Ses annonces étaient très attendues par les Mahorais. Le préfet Jean-François Colombet a précisé vendredi dernier que Mayotte ne sera pas reconfinée. Un dispositif pour éviter d’aggraver la situation sanitaire de l’île est cependant mis en place à compter de ce lundi 2 novembre.
« Non, Mayotte ne sera pas confinée dans les prochains jours. » Ces mots prononcés par Jean-François Colombet, vendredi sur le plateau télé de Mayotte la 1ère ont rassuré la population. Suite aux annonces du président de la République et du premier ministre mercredi et jeudi derniers, les Mahorais ont retenu leur souffle, le spectre d’un éventuel reconfinement menaçant l’île. Le territoire ne sera finalement pas confiné, mais il est en période probatoire de deux semaines. « Si la situation évolue favorablement, je serais peut-être mené à alléger le dispositif. Si la situation reste stable, on gardera ce dispositif. Si la situation s’aggrave, nous aggraverons le dispositif et je pourrais être mené à solliciter du gouvernement que nous soyons placés en confinement », détaille-t-il.
En quoi consiste ce dispositif ?
Les rassemblements familiaux et privés de plus de 6 personnes sont interdits. Le préfet a mis l’accent sur les manzarakas, les voulés, les soirées plage, ainsi que les maoulidas. Théoriquement, toutes ces festivités étaient déjà interdites sur le territoire, mais force est de constater que la mesure n’était pas respectée. « Dès lundi, nous allons mettre en place un plan de contrôle et rappeler qu’il peut y avoir une amende de 135 euros », précise Jean-François Colombet. Les boîtes de nuit restent toujours fermées. Des mesures plus strictes ont cependant été prises pour les restaurants et les bars. Ils sont tenus de fermer à 22h30 les vendredis et samedis. La vente d’alcool est également interdite de 18h30 à 6h du matin. « Il y aura des contrôles et des fermetures administratifs pour ceux qui ne se comportent pas en professionnel. Et je demanderai à ce que ces professionnels ne puissent plus bénéficier du fonds de solidarité et des mesures du chômage partiel », menace le locataire de la Case Rocher.
Les voyages sont plus réglementés. La liaison aérienne entre Mayotte, l’île de La Réunion et la métropole est maintenue car « avec des passagers dans l’avion, vous financez les frais du fret », souligne le représentant du gouvernement. La politique des tests n’a pour l’instant pas changée. Tous ceux qui souhaitent se rendre à Mayotte depuis la métropole seront soumis à un test PCR, ce qui n’est pas le cas des voyageurs partant de Mayotte. En revanche, les autorités compétentes seront plus vigilantes sur les attestations. « Nous allons lutter contre la contrefaçon de quelques attestations dont nous savons qu’elles sont fausses, particulièrement pendant la période de décembre où de nombreuses personnes vont revenir à Mayotte », annonce le préfet. Autrement dit, il faudra un motif impérieux solide et valable pour pouvoir voyager. Les mosquées, quant à elles, pourront accueillir du public à conditions de respecter les gestes barrières. Elles devront faire des marquages au sol, fournir du gel hydroalcoolique, et les pratiquants devront porter un masque. Quant aux enterrements, ils sont limités à 30 personnes comme en métropole.
Port du masque à partir de 6 ans
Le port du masque est désormais obligatoire sur l’ensemble du territoire, et ce à partir de 6 ans. Ce qui signifie que les élèves du primaire seront contraints d’en porter. Le rectorat a récemment reçu 1,5 million masques jetables et en tissus. 47.000 seront dédiés aux enfants, même si ce sont les parents qui doivent en fournir. Le recteur de Mayotte fait savoir que des masque adaptés aux plus petits sont en cours de commande, cela permettra d’aider les écoles primaires. En dehors des masques, le dispositif dans les établissements scolaires n’a pas grandement changé, mais Gilles Halbout juge nécessaire de faire un rappel sur les gestes barrières et la communication pour qu’il n’y ait pas de clusters au sein de l’Éducation nationale. Si le brassage de élèves est à éviter, à Mayotte la mission s’avérera plus compliquée. « On va faire au mieux, mais on sait que ça ne sera pas possible. On nous préconise de réserver une salle par classe, mais chez nous ça ne sera pas possible parce que les établissements sont très chargés”, rappelle Gilles Halbout. L’idée de différer les heures des débuts des cours avait été évoquée au niveau national mais encore une fois, la mesure n’est pas applicable chez nous. Selon le recteur, « ici un tiers des élèves ne peuvent aller à l’école qu’avec le transport scolaire. Quand un bus arrive il y a tous les niveaux et on ne peut pas stocker les élèves en entendant l’heure de leur rentrée ».
Le préfet, la directrice de l’ARS et le recteur feront un point tous les jeudis afin de statuer sur l’évolution de l’épidémie. Il ne reste plus qu’à espérer qu’elle évoluera de manière positive d’ici deux semaines, auquel cas nous entreront probablement en confinement.
Une journée d’échanges avait lieu ce vendredi au lycée Mamoudzou-Nord. L’occasion de faire le point sur les avancées scientifiques, mais aussi d’échanger sur le vécu des habitants, deux ans après les secousses qui avaient terrorisé la population.
C’est un moment que beaucoup attendaient. Dans le cadre de la semaine du volcan, avaient lieu ce vendredi au lycée Mamoudzou-Nord de Kawéni les premières rencontres scientifiques sur le phénomène. Objectif de la journée : faire un point sur les avancées de la recherche et échanger avec la population, profondément marquée il y a deux ans par un essaim de séismes dont elle ignorait alors tout des causes.
« Je me souviens que certains collègues ont dormi dans leur voiture de crainte que là où ils vivaient, cela s’effondre. Des nuits où l’ensemble de la population dormait dehors », retrace un enseignant de Kani-Kéli face aux scientifiques du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et du réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte (Revosima), au recteur Gilles Halbout, à la délégation interministérielle aux risques majeurs d’Outre-mer mais aussi à une poignée d’élèves venus assister à cette rencontre inédite.
Asseoir une culture du risque
« Ce sont des choses normales dans l’histoire de la terre », introduit Frédéric Mortier, le délégué interministériel, en rappelant que d’autres territoires français, en Polynésie ou dans les Antilles connaissaient ce genre de phénomènes géologiques. « Mais justement, Mayotte jusqu’à présent avait été assez préservée de ces aléas, et depuis quelques années, nous assistons à ces mouvements de terrains et ces séismes », poursuit-il. D’où l’importance selon lui « de préparer les citoyens que vous serez pour asseoir cette culture du risque et vivre avec ces risques naturels ».
Prévention et avancées de la recherche
Fort heureusement, en deux ans, les choses ont déjà bien bougé ! Et pas que sur le sol de Mayotte, désormais régulièrement secoué par ces séismes plus ou moins rapprochés. Côté prévention, les dispositifs se mettent doucement en place : c’est ainsi que la première sirène d’alerte a été inaugurée cette semaine à Dembéni, à laquelle devront s’ajouter 23 autres sur l’ensemble du territoire d’ici juillet 2021. Un travail est aussi en train d’être mené sur les parcours d’évacuation. Et Mayotte devrait être un territoire pilote pour déployer un système d’alerte des personnes par téléphone, déroule le délégué ministériel.
Côté recherches, aussi, les missions scientifiques se sont poursuivies à un rythme soutenu à bord notamment du Marion Dufresne. Depuis la découverte du volcan à 50km des côtes mahoraises, un réseau de surveillance a été mis en place, le REVOSIMA, qui suit de près cette activité géologique nouvelle avec le BRGM. Principale source d’inquiétude : le risque de tsunami qui a ainsi pu être analysé. « S’il y a mouvement sous-marin, cela peut provoquer un phénomène de submersion. […] Même si nous verrons qu’il s’agira en réalité de manifestations modestes », développe Frédéric Mortier. Une connaissance rendue possible par un travail de modélisation des risques précis, mené par Anne Le Friant de l’Institut de physique du globe et Nicolas Taillefert du BRGM.
Préparer la jeunesse
Aux cartes scientifiques, censées expliquer le phénomène à l’audience, s’ajoutent les dessins d’enfants, tout aussi évocateurs. « En 2018, qui d’entre nous ici n’a pas eu peur ? Qui n’a pas été traumatisé ? Qui n’a pas eu cette sensation de la fin ? C’est ce qu’ils ont vécu », raconte une professeure des écoles à Sada. Très vite, il a fallu s’organiser pendant que la réponse institutionnelle tentait de se formaliser. « Après le séisme, nous avons eu quelques explications de la préfecture, mais je ne peux pas dire que c’était immédiat », témoigne encore cette enseignante, qui s’est donc accordée avec l’équipe pédagogique pour mettre en place un plan de mise en sûreté. Un travail indispensable pour préparer les élèves à l’éventualité d’une catastrophe… mais aussi, qui sait, pour faire naître des vocations. « Aujourd’hui, les enfants me disent ‘‘moi quand je serai grand, je serai comme Said Hachim!’’ », s’amuse cette maîtresse. Un beau compliment pour le géographe du conseil départemental. Et surtout un signe positif pour l’avenir de Mayotte.
La semaine dernière, Somahazi, le centre de formation d’apprentis, a accueilli 198 candidats pour ses deux nouvelles formations commerciales. Une opportunité pour les jeunes de mettre un pied dans le monde de l’entreprise pendant un an. Et surtout une occasion unique de démontrer que la voie de l’apprentissage mérite de se développer sur Mayotte.
« C’est un bon format pour les jeunes et surtout, c’est à moindre coût pour les entreprises. » Lorsqu’il s’agit de défendre la voie de l’apprentissage, Maxime de Bricourt, directeur des opérations chez Somahazi, sort l’artillerie lourde et démontre par A plus B ses bienfaits. À l’image de ce qu’il attendait des 198 personnes, âgées de 18 à 29 ans et originaires des quatre coins de l’île, qui ont répondu à l’appel de la campagne de recrutement lancée la semaine dernière pour rejoindre les deux nouvelles formations commerciales. Parmi eux, des bacheliers, des titulaires d’un BTS ou d’un CAP, ou bien encore des non-diplômés sortis du système scolaire très tôt, trop tôt… « Des supers candidats, motivés à s’en sortir et à travailler. »
Tablettes en mains, ils enchaînent les tests de compréhension écrite et de mathématiques avant de prendre part à un entretien individuel. Idéal pour se vendre car les places pour devenir employé de commerce en magasin et agent magasinier sont chères. « Au départ, nous avions prévu de retenir 30 élèves, puis finalement, nous sommes passés à 45. » Une sélection qui sonne alors comme le début d’une grande aventure. Avec au programme des ateliers de théâtre et d’improvisation mais aussi de mise en valeur de leur lettre de motivation et de leur CV pour « qu’ils aient tous les outils pour être performants et épanouis ». Car ce sont eux qui devront faire leurs preuves face aux futurs employeurs. Avec un seul mot d’ordre en tête : réussir à les convaincre de leur offrir une chance et d’être tutorés, sachant que les heureux élus seront épaulés par un formateur relais.
Prise en charge à 100% par l’État
Mais encore faut-il que les entreprises jouent le jeu pour les accueillir 3 semaines par mois pendant un an. « Nous avons fait un travail pédagogique auprès [d’elles] en octobre pour lever les freins [de ce dispositif] », confie Maxime de Bricourt, qui a conscience que de nombreuses sociétés mahoraises n’ont jamais expérimenté l’apprentissage, notamment les petites structures qui font de la vente dans les villages. Une voie méconnue donc, dorénavant favorisée par le plan de relance du gouvernement. « L’État assure 100% de la prise en charge pour chaque contrat signé avant le 28 février », souligne Chrystel de Bricourt, la directrice associée de Somahazi avec Mirhane Abdallah, qui précise que de nombreux jeunes abandonnent les formations proposées sur l’île, faute de rémunération. D’où ses va-et-vient à Paris une fois par trimestre pour plaider en faveur du 101ème département. « Mayotte va peut-être bénéficier d’un décret spécial. J’attends un retour de la direction générale des Outre-mer que j’ai rencontrée la semaine dernière. »
« Nous voulons être les promoteurs de l’apprentissage, qui est balbutiant mais hyper adapté au territoire », assure-t-elle. Et pour cela, l’entrepreneuse compte s’appuyer sur son expérience à la tête de Dagoni Services, qui est une référence depuis plusieurs années, et passer à la vitesse supérieure. Comme en témoigne le lancement d’ici un mois ou deux du projet d’assistante ressources humaines. « Au-delà de l’aide financière, les entreprises vont aider ces jeunes à sortir d’un horizon moribond. C’est une situation win-win. » Avec toujours en ligne de mire un seul et même objectif : faire décrocher aux apprentis un contrat à durée indéterminée à la fin de leur apprentissage !
Roho qui signifie coeur est le titre du nouvel album de Bodo. Il sort ce vendredi 30 octobre et fera certainement parler de lui. Des sonorités africaines, comoriennes, mahoraises qui accompagnent des sujets chers à Bodo. Le chanteur parle de la relation entre Mayotte et les Comores, de la situation sociale sur l’île ou encore de l’amour. Cet album est un melting-pot des inspirations de l’artiste.
Flash Infos : Pourquoi avoir appelé votre album “Roho” ?
Bodo : J’ai appelé l’album Roho parce que j’estime que le coeur est le moteur de tout être humain. À travers cet album, je voulais dégager tous les sentiments qu’un coeur peut ressentir : le bonheur, l’amour, la joie, la tristesse, etc.
FI : Quels types de sonorités peut-on retrouver dans album ?
B. : Dans cet album, j’ai mis en avant l’afro mgodro, c’est-à-dire que j’ai pris les sonorités africaines et je les ai mélangées avec du mgodro. On a aussi les rythmiques de l’Afrique de l’est, le bongoflava, de l’afro house. La couleur de l’album est presque basée sur l’Afrique. On retrouve aussi quelques rythmiques caribéennes, un peu de zouk et bien sûr du rap parce que j’ai commencé avec le rap.
FI : Qu’est-ce qui vous a le plus inspiré pour ce projet ?
B. : Dans mes chansons, je parle beaucoup d’amour mais aussi de la société, de la vie de tous les jours des Mahorais. Les artistes ne sont pas là que pour divertir ou parler d’amour. On doit aussi parler de ce qui ne va pas et proposer des solutions.
FI : Vous considérez-vous comme étant un artiste engagé ?
B. : Oui, on peut dire ça ! Mais ma mission principale est de faire en sorte que tout le monde s’aime. Dans mes chansons, je demande aux gens d’arrêter de se détester, de s’unir, de s’aider parce qu’ensemble, on peut aller plus loin. Il y a un titre dans l’album qui s’appelle “Wana wa masiwani” (enfants des îles) où je parle de la situation des 4 îles de l’archipel des Comores. J’ai invité 4 artistes et chacun donne son avis sur la situation.
FI : Vous n’avez pas peur de parler d’une situation encore bien délicate pour les Mahorais ?
B. : J’ai toujours évité de prendre position, mais je pense qu’il est temps que j’intervienne. Et je pense être bien placé pour le faire, parce que je suis né à Mayotte, mon père est de Pamandzi et ma mère vient de Mohéli. Je ne l’ai jamais dit mais je suis le fruit d’une union entre un Mahorais et une Comorienne et on ne peut pas me demander de choisir entre mon père et ma mère. C’est un message pour les deux communautés, chacune doit respecter l’autre, même s’il y a eu divorce.
FI : Comment s’est déroulée la préparation de l’album ?
B. : Cela fait 2 ans que je prépare cet album. J’ai écrit tous mes textes. Je suis auteur, compositeur, interprète. C’est un projet 100% made in Mayotte. J’ai tout enregistré ici, et tous mes clips sont également tournés sur l’île. Je travaille avec des jeunes talents mahorais qui sont l’avenir de Mayotte. Mon dernier clip a été réalisé par Naftal Dylan. Je travaille avec un ingénieur du son formé par le collectif 10/15 de Petite-Terre.
FI : Vous avez tout enregistré à Mayotte alors que souvent les chanteurs partent à l’extérieur pour réaliser leur projet. Comment avez-vous fait ?
B. : Les artistes mahorais ont tendance à partir à La Réunion, à Madagascar ou en métropole pour enregistrer, parce qu’on n’a pas tout ce qu’il faut ici. Par exemple, on n’a même pas d’ingénieurs du son. Nous, on a eu la chance d’avoir eu un jeune qui a bénéficié d’une formation avec le collectif 10/15 qui me l’a mis à disposition.
FI : Comment financez-vous ce projet ?
B. : L’ensemble du projet doit coûter 60.000 euros. C’est le budget qu’on a estimé pour atteindre notre objectif qui est le disque d’or. Actuellement, on est à 20.000 euros et on doit rassembler 40.000 euros pour développer la stratégie et atteindre les 50.000 ventes nécessaires pour le disque d’or. On a demandé des subventions au conseil départemental, à l’intercommunalité de Petite-Terre, à la marie de Pamandzi, à celle de Labattoir, et à l’office culturel de Petite-Terre, parce que c’est un projet de Petit-Terriens. Je suis aussi en co-production avec le collectif 10/15, on partage les dépenses.
FI : À Mayotte, on n’a pas encore cette culture d’acheter de la musique, quel est votre stratégie pour obtenir le disque d’or ?
B. : On ne vise pas que Mayotte. On s’attaque aussi aux marchés régional et national. On sait qu’à La Réunion, il y a une grosse communauté mahoraise. On cherche à avoir des points de vente dans toute la France, et on opère une stratégie pour chacun. Par exemple, Madora sera un point de vente, et à chaque achat de l’album, il y aura un parfum offert. On mise aussi sur notre communication et la qualité de mes clips.
FI : Arrivez-vous à vivre de votre musique ?
B. : Non, j’ai un autre métier à côté. Actuellement, il est impossible de vivre de sa musique à Mayotte, c’est la raison pour laquelle nos grands artistes tels que M’Toro Chamou ou Baco vivent à l’extérieur. Mais j’aime tellement ce que je fais que je continue dans le but un jour de pouvoir vivre de ma passion.
FI : Quel est la suite pour vous ?
B. : On continue nos actions, on va sortir des clips de haute qualité. Mon équipe et moi souhaitons mettre en place une tournée, mais avec la situation sanitaire on ne sait pas encore comment on va s’y prendre. Il s’agira en premier lieu d’une tournée locale, ensuite une autre dans la région (Madagascar, Réunion, Maurice, Comores) et enfin une à l’échelle nationale. Mais tout dépend de ma communauté, j’ai besoin qu’elle me soutienne. C’est la communauté qui donne une visibilité à l’artiste.
En octobre dernier, 2.800 cartouches de cigarettes et six kilos de bangué étaient interceptés par les gendarmes de Mayotte. Des arrivées de marchandises qui continuent à alimenter de petits business locaux, comme en atteste cette affaire, jugée au tribunal de Mamoudzou mercredi.
Il n’y a pas de petits profits. C’est sans doute ce qu’a pensé l’auteur de ce larcin quand il a “trouvé” dans son champ deux cartons de cigarettes de la marque comorienne Coelacanthe, un jour de juillet 2019. Son butin ? 190 cartouches pour un pactole estimé à 2.000 euros. Le tribunal de Mamoudzou lui a rappelé ce mercredi qu’il valait mieux, parfois, y penser à deux fois. Surtout lorsqu’on possède chez soi, en plus, un panneau solaire volé…
Droit à la barre, le prévenu tente pourtant de jouer les honnêtes hommes : “À ma grande surprise, j’ai vu ces deux cartons de cigarettes !”. “Il y a de quoi être surpris !”, rétorque la présidente avec un sarcasme à peine dissimulé. Qui n’ébranle toutefois pas cet habitant de Bandrélé, bien campé sur sa version des faits. S’il a pris les cartons pour les ramener à la maison, c’était dans l’objectif d’empêcher leur propriétaire de remettre la main dessus, retrace-t-il, non sans y mettre de la conviction. “Ah, donc vous vouliez bien les voler !”, s’exclame la juge. “Je voulais juste savoir qui était le propriétaire…”, se défend-t-il tant bien que mal.
Complice de contrebande
Reste qu’en entreposant sous son toit ces cigarettes arrivées des Comores en kwassas, cet homme de la terre se rendait complice d’importation en contrebande de marchandise prohibée. Un délit puni de trois ans d’emprisonnement et d’une amende équivalente à deux fois le prix des produits importés illégalement, rappelle le substitut du procureur.
Or, il semblerait bien que le prévenu ait profité de sa jolie trouvaille, même s’il le nie aujourd’hui face au tribunal. “Ma femme m’a dit que c’était dangereux ce que je faisais, et j’étais d’accord, j’avais même peur d’en parler à mes amis, encore plus de les vendre.” Mais la juge coupe court. “Je vais interrompre votre petite histoire, votre voisin a dit qu’il voyait des gens aller et venir pour vous acheter des cigarettes, tout le village le savait”, dénonce-t-elle.
Business illégal
Résultat, quand la gendarmerie débarque un jour pour une toute autre histoire, ses agents découvrent ce petit commerce effectué sous le manteau. Manque de pot, les gendarmes trouvent aussi dans sa case un panneau solaire, que l’homme assure avoir acheté, mais qui avait été volé, se rendant alors coupable de recel. Face à ces éléments et au refus du prévenu de reconnaître les faits, le procureur n’hésite pas à requérir trois mois de prison avec sursis et 4.000 euros d’amende, “pour lui passer l’envie de s’adonner à ce genre de business”. “Ce sont aussi ces activités illégales qui participent du climat général d’insécurité que nous connaissons à Mayotte, en encourageant les vols”, tacle-t-il. Verdict du tribunal : trois mois d’emprisonnement avec sursis et 360 euros à reverser à la société victime du vol de son panneau solaire, qui s’était constituée partie civile.
Les produits de contrebande continuent d’arriver fréquemment sur les plages du Mayotte, acheminés depuis les Comores voisines ou le continent africain dans les embarcations de fortune qui transportent passagers et marchandises en tout genre. Le 23 octobre dernier, la préfecture de Mayotte annonçait avoir intercepté pas moins de 2.800 cartouches de cigarettes et 6kg de bangué en une semaine.
Un grand point d’interrogation plane au-dessus des sportifs mahorais. Les différentes fédérations nationales vont chacune de leur communiqué depuis mercredi soir et la dernière allocution d’Emmanuel Macron. Le président de la République a annoncé un nouveau confinement en précisant toutefois que des adaptations seront faites pour l’Outre-mer. Reste à savoir lesquelles…
À quelle sauce, cette fois-ci, le mouvement sportif mahorais sera-t-il mangé ? Sur le plan national, le confinement du printemps dernier avait contraint toutes les fédérations sportives à suspendre leurs activités. Celles-ci avaient dû attendre de longues semaines avant de commencer à voir le bout du tunnel. C’est Roxana Maracineanu, ministre des Sports qui, en juin dernier, s’est placée en éclaireuse avec l’annonce d’une reprise progressive des activités sportives. Les pratiquants pouvaient dès lors entreprendre un retour à la normale, à l’exception des sports collectifs et ceux de contacts qui avaient dû patienter jusqu’au mois de juillet. Et tandis que le sport renaissait sur le territoire français, la Guyane et Mayotte, toujours en état d’urgence sanitaire, devaient continuer de prendre leur mal en patience. Pour les Mahorais, la situation s’est globalement décantée en septembre dernier.
Un communiqué du préfet de Mayotte, Jean-François Colombet a officialisé la levée de l’état d’urgence et la possibilité pour les ligues et comités de réactiver leurs activités et ce, sous toutes leurs formes : loisirs comme compétitives. Suite à cela, une réunion d’échanges et d’informations regroupant le mouvement sportif mahorais d’un côté, la Jeunesse et sport et l’ARS Mayotte de l’autre, est venue apporter des éclaircissements sur les modalités de reprise. Depuis, les clubs ont repris peu à peu le chemin des entraînements. La Ligue mahoraise de football a relancé ses compétitions avec la Coupe régionale de France et les Coupes de Mayotte, tandis que les principales ligues et principaux comités sportifs mahorais s’apprêtaient à l’imiter…
« Les dispositions s’appliquent uniquement sur le territoire métropolitain »
Mais voilà, dans son intervention télévisée mercredi soir, Emmanuel Macron s’est positionné pour un nouveau confinement général, face au regain national du virus. La décision du chef de l’État entre en vigueur ce vendredi à minuit. Les fédérations sportives nationales n’ont pas tardé à réagir, en tête desquelles la Fédération française de football. « À la suite de l’annonce par le président de la République des mesures sanitaires de confinement pour lutter contre la pandémie de Covid-19, la FFF a pris la décision de suspendre l’ensemble des compétitions de Ligues, de Districts, des championnats nationaux du National 3, du National 2, de la D2 féminine, des Coupes de France masculine et féminine, et des championnats nationaux de jeunes (féminins et masculins) jusqu’au mardi 1er décembre. […] Le monde du football se doit de participer à l’effort collectif pour lutter contre la deuxième vague de cette épidémie », a communiqué la plus grande fédération sportive de France.
Toutefois, le président français a indiqué que des adaptations du confinement seront apportées pour l’Outre-mer. Cela s’est vite vérifié. Ce jeudi après-midi, quelques heures seulement après les déclarations de la 3F, le président de la Ligue de football amateur, Marc Debarbat, s’est exprimé à son tour, en assurant que « les dispositions relatives à l’arrêt des compétitions de football au niveau amateur s’appliquent uniquement sur le territoire métropolitain ».
Le mouvement sportif français alerte Macron
Autrement dit, les rencontres de football prévues ce week-end sur l’île dans le cadre de la Coupe régionale de France et des Coupes de Mayotte sont, à ce jour, maintenues. Si les différentes fédérations s’inspirent du football, les ligues et comités sportifs mahorais peuvent espérer être épargnés par ce second acte du confinement. À moins que la préfecture n’en décide autrement. En effet, depuis les premières annonces de reprise des activités sportives, les arrêtés municipaux et préfectoraux ont toujours prévalu sur les décisions fédérales.
Un paramètre qui agace d’ailleurs au plus haut point et a fait l’objet d’une lettre ouverte du mouvement sportif français au président de la République. Dans cette lettre intitulée « SOS : Sport en détresse » et signée par 95 fédérations sportives membres du Comité national olympique et sportif français (Cnosf), le mouvement sportif français affirme avoir « établi les protocoles sanitaires les plus exigeants, validés par les ministères tant des Sports que de la Santé ainsi que par le Haut conseil de la santé publique et la Cellule interministérielle de crise ».
Il regrette que « malgré tous ces efforts, nos compétitions et manifestations programmées ou reprogrammées sont annulées, souvent à la dernière minute et en raison d’une application excessive et injustifiée des mesures sanitaires par les autorités locales. […] Les décisions très disparates des préfectures et des ARS, à situations similaires, tuent le sport à petit feu », s’émeuvent les signataires. Le mouvement sportif mahorais est désormais suspendu à la réaction de la préfecture attendue ce vendredi, et croise les doigts pour une décision en faveur du maintien de ses activités.
Le concours de Miss Excellence Mayotte 2020 se tient ce samedi au plateau de Ouangani. Six candidates – Larissa Salime Be, Lysiana Bacar, Hafna Colo, Youmna Karani, Choukriya Alhadi, Nasrat Abdallah – sont en lice pour succéder à Nouroulaini Payet et représenter Mayotte le 16 janvier 2021 à Soultzmatt.
Symbole de cet événement ? La couronne spécialement confectionnée par le bijoutier et horloger Mzuri Sana. Un travail d’orfèvre d’une durée de 15 jours réalisé dans l’atelier des artisans, Issouf Matroifi et Mohamed Toufaïl. « L’établissement est fier d’avoir dessiné ce précieux accessoire qui ornera la coiffure de notre nouvelle Miss Excellence », se réjouit Sylvain Arnoux, le gérant. Composée d’argent 925 et d’une pierre précieuse pour un effet des plus brillant, la couronne est ornée de fleurs d’ylang, de feuilles de palmiers et de bangas, associées à la finesse du filigrane. Un mélange d’élégance et de tradition mahoraise : « Nous avons voulu réaliser quelque chose de typique, qui représente notre savoir-faire et celui de Mayotte. »
Et si vous piétinez d’impatience de la découvrir, rendez-vous chez le bijoutier Mzuri Sana, au rez-de-chaussée du centre Baobab à Mamoudzou, jusqu’à ce vendredi. Aucun doute, vous en ressortirez avec des étoiles plein les yeux. « Ca a l’air d’avoir un franc succès quand nous voyons les retours sur les réseaux sociaux. C’est très positif et le comité semble ravi. Il y a du passage à la boutique, les curieux sont très heureux de pouvoir la voir. » Malheureusement, impossible de l’essayer… Ce privilège est uniquement réservé à la future reine de beauté.
Les missions d’étude du volcan responsable des séismes de 2018 ont mis en évidence le risque de tsunami qui menace Mayotte. Pour s’en prémunir, 24 systèmes d’alerte doivent être installés dans les 17 communes de l’île d’ici 2021.
Les curieux tournent une tête étonnée avant de dégainer leur téléphone portable pour enregistrer la scène. Un son retentissant sort des hauts parleurs de la mosquée de Dembéni, qui n’a rien d’habituel… ni de vraiment agréable. Ce mardi était inaugurée la première sirène d’alerte en cas de risque de tsunami, dans cette commune de Grande-Terre, la première à avoir accepté l’installation du dispositif. “Cette sirène va permettre que la population et que les Dembéniens soient au courant si un risque se présente”, se félicite le maire de la ville, Moudjibou Saidi. “On espère que ça ne va pas sonner”, ajoute-t-il, avec un brin d’optimisme.
Car le risque est réel : depuis la découverte du volcan au large des côtes mahoraises en 2018, le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et le comité de suivi de la crise sismo-volcanique ont averti sur ce danger. Les séismes, l’effondrement de la chambre magmatique ou encore un glissement de terrain dû à une instabilité des récifs pourraient projeter la déferlante directement sur Mayotte.
Enclenchée par un SMS de la préfecture
Alors, comment s’en prémunir ? D’abord, en alertant. “Aujourd’hui, c’est une étape”, salue le préfet, Jean-François Colombet. En tout, 24 équipements du genre devront être disséminés sur le territoire, soit un peu plus d’un par commune, d’ici le mois de juillet 2021. Munis de batteries pour une autonomie d’une semaine “en cas de gros pépin”, ils sont enclenchés par un SMS envoyé depuis un téléphone de la préfecture.
Et c’est donc la ville de Dembéni qui a accepté de se jeter à l’eau la première. Il faut dire qu’entre sa situation géographique au coeur de la vallée, et la possibilité de placer les capteurs en hauteur dans la mosquée pour recevoir le signal, le lieu était bien choisi. Même si le territoire de Petite-Terre est davantage exposé aux risques, d’après les études scientifiques.
Au moins 25.000 euros chaque
“Ici, avec la topographie de la zone, nous avons une portée de 2 à 2,5km”, explique Thomas Iborra, responsable chez Mayotte Alarme et Automatisme, qui a été sélectionné par la préfecture pour proposer ces systèmes d’alerte, appelés SAIP (systèmes d’alerte et d’information des populations). Coût de l’attirail : 25.000 euros, à la louche. Un petit budget qui peut rapidement être multiplié par deux en fonction des zones. “Ce sera le cas s’il faut l’accrocher en haut d’un pylône, ou mettre des relais téléphoniques au centre de l’île pour recevoir le signal”, poursuit le spécialiste.
Adopter les bons réflexes
Mais cet investissement salvateur ne pourra se suffire à lui-même. Parmi les deux autres axes du plan de prévention, figurent la préparation des populations pour leur “conférer les bons réflexes”, précise le préfet, et la définition des itinéraires de fuite. À ce sujet, une collaboration avec l’université de Montpellier, financée exclusivement par l’État, doit dessiner les meilleurs échappatoires en cas d’alerte. Et le tout devrait être fignolé en même temps que les sirènes, dès l’année prochaine. “Alors un, deux, trois, vous êtes prêt ?”, lance Jean-François Colombet, un doigt sur le smartphone. On croise les nôtres !
Carole Lambert – dont le dernier long métrage est Gueule d’ange, avec Marion Cotillard – est la productrice du film Le destin de Mo, actuellement en tournage sur l’île. Elle revient ici sur les coulisses d’une aventure pas comme les autres, qui doit jongler avec les difficultés du territoire et surtout, avec les susceptibilités de chacun. À l’instar de celle du conseil départemental qui a refusé de subventionner le film. Elle rappelle, pourtant, qu’il s’agit bien là de la première réalisation cinématographique sur l’île.
Flash Infos : Après avoir décidé d’adapter le roman Tropique de la violence au cinéma, que s’est-il passé pour enfin, aujourd’hui, en être au tournage ?
Carole Lambert : D’abord, Nathacha Appanah nous a fait confiance en nous cédant les droits de son livre, c’était une belle victoire ! S’en est suivi un processus plutôt classique d’écriture du film comme nous souhaitions le faire. Mais ce que nous imaginons dans ce processus doit être confronté à la réalité et en l’occurrence, à Mayotte. C’est un territoire que nous ne connaissions pas du tout et il nous fallait faire ce travail car son importance est immense dans le livre, au-delà du cadre, c’est presque un personnage à part entière. Nous sommes donc venus assez tôt sentir, voir, ressentir cette île.
Je crois que nous sommes tombés amoureux de l’endroit, dans toute sa complexité. Il en est ressorti une sorte d’évidence. Nous nous sommes dit que ça allait être très difficile, très compliqué mais qu’il fallait absolument faire ce film ici. Une fois que nous sommes portés par cette évidence, malgré les difficultés, nous pouvons mettre tout en œuvre pour parvenir à ce que nous voulions et c’est ce que nous avons fait. Ça a marché ! Nous sommes hyper heureux… Même si nous ne sommes pas vraiment au bout de nos galères !
FI : Comprenez-vous malgré tout la décision du conseil départemental de ne pas vous subventionner ?
C. L. : Non. Il y a quand même des financements européens très conséquents sur cette île, de l’argent censé être dédié à la culture et qui n’est pas utilisé… C’est très dommage de manière générale, et de notre côté je le déplore encore plus car justement, nous faisons l’effort d’être le plus possible dans la véracité, ne pas être dans la caricature. Si nous l’avions fait ailleurs en trichant, j’aurais compris qu’on nous mette des bâtons dans les roues, mais malgré toutes les difficultés, nous avons décidé d’enraciner coûte que coûte ce projet dans le territoire. Nous ne trichons pas, nous venons pour de vrai. Nous avons fait trois mois de casting sur place pour trouver des enfants de l’île, il y a une quinzaine de Mahorais dans notre équipe technique que nous formons aux différents métiers… Le but c’est de partager le plus possible avec les Mahorais l’histoire du premier film de cinéma à Mayotte, nous ne faisons pas un film de blancs dans notre coin. Donc non, je ne comprends pas cette absence de soutien. Ils ont eu peur que nous donnions une mauvaise image mais en réalité c’est nous qui avons été jugés sans que d’efforts soient faits pour comprendre le projet. Je pense qu’il faut accueillir les gens qui veulent parler de cette île, c’est nécessaire à son développement.
FI : Qu’est-ce qui, dès les repérages, vous a fait comprendre que ça allait être compliqué mais qu’il fallait coûte que coûte le réaliser à Mayotte ?
C. L. : Le fait que Mayotte soit la France sans l’être vraiment nous interpelle, nous intéresse, il nous fallait comprendre cela, ce que cela voulait dire. C’est quelque chose qui ressort dans le livre mais aussi dans les discours des gens sur place. Nous sommes aussi sur un territoire incroyablement beau et qui n’a jamais été montré au cinéma… C’est forcément un défi très excitant !
Dans le même temps, beaucoup de personnes ne voulaient pas vraiment de nous ici, ou plutôt du film. On nous reprochait très souvent d’avoir un projet qui allait donner une mauvaise image de Mayotte. Et ce n’est pas du tout l’idée. Pour nous, mauvaise ou pas, il fallait de toute façon donner une image. Parce que dans l’inconscient de la majorité des métropolitains, Mayotte n’existe quasiment pas, ils ne connaissent pas son histoire, c’est une réalité. Être dans le déni de cela ici contribue selon moi à ce que Mayotte continue à ne pas exister en métropole. À un moment donné, exister c’est se montrer, accepter qu’il y ait des films, des livres qui en parlent. Il n’y a pas de fiction ici et je suis convaincu que la fiction peut combattre beaucoup de choses, en véhiculer énormément. C’est cela notre travail, essayer à travers l’art de parler de sujets réels de la société, qui permettent de les faire rentrer dans le débat public, de les aborder de manière moins frontale, moins politique.
Nous ne faisons pas de politique, nous avons juste envie de parler de Mayotte, de ce que vivent les Mahorais et oui, forcément, tout n’est pas rose mais il faut le montrer. Réussir à en parler c’est déjà trouver des bouts de solution.
FI : Comment avez-vous réussi à embarquer des jeunes dans cette aventure ?
C. L. : Nous avons fait beaucoup de casting sauvage et travaillons avec des jeunes de Vahibé, Cavani, Kawéni, Koungou. Nous avons organisé des ateliers pour bien expliquer que ce n’était pas que de l’amusement mais un véritable travail sur lequel beaucoup d’attentes reposent et qu’il fallait donc un certain engagement et du sérieux. S’engager sur un film c’est être là tous les jours, à l’heure, etc. Notre directrice de casting est également leur coach et les encadre parfaitement. Et il en ressort une envie, une formidable énergie, très émouvante et que j’ai rarement ressentie sur un plateau. C’est incroyable, ils sont d’une grande bienveillance, très respectueux, très polis… Pas du tout l’image de la jeunesse mahoraise que nous pouvons imaginer de loin.
Retrouvez l’intégralité de l’entretien de Carole Lambert dans le n°933 de Mayotte Hebdo du vendredi 23 octobre.
Un bond en avant pour l’audiovisuel à Mayotte ?
“Je pense qu’on a à peu près rencontré tous ceux qui font de l’audiovisuel ici”, s’amuse Carole Lambert. “Il y a des choses, mais il faut se dire que c’est le début, qu’il faut persévérer. Dans le cadre du tournage, nous organisons une masterclass avec Dali Benssalah pour les options audiovisuel et théâtre au lycée Mamoudzou Nord. Car on est aussi là pour pour transmettre, partager”, poursuit la productrice. Alors, au-delà de susciter des vocations, le tournage de ce film pourrait-il être un déclic pour le secteur audiovisuel mahorais ? “Je n’aurais pas la prétention de dire que l’on va changer les choses mais il faut de toute façon essayer. Soutenons-nous les uns les autres et montrons que c’est possible”, répond Carole Lambert, qui voudrait convaincre ses confrères. “Je verrai comment ça se sera passé à la fin mais j’aimerais aussi inciter à venir ici. Montrer que oui, c’est peut-être un peu fou mais que ça en vaut la peine au vu de la beauté du territoire et de ses énergies”
La mairie de Mamoudzou n’est pas épargnée par les clusters qui se multiplient sur l’île. 5 agents ont contracté la Covid-19, ce qui a mené à la fermeture des bâtiments municipaux jusqu’au 2 novembre. Un service minimum est cependant assuré.
Ce mardi matin, à l’Hôtel de ville de Mamoudzou, on pouvait entendre les mouches voler. Les locaux ont été vidés de ses agents et des usagers à cause de la fermeture de différents services. Le 26 octobre, la commune chef-lieu annonçait l’apparition de « quelques cas à la Covid-19 au sein des agents municipaux ». Il s’agit en réalité de 5 personnes qui travaillent dans trois services différents. Il a été difficile pour l’Agence régionale de santé et la mairie de trouver un lien entre elles. Mais après une recherche plus avancée, l’ARS a découvert que ces agents municipaux ont contracté le virus « lors d’un petit-déjeuner » selon la cheffe de service de veille et sécurité sanitaire de l’institution sanitaire. « Maintenant, nous pouvons parler de cluster, dès lors que 3 cas ont un lien entre eux », précise-t-elle. Une liste de cas contacts a été établie et chacun a reçu un message pour effectuer un test dans les 7 jours. Aujourd’hui, l’ARS se veut rassurante et indique que « la situation est maîtrisée car la trentaine de cas contacts a été testé négatif. La mairie de Mamoudzou n’a rien d’exceptionnel par rapport à nos situations à risque ».
Éviter la propagation du virus
Si seulement 3 services sont touchés par les cas positifs, la mairie de Mamoudzou a décidé de fermer ses portes au public et de favoriser le télétravail afin de protéger le personnel et les visiteurs. « Nous avons fermé pratiquement tous les services, car nous avons 1.080 agents et ils sont amenés à naviguer de bâtiment en bâtiment administratif de la ville et l’Hôtel de ville. Ces flux d’agents peuvent contribuer à la propagation du virus », explique Olivier Chauveau, directeur de communication de la commune. Tous sont soumis à une septaine jusqu’au 2 novembre inclus. Seuls les services de l’état civil, des urgences techniques et administratives reçoivent du public.
Des administrés surpris par la fermeture
Durant le premier jour de fermeture, les usagers ont été surpris de trouver porte close à l’Hôtel de ville. « Je suis venu pour une procuration et on me dit de revenir mardi prochain. Ça ne m’arrange pas, car c’est urgent », se plaint un jeune homme devant le bâtiment. Non loin de là se trouvent deux jeunes filles qui regardent à travers les baies vitrées, dans l’espoir qu’un agent ouvre les portes. Après de longues minutes d’attente, elles repartent déçues. « On doit revenir la semaine prochaine. Je ne sais même pas pourquoi ils ont fermé », regrette l’une d’elle. Rares sont ceux qui étaient au courant de la nouvelle. « J’ai entendu à la radio que la mairie de Mamoudzou fermait ses portes, mais qu’il y avait des numéros où on pouvait appeler. Alors je l’ai fait, je me suis renseignée avant de venir », explique une mère venue déclarer la naissance de sa fille.
La réfection d’une voirie peut parfois créer de larges polémiques dans une commune. C’est le cas pour la route de Mouboukini à Combani où Abiben Issimailla demande à la municipalité d’engager des travaux d’urgence pour que les habitations ne soient plus inondées lors des fortes pluies. Mais pour l’adjoint en charge de l’aménagement, Ali Abdou, les riverains empiètent sur le domaine public. Deux solutions possibles : soit ils restent dans la boue, soit ils acceptent de pousser leurs murs.
Depuis deux ans, la route de Mouboukini à Combani est un long chemin de croix. Tout commence lorsque la famille Issimailla érige un mur « sur notre passerelle » pour éviter que l’eau de pluie ne coule dans sa cour et inonde sa cave. Sauf que cette mesure drastique a des répercussions pour l’ensemble du quartier. Conséquence, la ressource naturelle ne s’écoule plus et stagne en plein cœur du quartier, voire même jusqu’à l’entrée des habitations. « Soit on mouille les chaussures, soit on ne traverse pas du tout », témoigne Abiben, l’un des enfants.
Mais en creusant un peu plus en profondeur le dossier, plusieurs irrégularités remontent à la surface dans ce statut quo opposant le propriétaire à la municipalité. Et comme dans de nombreuses querelles, l’un comme l’autre se renvoie la balle, notamment concernant l’occupation du domaine public. Si le premier estime être dans son droit, la seconde lui fait un rappel à la loi. « Il s’est permis de construire un mur sans demander de permis. Il a drainé l’eau chez son voisin et a crié au loup en disant que la mairie ne faisait rien. Par le passé, cette route faisait 5 ou 6 mètres de large contre 2.5 aujourd’hui », tance Ali Abdou, adjoint de Tsingoni en charge de l’aménagement. Le plan cadastral à Mayotte n’étant pas des plus fiables, difficile de décerner le vrai du faux dans ce mano a mano… « Pourquoi ne pas instaurer une rue en sens unique pour pouvoir contourner au niveau du quartier 100 villas vers le golf », propose alors Abiben pour enterrer la hâche de guerre.
« La voie publique est exagérement occupée »
Pas suffisant puisque les événements prennent une nouvelle tournure après un épisode de fortes pluies. Il y a 3 semaines, « nous sommes montés au créneau et nous nous sommes rendus à la mairie où nous avons rencontré le directeur de cabinet du maire qui s’est déplacé le jour-même », raconte Abiben. Le bras droit du premier magistrat concède que des travaux d’urgence peuvent être envisagés et fait alors appel à un entrepreneur, après l’accord du responsable des services techniques. Si le chantier débute dans la foulée, il s’arrête brutalement, laissant pour compte une vulgaire tranchée. Toujours est-il que la municipalité semble visiblement avoir bougé quelques pions, comme le démontre une étude menée récemment : élargir la route de 2 mètres nécessiterait une enveloppe de 160.000 euros. Mais pour cela, il est indispensable de repousser les murs et les clôtures qui ont poussé comme des champignons au fil des années. « Il faudrait qu’ils prennent leurs responsabilités. La voie publique est exagérement occupée. Soit ils restent dans la boue, soit ils se rétractent », prévient Ali Abdou, qui annonce le lancement imminent de la consultation du marché.
Une menace que rejette Abiben, qui jure n’avoir jamais eu de retour de l’adjoint à la suite d’une première entrevue peu après les élections municipales. « Personne ne communique là-dessus, personne ne vient nous donner des explications. Cela va finir en guerre de voisinage lorsque la mairie viendra avec son projet », regrette celui qui aurait voulu en discuter à tête reposée autour d’une table. « Notre sollicitation de base était de dégager l’eau et de déposer un peu de gravier pour que la route soit praticable, pas de la refaire en intégralité. Nous ne demandons pas la Lune ! » Et fait appel à un minimum de compréhension face aux difficultés surmontées. « Il ne faut pas croire que nous sommes fiers, mais c’était la seule solution. Personne ne veut comprendre, tout le monde dit que c’est de notre faute si l’eau stagne sur la route. » Et les relations entre les deux parties ne risquent pas de s’améliorer avec le temps puisque Ali Abdou lâche un ultimatum… « Nous ne mettrons pas l’argent public à la poubelle. D’autres habitants ont eux aussi besoin de ces financements. Il faut faire les choses avec bon sens. » À prendre ou à laisser donc !
Pour sa deuxième journée, le secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles est allé à la rencontre des professionnels qui font face chaque jour à des difficultés matérielles et humaines dues au manque de moyens et à la politique migratoire.
7h40. La petite troupe d’officiels se presse dans ce local exigu tout juste dimensionné pour accueillir la poignée de professionnels dédiés à la CRIP. Ce lundi, pour son deuxième jour de visite à Mayotte, Adrien Taquet, le secrétaire d’État auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, en charge de l’enfance et des familles, commence sa tournée par la Cellule de recueil de traitement et d’évaluation. Une structure départementale méconnue et pourtant “indispensable” dans la protection de l’enfant, souligne le membre du gouvernement. “J’ai bien conscience des conditions dans lesquelles vous travaillez et des défis et de l’engagement qui sont les vôtres”, développe-t-il, tout en rappelant que “ces difficultés existent dans d’autres CRIP en métropole également”.
Des conditions qui sont en effet ardues pour ces professionnels de l’enfance, et ne se résument pas à l’allure modeste de leur local. “La cellule a été créée en 2008, et il a été très compliqué de réunir les effectifs nécessaires au bon déroulement de nos missions”, explique le directeur de la CRIP. Chiffres à l’appui. “Nous avons reçu 1.761 informations préoccupantes l’année dernière, et nous n’avons pas pu toutes les résoudre.” Pire, avec parfois 120 à 140 dossiers par agent, impossible de tenir les délais de mises à l’abri requises par le parquet. À Mayotte, il n’est ainsi par rare de laisser couler six mois avant le placement du mineur…
Une politique migratoire dans le viseur
Et si la situation s’est un peu arrangée en 2020 grâce à l’arrivée des renforts, le chemin reste long à parcourir. Désormais l’équipe se compose de dix travailleurs sociaux, un chef de service, un psy, et du médecin référent de la Protection maternelle et infantile (PMI) du Département. Suffisant ? Pas vraiment, surtout pour répondre aux nombreuses problématiques locales “face auxquelles nous ne sommes pas forcément préparés”, se fend une employée de la CRIP. Qui n’hésite à interpeller le secrétaire d’État sur une politique migratoire souvent pointée du doigt pour ses conséquences en matière de mineurs isolés à Mayotte. Et qui complique les missions de la cellule pour permettre le rapprochement familial. “Concrètement, nous avons des exemples de familles arrivées en kwassas dont les parents repartent le jour même, et quand les enfants veulent rentrer, nous n’avons pas de moyens pour les renvoyer auprès de leur famille.” Sans parler des situations de handicap, dont la prise en charge reste embryonnaire, faute de structures et de profils adaptés sur le territoire. Ou encore des violences physiques ou verbales dont sont victimes beaucoup d’enfants à Mayotte.
Deux millions d’euros pour les associations
Face à ce tableau noirci, le secrétaire d’État a à coeur d’entendre toutes les parties prenantes, employés de la CRIP comme les représentants de l’autorité judiciaire également présents à cette rencontre. En guise d’annonces toutefois, il se contente de défendre la mise en place d’un référentiel national sur la situation des enfants en danger pour garantir une plus grande “homogénéité des CRIP”. Et de promettre une enveloppe de deux millions d’euros dédiées aux associations de la protection de l’enfance, sans toutefois détailler la répartition des fonds aux différentes structures, mis à part la création d’un observatoire de la famille par l’UDAF (union départementale des associations familiales). Quant à la politique migratoire, Adrien Taquet botte en touche. Pas question de permettre aux mineurs arrivés des Comores voisines de regagner la métropole, sans risquer un nouvel appel d’air, argumente-t-il en substance un peu plus tard dans la journée. Gageons que les deux millions promis permettront au moins de donner un nouveau souffle aux professionnels de l’enfance…
À la rencontre des Apprentis d’Auteuil
Sur une note un peu plus légère, Adrien Taquet a rencontré ce lundi l’association les Apprentis d’Auteuil. La jeune structure, créée en septembre 2019, a déjà permis d’accompagner quelque 200 jeunes entre 16 et 25 ans vers l’insertion professionnelle. Soit trois sessions de six mois chaque, rythmées par des temps d’ateliers, et d’accompagnement individualisé par des travailleurs sociaux. Là encore, les problématique des statuts peuvent engendrer des blocages. “Parmi nos principales problématiques figurent le renouvellement du titre de séjour, l’affiliation à la sécurité sociale et l’ouverture d’un compte en banque”, a ainsi présenté Régine Le Men, la directrice de l’association. En atteste le parcours de Karmardine, jeune femme qui a pu obtenir une formation qualifiante d’assistante de vie aux familles après avoir enfin débloqué sa situation administrative auprès de la Caisse de sécurité sociale. “On parle beaucoup de la protection de l’enfance mais rarement de la continuité et c’était important de présenter à Monsieur le Ministre ce que nous proposons en termes de formation et d’insertion”, a déroulé Régine Le Men. “J’espère qu’il aura pris l’ampleur du travail effectué à Mayotte, et l’ampleur du travail qu’il y a encore à faire.”
Le collectif associatif CIDE a profité de la venue du secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, pour lancer à Mayotte la 2ème édition de l’anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant. Lydia Barneoud, la vice-présidente du réseau Haki Za wanatsa et représentante du collectif, a été la maitresse de cérémonie qui s’est déroulée à l’hémicycle Younoussa Bamana au conseil départemental en présence du président du département, des différentes associations chargées de la protection de l’enfance et de quelques enfants. L’enveloppe de 2 millions d’euros annoncée par Adrien Taquet est accueillie de manière positive par Lydia Barneoud, mais cette somme n’est qu’un premier pas dans l’application des droits de l’enfant à Mayotte.
Flash Infos : Pourquoi avez-vous organisé cette rencontre avec le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles ?
Lydia Barneoud : Cette rencontre a été organisée par notre collectif CIDE qui regroupe 13 associations. Nous avons voulu inviter l’ensemble des acteurs de Mayotte, à commencer par les institutions, les associations, et aussi les enfants pour les inciter à la concertation et à l’action.
FI : Adrien Taquet a annoncé une enveloppe de 2 millions d’euros pour les associations qui se chargent de la protection de l’enfance. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
B. : Nous venons d’apprendre la nouvelle et c’est une bonne chose pour nous parce que nous manquons de moyens. Donc quand on nous en donne, nous les acceptons. Cet argent va nous permettre de partir sur de nouveaux projets pour les enfants, notamment sur l’accès aux droits, la création de lieux de vie et de jeunesse, nous pourrons mieux nous occuper des enfants handicapés.
FI : Avez-vous seulement besoin d’argent pour pallier à tous les problèmes liés aux droits de l’enfant à Mayotte ?
B. : Bien sûr que non ! Nous pouvons continuer à demander de l’argent et en recevoir mais à un moment donné, il faut qu’il y ait une mobilisation générale. L’argent ne fera pas tout. Le problème à Mayotte, c’est que ça part dans tous les sens, et malheureusement c’est nuisible à tous. Si nous allons tous dans des directions différentes, nous n’irons nulle part. C’est la raison pour laquelle nous avons créé ce collectif pour faire le ciment entre les différentes associations. Cela nous permettra de pouvoir avoir un poids un peu plus important et un dialogue peut-être plus constructif avec les institutions et les collectivités locales.
FI : Qu’attendiez-vous de la venue du secrétaire d’État ? A-t-il répondu à vos attentes ?
B. : Le secrétaire d’État nous rassure dans le sens où il nous réaffirme son soutien total dans notre implication quotidienne sur le terrain. Il venait aussi pour prendre la température et je pense que c’est important qu’il le fasse. Maintenant, nous ne pouvons pas tout attendre de l’État ou du conseil départemental. Il y a une vraie mobilisation à créer par le bas, qui doit être unanime sur cette question.
FI : Pourquoi avons-nous autant de mal à faire appliquer les droits de l’enfant à Mayotte ?
B. : Parce qu’indubitablement, il y a trop d’enfants à Mayotte. Les familles viennent y trouver refuge, en espérant trouver des conditions de vie plus dignes. Mais nous pouvons tout de même agir un peu localement. Plus nous nous investissons dans les quartiers, dans les écoles, plus nous pourrons mettre une pression adéquate et pertinente pour résoudre ces problèmes. Chaque citoyen peut y contribuer. Et le collectif CIDE continuera à se développer tant que le dialogue ne sera pas instauré ou tout du moins consolidé. Il faut installer des outils communs pour travailler ensemble, notamment à l’utilisation de l’argent que nous recevons, qui est de toute façon bien loin d’être suffisant si nous regardons les conditions de vie actuelles des enfants sur l’île.
FI : Le 26 octobre sera lancé le mois d’actions et de sensibilisation pour agir avec les enfants. En quoi cela consiste ?
B. : Les 13 associations du collectif, avec les communes partenaires et les établissements scolaires partenaires grâce à l’appel à projets lancé par le rectorat, vont faire de la sensibilisation et montrer que nous pouvons tous être acteurs et nous mobiliser. Au reste des partenaires ensuite de nous accompagner dans ce combat de chaque instant.
En visite ce lundi matin à l’hémicycle Younoussa Bamana pour une séquence intitulée « droits de l’enfant », le secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, a invité le Département à participer à la prochaine contractualisation de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance.
Mayotte avait loupé le coche l’année dernière. Le 14 octobre 2019, 30 départements étaient choisis pour participer à la première vague de contractualisation de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance. À l’occasion de sa visite ce lundi dans l’hémicycle Younoussa Bamana, Adrien Taquet, le secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles, invitait donc le Département à prendre le train en marche dès l’année prochaine et ainsi faire partie des 40 nouveaux sélectionnés qui se partageront 200 millions d’euros. L’objectif ? « Recevoir des moyens supplémentaires, notamment pour la cellule départementale de recueil de traitement et d’évaluation (CRIP), et de l’ingénierie », pour accélérer le virage de la prévention en protection de l’enfance, sécuriser les parcours des enfants protégés et prévenir les ruptures, donner aux enfants protégés les moyens d’agir et garantir leurs droits, et préparer l’avenir et sécuriser la vie d’adulte des enfants protégés.
À Mayotte plus qu’ailleurs, cette thématique représente une grande part du budget de la collectivité, comme en témoigne le schéma départemental de l’enfance et la famille, qui permet un enrichissement et une diversification de l’offre. Toutefois, le président Soibahadine Ibrahim Ramadani concède que le territoire doit encore « développer des familles spécialisées et des structures », à l’instar de la protection maternelle et infantile, dont celle d’Acoua a été inaugurée lundi après-midi par Adrien Taquet, quelques heures seulement après le lancement du mois d’actions préparatoires à la 31ème journée internationale des droits de l’enfant. « En tant qu’adultes, nous avons le devoir moral de protéger les plus fragiles et les plus vulnérables, comme les enfants en situation de handicap. […] Le rajeunissement de la délinquance ne doit pas être passé sous silence », plaide l’élu local pour rappeler la violence qui sévit dans le 101ème département.
L’État c’est bien, les associations c’est mieux
À sa droite, c’est un Adrien Taquet attentif aux propos de son interlocuteur qui a souhaité démontrer sa volonté de s’attaquer à la racine du problème. « L’éducation d’un enfant doit se faire en dehors de toutes violences physiques, psychologiques et sexuelles », insiste-t-il avant de préciser que l’enfant est désormais considéré comme une victime à part entière des violences conjugales. Mais pas seulement. Il met alors en exergue les 11 vaccins obligatoires ou encore le déploiement de la stratégie de lutte contre la pauvreté. Si Adrien Taquet a conscience que son rôle – et celui de l’État – est de mieux accompagner certains parents et d’investir massivement dans la prévention, il se tourne également en direction des associations. « Il faut soutenir les professionnels pour créer une société dans laquelle tous les enfants son épanouis. Chaque jour, chaque heure qui passe, vous vous engagez auprès [d’eux]. Vous faites un travail remarquable, encore plus ici sur le champ de la protection de l’enfance », concède-t-il, en s’adressant à l’assemblée. « Nous sommes tous des vigies attentives au bien-être de nos enfants. C’est tous ensemble que nous réussirons. »
« Les enfants ont besoin d’avoir des droits »
Questionné par un ancien jeune ambassadeur du défenseur des droits concernant le court et moyen terme, Adrien Taquet met l’accent sur le droit à l’éducation, le premier remède de tous ces maux ou plutôt le baromètre « d’aujourd’hui et de demain », sans lequel « nous ne pourrons pas avancer ». Comme bien souvent dans ce genre de situation, les mêmes chiffres reviennent toujours au galop pour justifier l’action du gouvernement à Mayotte. Celui du jour ? 1.000 classes rénovées ou créées sur l’île d’ici 2022. « J’ai envie d’être optimiste pour l’avenir de l’île », confie-t-il. Un optimisme pas forcément partagé par tout le monde, notamment par les principaux concernés. Que ce soit Faniya, Anita, El Anrif et Ambdou du Secours catholique – Caritas, ou leurs homologues du Village d’Éva, d’Apprentis d’Auteuil, d’Espoir et réussite, de Mlézi Maoré, tous, sans exception, réclament leur dû : « Les enfants ont besoin d’avoir des droits. »
En fin de semaine dernière, des centaines de demandeurs d’asile manifestaient à Cavani pour faire respecter leurs droits. Depuis l’interdiction de la vente à la sauvette dans le centre-ville de Mamoudzou et la reprise des opérations de destruction de l’habitat illégal, ces hommes, femmes, enfants, personnes malades et handicapées dorment dans la rue, sous la pluie, sans avoir de quoi se nourrir. Si les 40 plus vulnérables d’entre eux ont pu être logés provisoirement en urgence, le sort d’au moins 200 autres personnes reste encore incertain.
Ils sont au moins 250 et pourtant, ils sont invisibles. Jeudi et vendredi, des demandeurs d’asile manifestaient près du stade de Cavani pour demander, comme souvent à Mayotte, de faire valoir leurs droits. Et pour cause. En métropole, toute personne ayant formulé une demande d’asile auprès de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) peut bénéficier d’un logement d’urgence et d’une allocation de subsistance le temps de l’instruction de son dossier. Un forfait moyen de moins de 20 euros par jour auquel ne peuvent tout bonnement pas prétendre les demandeurs depuis Mayotte, où le dispositif n’existe pas. Ils sont ainsi des centaines à tenter de subsister, sans toit, sans nourriture, sans argent, et sans considération. Le phénomène n’est pas nouveau, mais à la suite d’une opération de destruction de l’habitat illégal orchestrée en fin de semaine dernière par la préfecture à M’tsangamouji, ils ont été nombreux à se retrouver à la rue, ou à craindre davantage pour leur situation. Et à vouloir crier leur colère.
« Tout ce que nous demandons, c’est que les lois soit respectées », s’indigne Malik Abdel Abdoul, l’un des porte-paroles des 250 demandeurs d’asile. « Nous aussi, nous avons des droits ! Mais ces derniers temps, des femmes avec des enfants en bas âge dorment dans la rue, sous la pluie, sans toilettes. Il y a aussi des personnes malades et handicapées ! Mais sans boulot, on ne sait pas comment trouver à manger. » Du haut de ses 23 ans, ce natif de la République Démocratique du Congo, dans la région des Grands Lacs, enlisée dans des conflits politico-militaires de longues dates, a rejoint Mayotte il y a un an. Jusqu’alors, il vivait de la vente de shirungu, ou oignons, près de la barge. Un petit boulot clandestin qui lui permettait de payer son loyer. Mais depuis que la nouvelle équipe municipale de Mamoudzou a interdit l’activité des vendeurs à la sauvette dans le centre-ville, Malik Abdel Abdou a été mis à la porte de sa case en tôle pour défaut de paiement.
Un hébergement d’urgence déplacé face aux riverains récalcitrants
« Depuis la fermeture du marché, beaucoup de gens ont été expulsés de chez eux », souffle à son tour Dakidi Massamda, autre porte-parole du mouvement. En fin de semaine dernière, le jeune homme de 26 ans faisait partie de la délégation de manifestants reçue par la préfecture. Dès samedi, celle-ci propose une mise à l’abri provisoire des 40 personnes les plus vulnérables – pour la plus grande majorité d’entre elles, des femmes avec enfants en bas âge. Toutes devaient être logées à la MJC de M’Gombani, jusqu’à ce que les riverains et le collectif des citoyens de Mayotte s’y opposent et ne les poussent à déménager vers un lieu que les associations préfèrent taire, par peur des représailles de la part des habitants.
Depuis, les plus de 200 personnes restantes attendent, nuit et jour, devant les locaux de Solidarité Mayotte, la seule structure locale à venir en aide aux demandeurs d’asile. « Nous avons organisé une distribution alimentaire samedi. Mais depuis, plus rien. Nous laissons ces gens dehors, la nuit, alors qu’il pleut depuis plusieurs jours », déplore Romain Reille, directeur de l’association, dans l’attente d’une nouvelle réponse de la préfecture. Pendant le week-end, plusieurs personnes armées de machettes sont venues menacer les demandeurs d’asile installés sur un carré de bitumes. « Ils disaient qu’ils ne voulaient pas d’Africains chez eux », retrace Dakidi Massamda, qui, moins d’un an plus tôt, fuyait la République Démocratique du Congo où les rebelles le persécutait. « Nous savons que Mayotte n’a pas les moyens de loger tout le monde », reconnaît-il. « Mais si on nous donnait des petits travaux pour que nous nous rendions utiles, comme le ramassage des déchets sur la route, nous aurions au moins de quoi payer nos bangas. »
Événement emblématique de la lutte contre le cancer du sein, le mois d’Octobre Rose touche déjà à sa fin. L’occasion de mettre en lumière un autre mal, qui touche lui aussi beaucoup de femmes : les violences obstétricales. En donnant naissance à leur enfant, elles sont nombreuses à avoir perdu une part d’elles-mêmes. À porter encore dans leur chair les traces d’un traumatisme qui, dans la plupart des cas, aurait pu être évité. Négligences du personnel médical, manque de suivi, de considération ou de réactivité, les origines de ces violences sont nombreuses, mais souvent tues, entourées de honte et de tabous. Alors, une poignée de Mahoraises ont osé s’exprimer publiquement, raconter comment ce qui devait être le plus beau jour de leur vie est devenu le pire. Et derrière le combat de la libération de la parole, subsiste encore celui de la reconnaissance juridique.
À l’autre bout du fil, les mots de Katia* sont chargés de sanglots. Le souvenir du traumatisme qu’elle a vécu, trois ans plus tôt, est encore vivace dans son esprit. Et pas seulement. Depuis son accouchement, la jeune femme est handicapée physique. En donnant la vie à son fils, la sienne a basculé : depuis ce qui devait être le plus beau jour de sa vie, cette mère, vingtenaire, a perdu l’usage de ses jambes.
Son histoire, Katia peine encore à la raconter. « Mais on doit se battre, ce tabou doit cesser. Aucune femme ne mérite de subir de telles violences. » Alors elle se lance et retrace la trame de son calvaire. Le soir du 20 avril 2017, la jeune femme, alors « en pleine forme », est prise en charge par le CHM. Après une grossesse sereine et sans encombre, elle s’apprête à accoucher de son premier enfant. « C’était censé être un moment merveilleux, magique. Un moment qui serait gravé pour toujours dans ma tête de maman. » Elle se râcle la gorge, aspire une grande bouffée d’air. Comme pour reprendre un peu de courage. « Je n’aurais jamais imaginé qu’un accouchement puisse se passer de cette manière. »
“Cette péridurale, on me l’a imposée”
Lorsque le travail commence, Katia est très claire avec le personnel de santé qui l’entoure : elle ne veut pas d’une péridurale. « La sage-femme stagiaire m’a posé plus de trois fois la question, à chaque fois, j’ai répondu non, je voulais accoucher de manière naturelle. » Quelques heures plus tard, la soignante revient : « Si tu n’acceptes pas cette péridurale, tu ne vas pas accoucher. » Katia ne comprend pas. « On est débordés, me dit-elle, on a beaucoup de femmes dans ton cas, et nous ne sommes pas nombreuses. Alors c’est à toi de décider. » Mais la jeune femme n’aura jamais vraiment le droit de choisir. « Cette dame m’a obligée à dire oui. Cette péridurale, on me l’a imposée sans même m’expliquer pourquoi. »
L’anesthésiste se présente à elle. « Ils m’ont dit de me retourner. » Il pique une première fois, « sans succès ». Une deuxième fois, « non plus ». La troisième ? « Je ne sais pas ce qu’ils ont fait, mais je les ai entendu dire que c’était très compliqué. » Katia s’inquiète, interroge le personnel de santé. « On m’a juste dit de ne pas me retourner. » La peur la gagne, la fatigue, aussi. « Je me suis sentie comme une vache à l’abattoir qui attendait sa fin. » À bout de force, la jeune femme parvient tout de même à accoucher. « Quand mon bébé est venu au monde, les sages-femmes l’ont déposé sur mon ventre puis sont reparties très vite avec lui. Il n’avait pas poussé de cri, tout le monde paniquait. » Katia, elle, se prépare à rentrer en chambre. Mais alors qu’elle tente de se mettre debout, elle s’écroule. Ses pieds ne la portent plus. Sa mère l’aide à se relever, l’accompagne jusqu’à son lit. « Une fois installée, ma mère et la soignante sont sorties de la chambre. Là, elle lui a dit que j’allais rester paralysée. » La raison ? La jeune mère ne la connaîtra pas. Pas même après trois ans d’appel à l’aide lancé auprès de l’hôpital, contre qui elle a décidé d’engager des poursuites. « Je vis dans le noir, dans le sombre. J’ai l’impression de n’avoir aucun droit », explose Katia, en larmes. « Chaque jour, mon enfant me demande quand est-ce que je pourrais marcher comme les autres… »
Depuis, elle a dû quitter son emploi et abandonner sa maison, dont les escaliers lui empêchaient tout accès. Il y a une poignée de mois, Katia s’est rapprochée d’une sage-femme libérale. « Elle m’a expliqué un certain nombre de choses sur mon état, notamment que je devais obligatoirement faire des rééducations. » Ce que l’hôpital n’avait pourtant jamais mentionné. « Aujourd’hui encore, je ressens des douleurs. Il y a des nuits insupportables au niveau de chaque articulation. La douleur me tue, je souffre et j’encaisse ! Ma vie est devenue un calvaire. » Et la reconnaissance de son handicap, sans aucun document du CHM, un chemin de croix.
Les survivantes brisent le silence
Jusqu’à la fin de sa vie, Katia portera en elle les cicatrices de ce traumatisme, dont les stigmates hantent sa vie de femme, de mère et d’épouse jusque dans les moindres détails. Mais en brisant le silence, Katia espère ouvrir une voie et donner le courage de parler à toutes les autres femmes qui, comme elle, ont souffert de négligence, d’un manque d’écoute, de transparence, de considération, le jour où elles s’apprêtaient à donner la vie. Le jour où la leur reposait sur des professionnels de santé. « Les plus gros problèmes viennent de la prise en charge. La plupart du temps, les patientes qui sont là pour accoucher sont confrontées à des personnels trop peu nombreux, qui agissent parfois comme des machines. Mayotte ne doit pas être un terrain d’expérimentation mais j’ai l’impression qu’il faut se battre pour mieux montrer ce que ces situations impliquent. » Ce combat, Katia a depuis décidé d’en faire le sien en libérant la parole.
Il y a cinq mois, elle créait une page Facebook dédiée : « Stop aux violences obstétricales à Mayotte. » Le soir-même, elle compte déjà 50 abonnés. Le lendemain, ils étaient 100. Au total, elle recevra une vingtaine de témoignages. « Lorsqu’on subit ces violences, on a le sentiment de ne pas pouvoir en parler, de ne pas pouvoir se manifester. Nos paroles ne sont jamais prises en compte. Mais nous avons des droits, le droit de dire non, le droit de ne pas accepter ce qu’on nous impose. Ces témoignages sont très importants, ils nous libèrent, d’autant plus que certaines femmes n’osent pas engager de poursuites, par honte d’être jugées ou par peur d’être reconduites, selon les situations. » Sans compter la douleur psychologique de devoir rouvrir de vieilles plaies, de redonner vie à des souvenirs qu’elles voudraient à tout prix effacer. Pourtant, Sandati*, dont Katia a rendu public le témoignage, n’a jamais hésité à mener, elle aussi, ce combat.
À la naissance de son fils, dans un établissement qu’elle craint encore de nommer, son bébé lui est arraché des bras et conduit dans un autre service pour qu’il bénéficie de « soins particuliers », sans plus d’explications. Elle découvrira plus tard que son enfant souffre de séquelles graves, jamais diagnostiquées au cours de sa grossesse, pourtant rigoureusement suivie. « Ce n’est qu’après plusieurs semaines que nous avons appris que notre fils n’aura pas la même chance que les autres, c’est-à-dire aller à l’école, dire ses premiers mots, nous raconter ses journées », égraine douloureusement Sandati.
Là débute un long combat pour faire tenter de déterminer la pathologie du bambin, ses causes, et la possible négligence lors de l’accouchement. Une procédure longue et coûteuse, tant financièrement qu’émotionnellement. « Tout ça nous oblige à revivre cette nuit horrible constamment. Tout ce que nous voulons, c’est comprendre ce qui s’est passé et que si des erreurs ont été commises, elles soient reconnues. Mais cela ne nous enlèvera jamais la tristesse et la rage que nous ressentons envers le système qui nous a volé notre bonheur. » Et les témoignages comme ceux-là sont encore nombreux.
« À mon réveil, on m’annonce la nouvelle : la mort de mon bébé »
Le 17 juillet 2020, Roukia* se présente au dispensaire de M’Ramadoudou à 9 heures du matin pour des pertes de sang, alors que sa grossesse est à son terme. Deux heures d’attente et une prise de sang plus tard, le corps médical lui explique qu’elle présente un bouchon bénin. Qu’elle ne s’inquiète pas, elle peut rentrer chez elle sans danger. En milieu de journée, les premières contractions commencent. Roukia endure la douleur jusqu’à 20 heures. Finalement, son mari la ramène à M’Ramadoudou, où elle ne tardera pas à perdre les eaux. « C’est là que le cauchemar commence. »
La sage-femme détecte une grave anomalie : le cordon ombilical s’est enroulé autour du cou du bébé, l’une de ses mains coincée au-dessus de sa tête. « Prise de panique, elle appelle le CHM qui lui explique que je ne dois surtout pas essayer de pousser, sans quoi le bébé s’étranglerait. Mais pour moi, c’était impossible tant il me donnait des coups de pieds. Je ne pouvais pas me contrôler. » La sage-femme rappelle l’hôpital, mais l’hélicoptère n’est pas disponible, alors qu’une ambulance ne pourra pas être envoyée avant 30 minutes. « L’attente est très longue, je me retrouve avec le bras de la sage-femme à l’intérieur de mon utérus pour essayer de maintenir le bébé en vie. »
Après une attente insupportable, Roukia monte enfin dans le véhicule, direction Mamoudzou, le poing de la soignante toujours nichée dans son intimité. « Elle voulait à tout prix éviter que le bébé arrête de respirer. » Une demi-heure passe, les femmes arrivent au CHM. « On m’a emmenée en salle d’opération, césarienne direct. » L’intervention dure une, voire deux heures. « À mon réveil, on m’annonce la nouvelle : la mort de mon bébé. » Et avec lui, une partie d’elle.
* Noms d’emprunt
« On n’est jamais à l’abri d’une complication »
« Nous avons tout ce qu’il faut dans le service en termes d’équipement, mais l’activité est importante », défend le docteur Madi Abou, chef de pôle gynécologie et obstétrique du CHM. « Aucune structure en France n’accouche autant de bébés que nous avec le même nombre de médecins. D’autant plus qu’en général, ils ne restent pas longtemps, et même si on avait plus de moyens, les recrutements ne sont pas évidents. » Pour le professionnel de santé, cette sur-fréquentation de la maternité, où des femmes accouchent parfois dans les couloirs, couplée à un manque d’effectif, peuvent en effet occasionner des situations exceptionnelles, ou vécues comme telles. « Oui, par manque de temps, nous manquons parfois de communication avec les patients, mais nous n’imposons jamais une décision médicale sans leur consentement ! » En atteste, selon lui, le faible nombre de péridurales pratiquées comparativement aux autres territoires français. « En matière obstétricale, nous ne sommes jamais à l’abri d’une complication, bien qu’elles soient très isolées. Il peut toujours y avoir des problèmes imprévisibles. Nous sommes parfois contraints de sortir un bébé en 20 minutes lorsque sa vie est menacée, et là encore, c’est la communication qui en pâti. » Autre motif de complication, le manque de suivi des grossesses, notamment au moment de la première échographie. « Les premiers mois, beaucoup de femmes cachent leur grossesse, ou ne vont pas consulter parce qu’elles estiment que tout va bien, alors forcément, après, on se rend compte de certains problèmes qu’on n’avait pas vus avant… » Quoi qu’il en soit, Madi Abou assure que son service demeure pleinement disponible aux femmes qui estiment avoir vécu un accouchement traumatisant. Certaines d’entre elles, pourtant, ne sont pas du même avis.
En réponse à un préavis de grève illimitée déposé pour ce lundi 26 octobre, la directrice de l’agence régionale de santé, Dominique Voynet, joue la carte de la transparence et remet en cause les pratiques des organisations syndicales. Elle rappelle tout le chemin parcouru depuis la création de l’ARS et espère que les prochaines élections professionnelles prévues en novembre atténueront les tensions.
Depuis deux semaines, un préavis de grève illimitée plane au-dessus de la tête de l’agence régionale de santé. Après une première tentative échouée, un mouvement social porté par quatre organisations syndicales doit bel et bien se tenir à compter de ce lundi 26 octobre. « Avant mon départ en métropole, j’ai proposé aux agents de les rencontrer à mon retour, ce vendredi matin », précise Dominique Voynet, la directrice de l’institution sanitaire. Seul hic, deux délégués départementaux et pas de la maison se pointent à l’heure du rendez-vous. Une initiative qui fait bondir l’ancienne ministre. « Le protocole ne prévoit pas des personnes extérieures à l’ARS. Elles se sont imposées à une réunion à laquelle elles n’étaient pas invitées, j’ai trouvé cela discourtois. » Car là est le problème… Les élections professionnelles, qui devaient initialement se tenir au mois de mai, ont été reportées au 28 novembre pour « éviter une campagne en pleine épidémie ».
Et jusqu’à cette date fatidique, seuls 2 délégués de la CGT et 3 de l’UNSA, passés depuis sous la coupe de la CFDT, sont reconnus comme « des représentants légitimes du personnel » et siègent au comité d’agence provisoire. FO et CFE-CGC sont donc out de toute discussion jusqu’à nouvel ordre avant le vote tant attendu. « L’ARS est régie par le code de la santé publique, pas par le code du travail. Pour ce qui concerne le dialogue social, les syndicats savent que ce sont les centrales syndicales nationales qui assurent cette phase d’entre eux. » Pour démêler ce schmilblick, Dominique Voynet propose un travail en deux temps : un premier en interne et un second, ce lundi, pour échanger sur les orientations avec les « autres » interlocuteurs.
Coup de pression dans les services
Un énième souci dans la jeune histoire de l’ARS, créée au 1er janvier 2020. « Je suis inquiète et préoccupée par ce qu’il se passe à l’ARS alors que j’ai besoin qu’elle soit en état de marche », torpille-t-elle, tandis que la situation sanitaire semble de nouveau se dégrader, à la vue de la publication des derniers chiffres. « La CFDT fait le tour des service pour mettre la pression sur les agents, notamment des femmes et des jeunes qui se retrouvent isolés. Le travail n’est pas au rendez-vous. Le syndicat fait preuve d’une force de persuasion qui va bien au-delà de ce que nous pouvons accepter au sens démocratique. »
Dominique Voynet joue donc cartes sur table pour répondre une nouvelle fois aux différentes revendications. Concernant la formation individualisée, celle qui se définit comme « une fonctionnaire qui met en œuvre la politique gouvernementale » précise que les crédits pour l’année 2020 ne sont pas tous consommés et que le renforcement des compétences des agents reste l’une de ses priorités, depuis la scission avec La Réunion. « Il faudrait que je sois folle de les qualifier d’incompétents », confie-t-elle, précisant au passage la nomination de cinq mahorais à des postes clés depuis son arrivée à la tête de l’ARS. Au sujet du plan régional de santé, qui court jusqu’en 2027, elle tient à rassurer sur d’éventuels oublis, comme l’intégration du second hôpital. « Il va faire l’objet de procédures plus légères pour le réviser », confirme-t-elle. Quant à son bras droit, Salim Mouhoutar, elle avoue que l’officialisation du « statut de DGA a traîné », mais que ce problème est désormais « réglé ». Selon Dominique Voynet, ces conflits internes peuvent coûter gros à l’ARS. « Il n’y a pas un enthousiasme déroutant à Paris, il faut que nous dépotions nos dossiers et que nous prouvions nos compétences. » À l’instar des millions d’euros débloqués pour l’avion et l’hélicoptère sanitaires, deux moyens de transport indispensables pour un territoire comme Mayotte. « Il faut se battre comme un chien pour recevoir des fonds », défend-elle.
Par conséquent, la directrice générale en appelle à la responsabilité de tous pour éviter une nouvelle crise à partir de ce lundi 26 octobre. « J’entends bien ce qu’on nous explique sur la solidarité contrainte. En même temps, je crois aussi aux valeurs républicaines : un homme est égal à une voix. Je respecte chaque agent pour sa singularité et son appartenance au groupe. » Une petite tape sur les doigts en direction de ces « un ou deux mâles alpha qui décideraient à la place des autres ». Toujours est-il que Dominique Voynet a conscience qu’il est l’heure pour chacun de mettre de l’eau dans son vin : « Je veux résoudre ce malaise, avec mes agents. Ce n’est ni mon intérêt ni mon intention de ne pas dialoguer. » Message transmis !
Cinq prévenus devaient être jugés ce vendredi pour les affrontements qui avaient agité la commune de Tsingoni début septembre. Mais faute des résultats d’une expertise ADN, ils devront encore attendre jusqu’au 13 novembre prochain pour retrouver leur liberté… ou le contraire.
Les images de voitures carbonisées et de jeunes encagoulés, barres de fer et caillasses au poing, avaient donné des airs de scènes de guerre à la commune de Tsingoni. C’était en septembre dernier, il y a à peine deux mois, quand des bandes rivales de Miréréni et Combani avaient décidé d’en découdre, mettant alors à feu et à sang ces villages du centre de l’île.
Ce vendredi, ils étaient cinq à comparaître devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou. Cinq lascars placés en rang d’oignon dans la petite salle d’audience climatisée. Un peu comme on les imagine devant leurs barrages de bambous et de broussailles il y a deux mois, mais les armes en moins. Et plutôt les menottes en plus pour trois d’entre eux, arrivés à l’audience flanqués d’une escorte de gendarmes. Depuis leur interpellation au lendemain des violences, les cinq prévenus font l’objet de mesures de sûreté. Deux ont été placés sous contrôle judiciaire et doivent remplir certaines obligations comme l’interdiction de se rendre à Tsingoni, ou l’obligation de pointer à la gendarmerie. Les trois autres sont en détention provisoire à Majicavo, dans l’attente de leur jugement.
Un renvoi “insupportable” pour la défense
Manque de pot pour eux, il leur faudra attendre encore un peu pour cela ! En l’absence des conclusions d’une expertise ADN, se posait la question du renvoi de l’affaire à une date ultérieure. Une pièce “fondamentale” pour permettre leur jugement, a fait valoir la substitute du procureur. “C’est insupportable ! Les trois qui sont placés en détention le sont uniquement parce qu’ils sont Comoriens. Celui-ci est élève à Kahani, et pendant ce temps, il ne va pas à l’école avec ses camarades”, s’est désolé leur avocat Maître Nizary. Côté partie civile aussi, l’on espérait se passer du renvoi. “Tous les jours, ces bandes viennent me menacer pour prendre de l’alcool, je risque même ma vie en venant ici pour témoigner”, a réagi la plaignante en se levant de son banc. Leurs arguments n’auront toutefois pas convaincu les juges, qui opteront pour une nouvelle date d’audience, le 13 novembre prochain.
Vols et attroupements
Mais la procédure ne s’arrête pas là. Mesures de sûreté obligent, les magistrats devaient aussi statuer sur le maintien, la modification ou l’annulation des restrictions imposées aux prévenus, et décidées à l’issue de leur garde à vue par le juge des libertés et de la détention, le 25 septembre dernier. C’est donc une sorte de répétition d’audience qui s’est tenue pendant plus de deux heures ce vendredi, avec pour objectif de déterminer si les faits reprochés et les personnalités des individus étaient toujours compatibles avec ces mesures de sûreté. Parmi les faits qui leur sont reprochés figurent dans le désordre au moins deux vols dans deux endroits différents de la commune, commis le 9 septembre en réunion, la participation à un attroupement avec armes, et la dégradation de biens.
“C’est quand même pas de chance”
Côté personnalité, les robes noires n’avaient pas vraiment affaire à des caïds cette fois-ci. Casiers judiciaires vides, parcours sans histoire et respect de leurs obligations judiciaires… Plutôt du genre désoeuvrés embrigadés dans un cercle vicieux de vengeance/défense de leur village contre leur rivaux de Combani. Ironie du sort, l’un d’eux, animateur sportif à l’Office municipal des sports (OMS) de Tsingoni, espérait même obtenir l’allègement de son contrôle judiciaire pour signer son nouveau contrat et lancer son association de lutte contre la délinquance. Le jeune actif avait presque son stylo à la main et un voyage associatif à La Réunion dans ses cartons, avant se faire pincer ! Un autre pointait au RSMA depuis dix mois. Et l’un des détenus, qui venait d’avoir 18 ans au moment des faits – “c’est quand même pas de chance”, glissera le président – prépare son bac. Quand on leur pose la question, les trois placés en détention tiennent tous à peu près le même discours : la vie en prison est “difficile à supporter”.
Bref, la relative insertion de la bande poussera la procureure à requérir des modifications dans leurs mesures de sûreté. Et même, à demander le placement sous contrôle judiciaire des trois détenus mais en ajoutant pour les cinq une interdiction d’entrer en contact avec la plaignante, “au vu des pressions que Madame évoquait en début d’audience”. Une clémence qui mérite d’être soulignée, alors que le parquet, représentant des intérêts de la société civile, est plutôt du genre à vouloir serrer les vis. Mais les juges ne partageront pas son analyse, cette fois-ci, et décideront du maintien en l’état des mesures de sûreté pour les cinq prévenus, jusqu’à leur prochaine audience. “Vos formations et vos contrats, vous vous en occuperez après vos audiences de jugement”, conclut le président de l’audience. Sans autre forme de procès.
Annoncé depuis plusieurs semaines, la préfecture vient de signer son premier pacte de sécurité avec une commune du territoire, celle de Mamoudzou. Ce partenariat conduit à une meilleure articulation entre le maire et le préfet et à une plus grande visibilité des forces de sécurité. Renforcement des effectifs des polices nationale et municipale, installation de caméras dernière génération, déploiement de l’éclairage public, destruction d’habitats illégaux et prévention de la délinquance sont les grands axes de travail.
Râbaché à chacun des déplacements du préfet, c’est enfin officiel ! Le délégué du gouvernement, Jean-François Colombet, et le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla, ont signé ce jeudi 22 octobre le premier pacte de sécurité du territoire pour une durée de 3 ans. « Un message fort pour l’ensemble des administrés », assène l’édile en préambule. Malgré les mesures sanitaires lors du protocole, les sourires se dessinent derrière les masques des deux hommes. Et pour cause, ce partenariat « rénové et renforcé » doit permettre d’atténuer les tensions mais aussi et surtout de retrouver un semblant de paix sociale, alors que le 101ème département vit sous la coupe d’une recrudescence de la délinquance ces derniers mois. Un sentiment plus que partagé par le locataire de la Case Rocher qui martèle qu’il est désormais temps de « regarder dans la même direction lorsqu’il s’agit d’assurer la sécurité de nos concitoyens ». Preuve de ce rapprochement, la présence du chef de la sécurité publique de Mamoudzou, Sébastien Halm, et du directeur de la police municipale par intérim, Anfane M’Dogo. Une communion main dans la main ou presque… Distanciation physique oblige.
Caméras modernes, inaccessibles et incassables
Mais concrètement, que trouve-t-on dans ce pacte ? « C’est précis, nous désignons des référents avec des numéros d’appels joignable en permanence, 24h sur 24, 7 jours sur 7, pour permettre une fluidité des informations », souligne Jean-François Colombet. Plus le droit aux excuses donc ! D’autant plus que de nouveaux effectifs vont venir grossir les rangs des deux unités. D’un côté, l’État prévoit d’envoyer 25 fonctionnaires avant la fin de l’année ainsi que 10 véhicules, suivis de 18 en 2021, de l’autre, la mairie s’engage à recruter 8 policiers municipaux pour passer l’équipe à une capacité de 45 agents. Et en plus du bâtiment déjà en service aux abords du marché couvert pour ajouter de la proximité, « nous allons créer d’autres postes avancés à proximité des mairies annexes de Passamaïnty et de Kawéni », rajoute Ambdilwahedou Soumaïla, qui vante les mérites de son arrêté, paraphé début septembre, pour interdire la vente à la sauvette sur cette zone.
Et ce n’est pas tout. Pour favoriser leur travail au quotidien, la commune doit se doter d’un système de vidéoprotection dernier cri. « Des caméras modernes, inaccessibles et incassables pour favoriser l’élucidation des faits », précise le préfet, pour défendre ce dispositif qui porte pourtant atteinte aux libertés individuelles. « Dans les grandes métropoles, quand il y [en] a, c’est plus calme en centre-ville. Une forme de sérénité s’installe. » Or, selon Laurent Mucchielli, sociologue auteur de « Vous êtes filmés – enquête sur le bluff de la vidéosurveillance », la présence d’images utiles n’est avérée que dans 1 à 3% du total des enquêtes réalisées dans l’année sur une commune. Sans compter que ces outils ne protègent pas la population des vols ou des agressions et surtout qu’ils déplacent simplement les problèmes vers d’autres endroits.
Les jeunes à la lisière de la délinquance
Suffisant pour stopper ou tout du moins diminuer les actes de violence ? Pas sûr donc… Alors la municipalité compte renforcer l’éclairage public, le cheval de bataille du premier magistrat depuis son élection, pour réduire les délits. Un enjeu encore plus indispensable à la vue des nombreuses zones d’ombre dans certains quartiers. À ce sujet, la ville chef-lieu s’associe au conseil départemental, qui a voté une subvention exceptionnelle de 10 millions d’euros en ce sens. Autres efforts réalisés avec « la mise en place de fourrières véhicules et animaux car des bandes disposent de chiens dangereux » et l’engagement de traiter à la racine l’occupation illégale du foncier. « Nous allons détruire ces habitats que ce soit en flagrance grâce à l’aide de la police municipale ou par le biais de la loi Elan. Nous voulons agir méthodiquement sur ce point. » Au-delà de tous ces aspects régaliens, la médiation, via les groupes de médiation citoyenne, joue un rôle primordial dans le profilage « de ces jeunes à la lisière de la délinquance pour les orienter vers des pistes de formation ». Un chantier entrepris depuis plusieurs mois qui tarde encore à faire ses preuves.
« Heureusement que la police est là ! »
Pour résumer, ce pacte de sécurité s’organise autour de plusieurs grands principes. Avec tout d’abord une circulation plus fluide des informations opérationnelles entre les deux institutions. Mais également une gouvernance plus efficace « aussi bien au niveau des services qu’à l’échelle politique » grâce à des rencontres stratégiques plus régulières – 1 fois par mois – pour évoquer en long, en large et en travers les sujets sécuritaires. « Ce pacte doit conduire à une meilleure articulation entre le maire et le préfet », promet Jean-François Colombet. Et aussi « à une plus grande visibilité des forces de sécurité, la nuit en particulier, pour que les habitants puissent sortir de chez eux sans tomber sur des malfaisants ». Ce document qualifié de « très équilibré » mêle la sécurité publique, l’insertion et la formation. « Nous appliquerons ce pacte sous le regard des observateurs car ce protocole est public », assure le préfet au moment de la signature. Bien aidé par le stylo d’Anfane M’Dogo… « Heureuseulement que la police est là ! », note-t-il alors avec une pointe d’humour. Un acte prémonitoire ?
Management, développement durable, développement numérique, coopération régionale et même surf… Nombreuses ont été les thématiques abordées par le scientifique Joël de Rosnay, intervenant à l’occasion du 3ème forum économique de Mayotte. Ce jeudi après-midi, il animait à distance un atelier de réflexion autour de la perspective « Mayotte 2050 ». Au cœur des échanges, les innovations futures qui pourraient faire de l’île une vitrine mondiale et attirer de potentiels investisseurs extérieurs.
Au deuxième et dernier jour du troisième forum économique de l’île, les petits masques en tissu estampillés « Oui Mayotte ! » étaient encore nombreux, jeudi après-midi, sous le toit de l’hémicycle du conseil départemental. Il faut dire que l’atelier du jour, « Mayotte 2050, importance du lien humain, social, de l’énergie et du numérique » était animé par une pointure. Si certains connaissent Joël de Rosnay comme l’un des piliers du surf en France, c’est cette fois en sa qualité de prospectiviste que le scientifique intervenait, par visioconférence, face aux acteurs du tissu économique local. L’objectif du question-réponse du jour : développer des pistes de réflexion qui, sur le plan technologique, numérique et scientifique notamment, pourraient faire rayonner Mayotte et ses innovations futures, dans sa région et au-delà.
« Il faut anticiper, prévoir et s’adapter, comme pour le surf ! », introduit le conférencier à la façon d’un mantra. « Mayotte a largement de quoi devenir un laboratoire expérimental pour la France, et dans le monde. » Mais avant de rentrer dans le concret, Joël de Rosnay prévient d’emblée : pour développer la coopération, notamment avec les pays voisins que sont Madagascar et les Comores, « il faut favoriser la communication numérique en réseau. En créant un réseau humain et numérique d’échanges, on peut créer une interaction dynamique et de nouvelles valeurs, de nouvelles idées pourront émerger ». Autrement dit, le développement de l’accès au numérique dans la région, via notamment la diminution des coûts d’accès, sont les premières conditions sine qua non pour qu’enfin, Mayotte deviennent une terre d’innovation, comme l’ambitionne le forum économique.
« Mayotte peut aussi suivre les traces de l’énergétique moderne »
Voilà pour les bases. « Mais dans le monde d’après, il faut des résultats ! », s’inquiète un participant. Là, Joël de Rosnay ne manque pas d’idées, et cite en exemple le cas du groupe Rogers, né à Maurice, son île natale à lui aussi. « Il s’agit d’une grande entreprise qui a développé sur le terrain des actions concrètes et expérimentales en relation avec les pouvoirs publics, les particuliers, les administrations… », et qui s’est particulièrement illustrée dans le milieu du tourisme. « L’éco-tourisme permet d’ailleurs d’établir des règles et des contraintes pour que l’environnement soit respecté », sourit le conférencier, interrogé sur la préservation des récifs coralliens dans le futur. Là encore, Joël de Rosnay invite à s’inspirer de Maurice, où les élevages de coraux permettent de réintroduire l’espèce dans les milieux les plus menacés.
« Mayotte peut aussi suivre les traces de l’énergétique moderne ! », assure Joël de Rosnay, en évoquant les perspectives que peuvent représenter la production d’hydrogène, « qui attire de plus en plus », ou le développement local du mix énergétique. « Il faut être capable d’utiliser les énergies entre elles plutôt que séparément. C’est ce que j’appelle les trois E : économie ; efficacité énergétique et énergie renouvelable. » Puis dans l’assemblée, une entrepreneuse s’inquiète : « Est-ce que nous, chefs d’entreprise, ne serons pas juste spectateurs de ce développement là ? » Surfant encore sur la vague du positivisme, Joël de Rosnay la rassure : « Il va falloir créer des groupements d’intérêt économique, qui sont d’une grande force sur le plan juridique notamment ! » Pendant une heure encore, les idées fusent, tout azimut : créer une école de leadership, qui serait la première de l’océan Indien ; innover dans les biopesticides et les faire expérimenter localement ; lancer des master class données par des élèves spécialisés dans leur domaine à d’autres élèves moins experts, à la façon de ce que propose déjà Universcience à Paris. En d’autres termes, l’innovation passera par la co-construction et la co-éducation, ou ne passera pas. « Il ne s’agit pas de développer l’économie pour construire des autoroutes, mais pour construire le bonheur des Mahorais », insiste le directeur de l’Adim, Frantz Sabin. Alors, après les discussions, place à l’action.