« Il faut complètement changer de logique pour faire bouger les choses »

Henri Nouri, secrétaire général académique du syndicat national des enseignements de second degré (Snes) de Mayotte, fait le point sur les difficultés rencontrées au quotidien par les enseignants des collèges et des lycées mahorais. Quelques semaines après la rentrée des classes, le portrait dressé par le syndicaliste grâce à une enquête de terrain met en lumière des problèmes présents depuis des années sans l’ombre d’une solution.

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Henri Nouri est le secrétaire général académique du syndicat national des enseignements de second degré (Snes) de Mayotte.

Flash Infos : Quel est le bilan de la rentrée 2024 dans le second degré à Mayotte ? 

Henri Nouri : Pour faire un bilan, il faut déjà connaître précisément la situation de l’enseignement. D’abord, les conditions d’études sont alarmantes. J’ai réalisé une étude de terrain dans une vingtaine de collèges et de lycées de l’île. En moyenne, il y a huit postes non occupés par établissement. D’une part, il n’y a pas un enseignant face à chaque élève. C’est une situation qui peut évoluer, mais trois semaines après la rentrée, c’est alarmant. Les disciplines les plus touchées sont les lettres modernes, l’histoire-géographie, les mathématiques, l’éco-gestion et l’anglais. D’autre part, malgré le fait que les établissements sont en zone d’éducation prioritaire, les collèges ont une moyenne de 26 élèves par classe. Les effectifs sont donc beaucoup trop élevés pour des élèves avec des besoins particuliers. Donc, il y a des sureffectifs qui s’ajoutent à des manques de salles de classe. S’ajoute la non-scolarisation d’une partie des jeunes. On crée des bombes à retardement.

F.I. : Ces problèmes sont connus depuis plusieurs années à Mayotte, comment le Snes et les autres syndicats tentent d’apporter des pistes de solutions ?

H.N. : Il n’y a pas de coup de baguette magique à donner, il faut complètement changer de logique pour faire bouger les choses. Il faudrait par exemple généraliser le système de REP+ aux lycées, qui n’est réservé qu’aux collèges pour l’instant. Cela aiderait à bénéficier de plus d’aides, car on le voit aujourd’hui que ce manque de classification pèse : il y a plus de professeurs titulaires en collège qu’en lycée.

Aussi, Mayotte n’attire pas suffisamment et l’île connaît une dégradation. Alors bien sûr, comme le rappelle le rectorat, les salaires sont plus élevés ici qu’en métropole. Mais la situation ici est bien plus compliquée que dans l’Hexagone. Cela fait des années qu’on pose la question de savoir si le taux d’indexation est conforme à la situation de Mayotte par rapport au coût de la vie, de l’éloignement, de l’attractivité, de l’insécurité. Et non seulement on n’attire plus de titulaires, mais en plus on attire moins de contractuels. Il y a plus de 50% de contractuels dans le second degré, un record dans toute la France. Cependant, à Mayotte, c’est le seul département de métropole et d’Outre-mer confondus où ils ne peuvent pas cotiser à la complémentaire santé Ircantec. Donc une autre piste de solution partielle serait de rendre possible cette cotisation. Cela aiderait à calmer la rotation, qui est trop importante, car les professeurs ne restent pas. Je constate que les ruptures conventionnelles de contrat sont de plus en plus utilisées.

Mais surtout, il faudrait qu’on soit plus écoutés. Oui, cela fait des années que les problèmes de sureffectifs, de manque d’attractivité, d’insécurité s’enracinent, et malgré des propositions, rien n’est mis en place. Je ne dis pas que c’est simple : nous manquons de salles et le nombre d’élèves explose. Si on ne parvient pas à construire, c’est aussi parce qu’il faut sécuriser les nouvelles salles de classe… Nous comprenons bien qu’il n’y pas de solution immédiate. Mais toutes les propositions pour améliorer la situation, n’ont pas été écoutées et sont d’autant plus vraies aujourd’hui.

F.I. : Ce dialogue est-il plus difficile depuis les dernières législatives ?

H.N. : On ne sait pas comment ou combien de temps le gouvernement de Michel Barnier va tenir. Et puis, au niveau de l’Éducation nationale, il n’y a pour l’instant pas de ministre non plus donc on ne sait pas quand le dialogue sera renoué. On ne sait pas non plus par exemple ce qu’il va advenir de « la loi Mayotte ». Est-ce que le dossier sera repris ? Il y a tout un tas de paramètres qui nous sont impossibles à appréhender. On aimerait, en tant que fonctionnaire d’État, avoir un interlocuteur au niveau national, et qui comprenne bien la situation de Mayotte.

F.I. : Il n’y a pas eu de mouvement social depuis le début de la rentrée, mais une intersyndicale est prévue le 1er octobre. A quoi s’attendre ?

H.N. : Il n’y en a pas, eu mais évidemment cela ne veut pas dire que tout va bien. Naïvement, nous pensions que la rentrée s’était bien déroulée. Et puis l’incident à Tsararano (N.D.L.R. qui a eu lieu le jeudi 12 septembre) nous rappelle que tous les problèmes s’aggravent. Ce n’est qu’un exemple. Des gendarmes, des policiers armés qui sont appelés dans des cours d’écoles, c’est insupportable pour les élèves, les enseignants, les agents.

On est dans l’attente de voir ce qu’il va se passer au niveau du gouvernement.  L’intersyndicale est prévue pour le 1er octobre, date butoir à laquelle le budget (N.D.L.R. la loi des finances) doit être déposé. Le slogan sera « salaires, service public et abrogation de la loi retraite ».

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