Crise de l’eau : « Hors de question que nous passions en force sur ce projet d’Ironi Bé »

L’État ne cherchera pas à passer en force sur le projet de l’usine de dessalement d’Ironi Bé. A l’occasion de la première réunion de la conférence de suivi du plan eau 2024/2027 qui s’est tenue mardi après-midi à Mamoudzou, nombreux ont été les intervenants et représentants d’associations locales à avoir adopté des positivions vives sur ce projet qui pourrait permettre une production de 10.000 mètres-cube par jour d’ici 2026 et mettre fin aux habituels tours d’eau.

La question de la disponibilité d’eau potable sur le territoire a donné lieu à de moultes inquiétudes parmi les différents intervenants qui ont eu à s’exprimer lors de la première réunion publique du comité de suivi du plan eau 2024/2027, ce mardi, à Mamoudzou. Des associations de lutte pour la protection de l’environnement, des consommateurs mahorais mais aussi le conseil économique, social et environnemental de Mayotte (Cesem) ont l’occasion de donner leurs avis sur les projets de forage, de retenue collinaire d’Ourovéni et d’usine de dessalement d’eau de mer destinés à répondre au besoin en eau potable de la population de l’île après la crise hydrique de l’année dernière. Ayant pris la parole après l’ouverture officielle des débats par Ben Issa Ousseni, le président du conseil départemental de Mayotte, le préfet François-Xavier Bieuville a introduit son propos en citant l’article 15 de la convention des droits de l’homme et du citoyen, « tout agent public doit rendre compte de son activité et des finances utilisées », comme pour préfigurer la teneur des réactions à venir de certaines personnes présentes dans l’hémicycle.

L’objectif final des discussions qui se sont ouvertes cette semaine (et qui vont s’étaler sur plusieurs mois d’activités et d’action) est de permettre aux différents acteurs engagés dans ce processus de s’acheminer, lentement mais sûrement vers une fourniture de l’eau courante, sans coupures, pour les habitants de Mayotte.  « Ce qui est important, c’est que chacun a compris que l’eau est un enjeu capital. Je me félicite d’une chose, nous avons des débats qui sont parfois rudes avec des questionnements et des interrogations, avec des citoyens des associations, des parties prenantes qui posent des questions et dans ce processus-là qui est un processus démocratique, chacun s’empare de la question de l’eau pour bien la comprendre, et puis au fond apporter des réponses », estime le délégué d’un gouvernement toujours dans l’attente d’être formé. « Je trouve extrêmement important parce qu’une fois qu’on a fait ce travail de conviction, de pédagogie et de présentation, au fond on comprendra tout ce que nous faisons aujourd’hui au profit de Mayotte », a-t-il souligné.

Un objectif de fin des tours d’eau en 2026

L’objectif à atteindre est la fin des tours d’eau en 2026 au plus tard. Se positionnant lui-même en citoyen de Mayotte, il a déclaré comprendre l’injustice profonde ressentie par les mères de familles, les enfants, les organisateurs de manzaraka et les personnes en situation de difficultés de devoir supporter les tours d’eau. Du côté des représentants de la société civile, l’heure était plutôt à l’agitation des cartons rouges devant de possibles atteintes à l’environnement marin. Ça a été le cas de Michel Charpentier, le président de l’association des Naturalistes de Mayotte, qui a parlé d’une précipitation à vouloir construire l’usine de dessalement d’Ironi Bé alors que personne ne peut actuellement garantir quel est l’impact de cet outil sur les eaux du lagon. Il a émis de sérieux doutes sur ce qui pourrait se produire dans les cinquante mètres autour de la zone de rejets des saumures et a émis le vœu que soit repris en considération le principe de refouler les retombées à haute teneur en sel hors du lagon. Un son de cloche partagé par la députée Estelle Youssouffa qui est intervenue dans les débats par vidéoconférence depuis Paris.

« Je ne suis pas scientifique, j’ai une inspectrice de l’environnement et du développement durable, Céline Debrieux-Levrac, qui est ma conscience verte, laquelle me dira : « Monsieur le préfet, le projet passe », auquel cas, je donnerai l’autorisation. Ou alors : « Monsieur le préfet, le projet ne passe », auquel cas, je demanderai de nouvelles études. Il est hors de question que nous passions en force sur ce projet d’Ironi Bé. On a besoin d’un avis scientifique, j’ai une personne en situation de donner cet avis et à partir du moment où le feu vert sera donné, je considère que le préfet pourra décider en toute connaissance de cause sur la validité de ce projet d’usine de dessalement », s’est défendu le préfet. Il a été arrêté le principe d’une implication de l’université de Mayotte dans le suivi régulier du phénomène tant redouté par les associations de défense de l’environnement dans l’hypothèse d’une mise en service de cette deuxième usine de l’île, après celle de Petite-Terre.

Outre les aspects techniques et organisationnelles de cette conférence de suivi, il a longuement été question des différents financements engagés dans la réalisation des forages et la question du traitement des eaux usées dont le rejet dans le lagon a des conséquences lourdes sur l’écosystème marin.

Journaliste politique & économique

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