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Littoral de Mayotte : Kyrielle de plaisirs à loisirs entre plages et lagon

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Pour mettre à l’honneur ses richesses et les faire découvrir au plus grand nombre, l’Office du tourisme du Centre Ouest organisait un éco-tour le dimanche 22 novembre. Agriculture, tradition, littoral… Toute la semaine, Thomas Lévy vous plonge dans les trésors cachés de cette partie du territoire. Carnet de route d’un habitant séduit. 

Les arrivants qui parlent de brochettes de bœuf et de mabawas concernant la gastronomie à Mayotte ne savent définitivement pas ce qu’ils ratent ! Nous les laissons parler, en espérant qu’un jour, ils découvrent au hasard une vraie dégustation locale à l’occasion d’un mariage ou d’un foutari pour parler en connaissance de cause. Sambos mataba, trondro (bigorneaux) en sauce, poissons combava, subtiles différences entre le romasava malgache et celui local… Un univers encore à explorer pour les gourmands ! À la suite d’un voulé aussi simple en apparence que délicieux, nous voici transportés de la plage vers le lagon avec Happy Divers, logés depuis deux ans sur la plage de Milha, juste avant Ambato.

L’occasion rêvée de profiter de la tranquillité offerte sur la plage de Mutsumbatsu. Là où tout n’est qu’ordre, beauté, luxe, calme et volupté… Mais sans savoir qu’à quelques brasses du sable se trouve l’un des plus beaux spots de Mayotte ! Ackem, directeur de l’Office du tourisme du Centre Ouest, et deux élus présents ce jour-là s’y aventurent. Éric, l’un des trois skeepers, explique que Mayotte est plus ancienne que La Réunion. « C’est pourquoi après l’éruption initiale du volcan, cette île a eu plus de temps pour absorber complètement le basalte et produire ces platiers magnifiques. » Dans la clarté des eaux, mille poissons, poulpes ou murènes filent jusqu’au port de Longoni, où était implantée une entreprise de pisciculture. Pas sûr que les ports de Marseille ou du Havre puissent en dire autant !

Des touristes ? Peu. Beaucoup de Mzungus locaux, à l’instar des salariés du centre hospitalier, des enseignants, des militaires et autres employés de la fonction publique. Mais aussi quelques Mahorais, âgés de 20 à 40 ans, souvent issus de parents liés à la mer, qui viennent voir de leurs propres yeux cette lumière qu’ils ont vu dans ceux de leurs aïeux. Éric les appelle les « ambassadeurs du lagon », car revenus sur la terre ferme. Ce sont les premiers à diffuser autour d’eux cette richesse incomparable et cette conscience qui s’impose d’elle-même. Amis de la plage : autant que le terroir local ou la mosquée de Tsingoni, cette découverte vaut aussi tout l’or de l’île !

 

Yann Le Bris, nouveau procureur à Mayotte : “Je souhaite apporter ma pierre à l’édifice pour renforcer la sécurité”

Le successeur de Camille Miansoni au poste de procureur de la République a pris ses fonctions hier, au tribunal judiciaire de Mamoudzou. Portrait de Yann Le Bris, le nouveau Monsieur Justice du 101ème département.

 

C’est officiel. Depuis ce mardi 1er décembre, Mayotte accueille un nouveau procureur de la République. Yann Le Bris a pris ses fonctions hier matin au tribunal judiciaire à Kawéni, en présence des représentants des institutions de Mayotte, et du préfet Jean-François Colombet. Une cérémonie qui marque une nouvelle étape dans la carrière déjà fournie du magistrat, ex-procureur de la République à Brive, en Corrèze.

Après un passage dans les administrations, Yann Le Bris intègre la magistrature en 2004. À partir de 2006, il exerce ses fonctions au sein de huit parquets différents, essentiellement dans l’ouest de la France, à Dinan, Saint-Malo, Rennes ou encore Laval, avant d’atterrir à Brive-La Gaillarde en 2018. Autant d’expériences qui lui ont donné des billes pour exercer au mieux un métier “très riche”, qui “nous confronte à des partenariats multiples, que ce soit avec les autorités préfectorales, les collectivités locales, le tissu associatif”, décrit-il aujourd’hui.

Nouveaux défis à Mayotte

Lors de ses précédentes fonctions en Corrèze, Yann Le Bris avait fixé ses priorités en matière de lutte contre les stupéfiants, d’insécurité routière et de violences aux personnes. Il faut dire qu’en 2018, le nombre de conducteurs contrôlés comme positifs sous l’emprise de stupéfiants dans ce bout de pays du centre-ouest de la France avait augmenté de 320% en l’espace de quelques mois !

À Mayotte, ce sont d’autres défis qui attendent le parquetier. Mais le nouveau Monsieur Justice se garde bien, en ce jour 1 de sa prise de poste, de s’étaler sur une feuille de route qui serait “présomptueuse”. “Je pense qu’il faut surtout que je fasse preuve d’humilité et que je rencontre ceux qui travaillent et tâchent d’apporter des réponses au quotidien. Tout ce que je peux dire aujourd’hui, c’est que je suis là pour apporter ma pierre à l’édifice, le temps de mon passage ici, pour renforcer la sécurité.”

“On ne fait pas le métier de magistrat pour être aimé”

Une tâche ardue dans un territoire où la justice est souvent la cible des critiques d’une population lassée par une réponse pénale qu’elle juge insuffisante. Son prédécesseur, Camille Miansoni, en avait fait les frais. “Nous ne faisons pas le métier de magistrat pour être aimé mais pour donner une réponse à une situation de non-respect de la loi”, balaie Yann Le Bris. “Si la population est satisfaite de mon action, j’en serais ravi mais l’important reste de faire fonctionner au mieux cette juridiction.”

Ce discours ferme, les organes de presse locale s’en font faits le relais plus d’une fois lors de ses différentes prises de fonctions, tout en saluant également son humanisme, son ouverture et aussi son humour. C’est sans doute un peu de toutes ces qualités dont il devra faire preuve pour affronter les problématiques spécifiques du 101ème département, où la délinquance, notamment juvénile, occupe particulièrement les audiences du tribunal. Un sujet que le nouveau procureur semble prêt à saisir à bras le corps. “J’ai eu affaire à de nombreuses reprises dans le cadre de mes fonctions à des problématiques de délinquance des mineurs ou de criminalité. Certes, Brice est un endroit où il fait plutôt bon vivre… mais il y a à espérer que Mayotte le soit tout autant”, glisse-t-il. Un brin malicieux ?

 

Les jeunes de Dembéni s’engagent dans la prévention du Sida

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La semaine de sensibilisation et de prévention sur les IST et MST, notamment sur le Sida, continue. Ce mardi, les étudiants du BTS SP3S du lycée polyvalent de Dembéni ont dédié toute une matinée à cette cause. Ils ont convié les lycéens de l’établissement à des ateliers et à une pièce de théâtre entièrement consacrés à la maladie. Les élèves ont participé massivement, mais ils restent encore mal informés.

Effacer les idées reçues et mieux informer les adolescents. Voilà l’objectif des étudiants en BTS SP3S, service et prestation des secteurs sanitaires et sociales, du lycée de Dembéni. En cette journée mondiale de lutte contre le Sida, ils ne pouvaient pas passer à côté de cette mission qu’ils jugent cruciale. « On a remarqué qu’à Mayotte les jeunes sont mal informés ou pas du tout informés. On leur dit que la maladie n’existe pas chez nous, on veut combattre cela », explique Chamsia Boina Hassani, étudiante en BTS SP3S. La matinée a été rythmée par des ateliers questions-réponses qui a permis de constater que les élèves ont encore beaucoup à apprendre. Mais le moment tant attendu était la pièce de théâtre.

À travers cet art, les étudiants ont parlé ouvertement de dépistage, de relations sexuelles, de maladies et d’infections sexuellement transmissibles. Les comédiens en herbe ont reçu l’effet escompté puisque le public a été réceptif et a ri tout le long de la pièce. Message reçu 5 sur 5 ! « J’ai compris qu’il faut se protéger quand on a des relations sexuelles. Et si on prend des risques, il faut aller voir un médecin », indique Hachmiya Houmadi, élève en terminale au lycée de Dembéni. « Moi je ne pensais pas que le Sida pouvait avoir des conséquences aussi graves. J’ai saisi l’importance de se protéger maintenant », ajoute son voisin, Farel Mohamed, élève en seconde. Les jeunes ont pris la question très au sérieux et se sont montrés curieux. L’objectif principal est dont atteint pour les organisateurs de la matinée de prévention et de sensibilisation du Sida.

Un sujet encore tabou au sein des familles mahoraises

Si la grande majorité des jeunes sont dans l’ignorance, c’est également à cause de la société dans laquelle ils évoluent. À Mayotte, les questions liées à la sexualité sont complètement tabous. Parler de VIH, d’IST, ou encore de dépistage avec leurs familles est une chose inconcevable pour eux. « Nos parents n’osent pas aborder le sujet, et si je prends l’initiative de le faire, ma famille va penser que j’ai envie d’avoir des relations sexuelles. Alors je préfère ne pas en parler tout simplement », explique Hachmiya, l’élève de terminale. « Et puis de toute façon même si on a le courage d’en parler avec nos parents, ils passent rapidement à autre chose », raconte Oumaya, sa camarade.

Pourtant, ces jeunes ont des interrogations qui restent souvent sans réponses. Certains se tournent alors vers leurs amis, qui ont un peu plus d’expérience. « Je peux en parler uniquement avec mes amis. Ils me disent ce qu’ils ont appris à l’école ou par eux-mêmes », avoue Farel Mohamed. Malheureusement, c’est souvent ainsi que se transmettent les fausses ou les mauvaises informations qui peuvent être aussi fatales que la maladie en elle-même.

 

Après un an à la présidence des RUP, “les combats sont toujours difficiles à gagner” à Mayotte

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Jeudi 26 et vendredi 27 novembre se tenait la XXVème édition de la conférence des régions ultrapériphériques d’Europe. Mohamed Sidi, 6e vice-président chargé de la coopération décentralisée et des affaires européennes, revient sur les enjeux de la présence européenne à Mayotte, qui occupait la présidence des RUP depuis février 2020.

 Flash Infos : Mayotte a connu une présidence des RUP assez particulière cette année en raison de la crise sanitaire. Quel bilan faites-vous de cette année, et de cette XXVème édition de la conférence des RUP, qui signe le passage du flambeau aux Açores ?

Mohamed Sidi : Nous avons succédés à Saint-Martin il y a huit mois de cela. Pendant ces huit mois, nous n’avons pas chômé, crise Covid ou pas ! Tous les mois, le comité de suivi s’est réuni pour faire des propositions sur des questions essentielles. Car nous sommes dans une période très dense, notamment avec l’approche de la prochaine programmation des fonds européens pour 2021-2017. Les négociations sont en cours et nos équipes travaillent au quotidien pour faire émerger des propositions. Au niveau du bilan de cette présidence, il faut aussi mentionner les écrits que nous avons produits aux mois d’avril et de juin pour demander la solidarité de l’Europe face à cette pandémie et ses conséquences dévastatrices pour l’économie. Nous avons été entendus par la Commission qui a déployé le plan React-EU avec un volet spécifique pour les RUP. À Mayotte, par exemple, ce sont 150 millions d’euros que nous avons obtenus pour relancer les gros chantiers, l’innovation, bref l’économie. Nous avions aussi des inquiétudes quant au taux de cofinancement du FEDER et FSE+, puisqu’il a été question un temps de le ramener à 70%. Nous avons pu le maintenir à 85%, c’est une petite victoire. Pour chacune de ces enveloppes, il y des combats difficiles à mener, et à gagner.

FI : Justement, un combat a tenu en haleine les représentants des RUP et le Parlement européen : la réduction du POSEI, un sujet particulièrement sensible dans nos territoires, qui doivent structurer les filières agricoles. Contre toute attente, le Conseil européen et la Commission ont trouvé une solution pour maintenir le budget de la précédente programmation. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?

S. : Ce combat-là n’est pas terminé ! Certes, nous avons eu gain de cause par rapport à l’enveloppe initiale. Mais il faut savoir qu’à la base, nous demandions une augmentation, et seulement à défaut, le maintien de l’enveloppe dévolue aux RUP. Cette solution ne saurait s’inscrire dans la durée. Car l’enveloppe initiale avait été décidée avant même que Mayotte intègre les RUP, comme Saint-Martin d’ailleurs. Nous allons donc persévérer et nous espérons que les problématiques spécifiques de ces territoires seront mieux prises en compte. Pour Mayotte, par exemple, nous n’avons exploité qu’un seul des deux volets du POSEI, à savoir les aides dont les agriculteurs peuvent bénéficier en fonction des surfaces cultivées. L’autre volet concerne les animaux et nous sommes en train de poser les bases pour pouvoir en bénéficier. Car le manque d’abattoirs freine aussi le travail de nos agriculteurs. Bientôt, grâce au POSEI, nous pourrons faire sortir de terre l’abattoir de volaille de Kahani et aussi un abattoir de bovins avec la communauté de communes du Sud.

FI : Le Département vient de publier une vidéo réalisée par Naftal Dylan, pour vanter les projets nés à Mayotte grâce aux fonds européens. Pourquoi pensez-vous qu’une telle campagne de communication soit nécessaire ? Il est vrai qu’au quotidien, les Mahorais peinent à se sentir concernés par l’Europe…

S. : C’est parce qu’ils doivent voir les choses de leurs propres yeux ! Mais il faut un certain temps pour que les projets sortent de terre. À noter aussi que nous sommes sur la première période d’investissement des fonds européens à Mayotte. Certes, l’Europe a toujours été présente chez nous au travers du FED (fonds européen de développement), mais désormais, nous avons intégré le fonds structurel d’investissement de 2014. Il faudra quelques années pour que cela gagne en tangibilité pour les Mahorais. Mais je ne doute pas qu’au fur et à mesure, ils verront la patte de l’Europe sur le développement du territoire.

FI : Dans la vidéo se mélangent pêle-mêle plusieurs projets sortis de terre, d’autres en construction. Pouvez-vous citer quelques exemples concrets qui illustrent l’intérêt des fonds européens pour Mayotte ?

S. : Prenez les deux amphidromes acquis par le Département par exemple ! Un achat rendu possible grâce aux 12 millions d’euros financés par l’Europe. Il y a aussi l’hôpital de Petite-Terre, en train d’être construit, qui est abondé à hauteur de 17 millions d’euros. L’Europe à Mayotte, ce sont encore les voiries rurales en haut de Dembéni ou la filière agricole qui se structure grâce au FEADER, avec des bâtiments construits par Ekwali ou Avima Ovoma. Sans parler des PMI, de la formation et de l’insertion. L’Europe est très importante à Mayotte, surtout quand nous savons que les outils financiers au niveau national sont rares et compliqués. Il faut que les porteurs de projet se tournent de plus en plus vers les fonds européens.

FI : Le délai peut être long entre la programmation et la mise en paiement. Comment l’expliquez-vous ?

S. : C’est une question de savoir-faire et de technicité. Il faut pouvoir monter un dossier et après justifier de la bonne utilisation de ces fonds. Certains porteurs de projet n’étaient pas forcément préparés à répondre à tous les critères demandés. Beaucoup pensaient qu’il s’agissait de subventions classiques, alors qu’il faut en réalité avancer les fonds. Donc, il y avait un apprentissage à faire. Or, nous avons pris un peu de retard dans la certification de l’État comme autorité de gestion, qui est intervenue en août 2017 alors que la programmation débutait en 2014.

FI : L’État garde en effet la main sur ces fonds européens, alors que le conseil départemental en réclame l’autorité de gestion. Lors de sa venue, le député européen François-Xavier Bellamy soulignait qu’une enveloppe avait été particulièrement sous programmée, celle de l’assistance technique pour organiser la montée en compétence des agents. Cela explique-t-il les difficultés que Mayotte peut avoir à consommer ces enveloppes ?

 S. : Nos prédécesseurs avaient en effet choisi de transférer cette compétence à l’État. Le problème, c’est qu’il y a un important turn over au sein des services de la préfecture. Et ceux formés grâce à cette enveloppe de l’assistance technique partent au bout de quelques années. Je plains le SGAR (secrétaire général des affaires régionales), car c’est un gros effort à fournir pour former ces équipes ! Du côté du conseil départemental, nous souhaitons tout faire pour accompagner l’autorité de gestion. Nous avons mis à disposition des agents au SGAR ou à la DEAL pour qu’ils se sensibilisent à l’instruction complexe des dossiers de demande de fonds européens. De telle sorte que nous serons en mesure de récupérer l’autorité de gestion quand il le faudra, celle-ci étant une compétence régionale. En attendant, nous sommes en train de réfléchir à un organisme intermédiaire avec le SGAR pour que nos équipes travaillent main dans la main. Car ce sujet est avant tout celui du Département.

Tradition : La mosquée de Tsingoni, entre histoire et modernité

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Pour mettre à l’honneur ses richesses et les faire découvrir au plus grand nombre, l’Office du tourisme du Centre Ouest organisait un éco-tour le dimanche 22 novembre. Agriculture, tradition, littoral… Toute la semaine, Thomas Lévy vous plonge dans les trésors cachés de cette partie du territoire. Carnet de route d’un habitant séduit.

Cette mosquée surprend déjà, rien qu’à son approche. À côté d’un grand minaret des plus modernes, deux splendides mausolées extérieurs, issus d’un monde disparu, dont les splendeurs trônant à l’entrée imposent silencieusement le respect de l’histoire, comme une éternité restée vivante et palpable. Autour, enterrées sous les herbes, d’autres tombes sous les détritus, une toiture défraîchie. Où de simples parpaings çà et là en guise de murs, montrent le manque de moyens qui ont fait perdre à cette mosquée, la plus ancienne de France et classée au patrimoine de la nation, beaucoup de sa splendeur de jadis…

Mais comme le prônent bien des religions, la mosquée de Tsingoni rayonne plus en son intérieur qu’à l’extérieur ! Une fois parvenus à l’épicentre du mirhab, où prie l’imam face à ses croyants, les murs de corail fondu ont trois mètres d’épaisseur et les poutres qui les soutiennent paraissent démesuréese. Ce sont les commerçants swahilis qui dès le XIIIème siècle, ère de Philippe le Bel et début de la guerre de cent ans en métropole, l’auraient construite. Au XVIème siècle, le sultan Haïssa, fils du sultan Mohamed d’Anjouan, décide d’instaurer un nouveau sultanat à Mayotte dont la capitale sera Tsingoni et refait complètement la mosquée. Si les deux tombes à l’entrée sont celles de sa femme et de sa fille, la sienne, censée siéger face aux « tombes illustres » sur la photographie, aurait disparu. Et ce n’est pas tout : le minbar était à l’origine en bois précieux… Un vestige retrouvé plus tard à plusieurs kilomètres de là, dans la mosquée de Mutsamudu à Anjouan.

 Des découvertes surprenantes… Et à venir !

 Il y a quelques années, Vincent Liétard invite un architecte syrien à Mayotte pour qu’il juge de cet édifice hors du commun. Sa connaissance des mosquées shiraziennes le porte à prédire qu’en grattant les piliers du mihrab, il ne serait pas impossible qu’on y retrouve les textes sculptés par le sultan Haïssa pour l’inauguration de cette mosquée, qu’il avait fait intégralement reconstruire. Bingo ! Un peintre avait dû s’endormir sur son pinceau…

Et combien d’autres inconnues dorment en cette mosquée depuis des siècles, entre ces parpaings et cette histoire toujours vivantes ? Combien de découvertes et de merveilles pourraient se révéler par de simples analyses scientifiques en cette mosquée ? Une fois de plus et dans un domaine très différent de l’agriculture, les perspectives affluent.

Une mosquée ouverte au futur pour ses croyants

Cela fait rêver ! Si cette culture est bel et bien présente, elle n’a pas encore été scientifiquement explorée. La France a marqué son attention et les subsides du loto du patrimoine ont permis d’engager un bureau d’études pour analyser ce qu’il serait possible de concrétiser. À commencer par la toiture… Pour le reste, le primordial est d’ouvrir cet espace unique au plus grand nombre de croyants. Et de développer les salles de prière, car l’histoire, elle, n’a pas attendu et restera de toutes façons. Avec la foi que petit à petit, cette mosquée redevienne ce pourquoi elle fut bâtie jadis.

“Si on n’a pas les moyens de se procurer des préservatifs à Mayotte, on dit inshallah je n’aurai rien”

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Le 1er décembre marque la journée mondiale de lutte contre le Sida. À Mayotte, les actions de prévention et de sensibilisation se multiplient, mais il reste encore beaucoup à faire. Cependant, les efforts payent car la société mahoraise est de plus en plus sensibilisée à la cause.

C’est le nombre de personnes testées positives au VIH officiellement à Mayotte en 2019. Un chiffre à relativiser puisqu’il varie en fonction des arrivées et des départs sur le territoire. Chaque année, l’Agence régionale de santé Mayotte recense 50 nouveaux cas. Toutefois, en raison du manque de dépistages, les professionnels et les associations estiment qu’ils ne reflètent pas la réalité du terrain. Parmi ces malades, les femmes sont surreprésentées, non pas parce qu’elles prennent des risques mais plutôt parce qu’elles se font plus dépister. “On leur propose automatiquement de faire le dépistage pendant leurs grossesses. Pour l’heure, elles représentent 60% des personnes positives à Mayotte”, indique Flore Chauvin, chargée de mission en santé sexuelle au service prévention de l’ARS. Et comme derrière femme enceinte, il y a un homme, “on peut facilement considérer qu’ils sont tout aussi touchés. Malheureusement, on ne les voit pas”, regrette Flore Chauvin. Pourtant, les lieux de dépistages sont multiples sur l’île. Chaque individu, mineur ou majeur, peut se rendre au centre hospitalier de Mayotte au service Action de santé pour effectuer un dépistage complet de toutes les infections sexuellement transmissibles. Il s’agit d’un test anonyme et gratuit.

L’association Nariké M’sada, qui se trouve à Cavani, propose également des TROD, test rapide d’orientation et de diagnostique, gratuitement. Le résultat est disponible en quelques minutes, mais il est recommandé de le conforter avec des analyses biologiques. Enfin, il est toujours possible de se faire dépister au laboratoire privé, avec une ordonnance. Malgré cela, le dépistage se fait encore timide chez nous. “Le problème c’est que tout est centralisé à Mamoudzou. Le dépistage doit aller vers les gens et non le contraire”, estime Moncef Mouhoudhoire, directeur de la structure associative. Raison pour laquelle, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le Sida, l’ARS Mayotte et Nariké M’sada se déplacent dans 7 communes de l’île du dimanche 29 novembre au samedi 5 décembre.

Le difficile accès aux préservatifs

Les associations et l’ARS multiplient les campagnes de prévention, mais un problème majeur se pose sur l’île. Il est difficile pour une grande partie de la population de se protéger. Les plus concernés : les personnes en situation financière précaire et les adolescents. “Si on n’a pas les moyens de se procurer des préservatifs à Mayotte, on dit inshallah je n’aurai rien. Les pharmacies sont éloignées de beaucoup de villages et les lieux pour trouver des protections gratuites sont très limités”, affirme Moncef Mouhoudhoire. Pourtant, les acteurs concernés se sont investis pour faciliter l’accès aux préservatifs. “On a fait signer à toutes les communes la déclaration de Mayotte, le 30 novembre 2018. Elles se sont engagées à améliorer l’accès aux préservatifs de n’importe quelle manière. Depuis 2018 jusqu’à maintenant, personne n’a rien fait”, rappelle amèrement le directeur de Nariké M’sada. Une inaction qui ne concorde pas avec le travail quotidien des associations. En effet, il n’est pas cohérent d’inciter la population à porter des préservatifs, si elle ne peut s’en procurer facilement.

Les mentalités évoluent dans le bon sens

“Le VIH et le Sida restent tabou à Mayotte, car cela touche l’intimité, mais il faut noter une évolution des mentalités au fil des années. Les gens se font de plus en plus dépister”, constate Moncef Mouhoudhoire. Certaines personnes osent même s’afficher sur des panneaux publicitaires ou à l’écran. “Il y a quelques années, on avait du mal à trouver des gens pour poser pour les affiches de prévention, aujourd’hui c’est plus facile”, indique le directeur de Nariké M’sada. Les publicités ont également favorisé la démocratisation du débat autour des maladies et infections sexuellement transmissibles. Les couples n’hésitent pas à aller se faire dépister ensemble, en guise d’ultime preuve de confiance et d’amour. Selon Moncef Mouhoudhoire, “il faut inviter le sujet du dépistage au sein du couple parce qu’à Mayotte on est souvent dans des relations avec des partenaires multiples. On ne juge personne mais on demande juste aux gens de se protéger et de protéger leur entourage”. Alors on ne le répètera jamais assez, mais sortez couverts !

L’éclosion parfumée du pôle d’excellence rural de Coconi

À Mayotte, encore plus qu’ailleurs, il faut savoir prendre son mal en patience pour voir émerger un projet. Celui du pôle d’excellence rural à Coconi, un dispositif à destination des territoires ruraux, en est le parfait exemple : il remonte à 15 ans. Ce lundi 30 novembre, le Département a donc mis les petits plats dans les grands pour inaugurer ce nouvel outil de production et de recherche au service des 200 producteurs d’ylang-ylang de l’île aux parfums.

 L’aboutissement d’un processus vieux de 15 ans. Cette phrase résume parfaitement l’inauguration parfumée et tant attendue du pôle d’excellence rural à Coconi, qui s’est tenue ce lundi 30 novembre en présence de tout un contingent du conseil départemental. « Un moment important en lien avec le développement de l’agriculture mahoraise », souligne d’emblée le président de la collectivité, Soibahadine Ibrahim Ramadani, présent sur le site trois ans plus tôt pour poser la première pierre de ce chantier titanesque mais aussi pour planter un ylang-ylang, qui commence tout juste à produire ses effets parfumés. Pas anodin puisque cette nouvelle structure « performante et novatrice » sur l’île est au service des quelque 200 producteurs de cet arbre de la famille des Annocanées, bien connu pour son huile essentielle. Sauf que cette filière historique s’étiole depuis 40 ans, en étant passée de 1.000 à 102 hectares de plantation. Or, avec cette installation, l’idée consiste à « réunir ces acteurs » autour d’une ambition commune, à savoir la distillation unique et de qualité supérieure de plantes aromatiques à parfum et médicinales via une autorisation d’occupation temporaire (AOT) délivrée par le Département, et à « impulser une dynamique économique, pourvoyeuse d’emplois , notamment technique, commercial et touristique.

 Trois pôles répartis sur plus de 700m2

 Vu du ciel, l’infrastructure, et plus particulièrement la toiture en origami, offre des conditions de travail optimales. Les débords assurent l’ombrage des façades en position haute du soleil tandis que le traitement végétal au pied des élévations s’occupe de la protection en position rasante. La porosité par la systématisation des espaces traversants apporte un confort tandis que la hauteur des volumes participe au phénomène de stratification thermique. Sous la canopée, l’architecture organique propose des séquences rythmées entre activités et contemplations mais aussi des prolongements dans un schéma dedans/dehors permanent. Dans cet édifice, différentes zones s’identifient très clairement.

 À l’entrée, les visiteurs accèdent à un pôle éco-tourisme de 310m2 dans lequel se succèdent deux salles d’exposition, une temporaire de 50m2 et une permanente de 100m2, avec des jeux éducatifs axés sur l’ylang-ylang et le parfum, et un coin dégustation avec terrasse couverte. Un peu plus loin, les professionnels ont l’embarras du choix, avec un pôle recherche de 130m2 composé d’un laboratoire d’analyse et d’un atelier de distillation et un pôle économique de 290m2 constitué de bureaux pour les techniciens, d’un atelier de conditionnement pour la réception et la pesée des marchandises ou des épices, d’une salle de conditionnement pour la préparation à l’export et au détail et le stockage du matériel, et d’un autre atelier de distillation accessibles aux agriculteurs, qui comprend les alambics de plus de 1.000 litres et une zone pour étaler les fleurs. Le tout, sous le regard d’un chemin de découverte situé en plein cœur du jardin. « Avec ce PER, nous avons l’ambition de nourrir un agropole local par l’affichage de l’excellence et la spécificité mahoraise par rapport aux autres pays producteurs et de préparer aux formations dans le domaine des plantes remarquables », confie Soibahadine Ibrahim Ramadani, qui se souvient encore de son passage en 1956 et 1957 dans un bâtiment délabré à seulement quelques mètres. Où il lui arrivait peut-être de rêver à un tel projet…

 Valoriser la production et augmenter les revenus

Mais ce pôle d’excellence rural constitue une promesse pour l’ensemble du territoire. Surtout à l’égard des agriculteurs « qui vont trouver le moyen de valoriser leur production et d’augmenter leurs revenus », se réjouit Jean-François Colombet, le préfet de Mayotte. Un motif d’espoir sans précédent, sachant que « deux hectares de pieds d’ylang-ylang peuvent leur permettre de dégager un SMIC », précise Siti Frahati Said Hachim, responsable du service agriculture, pêche et programmation au Département. De bon augure face à la concurrence régionale très compétitive, notamment à Anjouan et à Madagascar. En attendant d’autres investissements, en plus des 4.6 millions déjà mis sur la table pour voir éclore cette construction (voir encadré). « L’État interviendra à nouveau, tout comme le PDR (programme de développement rural) pour financer la partie distillation industrielle et le POSEI (programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité) pour équilibrer le modèle économique et compenser les surcoûts propres à Mayotte », assure le délégué du gouvernement.

Une volonté à la fois nationale et européenne qui se marie à merveille avec celle de la collectivité locale. Cette dernière envisage l’émergence d’une troisième zone d’attractivité dans le centre pour désengorger Mamoudzou, comme en témoignent la prochaine livraison de l’abattoir de volailles peu avant l’entrée de Coconi et le pôle d’échange multimodal, en face du PER. Sans oublier la future cité administrative et la rénovation des bâtiments historiques qui font office de bureaux des ressources terrestres et maritimes à l’heure actuelle. « Cette zone est le grenier de Mayotte, mais aussi le château d’eau », admet Soibahadine Ibrahim Ramadani, en prenant pour exemple les parcs botanique et forestier, ainsi que la scierie départementale. En phase de reconstruction et de développement, l’île aux parfums démontre aussi que la préservation de son patrimoine et de son savoir-faire peut l’embaumer.

 

 Le Département et l’État valorisent l’ylang-ylang

Le pôle d’excellence rural a connu quatre conventions financières, dont la dernière datée du 23 février 2016 dans le but de réduire sensiblement la part d’autofinancement du conseil départemental qui, toutefois, s’élève à 2 millions d’euros, soit 42% du coût global. Quant aux 58% des aides publiques, l’État a fait appel à ses outils de financement suivant : 10.2% de fonds national d’aménagement et de développement du territoire, 26% de fonds ministériels mutualisés, 18,6% du contrat de projets État/région, 3.3% de l’office de développement et de l’économie agricole des Outre-mer.

 

 

 

 

Mayotte : Les transports scolaires reprennent la route… pour le moment

Les chauffeurs des bus scolaires se sont mis en grève illimitée le 25 novembre à la suite des affrontements de Dzoumogné la veille, qui ont conduit à la blessure de l’un des leurs. Ils ont donc appelé toutes les autorités de l’île à prendre leurs responsabilités. Après deux jours de conflit, un accord a été signé le 27 novembre.

Il aura fallu 4 heures de négociation pour que les syndicats des transports scolaires et les acteurs politiques du territoire trouvent un accord. Signé, le protocole met fin à la grève illimitée entamée le 25 novembre. “Nous avons fait ce qu’il fallait faire et presque tous les points que nous avons proposés ont été actés”, se réjouit Anli Djoumoi Siaka, secrétaire général FO Transport logistique UNCP Mayotte. La préfecture, le conseil départemental, le rectorat, l’association des maires, la société Matis et GIE Tama Ya Leo Na Messo prennent chacun des engagements pour assurer la sécurité des transporteurs et des élèves. “Le déploiement des effectifs de la gendarmerie et la police sur la zone de compétence et sur les tronçons de routes identifiés à risque” fait partie des grandes mesures prises par l’État. Les forces de l’ordre seront également autorisées à fouiller les sacs dans ces zones en question.

De son côté, le rectorat s’engage à “réactiver les évacuations d’urgence en cas d’atteintes graves” ou encore à contrôler les titres de transports, entre autres. L’académie se concentre particulièrement sur Dzoumogné, où des patrouilles des forces de l’ordre seront postées aux abords du collège et lycée. Deux nouveaux postes dAED (assistant d’éducation) et d’APS (assistant de prévention et de sécurité) ainsi que deux services civiques vont également renforcer l’équipe déjà présente sur les lieux. Attendu au tournant, le Département doit augmenter le “nombre de médiateurs à 50 en contrat précaire ». « Ils seront transférés dans l’accompagnement et 15 agents supplémentaires en temps complet. » Et si cela vient à ne pas suffire, il fera appel aux entreprises privées de sécurité.

Autre sujet de débat lors de la réunion : l’itinéraire des bus scolaires. Les deux sociétés de transports et le conseil départemental doivent proposer “un plan de transport” qui sera appliqué si les caillassages se répètent. Au total, ce ne sont pas moins de 23 mesures qui ont été prises et les autorités sont priées d’assurer leur mise en oeuvre car “quand nous parlons de sécurité, il ne s’agit pas de politique mais de vies en jeu”, souligne le syndicaliste.

“Satisfait n’est pas le mot adapté”

Une nouveauté est à souligner dans ce protocole. Conviée à la table des négociations, l’association des maires va mettre à disposition la police municipale ou les agents ASVP afin de sécuriser les arrêts de bus. Une participation indispensable selon Anli Djoumoi Siaka. “Les maires ont su prendre l’ampleur de la situation. Ces violences se produisent chez eux, ils ont donc leur part de responsabilité. Ils doivent sécuriser.”

Malgré cette fin de conflit sur le papier, les syndicats restent sur leur garde. “Je ne peux pas dire que nous sommes satisfaits, ce n’est pas le mot adapté. Nous sommes plutôt attentifs et vigilants. Parce que nous avions déjà signé un précédent accord, mais il n’a eu aucun effet”, rappelle le secrétaire général FO Transport logistique UNCP Mayotte. Les deux semaines restantes avant les vacances scolaires serviront à tester l’efficacité de ce protocole. En parallèle, des discussions pour préparer la rentrée et le reste de l’année seront entamées. Mais tous gardent en tête que tout peut basculer en quelques heures à Mayotte.

(Agri)culture : Mayotte, une île où le jardin d’Eden à un goût de vanille

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Pour mettre à l’honneur ses richesses et les faire découvrir au plus grand nombre, l’Office de tourisme du Centre Ouest organisait un éco-tour le dimanche 22 novembre. Agriculture, tradition, littoral… Toute la semaine, Thomas Lévy vous plonge dans les trésors cachés de cette partie du territoire. Carnet de route d’un habitant séduit.

Le programme de la journée promettant d’être chargé, nous montons dans un minibus qui nous mène à un kilomètre de la ville de Tsingoni. Et à quelques pas du sentier se trouve le domaine où, avec Foundi Madi et son équipe de Saveurs et Senteurs, nous découvrons une culture ancestrale et emblématique à Mayotte : celle de la vanille…

Une qualité qui tient toutes ses promesses

Après une demande d’analyse à des experts de la vanille ainsi qu’à des laboratoires en métropole, pour connaître la qualité ce cette filière à Mayotte et pouvoir la comparer aux espèces de La Réunion ou de Madagascar, les résultats sont édifiants : une qualité d’excellence avec des arômes de pruneau, de fruits secs et de cacao… Des experts qui sont prêts, dès cette année, à acheter ce produit local, pour le distribuer en métropole à sa juste valeur. Car si ce produit est encore inconnu en métropole et plus rare que les productions malgaches ou réunionnaises, il se caractérise indéniablement par sa qualité ; avec un soin tout particulier porté à la fraîcheur des récoltes pour Saveurs et Senteurs.

 Foundi Madi nous ouvre son jardin d’Eden

Foundi Madi nous initie à son savoir-faire et son jardin. Où pour la vanille, chaque étape a son importance et l’agriculteur de jouer sans cesse entre l’eau et le soleil ; de l’orientation pour la plantation, aux tuteurs ou d’autres arbres plantés autour pour protéger la récolte. Et de ce point de vue, entre avocats sauvages, citronniers, corossols, manguiers, bananiers, cocotiers, curcuma ou tubercules, ce jardin, qui aurait l’air, vu du sentier, d’une belle malavoune, s’avère receler un véritable garde-manger ! Un tout harmonieux qui protège les vanilles que Foundi féconde à la main, gousse par gousse.

 Une renaissance pour cette filière

 La difficulté est (ici aussi et plus qu’ailleurs !) l’eau. Tant par ses variations conséquentes chaque année, que par la régularité de sa distribution, ses infrastructures d’abduction comme d’électricité.
Autre problématique à laquelle les professionnels entendent remédier : sur les 85 producteurs déclarés, 80% ne parlent pas français (ce qui représente un sérieux problème pour l’exportation) et ont une moyenne d’âge de 60 ans environ. C’est pourquoi, au vu des perspectives que cette filière représente, il est temps de la moderniser et de lui donner un second souffle. Car si ce savoir-faire est ancestral, il manque un peu de technicité… C’est pourquoi le lycée agricole ouvrira une formation à la jeunesse dès l’année prochaine.

 Des filières solidaires qui s’organisent dès à présent.

Pour aller ensemble de l’avant et solliciter les fonds européens agricoles pour le développement rural, ces filières d’avenir s’organisent. C’est le cas de Banga Chocolat qui a planté durant la saison des pluies dernières 1.400 cacaotiers répartis chez différents producteurs. Ils ont aussi découvert un café sauvage déjà présent à Mayotte et de bonne qualité : 1.500 kg cette année ont été récoltés. Le but, bien sûr est de transformer café et cacao. Un projet de 260.000 euros avec un apport de 75% de la part du FEADER et du conseil départemental, avec un apport personnel de l’entreprise pour 25%. L’inauguration de l’atelier est prévue à Combani le mois prochain. Les premiers essais en chocolat sont, eux aussi, très prometteurs et je vous invite à goûter le subtil mélange entre café et cacao.

 

Opération reboisement à Passamaïnty : la citoyenneté en ordre de marche

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Dans le cadre de l’opération Urahafu na Unono organisée par la ville de Mamoudzou pour la propreté et la salubreté publique, l’association de quartier Adedupass a replanté une trentaine d’arbres ce dimanche dans le village. Reportage avec ces “soldats” de l’environnement.

“Et voilà, on a Passamaïnty sous les pieds !”, lance avec enthousiasme Sidi Moukou malgré la sueur qui perle déjà sur son front à cette heure matinale. Il est à peine 8h ce dimanche quand la troupe d’Adedupass, une association citoyenne du village, arrive en haut de cette côte terreuse et escarpée, le dos fourbu par les grandes plantes que chacun vient de porter à la force de ses bras. Au loin, les petits maillots jaunes ou bleus s’agitent sur la pelouse du stade tandis qu’à quelques mètres, bangas et constructions en tous genres s’élèvent vers le ciel. Plus proche encore, sous les pieds de ces planteurs du dimanche, justement, poussent sans contrôle apparent brèdes et manioc. “Ça dans quelques mois, on va l’acheter au bord de la route !”, déplore un membre du groupe, une pointe de lassitude dans la voix.

30 arbres plantés sur la colline

C’est que l’association travaille d’arrache-pied, on peut le dire, pour tenter de préserver un peu l’environnement de Passamaïnty. Ce week-end, dans le cadre de l’opération Urahafu na Unono organisée par la ville de Mamoudzou, Adedupass s’est donc naturellement mobilisée pour la salubrité urbaine. L’objectif du jour : reboiser quelques parcelles dénaturées par les plantations sauvages de bananiers ou de manioc, qui ont appauvri la terre. “Ici, avant, on ne voyait pas le sol. Mais aujourd’hui tout a été arraché, ou brûlé. Et même maintenant, il n’y a plus que du manioc, les bananiers ne poussent plus”, analyse celui que tout le monde surnomme “SD”.

Au moins deux fois par an, Sidi Moukou gravit les chemins autour du quartier pour lutter contre cette déforestation. En tout, ce sont une trentaine de fruits à pain, Aphloia theiformis, Erythroxylon, et autres plantes indigènes achetées dans une pépinière grâce aux subventions de la mairie que les jardiniers du jour entendent faire prospérer sur cette terre aride et caillouteuse. Sans oublier bien sûr un jeune baobab, qui trône désormais fièrement en haut de la colline, face au lagon. “Il n’est pas magnifique, ici, le baobab ?”, s’enquiert Estelle en posant ses mains sur ses hanches, la mine satisfaite.

Les conséquences de l’agriculture informelle

Encore faut-il qu’il survive. Son principal prédateur ? Les agriculteurs “improvisés” qui cultivent sur ces terrains du conseil départemental de quoi vendre sur le bitume en contrebas. Il n’est pas rare que l’association y perde quelques heures de travail à tenter de reboiser des parcelles du village. “On était déjà venus ici il y a deux ans, depuis la moitié a été arrachée”, soupire SD. Sans pour autant se décourager. Chez Adedupass, chacun met la main à la patte comme il peut. “Nous, on vient d’Hajangoua, mais on a adhéré à l’asso car on n’a pas encore trouvé dans notre village, un tel groupe, animé par un vrai élan citoyen, comme celui-ci”, salue Estelle, plantée à côté de son baobab.

Un meuglement sourd lui répond. Sapristi ! Sur le flanc de la colline, face au village, un enclos de zébus a justement échappé à la surveillance de SD et sa bande. Des branchages ont savamment été disposés pour recouvrir l’abri, et seul le bruit des animaux et un morceau de barrière entraperçu au milieu des feuillages a mis la puce à l’oreille du jardinier. Dans la boue et la bouse, plus aucune trace des grands arbres qui devaient jadis offrir un peu d’ombre sur ce morceau de crête exposé aux rayons du soleil. “On va retrouver le propriétaire, et lui donner deux semaines, puis on va l’enlever, ce n’est pas possible…”, souffle un bénévole. Toujours prêt, malgré cette déconvenue, à repartir bêcher la terre sous un cagnard brûlant. Façon colibri.

Les épisodes cycloniques à Mayotte, « des événements rares mais pas improbables »

Jeudi matin, Jean-François Colombet, le préfet de Mayotte, et Emmanuel Cloppet, le directeur de Météo France pour l’océan Indien, ont fait un point sur l’ouverture de la saison cyclonique qui s’écoule du 15 novembre au 30 avril. En l’espace de six ans, l’île aux parfums a vu trois systèmes dépressionnaires frôler ses côtes. Cette année, le sud-ouest de la région devrait connaître une activité légèrement supérieure à la normale.

Décembre 2019. Pendant de longues heures, la population de Mayotte retient son souffle et a pour ordre de se barricader chez elle, par peur d’être frappée de plein fouet par le cyclone Belna, qui passera finalement à 120 kilomètres à l’Est des côtés mahoraises pour se fracasser dans la région de Soalala à Madagascar. Et ainsi éviter au 101ème département le pire… « C’était un bon exercice pratique », introduit Jean-François Colombet, le délégué du gouvernement, qui se souvient avoir mis en place des liaisons radiophoniques avec les maires et les sous-préfets, disséminés aux quatre coins de l’île. « Nous avons eu de la chance, nous avons eu le « scénario du meilleur », avec un changement de cap soudain, plein sud, au moment de [son] approche finale », renchérit Emmanuel Cloppet, directeur de Météo France pour l’océan Indien. « Mais un jour ou l’autre, nous [en] aurons moins. »

Au cours des six dernières années, deux autres épisodes cycloniques marquent les esprits : Hellen et Kenneth. Le premier, le cyclone le plus intense jamais observé sur le Nord du canal avec des rafales maximales supérieures à 300 km/h, remonte à mars 2014. Un épisode marquant par les précipitations, 233 mm en 24 heures à M’Tsamboro et 220 mm à Combani, les coulées de boue et les inondations engendrées. Le second, en avril 2019, s’avère plus destructeur en Grande Comore et dans le Nord du Mozambique, qui comptabilise 45 décès, et pousse la plateforme d’intervention régionale de l’océan Indien à envoyer du matériel sur place. Si ce sont « des événements rares mais pas improbables », le risque cyclonique existe bel et bien à Mayotte, comme en témoignent les 16 passages à moins de 200 kilomètres du territoire au stade de cyclone tropical en 45 ans.

« L’histoire n’est jamais écrite à l’avance »

Que dire alors de la saison écoulée ? Son bilan est relativement dans la moyenne, avec dix tempêtes tropicales – un record malgré tout depuis le début de l’observation satellitaire – et six systèmes ayant atteint le stade de cyclone tropical. Deux particularités sont toutefois à noter : une activité cyclonique nettement inférieure à la normale, compte tenu de la durée de vie moyenne extrêmement réduite que les phénomènes ont passé à une intensité significative, et des trajectoires atypiques en direction de l’Est-Sud-Est que l’on peut définir comme inversées par rapport à la norme climatologique. « La prévision cyclonique opérationnelle reste délicate », rappelle Emmanuel Cloppet. « L’histoire n’est jamais écrite à l’avance… »

À quoi peut-on s’attendre pour la saison à venir ? Le contexte climatique de grande échelle suggère « des conditions plus propices à la formation cyclonique à l’Est du bassin » et « un retour à des trajectoires plus typiques orientées vers l’Ouest ou le Sud-Ouest ». En clair, Météo France s’attend à « un renversement des tendances par rapport à l’an dernier ». Et donc à des trajectoires d’Est en Ouest qui tendent à toucher plus durement les terres habitées. « Il est hors de mes propos de faire des prévisions sur un territoire aussi petit que Mayotte. Mais il y a un risque accru pour Madagascar et les pays situés à l’Est de l’Afrique. » En termes de chiffres, Emmanuel Cloppet envisage entre 9 et 12 tempêtes d’ici la fin du mois d’avril et entre 5 et 7 cyclones matures. « Chaque année, nous avons des systèmes dépressionnaires dans le Canal du Mozambique », souligne l’expert, qui précise le contour de sa pensée. « Nous n’avons pas besoin d’avoir un cyclone intense pour avoir des déluges. » Mais surtout, il faut garder en tête que toutes ces prévisions restent incertaines. « Il faut intégrer cette incertitude dans un système qui est un compte à rebours. Nous sommes incapables de connaître les conditions 72 heures à l’avance. »

15 à 20.000 personnes mises à l’abri pendant Belna

D’où la difficulté de gérer une crise cyclonique comme en 2019, notamment au niveau des alertes données à la population. « Je ne suis pas partisan de [les] galvauder, car après les gens n’y croient plus. Il faut les utiliser à bon escient », décrypte Jean-François Colombet. Alerte ou pas, Mayotte s’expose à un autre souci majeur, celui de ses habitats précaires et « le ravage des tôles qui sont des armes léthales ». Difficile dans ces conditions de se confiner… D’autant plus que le potentiel de mises à l’abri reste relativement modeste sur l’île, puisqu’il se limite principalement aux établissements scolaires. « À l’avenir, nous mobiliserons davantage les écoles pour la proximité », précise le préfet. Reste que bon nombre d’habitants, notamment ceux en situation irrégulière qui habitent dans les bidonvilles, ne veulent pas quitter leur logement, par peur de se faire dépouiller ou pire encore de se faire renvoyer à la frontière. Selon le locataire de la Case Rocher, entre 15 et 20.000 personnes ont rejoint un bâtiment public pour se protéger lors du dernier épisode. « C’est très suffisant. Belna ne va pas forcément nous aider à accélérer l’opinion publique. Or, la menace qui pèse sur Mayotte est grandissante. » Que faire alors pour inverser la tendance ? « Nous avons toujours coutume de penser que cela ne nous touchera pas », indique Madi Souf, le président de l’association des maires. « Nous sommes trop fatalistes ! À nos yeux, il suffit de se rendre à la mosquée et de prier pour éviter un drame. » S’en remettre au Tout-Puissant visiblement…

 

 

La filière cosmétique à Mayotte se refait une beauté réglementaire

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Les professionnels qui souhaitent s’investir dans les produits cosmétiques ont été conviés à une matinée de formation le 26 novembre à la Chambre de commerce et d’industrie de Mayotte. L’objectif sur le long terme est de structurer la filière. Il est donc impératif que les produits fabriqués sur l’île soient conformes aux normes françaises et européennes.

Une dizaine de professionnels ont répondu à l’appel de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) et de la Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Dieccte) pour la formation sur la réglementation des produits cosmétiques fabriqués et vendus à Mayotte. “Il y a de plus en plus d’acteurs qui s’y intéressent. Cependant, cette filière est soumise à une certaine réglementation. Nous avons donc souhaité les informer des normes françaises et européennes qui sont applicables aussi à Mayotte”, rappelle Latufa Youssouf, responsable de la filière cosmétique et pharmacopée à la CCI.

Mais force est de constater que celles-ci sont peu connues des professionnels mahorais. “Je connaissais certaines règles parce que je me suis renseigné sur internet, mais aujourd’hui je réalise que j’ignorais beaucoup d’entre elles”, avoue Soumaila Moeva, producteur et distillateur d’ylang-ylang de la marque Jardin d’Imany. “Je connaissais quelques-unes de ces règles parce que je suis issue d’un BTS qualité dans les industries pharmaceutiques et cosmétologiques. Mais c’est vrai que je n’y prêtais pas vraiment attention, car je suis dans la distribution et non dans la fabrication”, affirme Soalihat Tany, gérante du magasin So boutik. L’objectif sur le long terme pour la CCI est de structurer la filière cosmétique, car les produits fabriqués à Mayotte se font encore de manière artisanale.

 Une réglementation difficilement applicable à Mayotte

Étiquetage, composants, analyses… Tout doit être conforme aux normes et doit être validé par le centre antipoison et toxicovigilance. Néanmoins à Mayotte, les outils nécessaires à la conformité française et européenne ne sont pas réunis. Les fabricants doivent envoyer leurs produits cosmétiques en métropole pour les faire analyser avant de les mettre en vente. “Je pense que beaucoup ne vont pas respecter cette étape parce qu’elle est contraignante. Envoyer les échantillons, attendre les résultats nous fera perdre beaucoup de temps”, selon Soalihat Tany. Cette dernière souhaite commencer à fabriquer ses produits, mais la réglementation, qu’elle découvre dans les moindres détails, risque de lui faire changer d’avis. Ne pas la respecter peut entraîner des amendes qui s’élèvent à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Les règles sont certes très strictes, mais elles peuvent également être considérées comme source de motivation. “Si je veux un jour m’exporter aux Etats-Unis ou en Europe, je dois me plier aux règles qui sont à la hauteur du marché que je veux conquérir. Il est donc tout à fait normal de se plier à la réglementation”, indique Soumaila Moeva.

Afin de mener à bien le projet de structuration de la filière cosmétique, la CCI annonce la création d’un technopole à Dembéni. Celui-ci devrait faciliter le travail des fabricants mahorais. “Ce sera une plateforme qui va héberger plusieurs activités. Il y aura aussi un laboratoire que nous espérons pouvoir équiper afin d’effectuer quelques analyses à Mayotte”, espère Latufa Youssouf. Mais tout ne pourra pas être fait sur place, l’envoie de certains échantillons dans l’hexagone sera inévitable. Quoi qu’il en soit, les producteurs et vendeurs devront appliquer cette réglementation car la Dieccte prévoit déjà d’effectuer des contrôles dans quelques mois. Le temps de laisser les choses se mettre en place.

 

 

Une fillette de 3 ans sauvée de la noyade par un pompier de Mayotte

Une enfant a failli perdre la vie ce dimanche, sur une plage sans surveillance, à Iloni. Par chance, un pompier en repos se trouvait là et a pu lui prodiguer les premiers secours. Un événement qui rappelle l’urgence de surveiller les plages dans le 101ème département.

La scène se passe un dimanche, en fin d’après-midi, à Iloni. Il est environ 16h, quand Ayouba, qui profite de ce jour de repos avec quatre camarades, jette un œil par-dessus son épaule, en direction des vagues. À une trentaine de mètres de là, il aperçoit une fille en train de s’affairer péniblement au bord de l’eau. Très vite, le sapeur-pompier prend conscience qu’un événement dramatique est en train de se produire. “Elle tirait un petit corps, la tête en bas, dans la mer”, souffle-t-il la tête encore remplie des images du weekend dernier.

Sans hésiter, l’homme se précipite vers elle. “Je n’ai pas cherché à comprendre, j’ai couru vers la petite. On l’a étendue par terre, elle n’avait plus de pouls, son ventre ballonné…”, décrit-il en recollant les morceaux. La fillette, trois ans à peine, est en arrêt cardio-respiratoire. “Elle ne réagissait plus, donc j’ai commencé les gestes de secours”, poursuit cet ancien militaire. L’homme pratique un massage cardiaque, tout en criant à l’un de ses comparses d’appeler les secours.

10 minutes avant l’arrivée des secours

Une, deux minutes s’écoulent peut-être. Mais “ça ne passe pas. Ça ne revient pas”, répète-t-il, comme s’il revivait la scène. “Alors j’ai mis ma bouche, et j’ai soufflé, peu importe le Covid ! Là, l’eau est sortie de sa bouche”. Ouf ! La fillette reprend conscience, environ cinq minutes après le début de son intervention. Les secours, eux, mettront encore cinq minutes à arriver, pendant lesquelles Ayouba reste auprès de l’enfant, le téléphone vissé sur l’oreille pour ne pas perdre une miette des conseils prodigués par un médecin au bout du fil.

Chaque minute compte

En attendant, ce remue-ménage a alerté la mère de la fillette. “Elle a vu tout ce monde autour de son bébé, elle était désespérée, en larmes.” Installée un peu plus loin sur la plage, la femme n’avait pas vu son enfant s’éloigner… Heureusement pour elle, Ayouba et ses amis avaient choisi ce bout de plage pour profiter des derniers rayons du soleil ce jour-là. L’action de ce pompier, caporal-chef de la caserne de Pamandzi, formé très régulièrement aux premiers secours dans le cadre de son travail, a sans aucun doute sauvé la vie de sa progéniture. En situation d’arrêt respiratoire, chaque minute qui passe diminue de 10% les chances de survie. Et après huit ou 10 minutes sans réanimation, celles-ci sont nulles.

Le manque de maître-nageurs en question

Un événement qui n’est pas sans rappeler le drame survenu en août dernier à Trévani. Cette fois-là, une fillette de cinq ans, qui avait échappé à la surveillance de sa tante, avait perdu la vie, malgré l’intervention du SMUR. De quoi aussi remettre sur la table la question de la surveillance des plages à Mayotte. “Il y avait beaucoup de monde, mais sans surveillance. Il faut que nous ayons des maître-nageurs au bord de la plage, surtout un samedi et un dimanche, c’est vraiment très important”, insiste Ayouba, lui-même père de trois enfants.

Malgré ses kilomètres de plage, l’île au lagon ne compte aucun poste de surveillance sur ses aires de baignade, une compétence qui revient normalement aux communes. Et avec le manque de formation à la natation et aux premiers secours, les noyades sont malheureusement fréquentes dans le 101ème département. Au niveau national, avec 1.000 décès par an, la noyade est la première cause de mort par accident chez les moins de 25 ans, selon Santé publique France.

 

 

Une enveloppe de 80 millions d’euros du Département de Mayotte pour la piste longue

Mercredi, les élus du conseil départemental se sont rassemblés en assemblée plénière pour examiner plusieurs rapports. L’un d’entre eux sur le financement de la piste longue a particulièrement attiré l’attention. La collectivité a voté à l’unanimité une enveloppe de 80 millions d’euros pour la réalisation de ce projet structurant pour le territoire qui arrive dans sa phase de réalisation, dont le coût total est évalué à 250 millions d’euros. « Un rendez-vous historique » pour Soibahadine Ibrahim Ramadani.

2001. Le président du Département de l’époque, Younoussa Bamana, affiche son exaspération face au premier ministre, Lionel Jospin. Un échange célèbre dans lequel l’élu local affirme ne plus supporter, en revenant de Paris, de devoir survoler sur son île, aller se poser à La Réunion et changer d’avion pour atterrir à Mayotte. Près de 20 ans plus tard, l’allongement de la piste aérienne se fait toujours attendre… malgré les promesses des différents chefs de l’État, notamment celles de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy. François Hollande préférant renvoyer ce vœu à 2050. Autant dire aux calendes grecques !

Mais depuis la venue en octobre 2019 du président Emmanuel Macron, le ciel semble de nouveau s’éclaircir. Dégageant ainsi la zone d’ombre qui plane depuis des années au-dessus du territoire. Dans son discours, il promet à la population que les premiers coups de pioche interviendront avant la fin de son quinquennat. Simple effet d’annonce ou réelle volonté politique ? Selon Soibahadine Ibrahim Ramadani, ce rêve, « synonyme d’intégration plus poussée dans la République », est en passe de devenir une réalité. « Le projet arrive dans sa phase de réalisation », promet-il aux élus départementaux, réunis ce mercredi en assemblée plénière. « Les Mahorais aspirent à voyager en vol direct, à payer leur billet moins cher et à avoir le choix de leur compagnie aérienne. »

Des engagements forts de l’Europe et de l’État

Pour ne pas décevoir une fois de plus les attentes des habitants, le président du Département apporte quelques garanties. Et plus particulièrement des garanties financières. « Je vous propose de participer à hauteur de 80 millions d’euros », dévoile-t-il derrière son masque en tissu. Avant de détailler le plan de financement estimé à 250 millions d’euros : 50 millions pour l’Europe et 120 millions pour l’État. Des engagements « forts » à ses yeux. « Le temps est enfin venu de réaliser cette piste longue », qui permettrait à l’aéroport de bénéficier d’une infrastructure digne de ce nom pour multiplier le nombre de voyageurs et qui pourrait également faire rayonner l’île aux parfums sur l’ensemble du canal du Mozambique.

De bon augure donc. Pourtant, le chiffre évoqué peut donner le tournis, d’autant plus que Ben Issa Ousséni, en charge des finances de la collectivité, invite ses collègues à remettre à plus tard les dépenses « non indispensables » de leur champ de compétences respectif en raison des conséquences de la crise sanitaire et du plan de relance local de 6 millions d’euros récemment déployé. Certes. Toujours est-il que le conseil départemental semble avoir entre ses mains une capacité d’autofinancement de l’ordre de 40 millions d’euros. De quoi appréhender cet investissement colossal plus sereinement, qui ne date pas d’hier. « Dans le cadre de la sécurisation de la piste actuelle, nous avons déjà dépensé 500.000 euros. Et nous avons [débloqué] 900.000 euros pour le financement des études [de faisabilité] », rappelle Soibahadine Ibrahim Ramadani.

Rendez-vous le 11 décembre

Difficile dans ces conditions de faire machine arrière… Seul bémol, il est encore trop tôt pour connaître l’architecture de cette future réalisation. Au grand dam du conseiller d’opposition, Daniel Zaïdani. « Le scénario retenu sera présenté le 11 décembre par l’ensemble des acteurs de cette opération », lui répond alors le président du Département. Si l’on s’en tient toujours à l’étude menée en 2003 par la filiale ingénierie et architecture d’aéroports de Paris, trois hypothèses s’avèrent plausibles : allongement de la piste sur le récif corallien jusqu’à la longueur requise, création d’une nouvelle piste dans le lagon, convergente ou bien parallèle à la piste actuelle. « Une bonne partie va vers l’intérieur et une autre vers le dugong », ironise Soibahadine Ibrahim Ramadani, comme pour faire durer le suspense quelques jours de plus. Avant de terminer sur une note plus solennelle. « C’est un rendez-vous historique et je ne suis pas candidat à ma succession. Je veux vous associer à ce moment historique », conclut-il.

 

La violence économique à Mayotte : une violence plus invisible mais très présente

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Le combat dure toute l’année, mais le 25 novembre est la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. L’association départementale pour condition féminine et aide aux victimes (ACFAV) en a profité pour sensibiliser le grand public. Le thème de cette année est la violence économique. Elle est plus discrète, mais fait des ravages considérables.

Les membres de l’association départementale pour condition féminine et aide aux victimes ont su attirer l’attention des passagers de la barge. À l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, ils ont installé leur stand et pancartes dans le sas de l’embarcadère à Mamoudzou, le temps d’une matinée. L’objectif est de sensibiliser le grand public aux violences faites aux femmes, et particulièrement les violences économiques. Les personnes présentes n’osent pas se diriger vers le stand, mais leurs regards curieux incitent les membres de l’association à aller à leur rencontre. La vision de certains, quant aux violences faites aux femmes, est déroutante. À l’image de celle d’Abdallah âgé d’une quarantaine d’années. “On a tous assisté à des scènes de violences. Mais personnellement je n’ai jamais appelé la police et ne le ferai jamais parce que j’estime que la femme qui les subit est adulte. Elle peut prendre ses responsabilités. C’est à elle de se prendre en charge”, estime le père de famille. Selon lui, le manque de réaction de la victime en dit long sur ses intentions. “Si elle ne dénonce pas son compagnon, cela veut dire qu’elle a de la compassion pour lui. Alors je n’ai pas à m’en mêler”, rajoute Abdallah, plein de conviction. Ses propos peuvent choquer plus d’un, mais ils ne surprennent pas Malika Bouti, conseillère conjugale à l’ACFAV. “Les gens ne sont pas vraiment sensibilisés à la cause. Et certains pensent même que si la femme est battue, c’est parce qu’elle le vaut bien”, dit-elle.

Un peu plus loin, deux femmes s’engagent dans une discussion qui attire l’attention de tout le monde. “C’est la peur de l’inconnu qui nous fait rester. On se dit qu’il est préférable de rester avec celui parce qu’on le connaît, plutôt que de le quitter et prendre le risque de tomber sur un homme pire que le précédent”, soutient Roufouanti. Sa voisine, secoue la tête pour marquer son désaccord. “Ah non, je ne suis pas d’accord ! Je préfère prendre ce risque plutôt que de rester et succomber aux coups de mon mari”, répond d’une voix ferme Djamila. Cette dernière pointe du doigt le comportement de certains hommes qui battent leurs femmes devant les enfants. “L’enfant qui voit sa mère se faire battre a des pensées obscures. Soit il n’aura aucun respect pour sa mère, soit il détestera son père. De plus, il risque de reproduire la même chose avec sa femme parce que c’est comme ça qu’il a grandi. Certains hommes ne se rendent pas compte des dégâts qu’ils causent.”

La question de la violence économique est assimilée par ces deux femmes qui disent savoir ce que c’est puisqu’elles ont été témoins de ce type de violence. “J’ai une voisine qui a 5 enfants. Son mari ne paye ni le loyer ni les factures ni la nourriture. Il ne paye rien. C’est lui qui perçoit les allocations et il ne lui donne rien du tout”, raconte Djamila. Roufouanti se souvient d’une situation qui lui a fait perdre espoir. “Dans mon entourage, une femme a osé aller à la police car son mari ne lui donnait pas les allocations ni rien du tout. Et on lui a répondu que c’est grâce à l‘homme qu’ils perçoivent ces allocations, il peut donc en faire ce qu’il veut.”

De la violence économique à la prostitution

La violence économique est discrète. On ne la voit pas, on ne l’entend pas, et pourtant elle est toute aussi dévastatrice que les autres types de violences. Contrairement à ce que l’on peut penser, elle ne touche pas uniquement les femmes en situation de précarité. “Une femme qui travaille, qui a un statut social, peut également en être victime. L’homme la domine totalement, il gère ses comptes bancaires, sa carte bleue et la pousse à faire des crédits”, explique Malika Bouti. Pour celles qui ne travaillent pas, la violence économique peut conduire à la prostitution. “Ces femmes sont tellement submergées et sous l’emprise de leurs maris… Elles finissent par se prostituer pour survivre et donner à manger à leurs enfants”, confirme la professionnelle. Cette violence est présente partout, mais particulièrement à Mayotte où beaucoup de femmes se trouvent dans des situations plus que précaires. La conseillère conjugale de l’ACFAV l’a constaté à la sortie du confinement. Elle a récolté les témoignages de femmes qui ont dû supporter les mots très durs de leurs conjoints ou de leurs ex. Elle a regroupé le tout dans un recueil, et certains propos font froid dans le dos. “Tu veux que je paye la pension alimentaire alors viens coucher avec moi”, peut-on lire. Ou encore : “Arrête de mendier, je ne te donnerai rien. Sers toi de ta c***** pour nourrir tes gosses.” Ces femmes, qui sont poussées à la prostitution par leurs partenaires ou par un besoin criant de subvenir aux besoins de leurs enfants, finissent par s’enfermer dans un cercle vicieux. Et il leur est souvent difficile d’en sortir.

 

 

Chroniques judiciaires à Mayotte : ADN, petits larçins et grosses réquisitions pour le ministère public

Le substitut du procureur a fait appel de la relaxe d’un individu accusé d’avoir dérobé mille euros dans un restaurant de Mamoudzou. “Ce n’est pas comme cela que nous réglerons le problème de la délinquance à Mayotte”, a dénoncé en substance le représentant des intérêts de la collectivité.

Prise de bec entre les magistrats du siège et du parquet. “Le tribunal, après en avoir délibéré, vous relaxe des faits qui vous sont reprochés”, récite la juge en reprenant place sur l’estrade face au prévenu. À ces mots, le substitut du procureur bondit de sa chaise. “Le parquet fera appel de cette décision”, annonce-t-il alors qu’un gendarme passe à nouveau les menottes aux poignets de l’intéressé.

Mercredi matin, deux petites affaires de vol comme le tribunal correctionnel de Mamoudzou les collectionne ont rappelé les rôles différenciés des deux magistrats. La première remonte au mois d’août 2019. Un matin, le gérant du Moana est réveillé par l’alarme de son restaurant. Il trouve sur place un individu en train de s’enfuir et qui laisse derrière lui deux pantalons de couleur sombre, un couteau et un gros trou dans la caisse. Le voleur s’est échappé avec 1.000 euros sur lui.

Régler le problème de la délinquance

Sur le manche du couteau, un relevé ADN permet de remonter jusqu’à l’homme qui se tient aujourd’hui à l’audience. Ce récidiviste, qui est déjà passé par la cour d’assises des mineurs et qui vient d’écoper de huit mois de prison avec sursis probatoire, nie les faits, tant en garde à vue qu’à la barre. “Il y a beaucoup d’enfants là où j’habite qui touchent plein de choses à moi”, avance-t-il. Un argument qui ne convainc visiblement pas le substitut du procureur. “Vous avez deux types de personnes, le gérant de ce restaurant qui se lève le matin, crée des emplois, et ceux qui vivent de la délinquance”, déroule-t-il, en requérant une peine ferme de quatre mois de prison.

Mais visiblement, la seule trace d’ADN n’a pas suffi aux juges pour établir la culpabilité de l’individu, qui ont donc opté pour la relaxe dans cette affaire. Quelques minutes plus tard, c’est une femme victime d’un cambriolage et du vol de son ordinateur portable et de son téléphone qui se présente face aux robes noires. La plaignante, frappée au visage par l’intrus, a reçu plusieurs points de suture, et une interruption de travail n’excédant pas huit jours. Cette fois-ci, le prévenu est absent dans la salle. Là encore, seul l’ADN peut le confondre. L’occasion pour le parquet de rebondir, non sans une legère pointe d’ironie : “Je n’aurai pas l’impertinence de remettre en cause les décisions du juge, mais le ministère public considère que l’ADN est une preuve suffisante ! Sinon, nous ne réglerons pas le problème de la délinquance à Mayotte”. Et de requérir une peine d’un an ferme avec mandat d’arrêt à l’encontre du prévenu. Les absents ont toujours tort !

 

Déferlement de violences à Dzoumogné, les jeunes connus des services de police

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Les habitants de Dzoumogné ont assisté à un déferlement de violences ce mardi 24 novembre. Tout au long de la journée des bandes rivales se sont affrontées dans le village, terrorisant les habitants. Les différentes forces de l’ordre déployées sur les lieux ont dû faire face à des jeunes tenaces qui n’ont pas baissé les armes.

“On vient d’être attaqués. Je tremble, j’ai peur.” Ces mots sont ceux de Nanou, habitante de Dzoumogné. Impuissante, elle assiste aux actes de violences qui ont rythmé son village. Elle a également été blessée alors qu’elle avait son fils de deux ans dans les bras. Mon frère était dehors, un groupe de jeunes, armés de machettes et pierres, l’ont appelé et lui ont demandé de s’arrêter. Ils lui ont dit qu’ils allaient le tuer. Il s’est alors mis à courir pour se réfugier dans notre cour. Je suis sorti à ce moment là pour voir ce qu’il se passait et j’ai reçu une pierre alors que j’avais mon bébé avec moi”, détaille-t-elle, encore traumatisée. La jeune maman décide de mettre son fils en sécurité puis sort pour constater les dégâts. Elle est surprise de voir son quartier complètement encerclé par les gendarmes et les délinquants.

Les uns lancent des pierres alors que les autres leur répondent par des bombes lacrymogènes pour les dissiper. Ces affrontements, qui ont duré une bonne partie de la journée, bloquent tout le village. Impossible d’y entrer ou d’en sortir… Une situation pénalisante pour les travailleurs. “Je voulais juste aller travailler de l’autre côté, mais quand je suis arrivé au niveau du pont, j’ai vu ces gamins mettre le feu. J’ai alors rebroussé chemin”, raconter Batrolo, un entrepreneur. Si la plupart des automobilistes ont fait demi-tour pour rentrer chez eux, les plus courageux ont emprunté la grande boucle pour se rendre sur le lieu de leur activité professionnelle. À l’instar de Batrolo qui risquait de perdre une journée de travail. Ce dernier est en colère face à cette situation qui devient la norme à Mayotte. “Ces jeunes bloquent tout, l’économie en pâtit, nos entreprises en font les frais. Je ressens du désarroi car cette violence est devenue une banalité chez nous.”

Des raisons encore floues

Les habitants de Dzoumogné semblent être convaincus, ces affrontements ont dégénéré car des jeunes de la ville chef-lieu se seraient déplacés jusque dans leur village pour affronter ceux de chez eux. Une information confirmée par la marie de Bandraboua. “Je peux vous assurer que ce sont des gamins de Kaweni qui sont venus régler leurs comptes, et ils ont été aidés par les élèves du lycée de Dzoumogné. Mais ils avaient leur cible, ils voulaient le groupe de délinquants de Dzoumogné”, affirme Daoud Sadjaye, adjoint au maire, chargé de la sécurité publique de la commune. Toujours selon l’élu, ce groupe en question terroriserait les lycéens et racketterait souvent la population.

Serait-ce donc une histoire de vengeance ? La gendarmerie nationale se montre plus prudente sur les raisons qui ont motivé cette confrontation. “Nous ne pouvons pas confirmer ces rumeurs. Dzoumogné est un secteur où nous n’avons pas beaucoup d’informations de la part de la population. Mais une chose est sûre, il y avait bien des jeunes de Dzoumogné”, précise le capitaine Dépit de la gendarmerie. Quoi qu’il en soit, ces délinquants sont connus des services de polices. Une situation qui agace davantage l’adjoint au maire. “Nous avons fait plusieurs démarches auprès de la gendarmerie de M’tsamboro. Nous avons envoyé leurs noms et leurs adresses mais rien ne bouge. Même la préfecture est au courant parce que nous avons envoyé des rapports. Il est temps que le préfet réagisse”, s’indigne Daoud Soudjaye.

Selon la mairie et la population, un blessé est à déplorer du côté des jeunes qui combattaient contre les gendarmes. “Il a été blessé à la tête, il y a du sang partout”, indique Nanou. “C’est le leader, il a été évacué à l’hôpital de Mamoudzou”, précise Daoud Soudjaye. Encore une fois, la gendarmerie ne confirme pas, par manque d’éléments.

Des jeunes prêts à en découdre coûte que coûte

Quatre personnes ont été interpellées : trois mineurs et un majeur. Entre 60 et 70 effectifs de la gendarmerie ont été déployés sur les lieux ainsi que l’hélicoptère de la gendarmerie et un véhicule blindé. À cela s’ajoutent “des éléments de l’antenne GIGN et du PSIG de Koungou”, précise le préfet dans un communiqué. Sur place, les forces de l’ordre ont dû faire face à des bandes déterminées, prêts à tout pour en découdre avec eux. “Les jeunes se divisent en petits groupes pour mettre des barrages sur les routes ou mettre le feu. Ils sont très vifs et nous ont compliqué la tâche”, indique le capitaine Dépit. Si tous les élèves ont été retenus dans les établissements scolaires, il a été difficile de contenir les lycéens qui voulaient participer aux événements. La sortie des cours à 17h était donc redoutée par les autorités. La gendarmerie a alors déployé toutes ses forces pour qu’il n’y ait pas plus de dégâts. Cependant, un bus a été caillassé, alors que les militaires étaient encore sur le terrain. Fort heureusement, cet acte n’a pas engendré de blessés…

Désormais, la ville, la préfecture et les forces de l’ordre doivent mettre en place une stratégie pour assurer la sécurité des élèves et des habitants. “C’est un conflit qui concerne le milieu scolaire, alors nous allons mettre des dispositifs au moins jusqu’à vendredi aux abords du lycée de Dzoumogné”, annonce le capitaine Dépit. Il ne reste plus qu’à espérer que cette mesure aura l’effet escompté et que d’autres évènements de ce type n’obligeront pas la gendarmerie à diviser son dispositif.

Violences faites aux femmes : une semaine pour sensibiliser à l’emprise économique à Mayotte

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À l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, l’association pour la condition féminine et aide aux victimes (ACFAV) organise plusieurs interventions tout au long de la semaine. Le thème de cette édition : les violences économiques comme objet de soumission féminin.

“Ici, c’est l’accueil de jour, mais elles peuvent passer par cette ruelle derrière, pour rester discrètes”, présente Nadia Gomis, cheffe de service à l’ACFAV (association pour la condition féminine et aide aux victimes) en s’affairant dans le petit patio à l’abri des regards. Si les missions des 43 salariés et deux bénévoles de l’association ne manquent déjà pas en temps normal, cette semaine est un peu particulière. Ce mercredi 25 novembre se tient la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Crise sanitaire oblige, l’ACFAV a dû revoir sa copie et le traditionnel colloque qui devait se tenir devant des professionnels dans l’hémicycle Younoussa Bamana, a finalement été remplacé par une semaine d’interventions dans les médias ou sur le terrain.

Interventions médiatiques et théâtre

 Depuis lundi et jusqu’à vendredi 20h, l’ACFAV a ainsi prévu plusieurs interventions sur les antennes de Mayotte la 1ère et sur la matinale de Kwezi. Un moment de rencontre a aussi été organisé ce jour à côté du marché couvert, sous la forme d’un point d’information, à quelques pas de l’embarcadère. Et le temps d’une traversée, les passagers de la barge pourront devenir les spectateurs éphémères de saynètes théâtralisées. “L’avantage, c’est que nous pouvons ainsi toucher le grand public, car trop peu de gens connaissent encore cette journée”, déroule Agnès Daunar-Sattonnay, chargée de mission développement de projets et communication. L’occasion, aussi, de faire connaître le travail de l’association.

Dépendance économique et administrative

Dans ses modestes locaux de M’Tsapéré mis à disposition par le conseil départemental, l’ACFAV accueille chaque année certaines des 400 à 500 femmes victimes de violence qui osent franchir le pas. Malheureusement, beaucoup restent encore dans l’ombre, par crainte de représailles, du regard des autres… ou encore parce qu’elles ne disposent pas de ressources ou de papier en règle.

C’est d’ailleurs pour cette raison que l’association a fait le choix d’orienter cette semaine sur le thème des violences économiques. “Certaines pourraient bénéficier d’aides sociales, de la CAF, par exemple, mais ces revenus sont en réalité détenus par le conjoint”, explique Nadia Gomis. Ce qui peut créer des situations de dépendance particulièrement complexes. “Parfois, elles n’ont pas d’autre choix que de retourner au domicile conjugal après en avoir été soustraites pour cause de violences”, ajoute-t-elle.

Lutter contre les violences faites au femmes

En tout, 14 hébergements, dont quatre pour les situations d’urgence et dix de façon plus pérenne, sont dédiés par l’ACFAV à la mise à l’abri de ces femmes victimes des abus de leurs conjoints. Le problème, c’est que seules celles en situation régulière peuvent bénéficier des solutions de plus long terme. Si cette distinction ne s’applique pas pour les hébergements d’urgence, l’accueil y est limité à 21 jours. Or, il est difficile en pratique, d’apporter des solutions administratives en si peu de temps… “Ces délais sont décidés par nos financeurs, mais nous sommes justement en train de rédiger un projet pour permettre un accompagnement plus long”, assure la responsable.

En attendant, les victimes peuvent bénéficier de l’accompagnement des psychologues et des juristes de l’association. “Nous leur conseillons de porter plainte, mais beaucoup ont peur de ne pas être entendues, ou ont l’impression que cela ne mènera à rien. Et il faut dire que le temps de la justice est parfois long”, concède Nadia Gomis. En France, sur les 213.000 victimes de violences physiques et/ou sexuelles commises par leur conjoint ou ex-conjoint, seules 18% déclarent avoir porté plainte.

« Le bruit des vagues », un court métrage empirique entre Anjouan et Mayotte signé Quentin Gleitz

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De retour d’une expérience d’un an à Mayotte, Quentin Gleitz, étudiant en médecine, vient de sortir un moyen métrage de 20 minutes intitulé « Le bruit des vagues » dans lequel il raconte sa traversée depuis Anjouan en kwassa et relate les histoires bien souvent dramatiques de ces clandestins. Une auto-production qui fait beaucoup jaser dans le 101ème département tant le sujet divise.

 « Je ne suis pas professionnel », souligne d’emblée Quentin Gleitz, le réalisateur du court métrage « Le bruit des vagues », sorti le 14 novembre dernier. Médecin aux urgences de Saint-Étienne aujourd’hui, il se lance dans ce projet en 2018, année durant laquelle il séjourne à Mayotte pour travailler avec des jeunes en errance pour une association locale. « J’avais vraiment envie de passer un message, j’avais le sentiment de ne pas en faire assez face à ce drame humain. » Pendant un an, il vit à quelques encablures du plus grand bidonville de France, à Kawéni, où il habite avec un groupe de Mahorais. Une expérience singulière, à l’opposé des strass et des paillettes, du quotidien de la plupart des mzungus présents sur l’île. Les rencontres fortuites forgent son caractère et le plongent dans moult récits, comme la traversée aussi bien symbolique pour certains que controversée pour d’autres en kwassa. Un déclic pour celui qui se décrit comme un personnage empirique. « J’ai besoin de sentir, de voir, de toucher. »

En recherche de réponses sur cette question centrale de l’immigration illégale, le jeune homme de 29 ans échange avec un passeur comorien. « Il avait besoin de nourrir sa famille. Il a cédé à cette tentation de faire passer de la chair de clandestins, même si ce n’est pas excusable. Le jugement est vite fait quand certains disent que ce sont arnaqueurs… » Rapidement, il se retrouve en contact avec la tête du réseau. Vient alors le temps de la négociation. Son interlocuteur, « parmi une bande de moins d’une dizaine de gars », se laisse convaincre de le transporter, moyennant 200 euros… pour un aller simple direction Mayotte, après avoir rejoint Anjouan légalement avec le Maria Galanta. Une seule nuit sur place avant le grand départ vers 23h le 25 août.

« Le temps se dilate, nos pensées s’arrêtent »

Durant une dizaine d’heures, une « grosse » vingtaine d’individus et Quentin Gleitz s’entassent tant bien que mal dans une « vieille barquasse sans gilets de sauvetage, avec des moteurs complètement pétés ». Avec dans un coin de la tête, la possibilité de chavirer à cause de l’eau qui se fracasse sur le fond du bateau. « Le temps se dilate, on ne peut se rattacher à rien. Nos pensées s’arrêtent, on subit le fatalisme », décrit-t-il, comme s’il se faisait encore balayer l’esprit au rythme des vagues. Dans le film, quelques images sombres témoignent de son épopée et de ses premiers pas sur la terre ferme. Le moment pour lui d’accompagner « les plus lents », « les indigents des indigents ». « L’un d’entre eux marche comme un insecte nocturne. Un vieillard parkingsonien commence sa marche tremblante au bord d’un précipice. Une obèse traîne son baluchon décharné », relate-t-il en guise de voix off.

En plus de cette immersion, Quentin Gleitz partage quatre « histoires touchantes et dramatiques ». Celles de Soufiane, Isa, Bweni et Kazamis. Des survivants. « Des destins hors normes » qui auraient chacun mérité un documentaire spécifique, mais le format du court métrage de 20 minutes « est un casse tête diplomatique », donc il a fallu « condenser » leurs 45 minutes de rush respectif. D’autant plus que le médecin de profession évoque de nombreux sujets, à l’instar de la guerre maritime dans le canal du Mozambique, la prostitution, l’esclavagisme, la drogue, la santé, l’éducation… Tout un panel qui se mélange et qui fait perdre de la saveur à son titre de film. « C’est une vue d’ensemble ! J’avais besoin de parler de tout ça car je l’ai ressenti : les écoles barricadées, les policiers dans les rues durant les barrages… Chaque chose était importante à aborder. Mais effectivement, j’ai conscience que ça aurait plu à beaucoup de personnes que je me concentre uniquement sur la traversée. »

« Ca m’a mis à dos quelques Mahorais »

Toujours est-il que « Le bruit des vagues » a été partagé plus de 200 fois sur sa page Facebook. Et qu’il a créé de nombreuses controverses et de l’animosité sur d’autres groupes, dont certains ont même lancé un sondage pour savoir s’il fallait garder ou tout simplement supprimer la publication… « Ca a suscité énormément de rage et d’incompréhension. Ca m’a mis à dos quelques Mahorais. » Que le film soit adulé ou rejeté, le but premier reste le même pour Quentin Gleitz : « Créer une réaction d’empathie envers les sans-papiers à Mayotte. » Et si possible « qu’il y ait une résonance en métropole ». Cette histoire, cette expérience, reste et restera à jamais la sienne, que l’on aime ou pas.

Destruction de bangas à Kahani : sur 398 personnes, une trentaine de relogés

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La préfecture lançait ce lundi une nouvelle démolition d’un quartier informel à Kahani. Une opération rendue possible grâce à la loi Élan, adoptée deux ans plus tôt.

À gauche, les gendarmes campent à une dizaine de mètres les uns des autres, les rangers vissées dans le bitume. À droite, de l’autre côté de la route, quatre ou cinq gaillards toisent la scène depuis la terrasse d’un douka, les bras croisés et la mine sombre. Du quartier Kardja Vendja à Kahani, il ne reste déjà presque plus que des tôles froissées et de la terre retournée. Depuis 7h du matin environ, c’est un ballet de tractopelles qui s’offre au regard du petit groupe maintenu à l’écart par les forces de l’ordre. 96 bangas – ou 97 selon les interlocuteurs – ont été détruits ce lundi matin sur ce terrain du conseil départemental. Le but de la manœuvre : lancer les travaux d’extension du hub par lequel transitent tous les matins des centaines d’écoliers.

“C’est une opération de destruction de bangas d’une ampleur considérable et que nous préparons depuis cinq semaines sur la base de la loi Élan”, salue le préfet Jean-François Colombet, après un tour du périmètre. “C’est la première fois que nous utilisons le cadre de cette loi pour détruire un bidonville qui ne présente aucune salubrité.” Les autres opérations d’ampleur, comme à Batrolo en 2018 ou à Passamaïnty plus récemment reposaient sur des décisions de justice, ce qui rendait en pratique la procédure longue et complexe.

Les pouvoirs du préfet élargis par la loi Élan

 Adoptée en 2018, la loi sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dit Élan, permet de s’affranchir de cette usine à gaz, en élargissant les pouvoirs du préfet. Le représentant de l’État peut ainsi, sans décision du juge et dans un délai minimum d’un mois, ordonner l’évacuation et la démolition des habitats informels qui “présentent des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique”. “Ce bidonville nous a posé des problèmes par le passé, notamment des agressions et des caillassages sur les pompiers, et nous résolvons ainsi ce problème tout en s’investissant pour l’avenir des jeunes”, abonde encore le locataire de la Case Rocher. La loi Élan prévoit l’obligation d’offrir des solutions d’hébergement pour les personnes délogées… tant qu’elles sont en situation régulière sur le territoire.

133 étrangers sans titre de séjour ont ainsi été interpellés et éloignés. En tout, 400 personnes ont dû évacuer les lieux, dont la moitié de mineurs. Dans les faits, plus personne ne traînait dans les parages le jour J. “Nous sommes allés plusieurs fois sur le terrain pour faire de la sensibilisation et de l’accompagnement, et tous les habitants étaient bien au courant que la destruction allait avoir lieu”, raconte une source sous couvert d’anonymat – la préfecture avait donné des consignes claires pour centraliser toute la communication autour de cette opération. “Certains ont trouvé des solutions par eux-mêmes dans le village de Kahani ou aux alentours, d’autres ont pu obtenir un hébergement d’urgence avec l’accompagnement des services de l’État”, poursuit-elle.

Reloger les habitants, un casse-tête

Du côté de la préfecture, on annonce qu’une trentaine de Français se sont vus offrir des “hébergements provisoires”. “Il faut d’abord mener l’enquête sociale, pour savoir qui peut bénéficier de ces solutions temporaires”, argumente Jérôme Millet, le secrétaire général adjoint à la préfecture. Seule certitude, cela ne peut pas dépasser trois mois. Le problème ? Toutes les familles n’acceptent pas, le plus souvent car elles ne souhaitent pas s’éloigner de leur habitat initial. “Mais nous avons relogé quasiment exclusivement à Chiconi”, soit à 3km de la zone, assure le sous-préfet.

Toutefois, parmi les 400 personnes évacuées (moins les 133 interpellés), difficile de savoir combien ont effectivement posé leurs valises dans un nouveau logement. Selon nos informations, trente places auraient été gelées par l’Acfav (association pour la condition féminine et aide aux victimes). Et parmi les sept familles françaises qui auraient reçu des propositions de relogement classique, la moitié les aurait refusées.

D’autres opérations à venir

Bref, même sans avoir à passer par le juge, la destruction des quartiers informels reste un véritable casse-tête. Surtout que le parc locatif à Mayotte n’est pas extensible. Même avec les 72 logements sociaux qui doivent entre autres être construits sur les vestiges des cases de Passamaïnty, on n’est pas prêts de sortir de la logique des vases communicants… Or, la préfecture ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. “Nous avons détruit 130 bangas au cours des deux derniers mois, il y en aura une trentaine à Dembéni très prochainement, puis un programme complet toutes les trois à quatre semaines”, se félicite le préfet. Avant de décoller, suivi de près par toute la troupe de partenaires. Sur le bord de route, en face du terrain réduit à l’état de friche, les gars du douka, eux, n’ont pas bougé.

 

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes