation de l’eau et de l’énergie. Des sorties pédagogiques sont organisées sur les retenues collinaires, les stations de traitement des eaux ou encore les rivières. Le président de l’association est particulièrement impliqué dans la préservation de la Lagune d’Ambato, une zone humide se trouvant à M’tsangamouji. « Elle est protégée par un arrêté préfectoral depuis 2005, mais elle a été laissée à l’abandon. Des gens l’occupent illégalement, il y a donc beaucoup de dégâts. C’est pourtant un site exceptionnel puisqu’il abrite des plantes endémiques, des plantes qui ont disparu de Mayotte mais que nous retrouvons que dans cette lagune. Ainsi que des oiseaux en voie de disparition. »

Des combats menés seul

Jardin de M’tsangamouji est souvent sollicité par les écoles, les autres associations, ainsi que par les touristes pour organiser des excursions, en parallèle avec son travail de protection du patrimoine et de l’environnement, mais aujourd’hui leurs actions ne suffisent plus. « Nous avons des sites magnifiques à Mayotte, mais qui ne sont pas forcément connus. Il faut les mettre en valeur et les faire connaître », selon le président de l’association. Les sites historiques nécessitent également un coup de pouce qui faciliterait le travail des bénévoles. Des fouilles et des études approfondies permettraient d’appuyer leurs propos lors des visites pédagogiques. Tout cela a un prix et Jardin de M’tsangamouji n’a pas les moyens financiers de s’impliquer à 100%. « L’intercommunalité 3CO nous a indiqué qu’elle avait un projet pour la préservation du patrimoine, mais pour l’instant nous n’avons rien vu. Du côté de l’État, il n’y a pas grande chose qui se fait non plus », regrette Moussa Nassim. L’association a songé plusieurs fois à créer et à porter les projets elle-même mais il fallait à chaque fois avancer le budget avant d’être remboursé, chose qui n’était pas possible pour elle. À cela s’ajoute le laxisme de la justice qui ne serait pas assez ferme avec ceux qui dégradent la nature et tuent les animaux. « La justice doit nous aider en prononçant des peines exemplaires pour dissuader les autres. » Leur appel sera-t-il entendu ou sera-t-il classé avec les nombreux appels à l’aide des autres associations ? L’avenir nous le dira.

Mayotte : un homme de 19 ans se noie à Sakouli

Parti se baigner avec des amis, un jeune homme qui ne savait pas nager a disparu en mer dimanche après-midi. Son corps sans vie a été repêché le lendemain par ses proches.

Deuxième noyade en une semaine. Lundi matin, le corps d’un homme âgé de 19 ans a été sorti des eaux au large de Sakouli, où il était s’était rendu la veille avec des amis. Il n’est pas encore 14h30, dimanche, lorsque deux jeunes interpellent les clients du restaurant O’lolo pour leur demander de l’aide : leur compère, avec qui ils étaient partis se baigner quelques minutes plus tôt, est en train de se noyer. Et l’homme ne sait pas nager.

Immédiatement, une petite dizaine de personnes quittent leurs tables, se précipitent vers la plage et avancent dans l’eau. Rien. Pendant que certains réquisitionnent les kayaks de l’établissement pour mener les recherches, d’autres appellent les secours. « Le Smur est arrivé très rapidement », témoigne Angélique, venue manger au O’lolo ce jour-là. « Puis, des gendarmes de Petite-Terre sont venus en bateau, et les pompiers en ambulance. » Tout le monde s’active – ou presque – mais le corps ne réapparaît pas à la surface. « Nous avons quitté la plage à 17h, et les recherches étaient encore en cours. Un bateau de plaisanciers est même resté pour aider », complète Angélique. Mais entre les vents forts et la tombée de la nuit, l’équipe est contrainte de tout arrêter.

Lundi matin, la famille du disparu décide de louer une barque à des pêcheurs de la commune pour reprendre les recherches. Sur les coups de 9h, ils retrouvent le corps du jeune homme, sans vie. Selon une source policière présente au moment des faits, les proches du défunt auraient ensuite eux-mêmes ramené le corps à Kawéni afin de procéder à l’enterrement, prévu ce lundi.

Au moins un noyé chaque année à Sakouli

En rejouant le film de la veille, Angélique s’interroge. Pourquoi les pompiers, pourtant rapidement arrivés sur place, sont restés sur la plage « à regarder les civils faire eux-mêmes les recherches » ? « Les sapeurs-pompiers de Mayotte n’ont pas d’équipes subaquatiques, c’est-à-dire que nous n’avons pas de plongeurs », répond d’emblée le colonel Fabrice Terrien, président du service départemental d’incendie et de secours. D’où la présence de la brigade nautique de gendarmerie dimanche à Sakouli. « Malheureusement, nous ne pouvons faire que du sauvetage de surface, c’est pour ça que les pompiers sont arrivés à Sakouli avec un engin de secours à la personne. » De quoi évacuer la victime vers le CHM si celle-ci avait été retrouvée à temps.

Chaque année, au moins une personne meurt par noyade à Sakouli. Interrogée, la municipalité explique avoir lancé plusieurs dispositifs, rapidement perturbés par le calendrier électoral et le changement de statut, du fait de la création de l’intercommunalité du Sud. « Des formations de surveillants de baignade vont être mises en place et nous avons vu à maintes reprises les professionnels de Sakouli (restaurateurs et gérants d’hôtels, ndlr) pour qu’ils nous accompagnent dans ce dispositif de surveillance », explique la ville de Bandrélé. À terme, cela devrait se traduire par l’installation de drapeaux de bord de mer, indiquant les risques auxquels s’exposent les baigneurs en fonction de la météo et de la marée. « Pas mal de choses ont été enclenchées, mais nous n’avons pas pu reprendre tous les dossiers laissés en suspens », reconnaît encore la municipalité. Bonne nouvelle cependant : « Nous avons reçu il y a quelques jours le CV d’un surveillant de baignade et maître-nageur qui arrive en septembre et qu’on va sûrement recruter. »

Actuellement, aucune aire de baignade n’est surveillée à Mayotte, alors que le département compte plusieurs dizaines de kilomètres de plage. Si les communes sont chargées d’assumer cette compétence, la loi précise que cette obligation ne s’applique qu’aux plages spécialement aménagées. Ce qui n’est à ce jour le cas d’aucune à l’échelle locale, et qui explique, par conséquent, le nombre de noyades élevé à travers l’île. Dimanche dernier, une fillette de cinq s’était ainsi noyée à Trévani après avoir échappé à la vigilance de sa tante.

La violence a fait rage ce Week-end entre Kawéni et Majicavo

Caillassages, incendies volontaires, agressions à la machette… Depuis jeudi soir, une bande d’une centaine d’individus sévit entre Kawéni et Majicavo après l’agression d’un jeune homme. Les dégâts humains et matériels sont considérables. Un corps a même été retrouvé à Kawéni.

Jeudi, fin de journée. Mathieu est seul, attablé chez lui, dans son appartement des Hauts Vallons. Tout à coup, des cris longs et répétés traversent la fenêtre de son salon laissée entrouverte. Il y passe la tête, et voit cette scène, largement diffusée sur les réseaux sociaux : 100 à 150 individus viennent d’assiéger le quartier. « J’ai vu les gendarmes les repousser depuis la route venant de Jumbo », se souvient le jeune homme. « Ils sont passés par le rond-point du M’biwi avant de remonter vers les locaux de Mayotte La 1ère. C’est là qu’ils ont commencé à jeter des pierres et à provoquer les forces de l’ordre qui leur ont répondu avec des lacrymos. » Au total, une centaine de gendarmes et policiers y interviendront tout au long du week-end.

Selon le commandement de gendarmerie, tout serait parti de l’agression, le jour même, d’un jeune de Majicavo par ceux d’une autre bande, vraisemblablement venue de Kawéni. En un rien de temps, la vengeance se prépare, si bien qu’aux alentours de 18h, des premiers caillassages sont signalés à l’entrée de Kawéni. À Majicavo, des dizaines d’individus rôdent déjà, machettes en main. « Je buvais un coup au Quartz (anciennement le M’biwi, ndlr), quand on est venus nous demander partir parce qu’ils allaient fermer le bar », se souvient Guillaume. Quelques minutes avant, les gendarmes s’étaient présentés devant le gérant de l’établissement, en lui expliquant ce qui était en train de se préparer. D’où la décision de fermer boutique. « Les jeunes auraient pu venir frapper les clients et les défoncer, mais ils ne l’ont pas fait. », lâche un voisin, soulagé.

Une bonne partie de la soirée, forces de l’ordre et assaillants se font face. Finalement, la bande de délinquants se disperse d’elle-même… Jusqu’au lendemain, pendant que les habitants comptent encore les véhicules détruits, les pare-brise explosés. Stigmates d’une nuit de violences, qui se répétera à Majicavo et à Kawéni tous les soirs du week-end. Mais un nouveau stade sera franchi samedi, alors que le matin-même, le Collectif organisait une marche contre l’insécurité à M’tsapéré. En fin d’après-midi, les pompiers du service départemental d’incendie et de secours sont appelés à intervenir dans le quartier Disma, à Kawéni. « Quand nous sommes arrivés sur la zone, la police nous a accueillis et nous a demandé de faire demi-tour parce que c’était trop dangereux », retrace le directeur du Sdis, le colonel Fabrice Terrien. « Le feu a dû s’éteindre tout seul… »

Un cadavre retrouvé à Kawéni

Alors que l’épais panache de fumée s’élève jusqu’à être visible depuis Petite-Terre, plusieurs agressions à la machette ou au couteau sont signalés, notamment du côté de Majicavo Massimoni. Un homme de 67 ans est violemment agressé dans son champ, blessé dans le dos et à la tête. À l’entrée de Majicavo Koropa, des poubelles sont enflammées. À Koungou, des caillassages éclatent, des barrages sont érigés et incendiés au milieu de la route. Dimanche, le parquet finissait même par confirmer une rumeur qui circulait depuis le début des événements : un cadavre a bien été retrouvé à Kawéni. « Nous ne savons encore rien des circonstances de la mort, nous ne devons pas tirer de conclusions trop hâtives », insistait alors le procureur Camille Miansoni.

Si les faits de caillassages sont désormais quasi-quotidiens sur l’île, le nouveau commandant de gendarmerie, Olivier Capelle, reconnaît toutefois que les événements qui ont marqué le week-end sont « particulièrement violents ». Ainsi, une enquête a été ouverte pour retrouver les auteurs de ces dégradations et de ces agressions. Dans un communiqué commun, les maires de Koungou et Mamoudzou, le président du conseil départemental et le préfet ont lancé « un appel collectif au calme et à l’apaisement » face aux « conséquences sans précédent » des récents événements. « Les forces de l’ordre et la police municipale seront présentes en nombre pour sécuriser le territoire et interpeller les auteurs de troubles. Les travailleurs sociaux continueront d’intervenir pour faire barrage aux fausses rumeurs qui sont à l’origine de ces violences », ont promis les collectivités. Il a par ailleurs été décidé que les assises de la sécurité, des réunion régulières du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, seraient organisées plus tôt que prévu. « L’objectif est de trouver des solutions pérennes et globales avec les parents, les jeunes, les associations, visant notamment la formation, l’éducation et l’insertion. »

Rapt de Petite-Terre : après l’appel devant la chambre de l’instruction, case prison et « tournure politique »

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Rendue ce jeudi en appel devant la chambre d’instruction de La Réunion, la décision de placer les quatre hommes mis en cause dans l’affaire du rapt de Petite-Terre n’est pas sans soulever de questions selon leur avocat. Me Nadjim Ahamada dénonce notamment une violation des droits de la défense et une motivation politique à l’endroit des divers collectifs contre l’insécurité qui affichent un soutien farouche à ses clients.

« Il y a clairement eu violation des droits de la défense », s’indigne Maître Ahamada au lendemain de la décision rendue en appel la veille et qui a conduit à l’émission de trois mandats de dépôt à l’encontre de ses clients jusqu’alors sous contrôle judiciaire – la décision de placer en détention provisoire celui désigné comme le leader en première instance ayant été confirmée. « Les quatre vont en prison », lâche-t-il, amer. La raison de sa colère ? « Je n’ai pas pu m’exprimer », explique l’avocat. « L’audience a eu lieu ce jeudi avec des juges de La Réunion, elle devait se dérouler en vidéoconférence, sauf qu’il y a eu un problème technique qui n’a pas permis de faire fonctionner le dispositif correctement. Normalement, l’audience aurait dû être reportée, mais les juges ont décidé de ne pas tenir compte du problème technique. Mes clients ont donc été jugés sans avocat », peste-t-il.

Le pourvoi en cassation envisagé

S’il dénonce le choix des magistrats de maintenir l’audience sans débat contradictoire, Maître Ahamada y voit cependant un argument de poids pour espérer voir la décision annulée. « Je vais en discuter avec mes clients ce lundi, mais j’estime que cette violation des droits de la défense a de quoi motiver un pourvoi en cassation », indique-t-il. Toujours est-il qu’étant non-suspensif, cet éventuel pourvoi en cassation ne changerait rien au fait que ses quatre clients dorment à Majikavo d’ici là.

Une situation que déplore la robe noire. Car au-delà de l’irrespect du principe élémentaire de contradictoire qu’il dénonce, c’est également le fond de la décision, « totalement injuste » et surtout sa motivation que le conseil rejette. « Les juges ont retenu comme argument phare le risque de troubles à l’ordre public au vu des diverses manifestations de collectifs contre l’insécurité », soutient l’avocat. « Sauf que ce ne sont pas mes clients qui sont à l’origine de ces manifestations », poursuit Maître Ahamada, concédant toutefois que les collectifs « affichent un soutien farouche » à ses clients. Et que des membres de leur famille sont également des figures influentes de ces mêmes collectifs.

Un message aux collectifs ?

Alors, le conseil en est convaincu, c’est à l’endroit de ces groupes prônant régulièrement une justice populaire et expéditive que la décision a été rendue. « Cela prend une tournure politique, c’est tout simplement un message adressé aux collectifs, une façon de tenter de les museler alors qu’ils ont prévu une nouvelle manifestation samedi », estime-t-il.

Peut-être aussi une façon de faire un exemple pour ceux qui seraient tentés d’emprunter la même voie que ses clients. En première instance, lors de l’audience du 4 août au tribunal judiciaire de Mamoudzou, la substitute du procureur ne s’en cachait d’ailleurs pas. « On voit des milices naître un peu partout sans aucune autorisation et on ne peut pas laisser faire ça. Il faut traiter cette affaire à sa juste mesure parce que sinon, c’est ouvrir la voie à des comportements de type lynchage en toute impunité », avait-elle ainsi fait valoir.

Car si certains peuvent voir dans la séquestration et les coups qui ont conduit à la mort d’un jeune – désigné par ses agresseurs comme délinquant – une forme de justice, voire de bravoure alors que l’île est en proie à l’insécurité, impossible pour la justice de la République de ne pas se tendre. Ainsi remise en cause, la voici donc à tenter de rappeler toute sa force.

Violences faites aux femmes à Mayotte : “Les choses changent. Trop lentement”

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Saïrati Assimakou, la créatrice de la page Facebook Souboutou Ouhédzé Jilaho _ Ose libérer ta parole, revient sur les récents témoignages publics de deux femmes ayant subi viols et violences conjugales. Mais derrière ces quelques prises de parole, de trop nombreuses victimes restent encore dans l’ombre.

Elle a osé parler. À 36 ans, la sociologue Maria Mroivili, a raconté publiquement le “calvaire sexuel et de violences conjugales” qu’elle a subi pendant quatre mois et demi, et ce, après des années “de luttes et de célibat assumés pour finir par tomber sur un mari violent”. Après son interview sur les antennes de Mayotte la 1ère et l’envoi de son témoignage aux médias du département, une procédure a été engagée à l’égard de son compagnon, qui a été mis en examen pour violences et viol et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d’approcher la plaignante. Quelques jours plus tard, une nouvelle victime a fait part de son témoignage à visage découvert. Dans une vidéo sur les réseaux sociaux qui totalise près de 2.000 vues et plus de 1.300 partages, Clarice raconte le viol qu’elle a subi par son père démissionnaire. Saïrati Assimakou, la créatrice de la page Souboutou Ouhédzé Jilaho _ Ose libérer ta parole, qui avait été l’une des premières à raconter son histoire, a accompagné cette nouvelle victime dans son chemin vers la prise de parole. Mais face à l’avalanche de messages anonymes qu’elle continue de recevoir, Saïrati Assimakou déplore une prise de conscience collective encore difficile. Elle appelle aujourd’hui à une plus grande solidarité entre les femmes. Et à une justice qui accompagne davantage les victimes. Entretien.

Flash Infos : Vous avez créé votre page Facebook il y a un an. Aujourd’hui, elle compte près de 2.000 abonnés. Est-ce que vous recevez davantage de messages et traduisent-ils selon vous une prise de conscience collective ?

Saïrati Assimakou : La prise de conscience est là, c’est indéniable. Malheureusement, la plupart des victimes ne se sentent pas assez en confiance pour raconter leur histoire librement et publiquement comme Clarice, Maria ou moi. Car du côté de la société, certes, les choses changent. Trop lentement et pas assez fort, je le déplore. La jeunesse prend conscience de certaines choses : par exemple, que la victime ne cherche jamais le viol. Elle sait davantage reconnaître le traumatisme psychique et psychologique. Mais elle n’est pas prête à agir, à déconstruire pour reconstruire. Néanmoins, je reçois énormément de messages, notamment depuis que Maria a parlé. Des personnes qui m’avaient déjà raconté leur histoire auparavant reviennent vers moi. Elles m’expliquent qu’elles n’avaient pas tout raconté, et qu’elles vivent actuellement, des situations difficiles. On se rend compte qu’elles ont été oubliées pendant le confinement, comme Maria. Or pour ces femmes qui me contactent à nouveau, c’est la double peine : elles ont vécu des choses qui les ont laissées avec de grandes fragilités, qui les plongent plus facilement dans de nouveaux drames. Et bien sûr, tout cela est encore très largement entretenu par la famille, la religion…

FI : Après Maria Mroivili, un nouveau témoignage a été publié sur les réseaux sociaux. Celui de Clarice, qui raconte avoir été violée par son père, un récit qui fait écho au vôtre. Comment avez-vous reçu ces nouvelles prises de parole publique ?

S. A. : Oui, notre histoire est plus ou moins similaire sur le point de l’inceste. Et comme beaucoup de victimes, je me sens moins seule. Car si le cas du viol existe mais peine encore à être rendu publique, celui de l’inceste constitue un tabou absolu. Que Clarice vienne m’aider à porter le poids de la vérité, c’est vraiment important. Elle m’avait contactée après la diffusion de l’article au sujet de Souboutou Ouhédzé Jilaho sur Mayotte la 1ère, et à partir de ce moment-là, nous avons travaillé ensemble pour libérer sa parole et l’amener à comprendre l’importance de sa voix pour nous toutes, et aussi pour sa propre liberté à elle. Quant à Maria, je ne la connais pas, mais je suis fière de voir que les femmes commencent à refuser de se soumettre à la voix du silence. Elle a mis le doigt sur quelque chose de réel chez nous, qui n’est pas assez entendu. C’est dommage que trop peu, à Mayotte, ose encore s’exprimer. On dit que nous sommes une société matriarcale, mais en réalité, c’est une société matriarcale dirigée par des hommes…

FI : Recevoir tous ces témoignages doit représenter une certaine pression pour vous, un sentiment de responsabilité envers les victimes. Comment vivez-vous cette situation ?

S. A. : En effet, c’est une pression énorme pour moi. Mais j’ai la chance d’avoir une formation dans le social et j’ai aussi travaillé avec des détenus. Cela me donne quelques billes pour trouver les bons mots. Et bien sûr le fait d’avoir été moi-même victime m’aide à comprendre leur situation. J’essaie d’être la personne que j’aurais aimé avoir en face de moi quand j’ai décidé de prendre la parole. La première chose que je dis aux victimes, c’est que je les crois. C’est une première étape importante car trop souvent, les gens s’arrêtent sur des détails pour dénigrer les propos des victimes. Ensuite, j’insiste sur le fait qu’elles ne sont pas responsables. Enfin, en fonction de leur situation, je les oriente vers des associations avec qui je suis en contact. Car je ne suis en aucun cas une professionnelle de la prise en charge des victimes, quand bien même je comprends leur histoire.

FI : Dans son texte, Maria Mroivili évoque le rôle de la justice. Pensez-vous qu’il faille en passer par là pour réveiller la conscience collective ? Pensez-vous que la justice protège assez les femmes victimes de violence ?

S. A. : Dans un premier temps je dirais que oui, il faut une dénonciation pénale pour mettre la société face au problème. Mais chacune et chacun fait comme elle ou il veut ou peut. Surtout, il ne faut pas que l’absence de plainte ne vienne dénigrer la parole de la victime, comme j’ai pu le voir sur les réseaux sociaux en réaction à la vidéo de Clarice. La dénonciation pénale est un pas. Mais par exemple, pour ma part, au moment de prendre la parole, je n’ai jamais eu en tête que la justice allait m’aider à avancer. Car, comme je vous le disais, j’ai travaillé dans une maison d’arrêt et j’ai vu à quel point la prise en charge des agresseurs était limitée. J’encourage à porter plainte mais malheureusement la justice ne suit pas. Il suffit de regarder les chiffres pour s’en convaincre : seulement 10% des victimes portent plainte, 76% des plaintes restent sans suite, 8% vont jusqu’au procès et seul 1% des violeurs sont condamnés. Les condamnations en France se font au rabais et cela peut être très violent pour la victime. Vivre l’horreur puis constater que ce n’est toujours pas suffisant pour la justice… Sans parler des affaires qui sont ramenées au correctionnel alors qu’elles devraient passer aux Assises. Résultat, le peu d’agresseurs condamnés effectuent leur peine, assez courte, puis sont remis en liberté sans prise en charge, sans se prémunir d’une éventuelle récidive. C’est un problème vraiment complexe, sur lequel l’ensemble de la société devrait se mobiliser. J’incite donc les acteurs locaux à faire bouger les lignes, et j’appelle aussi les femmes à plus de solidarité. Trop souvent, quand une femme a le courage de s’exprimer, nous nous rabaissons entre nous. Ce n’est pas l’héritage de nos ancêtres. Ce n’est pas l’héritage des Chatouilleuses que je vois, en plus de leur caractère politique, comme de véritables activistes d’un avenir meilleur. Par leur acte militant, elles nous ont donné un magnifique héritage. Celui de ne pas attendre des hommes notre libération.

 

Mayotte : Joseph Rakotoarimalala, destin d’un comptable devenu son propre patron

Titulaire d’un BTS en comptabilité obtenue à La Réunion, Joseph Rakotoarimalala, plus communé-ment connu sous le nom de R-Lala, a longtemps cherché à s’insérer, en vain, dans ce domaine avant d’atterrir en tant qu’agent de sûreté à l’aéroport de Mayotte. Après 7 ans et demi de beaux et loyaux services, il a quitté son poste pour se lancer dans l’entreprenariat. Portrait d’un natif de Po-roani, aujourd’hui à la tête de deux entreprises et d’un club de Régional 1.

L’aventure professionnelle de Joseph Rakotoarimalala comme en 2016 avec MayCuisine. « J’ai toujours eu une âme de bricoleur », sourit-il. Puis d’un air nostalgique, le trentenaire se remémore ses années de bidouillage auprès de son père, anciennement conducteur de travaux pour la COLAS. « L’idée est venue lors de l’aménagement de ma maison, je cherchais à installer une cuisine qui correspondait à mes goûts, mais personne ne fournissait un service sur mesure dans l’île », annonce-t-il. Dès lors, R-Lala s’adresse à un fournisseur extérieur pour concevoir sa cuisine sur mesure. Malheureuse-ment, un statut de professionnel est exigé pour ce genre de prestation. « C’est alors là, qu’avec ma femme, nous avons décidé de créer ce projet. », poursuit-il. Comme quoi, derrière chaque grand homme, se cache une lady… L’entrepreneur part alors se former quelques mois à Perpignan au métier de concepteur et poseur de cuisine dans un centre de formation du réseau Schmidt et Cuisinella. Certifié, le fils prodigue revient dans son fief natal, armé et prêt à en découdre. Seul obstacle ? Le nom ! « J’ai d’abord pensé à Mayotte relooking, car je voulais relooker les maisons. Mais ça ne collait pas au projet qui est exclusivement centré sur la cuisine. » Finalement, MayCuisine se révèle comme une évidence. S’en suit un partenariat avec 2 usines en Allemagne et en France et les dès sont lancés…

« C’est allé très vite », souligne Joseph. Au départ seul, il gère son business dans un petit local de Poroani. Dès son lancement, la société est victime de son succès. Elle offre un concept inédit. « J’ai été le premier à faire un showroom entièrement cuisiniste et à offrir une conception 3D, avec des échantillons sur place », rapporte fièrement le gérant. C’est lors d’une exposition au salon de l’aménagement sur la place de la République, au comité du tourisme, que l’entreprise connaît un boom à l’échelle lo-cale. La demande explose, la nécessité de se développer devient imminente. R-Lala recrute alors Moussa Zoubert, aujourd’hui son bras droit. Petit à petit, l’instigateur de MayCuisine embauche et forme des jeunes du village, puis s’entoure de prestataires plus expérimentés. Le vent en poupe, l’en-treprise se délocalise à Tsararano. « C’est un point stratégique, au centre de l’île, où les gens peuvent prendre le temps de présenter leurs idées », explique le Poroanien. L’entrepreneur est lucide : « Il s’agissait aussi d’éviter le centre-ville, avec un flux important de passages impossible à gérer, car il faut comprendre que nous ne faisons pas de ventes directes. Nous travaillons sur le projet dans sa globalité, de la conception du plan à l’établissement d’un devis, puis nous contactons notre fournisseur qui achemine le matériel.» Pour avoir la cuisine des ses rêves, il faut donc être patient ! Aujourd’hui, MayCuisine déroule avec en moyenne 200 clients satisfaits par an. Néanmoins, Joseph ne se repose guerre sur ses lauriers et ambitionne de se développer davantage. Le businessman prévoit d’implanter 2 points de ventes supplémentaires dans le Nord et le Sud du territoire. En étroite collaboration avec l’intercommunaliyé du sud, en marge du projet « ZAE » (zone d’activité économique) de la commune de Chirongui, une demande est en cours pour s’installer à Malamani.

Pas de place pour la suffisance !

Rien n’arrête l’esprit entrepreneurial de R-Lala. En 2018, il se lance un pari personnel en créant MayElectro, une société indépendante d’électroménager situé aux abords de Maycuisine. « J’ai souhaité diversifier nos activités, car souvent les clients réclament que nous équipions leur cuisine », annonce Joseph. Pari gagnant ! L’audace du Joseph se convertit en succès immédiat tant bien qu’une nouvelle boutique ouvre ses portes en septembre du coté de Tsararano. « Ce sera un espace de 115 mètres carrés avec des appareils multimédias et électroménagers », prévient l’ancien agent de sûreté. Un partenaire local, dont il souhaite pour l’instant taire le nom, se chargera de fournir directement le magasin. « Tout est déjà en place », s’amuse celui-ci.

Tout réussi décidément au patron de MayCuisine. En tant qu’homme d’affaires dont le temps est rare, il se détend en faisant du bénévolat. En effet, Joseph participe activement au développement sportif et éducatif de USC Poroani Antéou, un club de Régional 1, dont il est fraîchement élu président, le 19 juillet dernier. Après quelques années en tant que trésorier adjoint, il est propulsé au sommet de la hiérarchie. « J’ai été voté de manière quasi unanime par les membres du bureau » s’étonne-t-il. Friand des responsabilité et amoureux du ballon rond, R-Lala s’en donne à coeur joie. « J’ai porté le maillot de cette enseigne depuis le berceau, je me dois de rendre ce qu’elle m’a donné », exprime-t-il. Dès lors, le dirigeant ne compte pas faire de la figuration : « Je projette de promouvoir le football féminin et surtout de monter le premier centre de formation à Mayotte. J’ai un staff solide et les poroaniens derrière l’équipe. Nous pouvons y arriver. » À 36 ans, Joseph est un leader née. Désireux d’aider sa communauté, la question de son acheminement vers la politique semble légitime. « Dans l’immédiat, je n’envisage pas de faire de la politique public mais j’en fais déjà une de privé », clarifie-t-il. L’homme aux multiples casquettes explique cette vision qu’il met un point d’honneur à exercer. « Entreprendre c’est déjà de la politique, parce que tu fais adhérer ton concept aux autres. Il faut s’adapter à l’éco-système particulier de Mayotte et répondre aux besoins des Mahorais. » Visiblement, le chef de MayCuisine, MayElectro et d’USCP Antéou, n’exclut pas une entrée dans l’arène politique dans les prochaines années. Avec le poids des années, Il y a de grandes chances, seul l’avenir nous le dira…

Mayotte : quand la brique sort à nouveau de terre

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Économique, écologique, locale… Les avantages de la brique en terre mahoraise semblent indéniables. Mais croulant sous le poids des parpaings et autres matériaux de construction importés, la filière s’est effondrée. Avant de renaître de ses cendres ? C’est en tout cas le pari que veulent tenir huit artisans locaux constitués depuis ce jeudi en coopérative. Avec la ferme intention de prendre toute leur place dans l’essor du bâtiment à Mayotte.

La revanche des anciens, Halidi Chazouli, Amboudi Madi et Said Soulaimana veulent y croire. Le trio à la tête du bureau veut aussi croire en la transmission de son savoir. Alors, pour les accompagner dans la renaissance de la brique en terre mahoraise, les voilà qui embarquent à leur côté Danjee Goulamhoussen en tant que trésorier. Lequel, à lui seul accompagné de sa presse symbolise le relai des générations, le respect de la tradition. Mais attention, la brique en terre que vantent les artisans à la sortie d’une réunion qui aura signé la naissance de leur coopérative, a bien d’autres atouts que celui d’être du cru. Solide. « On pourrait tirer au fusil dedans, elle ne céderait pas… Pas comme un parpaing qui exploserait en mille morceaux », s’amuse le président de l’union, Halidi Chazouli. Écologique, aussi. « C’est un matériau qui est directement à notre disposition, que l’on n’a pas besoin d’importer, qui peut par exemple provenir des différents travaux de terrassement. Et quand on détruit une maison en brique, on peut recycler la terre à l’infini, c’est de la pure économie circulaire », vante un membre de la coopérative. Quand 75% des déchets produits en France proviennent du bâtiment, l’argument à de quoi faire réfléchir.

« L’isolation est parfaite, dans une maison bien conçue on n’a pas besoin de climatisation alors que dans une maison en parpaings, ça peut vite devenir un four », ajoute encore le président, achevant de désigner son ennemi. Il faut dire que l’utilisation massive de ces blocs de béton à partir des années 80 a bien failli signer l’arrêt de mort de la brique en terre mahoraise. « Nous avons traversé des temps très difficiles, beaucoup d’entre nous ont dû abandonner », siffle, le regard au loin Halidi Chazouli. Silence chez ses compagnons entourant une presse à brique comme on se saisit d’un objet fétiche pour mettre en fuite les pensées sombres. Seule une dizaine d’artisans – dont huit constituent désormais la coopérative – a réussi à faire front, tant bien que mal, à la marée grise. « Aujourd’hui, tout le monde devrait se dire que c’est une erreur de nous avoir abandonnés car, finalement, toutes les réponses aux enjeux d’aujourd’hui, nous les avions déjà en main », reprend le président près du stock de briques de Vahibé.

L’union fait la force

Et puisque l’union fait la force, les membres de la coopérative ont bien l’intention de faire passer le message avec vigueur à tous les opérateurs du bâtiment de l’île. Avec 500 logements sociaux à livrer par an, des établissements scolaires et pléthores de programmes privés qu’ils espèrent teintés de considérations pour l’économie locale et le développement durable, les résistants de la brique pensent bien avoir encore une carte à jouer. Le frein serait-il celui du coût ? Pas sûr assurent de concert les acteurs. « Nous sommes en train d’évaluer la différence de prix au mètre carré avec le parpaing mais pour ce dernier, il ne faut pas oublier de rajouter le prix des différents isolants, du crépi, alors que la brique se suffit à elle-même, même pas besoin de la peindre ! », plaide-t-on entre deux démonstrations de compression de terre.

Et puis, expliquera un représentant de la nouvelle garde, « c’est un cercle vertueux ». S’unir doit permettre une plus grande visibilité comme une plus forte capacité de production. En décrochant des marchés en commun les artisans se verront – ils l’espèrent – dans la possibilité d’acquérir des presses automatiques et augmenter de fait leur cadence, aujourd’hui estimée à environ 600 briques par jour. Autre objectif de la constitution en coopérative : créer des stocks de terre commun. Sur ce point, le projet est sur de bons rails avec l’aide du Département prêt à dégager du foncier.

Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) et Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (Cress) croient également dur comme fer dans la brique en terre. « On va même présenter ces briques à un forum allemand pour l’innovation dans le bâtiment », s’enthousiasme un représentant de la Cress. Alors, après l’âge d’or du parpaing, le retour à la terre ?

La caserne de pompiers de Kahani vandalisée : la fois de trop ?

Dans la nuit de mercredi à jeudi, la caserne de pompiers de Kahani a une nouvelle fois été la cible d’un groupe d’individus qui se sont introduits dans la cour et ont mis le feu à un camion de pompiers et à des tuyaux. Face à cet énième acte de vandalisme, les soldats du feu ne comprennent pas les raisons et lancent un appel à la préfecture.

Ils étaient entre 10 à 15 individus à s’introduire dans la caserne de pompiers de Kahani, dans la nuit du mercredi 12 août. La date est différente mais les faits ressemblent aux autres intrusions qu’ont eu lieu dans cette caserne depuis maintenant 3 mois. Vers 23h, les soldats du feu sont appelés sur un incendie. Nombreux d’entre eux partent avec un camion et une ambulance, seuls quatre restent sur place. À ce moment-là, ces derniers sont alertés par un début de feu à côté de leurs locaux. Les pompiers sortent et sont immédiatement accueillis par des jets de pierres. Ils constatent par la même occasion que les banderoles accrochées sur la devanture de la caserne sont arrachées. Au même moment, d’autres individus pénètrent dans l’enceinte par derrière en détruisant le grillage. Ils mettent le feu à un camion de pompiers et aux tuyaux se trouvant aux alentours. « Ces gens nous scrutent minutieusement pour savoir combien on est dans la caserne avant de nous attaquer », constate Ahmed Allaoui Abdoul Karim, président du syndicat des sapeurs-pompiers SNSPP-PATS Mayotte. Cet acte s’inscrit dans la lignée des nombreux actes de vandalisme perpétrés envers les pompiers de Mayotte depuis des mois. La caserne de Kahani a particulièrement été touchée, une situation que ne comprend pas le syndicaliste. « Pourquoi souvent Kahani ? Je n’arrive pas à l’expliquer. Pourtant, nous ne faisons aucune différence d’identité. Nous sauvons tout le monde, que vous soyez Français ou étranger. La majorité de nos interventions ont lieu dans les bidonvilles qui nous entourent. L’année dernière, nous avons assisté à 800 accouchements dans nos ambulances, c’est du jamais vu en France. Donc nous ne comprenons pas. »

Aujourd’hui, ces professionnels ont l’impression d’être abandonnés par leur direction et lance un appel à l’État. « La préfecture doit prendre des mesures draconiennes, la justice doit être exemplaire et s’appliquer fermement. » Heureusement, les pompiers de Kahani peuvent toujours compter sur le soutien des habitants. Ce jeudi 13 août, ils ont manifesté dans les rues du village pour dénoncer cette montée de violence. Les élus de la commune de Ouangani se sont quant eux rendus sur les lieux afin de constater l’ampleur des dégâts. Tout comme le directeur du SDIS, le colonel Fabrice Terrien, mais ce dernier s’est retrouvé face à des pompiers en colère qui ne lui ont pas adressé la parole. « Ils n’ont pas souhaité discuter avec lui parce qu’ils sont choqués par ses agissements. Nous ne le considèrons plus comme notre commandant. Il est notre ennemi principal », déclare Ahmed Allaoui Abdoul Karim.

Une guerre avec la direction qui n’en finit pas

Depuis l’intrusion d’individus au sein de la caserne de Kahani au mois de mai, les sapeurs-pompiers mènent une guerre sans fin pour revendiquer ce qu’ils estiment comme nécessaire à leur sécurité. Cependant, la relation avec leur direction n’est pas au beau fixe. « Dans cette caserne, il y a un mouvement de grève et la direction a laissé la situation se dégrader juste pour ne pas répondre aux revendications de sécurisation des lieux », déplore le président du syndicat des pompiers. Et le communiqué de la présidente Moinécha Soumaïla, datant du 7 août, est venu mettre le feu aux poudres. Elle y indique que les sapeurs-pompiers de Kahani se sont opposés physiquement à la pose du nouveau portail tant demandé. Elle dénonce également l’entrave à la liberté de travail des non-grévistes. L’élu du conseil départemental fait aussi savoir qu’elle a modifié l’ordre de conduite des travaux et donne une priorité aux planchers et au chauffe-eau et qu’elle tiendra ses engagements. « J’ai lu ce communiqué avec beaucoup d’amertume parce que la présidente est incapable de nous écouter, elle a donc perdu sa légitimité pour nous représenter. Elle n’a jamais pris la peine de comprendre les facettes de notre métier, la réalité. Au lieu de cela, elle se fait dicter par le directeur », s’indigne le président du syndicat SNSPP PATS Mayotte. Tout ceci laisse à croire que la réconciliation entre les sapeurs-pompiers et leur hiérarchie n’est pas à l’ordre du jour.

Mayotte risque de ne pas participer à la Coupe de France

Depuis le confinement général le 7 mars dernier, le football est à l’arrêt à Mayotte, après seulement deux journées de championnat entamées. Cette interruption s’éternise du côté de la ligue de football mahoraise, les clubs, les joueurs et les supporters. Surtout que nos homologues réunionnais foulent le rectangle vert depuis le 19 juillet et s’assure la participation à la Coupe de France.

Une saison plus que jamais indécise. « J’ai un peu d’espoir pour le championnat mais pas pour la Coupe de France », déclare Mohamed Boinariziki, président de la LMF (ligue mahoraise de football). Les avis sont partagés au sein des écuries de l’élite mahoraise concernant cette coupe nationale. « L’incompréhension règne étant donné que c’est la FFF qui finance à 100% la prise en charge de l’équipe représentante », adresse Dajdid Abdourraquib, le président du football club de M’tsapéré. Le dirigeant propose alors à la LMF de trancher : « Il ne s’agit pas nécessairement d’envoyer le FCM participé à cette fête. C’est un devoir moral de prendre cette décision car en tant qu’amateur de football, c’est une compétition populaire qui passionne les sportifs mahorais. » D’après le patron du FCM, le président de la fédération française de football aurait émis le souhait de vouloir faire participer les équipes d’Outre-mer en particulier.

Leader des Diables noirs de Combani, Ibrahima Ambdoulhanyou est quant à lui mitigé : « Ce ne serait pas sérieux de participer… Mais si l’occasion se présente, je ne la refuserai pas car nous risquerons une amende pour avoir déclaré forfait. » Selon lui, la saison devrait être annulée. « La Coupe de France je peux le concevoir, mais pas la reprise du championnat. » De son côté, le président des Jumeaux de M’zouazia, Mohamed Kamal Eddine est catégorique. « Il ne faut pas se leurrer. Dans l’état actuel des choses, il est physiquement et techniquement impossible d’être en forme pour y participer dans les meilleures conditions. Le délai est trop court. Nous y allons pour gagner, là c’est du bricolage, je n’aime pas ça. », assène-t-il. « Je préfère protéger mes joueurs même s’ils préfèrent être de la partie. Je pense que la ligue ferait mieux de n’envoyer aucune équipe », poursuit le champion en titre de la régionale 1.

« Ce sont les autorités sanitaires qui ont le dernier mot »

Le président de la LFM tient à clarifier la situation. « La Fédération a enlevé deux équipes de la métropole pour permettre à Mayotte et la Guyane de participer à cette édition, mais il faut qu’il puisse y avoir une compétition afin de déterminer un vainqueur ». Une première hypothèse suggère de prendre les 8 dernières équipes de l’édition précédente pour les confronter mais celle-ci a rapidement été balayée d’un revers de la main par la délégation.

Pour tenter de calmer les esprits, Mohamed Boinariziki soutient que la LMF n’a pas le pouvoir de donner son aval. « Je souhaite la reprise de la compétition, mais nous sommes toujours en état d’urgence jusqu’au 31 octobre. Ce sont les autorités sanitaires qui ont le dernier mot », affirme-t-il. Une réunion en visio-conférence est prévue la semaine prochaine avec le comité exécutif de la FFF (fédération française de football) afin d’évaluer la situation car « une décision doit être prise au plus tard le 15 septembre » sinon « Mayotte sera désignée forfait », lâche-t-il. Toujours est-il que « la décision ne revient ni à moi, ni au président de la FFF mais aux autorités sanitaires », insiste le responsable de la ligue mahoraise. Néanmoins, il conseille vivement aux équipes « d’être à jour sur leurs licences et l’aspect administratif au cas où la saison reprendrait ».

Quelques équipes, telles que USC Poroani Antéou ou le FC Choungui, s’entraînent de nouveau depuis quelques semaines, si bien que des rencontres clandestines s’organisent entre elles. Une forte envie de retrouver la compétition qui poussent les joueurs à prendre des risques. La ligue se dédouane de cette initiative. « Ça n’engage qu’eux ! Nous ne sommes pas au courant », fustige le président de la LMF. Celui-ci déplore ces actions et impute la responsabilité aux dirigeants des clubs.Depuis le confinement général le 7 mars dernier, le football est à l’arrêt à Mayotte, après seulement deux journées de championnat entamées. Cette interruption s’éternise du côté de la ligue de football mahoraise, les clubs, les joueurs et les supporters. Surtout que nos homologues réunionnais foulent le rectangle vert depuis le 19 juillet et s’assure la participation à la Coupe de France.

Une saison plus que jamais indécise. « J’ai un peu d’espoir pour le championnat mais pas pour la Coupe de France », déclare Mohamed Boinariziki, président de la LMF (ligue mahoraise de football). Les avis sont partagés au sein des écuries de l’élite mahoraise concernant cette coupe nationale. « L’incompréhension règne étant donné que c’est la FFF qui finance à 100% la prise en charge de l’équipe représentante », adresse Dajdid Abdourraquib, le président du football club de M’tsapéré. Le dirigeant propose alors à la LMF de trancher : « Il ne s’agit pas nécessairement d’envoyer le FCM participé à cette fête. C’est un devoir moral de prendre cette décision car en tant qu’amateur de football, c’est une compétition populaire qui passionne les sportifs mahorais. » D’après le patron du FCM, le président de la fédération française de football aurait émis le souhait de vouloir faire participer les équipes d’Outre-mer en particulier.

Leader des Diables noirs de Combani, Ibrahima Ambdoulhanyou est quant à lui mitigé : « Ce ne serait pas sérieux de participer… Mais si l’occasion se présente, je ne la refuserai pas car nous risquerons une amende pour avoir déclaré forfait. » Selon lui, la saison devrait être annulée. « La Coupe de France je peux le concevoir, mais pas la reprise du championnat. » De son côté, le président des Jumeaux de M’zouazia, Mohamed Kamal Eddine est catégorique. « Il ne faut pas se leurrer. Dans l’état actuel des choses, il est physiquement et techniquement impossible d’être en forme pour y participer dans les meilleures conditions. Le délai est trop court. Nous y allons pour gagner, là c’est du bricolage, je n’aime pas ça. », assène-t-il. « Je préfère protéger mes joueurs même s’ils préfèrent être de la partie. Je pense que la ligue ferait mieux de n’envoyer aucune équipe », poursuit le champion en titre de la régionale 1.

« Ce sont les autorités sanitaires qui ont le dernier mot »

Le président de la LFM tient à clarifier la situation. « La Fédération a enlevé deux équipes de la métropole pour permettre à Mayotte et la Guyane de participer à cette édition, mais il faut qu’il puisse y avoir une compétition afin de déterminer un vainqueur ». Une première hypothèse suggère de prendre les 8 dernières équipes de l’édition précédente pour les confronter mais celle-ci a rapidement été balayée d’un revers de la main par la délégation.

Pour tenter de calmer les esprits, Mohamed Boinariziki soutient que la LMF n’a pas le pouvoir de donner son aval. « Je souhaite la reprise de la compétition, mais nous sommes toujours en état d’urgence jusqu’au 31 octobre. Ce sont les autorités sanitaires qui ont le dernier mot », affirme-t-il. Une réunion en visio-conférence est prévue la semaine prochaine avec le comité exécutif de la FFF (fédération française de football) afin d’évaluer la situation car « une décision doit être prise au plus tard le 15 septembre » sinon « Mayotte sera désignée forfait », lâche-t-il. Toujours est-il que « la décision ne revient ni à moi, ni au président de la FFF mais aux autorités sanitaires », insiste le responsable de la ligue mahoraise. Néanmoins, il conseille vivement aux équipes « d’être à jour sur leurs licences et l’aspect administratif au cas où la saison reprendrait ».

Quelques équipes, telles que USC Poroani Antéou ou le FC Choungui, s’entraînent de nouveau depuis quelques semaines, si bien que des rencontres clandestines s’organisent entre elles. Une forte envie de retrouver la compétition qui poussent les joueurs à prendre des risques. La ligue se dédouane de cette initiative. « Ça n’engage qu’eux ! Nous ne sommes pas au courant », fustige le président de la LMF. Celui-ci déplore ces actions et impute la responsabilité aux dirigeants des clubs.

Dernière marche du collectif des citoyens de Mayotte 2018 avant le chaos ?

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Mercredi, plusieurs membres du collectif des citoyens de Mayotte 2018 se sont réunis à la MJC de M’Gombani pour annoncer une marche ce samedi entre Doujani et Mamoudzou. Remontés face à la recrudescence de la délinquance de ces derniers mois, ils exigent la venue du ministre de la Justice pour réaliser un diagnostic local. En cas de non-réponse satisfaisante, cette manifestation pourrait bien entraîner une nouvelle paralysie de l’île.

Entre les agressions répétées et l’immobilisme du système judiciaire, le collectif des citoyens de Mayotte 2018 s’époumone tant bien que mal à tirer la sonnette d’alarme. En vain selon lui… Pour de nouveau crier à l’injustice, ses membres annoncent une marche « en mémoire de ceux qui ont perdu la vie ces derniers mois » ce samedi à 8h depuis le rond-point de Doujani jusqu’à la place de la République de Mamoudzou. Face au téléphone en direct, le cousin du défunt de M’Tsapéré, Ahmed Thany, harangue les auditeurs et les invite à rejoindre massivement la manifestation pour dire « stop ». « Nous sommes fatigués d’être les victimes », plaide celui qui a depuis cet événement tragique créé le collectif Bassi Ivo dans son quartier.

Voilà pour l’appel solennel. Le discours, lui, ne bouge pas d’un iota, bien au contraire. Dans le viseur des investigateurs du fameux blocage de sept semaines en 2018 ? « L’immigration en tout genre », pointe du doigt Said Mouhoudhoiri, le porte-parole du célèbre collectif susnommé. Une arrivée massive ayant pour conséquence « une guerre communautaire entre les Mahorais et les Comoriens », selon Safina Soula Abdallah, la présidente. « Mayotte est devenue une passoire. Et quand nous disons la vérité, nous nous faisons traiter de xénophobes et de racistes. » Et c’est là que le bât blesse à leurs yeux : deux populations se distinguent sur ce territoire « de terreur ». Celle dite « intouchable, car non identifiable, qui entraîne une transviolence venue d’ailleurs », comme l’explique Sylviane Aboudou. Et celle « qui vit en toute légalité et qui est jugée ». À l’instar, de l’homme placé en détention provisoire fin juillet dans l’affaire du rapt de Petite-Terre.

« Nous sommes orphelins, nous n’avons pas de parents »

Au son de leurs voix respectives se dégage une lueur de désespoir, ou plutôt d’incompréhension, à l’égard de la justice. « Le tribunal refuse la vérité et s’amuse avec les Mahorais. […] J’accuse cette justice à deux vitesses ! », renchérit Said Mouhoudhoiri. La solution miracle pour inverser la tendance ? Que Éric Dupont-Moretti, fraîchement intronisé Garde des Sceaux lors du remaniement ministériel, vienne « faire un constat sur place et rencontrer les familles endeuillées », plaide Foumo Silahi, président de Civirevos, l’association citoyens vigilants et révoltés de Mayotte. « Le fonctionnement des autorités de l’État est préjudiciable pour les Mahorais. Il faut un diagnostic local ! »

Si le collectif des citoyens de Mayotte 2018, par le biais de sa présidente, dit ne pas vouloir « divorcer avec la justice », la confiance s’effrite. Au point de se sentir tout simplement discriminé. « Dans un autre département, un membre du gouvernement aurait été dépêché. Nous, nous sommes orphelins, nous n’avons pas de parents », détaille Safina Soula Abdallah, qui dénonce la colère grandissante de la population. Mais pour d’autres membres, comme Abdallah Ali Baco, la venue d’un ministre se résume à de la poudre de perlimpinpin. « Il ne faut pas se leurrer ». Prenant ainsi exemple sur nos voisins de l’océan Indien pour justifier son argument. « Quand les Réunionnais revendiquent, ils obtiennent gain de cause ». Une succession d’interventions qui se résume à un sentiment d’abandon.

Cette marche, soutenue par le collectif MEM France à Marseille, semble donc être le dernier espoir pour une possible réconciliation. « L’État doit comprendre que cette action sera intelligemment menée. Nous avons retenu les leçons de 2018, nous ne sommes pas sauvages. Nous savons que Mayotte a besoin de son économie, d’autant plus que le tourisme et le transport sont déjà menacés. Les chefs d’entreprises sont prévenus. Nous voulons simplement alerter », s’égosille Sylviane Aboudou. Avant un éventuel embrasement ? Le haussement de sourcils en guise de réponse en dit long…

L’APPF976, l’association mahoraise qui veut sauver les animaux de l’île

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Depuis le mois de juin, l’association pour la prévention et la protection de la faune de Mayotte multiplie les envois de chats et de chiens errants dans les familles d’accueil mais aussi les adoptions. À terme, le président Hervé Bouly veut renforcer la formation et l’information dans les écoles et faire rentrer la stérilisation dans les mœurs des habitants.

Ils s’appellent Pristie, Moro, Laya ou encore Maeva… Leur point commun ? Ce sont des chats et chiens mis à l’adoption par l’association pour la prévention et la protection de la faune de Mayotte. Si la structure existe depuis novembre 2018, sa véritable médiatisation remonte au mois de juin avec la mise en lumière sur son Facebook de Sweet, une femelle, et de ses cinq chiots retrouvés dans les rues de Passamaïnty. « On nous contacte et on voit ce que l’on peut faire », expose Hervé Bouly, le président. La première étape consiste alors à vérifier que l’animal n’est pas identifié. Puis s’ensuit toute une formalité réglementée par la loi française. Par exemple, les chats adultes peuvent être remis en liberté après stérilisation. Pour les chiens dans la force de l’âge, l’option privilégiée est leur envoi à la fourrière de Gueules d’Amour à Ongojou. « Mais elle n’a pas de convention signée avec toutes les mairies », regrette le fonctionnaire de la police nationale. Dans ce cas-là, l’adoption prime, « une procédure sécuritaire » à ses yeux.

Et à ce jeu-là, « les bébés partent comme des petits pains ». En l’espace de deux mois, Hervé Bouly recense trois signatures officielles et cinq dossiers en cours de finalisation. Démunie de refuge, l’APPF976 compte sur une quinzaine de familles d’accueil pour recueillir les canidés et les félidés, le temps qu’ils trouvent chaussure à leur pied. « On ne s’attendait pas à ce que les gens réagissent et s’investissent aussi rapidement », se réjouit le président. Toutefois, d’autres difficultés demeurent, à l’instar du volet financier, puisque l’association ne perçoit qu’une aide de 5.000 euros par an de la part de la direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt pour prendre en charge la stérilisation, la castration et l’identification. Raison pour laquelle une adoption s’élève à 200 euros, « un tarif unique pour éviter les comptes d’apothicaires », qui comprend l’adhésion à la structure (20 euros) mais aussi les procédés vétérinaires cités ci-dessus ainsi que différents vaccins, comme celui contre la rage, et le passeport (180 euros).

Maltraitance et misère sanitaire

Si l’APPF976 « préfère aller doucement pour avoir des bases solides », elle recherche bien évidemment des bénévoles pour l’appuyer dans sa mission. « En fonction des qualités des uns et des autres, on grandira », assure Hervé Bouly, qui espère attirer des profils ciblés, notamment dans la logistique et la pédagogie. Et dans ce dernier domaine, le « chef d’orchestre » comme il se désigne, nourrit de grandes ambitions. En tête : de la formation et l’information dans les écoles car selon lui, « le respect de l’animal doit commencer par les enfants ». Il envisage également de faire de la prévention à l’aide d’un imam burundais, « qui parle parfaitement shimaoré », pour enrayer « les préjugés » à l’égard des chiens et des chats.

Enfin, l’association pour la prévention et la protection de la faune de Mayotte s’appuie sur le parrainage de la brigade de protection animale, regroupant des policiers et gendarmes bénévoles, pour intervenir dans le cadre de combat de chiens, « qui n’est pas une priorité du parquet ». En métropole, l’un des membres fondateurs de la structure remue ciel et terre pour mettre sur pied de nouveaux partenariats, avec le refuge de la fondation de Brigitte Bardot ou encore la SPA, « pour offrir une porte de sortie aux animaux et ne pas les euthanasier [ici] ». Entouré de bêtes durant son enfance à la campagne, Hervé Bouly aspire à « faire rentrer la stérilisation dans les mœurs ». Dans un but bien précis… « Il faut garder en ligne de mire que l’on veut sauver l’animal de la maltraitance et de la misère sanitaire. C’est notre grain de sable dans l’édifice mahorais ! »

N. Hakim : « La filière du transport à Mayotte est condamnée à mourir »

Ancien directeur commercial d’Ida Nel, il a été parmi les premiers importateurs de bus de l’île, avant d’installer sa franchise Mercedes à Mayotte. Désormais consultant pour le secteur, Nouridine Hakim tire la sonnette d’alarme : pour lui, la filière du transport est localement gravement menacée. Rencontre. 

Flash Infos : Vous travaillez dans le secteur du transport à Mayotte depuis près de 30 ans. Comment l’avez-vous vu évoluer ? 

Nouridine Hakim : Dans les années 90, nous avons, pour la société d’Ida Nel, importé les premiers mini-bus sur l’île. J’ai pu voir les chauffeurs de taxi adopter ces véhicules pour la première fois. Il a fallu qu’ils s’organisent, qu’ils acquièrent un statut en tant que professionnels car l’administration a commencé à vouloir que les gens soient référencés, qu’ils aient une licence, une véritable structure… J’en ai accompagné certains puisque nous avions mis en place le premier cabinet d’experts-comptables et de conseil de la filière, pour que les taximen deviennent progressivement des transporteurs. Un bus coûtait alors environ 130.000 francs (soit moins de 20.000 euros, ndlr), aujourd’hui, le même matériel coûte 250.000 euros, parce qu’on est désormais dans les réglementations européennes. Quand vous regardez le niveau de revenus à Mayotte à cette époque, les gens dans le privé gagnaient beaucoup mieux leur vie qu’aujourd’hui. Ceux qui travaillaient dans le transport mettaient seulement six mois à rembourser leur bus. Aujourd’hui, je ne vois pas qui peut payer un bus en moins d’un an. Entre la fin des années 90 et le début des années 2000, on nous a fait croire qu’avec l’Europe et le passage de Mayotte en RUP on allait avoir plus de dotations et que ça serait mieux pour tout le monde. Cela avait bien commencé, pendant les cinq premières années on a eu pas mal d’aides. Mais progressivement, on n’a plus rien eu. Résultat : aujourd’hui on n’a pas de réseau de transport, on n’a pas d’organisation de la mobilité à l’échelle territoriale, et on a des gens qui se retrouvent à devoir financer seuls leur matériel ou à devoir emprunter 100% de leur investissement. 

FI : Pourtant des subventions dédiées ont été déployées par le conseil départemental… 

N. H. : À l’époque, le conseil départemental participait aux investissements à hauteur de 30 %, et à côté on avait le complément avec la défiscalisation dans le cadre de la loi Girardin. En gros, cela représentait 60 % d’aides, mais cela n’a pas duré longtemps. Aujourd’hui, les transporteurs ont droit à des aides de 50.000 euros, mais quand vous avez cinq bus à acheter, cela ne représente quasiment rien, d’autant plus quand au bout de trois ans, la collectivité ne vous a toujours pas versé le moindre centime. Ce qui fait que les professionnels de la filière sont surendettés et en même temps, ils doivent accepter la quasi-démission du service public. Au niveau social, les charges augmentent, les cotisations ne sont plus les mêmes qu’il y a dix ans. Au niveau de l’entretien, il faut passer au garage presque tous les mois, ce qui représente un certain coût. On a toute une batterie de choses qui font que l’exploitation aujourd’hui coûte très cher. Les personnes qui ont commencé dans les années 90 approchent de la retraite ou y sont déjà, et les nouvelles générations ne veulent pas reprendre cette activité parce qu’elle n’est pas sécurisante, alors qu’elle pourrait être très porteuse. À cela s’ajoute la délinquance : des bus sont cassés tous les jours, pendant que les vitres ne sont plus prises en charge par les assureurs. Un pare-brise de bus, c’est 5.000 euros ! Donc si vous devez supporter chaque année trois ou quatre pare-brises, en plus d’une assurance qui coûte très cher comme c’est le cas à Mayotte et un entretien deux fois plus coûteux qu’en métropole, l’investissement n’est pas rentable. L’administration a mis en place des aides pour que les jeunes puissent passer le permis de transporteur et se lancer en tant que chauffeur, c’est quelque chose d’intéressant, mais une fois que les jeunes ont passé le permis, s’ils n’ont pas de contrat avec Matis ou un autre grand groupe, ils se rendent compte qu’ils ne peuvent pas financer leur bus. La vocation des jeunes aujourd’hui, c’est de devenir des chefs d’entreprise. Pour moi, la filière est condamnée à mourir, je ne vois pas comment on peut organiser l’avenir. C’est le même problème qui se pose avec le tourisme : on dit qu’il faut le développer, mais est-ce qu’on incite les Mahorais à ouvrir des clubs de plongée, est-ce qu’on forme des maîtres-nageurs ?

FI : Le projet Caribus, porté par la ville de Mamoudzou, ne peut-il pas selon vous relancer la machine ? 

N. H. : Lorsqu’on a commencé à parler du projet, un syndicat de transporteurs a alerté les élus sur le fait que tous les acteurs de la filière n’avaient pas été pris en compte. On aurait dû réfléchir ensemble, en toute intelligence, avec l’ensemble des professionnels. Mais personne ne nous a appelés. Construire un réseau de bus, c’est choisir les moteurs, aménager les parkings… On va créer Caribus sans même savoir où garer les véhicules, sans même avoir de mécaniciens. Tous les petits garages qu’on avait à Mayotte ont aujourd’hui disparu, pendant que l’usure des véhicules est ici deux fois plus importante qu’en métropole en termes de fréquence des renouvellements. Il aurait fallu développer ces garages qui sont tous en train de fermer, mais avec les problèmes de foncier, on n’en incite pas d’autres à se réinstaller. Résultat, on n’a presque plus que des grands groupes et les Mahorais sont en train de disparaître de la filière. 

FI : L’entreprise Matis, chargée d’assurer le transport scolaire à travers toute l’île, travaille pourtant avec des chauffeurs mahorais… 

N. H. : Certes, Matis fait travailler les Mahorais, parce qu’on lui donne les financements pour, mais il reste un groupe réunionnais et il n’apporte pas de valeur sociale au territoire. Est-ce que vous avez regardé ce que gagnent les chauffeurs de Matis ? ? Ils sont très mal payés, et la plupart des bus qu’ils ont ont été importés depuis La Réunion, ils n’achètent pas à Mayotte. Quand ils renouvellent leur parc, ils ne font pas travailler les locaux. Dans ce contexte, comment organiser la filière de manière globale ? On doit concevoir un développement harmonieux en intégrant tout le monde : les petits vendeurs de pneus, les mécaniciens, les chauffeurs, etc. On développe des projets certes, mais pour moi on ne le fait pas de la bonne façon. Les bus qu’on a ici ne sont même pas adaptés à Mayotte, ils sont beaucoup trop grands pour nos routes et je l’ai toujours dit, même lorsque j’étais importateur et qu’on a imposé des bus de 14 ou 15 mètres. Autant prendre deux ou trois petits bus, moins encombrants, et recruter plus de chauffeurs. En termes d’investissements cela ne coûterait pas plus cher.

 

Alcool, Barfly et délaissement de mineurs : un drame familial à Mayotte face au tribunal

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Des parents alcooliques, une aide sociale à l’enfance défaillante et une justice lasse se rencontrait ce mercredi au tribunal judiciaire de Mamoudzou. Une triste affaire d’absence de surveillance sur deux enfants, comme les connaît malheureusement bien Mayotte.

C’est comme une pièce de théâtre qui s’est jouée ce mercredi, au tribunal correctionnel de Mamoudzou. Mais du genre dramatique. Dans les personnages, on retrouve : la mère, jeune femme de 24 ans, le bébé à l’épaule ; l’avocat, sa plaidoirie presque cousue dans les fils de sa robe noire ; une aide sociale à l’enfance défaillante à Mayotte, dans son viseur ; le juge, sourcils levés et soupirs derrière ses lunettes en rectangle ; et un père, 43 ans, alcoolique. Les faits qui les ont amenés dans ce huis clos moderne “sont simples et néanmoins surprenants. Et pourtant, j’ai l’habitude”, commence alors le président du tribunal, Laurent Ben Kemoun. Cette nuit du 15 septembre 2019, ou plutôt aux aurores, un couple se retrouve au commissariat, “en complet état d’ébriété”, d’après le procès-verbal de la police. Leur problème ? Ils sont tous deux sortis de la maison pendant la nuit, laissant derrière eux sans surveillance deux enfants de deux et quatre ans, pendant plusieurs heures. À leur retour, les fillettes ont disparu.

Dispute et soirée alcoolisée

Appelée à la barre, la mère, la seule des prévenus présente à l’audience, tient un autre discours. La veille au soir, son compagnon reçoit des amis à lui, et l’alcool coule à flots. À un moment de la soirée, une dispute éclate. “Il s’est énervé et a commencé à m’insulter devant les enfants”, relate la jeune femme. Pour calmer ses nerfs, elle décide de prendre ses clics et ses clacs, et d’aller faire un tour du quartier. Pas plus de quelques minutes, indique-t-elle aujourd’hui devant les magistrats. “Dans votre audition au moment des faits, vous dites que vous êtes partie une heure”, s’étonne toutefois le substitut du procureur. Quoi qu’il en soit, quand elle retourne au banga, ses enfants ne sont plus là, le père non plus. Visiblement, il a filé en moto au Barfly, et une proche, dans une maison voisine, s’étant aperçue de l’absence des parents, s’en va récupérer les enfants en pleurs. Dans sa déclaration, le père assure que sa compagne l’a rejoint car elle voulait danser, et qu’il essayait de l’en dissuader. Elle est alors enceinte de trois mois, et “il veut éviter que vous ne buviez de l’alcool”, rapporte le juge, en lisant la déclaration du patriarche, absent à l’audience.

Des visites interrompues par le confinement

Mais la femme nie avoir été en état d’ivresse. “J’ai fait les tests de dépistage ce jour-là”, objecte-t-elle avec force. Au moment de sa déclaration, elle sort d’une nuit d’horreur passée à chercher ses bambins, et se présente éreintée au commissariat. Une justification qui ne convainc visiblement pas la justice. Un mois plus tard, les victimes sont placées en famille d’accueil, sous le contrôle de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Conséquence de ce drame familial : les parents ne peuvent plus voir leurs enfants, à part pour quelques visites, vite interrompues par le confinement. Et ils se retrouvent aujourd’hui jugés pour délaissement de mineurs au point de compromettre leur santé et leur sécurité, un délit qui peut être puni de sept ans d’emprisonnement et de 100.000 euros d’amende…

Reste que pour juger cette affaire aujourd’hui, c’est un peu parole contre parole. Et un autre protagoniste se retrouve mêlé à l’affaire : l’aide sociale à l’enfance, qui, d’après l’avocat de la défense, a failli à sa mission en empêchant la mère de voir ses enfants. Il faut dire que c’est un bouc émissaire tout trouvé. L’ASE à Mayotte fait régulièrement l’objet de critiques, notamment parce qu’elle souffre de moyens limités rendant difficile l’exécution de sa tâche “hors du commun” au vu des réalités du territoire, notait d’ailleurs un rapport de la Chambre régionale des comptes en juillet 2019.

L’ASE dans le viseur

“Vous défendez l’intérêt de ces enfants, et leur intérêt, c’est quand même de voir leur mère”, lance donc Maître Erick Hesler à l’administrateur ad hoc de l’association Mlezi Maore, venu représenter les victimes. Puis, s’adressant aux juges : “Aujourd’hui, tout ce qu’elle implore, c’est de retrouver ses filles qu’elle n’a pas vues depuis six mois. Quelque part, elle a déjà été jugée par l’ASE, et si vous la condamnez aujourd’hui, vous lui infligez une double peine.” D’autant que l’administrateur ad hoc souligne l’implication de la mère, qui, malgré l’impossibilité de rendre visite à ses enfants, s’est montrée assidue et présente par téléphone pendant toute la durée de cet éloignement forcé. Et le père ? “On ne l’a pas beaucoup vu…”, souffle le représentant de Mlezi Maore. 

Appelée à la barre une dernière fois avant que les juges ne se retirent pour délibérer, la mère repentante éclate en sanglots. “Je suis désolée”, hoquète-t-elle avant d’éponger ses larmes dans le linge pour bébé qu’elle garde à l’épaule. Acte final et dernier coup de théâtre : dix minutes plus tard, les magistrats reviennent dans la salle pour annoncer leur jugement. À peine le juge a-t-il énoncé le nom du père que l’on entend à la porte un tonitruant “C’est moi !”. Un homme, lunettes noires sur le nez et le pas titubant s’avance dans l’allée centrale. “Vous êtes sous l’emprise de l’alcool ?”, tombe des nues le président, Laurent Ben Kemoun. “Oui”, baragouine-t-il devant une salle atterrée. Las, le juge finit par prononcer la relaxe pour les deux prévenus. Non sans dénoncer, la voix profondément choquée, “l’outrage au tribunal” du père. Et “bonne chance et bon courage à la mère”. Et aux enfants aussi ?

 

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes