Combani et Miréréni se jettent la pierre

Les habitants de Combani et Miréréni n’ont eu que quelques semaines de répit. Les rivalités qui opposent les jeunes de ces deux villages de la commune de Tsingoni ont une nouvelle fois entraîné des affrontements ce week-end. Les villageois des deux côtés campent sur leurs positions. Chaque camp accuse l’autre d’être à l’origine du problème.

« Ils étaient tellement nombreux… J’ai cru qu’ils allaient en finir avec Combani. » Djamal, habitant du village, a encore la voix tremblante lorsqu’il évoque l’après-midi et la nuit de terreur du dimanche 15 août. Des bandes rivales originaires de Combani et Miréréni se sont une nouvelle fois affrontées dans le quartier appelé Badjoni. Le secteur a été le théâtre d’une nouvelle scène de violences qui inquiète les citoyens. « Les jeunes étaient armés de machettes, de fusils de mer, de cailloux. Ils ont commencé à brûler la cour d’un riverain à côté. Nous sommes partis éteindre le feu, mais ils nous ont accueillis avec des pierres. Le soir, c’était pire, il y avait une vraie guérilla », décrit avec amertume Moller, qui a assisté à toute la scène depuis sa maison. Sur place à partir de 17h, les gendarmes départementaux et mobiles ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser les foules jusqu’à 1h du matin, une fois la situation apaisée…

Cet énième affrontement semble trouver son origine quelques jours plus tôt selon les témoignages. « Ça a commencé depuis vendredi. Un groupe de jeunes de Miréréni étaient venus vers 12h avec des machettes et ils lançaient des pierres. Certains de Combani les ont repoussés. Ils ont aussi brûlé un véhicule de quelqu’un de Miréréni et à partir de là, tout a dégénéré », continue Moller. Une version corroborée, à quelques détails près. « Ce sont les jeunes de Combani qui sont montés jusqu’à la mosquée de Miréréni. Ensuite, ils ont été repoussés jusqu’au pont », insiste pour sa part une habitante de Miréréni qui souhaite garder l’anonymat pour éviter les représailles. Quoi qu’il en soit, le résultat est le même : des maisons et des boutiques vandalisées, des voitures incendiées et la population terrorisée de part et d’autre. Les conséquences sont lourdes et le ras-le-bol se fait ressentir. « On est fatigués, on en a marre. Il faut que ça cesse », martèle-t-elle, après plus d’un an d’agressions à répétition.

« Derrière tout cela, il y a des adultes qui les manipulent »

Les langues commencent à se délier à Miréréni tout comme à Combani, et une hypothèse revient de manière récurrente. « Ces jeunes se connaissent depuis longtemps, ils étaient ensemble et maintenant, ils ont été instrumentalisés. Je pense que derrière tout cela il y a des adultes qui les manipulent. Tout le monde les connaît : la mairie, la police, les habitants », affirme l’habitante de Miréréni. Même son de cloche du côté de Combani. « Ces jeunes sont encouragés par leurs parents. Ils les nourrissent avant d’aller se battre et leur donnent leur bénédiction », soutient de son côté Djamal. La situation serait d’ailleurs montée d’un cran puisque dimanche, les bandes rivales auraient été appuyées par des renforts venus d’autres communes. « Quand ils sont descendus à Combani, beaucoup de jeunes n’étaient pas de Miréréni. Je pense qu’ils ont été recrutés à droite à gauche », indique Moller. Rejoint par Djamal : « J’ai reconnu des délinquants de Doujani et Vahibé. » Difficile de confirmer de tels propos, d’autant plus que la gendarmerie ne laisse échapper pratiquement aucune information concernant les faits.

À qui la faute ?

Les habitants sont loin d’être unanimes quant à l’origine de cette escalade de violences, chacun prend la défense des jeunes de son village. Combani accuse Miréréni et vice-versa. « Si on dit à nos enfants d’arrêter, ils vont arrêter. Mais comment pouvons-nous leur demander cela s’ils se font tout le temps agresser ? Ce conflit s’arrêtera si Combani arrête. Mais comme ils n’ont rien à perdre, ils ne cesseront pas. Ils utilisent des jeunes qui sont déscolarisés, qui sont hors du système. Alors que chez nous, ce sont des jeunes qui vont à l’école. Il n’y a pas de bandes de délinquants à Miréréni, ça n’existe pas. Nous avons des enfants qui ne demandent qu’à aller à l’école tranquillement », défend l’habitante de Miréréni. Moller réfute cette hypothèse qui le met en colère. « Les gens de Miréréni accusent ceux de Combani alors comment se fait-il que ces guérillas se déroulent toujours chez nous ? Ce sont donc les gens de Combani qui cassent les choses chez eux ? Je n’ai jamais vu les jeunes de chez nous aller jusqu’à Miréréni pour se battre. Je ne dis pas que ceux de Combani sont innocents, il y a des délinquants partout, mais il y a aussi des parents qui n’assument pas. »

Si la journée de lundi s’est déroulée sans affrontements, le climat était tendu dans les deux villages. Tous savent que la guerre entre les bandes rivales n’est pas finie. Les habitants s’attendent à un nouvel épisode de violences.

Romain Guille est un journaliste avec plus de 10 ans d'expérience dans le domaine, ayant travaillé pour plusieurs publications en France métropolitaine et à Mayotte comme L'Observateur, Mayotte Hebdo et Flash Infos, où il a acquis une expertise dans la production de contenu engageant et informatif pour une variété de publics.

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