La commission environnement de Mayotte lance l’alerte

Le conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement de Mayotte a transmis aux élus du département, jeudi 14 décembre, plusieurs recommandations pour assainir d’urgence l’île. Après un an de recherches, le bilan est catastrophique.

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La commission environnement, cadre de vie et tourisme a transmis une trentaine de recommandations pour assainir l’île. « On ne peut pas parler d’eau, sans parler d’assainissement », insiste Amélie Springer, architecte et membre de la commission.

« Seulement 18 % du territoire urbanisé, villages et gros bourgs, sont raccordables à un réseau collectif d’assainissement. Et quand on est raccordé, l’eau est mal traitée », fulmine Amélie Springer, architecte et membre de la commission environnement du conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement à Mayotte. Le schéma directeur d’assainissement des eaux usées (SDAEU) de 2015 prévoyait que plus de 53% de ce territoire serait raccordable à l’horizon 2030.

Ce jeudi, la commission a signé, après un an de recherches, une auto-saisine. Le document recueille près d’une trentaine de recommandations au sujet du système d’assainissement de l’île, déjà transmis aux élus du Département.

Parmi ces préconisations, la commission évoque la création d’un office de l’eau (prévu pour 2024). « Dans tous les autres départements, il y a un agent de l’eau. Mayotte n’en a pas malgré tous ses problèmes auxquels elle est confrontée », commence à lister la conseillère, également vice-présidente de l’Ordre des architectes La Réunion-Mayotte.

Un manque de contrôles

« On a besoin de formations, de montée en compétences des techniciens. » La commission recommande de développer les Services publics d’assainissement non collectif (Spanc), constitués de personnes formées pour contrôler les installations individuelles et les ventes. Ils sont aussi chargés de collaborer avec les services d’instruction de permis de construire dont l’obtention dépend de la présence d’un système. « Mais ils sont en train de se mettre en place », détaille le chargé de mission environnement, Namoudine Ibrahim, qui souhaiterait qu’ils se généralisent dans toutes les communes et intercommunalités (auxquelles reviendra la gestion de l’eau en 2026). La Cadema (communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou) ne disposait, au moment des auditions pour cette enquête 2023, que d’une personne en charge de toute la zone.

Elle recommande aussi plusieurs mesures pour améliorer les systèmes de traitement de l’eau « vétustes et sous-dimensionnés » afin d’éviter les saturations, informer la population de leur fonctionnement et usage des eaux usées qui ne doivent pas être jetées, chercher des traitements expérimentaux adaptés à l’île. Comme réfléchir à un usage agricole des boues d’épuration, se servir des mangroves et des roseaux qui filtrent les eaux usées traitées, évacuer par bateau sur un autre site etc.

« Toute agglomération de plus de 10.000 habitants devrait avoir une station d’épuration. Aujourd’hui, il y en a quatre sur l’île qui risquent d’être très rapidement saturées », poursuit Amélie Springer, alors que la démographie de l’île explose. La station Baobab, à Mamoudzou, pourrait être dans ce sens étendue. Sur son réseau, des remontées d’eaux souillées se constatent déjà.

Réseaux inexistants ou mal raccordés

« Les ouvrages ont été conçus sans partenariat avec le syndicat des eaux et avec des sous-dimensions ainsi que des défauts de fonctionnements. Ils ne remplissent pas 100 % de leurs capacités », rend compte Chadia Saidali, responsable finances de l’Agence d’attractivité et de développement touristique de Mayotte (AaDTM). Au cours de cette année, cette autre conseillère s’est déplacée pour voir comment les eaux usées sont traitées.

« Il y a des zones classées en assainissement collectif, où il devrait y avoir un réseau mais où il n’y en a pas alors qu’y sont situées des maisons individuelles », illustre Namoudine Ibrahim. « Les gens trouvent des systèmes D, font des épandages qui ne respectent pas la réglementation. Ces eaux usées risquent de se répandre dans la nappe phréatique artificielle. » À Chiconi, les réseaux débordent sur les routes. La population se connecte à un réseau qui n’est, lui, pas connecté à la station. Et quand ce ne sont pas les routes, c’est aussi le lagon qui reçoit les eaux usées.

« On retrouve des fosses septiques en dessous des maisons. Ce qui complique les contrôles et les vidanges », déroule Chadi Saidali. « Beaucoup sont pleines et débordent. Or, une fosse jamais vidangée peut causer des problèmes d’insalubrité et l’effondrement de l’habitat. Il faut pousser les foyers à en construire à distance légale (N.D.L.R. la fosse et son traitement doivent être à un minimum de trois mètres de distance de la limite de la propriété)»

Il faut compter au moins 6.000 euros de construction. Le raccordement, lui, entre 2.000 et 7.000 euros. Sans compter les habitats ne disposant pas de fosses. Sur cet aspect, la commission recommande d’instaurer des aides financières. Sans diagnostic assainissement, il est pourtant interdit de louer ou de vendre son bien.

« Et on ne fait juste qu’effleurer le problème »

« C’est comme une patate chaude. Personne ne veut la toucher parce que sinon, il faudrait s’expliquer sur les défaillances », exprime Abdallah Saïd, autre conseiller. Pour cette année d’enquête, la commission dit s’être heurtée à « des portes bloquées » auprès des organismes pour obtenir des données et explique avoir dû s’appuyer sur des sources anonymes. Le conseil a d’ailleurs essayé de récupérer également des données cartographiques auprès des Eaux de Mayotte. Sans succès. « C’est très difficile d’obtenir des données récentes », indique Noumoudine Ibrahim.

La commission insiste sur l’importance d’un diagnostic global. L’éruption sous-marine d’un nouveau volcan, Fani Maroé, aurait, par exemple, pu provoquer des fissures et des déplacements des tuyaux d’équipements collectifs.

« Ça fait un an que l’on travaille dessus. Et on ne fait juste qu’effleurer le problème », lance Amélie Springer. « On sait qu’en creusant, on trouvera certainement des choses plus catastrophiques. Le souci c’est que l’assainissement, c’est sous terre. Personne ne le voit. Et la population n’est pas sensibilisée au sujet. » Or, les conséquences d’une inaction seront, selon la commission, eux, bien visibles : une aggravation des remontées d’eaux usées au moment des pluies, une saturation des stations d’épuration, un « n’importe quoi » général quant aux initiatives de chacun pour se raccorder et se créer une fausse, des risques pour la biodiversité, mais aussi pour la santé avec le développement de maladies.

« On utilise tous les canaux pour se faire entendre : la presse, les associations intégrées au conseil… », appuie Amélie Springer. « On est sur un système D qui ne va pas tenir. J’espère que, comme l’urgence de l’eau dont on est au courant depuis des années, on ne mettra pas plusieurs années à reconnaître politiquement l’urgence de l’assainissement. »

Le conseil, en tant qu’assemblée consultative, émet des avis, mais ils n’ont aucune obligation d’être suivis.

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