Vendredi, à l’occasion du 31ème anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, Catherine Barbezieux, la directrice du centre hospitalier de Mayotte, et Issa Issa Abdou, vice-président au Département en charge de l’action sociale, de la solidarité et de la santé, ont distribué des cadeaux aux 30 enfants accueillis dans le service pédiatrie.
« Laissez passer les petits enfants… », fredonne une auxiliaire de puériculture, alors qu’elle pousse à bout de bras le lit d’une jeune fille. Dans les couloirs du service pédiatrie, difficile de se frayer un chemin en ce vendredi après-midi, à l’occasion de la célébration de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE)… Et pour cause, la directrice du centre hospitalier de Mayotte et le vice-président du Département en charge de l’action sociale, de la solidarité et de la santé sont en pleine distribution de jouets auprès des jeunes patients. « Catheriiiiine ! », l’interpelle Issa Issa Abdou devant l’entrée d’une chambre pour lui faire mine d’attraper un paquet sur le chariot. « Ah non, là c’est ton tour ! », lui rétorque Catherine Barbezieux, avec une pointe d’humour.
Tour à tour, les portes s’ouvrent et les visages des parents s’illuminent en voyant les présents – un piano pour les plus petits, un jeu de société pour les plus grands – dans les mains du duo. Des échanges de quelques minutes s’ensuivent alors. Sur le tapis des discussions : le prénom du gâté du jour et l’évolution de l’état de santé bien évidemment. Mais aussi un petit historique sur cette journée internationale, dont le traité remonte à 1989. « C’est l’année de mon anniversaire », précise une maman, le sourire aux lèvres. Pour d’autres enfants, endormis à cause de la morphine, la surprise les attend sur leur table de chevet au réveil. « Vous leur direz que le Père Noël est passé par la cheminée », s’amuse l’élu du conseil départemental, en chuchotant. Puis de prendre la direction de l’allée destinée aux nourrissons. « Alors, elle est contente ? », demande une infirmière. « C’est le cadeau du bébé avant de partir. »« Oui, c’est très gentil de leur part, merci ! », répond instinctivement la mère, ravie de cette attention décidée quelques jours plus tôt, à la suite de la prise de fonction du nouveau directeur de la protection de l’enfance, Abdou-Lihariti Antoissi.
Une action plébiscitée par Malezi Mema
À l’extérieur, au rez-de-chaussée, sept autres enfants prennent un bain de soleil sous le rythme d’un joueur de guitare. Hors de question de gâcher cet instant de partage avec « des grands discours », avoue Issa Issa Abdou. Juste rappeler que « le vœu le plus cher du Département est que vous ne soyez plus ici l’année prochaine ». Rapidité, efficacité, sobriété ! « C’est très bien d’avoir eu une pensée pour [eux] », applaudit Mariame Madi, membre de Malezi Mema (qui signifie « bonne éducation »), association pour les familles d’accueil, qui célèbre cette date dans l’une des 17 communes de Mayotte depuis 2004. « Il n’y avait jamais rien eu pour les hospitalisés », ajoute Zaina Salim Mkou, la cheffe de service des assistantes familiales au sein de la collectivité.
Cette rencontre est également un beau message pour les personnels soignants du 2ème étage du CHM, qui ont surtout l’habitude de voir ce type de distribution au moment de Noël. « Nous avons organisé cet événement en seulement 24 heures », se réjouit Pascal Bourhane, cadre de santé puéricultrice depuis 15 ans en pédiatrie. « Quand on m’a dit cadeaux, tous les voyants se sont allumés. Nous ne pouvions pas rater l’occasion, nous avons remué ciel et terre. Nous ne sommes pas là que pour faire des plannings. » Sans aucun doute, les sourires sur les différents visages donnent raison de sa persévérance et celle de ses collègues. Car en cette période de crise sanitaire, difficile pour les enfants de se rendre à la salle de jeux, trop petite pour les accueillir, dans le but de se changer les idées au cours de leur hospitalisation plus ou moins longue…
Vendredi dernier, l’Assemblée nationale a voté l’adoption de la loi sécurité globale qui suscite l’indignation du monde des journalistes, soutenus par la population. Elle irait à l’encontre du travail des journalistes, mais les forces de l’ordre et les parlementaires se veulent rassurants : la liberté de la presse ne serait pas atteinte.
C’est une vague d’inquiétude qui s’est installée dans tout le pays depuis vendredi dernier. Les députés ont adopté l’article 24 de la loi “sécurité globale” qui prévoit de pénaliser d’un an de prison et de 45.000 euros d’amende la diffusion d’image d’un policier, gendarme ou militaire en plein exercice lorsqu’elle porte “atteinte à son intégrité physique ou psychique”. L’adoption de cet article a suscité l’indignation de la population qui a manifesté dans les rues de Paris, Marseille, Montpellier, pour ne citer qu’eux. Dans le 101ème département, la nouvelle n’a pas provoqué autant de polémiques, mais les forces de l’ordre se sentent tout aussi concernés. “Nous sommes plutôt satisfaits dans le sens où cette loi est destinée à protéger l’identité des fonctionnaires de police sur le terrain, mais cela n’empêche en aucun cas les journalistes de filmer”, selon Aldric Jamey, délégué départemental du syndicat Alternative police à Mayotte. En effet, le travail des journalistes est au coeur des vifs débats. La population en général et les journalistes en particulier redoutent une atteinte à la liberté de la presse.
Le président du groupe La République en marche, Christophe Castaner, a alors souhaité déclarer son “amour” aux journalistes dans une tribune publiée dans le Journal du dimanche. “Chers journalistes.. Il est hors de question pour nous comme pour quiconque de s’immiscer dans vos salles de rédaction, dans vos reportages ou sur vos réseaux sociaux. Tout comme il n’est pas question de vous demander de vous accréditer pour pouvoir couvrir une manifestation”, rassure-t-il. Sans grande surprise, l’article de la discorde fait l’unanimité auprès des syndicats de police qui souhaitent également rassurer la presse. “Si on veut protéger les libertés, il faut que les policiers soient aussi protégés. Mais cet article n’entrave en rien le travail des journalistes. Ils auront toujours le droit de participer aux manifestations et ils seront toujours protégés par les policiers”, souligne Bacar Attoumani, secrétaire départemental du syndicat Alliance Police Nationale 976.
Les parlementaires mahorais en faveur de la loi
La député de la majorité, Ramlati Ali, ne s’en cache pas, elle a voté pour le projet de loi “sécurité globale” et notamment pour l’article 24. “Nous voulons mettre en sécurité les forces de l’ordre et leurs familles qui subissent aussi des pressions parce le policier ou le gendarme a juste fait son travail.” Même son de cloche du côté du sénateur Thani Mohamed Soilihi qui se prononce en faveur de ce texte. “J’estime que c’est une bonne loi, car elle vise les personnes malintentionnées. Dans la mesure où la précision sur le droit d’informer a été apportée, je trouve qu’elle n’entrave pas la liberté de la presse.”
Cette précision a été rajoutée à la suite de vifs débats dans les médias et sur les réseaux sociaux. Néanmoins, cette modification ne change en rien l’avis des directeurs de groupes de presse, des collectifs et des journalistes qui qualifient cette loi de liberticide. Mais selon le sénateur mahorais, “la polémique est inutile. Les gens qui ne sont pas malintentionnées ne devraient pas se sentir menacés par cet article”. Malgré leur position ferme, les deux parlementaires disent comprendre l’inquiétude des journalistes. “Mais mettons-nous à la place des forces de l’ordre. Ces derniers temps pour un oui ou pour un non, nous avons des personnes qui ont constamment leurs caméras braquées sur eux attendant la moindre bavure”, tempère la députée Ramlati Ali.
Une situation sécuritaire qui restera inchangée ?
Les principaux concernés par cet article 24 accueillent la nouvelle avec beaucoup de réserve. “Ce n’est pas grâce à cet article que je vais me sentir plus en sécurité. Nous n’avons pas besoin d’images sur internet pour que des fonctionnaires de polices soient menacés”, indique Aldric Jamey, le délégué départemental d’Alternative police 976. Il rappelle l’agression des policiers à Mayotte l’année dernière, alors qu’ils faisaient leur jogging habituel. “Le seul moyen de se sentir plus en sécurité est surtout d’avoir des moyens mais aussi d’avoir une réponse judiciaire plus importante et plus adaptée”, ajoute-t-il. Son collègue croit toutefois que la médiatisation de cette loi pourra leur être bénéfique. “Le fait de publier les images des forces de l’ordre sur les réseaux sociaux a toujours été interdit, mais n’a jamais été respecté. Cette médiatisation entraînera peut-être l’application des sanctions prévues”, espère Abdel Sakhi, délégué départemental adjoint d’Alternative police 976.
Malgré les précisons et prises de paroles des membres du gouvernement et de Christophe Castaner pour rassurer la population, les craintes et les doutes ne se dissipent pas. Bacar Attoumani estime qu’il faut plus de pédagogie autour de cette loi. “Je pense qu’il faut trouver le bon contour. Il y a une incompréhension autour de cette loi, mais je ne pense pas qu’il faille aller systématiquement aux oppositions. Quand les choses sont mal expliquées, nous pouvons avoir des doutes. Il faut donc être très clair sur la question.” Le succès de la loi “sécurité globale” auprès de l’Assemblée nationale est cependant à relativiser. Pour rappel, son article 24 a été adopté avec 146 voix pour et 24 voix contre, sur un total de 577 députés. Plus de la moitié des parlementaires étaient donc absents le jour du vote, à l’instar de Mansour Kamardine. La stratégie a donc été payante pour le gouvernement.
À contre-courant. Alors que les associations locales de lutte contre le braconnage des tortues applaudissent la création d’un groupe de coopération opérationnelle fraîchement annoncé par le préfet, l’ONG internationale Sea Shepherd, également engagée à Mayotte depuis 2017, a refusé de rejoindre l’initiative. La présidente de son antenne française, Lamya Essemlali, revient sur les raisons de ce choix.
Flash Infos : Après des mois d’absence due au confinement, période pendant laquelle le braconnage des tortues a connu une forte recrudescence, quel constat dressez-vous depuis votre retour ?
Lamya Essemlali : Nous sommes revenus en octobre, après des mois d’absence, dans le cadre de l’opération professionnelle Nyamba (tortue en shimaoré, ndlr.). Et cela a été un carnage puisque cette année, la saison des pontes n’a pas vraiment été surveillée à cause du confinement. Depuis notre retour, il y a cinq semaines, nous avons attrapé huit fois des braconniers en flagrant délit, sur la plage avec des couteaux. Et je ne parle que des fois où nous étions suffisamment discret pour qu’ils ne nous voient pas. Il y a les fois que nous avons loupées parce que nous n’étions pas assez nombreux, et en cinq semaines, nous avons retrouvé sept cadavres. Mais il y a trop de plages à couvrir, et nous nous ne prenons pas un seul jour de congés, nous sommes là douze heures par nuit. Il faut être extrêmement exigeant : une présence dissuasive, c’est toute la nuit. Nous ne dormons pas, nous nous relayons du crépuscule à l’aube. Et cela paye !
FI : Vous avez récemment dénoncé “l’inaction” des gardiens embauchés par le conseil départemental pour patrouiller sur la plage de Moya. Pourtant, ceux-ci ont repris leur activité depuis plusieurs mois…
E. : Le braconnage continue, y compris sur la plage de Moya, qui est censée bénéficier d’une quinzaine de gardiens. En quatre ans, nous n’avons jamais vu de gardiens rester toute la nuit sur la plage, si ce n’est les nuits qui ont suivi notre communiqué les concernant. On nous dit parfois qu’ils ne patrouillent pas parce qu’ils n’ont pas d’imperméables, parce qu’il fait trop froid ou parce qu’ils ont peur… Je comprends qu’ils aient peur, mais dans ce cas, il faut juste changer de métier. Nous avons assisté à une réunion récemment et nous avons appris que les gardiens étaient équipés de caméras à vision thermique. Bonne nouvelle, mais encore faut-il qu’ils soient sur la plage. Il y a un vrai problème de recrutement des gardiens. Nous en avons même déjà vu camoufler eux-mêmes des cadavres en les enterrant, pour minimiser les statistiques…
FI : Quelles solutions propose alors Sea Shepherd ?
E. : Il existe un plan national d’action de protection des tortues accompagné de 1,4 million d’euros. Le problème c’est que cet argent n’est pas investi dans la surveillance : le budget est là, ils sont 15 gardes pour surveiller Moya, mais nous avons des gens qui ne sont absolument pas motivés, ils sont planqués, et à côté de cela, nous avons des bénévoles qui font le travail à leur place. Donc ce qu’il faut, c’est faire un grand coup de ménage, revoir le système de recrutement. L’année dernière, un braconnier multirécidiviste avait été arrêté à Mayotte, et il s’est avéré que c’était un garde, et le conseil départemental le savait. Ces gens-là devraient être licenciés pour faute grave, mais la collectivité ne prend pas le sujet au sérieux et cela pose des questions de connivence, clairement. Et dans le même temps, nous apprenons à l’issue d’une réunion, mercredi avec le préfet, qu’il a confié la gestion du plan national d’action au conseil départemental… Donc nous ne sommes pas sortis des ronces.
Il faut mettre chacun face à ses responsabilités, et donner à ceux qui ont la volonté les moyens d’agir. Là, nous donnons les rennes à ceux qui ne feront rien et qui n’ont jamais rien fait. Pire, le conseil départemental finance même à hauteur de 227.000 euros la rénovation de la cabane à Moya, pour des gardiens qui sont en train de ronfler, que nous entendons faire des barbecues et écouter de la musique, pendant que nous nous organisons des patrouilles avec l’ASVM (l’association de sécurité villageoise de M’tsamoudou, partenaire de longue date de Sea Shepherd, ndlr.) qui vient du Sud de Grande-Terre spécialement pour nous aider, et dont certains bénévoles n’ont même pas l’eau ou l’électricité chez eux, c’est insupportable. Que les gens qui sont payés pour protéger les tortues le sachent : ils ont le sang des tortues sur les mains, et le conseil départemental les couvre. Avec leur nouvelle cabane, financée avec de l’argent public, les gardiens auront tout le confort, ils ne risquent pas de s’aventurer sur les plages. Et là, c’est open bar pour les braconniers.
FI : Vous avez ainsi refusé de rejoindre le groupe d’action opérationnelle, créé à l’initiative de la préfecture et rassemblant associations, services de l’État et collectivités territoriales. N’était-ce pourtant pas l’occasion de changer la donne et de réorganiser l’ensemble des actions ?
E. : Lors de la réunion avec le préfet, les autorités et les différentes parties prenantes, nous avons été très déçus de constater que cette réunion a fait la part belle aux déclarations d’intention et il y était mal venu d’aborder tout ce qui fâche. Autant dire que nous n’avions pas notre place. Nous ne pouvons rien construire de tangible sur la base de non-dits et de faux semblants. Nous ne sommes pas là pour faire des ronds de jambe, nous voulons des résultats et les résultats, cela se mérite. Il faut aller les chercher sur le terrain, ce terrain qui a été cédé aux braconniers depuis des années, précisément par ceux qui étaient censés l’occuper. Que ce soit à Mayotte ou ailleurs, nous avons pour habitude de nous unir uniquement avec des acteurs que nous pensons dévoués et sincères dans la lutte contre le braconnage. Nous n’avons aucune confiance ni aucune estime pour le conseil départemental qui jusqu’ici n’a fait que la preuve de son incompétence totale et de sa complaisance coupable vis-à-vis des braconniers de tortues. Les gardiens ne manquent pas de moyens comme ils l’affirment, ils manquent de courage et de dévouement.
Le préfet n’a même pas demandé de comptes sur le bilan du conseil départemental depuis toutes les années où il est chargé de protéger les tortues. C’est une erreur stratégique fondamentale et nous n’y participerons pas. Nous ne faisons pas disparaître les problèmes en les passant sous silence. Cette « union » se fera donc sans nous. Il a été décidé de ne pas faire du braconnage une priorité. J’accorde tout de même le bénéfice du doute au préfet sur le fait qu’il veuille enrayer le braconnage, mais je crois qu’il n’a pas bien identifié qui faisait quoi, ni le niveau d’imposture de certains.
FI : Comment allez-vous alors poursuivre vos actions de lutte contre le braconnage à Mayotte ?
E. : Sea Shepherd intensifiera ses patrouilles en 2021 sur Petite et sur Grande-Terre, avec encore plus de moyens humains et technologiques. Nous avons déjà effectué plus de 1.200 patrouilles à ce jour, soit près de 15.000 heures passées sur les plages. Nous partagerons toutes nos données utiles avec certains agents clés si celles-ci peuvent aider à procéder à des arrestations. Nous ne doutons pas que des personnes de bonne volonté au sein des pouvoirs publics existent, encore faut-il qu’on leur donne les moyens d’agir et cela va de pair avec le fait de déloger les imposteurs.
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Le conseil départemental réagit
À l’heure où la préfecture mise sur la coopération, le conseil départemental a salué l’initiative de la préfecture, s’estimant “chanceux” de pouvoir compter sur le travail des associations, tout en déplorant une entente “cafouillée” : “Nous sommes présents sur le site à partir de 15h jusqu’à 8h du matin, seulement il y a une espèce de concurrence qui s’est installée entre nous et certaines associations, notamment Sea Shepherd. C’est une guéguerre entre patrouilleurs sur la plage. Nous invitions tous ceux qui le veulent à venir sur la plage et ils verront que nous sommes là toutes les nuits.” Saindou Dimassi, directeur de l’environnement et du développement durable au sein du conseil départemental, estime quant à lui que la recrudescence du nombre de braconnages à la suite de la suspension des patrouilles à Moya, en plein confinement, atteste de l’action menée par les gardiens en temps normal. S’agissant du manque de moyens souvent pointé du doigt par les gardiens, il avait été remis sur la table lors de la grève express, début novembre, et devrait être revu à la hausse. Jadis, ils étaient au nombre de 200 à veiller, en bateau ou en voiture, sur les différents sites de pontes de l’île. Mais désormais, ils ne sont plus que 20, répartis à Moya et sur la plage de Charifou, près de Majicavo.
Après plusieurs mois de tergiversations liées à la crise sanitaire, Mayotte connaît enfin le nom de son représentant au huitième tour de la Coupe de France de football. Il s’agit du FC M’tsapéré qui, sans grande surprise, a dominé Pamandzi en finale régionale, ce samedi à Kavani.
« Le football est un sport qui se joue à 11 contre 11, et à la fin, c’est « M’tsapéré » qui gagne ! » Cette formule légendaire de l’attaquant anglais Gary Lineker à propos de la domination du football allemand dans les années 70, 80 et 90, on pourrait effectivement facilement l’emprunter pour le football mahorais de ces dernières années, tant le FC M’tsapéré est souverain. Depuis 2010, le FCM, c’est sept titres de champions de Mayotte (2010, 2013, 2014, 2015, 2017, 2018, 2019) et sept finales de Coupe régionale de France, dont cinq victoires (2012, 2016, 2018, 2019, 2020)… La dernière a été acquise ce samedi après-midi dans un stade départemental de Kavani en travaux. Un nouveau triomphe cette fois aux dépens du Pamandzi Sporting Club, valeureuse équipe de Régional 3, dont le parcours en CRF 2020 a été fabuleux.
Pour atteindre cette finale, le PSC a signé de véritables exploits. Comme lors des seizièmes de finale lorsqu’il élimine à domicile les Diables Noirs de Combani, vainqueurs de l’édition 2017 et finalistes de la CRF 2018, ceci en inscrivant quatre buts en l’espace de quinze minutes, durant la deuxième mi-temps des prolongations… et en infériorité numérique (5-2 score final). On retiendra également ses succès des huitièmes de finale contre l’ASC Kawéni et des demi-finales face à l’USC Poroani Antéou, autres pensionnaires de R1 à l’instar des Combaniens.
Johnny glace les fulgurances pamandziennes
En finale, Pamandzi n’a pas démérité, loin de là. Malgré la nette domination des Diables Rouges en première période et l’ouverture du score du FCM en début de partie, par l’intermédiaire du capitaine m’tsapérois Mouhtar Madi Ali alias Johnny sur penalty (10ème minute, 1-0), les Petits-Terriens n’ont pas abdiqué. Et sont revenus de la mi-temps avec la ferme intention d’égaliser. Mais le buteur pamandzien Karim Abdouroihime, héros des tours précédents, a eu les jambes moites dans son face à face avec Michael Salim (54ème). Puis Ybkah Mohamed sur coup franc à l’entrée de la surface de réparation m’tsapéroise a parfaitement enveloppé son ballon, mais celui-ci est venu s’écraser sur l’équerre du gardien du FCM (63ème). Le PSC venait de laisser passer sa chance…
En difficulté dans le jeu, les Diables Rouges s’en sont remis à un exploit individuel de leur homme providentiel, Johnny. Lancé à droite par Ybnou Charaf au dernier quart d’heure de jeu, le numéro 7 des Bleus a placé une accélération foudroyante laissant derrière lui deux défenseurs pamandziens, et glissé le ballon sous les bras de Saïd Abdallah le dernier rempart du PSC (2-0, 74ème). En un éclair, celui qui a été élu Sportif de l’année 2019 en février dernier a glacé tout espoir de huitième tour de Coupe de France pour les joueurs de Pamandzi, que l’on n’a plus revu jusqu’au coup de sifflet final d’Ahmed Assane. Déjà décisif en demi-finale contre l’US Ouangani, Johnny a ainsi offert la qualification à son équipe : la troisième représentation successive du FCM en métropole. Il a d’ailleurs été élu meilleur joueur de la finale. Un trophée que vient de créer la Ligue mahoraise de football. Les M’tsapérois devraient s’envoler pour l’hexagone début 2021. Ils prépareront cette échéance nationale avec la Coupe de Mayotte, dès le week-end prochain contre l’Asdek de Kawéni.
L’ex-jeune ambassadeur aux droits de l’enfant était invité pour le lancement de la 31ème édition de la journée de la CIDE au collège Ouvoimoja de Passamaïnty. L’occasion de revenir sur son expérience de JADE, qui a fait naître en lui plus d’une vocation.
C’est l’heure des coudées – anciennement poignées de main – et des remerciements après cette matinée de lancement de la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) au collège Ouvoimoja de Passamaïnty. Le groupe d’écolières qui vient d’entonner des chansons, devant le recteur Gilles Halbout et le vice-président du conseil départemental Issa Issa Abdou, souffle un coup à distance des adultes. Pendant que certains dévorent les pâtisseries et d’autres ingurgitent un café salvateur, Djounaidi rigole avec la petite troupe, derrière les étagères du CDI, recouvertes pour l’occasion de panneaux en l’honneur des droits de l’enfant. L’ex-JADE, un jeune ambassadeur pour la cause, a terminé sa mission depuis bientôt un an. Mais c’est de gaieté de cœur qu’il répond présent lorsque des institutions ou des associations comme Haki Za Wanatsa lui demandent d’intervenir auprès des jeunes. “Il m’est souvent arrivé qu’ils me disent : ‘‘mais comment on devient comme toi, comment on devient JADE ?’’ Je leur dis de se concentrer sur leurs études. Mais quand je vois leur investissement, comme aujourd’hui, ça fait chaud au coeur”, raconte le jeune homme de 23 ans.
Pour lui, tout a commencé un peu par hasard. Après un baccalauréat professionnel en commerce, suivi d’une formation d’assistant commercial, le Mahorais originaire de Kanibé dans le Sud n’a aucune idée qu’il va se dédier au social. Un jour, Moose, un vieux pote d’enfance, l’approche avec un super plan : le service civique pour devenir Jeune ambassadeur aux droits de l’enfant (JADE), une mission d’un an payée un peu plus de 500 euros. En tout, ils sont six à former l’équipe qui travaillera aux côtés de l’association CEMEA (centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active) dans le centre de l’île, pour défendre ces droits fondamentaux. Pour Djounaidi, c’est une révélation. Le garçon qui vit à M’tsapéré avec sa mère s’implique corps et âme dans ce premier job, très formateur pour lui. “À la base, j’étais plutôt du genre timide, je n’osais pas prendre la parole en public, encore moins devant les caméras. Mais comme les autres ne voulaient pas trop, j’ai fini par y aller. J’ai même été sur la 1ère et sur Kwezi !”, se remémore le JADE avec un sourire modeste.
De JADE à éducateur spécialisé
À force, cette motivation paye, et ce service civique qu’il ne pensait jamais faire finit par lui ouvrir des portes. Remarqué pendant ses interventions, il est régulièrement approché par des porteurs de projets ou des associations. “Un des chefs des Apprentis d’Auteuil est venu me voir à la fin de mon service civique, pour que je rejoigne l’équipe !” Ni une ni deux, le gars du Sud embarque dans cette nouvelle aventure. Il devient éducateur et enchaîne les missions auprès des jeunes, parfois dans des quartiers sensibles.
À peu près au même moment, ce fan de foot embarque pour Madagascar. Ce voyage sur la Grande Île, l’un des pays les plus pauvres au monde, le marque profondément. C’est de là que lui vient l’idée de son association informelle Give a smile, qu’il met en place dès son retour avec son ami Moose. Le but est simple : donner des vêtements aux plus démunis. Mais attention ! Tout repose sur les dons des uns et des autres, et Djounaidi se refuse à mettre un quelconque statut sur la structure, ou à demander des subventions. “Dès qu’on est subventionné, les gens se disent que ça ne sert plus à rien de participer. Moi je veux que tout le monde se sente concerné, du plus modeste au plus riche, du plus jeune au plus âgé”, décrypte-t-il.
S’engager pour son île
Une façon aussi de prouver que les Mahorais peuvent porter eux-mêmes les projets structurants pour leur territoire. “Trop souvent, on se sent mis à l’écart ou chapeauté par des gens qui sont là pour un ou deux ans”, déplore l’éducateur spécialisé. S’il se refuse à considérer une carrière politique, Djounaidi a l’âme de ceux qui s’engagent pour les causes nobles. Sa présence ce vendredi, pour la Convention internationale des droits de l’enfant, en est l’une des nombreuses démonstrations. “À chaque fois qu’il faut se positionner sur un sujet, moi ce que je me dis c’est : où est l’intérêt supérieur de l’enfant ? Il faut toujours garder en tête que ce qui prime, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant”, répète-t-il avec conviction. Mais ces engagements ne sont pas sans difficulté et le jeune actif a peu de temps pour lui… Pendant ses rares moments de répit, il file dans le Sud, pour se ressourcer autour d’un voulé avec sa famille et ses amis. Un cercle proche, sans qui celui qui a grandi au milieu des rivalités de bandes à Mtsapéré, n’en serait peut-être pas là aujourd’hui. “Ce sont eux qui m’ont fait comprendre que la vie était affaire de choix”, salue-t-il.
C’est un éternel débat. Faut-il donner plus de place à la langue française à Mayotte ? Ou au contraire, valoriser davantage le mahorais et le kibushi ? Il n’existe pas de réponse exacte, tant les avis sont partagés. C’est dans cette vision des choses que se tient la première consultation sur les langues, initiée par la Direction des affaires culturelles de Mayotte. Bruno Lacrampe, conseiller livre et lecture, langue française et langue de France à la DAC de Mayotte, a constaté un affaiblissement des deux langues régionales, sans pour autant observer une amélioration du niveau en français, sur le territoire.
Flash Infos : En quoi consiste cette consultation sur les langues à Mayotte ?
Bruno Lacrampe : Nous allons consulter les Mahorais afin de cerner ce qu’ils veulent et pensent concernant les différentes langues parlées sur l’île. Nous organisons quatre réunions sur le mahorais, deux sur le kibushi, une sur l’arabe et les langues étrangères parlées sur le territoire (espagnol, anglais, soihili, malgache), et une sur le français. Nous allons ensuite faire des comptes rendus écrits en français et oraux pour éviter le problème de l’écriture et les publier sur Facebook pour que les gens continuent à commenter. Puis vers juillet et août, nous allons tout éditer en ajoutant les commentaires de Facebook. Au bout du compte, nous aurons un catalogue de toutes les idées présentes sur l’île concernant les langues régionales.
FI : Quelle sera l’utilité de ce catalogue ?
L. : L’année prochaine se tiendront les états généraux du multilinguisme Outre-mer à La Réunion. C’est un évènement qui se produit tous les dix ans. C’est l’occasion de faire le point et d’inventer des dispositifs sur les langues d’Outre-mer. Jusqu’à présent, Mayotte a été en dehors de ces discussions parce que, même si pour le ministère de la Culture, les langues de Mayotte sont des langues régionales à part entière, pour l’Éducation nationale elles ne sont pas reconnues comme telles et ne sont donc pas enseignées. Ce catalogue permettra de mettre en avant toutes les langues parlées sur le territoire.
FI : De quelle manière cohabitent le mahorais et le kibushi avec le français ?
L. : Le français est la langue officielle, langue de l’enseignement, de la promotion sociale, mais par contre, ce n’est pas la langue parlé à la maison. Nous pensons que 80% des Mahorais parlent plutôt le shimaoré ou le kibushi. Les langues régionales de Mayotte sont beaucoup plus vivantes que les langues régionales en métropole. Mais la situation ici est différente car les langues de Mayotte sont très différentes du français. Contrairement au créole par exemple qui s’apparente au français. Il n’y a pas de passerelle très facile entre les langues régionale de l’île et le français.
FI : Comment est-ce que cela se caractérise sur le territoire ?
L. : Du point de vue de la citoyenneté, le fait de ne pas connaître le français entraîne une certaine exclusion. Il y a des institutions qui réfléchissent plus ou moins à la question, mais cela ne suffit pas. Par exemple, la justice a des interprètes, l’hôpital fait des efforts mais qui sont informels. Le médecin fait appel à un collègue pour traduire lorsque le patient ne parle pas français, mais ce n’est pas son métier de base. Nous retrouvons cette situation dans beaucoup d’autres endroits, dans l’administration et dans le privé.
FI : Que faudrait-il faire pour mieux prendre en charge les personnes qui ne parlent pas français ?
L. : Il faudrait mettre en place, dans un premier temps, des formations d’interprètes. Ensuite, chaque entreprise et administration doit prendre ses dispositions. Elles pourraient par exemple dégager dans leur budget une partie pour embaucher des personnes formées qui font de l’accompagnement linguistique. Le domaine de la santé et de la justice sont les plus importants à mon sens.
FI : Certains amoureux du mahorais et du kibushi pointent du doigt un certain dénigrement de ces deux langues. Pouvons-nous imaginer leur disparition au profit du français ?
L. : À Mayotte, les deux langues régionales sont mises à mal, car il y a d’une part ceux qui ne les parlent pas du tout parce que leurs parents ne leur ont pas appris. D’autre part, nous observons une détérioration de la qualité de ces langues. Certains mots ont disparu et ont été remplacés par des mots en français. C’est ce qu’il s’est passé un peu partout dans les régions de France, notamment pour le basque et le breton. Si nous ne faisons rien, la tendance naturelle mène à l’affaiblissement qualitatif, voire à la disparition de la langue régionale.
FI : Comment éviter d’arriver à une telle situation ?
L. : Il faut se focaliser sur les enfants. Il y a des gens qui pensent que si nous apprenons les deux langues en même temps, nous finissons par n’en maîtriser aucune des deux. C’est quelque chose que nous voyons par exemple en Algérie. Il y a la présence concomitante de trois langues, et finalement le niveau n’est bon ni en français ni en arabe ni en berbère. Mais selon moi, tout dépend de la manière dont nous faisons les choses. Dans un cadre formel comme l’école, onous pouvons penser que le fait d’être en contact avec plusieurs langues peut renforcer les unes et les autres. Parce que nous apprenons à faire des exercices dans la langue avec laquelle nous avons le moins de difficultés puis nous transposons dans l’autre. Quoi qu’il en soit, le ministère de la Culture cherche à favoriser la présence de toutes les langues dans l’espace public et dans les administrations qui le souhaitent.
En retard pour l’envoi de son budget, qui plus est excédentaire, l’organisme, désormais célèbre pour la note truquée du président du CDG de La Réunion, s’est de nouveau attiré les foudres de la chambre régionale des comptes. “Peut mieux faire”, notent les magistrats en substance.
C’est un comble ! Après la grossière affaire de la note de 3/20 transformée en 15/20 au bénéfice du président du centre de gestion de la fonction publique territoriale de La Réunion, Léonus Thémot, voilà que le centre de gestion de Mayotte est à nouveau épinglé par la chambre régionale des comptes. En cause, cette fois-ci ? La mauvaise gestion de son budget…
En tant qu’établissement public, le CDG 976 devait transmettre le document comptable au plus tard le 31 juillet 2020. Sans nouvelle de la structure – censée tout de même accompagner les collectivités dans leurs missions – au 13 octobre, le préfet a donc saisi la chambre pour défaut d’adoption du budget primitif 2020. Surprise : le centre avait plus d’une piécette cachée sous le matelas ! En épluchant le compte de gestion du payeur départemental, visiblement plus fiable que les quelques documents obtenus auprès du centre de gestion, les magistrats ont découvert un joli pactole de plus d’un million d’euros. Le fruit d’une section de fonctionnement avec un excédent de 1.049.255 euros exactement, et d’une section d’investissement à l’équilibre.
Un taux de cotisation fixé à son maximum
Pour rappel, les ressources des centres de gestion proviennent des collectivités locales. Les communes et leurs établissements publics sont obligés de s’affilier à un centre de gestion, qui se charge de certaines missions obligatoires comme l’organisation des concours et les ressources humaines. À Mayotte, le CDG 976 gère ainsi la carrière des agents de 36 collectivités et établissements en 2018.
Dans un précédent rapport, les sages de la chambre régionale des comptes notaient déjà que le CDG 976 n’était pas du genre à se serrer la ceinture. Avec un taux de cotisation fixé à son maximum, soit 0,8% de la masse salariale, la structure a pu “bénéficier de ressources significatives abondées par la mise en place de la prime de la vie chère”. Non content d’exercer “partiellement” ses missions obligatoires – on en aura reçu la preuve avec le concours falsifié de Léonus Thémot – le centre a proposé aussi des missions facultatives, l’hygiène et la sécurité, à 20 collectivités en 2018 et une prestation d’assurance statutaire à 5 d’entre elles, qui a généré en 2017 “165.000 euros, soit 70% des recettes liées aux missions facultatives sans rapport avec le service rendu aux collectivités souscriptrices”, soulignent aussi les magistrats.
Sur-rémunération et bilan excédentaire
Et pendant que les collectivités trinquent, le personnel du CDG 976 se gave ! Les charges du personnel représentent ainsi plus de 1,2 million d’euros, et l’augmentation “de 12% entre 2014 et 2018 résulte de la mise en place de la “sur-rémunération” et de l’évolution des effectifs de l’ordre de 20%”, déroule encore la chambre dans son rapport de juillet dernier. “La politique de rémunération et de recrutement de l’établissement est perfectible (…) Ces errements sont d’autant plus contestables qu’ils émanent d’un organisme supposé référent et expert en matière de ressources humaines.” Face à ce constat, la conclusion des magistrats dans leur dernier avis devrait faire mouche : “Le CDG 976 dégage régulièrement un excédent de ressources par rapport à ses besoins. Il appartient dès lors à l’établissement de s’interroger sur le juste niveau des cotisations tant obligatoires que facultatives versées par les organismes affiliés.” Dans le mille !
Jeudi, 38 apprentis boulangers, cuisiniers et serveurs en restauration du Greta-CFA de Mayotte ont chacun reçu leur tenue professionnelle, dans le cadre de leur contrat d’apprentissage. Une manière de consolider les choix professionnels de ces jeunes et dans celui de l’alternance. Au cours des deux prochaines années, ils vont mettre en pratique toute la théorie reçue au sein du lycée professionnel de Kawéni dans leurs entreprises respectives.
« Ces tenues que nous vous remettons aujourd’hui pour les deux prochaines années, c’est la preuve que le CFA vous fait confiance », introduit d’un ton patriarcal Jacky Mongodin, le responsable de la formation apprentissage, devant une quarantaine de futurs boulangers, cuisiniers et serveurs rangés par brigade dans le restaurant d’application. Un moment d’autant plus solennel qu’ils sont les premiers au sein de l’établissement du lycée professionnel à Kawéni à en bénéficier. Un cadeau de bienvenue rendu possible à la suite de la réforme du 5 février 2018, effective depuis le 1er janvier 2020 à Mayotte, « pour vous équiper », précise Dominique Bachelot, le proviseur. « Vous serez beaux, fiers et efficaces. »
Un par un, Nouriati, Mariame, Mohamed, Sami et tous les autres s’approchent de leur formateur pour se voir remettre veste, pantalon, tablier ou blouse, calots ou charlotte, mocassins… Tout un attirail synonyme « du sérieux de votre travail » dans le but de forger le respect des collègues de leurs établissements respectifs où ils vont une semaine sur deux mettre en pratique la théorie apprise sur les bancs de l’école. D’autant plus que dans ces milieux professionnels, souvent considérés comme ingrats en raison de la pénibilité des horaires et de la charge de travail, la rigueur et l’exemplarité prédominent. « À vous de les garder propres et pliés », insiste Jacky Mongodin, qui n’hésite pas à mettre la pression à ses apprentis pour qu’ils prennent conscience de ce coup de pouce financier, « de 200 à 400 euros en fonction des métiers ». Un montant que « vous n’aurez pas à sortir de vos poches », à l’inverse de leurs prédécesseurs.
Moyenne d’âge de 20 ans
Cette distribution est aussi l’occasion d’évoquer les bien-fondés de l’apprentissage, que peuvent toucher du doigt les 16-29 ans. Une manière de sortir la tête haute des filières générales, prisées par certains élèves et angoissantes pour d’autres. Et surtout d’offrir des opportunités concrètes à des jeunes « en rupture » et à ceux qui « sortent du collège » l’esprit barbouillé par le cadre scolaire classique. Toutefois, Jacky Mongodin recense « très peu de mineurs » dans ses rangs, puisque « la moyenne d’âge est de 20 ans ».
Pas question donc de comparer cette décision à un quelconque aveu de faiblesse, bien au contraire. Avec la formation en alternance, « vous avez une longueur d’avance dans le monde du travail par rapport à vos camarades », insiste-t-il, en rappelant que deux restaurants sur trois à Mayotte emploient un apprenti. Une remarque pertinente et motivante dans un territoire où le chômage frôle les 40% de la population active… « Mais ça va être dur pendant deux ans », prévient-il. Pour surmonter les épreuves qui les attendent, « nous serons à vos côtés pour pousser les portes et ouvrir les fenêtres pour résoudre vos problèmes ». Un message salué par un unanime « Oui, Monsieur ! » crié en choeur.
Après un léger pic du taux d’incidence la semaine dernière, l’épidémie marque à nouveau le pas à Mayotte, malgré les arrivées régulières en provenance de la métropole.
Ouf ! Alors que la métropole vit les heures sombres de la seconde vague, Mayotte semble pour l’instant épargnée par la flambée des cas de Covid-19 sur son territoire. D’après le dernier point épidémiologique de l’Agence régionale de santé, 161 nouveaux cas ont été détectés sur la semaine du 11 au 17 novembre, portant le total à 5.036 depuis le début de l’épidémie. Par ailleurs, deux nouveaux décès sont à déplorer, soit un total de 48 décès dus au virus, et 13 personnes sont hospitalisées au CHM, dont 5 en réanimation. Avec 58 cas pour 100.000 habitants et un taux de positivité des tests qui stagne autour de 10%, les chiffres sur la semaine sont donc plutôt encourageants, à en croire la directrice de l’ARS, Dominique Voynet. Et ce, malgré un léger soubresaut du taux d’incidence la semaine passée, passé au-dessus de la barre des 100. Pour rappel, le premier seuil d’alerte de cet indicateur est fixé à 50 par Santé Publique France, mais l’on reste loin des montées en flèche qu’ont pu connaître certaines zones. À la veille du reconfinement, Paris enregistrait plus de 600 cas pour 100.000 habitants…
Ouverture du centre de prélèvement en Petite-Terre
Voilà pour le bilan du jour. “En pratique, nous devrions nous réjouir de cette baisse qui se confirme commune par commune, après des alertes dans le sud de Mayotte, à Bouéni, à Chirongui, à Ouangani et à Kani-Kéli”, déroule Dominique Voynet. Avant de prendre quelques pincettes. “Nous n’avons pas toutes les remontées des circuits parallèles ou alternatifs, notamment pour les voyageurs ou les personnes en situation irrégulière.” Dans son viseur : l’ouverture du centre de prélèvement en Petite-Terre, au quai Issoufali, où les voyageurs peuvent se faire tester moyennant la somme de 20 euros, et qui n’a pas fait l’objet d’une concertation avec l’ARS. Les prélèvements effectués sur place sont envoyés au laboratoire Biogroup en métropole, et certains résultats pourraient alors échapper au compteur. “Nous avons rappelé aux autorités que la remontée des cas positifs devait respecter les circuits mis en place par l’ARS, faute de quoi les chiffres que nous donnons perdent de leur sens”, indique l’ancienne ministre.
Des clusters dans des sphères privées
Quoi qu’il en soit, la seconde vague ne frappe pas encore le 101ème département, même si des clusters ont pu être identifiés, dans des cercles privés pour la plupart – réunions de famille, mariages, enterrements – mais aussi dans un club de rugby, dans l’entourage des pompiers de Chirongui, ou encore à l’internat du CHM. Parallèlement à cela, le nombre d’entrants via l’aéroport ne faiblit pas, pas plus que les arrivées de kwassas. Est-ce à dire que les remparts mis en place en amont des vols suffisent à protéger le territoire ? Peut-être, mais “il faudrait regarder dans les clusters actuels si nous trouvons parmi les cas des personnes qui ont voyagé récemment”, répond Dominique Voynet. Tout en rappelant l’antécédent de la première vague où “un décalage de sept semaines” avait pu être constaté avec la métropole. Autant d’éléments qui poussent toutefois la directrice à marteler le “nécessaire respect des gestes barrières”.“Nous avons toujours des cas sérieux et même récemment un homme jeune de 43 ans admis en réanimation sans lourde comorbidité. Nous continuons de prendre le Covid au sérieux”, insiste-t-elle.
Plus de tests mais des effectifs toujours contraints
Une précaution d’autant plus importante que Mayotte reste soumise aux limites de son offre de soins. “Le CHM est sur la cordelette toute l’année avec un nombre réduit de lits en réanimation. Nous ne sonnons pas le tocsin car la situation reste gérable, mais nous avons un plan rebond qui peut nous permettre de dépasser les trente lits si nous devions faire face à un afflux soudain.” L’équipe chargée du contact tracing a quant à elle à nouveau été renforcée pour fonctionner sept jours sur sept. Enfin, l’arrivée des tests antigéniques a permis de soulager le travail des biologistes et de recentrer les tests PCR sur les cas symptomatiques et les cas contacts identifiés. Reste à s’assurer que les professionnels de santé sont tous bien rôdés à la technique : après une opération de dépistage collectif par le biais de ces TROD (tests rapides d’orientation diagnostique) dans une commune de Mayotte, aucun cas positif n’a été identifié. Un résultat sans doute un peu erroné…
Les équipes anticipent le retour possible de la dengue
Bonne nouvelle : les averses des derniers jours n’ont pas signé le retour des cas de dengue sur le territoire. Un répit qui sera peut-être de courte durée, avant la saison des pluies… Si l’Agence régionale de santé n’a donc pas encore ressorti les pulvérisateurs, ses équipes dédiées à la lutte antivectorielle ne chôment pas pour autant. “Nous avons un seul produit homologué à Mayotte, et notre hantise, c’est la résistance des moustiques”, explique Dominique Voynet pour justifier la pause des pulvérisations. Les 65 employés dédiés – auxquelles s’ajoutent toujours 10 personnes obtenues en renfort cette année – s’activent à cartographier les zones préoccupantes en matière de gîtes larvaires. Un travail qui associe aussi les associations, les usagers et les communes pour permettre de lutter contre les déchets ménagers, véritables nids à moustiques. “Tous les nouveaux maires se sont fait élire en disant qu’ils allaient travailler sur les déchets et l’assainissement, nous voulons être sûrs que cet élan civique se maintienne”, fait valoir la directrice de l’ARS. Enfin, la distribution de moustiquaires, associée à la sensibilisation aux bons gestes, se poursuit avec les communes.
Un centre de cardiologie pourrait ouvrir ses portes à Dembéni
La clinique privée Sainte-Clotilde à La Réunion ambitionne d’installer un service de cardiologie à Dembéni. Un avantage indéniable pour le territoire où l’offre de soins en la matière reste limitée. Mayotte ne dispose à ce jour que d’un seul cardiologue et juste de quoi faire un électrocardiogramme ou une échographie. Sans table de coronarographie, les malades en proie à une crise cardiaque sont ainsi systématiquement évacués à La Réunion. L’entreprise Total, qui pilote un des trois projets d’exploitation au Mozambique, avait formulé le souhait de voir une telle plateforme sortir de terre dans le département, pour en faire sa base arrière et y évacuer ses potentiels patients. Mais l’arrivée de la clinique Sainte-Clotilde a surtout été rendue possible sur la base du plan régional de santé, indique la directrice de l’ARS. “Le PRS prévoit qu’un travail pourrait s’engager en 2023 dans la perspective du renforcement de la cardiologie interventionnelle”, précise Dominique Voynet. “Ce qui m’intéresse, ce ne sont pas les deux ou trois patients que Total enverra chaque année, mais les besoins de Mayotte.”
C’est au coeur de la plage de Grand Moya en Petite-Terre que le préfet, le conseil départemental et les associations environnementales ont mis en lumière leur nouveau plan d’actions commun pour lutter contre le braconnage des tortues. Deux propositions principales y émanent pour converger les idées afin que les efforts fournis par chacun portent leurs fruits.
La lutte contre le braconnage des tortues semble être un combat sans fin à Mayotte. Les actions se multiplient mais leur efficacité questionne. “Il y a énormément d’initiatives qui sont prises pour protéger les tortues à Mayotte, mais elles manquent de coordination, il n’y a pas de stratégie. Chacun est dans sa ligne de sprint et personne ne regarde ce qu’il se passe à côté”, dénonce d’emblée le préfet de l’île. C’est la raison pour laquelle, les autorités et trois associations environnementales (Oulanga na nyamba, les Naturalistes, et Sea Sheperd) ont décidé de s’unir autour d’un plan d’actions commun. Pour se faire, un groupe de coordination opérationnel va être créé. “Il devra définir une stratégie et il décidera très concrètement des actions à conduire, des protections à mettre en place, il règlera les problèmes qui persistent depuis des années”, détaille Jean-François Colombet. La première réunion du groupe doit se tenir le 15 décembre prochain.
Une inclusion à plusieurs niveaux
Le plan d’actions en question a l’ambition de travailler avec les différents acteurs de Mayotte qui se sentent concernés par le sujet, de près ou de loin. Les communes et les intercommunalités sont les premiers ciblés. “Nous souhaitons signer des contrats de sauvegarde des tortues pour chaque site. Cela engagera le maire ou le président de la collectivité concerné, le conseil départemental et l’État sur 3 ans”, soutient le préfet.
L’appareil judiciaire est également invité à prendre part à ce nouveau plan, même si officiellement il ne figure pas sur les papiers. Le substitut chargé des sujets environnementaux au tribunal judiciaire de Mamoudzou pourra intervenir s’il le souhaite et consulter le travail fait par les différents acteurs. “Je pense que l’autorité judiciaire fait bien son travail. Mais il est important qu’elle comprenne le contexte, les enjeux et les actions menées au-delà de la procédure”, estime Jean-François Colombet.
Raïssa Andhum, 3ème vice-présidente du conseil départemental, en charge de l’aménagement et du développement durable l’avoue, “nous avons fait un état des lieux et nous nous sommes rendus compte que nous ne pouvions pas assurer cette mission seuls. Il fallait une collaboration plus large”. Pour cela, ils se sont appuyés sur le travail considérable des associations qui commençaient à perdre espoir. “Nous sommes très agréablement surpris par les engagements pris aujourd’hui. Cela fait très longtemps que nous les attendons”, rappelle Jeanne Wagner, directrice de l’association Oulanga na Nyamba. Cet engagement fort du Département et de l’État est supposé envoyer un message d’espoir aux Mahorais. Mayotte est enfin prête à protéger cette richesse naturelle.
Mercredi, la page Facebook de l’aéroport de Mayotte a annoncé l’ouverture d’un centre de prélèvements RT-PCR en Petite-Terre dédié aux voyageurs. À la différence des dépistages classiques, celui-ci est payant à hauteur de 20 euros. Ce nouveau lieu de tests permet de répondre à la demande des compagnies aériennes qui reprennent progressivement leurs liaisons mais aussi d’éviter les ruptures de stocks connues par l’ARS par le passé.
Alors que la reprise des vols joue les montagnes russes depuis des mois, les compagnies aériennes sont au bord du précipice, ou plutôt du dépôt de bilan, et tentent tant bien que mal de relever la tête. Clouées au sol, pour la plupart, durant le confinement, elles sont depuis à la merci des annonces du gouvernement, et plus particulièrement des autorisations de déplacement et des multiples contraintes qui en découlent. Et à ce petit jeu-là, c’est le flou artistique tant les modalités pour voyager entre les territoires ultramarins et la métropole évoluent en fonction de la propagation du virus. Présentation d’un test Covid-19 négatif au départ de l’Hexagone vers Mayotte, justification d’un motif impérieux, port du masque obligatoire… Un véritable parcours du combattant pour celles et ceux qui ont envie de changer d’air !
Seul motif de satisfaction, se rendre en métropole et à La Réunion ne requiert pas de dépistage selon la dernière publication du ministère des Outre-mer. À l’inverse des destinations internationales, comme le Kenya, Madagascar et l’Union des Comores, qui exigent un résultat négatif de test RT-PCR effectué dans les 72 heures précédant le départ. D’où la mise en ligne mardi en fin d’après-midi d’un communiqué sur la page Facebook de l’aéroport de Mayotte avertissant de l’ouverture d’un centre de prélèvements en Petite-Terre, au niveau du quai Issoufali. « Il y a trois semaines, les compagnies aériennes sont venues me voir pour me dire que l’ARS, le CHM et le laboratoire privé ne pouvaient pas tester et analyser tous les passagers », rembobine Olivier Capiaux, le directeur régional d’Edeis, le délégataire de l’aéroport. « Quand ils se présentaient, certains d’entre eux se faisaient rembarrer. » D’où la décision de mettre sur pied une structure spécifiquement dédiée à ce public pour s’assurer que ce genre d’imbroglio ne se reproduise pas. Car les conséquences de ces refus ou de ces retards sont dramatiques pour les compagnies aériennes. « À cause d’une rupture de stocks, j’ai dû annuler 2 des 3 vols prévus pour Nosy Bé début octobre », se souvient Ayub Ingar d’Ewa Air. Du côté de l’Union des Comores, l’État voisin joue les prolongations au sujet des autorisations aériennes. « Avec AB Aviation, nous pouvons transporter des passagers vers Moroni, mais nous ne pouvons pas en ramener vers Mayotte. Dans ces conditions, nous volerions à perte », ajoute-t-il, en espérant que la situation se débloque la semaine prochaine.
Rémunérer la Croix Rouge
Jusque-là, rien de bien particulier, au contraire. Sauf que cette alternative coûte 20 euros que vous soyez assuré ou non. Un montant relativement accessible, mais qui interroge puisque les autres établissements habilités le font gratuitement. Pour le justifier, Olivier Capiaux précise que cette somme, « non remboursable », rémunère « la Croix Rouge », qui s’occupe du dépistage, du secrétariat et des frais de dossiers. Ce centre est également en lien avec le laboratoire Biogroup qui rend une fière chandelle à la compagnie maritime, SGTM – Maria Galanta, en charge des reconduites aux frontières.
Même si cette ouverture fait beaucoup jaser sur la toile, Olivier Capiaux y voit surtout une bonne nouvelle et un motif d’espoir pour l’avenir. « En tant qu’alliés du territoire, nous avons pour vocation de faire tourner les compagnies aériennes mais aussi de faire fonctionner la plateforme aéroportuaire. C’est juste pour répondre à la demande des uns et des autres », précise celui qui dit avoir joué son rôle de lanceur d’alerte auprès des institutions, notamment la préfecture, pour trouver une solution pérenne. « Aujourd’hui, tout le monde s’excite, mais est-ce normal d’avoir un seul labo pour 400.000 habitants alors qu’en métropole, il y en a huit pour 50.000 habitants », se demande-t-il. De quoi clouer le bec à ses détracteurs. Pour résumer : voyager depuis Mayotte reste décidemment un privilège…
Le dispositif “école des parents” a fait sa rentrée cette semaine au lycée des Lumières Mamoudzou Nord. Il est destiné aux parents de Kaweni et ses alentours allant de Koungou jusqu’à la ville chef-lieu. Très volontaires, les parents inscrits ont l’espoir d’améliorer leur niveau en français.
Le salle F104 du lycée des Lumières à Kaweni a troqué ses lycéens habituels contre leurs parents le temps d’une après-midi. Plus âgés, plus volontaires et plus studieux, ils ont fait figure de bons élèves. Ils prennent le cours d’initiation à la langue française très au sérieux, tant l’enjeu est important pour eux. “Je me suis inscrit à ce cours car nous vivons dans une société, un pays, où il est nécessaire de parler français pour pouvoir vivre”, explique Isamel, 40 ans. D’autres souhaitent s’impliquer davantage dans la scolarité de leurs enfants. “Je ne comprends pas ce qui est écrit dans le carnet de mon fils ou quand ses professeurs m’appellent. Je suis obligée de me fier à lui alors qu’il peut me mentir. J’ai envie de savoir ce qu’il fait à l’école”, raconte Assanati, 52 ans. Cette dernière reflète la principale motivation de l’ensemble des parents. Pratiquement aucun d’entre eux n’a été à l’école républicaine, alors tous ont conscience qu’il faudra redoubler d’effort et s’investir dans ce cours. “C’est une première pour moi et je sais que ça va être difficile. Mais je suis motivée et je vais y arriver”, sourit, Zakia, 46 ans.
Ils peuvent compter sur l’implication de leur professeur Noor Omarjee, surpris par le nombre de parents qui ont répondu à l’appel. “Je m’attendais à avoir 10 personnes, je me retrouve avec 30. Mais c’est une bonne chose, parce que cela signifie qu’ils sont intéressés”, relativise le professeur de français du lycée des Lumières. En effet, la salle est bondée, et la situation n’est pas adaptée pour ce type de public. “Je suis face à des adultes non lecteurs. Pour apprendre le français, il est préférable d’être en petit comité”, rappelle l’enseignant. Ce problème ne serait qu’occasionnel puisque l’arrivée d’une autre enseignante la semaine prochaine devrait scinder la classe en deux.
Des niveaux différents
Ce groupe est marqué par la différence de niveaux entre les parents. Certains arrivent à écrire leur nom et prénom et à faire l’exercice demandé, alors que d’autres déchiffrent encore les lettres de l’alphabet. “C’est le premier cours alors c’est normal. Mais je vais les regrouper selon leur niveau et à partir de là, je pourrai faire de la pédagogie différenciée, c’est-à-dire apprendre l’alphabet pour les uns et faire des exercices plus poussés pour les autres”, explique Noor Omarjee. En attendant, les plus avancés n’hésitent pas à aider les autres, y compris l’enseignant qui peine à se faire comprendre par toute l’assemblée. Ses conversations avec ces élèves d’un autre genre peuvent prêter à sourire. Il parle français, alors que les parents répondent en shimaoré. “Est-ce qu’il y a un volontaire pour être mon traducteur ?”, demande-t-il rempli d’espoir. Fort heureusement, un homme accepte de jouer le rôle, et cela permet aux parents d’être plus à l’aise. Cependant, lors des inévitables présentations, l’appréhension fait son apparition. Les parents inspirent et expirent fortement avant de prendre la parole, certains ont du mal à cacher leur stress, mais ils arrivent tous à balbutier quelques mots. “Ça a été dur pour moi de parler, mais ce n’est que le début, je sais que je vais m’améliorer”, espère Assanati.
Un cours utile à la vie au quotidien
Ce cours de français a un objectif bien précis : celui de faciliter la vie des parents d’élèves, notamment lors des démarches administratives. “Nous allons travailler sur des choses très concrètes. Nous allons leur apprendre à remplir un document administratif ou un chèque par exemple pour que cela leur serve dans la vie de tous les jours”, détaille le professeur. Il participe à ce dispositif depuis l’année scolaire 2019-2020, et selon lui, il est de son devoir de s’impliquer d’une certaine manière à l’évolution de ces parents. “C’est notre mission dans l’Éducation nationale d’aider les personnes désireuses d’apprendre le français”, rappelle-t-il. Il espère que ce dispositif sera bénéfique au village de Kaweni à l’instant où les habitants sentiront que le lycée leur est utile. Une chose est sûre, le cours est fortement apprécié par les parents qui partent tous satisfaits et souriants. “J’ai hâte de revenir la semaine prochaine”, clame l’un d’entre eux.
En amont du 25 novembre, journée de lutte contre les violences faites aux femmes, une matinée d’échange était organisée auprès des collégiens et lycéens au Lycée de Mamoudzou Nord. L’occasion de rappeler quelques chiffres sur ce phénomène de société. Mais aussi que des recours sont toujours possibles.
Elle empoigne le micro et se dresse sans une hésitation en haut de l’amphithéâtre. “Et pour les femmes traditionnelles, celles qui n’ont pas les moyens, qui ne sont pas indépendantes comme certaines femmes d’aujourd’hui ? Ou celles qui n’ont pas de papier ? C’est parfois choquant de voir ça, car elles ont peur d’aller à la justice…”, débite sans sourciller cette élève de seconde au Lycée de Petite-Terre, face au parterre de magistrats et d’institutionnels rassemblés sur l’estrade. Salve d’applaudissements dans les gradins. “Sachez que nous recevons les plaintes de toute personne, peu importe sa situation administrative”, lui répond le capitaine de gendarmerie, Jean-Pascal Dépit.
Ce mercredi, des collégiens et des lycéens venus des quatre coins de l’île, de M’tsamboro, Kani-Kéli, Petite-Terre ou Mamoudzou, étaient réunis pour une matinée de sensibilisation sur les violences faites aux femmes. Et comme leur camarade, ils ont été nombreux à oser interpeller leurs interlocuteurs pour obtenir des précisions sur les dispositifs mis en place à Mayotte et en France afin de lutter contre ces violences. Preuve que cette journée ne les aura pas laissés indifférents…
“Privilégier la jeunesse”
L’initiative, portée par le barreau de Mayotte, s’inscrivait dans le cadre de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, fixée le 25 novembre prochain. En amont de cette action portée par l’ONU, la Bâtonnière, Maître Fatima Ousseni, avait donc invité des avocats mais aussi des magistrats du tribunal judiciaire ou de la chambre d’appel et des représentants des services de police et de gendarmerie, de la préfecture ou de la mairie de Mamoudzou, pour échanger avec les élèves au Lycée de Mamoudzou Nord. Le but de l’opération : “Privilégier la jeunesse dans un but à la fois préventif et protecteur.”
Témoins ou victimes, des recours possibles
“Il faut que nous regardions frontalement cette réalité de notre société : personne n’a le droit de porter atteinte à sa compagne, et je suis certaine que vous, quand vous serez adultes, vous garderez ce principe en tête”, introduit la bâtonnière. Avant de laisser la parole à Maître Abdel Latuf Ibrahim, qui se charge de définir le concept de violences et d’énoncer quelques principes de droit et recours possibles, comme les ordonnances de protection, ces mesures d’urgence pour protéger la victime des violences, ou le téléphone grave danger, qui sert à avertir les autorités en cas de menace imminente. “Pour Mayotte, toute personne confrontée à des violences peut aussi appeler le 55 55, le numéro local gratuit où chacun peut obtenir des renseignements et parler à un interlocuteur en langue locale”, complète la déléguée aux droits des femmes et à l’égalité, Taslima Soulaimana, également présente ce matin.
“Quand nous parlons de violences, vous pensez naturellement aux blessures physiques, mais il n’y a pas que cela : il y a les violences sexuelles, verbales, mais aussi psychologiques et économiques”, déroule l’avocat. Avant de rappeler quelques chiffres : entre 2011 et 2018, 213.000 femmes déclarent avoir été victimes de violences physiques ou sexuelles par leur conjoint. Et moins d’une sur cinq est allée jusqu’à porter plainte… “Très peu de gens osent libérer la parole”, résume-t-il.
Pic de signalements pendant le confinement
Mais cette matinée d’échange aura justement été l’occasion de lui donner tort. Après la projection de L’Emprise, téléfilm biographique inspiré de la véritable histoire d’Alexandra Lange, une femme battue par son mari pendant quatorze ans, les échanges sont allés bon train entre une jeune assistance, curieuse de comprendre les rouages de la justice, et les intervenants, issus des différentes institutions locales. Des débats qui ont aussi permis de rappeler le rôle clé de chacun dans ce défi de société, encore tristement d’actualité aujourd’hui. Il n’y a qu’à jeter un œil aux statistiques pour s’en convaincre : pendant l’époque pas si ancienne du confinement, certains dispositifs de signalements ont recueilli jusqu’à vingt fois plus de signalements qu’en temps normal…
Vendredi matin, le comité de pilotage sur le projet d’évolution du trafic aérien à Mayotte s’est réuni à l’hémicycle du Département. Trois études de faisabilité ont rythmé ce rendez-vous : les freins et axes d’amélioration de la desserte aérienne, la création d’un hub aérien en relation avec le projet gazier au Mozambique et l’opportunité d’une nouvelle compagnie aérienne. Focus sur la présentation de ce troisième et dernier lot, dont la décision finale du conseil départemental doit intervenir d’ici deux ou trois mois.
Entre le flop de l’ex futur projet d’AB Travel and Tour SAS il y a un an et le retour de Corsair prévu en décembre, la population scrute le ciel mahorais avec une attention toute particulière ces derniers mois. Un sujet sous haute tension qui tient en haleine une bonne partie des habitants, frustrés des tarifications pratiquées, notamment par Air Austral, dont le monopole n’est plus à présenter. Alors pour faire baisser les factures beaucoup trop salées, le conseil départemental réfléchit à prendre enfin son envol et à s’investir dans ce champ de compétence. « Nous nous posions cette question : l’aérien est un domaine réservé à l’État, qu’est-ce que nous allons y faire ? », s’interroge Zoubair Alonzo, le directeur de la chambre de commerce et d’industrie. « Et en poussant l’étude, nous nous sommes rendus compte que le Département pouvait réellement être acteur de son désenclavement. Des schémas juridiques existent pour qu’il agisse en faveur des Mahorais. »
C’est tout le travail présenté vendredi dernier au sein de l’hémicycle Younoussa Bamana par ARDH et les membres de son groupement. Deux scenarii sortent du lot : créer une nouvelle compagnie aérienne avec le soutien d’investisseurs privés ou entrer dans le capital d’une compagnie déjà existante, en l’occurrence Ewa Air. Mais à l’heure actuelle, plusieurs zones d’ombre subsistent toujours. « Ce n’est pas encore le moment de trancher. » La collectivité doit d’abord prendre le pouls auprès des actionnaires pour savoir ce qu’ils sont prêts à rétrocéder. Le démarrage des négociations est d’ailleurs imminent… La peur de voir ces options s’éterniser gagne immédiatement du terrain dans toutes les têtes de l’assemblée. Une théorie balayée d’un revers de la main par Zoubair Alonzo qui apporte des garanties « politiques » . « Le Département se donne deux ou trois mois pour faire son choix. La décision sera prise par la majorité actuelle », assure-t-il pour tenter de rassurer les plus sceptiques, avec en tête de liste l’association d’usagers des transports aériens de Mayotte.
6.5 millions d’euros pour une nouvelle compagnie
Si la réflexion s’arrête sur la création d’une nouvelle compagnie aérienne, il faudra toutefois prendre son mal en patience. « Nous nous basons sur un délai allant de 12 à 14 mois pour procéder à toutes les formalités juridiques, la capitalisation et le certificat de transporteur aérien. » Quid alors du nerf de la guerre, c’est-à-dire l’aspect financier ? De ce côté-là, le conseil départemental table déjà sur une enveloppe de 6.5 millions d’euros d’ici 2025, en cas de lancement en 2021. « Ce n’est pas un budget pharaonique quand nous connaissons la problématique de l’aérien à Mayotte », tempère Zoubair Alonzo. Pour Ewa Air, la donne est sensiblement différente car les comptes sont à l’équilibre. « Le risque serait assez bien maîtrisé, voire circonscrit, en la situation actuelle. »
Très bien, mais concrètement à quoi faut-il s’attendre en cas d’avancées majeures ? « L’étude réalisée affiche un tarif maximal de 400 euros en haute saison pour un voyage entre Mayotte et La Réunion », rassure le directeur de la CCI. Toutefois, pas question d’avoir la folie des grandeurs et d’imaginer voyager aux quatre coins du monde. La priorité serait le renforcement de l’activité régionale par l’exploitation de vols vers Saint-Denis et vers Saint-Pierre Pierrefonds en combinaison avec Maurice et Tananarive, ce qui représenterait plus de 200.000 voyageurs par an. Tout du moins, sur le court terme, en attendant d’autres destinations plus exotiques… « En ce qui concerne l’Afrique, il faudra du temps pour négocier les autorisations de vol. » Idem pour l’Arabie Saoudite, lieu prisé par les pèlerins mahorais, qui se rendent à la Mecque chaque année. Par contre, les dessertes vers Jakarta, Singapour et Bangkok, un temps envisagées en raison des milliers de travailleurs asiatiques qui seront mobilisés pour le projet gazier au Mozambique, ne sont plus que de l’histoire ancienne. Quoi qu’il en soit, Mayotte n’a jamais été aussi proche de chambouler la concurrence aérienne qui la ronge depuis bien trop longtemps.
Depuis jeudi dernier, un nouveau centre de dépistage mis en place par le laboratoire privé Mayobio, situé en face de Distrimax à Kawéni, a ouvert ses portes à toute la population. Sa particularité : il propose des tests antigéniques gratuits et sans rendez-vous ! Et surtout un résultat dans les 15 minutes après un prélévement naso-pharyngé. Alors concrètement, comment cela fonctionne-t-il ? « Lorsque quelqu’un s’enregistre à l’accueil, son orientation dépend d’un logigramme », introduit Pierre-Emmanuel Bonnave, biologiste.
Cette nouvelle méthode s’adresse en priorité aux moins de 65 ans présentant des symptômes inférieurs à 4 jours et aux asymptomatiques souhaitant réaliser un dépistage classique. À la différence des personnes âgées à risques (cardiaques, diabétiques, pathologie respiratoire) ou avec des symptômes supérieurs à 4 jours, mais aussi des cas contacts de Covid+ qui, eux, doivent suivre la voie classique, à savoir le test PCR. Mais pourquoi une telle différenciation ? Si « l’antigénique a une sensibilité excellente », il présente « un doute de 3-4% », confie Didier Troalen, également biologiste. En d’autres termes, il offre moins de garanties et de fiabilité que l’autre dispositif puisqu’il recherche les protéines produites par le virus tandis que son compère traque le matériel génétique.
Soit. Mais son utilisation demeure en ce sens une véritable révolution, alors que la deuxième vague se fait toujours attendre. « Nous gagnons un jour, c’est toujours cela de pris quand nous voulons casser les chaînes de transmission », assure Florine Clavier, responsable du service de veille et sécurité sanitaire de l’agence régionale de santé. Un gain de temps non négligeable qui se justifie par une simple et bonne raison : il suffit de verser 5 gouttes sur le TROD (test rapide d’orientation diagnostique) sur lequel apparaît une ou plusieurs petites barres rouges pour indiquer si le prélevé est porteur du Covid-19 ou non. « S’il est positif, nous pouvons directement lui rappeler les mesures sanitaires à adopter, comme l’isolement, et lancer le contact tracing. »
En recevant 800 tests antigéniques de la part de l’ARS, Mayobio peut appréhender les prochains jours avec sérénité. « L’objectif est d’avoir une idée des volumes sur une ou deux semaines et permettre au laboratoire de devenir autonome en termes d’approvisionnement », ajoute Florine Clavier, ravie de cette nouvelle offre de dépistage sur le territoire. Qui peut être également appliquée par les équipes mobiles de l’ARS, comme ce fut le cas récemment à Ouangani, Barakani et Chiconi ou encore par des libéraux sur des zones très ciblées.
Le conseil départemental et l’ADIM ont signé officiellement les conventions avec les partenaires pour la reprise des activités dans le 101ème département. L’occasion d’annoncer de nouvelles mesures en faveur des entreprises locales pour les aider à faire face aux conséquences de la crise du Covid-19.
Une matinée pour signer officiellement la relance. Le conseil départemental et l’ADIM avait donné rendez-vous ce mardi aux élus, aux chefs d’entreprises et aux partenaires du monde économique, pour présenter les plans de continuité et de reprise des activités économiques. En tout, ce sont 5,9 millions d’euros qui devront permettre aux entrepreneurs, frappés de plein fouet par la crise sanitaire, de rebondir. “Il s’agit aujourd’hui de présenter les mesures nouvelles prises le 15 octobre par le conseil départemental pour faciliter la reprise des activités économiques afin d’encourager le développement et de sauvegarder l’emploi sur le territoire”, a introduit Ben Issa Ousseni, président de l’ADIM.
Ces mesures, qui s’inscrivent dans la lignée du fameux plan de relance de 100 milliards d’euros annoncé par le gouvernement, s’ajoutent aux aides d’urgence octroyées par l’État et le conseil départemental depuis l’annonce du confinement en mars dernier. À ce jour, 1.500 paiements ont été réalisés au titre du fonds de soutien régional et 345 paiements pour le fonds de solidarité complémentaire financé par le Département. Entre les différents fonds et prêts d’honneur, la collectivité a engagé quelque 8 millions d’euros depuis avril 2020.
Six secteurs identifiés
“L’évolution économique mondiale n’a jamais été aussi incertaine. Pour autant, nous devons nous relever et avancer : dès le début de l’été, le Département nous a réuni pour préparer la reprise économique”, a déroulé Mohamed Ali Hamid, le président de la chambre de commerce et d’industrie (CCI), qui a travaillé en partenariat avec le Département pour apporter des solutions à trois secteurs, le tourisme, le commerce et le BTP. Avec l’ESS, les transports et le commerce, ils font partie des six domaines d’activité particulièrement touchés par la crise qui ont été identifiés par les différents partenaires.
Un tour d’horizon auprès des entreprises locales a alors permis de faire émerger les problématiques auxquelles elles doivent faire face, pour leur apporter des réponses adaptées : révision du quota carburant pour les pêcheurs, plateforme recensant les travaux en ligne pour le BTP, prise en charge des surcoûts liés aux précautions sanitaires ou encore des chèques consommation pour les entreprises du tourisme et les petits commerçants font par exemple partie des solutions envisagées.
Relancer la consommation locale
Parmi les mesures phares, le projet Douka 2.0 doit permettre de relancer la consommation locale et de moderniser les petits commerces en entamant leur virage vers le numérique. En plus des enveloppes attribuées aux différents secteurs, des formations pourront aussi être proposées aux dirigeants d’entreprise et à leurs employés autour de la gestion comptable, administrative et commerciale de l’entreprise. L’autre volet essentiel : la communication, pour les aider à roder leur discours et à redorer l’image de Mayotte auprès des consommateurs.
La bonne nouvelle ? La clientèle de ces entreprises ne sera pas en reste ! La CCI travaille ainsi d’ores et déjà sur la distribution de 15.000 chèques de 100 euros à destination des salariés du privé, à dépenser dans les entreprises du coin. “L’objectif est de relancer ces entreprises du tourisme et de faire découvrir les offres locales, avec des effets leviers attendus, comme le fait de venir avec sa famille et la fidélisation des consommateurs”, a expliqué Serge Rochepeau, directeur du développement économique à la CCI. L’arrivée de ces petits bonus sur les bureaux est à prévoir dans le courant de l’année prochaine, le temps d’embarquer les entreprises partantes et de quantifier les bénéficiaires.
Des crédits pour faire face au Covid-19
Autant de coups de pouce qui doivent permettre d’accompagner le rebond des entreprises mahoraises… Tout en évitant au maximum les conséquences économiques mais aussi sanitaires de la crise du Covid-19. “Nous avons su résister à un nouveau confinement, et nous avons fait appel à des secteurs, je pense aux débits de boisson, aux bars, aux restaurants, qui se sont mobilisés et ont fait un travail exemplaire qui leur permet aujourd’hui de continuer à travailler”, a salué le préfet Jean-François Colombet. “Nous continuerons à fournir les efforts nécessaires pour que l’activité économique demeure tout en nous protégeant de la circulation du virus.”
À noter que ces mesures s’ajoutent aux crédits déjà annoncés au niveau de l’État et de l’Union européenne. Entre les 134 millions d’euros disponibles dans le cadre de l’initiative européenne REACT-EU, les 90 millions d’euros de la programmation FEDER 2014-2020 encore à engager et le contrat de convergence, où 500 millions d’euros ont déjà été engagés, Mayotte a les cartes en main. Reste à parier sur les bons chevaux !
12 lauréats pour l’appel à projets Innovation Mayotte 2020
En plus du plan de continuité et de reprise des activités économiques, cette journée organisée était aussi l’occasion d’annoncer les lauréats de l’appel à projet Innovation Mayotte 2020, lancé en septembre dernier à la faveur de la crise du Covid-19. Douze projets ont été retenus sur cinq volets clés pour l’avenir du territoire : le développement des talents, le digital, l’agriculture, le développement durable et le tourisme. Ils pourront bénéficier d’une subvention allant jusqu’à 100.000 euros ainsi que d’un accompagnement de 6 à 18 mois pour finaliser leur preuve de concept. Parmi les heureux élus : une plateforme pour les annonces d’emplois et de stages ; des projets basés sur l’énergie solaire ; un projet basé sur la blockchain ; un parc numérique de Mayotte ; des projets en faveur de l’agriculture connectée, comme “Zébu connecté 976”, ou encore une application mobile pour le tourisme…
L’insertion scolaire et professionnelle des jeunes en situation de handicap est particulièrement compliquée à Mayotte. Deux chercheurs du CUFR de Dembeni se penchent sur le sujet depuis le mois de septembre de cette année. Pendant 2 ans, les collégiens et lycéens handicapés se filmeront durant leurs stages respectifs afin d’analyser leur prise en charge et valoriser leur travail en milieu professionnel.
Valoriser le travail des jeunes en situation de handicap en en entreprise est le premier objectif de cette étude qui vient de voir le jour à Mayotte. À l’origine, Gaëlle Lefer Sauvage, maîtresse de conférence en sciences de l’éducation et chercheuse au CUFR de Dembeni, rattachée au laboratoire Icare basé à l’université de La Réunion. Avec la collaboration de 3 unités localisées d’inclusion scolaire (ULIS) au collège et 1 au lycée, ainsi que les associations Mlézi Maoré et Messo, elle étudiera pendant deux ans le comportement des jeunes handicapés lors de leurs stages professionnels de troisième, CAP et bac professionnel.
L’idée consiste à ce que ces jeunes se filment lorsqu’ils sont en train d’effectuer leurs tâches pour ensuite visualiser les vidéos. “Nous les analyserons pour comprendre comment ils se construisent professionnellement en se voyant en film”, précise la chercheuse. Ces vidéos serviront de CV numérique aux jeunes, qui pourront les présenter lors d’éventuels entretiens d’embauche. Elles seront également utiles aux enseignants qui suivent leurs parcours. “Les professeurs ont très peu de temps pour aller visiter l’ensemble de leurs élèves en stage et ils ne savent absolument pas ce que les élèves font en terme de tâches professionnelles”, rappelle Gaëlle Lefer Sauvage. Par ce biais, ils pourront juger si la théorie apprise à l’école est appliquée convenablement en entreprise. Mais les enseignants ont déjà une idée sur le contenu de ces vidéos. “Nous sommes avec des jeunes qui apprennent les bonnes manières et le savoir-faire, mais quand ils sont en stage, ils ne les appliquent pas car ils sont dans des milieux de stages non adaptés à eux” indique Christophe Alvergnat, coordonnateur ULIS du lycée professionnel de Bandrélé. Selon ce dernier, le milieu le plus concerné est celui de la restauration où les mesures d’hygiène strictes apprises à l’école sont difficilement applicables en entreprise.
La vidéo, une façon plus ludique d’impliquer les élèves
C’est un fait indéniable, le numérique prend le dessus sur l’écrit pour la jeune génération. Ceux qui participent à cette étude ne font pas exception malgré leurs divers handicaps. “Nous avons une population pour laquellel’écrit n’est pas toujours le premier réflexe. Nous n’avons pas voulu leur imposer un outil qui ne leur servira à rien parce que s’ils font un rapport de stage à l’écrit, ils le jetteront par la suite. Alors que la vidéo pourra être présentée dans leurs CV”, selon la maîtresse de conférence en sciences de l’éducation. Et à en croire les enseignants, les jeunes sont très investis dans le projet. “Ils m’ont bluffé. Autant ils peuvent être en situation de handicap, autant pour se filmer ils ont une longueur d’avance sur moi. Ils n’ont pas peur de toucher à tout et à manipuler tous les boutons”, se réjouit Christophe Alvergnat. Cela étant, les vidéos ne sont pas toujours de bonne qualité. Toute l’équipe pédagogique et de recherche est chargée de leur apprendre les techniques de base.
Tout ce travail permettra aux jeunes de se valoriser en tant que personne, de se valoriser dans le milieu professionnel mais aussi auprès de leurs familles. “Certaines ont encore du mal à accepter le handicap de leurs enfants. À partir de l’instant où nous leur montrerons ce qu’ils peuvent accomplir en milieu professionnel, ils les valoriseront davantage”, espère le coordonnateur ULIS du lycée professionnel de Bandrélé. Les équipes pourront observer les premiers résultats de cette étude à la fin de cette année scolaire.
À l’occasion de la journée internationale des droits de l’enfant le 20 novembre, le rectorat s’engage dans l’égalité des sexes auprès des élèves du second degré. Pour se faire, des professionnels iront dans quatre établissements scolaires du 17 au 26 novembre pour en parler. L’idée est de casser les clichés, afin que les jeunes aient un nouveau regard sur les inégalités qu’ils peuvent rencontrer.
À Mayotte, plusieurs générations se côtoient et le poids des traditions a parfois du mal à cohabiter avec le principe d’égalité des sexes. C’est dans cette optique que le rectorat cherche à sensibiliser les adolescents des collèges et lycées à travers des ateliers consacrés à l’égalité des genres mais aussi à l’éducation de la vie affective et sexuelle. Il ne s’agit pas d’une première puisque les élèves ont pu évoquer ces sujets à plusieurs reprises lors de débats à l‘école. Mais cette fois-ci, une exposition de l’association Adéquations, intitulée « L’égalité filles garçons c’est bon pour les droits de l’enfant. Et le respect aussi ! », viendra appuyer le travail des infirmiers et des assistantes sociales chargés de parler aux élèves. L’exposition est louée par le CDAD (conseil départemental de l’accès aux droits) au rectorat. Au total, 10 droits fondamentaux, inscrits dans la Convention internationale des droits de l’enfant sont abordés dans cette exposition. Le droit à l’éducation, le droit à la protection contre les violences, la responsabilité commune des parents, le droit à l’identité, etc. “L’idée est de partir des panneaux d’exposition pour développer un sujet en particulier en fonction de la classe et des difficultés que rencontrent les jeunes. Les infirmiers scolaires et les assistantes sociales seront les intervenants car ils sont sur le terrain et connaissent les problématiques des élèves”, explique Laure Durand, stagiaire au rectorat chargée de projet éducation à la vie affective et sexuelle en milieu scolaire.
Pour l’heure, seulement 4 établissements sont concernés par cette initiative. Le lycée polyvalent de Dembéni, le collège de Chiconi et celui de Sada, ainsi que le lycée Younoussa Bamana. Mais l’objectif est de répéter cette action tout au long de l’année dans différents établissements scolaires de l’île. Les écoles du premier degré ne pourront en bénéficier par manque d’effectifs. “La charge de travail est très importante pour les professionnels qui sont affectés dans les établissements du second degré. Cela ne nous permet pas d’aller faire des missions dans les écoles primaires”, indique Véronique Sejalon, conseillère technique du service sociale au rectorat et responsable du service sociale en faveur des élèves et du personnel.
La différence des sexes encore trop présente sur le territoire
L’idée de sensibiliser les adolescents aux questions d’égalité des sexes est partie d’un malheureux constat. “La différence de traitement fille-garçon à Mayotte est importante. On voit bien par exemple qu’on demande souvent aux filles de faire les tâches ménagères, alors que les garçons ne sont pas ou peu sollicités”, selon Véronique Sejalon. Les professionnels contribuent également à l’éducation sexuelle des adolescents, en faisant participer les parents. “Qu’il s’agisse de sexualité de leurs enfants, de violences physiques ou autres, les parents qui participent sont volontaires, ils sont donc prêts à comprendre les changements”, affirme la conseillère technique du service sociale au rectorat.
Discuter avec les jeunes de ces problématiques permet de faire évoluer leurs mentalités. Tous les clichés qu’ils ont emmagasinés pendant des années, toutes les représentations qu’ils ont des femmes et des hommes depuis leur enfance sont mis à mal. “L’idée n’est pas de leur dire ce qui est bien et mal. On essaye plutôt d’établir une réflexion à ces jeunes, et d’aller vers une remise en question de ce qu’on leur a appris. Cela leur permettra ensuite d’agir et faire les choix en fonction de leurs envies”, explique Laure Durand. Un travail essentiel pour cette jeune génération qui est en train de se construire et qui essaye de trouver sa place dans la société mahoraise.
Malgré l’échec des recours en justice de Mouhamadi Moussa Bavi contre l’élection de Fahardine Ahamada à la tête du syndicat des eaux, les délégués en faveur de l’ancien président continuent de taper du poing. Dans leur viseur : deux délibérations qui avaient porté à 12 le nombre de vice-présidents.
Décidément, l’élection de la nouvelle équipe du syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte leur est restée en travers de la gorge. Le 30 juillet dernier, Fahardine Ahamada succédait à Moussa Mouhamadi Bavi à la tête du stratégique SMEAM, alors qu’une partie des 34 délégués avaient quitté la séance, sur fond de contestations de la procédure. Mais malgré de mutliples recours en justice, l’ex-président a fait choux blanc. Dernier en date : sa plainte au tribunal administratif, déboutée en octobre.
S’il a depuis lâché du lest, les autres délégués opposés au nouveau président n’ont, eux, pas dit leur dernier mot. “Le tribunal administratif a donné raison à l’élection, nous ne pouvons pas contester cela”, reconnaît leur nouveau chef de file, Ahmed Rama. “Mais deux délibérations ont été depuis retoquées par le contrôle de légalité. Cela fait plus de deux mois que le préfet en a notifié le président, sans qu’une nouvelle réunion du conseil syndical ne soit convoquée !”, tempête le délégué de Tsingoni, courroucé.
Maximum 10 vice-présidents
Il fait référence à la composition du bureau du SMEAM et à l’élection des vice-présidents. Le syndicat avait fixé le 30 juillet dernier à douze le nombre de ses vice-présidents. Or, le code des collectivités territoriales prévoit que “le nombre de vice-présidents est librement déterminé par l’organe délibérant, sans que ce nombre puisse excéder 30% de l’effectif de celui-ci”… Soit un maximum de dix pour le syndicat des eaux, qui comprend 34 membres. Si deux vice-présidents auraient depuis démissionné, le délégué de l’opposition n’approuve pas les méthodes de la nouvelle majorité et entend bien le faire savoir. “Il faut convoquer les délégués pour annuler ces délibérations, or cela fait plus de trois mois que le conseil syndical n’a pas été réuni ! J’attends du préfet qu’il saisisse le tribunal administratif », abonde-t-il.
Un manquement d’autant plus inacceptable selon lui, alors que “nous sommes aussi membres et nous devons rendre des comptes à la population, surtout au vu de l’actuelle crise de l’eau que nous traversons à Mayotte”. Et que le syndicat doit faire face à une situation financière catastrophique, héritée en partie, il faut le dire, de l’ancienne équipe… La chambre régionale des comptes elle-même, dans son avis du 3 septembre 2020, pointe du doigt les délibérations litigieuses, alors même que “compte tenu de la situation financière (…), il est attendu que l’effort demandé aux élus du syndicat sur leurs indemnités soit maintenu”. “En désignant 12 vice-présidents, alors que le comité syndical ne pouvait en désigner au plus que 10, dans la limite de 30 % maximum du nombre de membres de l’assemblée délibérante, le syndicat ne s’inscrit pas dans une logique de rigueur”, souligne la CRC.
Des délégués exclus des décisions ?
L’élu de Tsingoni déplore le manque d’informations sur les investissements et les travaux en cours. Voire même les coupures d’eau : “nous sommes passés de 12h à 24h sans être tenus au courant des raisons à cela”, dénonce-t-il. Dans un courrier adressé au président, que nous avons pu consulter, signé par 18 délégués, Ahmed Rama a donc demandé la convocation d’un nouveau conseil syndical avec à l’ordre du jour des points d’information sur le niveau des retenues et l’avancement des travaux de forage d’eau, et les délibérations relatives aux élections des vice-présidents. Sans retour, le doyen entend bien convoquer lui-même cette réunion. Mais il lui faudra pour cela convaincre les deux tiers des membres.
Le mois de l’ESS célèbre sa quatrième édition mahoraise. Pour l’occasion, Maymounati Moussa, directrice de la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire de Mayotte revient sur les principes de cette façon d’entreprendre, qui permet de développer l’employabilité en même temps que le territoire, et qui se révèle particulièrement efficace en pleine crise sanitaire et économique.
Flash Infos : Comment définiriez-vous l’économie sociale et solidaire ? Quels types de structure peut-elle concerner ?
Maymounati Moussa : C’est d’abord une loi, celle du 31 juillet 2014, qui définit l’ESS comme un mode d’entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l’activité humaine, donc à tous les secteurs d’activité. En une phrase, c’est faire de l’argent en tenant compte de l’humain et de l’environnement qui l’entoure. C’est une économie créatrice de richesses et d’emplois mais qui vise surtout à l’intérêt collectif. Nous retrouvons dans l’ESS toutes les typologies d’entreprises : des coopératives, des mutuelles, des fondations, des associations, des structures d’insertion, des sociétés commerciales, etc. La différence est dans la façon d’entreprendre, qui doit respecter des principes éthiques extrêmement forts pour la société, l’environnement ou un territoire. Le but n’est pas uniquement de partager des bénéfices mais de le faire de façon responsable et d’en réserver la plupart pour le maintien ou le développement de l’activité, le tout sous une gouvernance démocratique puisque dans l’ESS, chaque actionnaire a le même poids, qu’il ait investi un ou mille euros dans l’entreprise.
FI : Le mois de l’ESS met aussi en avant l’intérêt de cette façon d’entreprendre face à des crises comme celles que nous traversons actuellement. Quelles solutions l’économie sociale et solidaire peut-elle apporter ?
M. : Pour nous, surtout en ce moment, l’ESS c’est la solution : nous n’avons pas perdu beaucoup d’entreprises du fait de la crise sanitaire et nous n’avons eu aucune vague de licenciements. Tout ce que nous faisons, c’est pour maintenir l’emploi. Depuis le début de l’année, la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire ainsi que ses entrepreneurs ont consolidé ou créé 168 emplois et une centaine d’autres sont en cours, malgré la crise sanitaire et le chômage partiel, parce que nous nous concentrons sur l’humain, quelles que soient les situations. D’ici le 31 décembre prochain, nous devrions donc arriver à 270 emplois créés ou préservés, et qui répondent aux besoins du territoire et de toute sa population. C’est pour cela que ce mois de l’ESS est particulièrement intéressant : il nous permet, à Mayotte et partout ailleurs, de dire aux gens “réveillez vous !”. Quand le Covid-19 est arrivé, Sanofi est revenu au made in France. Ils ont arrêté de chercher la solution la moins chère pour trouver la plus pérenne. Parce que quand nous faisons des économies, c’est souvent au détriment de l’être humain.
FI : Les prochains Jeux Olympiques et Paralympiques, en 2024, devraient mettre l’accent sur des investissements qui profitent à l’ESS, donc à l’économie locale, et pour lesquels Mayotte occupe déjà une place toute particulière…
M. : En effet. Au sein de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, nous disposons d’un dispositif, le Fanya Lab, qui est un accélérateur de l’ESS et de l’innovation sociale, et qui accompagne tous les acteurs, même informels, qui voudraient se lancer ou se développer dans l’ESS. Ce dispositif a reçu le label Territoire French Impact, qui permet à Mayotte (premier territoire ultramarin labellisé, ndlr) d’être prioritaire sur une enveloppe de 370 millions d’euros qui, dans le cadre des prochains Jeux Olympiques, permettront de développer des projets qui doivent répondre à trois défis : le zéro déchet, et l’intercommunalité du Sud nous accompagne là-dessus en mettant son territoire à disposition des porteurs de projet, la formalisation des activités non déclarées pour favoriser une meilleure alimentation notamment dans le milieu scolaire et le développement d’un hub de l’ESS à grande échelle, que nous mettons déjà en place actuellement à travers plusieurs clusters dans le monde, comme à Ayuba ou au Groenland !
Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans le dernier numéro de Mayotte Hebdo : Economie sociale et solidaire, l’humain avant l’argent. À lire gratuitement sur mayottehebdo.com.