L’île au lagon s’est réveillée avec une nouvelle funeste ce lundi. Trois personnes, deux femmes et un enfant, ont péri lors d’un naufrage au large de Bouéni. Les services de secours, qui ont repêché 16 rescapés, sont restés à pied d’œuvre hier pour tenter de repêcher les passagers, malgré des conditions difficiles en mer.
“Je suis au courant oui, un homme m’a appelé ce matin au sujet de sa femme. Il se demandait si son corps avait été emmené au CHM”, souffle Thani Omar, de l’association malgache Malagasy Mitambatra. L’homme vient régulièrement en aide aux familles endeuillées de Mayotte, pour retrouver leurs proches perdus en mer. Ce lundi matin, il ne quittait pas son téléphone des yeux. Tandis que la nouvelle, funeste, faisait son chemin sur l’île au lagon…
Au moins trois personnes, deux femmes et un enfant, ont perdu la vie dans un nouveau naufrage de kwassa-kwassa, au large de Bouéni. Le drame s’est déroulé au milieu de la nuit, vers 2h30 du matin. À ce moment-là, un appel téléphonique au 17 lance l’alerte : l’embarcation légère a chaviré, avec une vingtaine de passagers à bord. Dépêchés sur les lieux, deux intercepteurs, de la brigade nautique de la gendarmerie et de la police aux frontières (PAF), tenteront de repêcher le plus de rescapés possible. Aidés par l’avion de la lutte contre l’immigration clandestine (LIC), les équipes de secours parviendront à repêcher 16 passagers. Mais les alizées et une mer agitée, qui ont sans doute provoqué le naufrage initial du kwassa-kwassa, auront mis des bâtons dans les roues des sauveteurs.
Le bilan risque de s’alourdir
En début de matinée, le couperet tombe : au moins trois personnes sont décédées, dont une petite fille, d’après nos informations. “Il doit y avoir encore du monde en mer”, explique une source proche de l’enquête, à la mi-journée. “Les opérations de recherche se poursuivent, mais la mer est très mauvaise. Au large de Bouéni, ce sont des zones difficiles. Avec l’effet d’Archimède, les corps vont couler…” Avant d’être recrachés à la surface dans les jours qui suivent. En clair, le bilan pourrait s’alourdir. “A priori, il en manque, mais on n’en sait pas plus que ça”, confirme Jean Lhuillier, le directeur des Pompes funèbres de Mayotte, dont l’entreprise est sous réquisition des pouvoirs publics. C’est lui qui a récupéré les trois corps inanimés ce lundi vers 8h30, ramenés au ponton par les gendarmes.
“L’enquête et les auditions sont en cours. Nous n’avons pas le chiffre exact de passagers, mais a priori, ils seraient plutôt 23, 24 ou 25 : en tout cas, il en y a sans doute un peu plus que ceux que nous avons pu reprendre à la mer”, déplore Laurence Carval, la directrice de cabinet du préfet. Qui précise aussi : “c’est bien un appel téléphonique qui a donné l’alerte, ce n’était pas dans le cadre d’une intervention en cours que le kwassa a chaviré.” Une précision de taille, quand on sait que les interceptions de ces fragiles barques à moteur par les intercepteurs peuvent parfois conduire à des drames. En 2007, deux personnes étaient mortes après la collision d’une embarcation clandestine et d’une vedette de la police.
L’association Oulanga Na Nyamba a été chargée de former et de sensibiliser les six prétendantes au titre de Miss Petite-Terre à la préservation des tortues. Ce lundi 10 mai, les candidates se sont rendues à la plage de Papani pour apprendre à identifier les lieux de ponte mais aussi de braconnage de tortues.
Dzaoudzi. 10h. Dina Andrianaivoravelona accueille les six prétendantes au titre de Miss Petite-Terre et leur explique l’objectif de la séance du jour. “Vous avez déjà réalisé deux cours théoriques pour apprendre à mieux connaître les tortues, puis une séance où vous avez pu assister à une ponte. Aujourd’hui, nous allons tenter d’identifier des émergences de tortues ou des cas de braconnage.” À peine arrivée sur la plage de Papani, la coordinatrice des projets de sensibilisation au sein de l’association de Oulanga Na Nyamba repère un rassemblement d’oiseaux sur le sable. La petite équipe de jeunes ambassadrices s’approche et découvre avec horreur le corps sans vie d’une tortue braconnée quelques heures auparavant.
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Remonter l’acte de braconnage au REMMAT
Décédée depuis peu, le reptile gît sur le sable. Les oiseaux, les mouches et les vers commencent à entamer sa carcasse. “Nous sommes face à un cas de braconnage classique. La tortue a été mise sur le dos, puis les braconniers ont sectionné ses deux nageoires avant pour l’empêcher de se débattre. Nous voyons également qu’ils ont tranché une partie de sa gorge. Ensuite, ils l’ont ouverte pour récupérer sa chaire. Nous pouvons voir des œufs à l’intérieur de sa carapace et penser qu’elle n’a pas eu le temps de pondre. Dans un cas comme celui-ci, nous réalisons un constat pour le Réseau d’Échouage Mahorais des MAmmifères marins et Tortues marines (REMMAT). Nous spécifions l’espèce qui a été braconnée, ici une tortue verte, sa taille, l’état dans lequel le cadavre est découvert et diverses autres informations pour identifier l’animal”, déroule Dina Andrianaivoravelona au moment d’effectuer des photos et des mesures de l’animal. Avant de marquer la carapace de l’animal à la bombe de peinture avec la date du jour afin que ses collègues du REMMAT puissent identifier l’animal et réaliser des prélèvements.
Devenir ambassadrice des tortues mais pourquoi ?
“Avant, je ne savais pas que la tortue était une espèce en voie de disparation. Aujourd’hui, j’invite tout le monde à ne pas en manger.” Candidate au titre de Miss Petite-Terre 2021, Noorah Ali Soilihi témoigne alors de son expérience personnelle auprès de ses camarades pour faire passer un message. “Mon père m’a toujours dit de faire attention quand j’achète de la viande. La chair de tortue se vend surtout par le bouche à oreille, mais je connais des gens qui en ont déjà mangé à leur insu. De plus, c’est une viande qui peut être toxique. Le problème aujourd’hui, c’est que les gens qui [en] mangent et tombent malades par la suite ne le disent pas. Il est alors difficile de les identifier et de les sensibiliser pour qu’ils arrêtent d’en consommer.” Les concurrentes à l’élection font partie du projet Nyamoja, qui signifie “Tous ensemble”. L’objectif ? Former des défenseurs de l’environnement afin de réaliser de la prévention auprès des Mahorais de tout âge et de les éveiller à la préservation des tortues sur leur territoire.
“Cette expérience m’a donné envie de devenir bénévole”
Ramia Tina, prétendante au titre de Miss Petite-Terre, se dit consciente des problèmes liés à la consommation de viande de tortues sur son île. Face à ce constat, elle aspire à changer l’avenir de ces animaux marins. “Avant, je n’avais jamais fait partie d’une association, je ne savais pas qu’il y avait du braconnage sur l’île. Cette expérience m’a donné envie de devenir bénévole pour lutter contre. Nous avons vu des tortues pondre aujourd’hui, c’est très triste d’en voir une morte comme cela. Je ne comprends pas les gens qui braconnent.” Par le biais de cette formation d’ambassadrice du lagon, le comité des Miss et l’association Oulanga Nyamba espèrent que les jeunes filles sauront attirer l’attention sur l’importance de la protection des tortues à Mayotte et ainsi, à leur échelle, faire changer les mentalités.
Les commerçants attendent les 15 derniers jours du ramadan toute l’année. Période durant laquelle les clients prennent d’assaut les magasins à la recherche de nouveaux habits et de linge de maison pour l’Aïd. Bondées de monde, les foires ramadan se multiplient un peu partout sur le territoire, pour le plus grand bonheur des vendeurs.
« Namou karibou ! » (Soyez les bienvenus) Une phrase devenue automatique dans la bouche de chaque commerçant ces derniers jours. La rue du commerce de Mamoudzou prend tout son sens depuis une semaine. La foire ramadan est officiellement ouverte et la chaussée est en effervescence. Ma Souraya, gérante d’une boutique, ne peut cacher sa joie durant cette période. Assise sur son banc, elle supervise de son œil avisé ses petites-filles qui sont chargées de renseigner les badauds. Les vacances scolaires tombent à pic, les petites peuvent contribuer à animer le commerce familial. Des instants que la famille de commerçants n’avait pas pu vivre l’année dernière. « Le Covid-19 était tout récent, on ne pouvait pas faire tout cela », rappelle Ma Souraya. S’en sont suivis ensuite des épisodes de confinement et déconfinement, et les clients n’étaient clairement pas au rendez-vous. « Nous n’avions presque rien vendu pendant des mois, et ce que nous avions commandé n’est jamais arrivé. Personne n’a pu voyager pour acheter de la marchandise et beaucoup d’entre nous n’ont pas reçu leurs conteneurs », raconte la gérante.
Cette année, elle n’a pas eu d’autre choix que de se rabattre sur les anciennes collections. « Ce que je vends sont des articles de l’an dernier, mais je suis tout de même contente de pouvoir liquider les stocks. » Les consommateurs ne semblent pas lui en tenir rigueur puisque qu’ils défilent devant le stand de Ma Souraya qui vend un peu de tout. Du prêt-à-porter, des tenues traditionnelles, des draps, des rideaux, de la décoration pour la maison… En somme, tout ce qui est recherché pour l’Aïd. Et les clients sont d’autant plus ravis. « On a le choix, tout est concentré sur la même rue, c’est une bonne chose », se réjouit Raïcha, venue faire ses dernières emplettes. Ses mains sont chargées de courses en grande partie destinées à sa fille. « Les achats de l’Aïd sont surtout pour les enfants. On doit leur acheter des nouveaux habits. Moi, j’ai passé l’âge, je mettrai un salouva et ça m’ira », dit la mère de famille en prenant une paire de chaussures. Les articles pour les plus petits sont effectivement très prisés par les centaines de clients qui entrent dans les boutiques.
Tout est permis pour attirer les clients
Nombreux sont ceux qui profitent du dernier week-end du ramadan pour tout acheter. Manque de temps ou simple stratégie, le résultat est le même : les rues et les magasins sont bondés de monde. « Je m’y prends un peu tard, mais avec le boulot je n’ai pas le temps de faire mes achats dans la semaine. C’est donc une aubaine pour moi que les magasins ouvrent le dimanche », se réjouit Nadia, une mère de famille qui fait les magasins avec ses deux enfants. Et c’est justement pour faciliter la vie des personnes qui travaillent que Hadja M’lanao, propriétaire d’un magasin de prêt-à-porter, a décidé d’ouvrir sa boutique en continuité jusqu’à 22h. « La fatigue est là, mais on n’a pas le droit d’être fatigués. C’est maintenant qu’il faut tout donner, donc on ouvre le soir pour que les clients puissent venir. » Et ils sont au rendez-vous selon elle. Beaucoup font leurs courses de l’Aïd après avoir mangé à 18h.
Cependant, la commerçante regrette d’être l’une des rares à ouvrir le soir dans sa rue, même si cela l’avantage. D’autres ferment à 17h, mais font tout pour amasser le maximum de clients durant la journée. « Je baisse les prix dès la deuxième quinzaine du mois de ramadan pour pouvoir tout liquider et aussi permettre à chacun de pouvoir s’offrir quelque chose pour l’Aïd », explique une vendeuse. Une stratégie qui porte ses fruits puisque les clients l’ont bien assimilée au fil des années. « Je viens les derniers jours parce que je sais que c’est à ce moment-là que les commerçants sortent tous leurs produits et font beaucoup de promotions », affirme Haouzoiti, une cliente. Le dernier week-end du mois de ramadan a été très intense pour les commerçants, et les quelques jours qui restent avant l’Aïd s’annoncent encore plus épuisants. Les vendeurs se préparent psychologiquement à affronter la foule et tous les automobilistes devront indéniablement passer encore plus d’heures, dans des bouchons plus longs.
Dès la semaine prochaine, le centre de formation Accès lance une formation de préqualification dans les métiers de la mer. L’objectif : transmettre les connaissances théoriques et pratiques aux 16 stagiaires pour leur permettre d’intégrer par la suite une formation diplômante en local ou en mobilité. Entretien avec Tafara Houssaini Assani, l’instigateur de ce projet revisité, en partenariat avec les professionnels du secteur.
Flash Infos : Comment vous est venu à l’esprit ce projet de formation de préqualification dans les métiers de la mer ?
Tafara Houssaini Assani : Au détour de discussion avec les pêcheurs et les plaisanciers. Ils m’ont à tour de rôle remonté les difficultés à trouver des jeunes qualifiés dans les métiers de la mer. Logique, ces derniers ne sont pas mis en valeurs et se limitent à la pêche… Puis, j’ai rencontré Georgette Bréard, vice-présidente de la région Bretagne en charge de la formation, de l’apprentissage et de l’orientation lors de sa venue à Mayotte en 2018-2019 pour l’élaboration du schéma régional du développement économique, de l’innovation et de l’internationalisation (SRDEII). Cela a mis un coup d’accélérateur !
En mai 2020, le centre de formation Accès a répondu à l’appel à manifestation de la préfecture pour un projet de coopération régionale sur le programme INTERREG dans l’optique de permettre à des jeunes d’aller effectuer trois mois de stage à Madagascar auprès de professionnels dans les métiers de la mer. Mais comme d’habitude, cela a pris un temps monstre de tout mettre en place. Le dossier général sur lequel je travaille depuis quatre ans a été approuvé par le conseil départemental au début du mois de mars, via l’attribution des marchés de formation de l’année 2019.
FI : Comment cette formation va-t-elle s’articuler ?
T. H. A. : J’aimerais commencer la semaine prochaine. Nous allons organiser un forum des métiers de la mer sur la plage du Faré en Petite-Terre avec des stands en lien avec la pêche, les loisirs nautiques, la préparation du poisson et la vente. L’idée de cet atelier est de présenter les différents corps de métier aux jeunes qui vont pouvoir poser toutes les questions qui leur passent par la tête. Même si nous habitons sur un territoire insulaire, peu d’entre eux ont déjà mis les pieds dans l’eau…
Viendra ensuite la découverte du langage et des codes avec les professionnels de la pêche. Avant d’entamer une remise à niveau concernant le savoir-être et les savoirs de base, comme les mathématiques, le français et l’informatique. Une fois la partie technique théorique bien assimilée, les stagiaires partiront en stage à Mayotte pour une durée de trois semaines dans le but de se confronter aux réalités du terrain et de revenir avec une idée claire de leur projet professionnel. L’ensemble de la formation et de la préparation va courir jusqu’à la fin du mois de décembre 2021.
FI : Ce sera alors le moment pour les stagiaires de prendre leur envol…
T. H. A. : Tout à fait ! Comme je le disais, ils vont partir pendant trois mois à Madagascar au début de l’année 2022 pour alterner entre la pratique sur les bateaux à Majangua et la théorie en centre à Antanarivo. À leur retour, plusieurs choix s’offriront à eux pour la formation qualifiante de six mois. Soit, ils s’envoleront pour la métropole, à Bordeaux pour les métiers de l’animation ou en Bretagne pour les métiers purs et durs de la mer. Soit, ils intégreront l’école d’apprentissage maritime à Mayotte. Dans tous les cas, le but est qu’ils connaissent les bases pour ne pas les envoyer au casse-pipe. Mais le top serait de pouvoir tous les envoyer en métropole, car ce n’est clairement pas la même expérience que l’on soit à Lorient ou à Mamoudzou…
Par contre, l’objectif est de les faire revenir à terme sur l’île aux parfums. C’est l’une des volontés des syndicats de pêcheurs, notamment ceux de M’Tsapéré, car à partir de décembre 2021, ils ne pourront plus partir en mer s’ils n’ont pas un titulaire du brevet de capitaine 200.
À qui s’adresse cette formation préqualifiante ?
Cette formation préqualifiante s’adresse à tous les publics de plus de 16 ans. Pour s’inscrire, il leur suffit d’être inscrit comme demandeur d’emploi à Mayotte, d’avoir une carte d’identité ou un titre de séjour en règle, de posséder un relevé d’identité bancaire et une attestation de sécurité sociale.
Le coût de la formation jusqu’au mois de décembre s’élève à 123.000 euros, pour 750 heures de théorie et 105 heures de pratique en entreprise.
La Fédération mahoraise des associations environnementales (FMAE) veut alerter sur les risques que fait courir le chantier du village relais de Tsoundzou II, censé accueillir les familles en situation de grande précarité, construit sur l’arrière-mangrove. Alors que ce projet est piloté par l’État, le trésorier de la fédération, Zaman Soilihi, veut interpeller les pouvoirs publics sur leur rôle dans la protection de l’environnement fragile de Mayotte. Et tire la sonnette d’alarme.
Flash Infos : Vous avez organisé une action ce vendredi, à côté du site du village relais de Tsoundzou II. Pourquoi ?
Zaman Soilihi : Ce n’était pas tant une action, mais j’ai souhaité amener les journalistes à côté du village relais, à gauche, quand on va vers vers le pont, car là-bas, il s’agit d’une zone humide. Or sur ce terrain, il y a un particulier qui est en train de remblayer la zone. Nous nous sommes rendus sur place pour constater les tractopelles et l’ensevelissement. Puis je les ai emmenés voir le village relais pour faire le parallèle. Pour nous, il n’y a pas de différence entre ce propriétaire privé qui est en train de dégrader la zone humide, et l’État, qui a saccagé l’arrière-mangrove pour construire ce village relais…
FI : Justement, quels sont les problèmes que posent ce chantier selon vous ?
Z. S. : Nous, nous ne sommes pas contre le village relais en soi. Ce que nous déplorons, d’une façon générale d’ailleurs sur l’île, c’est que les collectivités et l’État sont les premiers à ne pas respecter l’environnement. Le village relais en est le parfait exemple ! Le site se trouve sur l’arrière-mangrove, or il s’agit d’un écosystème aussi important que la mangrove elle-même. Quand on détruit l’arrière-mangrove, c’est la mangrove qui va finir par dépérir… Et si on détruit une zone humide, cela aura un impact sur la mangrove, et bien sûr sur le lagon en général. Bref, on ne peut pas faire n’importe quoi sur cette île, sans que cela ait des impacts et ces impacts-là doivent être mesurés. Le premier garant de cette réglementation c’est l’État, et en l’occurrence, ce sont eux qui financent ce village relais. L’on attendrait donc à juste titre qu’ils soient particulièrement tatillons sur le respect de la réglementation.
FI : Un avis de l’autorité environnementale a conclu que le projet de construction du village relais de Tsoundzou II était susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement et sur la santé humaine au sens de l’annexe III de la directive susvisée n° 2014/52/UE du 16 avril 2014. Le projet doit donc être soumis à une évaluation environnementale. Quelles sont les suites de cette décision ?
Z. S. : Je n’en connais pas les suites. Mais d’une manière générale, la délinquance environnementale sur cette île n’est pas encore prise en considération au niveau de la justice. Tout du moins la justice ne s’en saisit pas à bras le corps. Nous comprenons que les procureurs aient bien d’autres sujets à traiter, mais à la FMAE, nous jugeons que cette délinquance environnementale doit être punie comme le code de l’environnement et le code pénal le suggèrent. On ne devrait rien laisser passer… Or, il y a déjà eu des précédents, à Tsararano où on a construit une station d’épuration sur la zone humide, ou encore un marché couvert, et l’État a laissé faire.
Par ailleurs, les études qui sont faites en termes d’impact environnemental sont souvent négligées et les bureaux d’études ne maîtrisent pas toujours bien le sujet en considérant qu’il n’y a pas d’espèce endémique à valeur patrimoniale, par exemple. Mais prenez l’arrière-mangrove justement : c’est un habitat pour les oiseaux, pour les crabes. C’est une zone où espèces animales et végétales vivent, où les oiseaux viennent se nicher. Non seulement on détruit cet habitat avec le village relais, mais quand il sera occupé, avec la lumière, les activités humaines, cela va faire fuir bon nombre d’animaux qui vivent là. L’argument qu’on nous oppose, c’est de dire qu’il y a déjà des habitations dans la zone. À qui la faute ? Ce sont la mairie de Mamoudzou et l’État qui ont laissé faire… et qui maintenant s’engouffrent dans la brèche.
FI : Au niveau de la FMAE, quelles actions prévoyez-vous et quelle réponse espérez-vous obtenir des autorités ?
Z. S. : Même si nous ne désespérons pas, tout cela est très compliqué… Le chantier va avancer. L’État est arrivé avec ses grosses bottes, et piétine tout, en tout cas, c’est comme ça que nous le ressentons. Même si nous faisons un recours devant la justice, je crains que le chantier ne soit fini avant que l’on commence à en voir les fruits… Tout ce que nous espérons, ce sont donc au moins des mesures compensatoires, que l’État compense ces dégradations en mettant en place des mesures qui protègent mieux l’environnement sur l’île. S’il faut vraiment porter plainte, nous le ferons, même si nous n’y croyons pas beaucoup. Nous allons donc aussi poursuivre nos campagnes de sensibilisation, alerter au niveau des médias, écrire au préfet, car au niveau de la justice en ce moment, force est de constater que nous n’avons pas beaucoup d’écho par rapport aux problèmes que nous soulevons. Nous avançons à très petits pas, et c’est très insuffisant par rapport aux défis que nous avons à relever sur cette île. Depuis 1842 jusqu’à maintenant, en un siècle pour faire simple, nous avons perdu la quasi-totalité de nos forêts. Nous avons forcément perdu des espèces endémiques que l’on ne connaissait même pas ! Dans la zone océan Indien mais à Mayotte encore davantage, nous sommes sur un point chaud, avec des risques d’extinction ou de danger imminent pour les différentes espèces. Ici plus qu’ailleurs, je pense que les enjeux anthropiques sont énormes, avec les flux migratoires et la croissance démographique, nos écosystèmes naturels sont soumis à des pressions considérables.Très rapidement, nous aurons tout dégradé, donc il est urgent d’aller plus vite dans les sanctions, que nos pouvoirs publics soient plus réactifs. Malheureusement, à la vitesse à laquelle nous allons pour l’instant, la vitesse tortue en réalité, dans cinquante ans nous aurons tout saccagé…
Le préfet Jean-François Colombet continue sa tournée à la rencontre des forces vives de Mayotte. Vendredi dernier, il était à M’Tsamboro pour écouter et récolter les propositions des institutions sur le thème du renforcement de l’État régalien à Mayotte. Au total, pas moins d’une trentaine d’idées ont été relevées. Elles seront inscrites dans la synthèse que recevra le ministre des Outre-mer le 1er juin.
La cafétéria du collège de M’Tsamboro accueillait de drôles d’élèves ce vendredi matin. Il ne s’agissait pas d’adolescents, mais de femmes et hommes adultes représentant différentes institutions ainsi que des élus. Tous sont venus exposer leurs idées afin de contribuer à l’élaboration du projet de loi Mayotte proposé par Sébastien Lecornu. L’attractivité de Mayotte était au cœur des préoccupations. Chacun à sa manière a formulé une suggestion pour que le territoire soit moins attractif aux clandestins. Voici une liste non exhaustive des idées qui ont émergé lors de ce forum institutionnel.
Taxer les bangas
Le préfet s’est lancé dans une reconquête du foncier en démolissant les cases en tôles construites illégalement. Mais force est de constater que certains propriétaires de terrains refusent de coopérer comme ce fût récemment le cas en Petite-Terre. Le maire de Koungou a alors proposé une alternative. « Il faudrait taxer les bangas, pour faire entrer de l’argent dans les communes et mieux les contrôler. Le bailleur devra également proposer un bail de location. Ainsi les propriétaires de bangas se mobiliseraient un peu plus et s’occuperaient mieux de leur foncier. » Une idée qui n’a pas vraiment enchanté Jean-François Colombet. « Je préfère plutôt qu’on les détruise et que l’on dénonce les propriétaires qui tirent des revenus de ces bangas », a-t-il rétorqué. Il a d’ailleurs donné les noms de ceux qui ont refusé la démolition des cases en tôles au procureur et à la direction régionale des finances publiques (DRFIP) pour qu’une enquête soit ouverte.
Interdiction d’attribuer des titres de séjours à ceux qui entrent illégalement
Comme depuis le début de la semaine, la question de l’immigration s’est invitée dans le débat. Le député Mansour Kamardine a proposé l’interdiction au préfet de procurer des titres de séjour à tous ceux qui entrent clandestinement sur le territoire ou qui y résident illégalement. « Y compris ceux qui entrent avec un visa et qui ne partent pas. On ne peut pas récompenser les personnes qui trichent, parce qu’en les régularisant on leur dit de continuer de se cacher pendant 15 ans et elles seront récompensées », a-t-il argumenté. Une proposition relevée par le préfet, non sans quelques pics de provocation. « Par contre, il faudra que les élus arrêtent de faire des interventions pour que je régularise certaines personnes. J’en reçois beaucoup… », a-t-il taclé. Une vérité générale qui a eu le don de faire rire l’assemblée.
Faire payer les femmes clandestines qui veulent accoucher
La forte natalité de Mayotte inquiète les Mahorais. Il y a quelques jours, la maternité de Mamoudzou enregistrait un nouveau record de 45 naissances en 24 heure. « Il fût un temps l’hôpital leur faisait payer 300 euros aux femmes enceintes qui résident à Mayotte illégalement avant leur accouchement, je ne sais pas ce qu’il s’est passé, mais cela ne se fait plus. Il faut restaurer ce système et peut-être même les faire payer plus de 300 euros », a soutenu Hadidja Bacar Said, une habitante de M’Tsamboro qui a réussi à participer à cette réunion. Sa proposition va encore plus loin puisqu’elle aimerait ensuite que « l’on renvoie ces femmes et leurs bébés immédiatement chez eux dès qu’ils sortiront de la maternité ».
Réévaluer la population de Mayotte à sa juste valeur
Le nombre d’habitants présents à Mayotte communiqué par l’Insee a toujours été sujet à des houleux débats. Selon les derniers chiffres, l’Insee répertorie 289.000 personnes sur l’île. « Je pense qu’on est tous conscients d’être largement plus sur le territoire », a soulevé le représentant du collectif du monde économique de Mayotte dans la lutte contre l’insécurité (CMEM). Le travail des agents recenseurs a fortement été critiqué pendant le forum institutionnel à M’Tsamboro. « Les jeunes qui sont embauchés pour faire le recensement ne vont pas dans les quartiers informels, il ne faut pas se leurrer », ajoute un autre intervenant. Et contrairement à toute attente, le préfet a acquiescé. « Je pense que c’est vrai et l’Insee a beaucoup été sensibilisé là-dessus… Je suis attaché à un critère, c’est le nombre de foyers fiscaux, parce que le fisc ne rate personne. Le DRFIP nous disait que nous avons 94.000 déclarations physiques, donc on peut faire le ratio et on peut imaginer que le chiffre indiqué par l’Insee n’est effectivement pas le nombre de personnes présentes à Mayotte. », a-t-il indiqué. Or, tous les moyens attribués à Mayotte sont calculés sur la base du nombre officiel d’habitants. « Aujourd’hui, on est tous en attente de moyens, alors il faut revoir la politique du recensement », a préconisé le représentant du CMEM. Jean-François Colombet a annoncé que le recensement sera désormais séquencé, ce qui permettra une mise à jour plus régulière.
Désenclavement des communes
C’est un fait, pratiquement tous les services publics, les entreprises, les activités diverses et variées se concentrent à Mamoudzou. Une situation qui crée des kilomètres de bouchons et qui défavorise les autres communes. L’idée a été évoquée par un adhérent du syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales. « Je pense qu’il y a à l’intérieur de Mayotte plusieurs Mayotte. Il faudrait développer les services publics et les faire venir dans les endroits qui s’éloignent du chef-lieu. Sans oublier les médecins qui devraient s’installer dans ces endroits reculés », a-t-il développé.
Confiscation des matériaux nautiques destinés aux kwassas
« On connait les fournisseurs des fabricants des kwassas. Ils sont basés dans le sud de la France et leurs conteneurs passent à Mayotte, tout le monde le sait », a affirmé un participant au forum. Selon lui, la douane française devrait tout simplement confisquer ces matériaux nautiques lorsqu’ils sont au port de Longoni et les offrir aux pêcheurs pour qu’ils puissent réparer leurs bateaux gratuitement. « Le président Azali refuse de reprendre ses compatriotes ? Alors on lui fait un embargo sur tous les matériaux nautiques qui servent à fabriquer les kwassas », a-t-il ajouté. Voilà de quoi déstabiliser le réseau de passeurs établi entre les Comores et Mayotte.
Vendredi dernier, EDM recevait dans ses locaux les associations de consommateurs et les centres communaux d’action sociale (CCAS) de l’île pour partager les nouvelles avancées en termes de prise en charge des clients de l’entreprise. Des nouvelles et des futures solutions qui ont semblé ravir les représentants des associations.
Si pendant des années, les relations ont été compliquées entre EDM et ses clients, la situation tend fortement à s’améliorer. Il était notamment reproché à EDM les difficultés pour aller payer jusqu’au siège de Kawéni et les prix des factures parfois exorbitants, alors que l’entreprise a le monopole de distribution d’électricité sur l’île. Depuis plusieurs années, EDM et les associations de consommateurs travaillent en commun pour améliorer au maximum l’expérience client. Des efforts qui sont en train de payer.
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“Donner le choix aux mahorais”
L’une des premières mesures qu’a souhaité le pôle clientèle et commercial d’EDM, c’est la mise en place de divers moyens de paiements pour éviter à tous les habitants de Mayotte de devoir se déplacer jusqu’à Kawéni. Il a notamment été remonté qu’un abonné sur quatre paie en espèces au guichet. Des bornes de paiements ont donc été installées à plusieurs endroits stratégiques du territoire, comme à Combani ou à Chirongui. D’autres seront aussi rapidement installées au marché couvert de Mamoudzou, mais aussi à Pamandzi ou encore à Dzoumogné. Il est désormais aussi possible de payer directement en ligne pour les personnes équipées d’une connexion.
Mais ces nouveaux moyens de paiements ne sont pas les seules améliorations qui ont vu le jour. L’accueil client au sein de l’agence de Kawéni a lui aussi été repensé. “Ici avant, c’était un hangar, c’est plus agréable de venir aujourd’hui dans nos locaux”, indique Ali Moussa Mohamed Mourdjae, chef du pôle clientèle et commercial d’EDM. Un espace dédié au paiement a été défini et les bureaux ont été réagencés afin que les clients aient plus d’intimité lorsqu’ils viennent faire remonter des problèmes. L’accueil des professionnels a désormais, lui aussi, sa salle dédiée. Et dès l’été, une agence en ligne sera disponible. Il sera possible pour chacun des habitants de retrouver son espace personnel sur la toile ainsi que toutes les informations liées à son compte client.
Une sensibilisation nécessaire
Si ces nouvelles initiatives sont saluées par les clients, accompagner ces derniers reste nécessaire. À la demande des centres communaux d’action sociale, des agents d’EDM peuvent se rendre dans différents endroits de l’île pour initier à l’utilisation des bornes ou à l’utilisation des chèques-énergies. En effet, nombreux sont les chèques-énergies à ne pas revenir à EDM, parce qu’encore trop de gens ne les utilisent pas. “Certaines personnes, notamment des mamies, [les] reçoivent, mais les rangent dans un tiroir parce qu’elles ne savent pas quoi en faire”, explique l’une des représentantes des consommateurs. Il semble alors clair que les habitants doivent encore être sensibilisés aux nouveautés apportés par EDM, qui se veut “leader sur le territoire” en termes de relation clientèle.
Un autre point de sensibilisation est mis en avant par Ali Moussa Mohamed Mroudjae sur la façon de consommer. “Les factures sont extrêmement hautes parce que les Mahorais ne sont pas sensibilisés sur leur manière de fonctionner”, explique-t-il aux représentants des associations. Il semble donc à ses yeux judicieux d’éveiller les consciences sur les différents types d’ampoules, le fait d’éteindre la lumière et la télévision en sortant ainsi que d’autres gestes simples qui peuvent faire réduire les factures.
Des efforts appréciés par les consommateurs
“On a le sentiment que l’entreprise ne cherche pas à faire du chiffre, mais à améliorer l’expérience client”, déclare une membre du CCAS du Nord. Un sentiment qui semble être partagé par tous les représentants des consommateurs. Une satisfaction générale ressort de la réunion : les associations de consommateurs ont le sentiment d’avoir participé à ces améliorations et se sentent “vraiment prises en compte dans le processus”. Si ces années de travail ont été parfois mouvementées et tumultueuses, aujourd’hui tous s’entendent pour une cause commune : minimiser l’effort client.
Mercredi 5 mai, Maymounati Moussa Ahamadi et Ali Omar du parti Nouvel Élan pour Mayotte (NEMa) dévoilaient leur programme pour briguer les élections départementales du canton de Dzaouzi-Labattoir. Leur mot d’ordre ? “Cap sur la jeunesse”.
« Nous devons créer une continuité dans la rupture. » C’est par ces mots que Saïd Omar Oili, le président du parti Nouvel Élan pour Mayotte, a introduit la conférence de presse organisé mercredi dernier pour présenter ses deux protégés qui se lancent dans la course aux élections départementales. « Aujourd’hui, le monde a changé. Nous avons besoin d’un renouvellement de la classe politique pour répondre aux besoins de la population.” Le maire de Dzaouzi a insisté sur l’importance pour les candidats de bien connaître leur circonscription. “Si vous ne maitrisez pas la géographie et la démographie, vous ne pouvez pas faire de politique durable. À Mayotte, nous sommes face à un déficit de données à combler pour calibrer les politiques publiques en fonction des besoins du territoire.”
“Incarner l’espoir dans la nouvelle génération”
Maymounati Moussa Ahamadi, candidate avec la liste NEMa, a également présenté les grandes lignes de son programme. “Nous sommes à l’ère des transitions. Nous devons être dans une transition politique. À Mayotte, 60% de la population a moins de 20 ans. La jeunesse doit être une priorité ultime.” Avec son collègue Ali Omar, les deux candidats désirent mettre l’accent sur l’éducation et la formation des jeunes afin de leur offrir un avenir meilleur. “Les Mahorais ont une qualité de vie qui n’est pas à la hauteur de leur combat pour une Mayotte française. Nous nous devons de leur donner des conditions de vie dignes, de pouvoir s’instruire, travailler, se former, se loger. Nous devons changer réellement avec des hommes capables de travailler au quotidien pour la population.”
“Les projets ne se feront pas sans moyens”
Ali Omar a montré sa volonté de soutenir les institutions mahoraises. “Aujourd’hui, le Département ne supporte pas assez les communes. Il faut que nous nous battions pour financer nos projets. Les projets ne se feront pas sans moyens.” L’un des enjeux mis en avant par les candidats de NEMa est l’enclavement de certaines zones de l’île. “Il faut sortir les gens qui vivent dans le noir, sans eau ni électricité de cette situation précaire.”
Maymounati Moussa Ahamadi, quant à elle, a rappelé les chiffres tristement élevés de la précarité à Mayotte, “Sur l’île, le taux de pauvreté atteint 77% contre 14% en métropole, tout doit converger vers la lutte contre la pauvreté.”
“Le premier objectif est de ne pas subir Mayotte mais de la choisir”
La candidate aux élections départementales souhaite “proposer une offre de formation qui permettrait aux Mahorais de rester sur le territoire”. Un objectif partagé par son collègue Ali Omar, qui dit avoir à cœur de placer l’action sociale et le développement de l’économie aux centres de leurs futurs projets. Parmi les infrastructures qui pourraient voir le jour ? La création d’un CFA. Celui-ci permettrait de former des jeunes et leur donner une chance de s’insérer dans le monde professionnel.
“Penser développement humain pour répondre aux enjeux internationaux”
Ali Omar a affiché une volonté de développement au niveau local, mais aussi une ouverture du territoire à l’international. “Nous ne pouvons pas vivre en autarcie.” Le candidat a rappelé les différents enjeux de ce petit territoire insulaire et a pointé l’intégration de celui-ci à l’échelle régionale pour assurer sa place de “porte d’entrée de l’Europe”. Enfin, pour répondre aux problèmes d’insécurité prégnants sur le territoire, le duo prône des changements profonds et durables au sein de la société afin d’offrir à chacun une égalité des chances de s’épanouir et de vivre dignement à Mayotte. “Pourquoi les jeunes n’ont pas d’autre alternative que la violence ? Regardons les profondeurs de ce mal être et trouvons les solutions adéquates.” Rendez-vous dans les urnes le 20 juin prochain.
En pleine audience du préfet pour la consultation sur la loi programme, des personnels soignants ont décidé d’interpeller le représentant de l’État au sujet des motifs impérieux et des contrôles drastiques effectués par les services de la préfecture. Au vu de la situation sanitaire stabilisée, ceux qui sont en première ligne face au Covid-19 s’inquiètent des conséquences d’une telle prolongation pour les habitants de l’île.
Décidément, le Covid-19 n’est jamais bien loin. Même dans les réunions organisées depuis mercredi pour la consultation sur la loi programme pour Mayotte. Ce jeudi, c’est à l’occasion d’une audience avec le préfet à la mairie de Mamoudzou, version intimiste d’un grand débat, qu’un petit groupe de médecins du centre hospitalier a choisi de faire entendre sa voix. Leurs doléances ? Les motifs impérieux, qui commencent de plus en plus à s’attirer les foudres des habitants de l’île aux parfums.
Rien à voir, de prime abord avec les cinq thèmes de cette grande consultation lancée par le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu, qui sont rappelons-le : l’égalité des droits sociaux, le renforcement de l’état régalien, l’accélération du développement de Mayotte, le renforcement du conseil départemental, et la jeunesse et l’insertion. Pourtant… “Nous craignons que l’hôpital rencontre de plus en plus de difficultés à recruter des collègues sur le long terme. On sait que Mayotte souffre déjà d’un désert médical. Et certains soignants autour de nous pensent à quitter l’île, malgré l’attachement à leurs patients…”, signale cette médecin, dans ce qui s’apparente à un cri d’alerte.
“Nous ne sommes plus confinés mais séquestrés sur l’île !”
“La question qui m’interroge : sur quels fondements et données épidémiologiques, sachant que le taux d’incidence est au plus bas, est basée la prolongation de ces motifs impérieux ?”, lance cette soignante, installée depuis trois ans dans le 101ème département. “Nous sommes de plus en plus nombreux à ne pas comprendre cette interdiction, nous avons tous des motifs qui nous paraissent impérieux, voir nos proches, obtenir des soins qui ne sont pas disponibles ici, ou encore des raisons professionnelles”, renchérit l’un de ses collègues. “Nous ne sommes plus confinés mais séquestrés sur l’île !”
Réponse du préfet, qui rappelle avoir obtenu l’assouplissement récent de ces motifs : “la logique du gouvernement, c’est de dire : oui vous ne présentez pas de risque particulier, par contre, il faut freiner les échanges car nous courons encore le risque d’importer les variants britannique ou brésilien”, explique Jean-François Colombet, en évoquant le précédent presque catastrophique de l’arrivée du variant sud-africain à Mayotte. A ce jour, cinq premiers cas de la mutation dite britannique du virus ont en effet été détectés sur le territoire.
Deux poids, deux mesures
Une situation qui ne convainc pas ces médecins, pourtant confrontés au virus tous les jours. “Les variants brésiliens et anglais ne vont pas circuler pendant des semaines, pas pendant des mois, mais pendant des années ! On va vivre sous ces motifs pendant des années ?”, s’insurge l’un d’eux, qui travaille précisément au service réanimation du CHM. Pour lui, cette justification tient d’autant moins qu’aucun seuil n’a été fixé pour décider d’une levée ou non des motifs. Et une autre de surenchérir : “J’aimerais qu’on se réveille sur la réalité sanitaire de Mayotte. L’année dernière, nous avons eu plus de morts de la dengue que du coronavirus. Aujourd’hui, en réanimation, vous avez plus de jeunes victimes de l’insécurité. Il y a plus de morts du diabète…” Sans compter que le même contrôle ne s’effectue pas pour les passagers en provenance de métropole, qui se contentent encore de présenter leur bout de papier directement au guichet de l’aéroport.
La protection des données médicales en question
En autre guise de réponse à leurs interrogations, le préfet assure que les personnes souhaitant se déplacer pour un motif sanitaire le peuvent. Éclats de voix dans l’assistance. “On a des cas tous les jours de personnes qui se font refouler leurs motifs !” “On protège une population contre le virus, mais on en empêche une autre d’aller se faire soigner. Des gens qui devaient aller au CHU hier se sont vus refuser leur motif”, précise Safina Soula, la représentante du collectif de défense des intérêts de Mayotte (Codim), en soutien aux personnels soignants. “Nous avons six personnes, trois de la police aux frontières (PAF) et trois fonctionnaires à la préfecture chargés d’étudier les dossiers”, mentionne le délégué du gouvernement. Une source d’inquiétude de plus pour ces médecins. “C’est quand même accablant que ce soient des policiers de la PAF qui regardent les dossiers médicaux !”
Bref, la gronde monte même chez ceux en première ligne contre le virus. En attendant, le Conseil d’État vient de débouter le collectif des citoyens de Mayotte de leur recours sur cette même mesure. À la mi-avril, le groupe avait déposé une requête pour demander la suspension de l’exécution des nouvelles dispositions de l’article 57-2 du décret du 16 octobre 2020, permettant justement au représentant de l’État de demander des pièces justificatives aux passagers, six jours avant leur départ. Le collectif entend déposer un référé-liberté au tribunal administratif.
Après trois longs mois de fermeture, les salles de sport de Mayotte peuvent à nouveau accueillir du public depuis ce lundi. Malgré les difficultés engendrées par cet arrêt prolongé, les sourires sont de mise depuis la reprise tant attendue, à la fois au niveau des gérants que des adhérents.
“Tout le monde est soulagé !” C’est ce qu’annonce Julien, gérant de la salle Orange Bleue, à Mamoudzou. Il est vrai que pour les sportifs, la période de confinement a été particulièrement compliquée. S’il est possible de jogger ou de faire son sport seul dehors, tous les championnats sont encore à l’arrêt et les équipements des salles manquaient aux plus rigoureux d’entre eux. “Dès que j’ai appris pour la réouverture lundi matin, je me suis organisé pour pouvoir venir”, explique Antoine, tout sourire, transpirant sur son tapis de course. “Les gens étaient impatients, surtout quand ils ont appris la réouverture des bars et des restaurants, mais pas des salles”, souligne Anli, gérant de la salle May Bodyform.
En effet, à la sortie du deuxième confinement, les salles n’ont pas rouvert, contrairement par exemple aux lieux de culte. Une situation qui a généré de nombreuses interrogations chez les sportifs, notamment au vu du protocole sanitaire strict imposé aux salles. “On a reçu beaucoup de messages et de soutien de la part des adhérents. C’est important de le souligner parce que c’est grâce à eux qu’on vit et qu’on survit”, constate Anli. Et si les habitués étaient dans le doute, les gérants aussi.
Dans le flou total, pendant trois mois
Tous les deux regrettent un manque de communication de la part de la préfecture. Ils sont restés “dans le flou total”, pendant trois mois. “On ne savait même pas qu’ils se réunissaient vendredi pour discuter de notre réouverture, on l’a appris seulement vendredi soir, vers 20h”, raconte Julien, un léger sourire aux lèvres. Mais les abonnés semblent toutefois avoir répondu présent. Ce qui n’a apparemment pas été le cas des propriétaires, ou même des banques. Les deux hommes font le même constat : si lors du premier confinement, il y avait eu une compréhension collective, cette fois, c’était plus compliqué.
Tous deux ont dû payer leur loyer en temps et en heure, une obligation compliquée notamment pour May Bodyform, qui ne marche pas à l’abonnement et qui n’avait donc aucune rentrée d’argent… “C’est le fond de solidarité qui nous a permis de couvrir les charges, les grands gagnants de cette crise, c’est les propriétaires !”, conclut Anli. Malgré tous les désagréments engendrés, les gérants restent confiants. Le fitness semble avoir un réel avenir sur Mayotte. “Cette période nous a même permis de nous rapprocher, de discuter pour développer la musculation sur Mayotte”, indique Julien.
Et si les salles ne sont pas pleines en ce mois de Ramadan, auquel s’ajoutent les vacances scolaires, la salle Orange Bleue comptabilise “pas mal d’inscriptions” et les deux gérants comptent bien relancer la machine, une fois l’Aïd passé.
Piste longue, non-venue d’Air France, campus connecté, grève des sages-femmes. Au cours de la dernière semaine, la député de la majorité, Ramlati Ali, a suivi de près l’actualité qui touche le 101ème département. Elle revient pour Flash Infos sur ces dossiers chauds qu’elle porte sur tous les fronts. Entretien.
Flash Infos : Vendredi dernier, vous avez rencontré un manager senior associé mandaté par la direction générale de l’aviation civile (DGAC) pour une concertation de suivi post débat public dans le cadre de la réalisation de la piste longue de l’aéroport de Mayotte. Qu’est-il ressorti de votre entretien ?
Ramlati Ali : Cette personne mandatée par la DGAC a pour mission d’étudier la faisabilité de la piste longue. J’avais demandé sur mon compte Facebook l’avis des internautes pour connaître leurs désidératas sur ce sujet. À Mayotte, les habitants ont l’impression que nous avons repris des études. Mais ce n’est absolument pas le cas. Nous sommes dans la prolongation et l’actualisation de ce qui a été fait par le passé. Par rapport à tout cela, on m’a confirmé que nous étions dans la continuité. Nous n’en sommes plus à nous demander si nous allons la faire ou non, mais plutôt dans quelles conditions nous allons la construire !
Avant même que nous parlions de volcan, de séismes, de risques tsunamiques, j’ai toujours été dans l’optique de voir cette piste sur pilotis. Il faut que la population s’implique dans le processus pour que nous puissions désormais nous tourner vers les matériaux à utiliser en cas de remblais. Encore plus aujourd’hui qu’hier, cette option est la meilleure façon de surélever la piste par rapport au niveau de la mer.
FI : Lundi, nous avons appris, par la voix de Mansour Kamardine, la non-venue d’Air France à Mayotte. Depuis le début de semaine, difficile de démêler le vrai du faux. Quelles sont vos informations à ce sujet ?
R. A. : Comme tout le monde, j’ai regardé le journal qui disait qu’Air France ne venait pas officiellement à Mayotte. J’ai officieusement interrogé les uns et les autres. Tout ce que je peux vous dire à ce jour c’est que rien n’a été décidé, ni dans un sens ni dans l’autre. Hier [mercredi], j’ai sollicité les ministères des Outre-mer et des Transports pour leur dire qu’ils ne pouvaient pas mentir aux Mahorais sachant que le président de la République, Emmanuel Macron, s’est engagé en octobre 2019 à ouvrir le ciel mahorais à la concurrence. Même si je suis de la majorité présidentielle, je ne peux pas cautionner cette manière de procéder. Alors pour l’instant, on m’a certifié qu’il n’y avait pas de décision prise. C’est un peu le statu-quo. Une chose est sûre : le gouvernement n’a pas découragé Air France, la discussion est en cours.
FI : En tant que première femme médecin mahoraise, vous avez tout naturellement apporté votre soutien aux sages-femmes qui ont manifesté ce mercredi. Comment comptez-vous porter leurs doléances au plus haut sommet de l’État pour qu’elles se fassent entendre ?
R. A. : J’ai déjà commencé à les soutenir par le passé à la suite d’une demande de rendez-vous. Je n’ai pas eu besoin de cette nouvelle grève pour comprendre ce qu’il se passe, étant du milieu. Les sages-femmes se retrouvent entre deux fonctions : paramédicales et médicales. Aujourd’hui, ce corps médical n’a de médical que le nom. Donc j’ai immédiatement alerté le ministère de la Santé et j’ai eu une audience assez longue avec le syndicat. Je vais de nouveau saisir le ministère pour rappeler et porter leurs doléances. Disons que cela suit son cours.
FI : Dans la même journée, vous vous êtes entretenue avec la ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Frédérique Vidal, pour évoquer le campus connecté, présenté ce mardi par le rectorat…
R. A. : (elle coupe). Je ne l’ai pas rencontrée hier [mercredi]. C’est une photo d’archive qui remonte à 2019 et que mon attachée parlementaire a republié (sourire). Ce jour-là, nous avions parlé avec la ministre de l’université de plein exercice à Mayotte et de la mise en place du Crous. Et j’en avais profité pour évoquer l’idée du campus connecté dans le but d’accompagner les étudiants, en attendant que les autres dossiers prennent forme.
J’avais fait cette demande et la réponse à l’époque était de sonder la collectivité support, qui est la communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou et le vice-rectorat pour être sûr que des étudiants mahorais aillent vers cette voie. L’idée était de ne pas nous retrouver comme à Saint-Pierre-et-Miquelon où les étudiants n’en voulaient pas. Ce travail de terrain, je l’ai fait, j’en suis à l’origine ! J’ai travaillé sur ce dispositif avec le recteur, Gilles Halbout, qui a eu une très bonne écoute.
FI : Le mois prochain doit se tenir, sauf retournement de situation, les élections départementales. Mansour Kamardine, le député LR, a expliqué sa volonté de se présenter comme chef de file pour revenir à un mandat local qui lui semble plus proche de la réalité du terrain. Quel est votre regard sur ce scrutin dont l’importance n’est plus à prouver à Mayotte ?
R. A. : Il est vrai que les mandats locaux ont un vrai pouvoir décisionnel. Mais au Département, il faut être président pour avoir la mainmise sur le développement du territoire. Quand mon collègue, Mansour Kamardine, explique que c’est plus concret, je le comprends. À Mayotte, les habitants ne comprennent pas forcément le travail des uns et des autres, qu’ils soient maires, parlementaires ou conseillers départementaux. Par exemple, on me reproche souvent les problèmes d’insécurité, alors qu’ils sont du ressort de l’État et des collectivités !
À ce niveau-là, avoir quelqu’un qui est au clair par rapport à tout cela, c’est très bien. Mais de l’extérieur, entendre que certains sont candidats à la présidence m’amuse un peu car il s’agit d’un scrutin binominal mixte majoritaire à deux tours… Il faut vite passer à la proportionnelle pour élire un projet pour le territoire. C’est ce que nous avons demandé avec les quatre parlementaires, le président du conseil départemental et le président de l’association des maires.
Nous le voyons bien, la décentralisation a commencé par le Département en 2004, puis les communes en 2008. Or, ces dernières marchent mieux car les élections municipales sont plus concrètes aux yeux des électeurs ! Nous votons pour un programme et un chef de file. Le projet de loi Mayotte doit commencer par cela… Pour que nous puissions avoir un vrai projet pour le territoire.
Le conservatoire national des arts et des métiers et le rectorat de Mayotte viennent de signer un accord cadre pour mutualiser leurs réseaux afin de développer la formation professionnelle sur le territoire. La première débutera dans quelques semaines.
Cela fait un an qu’ils le préparent, et il est enfin signé. L’accord cadre entre le rectorat et le conservatoire national des arts et des métiers (CNAM) vient officiellement de naître dans le cabinet du recteur ce jeudi 6 mai. La convention demande à chacune des deux parties de mobiliser ses réseaux et promouvoir les différentes formations professionnelles qui peuvent être proposées à Mayotte à distance ou en présentiel.
L’un des principaux avantages de cet accord est le public ciblé, qui est assez large. « Il est destiné aux demandeurs d’emploi et aux jeunes à partir de 16 ans qui ne sont ni en emploi ni en formation. L’autre volet de ce partenariat prévoit également d’accompagner les salariés du rectorat pour une montée en compétences », informe Antufati Bacar, directrice du CNAM de Mayotte. « L’objectif principal est d’élargir l’offre de formation, notamment à destination des jeunes qui ont du mal à trou-ver leurs voix professionnelles, et de lutter ensemble contre le décrochage scolaire », précise Gilles Halbout, le recteur de l’île.
Pour prétendre à une formation, il faut au minimum avoir le baccalauréat et surtout beaucoup de motivation. Ce dernier critère « est le plus important », prévient la directrice du CNAM de Mayotte. Les candidats devront passer un entretien devant un jury. Les sélectionnés commenceront avec des sessions de remise à niveau et enchaîneront deux ans de formation en alternance au sein d’une entreprise. Ce système serait une garantie d’emploi puisque le CNAM promet de travailler avec les stagiaires afin que les employeurs soient pleinement satisfaits et décident de les garder dans leurs sociétés.
« Ce n’est pas que du vent ! »
La directrice du CNAM et le recteur mettent un point d’honneur à ce que cet accord cadre porte réellement ses fruits. « Ce n’est pas que du vent ! Cette convention est le cadre, mais il y a déjà du fond », clame haut et fort Gilles Halbout. Et pour le prouver, une formation dans le domaine du BTP verra le jour dès la rentrée en septembre. Le conservatoire national des arts et des métiers de Mayotte a déjà commencé les sélections : dix candidats sont pour l’instant retenus, et il reste cinq places à pourvoir. « Cette formation est emblématique, elle montre notre bonne synergie puisqu’elle se déroulera dans les lieux de l’Éducation nationale, principalement au lycée Younoussa Bamana », indique le recteur.
La collaboration entre les deux partenaires s’inscrit également dans les études supérieures des universitaires de Mayotte puisque les formations du CNAM seront intégrées dans le campus connecté révélé il y a quelques jours. « Tout l’intérêt est d’anticiper les besoins à venir du territoire, de former les jeunes sur place pour qu’ils soient sur le marché du travail rapidement. Nous construirons avec eux un parcours qui répondra à ces besoins économiques avec un objectif d’insertion professionnelle durable », promet Antufati Bacar. C’est un constat connu de tous : sur l’île, le taux de chômage explose et beaucoup de jeunes se retrouvent sans emploi. Nul doute que les places dans les formations du CNAM seront chers.
Ce jeudi 6 mai avait lieu le procès en appel de deux braconniers de tortues interpellés au mois de février en Petite-Terre. Résultat ? 18 mois de prison ferme avec un maintien en détention ainsi que 14.000 euros de dommages et intérêts pour l’un des auteurs des faits et 18 mois d’emprisonnement avec mandat d’arrêt ainsi que 3.500 euros de dommages et intérêts pour le second.
Souvenez-vous, c’était en février. Ibrahim I. et Nail A. sont interpellés dans le cadre d’un braconnage de tortue verte sur la plage de Titi Moya. Jugés en comparution immédiate le 26 février 2021, ils sont condamnés à 6 mois de réclusion criminelle pour braconnage d’une espèce protégée. Pris en flagrant délit au moment des faits, Ibrahim I. avait reçu un mandat de dépôt, contrairement à son complice toujours en liberté à ce jour. Une situation qui a poussé le parquet à faire appel de la décision. L’affaire a donc atterri sur le bureau de la chambre d’appel de Mamoudzou, ce jeudi.
Un court rappel des faits
Pour rappel, Ibrahim I. et Nail A. avaient été repérés par des membres de l’association Oulanga Na Nyamba lors d’une mission bénévole de surveillance des plages. Les forces de l’ordre étaient intervenues, et Ibrahim I. avait été pris en flagrant délit au-dessus du corps sans vie de l’animal. Nail A. quant à lui, avait été retrouvé plus tard dans la nuit par la brigade de gendarmerie, transportant un sac rempli de viande de tortue. Il niait les faits.
“22 kg de viande ça fait beaucoup pour manger”
De retour devant les magistrats, Ibrahim I. présent ce jeudi à la chambre d’appel, a soutenu que la chaire de tortue était destinée à sa consommation personnelle. Un motif également évoqué par son complice, absent de la séance, mais qui aurait déclaré vouloir réaliser un voulé avec la viande qu’il transportait. Pourtant, peu de doutes subsistent quant au mode opératoire des deux individus. Les témoins ont rapporté des gestes précis et des intentions claires. “La tortue a été mise sur le dos avant d’être découpée.” Équipé de couteaux, Ibrahim I. a été surpris en train de morceler l’animal, avant de dissimuler la carapace dans le sable. “22 kg de viande ça fait beaucoup pour manger, c’était la première fois que vous faisiez cela ?”, lance le juge au prévenu. “C’était la première fois que je faisais ça, mais j’ai déjà consommé de la viande de tortue”. Pas franchement pertinent pour les magistrats, qui opteront pour une peine plus sévère qu’en première instance : 18 mois de prison ferme avec un maintien en détention ainsi que 14.000 euros de dommages et intérêts pour le premier et 18 mois d’emprisonnement avec mandat d’arrêt ainsi que 3.500 euros de dommages et intérêts pour le second.
La sauvegarde d’un animal en danger
Une petite victoire, alors que le trafic de tortue verte ou chelonia mydas demeure encore aujourd’hui très lucratif malgré leurs statuts d’espèces protégées. Les décisions de justice telles que celle-ci semble toutefois se multiplier, redonnant un peu d’espoir aux associations protectrices de l’environnement comme Oulanga Na Nyamba, les Naturalistes de Mayotte, l’Association Pour la Protection des Animaux Sauvages ou encore Sea Shepherd constituées partie civile. “Mayotte a des moyens, des institutions pour protéger les espèces menacées. Nous nous devons d’agir pour la biodiversité. Nous avons la chance d’avoir sur l’île plus de 100 plages reconnues comme lieux de ponte pour les tortues. De plus, sur notre territoire nous retrouvons cinq des sept espèces connues de tortues marines et deux d’entre elles viennent s’y reproduire” rappelle ainsi Maître Trouvé, avocate représentant les associations Oulanga Na Nyamba, Les Naturalistes de Mayotte et l’ASPAS. La lutte continue !
Ce mercredi 5 mai s’est déroulé le premier forum citoyen à Dembéni dans le cadre de la concertation préparatoire au projet de loi « Mayotte ». Les habitants ont répondu en masse à l’appel de la préfecture et ont pu partager, sans filtre, leurs idées. Tous y sont allés de leurs revendications plus ou moins loufoques. Pêle-mêle.
Papier entre les mains, Hamadi Mroudjae parcourt une dernière fois ses quelques mots avant de se lancer dans le grand bain. Le passage en revue des cinq grands thèmes (l’égalité en matière de droits sociaux, le renforcement de l’État régalien, l’accélération du développement, le renforcement du conseil départemental, la jeunesse et l’insertion) annonce l’ouverture ce mercredi 5 mai de la première concertation à la Maison pour tous de Dembéni en vue de la préparation du projet loi « Mayotte ». « C’est maintenant à vous de vous exprimer, c’est votre moment. Tout ce que vous direz sera noté et synthétisé et remontera au ministre des Outre-mer », précise le préfet, Jean-François Colombet, en guise de coup d’envoi. Kofia sur la tête et veston trop large sur les épaules, le président des agriculteurs de la commune se lance dans un one man show endiablé. Son aura et sa gesticulation détonnent et réveillent même une assemblée, tantôt piquante, tantôt somnolente.
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« Il manque des centres de formation professionnelle pour les déscolarisés. Il en faut rapidement, nous sommes pris à la gorge. C’est une catastrophe, nous sommes dépassés par les événements », pointe du doigt le notable de Tsararano, qui milite pour juger les délinquants dans leur pays d’origine et construire un centre éducatif fermé sur l’île aux parfums. Tout naturellement, l’immigration clandestine est au cœur de toutes les interventions. « Il faut demander l’aide de l’Europe pour surveiller les frontières », insiste Hamadi Mroudjae. Un souhait partagé par Issa Issa Abdou, le 4ème vice-président du Département, toujours à l’affût pour réclamer publiquement la venue de Frontex, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes.
Reconduire les mères et leurs enfants
Casquette vissée sur le caillou, un habitant – qui n’a pas souhaité décliner son identité – propose pour sa part des mesures drastiques dans l’espoir de lutter contre l’explosion des naissances issues de mères étrangères. « Pour décourager ces arrivées massives, il faudrait que les femmes en situation irrégulière qui accouchent au CHM fassent l’objet d’une reconduite systématique avec leur bébé », préconise-t-il, sans sourciller. Autre nécessité à ses yeux : les deux parents doivent justifier dix ans de séjour sur le territoire. Dans le cas contraire, « aucun développement ne sera possible, nous passerons notre temps à construire des salles de classe ». Une hypothèse acclamée par une grande partie des 150 convives du jour.
D’autres sujets animent particulièrement le débat. À l’instar de la convergence rapide des droits sociaux, prônée par Zouhoura Attoumani, éducatrice spécialisée. Une manière selon elle d’enterrer la hache de guerre avec La Réunion. D’ailleurs, Taendhum Anassa, DGA ressource au sein de la mairie hôte, veut voir le délai de ce rattrapage, initialement prévu pour 2036, divisé « par trois au minimum ». Et en profite pour exiger « une cotisation retraite pour tous ». Sur ce volet-là, le député LR Mansour Kamardine ne cache pas non plus son exaspération. « Nous ne voulons pas une énième ordonnance, mais une extension des codes du travail, de la santé et de la sécurité sociale dès le 1er janvier », résume le parlementaire. Selon lui, il s’agit ni plus ni moins d’un gage de respect à l’égard de la population du 101ème département. « Si nous ne convergeons pas, les Mahorais vont continuer à fuir le territoire… Et ça, c’est triste ! », déplore-t-il au terme de son allocution.
Si la concertation permet de donner successivement la parole aux élus et aux citoyens, Bacar Kassime ne l’entend pas de cette oreille. « Il y a deux débats : celui des officiels à l’avant et le nôtre à l’arrière », se désole-t-il, déçu par la même occasion de l’absence de représentants de l’institution judiciaire. Car à ses yeux, il faut « durcir les sanctions à l’encontre des mineurs ». Au point de remonter dans le temps pour exposer l’état de la violence sur l’île. « Il y a 15 ans, nous nous faisions agresser à coup de marteaux, de machettes, de pierres et de tournevis. Aujourd’hui, nous parlons de ciseaux, de matériel pédagogique scolaire… Si nous laissons faire, il sera banni du milieu éducatif », avance-t-il, avec une pointe d’humour. Avant de lancer un coup d’œil vigilant vers les assesseurs, pour s’assurer qu’ils prennent scrupuleusement ses idées en note, comme on lui avait promis une heure plus tôt. Croix de bras, croix de fer !
Mercredi 5 mai, à l’occasion de leur journée internationale, les sages-femmes de Mayotte ont décidé de se mettre en grève. Qu’elles soient libérales, dans le secteur territorial (PMI), dans le milieu hospitalier, toutes souhaitaient mettre en lumière le déclin de leur profession et le manque de moyens. Elles étaient une quarantaine mobilisées depuis tôt dans la matinée.
En colère ! Dès six heures du matin, les sages-femmes se réunissent au rond-point en face de l’embarcadère, pour tenter de faire prendre conscience à la population mahoraise, la situation critique dans laquelle elles se trouvent. “Un klaxon pour les sage-femmes”, peut-on entendre d’une sortie à l’autre. “Soutenez-nous ! C’est pour vous que nous sommes là.” Les passants sourient, klaxonnent. Certains lèvent le poing et souhaitent du courage aux grévistes. “On aimerait que tout le monde réagisse aujourd’hui”, lance Anaïs, en poste à l’hôpital de Mamoudzou.
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À l’arrivée de la barge de 6h30, les sages-femmes s’arment de leurs banderoles et attendent sur le quai. S’exprimant grâce à un micro et un amplificateur, elles peuvent faire passer leur message à tous les passagers. Pour des raisons de sécurité, le STM préfère ne pas débarquer et prendre la direction du quai Colas, situé à deux pas. Mais avant même d’y arriver, les sage-femmes sprintent de l’autre côté et attendent une nouvelle fois tout le monde de pied ferme. Une scène comparable au jeu du chat et de la souris qui provoque ni plus ni moins le renvoi de la barge en Petite-Terre… avec les mêmes clients ! Et si quelques travailleurs font grise mine, l’ambiance est plutôt aux applaudissements. “On vous soutient, bravo les sage-femmes”, s’égosille une dame vêtue d’un salouva bleu. Un élan de solidarité qui fait chaud au cœur, sachant que les professionnels de santé se sentent méprisées aussi bien par l’hôpital que par l’État.
Des conditions de travail qui se dégradent
C’est un épuisement global qui ressort des discours de la journée. Un ras-le-bol vis-à-vis de la situation presque insurmontable sur l’île. Si le CHM est bien connu pour être la plus grande maternité de France, les records ont atteint des sommets ces dernières semaines. « En avril, il y a eu 800 naissances. Idem en mars… Je n’ai jamais vu ça en six ans à Mayotte », raconte Anaïs entre deux slogans. L’effectif de sages-femmes sur le territoire est si réduit qu’elles ne peuvent pas s’occuper des naissances du début à la fin. Elles réclament que chaque femme puisse être correctement accompagnée, ce qui se traduit concrètement par une campagne de recrutement et un agrandissement de la maternité de Mamoudzou, réclamé depuis cinq ans. « Il y a une grande partie des futures mamans qui ne peuvent avoir qu’une échographie au lieu des trois normalement préconisées parce qu’il n’y a pas de créneau », continue Anaïs, très remontée.
Une partie des femmes mahoraises choisit donc d’aller accoucher à La Réunion ou en métropole. Pourtant, ce n’est pas l’envie qui manque de donner naissance dans son département, mais le manque de moyens inquiète. « Il faudrait doubler tous les effectifs de sages-femmes sur l’île », conclut Anaïs, clairement lassée par une situation qui stagne, voire qui régresse.
« Les conditions d’accueil se dégradent », se désole Alexia, en poste à Mayotte depuis huit ans maintenant. La jeune femme évoque le nombre de naissances qui ne fait qu’augmenter et la taille de la maternité qui ne bouge pas. « Il n’y a que sept salles d’accouchement à l’hôpital et il y a en ce moment 40 naissances par jour ! » Elle semble totalement désarmée face aux difficultés qu’elles ont à surmonter. « Pendant certaines gardes, je ne me sens pas en sécurité, je n’ai pas l’impression que je pourrais m’occuper de tout le monde », continue-t-elle, décrivant une réalité qui fait peur, mais que les sages-femmes vivent au quotidien. « On nous dit souvent qu’on fait le plus beau métier du monde, mais aujourd’hui j’en doute. »
Les filles soulignent un grand nombre de reconversion au sein de leur profession, qui en ont marre « de ne pas être reconnues ». « On est les grandes oubliées du médical », pourtant elles assurent des missions nécessaires au bon déroulement de la vie de chacun. En effet, « tout le monde a eu à faire à une sage-femme dans sa vie », encore plus à Mayotte où le manque de personnel rend leurs missions encore plus diversifiées, du travail des infirmières, à ceux d’assistantes puéricultrices.
Des demandes inchangées depuis 2016
« Depuis la grève de 2016, rien n’a bougé », commence Alexia, avant d’ajouter « ah si, ils ont ajouté un poste, mais on demandait déjà l’agrandissement de la maternité et aujourd’hui, on a toujours rien ». C’est un sentiment de frustration qui émane de ces jeunes femmes, exerçant ce métier par passion. Après une paire d’heures à bloquer le rond-point de la barge par à-coups, les sage-femmes entament une marche. D’abord vers le conseil départemental pour réclamer une augmentation des effectifs mais aussi et surtout de la reconnaissance. Des musiques remixées en l’honneur des sages-femmes attirent les oreilles et les regards des passants. Aucune réaction de la collectivité jusqu’à ce qu’un rendez-vous soit fixé, pour le lendemain matin. Après cette première promesse de dialogue, les sages-femmes continuent leur chemin jusqu’à l’hôpital. Là-bas, plusieurs médecins et infirmières les applaudissent, en gage de soutien. Avant que les jeunes femmes entrent finalement dans la cour de l’hôpital. Comme un dernier appel à l’aide.
Mercredi 5 mai, le recteur de l’académie de Mayotte, Gilles Halbout a rendu visite aux élèves du lycée de Sada, accompagné de Sophie Brocas, directrice générale des Outre-Mer. Au programme : découverte des activités en école ouverte proposées par l’établissement et présentation de la future classe préparatoire aux grandes écoles du lycée qui ouvrira ses portes à la rentrée 2021.
À l’occasion des vacances scolaires, les lycées mahorais accueillent les élèves volontaires pour participer à des sessions de préparation aux examens. À Sada, entre 200 et 300 jeunes viennent chaque jour pour profiter du dispositif d’école ouverte. “Les terminales viennent se préparer au grand oral et choisir avec l’aide de leurs professeurs les deux problématiques qu’ils devront présenter lors de celui-ci. Des élèves en classe de première étaient également présents et participaient à des ateliers de révision afin de préparer leurs épreuves anticipées de français”, énumère Gilles Halbout, ravi d’avoir pu rencontrer les futurs étudiants du territoire.
Étendu à l’ensemble des établissements de l’île, le dispositif d’école permet également aux élèves volontaires de participer à des sessions de préparation aux épreuves finales de BTS qui approchent à grand pas. Mais aussi de prendre part à des activités culturelles et sportives. “Les élèves sont répartis en différents groupes et peuvent choisir de participer à l’activité qu’ils désirent. Par ailleurs, un intervenant proposait aux lycéens des ateliers d’expression artistique tandis que d’autres volontaires préparaient une course d’orientation au Mont Combani avec leurs professeurs de sport.”
Ouverture d’une classe préparatoire économique
Profitant de la venue de la directrice générale des Outre-mer, Sophie Brocas, le responsable de l’académie et les représentants du lycée de Sada ont présenté la future classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) économique qui ouvrira à la rentrée prochaine. Une première à Mayotte, qui ne dispose actuellement que d’une seule CPGE scientifique au lycée Younoussa Bamana de Mamoudzou.
En milieu de matinée, le recteur a mis le cap sur le collège Marcel Henry situé à Tsimkoura, où il a rencontré le personnel et fait le tour des activités proposées par l’école ouverte. Les collégiens ont la possibilité durant les vacances de s’initier à des activités en lien avec la nature, le sport, le théâtre ou encore les arts plastiques. L’occasion pour eux de découvrir de nouvelles pratiques et allier “récréation et ouverture”.
Fraichement nommée au conseil économique, social et environnemental (CESE), l’entrepreneure Nadine Hafidou est fière d’être la première Mahoraise à accéder à un poste aussi prestigieux. Cheffe d’entreprise, membre de la chambre de commerce et d’industrie de Mayotte, présidente de l’Acciom, la quadragénaire a gravi les échelons et voit toujours aussi grand.
Neuvième ultramarine à siéger au conseil économique, social et environnemental, Nadine Hafidou est surtout la première Mahoraise à accéder à un tel poste et c’est ce qui fait toute sa différence. Si elle reconnaît avoir toujours eu des ambitions professionnelles, le CESE n’a jamais été dans sa ligne de mire. « CCI France m’a sollicitée pour que je candidate à ce mandat et faire partie des sept membres qui représentent les CCI de France. J’ai déposé ma candidature, mais je ne m’attendais pas à ce qu’elle passe », raconte-t-elle, avec un sourire en coin. Reconnue pour ses compétences et appréciée pour son curriculum vitae bien fourni, notamment grâce aux actions menées lors de sa présidence au sein de l’association des CCI d’Outre-mer (Acciom), la cheffe d’entreprise finit par être choisie.
Si ses origines mahoraises veulent qu’elle porte particulièrement la voix des entreprises du 101ème département, Nadine Hafidou voit bien au-delà. « Je suis la première Mahoraise nommée au CESE en dehors du groupe Outre-mer, alors mon objectif et ma priorité durant ce mandat de six ans sont de porter la voix de toutes les entreprises de France », prévient-elle. Affectée à la commission environnement, la professionnelle aura un droit de regard sur les lois et décrets qui lui seront présentés dans le but qu’aucune des propositions portées par les parlementaires ne soit une contrainte pour les entreprises. Alors oui, cette nomination la réjouit tout naturellement. Mais son entourage semble encore plus heureux. « Ils m’ont tous dit que c’était mérité compte tenu du travail que je fais. Mes parents m’ont toujours énormément poussée à aller plus haut et plus loin, donc pour eux c’est un honneur de me voir accéder à ces fonctions. »
Toujours viser plus haut
Si Nadine Hafidou affirme n’avoir jamais rêvé d’un siège au CESE, elle a cependant toujours visé l’excellence. Depuis 2008, elle est cogérante d’un cabinet d’ingénierie de bâtiment et d’aménagement urbain, et elle compte bien avoir un impact sur au moins une partie du globe. « Nous voulons développer notre activité au maximum, qu’elle soit leader du marché à Mayotte et même dans la zone du Canal de Mozambique et de l’Afrique de l’Est », soutient la quadragénaire. Ses ambitions professionnelles se conjuguent avec son implication dans le monde associatif.
Dès ses débuts dans le monde de l’entreprise, elle souhaite donner l’exemple et incite les femmes à fonder leurs sociétés. Elle crée alors « l’entrepreneuriat au féminin » à Mayotte et devient la présidente de l’association. Suite à cela, tout s’enchaîne : élue à la CCI Mayotte en 2016, bras droit du président actuel à la CCI France, présidente de l’association des CCI d’Outre-mer (Acciom)… « Mayotte n’avait jamais pris la présidence de l’Acciom, j’ai tout de même postulé et j’ai été retenue », sourit-elle. Mais après deux ans et demi de bons et loyaux services, elle passe vice-présidente et laisse sa place à une autre. Même si elle est consciente de la charge de travail qui l’attend, Nadine Hafidou accepte volontiers cette nomination au CESE, non seulement pour elle, mais aussi pour tous les entrepreneurs mahorais. « Le CESE valorise Mayotte à travers cette nomination, et je ferai mon travail avec plus de fierté », conclut-elle.
Alors que l’accès à l’enseignement supérieur reste limité dans le 101ème département, Mayotte vient de décrocher un plan d’investissements d’avenir de 250.000 euros et une labellisation du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour lancer son campus connecté. Les 15 premiers étudiants 2.0 sont attendus devant les écrans à la prochaine rentrée.
Décrocher son diplôme d’ingénieur Bac+5, le tout sans sortir un orteil de Mayotte ? C’est le pari qu’ont fait pour les étudiants le rectorat, le CUFR, le Département, la CCI et la Cadema, en répondant à un appel à projets afin de créer le premier “campus connecté” de l’île. Objectif : “favoriser l’accès à l’enseignement supérieur”, résume Aurélien Siri, le directeur du centre universitaire. “Vous connaissez l’histoire du CUFR, et la croissance que nous avons connue, mais malgré cela, nous n’arrivons pas à répondre à tous les besoins. Le campus connecté va apporter une offre complémentaire avec des formations certifiantes et diplômantes pour des métiers peu pourvus, et pour lesquels le CUFR ne forme pas”, développe-t-il.
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Avec guère plus de 1.600 places, la petite université de Dembéni peine en effet à instruire les jeunes cerveaux de l’île, et nombreux sont ceux qui doivent poursuivre leurs études supérieures à La Réunion ou en métropole. Pour les plus chanceux… “Beaucoup d’étudiants ne peuvent pas se déplacer pour des raisons financières ou familiales, et nous avons souhaité participer à ce projet pour que ces jeunes puissent suivre un cursus universitaire tout en restant proches de leur famille”, expose Sarah Mouhoussoune, la 7ème vice-présidente de la communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou.
Des formations en lien avec les besoins des entreprises
Et c’est tout l’intérêt de ce “campus connecté”, qui accueillera dès la prochaine rentrée une première promotion d’une quinzaine d’élèves. Concrètement, les lycéens, invités à candidater via leur espace Parcoursup, pourront débuter leurs études supérieures à distance, en intégrant “une formation non présente sur le territoire et en lien avec les besoins des entreprises de Mayotte”. Une vision globale du développement du territoire, qui explique la participation de la chambre de commerce et d’industrie. “Mayotte bouge, et Mayotte avance, quoi qu’on en dise”, salue Mohamed Ali Hamid, le président de la CCI.
Droit, marketing, gestion… “Nous avons identifié beaucoup de formations à distance, qui vont jusqu’au niveau Master. Nous allons pouvoir diplômer nos jeunes jusqu’à Bac+5 ! Et quand on voit leur taux d’employabilité à Mayotte, c’est indispensable”, se gargarise Aurélien Siri. Plus précisément, des formations d’IAE (instituts d’administration des entreprises), d’écoles d’ingénieurs, ou encore dans le secteur du tourisme pourraient bien se retrouver en haut de la pile pour la première promotion. À noter que 20% des places pourront être dédiées aux actifs en reconversion, aux femmes et mères au foyer à la recherche d’une formation, ou encore aux demandeurs d’emploi.
Un PIA de 250.000 euros pour commencer
Pour les détails techniques, ce projet s’inscrit dans une démarche de labellisation, nationale, de 49 nouveaux campus connectés, entamée par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour une enveloppe totale de 25 millions d’euros, financés par le Plan d’investissements d’avenir (PIA). Mayotte, elle, a décroché un joli chèque de 250.000 euros pour le lancement du campus. “Toutes les académies n’ont pas été servies, et surtout pas toutes les académies d’Outre-mer. Il ne s’agit pas de se réjouir du malheur des autres, mais plus de mesurer notre chance”, se réjouit le recteur Gilles Halbout. Avant de glisser, sur une note plus grave au regard des récents événements qui ont endeuillé son institution : “Il y a des mauvaises nouvelles sur l’île, presque chaque semaine, et il y a aussi des très bonnes nouvelles et des très belles réussites collectives”.
Collectives, car tout le monde a mis la main à la patte, et en un temps record, une fois n’est pas coutume. Contactée en novembre, la Cadema “n’a pas hésité à participer”, souligne Sarah Mouhoussoune. Ni même à mouiller la chemise. En l’espèce, un budget de 300.000 euros voté d’emblée pour aménager un tiers-lieu, capable de recevoir ces étudiants 2.0. Pour l’instant, le local a élu domicile dans la Maison pour tous d’Hajangoua. Mais à terme, les partenaires espèrent bien voir le campus sortir de terre, non loin de là, sur un terrain déjà identifié à côté de l’école primaire. “Nous tablons sur deux ans”, mise l’élue communautaire. En tout, le budget du projet pour Mayotte se chiffre à à 1,7 million sur cinq ans, dont 700.000 euros pour la Cadema, 360.000 euros pour le conseil départemental, 60.000 euros pour la CCI, et près de 620.000 euros pour le CUFR et le rectorat. Et un ticket gagnant pour Mayotte, un !
Le service social du rectorat de Mayotte a publié un bilan de l’action sociale dans l’académie de Mayotte sur l’année scolaire 2019-2020. Malgré le confinement et la fermeture des écoles, les assistants sociaux ont tenté de continuer d’assurer leurs missions. Véronique Séjalon, conseillère technique supérieure de service social, revient sur le travail actif de ses collaborateurs sur un territoire compliqué et souligne le manque criant de suivi, une fois les signalements faits.
47.175 élèves. Voilà le nombre de jeunes scolarisés dans les 22 collèges et les 11 lycées de Mayotte. Un chiffre qui ne fait qu’augmenter, année après année. Et si cette hausse est un vrai défi au niveau de l’enseignement, elle l’est aussi du côté de l’aide sociale. Le service compte 24 assistants sociaux, couvrant chacun un ou deux établissements, en fonction de la taille de ces derniers. Extrêmement sollicités, ces agents du social ont pris en charge 13.622 élèves, soit 28,8% des élèves du second degré, sur l’année 2019/2020, malgré la fermeture des écoles pendant près de deux mois.
Mais comment s’organise toute cette équipe ? Les AS sont d’abord présentés à tous les élèves de la sixième à la seconde, afin qu’ils sachent vers qui se tourner et pourquoi. Ensuite, différentes interventions ont lieu dans les classes, ou dans des niveaux entiers, dans lesquelles les agents sociaux sont souvent accompagnés de l’infirmier ou du CPE de l’établissement. Pendant ces rencontres peuvent être abordés la vie affectueuse et sexuelle, le harcèlement, mais aussi l’accès au droit. Des moyens “de nous faire connaître et de libérer la parole ». « Ces ateliers aident certains jeunes à prendre conscience de leur situation et d’avoir le droit d’en parler.” Des actions de prévention sont aussi menées pour les parents, afin de faire du “soutien à la parentalité” en cas de difficulté, comme l’absentéisme. Souvent considérés comme une première prise de conscience de sa mise en danger, les ateliers sont très importants pour créer un lien de confiance avec les élèves. Dont le but est de les pousser à venir exposer leurs propres problématiques et obtenir un accompagnement adapté (pas moins de 21.502 entretiens ont pu être menés au cours de la période).
Une demande d’accompagnement diverse
Si la demande est grande, elle est aussi très large. On note tout d’abord que 74% des demandes émanent des collèges. Les problématiques des élèves concernent d’abord des difficultés sociales et économiques. 73% des sollicitations du SSFE sont de cet ordre. Selon Véronique Séjalon, il s’agit d’un phénomène qui était particulièrement criant pendant le confinement. Les élèves n’ayant pas accès directement aux AS dans leurs bureaux pour parler de leurs problèmes, “la majorité des sollicitations a essentiellement concerné des demandes de bons alimentaires”. L’équipe du pôle social du rectorat a toutefois aussi fait remonter des situations semblables aux années précédentes, comme les difficultés familiales et les violences intra-familiales, souvent précurseurs de comportements à risque chez les jeunes. Les assistants sociaux constatent un manque de communication dans les familles, qui engendre souvent une perte de repères.
D’autres problématiques sont frappantes sur l’île selon cette spécialiste du social, qui a déjà travaillé dans différents rectorats en métropole. “À Mayotte, nous comptons de nombreuses fugues, alors que d’habitude, cela reste à la marge. Il y aussi les grossesses précoces ou l’émergence de la prostitution.” Des problématiques qui nécessitent beaucoup d’attention, notamment au niveau des jeunes filles, qui finissent par venir chercher de l’aide auprès des agents sociaux. Elles sont 50 à avoir fait l’objet de suspicion de prostitution ou à déclarer elle-même qu’elles avaient monnayé leur corps pour un toit, un peu de nourriture ou quelques vêtements. Sans oublier l’accompagnement de nombreuses familles pour les aiguiller dans leur accès au droit, afin d’effectuer leurs démarches. Souvent, ce sont les jeunes eux-mêmes qui vont se renseigner. En effet, passé 18 ans, le manque de papier peut s’avérer être un problème pour poursuivre leur scolarité, notamment pour ceux souhaitant étudier à La Réunion ou dans l’Hexagone.
Les problèmes liés à la scolarité sont eux aussi nombreux. Les difficultés scolaires et le décrochage concernent de nombreux élèves, qui finissent par avoir “le syndrome de l’absentéisme (11.6% des signalements, ndlr), parfois même sans que les parents ne soient au courant”. Certains d’entre eux préfèrent même prendre le chemin de la violence, ne trouvant de réponses à leurs questions nulle part. Souvent pour ces jeunes, “l’école ne fait pas sens”, déroule Véronique Séjalon. “Il faut essayer de comprendre d’où cela vient. Ce sont des comportements souvent liés à d’autres choses comme l’accumulation de trop lourdes lacunes ou une situation familiale instable. Des instances de concertation ont été mises en place dans les établissements pour permettre aux équipes de faire remonter plus facilement les situations des élèves au service social pour qu’ils puissent être pris en charge. »
Beaucoup d’efforts mais un manque de personnel
Une fois les signalements faits par le service social, il existe deux niveaux de prise en charge. Si l’information préoccupante ou IP concerne la maltraitance ou des violences sexuelles, une aide judiciaire est mise en place. “Une mesure d’éloignement peut être prononcée le jour même, le temps d’une enquête sociale et/ou, de gendarmerie.” Le juge des enfants est aussi saisi lorsque le jeune se met en danger lui-même. Du côté judiciaire, le suivi est effectif selon Véronique Séjalon, même s’il est parfois un peu lent.
Du côté administratif cependant, des trous sont encore à combler. Dans certaines situations, lorsque la famille est d’accord, une aide éducative administrative peut être mise en place afin d’aider à recréer le contact dans les familles. Toutefois, l’île semble manquer d’éducateurs et nombreuses de ces demandes d’AED n’aboutissent pas. Selon le bilan de l’année passée, seuls quatre demandes sur 70 se sont couronnées de succès. “Les rapports sont faits, mais rien ne se passe et finalement, les situations se dégradent petit à petit. Cela manque de suivi, les éducateurs doivent être démultipliés”, se désole la conseillère technique supérieure de service social. “Nous manquons de personnel, mais il faudrait s’en donner les moyens !”, ajoute-t-elle. En effet, un développement du service social serait une manière de travailler plus efficacement et d’avoir moins de dossiers à gérer en même temps pour les AS et éviter “l’épuisement moral”. Si elle réclame plus de moyens humains, Véronique Séjalon ne se laisse toutefois pas abattre. “Je répète à mes équipes que si nous avons fait bouger la situation pour deux, trois jeunes, c’est déjà bien et il ne faut pas s’arrêter là.” Un message d’espoir malgré les complications liées aux réalités de l’île. Et pour soulager le secteur “très lourd” du sud, un nouveau poste sera créé à la rentrée à Sada.
Véronique Séjalon doit donc se lancer dans une nouvelle phase de recrutement, chose qui n’est pas facile sur le territoire où certains entrent par concours et d’autres par la voie de la contractualisation. Mayotte compte désormais une formation en assistance sociale, des AS formés sur l’île pourront donc bientôt entrer dans le service social du rectorat, s’ils le souhaitent.
La venue d’Air France avait donné un élan d’espoir à tous les habitants de Mayotte. Fin du monopole aérien, et des prix exorbitants, pensait-on. Mais ce rêve s’est envolé en ce début de semaine, lorsque l’annonce de la non venue de la compagnie a été divulguée. Les Mahorais ne comprennent pas cette décision et accusent Air Austral d’être la cause de tous leurs maux.
« Comment Air Austral a pu mettre la pression sur une compagnie de taille comme Air France ? » C’est la question que tout le monde se pose à Mayotte et sur les réseaux sociaux. La nouvelle de la non venue d’Air France à Mayotte est tombée en début de semaine et depuis les spéculations vont bon train. « Comment se fait-il qu’Air Austral prenne des décisions pour Mayotte ? », « De toute façon, c’était voué à l’échec », « Ils ont fait du chantage », autant d’accusations répertoriées sur la toile qui pointent du doigt la compagnie réunionnaise. Le député Mansour Kamardine a annoncé lundi qu’Air France ne volerait finalement pas dans le ciel mahorais, supposant qu’Air Austral en serait la cause.
Aussitôt dit, l’association des usagers des transports au départ et l’arrivée de Mayotte (Autam) est montée au créneau. « Ce projet n’est plus d’actualité à cause de la pression des autorités réunionnaises qui n’ont pas hésité à sacrifier les voyageurs mahorais sur l’autel de leurs intérêts économiques », fustige Cris Kordjee, présidente de la structure. Très en colère, elle met des mots sur ce que beaucoup de Mahorais ressentent depuis des années. « Par cette funeste victoire, elles (les autorités réunionnaises) démontrent une nouvelle fois que la solidarité des îles françaises de l’océan Indien invoquée par certains est une chimère. » Si Cris Kordjee nie la solidarité entre les deux départements, elle n’en veut finalement pas à Air Austral, mais à l’État qui semble avoir favorisé l’un de ses deux enfants. « Air Austral a plaidé sa cause au plus haut sommet de l’État et il a répondu en sa faveur. Cette nouvelle signifie que personne n’a défendu les intérêts de Mayotte et des Mahorais », regrette-t-elle. D’autres accusent les élus de l’île aux parfums de ne pas avoir réagi. « Où sont les représentants de cette île ? Quel est leur combat ? », s’interroge une internaute. « Les Mahorais sont mal représentés sur la scène politique nationale alors que les Réunionnais sont soudés », soulève un autre. Cette nouvelle semble avoir ravivé des rancoeurs enfouies auprès des Mahorais qui, encore une fois, ont l’impression d’être des sous-Français.
Trouver des solutions sur le long terme
La venue de nouvelles compagnies aérienne à Mayotte est un combat mené par l’Autam depuis plusieurs années. Mais après quelques lueurs d’espoir, l’association et les Mahorais ont à chaque fois été déçus. « On ne va pas se laisser démonter. On va se concentrer sur nos objectifs parce qu’il n’y a que nous-mêmes qui défendrons nos intérêts », se motive Cris Kordjee. Si le retour de Corsair est un bon début, elle sait qu’il faut trouver des solutions sur le long terme. La prolongation de la piste de l’aéroport de Mayotte est incontestablement l’une d’elles. « La demande d’une piste longue n’est pas un caprice des Mahorais. Personne ne veut venir ici parce qu’elle est trop courte et dangereuse. Et c’est ce qui permet à Air Austral d’avoir le monopole. Mais il y a un réel manque de volonté politique. C’est peut-être même ça, la cause de tous ces problèmes », souligne-t-elle.
L’installation d’une compagnie mahoraise est également fortement souhaitée. « Au moins, on est sûrs qu’elle ne nous quittera pas ! », ajoute-t-elle. Rien n’est sûr, mais cela améliorerait indéniablement le quotidien des Mahorais, tout en développant l’île. « Ici, beaucoup de gens ont des problèmes de santé et sont obligés de partir sans avoir les moyens parce que le prix du billet coûte trop cher », selon la présidente d’Autam. Le monde économique n’est pas non plus épargné, et très souvent, les plus petits sont les plus touchés. « Les commerçants sont obligés de voyager pour acheter leur marchandise. Et pour cela, ils doivent faire des économies pour pouvoir partir. Ce sont eux qui souffrent le plus. » Le cas d’Air France n’est pas une première chez nous. Jusqu’à présent, Air Austral semble avoir le bras assez long, mais jusqu’à quand ? Beaucoup de Mahorais estiment que la réponse se trouve désormais dans les urnes.