Entretien avec Anchya Bamana : “Laissez-nous nos terres”

Anchya Bamana, députée de la deuxième circonscription de Mayotte, promet d’être combative à l’Assemblée nationale dès ce lundi à l’ouverture des débats sur la loi de reconstruction et refondation de Mayotte. Son principal cheval de bataille sera l’annulation de l’article sur l’expropriation des terres mahoraises. Elle espère ainsi, par ricochet, entraîner l’annulation d’autres dispositions prévues par le gouvernement Bayrou.

F.l. : Les débats sur la loi de refondation et reconstruction de Mayotte débutent ce lundi à l’Assemblée nationale, quels sont les points que vous comptez faire amender ?

Anchya Bamana : Je ne vais vous citer qu’un seul amendement. Je l’ai déjà dit à notre Président de groupe Madame Marine Le Pen, je lui ai clairement expliqué que Mayotte est à terre, l’île continue à manquer d’eau, les entreprises sont à terre, les familles n’ont pas eu d’aides pour refaire leurs toitures endommagées ou emporter par le cyclone Chido, bref nous vivons un chao généralisé sur le territoire, mais de grâce laissez-nous nos terres la seule richesse qui nous reste encore. Ne touchez pas à nos terres ! Le droit à l’expropriation existe, la DUP (Déclaration d’Utilité Publique) existe, c’est le droit commun, il n’est pas question d’obtenir une nouvelle dérogation de ce droit commun. Voilà ce que j’ai dit à Mme Le Pen et voilà ce que je dirai ce lundi à l’ouverture des débats à l’Assemblée nationale.

F.I. : En votre qualité de députée de Mayotte, comment expliquez-vous cette volonté du gouvernement à obtenir cette dérogation ?

A.B. : Je pense qu’ils veulent nous prendre nos terres pour construire des logements afin de faire face à l’immigration massive que nous subissons sur cette île. Nos terres constituent notre unique richesse, je le redis ici, et je le répèterai au sein de l’hémicycle à Paris, la posture du gouvernement dans cette affaire n’est rien d’autre que du mépris total à l’égard de la population mahoraise. Nous avons débattu de ce sujet lors de la loi d’urgence en janvier 2025, rappelez-vous l’article 10 de cette loi, aujourd’hui il nous remet la même chose en changeant seulement de numérotation. Pour nous cela n’est rien d’autre que du mépris de la part d’un gouvernement qui n’écoute pas les doléances des Mahorais.

F.I. : Un nouveau pavé a été jeté dans la marre de cette loi, le statut et la place des cadis dans la société locale. Quel est votre position sur ce sujet inattendu ?

A.B. : Pour moi, ce n’est rien d’autre qu’une manœuvre de diversion. Je suis convaincu qu’il existe des sujets de fond qui préoccupent nos compatriotes telle que la pénurie d’eau, les difficultés de reconstruction, les montagnes de déchets qui pourrissent nos vies avec l’épidémie de Chikungunya avec plus de 1000 cas aujourd’hui. Pour moi cette affaire des cadis est un débat inutile qui n’a pas lieu d’être.

F.I. : C’est ce que vous prévoyez de dire à vos collègues députés à l’Assemblée nationale ?

A.B. : Je vais amender, j’attendais d’abord l’issue de la réunion des élus départementaux. J’affirme ici haut et fort, avoir adressé un courrier au Président du Conseil départemental, Monsieur Ben Issa Ousséni, lui demandant de faire statuer l’assemblée départementale sur cette question du Conseil cadial, mais également sur le nouveau mode de scrutin des prochaines élections. Ce qui a été voté au Sénat diverge de ce qui est discuté en ce moment à l’Assemblée nationale, ce qui m’a conduit à m’adresser à Monsieur Ben Issa Ousséni, afin qu’il nous saisisse nous les 4 parlementaires Mahorais et nous dise clairement ce que souhaite le département de Mayotte sur ces deux sujets.

F.I. : Avez-vous un avis particulier sur la forme que pourrait prendre ce nouveau mode de scrutin ? L’idéal ce serait quoi ?

A.B. : Personnellement, je suis favorable à ce qui a été approuvé par le Sénat et je vais demander aux députés de notre groupe de voter en faveur des 13 sections qui permettent une représentation de toutes les communes en se callant sur le schéma des cantons.

F.I. : Quelle est votre opinion au sujet du débat qui a cours depuis peu sur le port de Longoni, après celui de la piste longue à Bouyouni ?

A.B. : L’aéroport est un débat qui date depuis plus de 30 ans. J’aurai un mot là-dessus dans quelques heures lors de ma prise de parole si le sujet s’invite dans les débats. Je me bats pour la suppression complète de l’article 19 et si c’est le cas, les deux autres sous-amendements, 19.10 et 19.13, qui parlent de cet aéroport à Bouyouni tombent.

F.I. : L’État souhaite mettre la main sur le port de Longoni, comment expliquez-vous cette démarche qui n’exclut pas une grande désorganisation de l’économie fragile du territoire et un manque à gagner certain pour le département ?

A.B. : Pour ma part je constate une démarche très cavalière que mène le gouvernement sur plusieurs sujets à Mayotte. Les Mahorais ne veulent pas d’expropriation mais il nous l’impose, en me fiant aux délibérations du département qui sont des décisions officielles des élus, lesquels ont voté pour le maintien de l’aéroport à Pamandzi et le gouvernement décide de faire autre chose, en refusant d’entendre le choix de la population. Oui, le gouvernement a introduit un amendement sur la transformation de ce port en port d’État. Moi, j’ai dis clairement devant la Commission des Lois de l’Assemblée nationale, que j’attendais la décision du département qui est gestionnaire de ce port et qui a son mot à dire là-dessus. Je sais qu’il y a un audit qui est lancé en partenariat avec le ministère des Outre-mer. C’est ce qui résulte des dernières discussions que j’ai eu avec le Président du département, donc je me suis gardé de voter cet amendement à la Commission des Lois. Je considère que l’avis du département sur ce dossier est essentiel. Cela fait aussi partie des points développés dans ma saisine de Monsieur Ben Issa Ousséni dans le but d’éclairer ce soir les discussions à l’Assemblée nationale.

F.I. : Procéder de la sorte convient pour le gouvernement de priver totalement le Département de Mayotte d’une source conséquente de revenus ?

A.B. : Je partage votre questionnement. Nous avons interrogé en ce sens Monsieur Vigier qui a porté l’amendement du gouvernement sur ce sujet. Et c’est pour cette même raison que je n’ai pas voté cet amendement. Je le répète, l’avis des conseillers départementaux est essentiel car cet outil leur appartient.

 

Un amendement discuté pour étendre les pouvoirs du préfet

Dans la loi de programmation pour la refondation de Mayotte, un amendement a été déposé pour étendre les pouvoirs du préfet notamment dans les domaines de l’éducation et de l’armée. Au lendemain de Chido, les pouvoirs du représentant de l’Etat avaient été élargis en vertu de l’article 27 de la loi d’orientation de programmation du ministère de l’Intérieur, pour gérer la crise post-cyclone. Ils lui donnaient plus de latitude dans les champs liés à l’éducation et à l’armée justement. Cela avait duré jusqu’au Ramadan. Si l’amendement est adopté, ces pouvoirs pourraient se pérenniser. L’amendement a été adopté lors du vote du texte au Sénat.

Lisa Morisseau

 

Le Medef Mayotte inquiet de la suppression du CICE dans la loi

Alors que la loi de refondation est examinée aujourd’hui, le Medef Mayotte alerte sur “la situation économique post Chido qualifiée, notamment par l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM) “d’inédite« , un indice du climat des affaires en déclin, le ralentissement de la consommation, la baisse de l’activité économique, un risque inflationniste, une chute des importations, un taux de chômage à 40%, une hausse des crédits d’exploitation, le prolongement des aides exceptionnelles toujours en attente bien qu’annoncé par le ministre des Outre-Mer”.
En matière de convergence économique et sociale, le Medef déplore le rejet des amendements “pour accompagner la convergence sociale par le renforcement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Une compensation dont seule Mayotte bénéficie et dont l’intérêt augmente à mesure que les entreprises se développent et gagnent en masse salariale.” A la place, les membres de la commission de lois ont opté pour la mise en place, et ce, par ordonnance, dans un délai de 6 mois, du dispositif de défiscalisation Outre-Mer LODEOM et la suppression dans le même délai du CICE. L’organisation alerte “les parlementaires sur l’impossibilité technique d’appliquer une LODEOM à Mayotte dans un délai de 6 mois. D’une part, le régime de la LODEOM est multiple et doit s’adapter aux singularités et aux secteurs prioritaires de chaque territoire. Le régime n’est donc pas à étendre, mais bien à bâtir. D’autre part, le mécanisme général des dispositifs LODEOM est lui-même conditionné à un certain nombre d’évolutions en discussion, notamment celles liées à la réforme à venir des allègements généraux. Au regard de ces éléments, la suppression actée du CICE dans ce même délai de 6 mois est prématurée et incompréhensible pour les acteurs économiques du territoire.

Journaliste politique & économique

Journaliste à Mayotte Hebdo et à Flash Infos Mayotte depuis juin 2024. Société, éducation et politique sont mes sujets de prédilection. Le reste du temps, j’explore la magnifique nature de Mayotte.

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