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Graffiti : une histoire mahoraise

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C’est une histoire belle, récente, et loin d’être terminée : Celle du graffiti dans l’île aux parfums. Bien qu’encore réservée à une poignée d’individus, leurs réalisations sont parmi les plus visibles sur le territoire. Un travail généralement apprécié par la population comme par les pouvoirs publics qui sollicitent de plus en plus ces artistes. Une belle histoire donc, qui conserve néanmoins son caractère subversif, et son lot de polémiques.  

« Voilà ! là il a une bonne tête mon maki ». Sur le terrain de boules proche du stade de Cavani, un artiste au look remarquable fait cracher ses bombes de peinture. Dreads interminables, pendentif africain et tee-shirt aux couleurs de la Jamaïque, le graffeur s’attelle à sa mission du jour : Dessiner un maki jouant à la pétanque. Pourquoi cet animal ? « C’est en quelque sorte ma signature », introduit-il. « Le maki est un emblème de Mayotte. Tout le monde peut se reconnaître dans cet animal, que vous soyez noir, m’zungu ou autre ». 

Cet artiste, c’est Papajan. Personnage bien connu des Mahorais, notamment dans le quartier de Cavani où il s’exerce régulièrement. Malgré son statut officieux d’ambassadeur du graffiti mahorais, l’homme de 45 ans, qui en parait vingt de moins, préfère se définir comme « un artiste », plutôt qu’un « graffeur ». « J’ai toujours aimé la peinture. Avant même de m’intéresser au graffiti en tant que tel, je peignais déjà sur les toiles et sur les murs », rembobine-t-il sourire aux lèvres. A fin des années 2000 l’homme découvre le graffiti grâce à une association incontournable dans le milieu du Street-Art mahorais : Hip-Hop évolution

Bien que concentré sur la danse, l’association accorde également une grande importance au graffiti qui demeure l’une des disciplines les populaires du hip-hop. « Lorsqu’Hip-hop évolution a commencé à organiser des battle de break danse à Mayotte, j’ai pu rencontrer des graffeurs étrangers et m’intéresser à cette discipline. En ramenant des bombes et des artistes, ils ont introduit des pratiques qui n’ont depuis jamais quitté le territoire », se souvient Papajan. Parmi ses rencontres : le graffeur Dezer dont les œuvres sont particulièrement visibles sur l’île. « A Mayotte il y a beaucoup de murs et palissades dégueullasses, donc beaucoup de choses à embellir. Les gens aiment la couleur. Tu peins un mur puis les gens te demandent de peindre le leur. C’est assez facile », apprécie l’artiste.  Un constat qui fait échos à une veille pratique mahoraise : l’embellissement des bangas avec le maximum de couleurs pour attirer le regard.

 

Mes galères de graffeurs dans l’océan indien 

En dépit de l’engouement provoqué par les interventions d’Hip-hop évolution, difficile pour le graffiti de pénétrer les habitudes des Mahorais. En cause notamment : la difficulté pour se fournir en bombes. « Pendant longtemps, on importait des bombes comme on importe du cannabis : en les cachant du mieux possible dans le fond sa valise. Ces dernières étant sous pression, il est en effet illégal de les faire transiter par avion sans déclaration ». Une galère bien connue d’un autre monument du graffiti dans l’océan indien ayant officié à Mayotte: Jace, l’artistes aux petits personnages sans visages appelés « gouzous ». « A la Réunion dont je suis originaire, nous avons longtemps fait office d’apprentis sorcier question peinture. On se débrouillait du mieux possible en bricolant des bombes et des couleurs avant que des magasin spécialisés fassent leur apparition », explique-t-il. Aujourd’hui, Papajan a réussi a décrocher une subvention lui permettant de commander des bombes en masse. Sa dernière folie ? « J’ai commandé une palette entière de bombe pour 2000 euros auxquels s’ajoutent 2000 euros de frais d’importation. Cela me permet de ne jamais être en galère tout en revendant ces bombes à d’autres artistes ».

Malgré cette difficulté, l’histoire du graffiti à Mayotte continue de s’écrire, notamment grâce aux commandes initiées par les pouvoirs publics. L’une des plus emblématiques : la peinture d’une fresque à la prison de Majicavo par Jace en 2014. « C’est quelque chose de fort de se dire que son œuvre va être vue tous les jours par ces hommes, parfois pour le reste de leur vie », explique l’artiste. Pour autant, cette volonté des institutions de récupérer un art populaire via des projets rémunérés n’est pas du goût de tout le monde. « C’est toujours difficile pour artiste que d’être dicté dans son travail par une institution. Mais en l’absence du statut d’intermittent du spectacle à Mayotte, les graffeurs n’ont pas d’autres choix pour vivre de leur passion », analyse Sophie Huvet administratrice bénévole à Hip-hop évolution.

Quand la jeunesse prend le relai 

A des kilomètres de cette vision du graffiti se trouve son visage le plus subservif : « le vandal ». Une pratique employée généralement par la jeunesse pour marquer son influence dans le quartier sans aspect esthétique. « Le graffiti est bien souvent utilisé par des petites bandes pour revendiquer des territoires », analyse Thierry Lizola porte parole du syndicat Alliance Police à Mayotte. 

Mais fort du travail de sensibilisation mené par ce qu’il est désormais convenu d’appeler « les anciens du graffiti », la jeunesse s’approprie également le graffiti dans d’autres aspects moins polémiques. En témoigne le travail mené par  le lycéen Ahmed Issouf  Naïsse 19 ans. Financé par Hip-hop évolution, le jeune garçon mène chaque semaine des actions pour embellir les rues de son quartier de Mandzarisoa avec d’autres jeunes. « A force d’accompagner Dezer sur le terrain j’ai commencé à me passionner pour le graffiti, et Hip-hop évolution m’a aidé à monter ce projet. Dezer c’est mon modèle, Sophie : presque une seconde mère », explique celui qui rêve de devenir pompier. Pompier le jour et graffeur la nuit ? « Pourquoi pas… Mais il faudra que je fasse attention à ne pas me faire choper ». 

 

Séismes | Des « scientifiques spécialistes en sismologie » à Mayotte

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Alors que l’essaim de séismes se poursuit sur l’île aux parfums, Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l’Intérieur, a annoncé mardi soir le « déploiement prochain d’une mission d’expertise interservices composée notamment de la sécurité civile et de scientifiques spécialistes en sismologie ».

L’activité sismique se poursuit dans le 101ème département. Mayotte a encore tremblé mercredi matin, avec notamment deux secousses très rapprochées, à 8h53 et 8h54. Le plus fort des deux tremblements était d’une magnitude estimée à 5,3 voire 5,4 par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). D’autres séismes ont suivi, conduisant entre autres à l’évacuation une dizaine de minutes du tribunal de grande instance de Mamoudzou.

Ces nouvelles secousses interviennent au lendemain de plusieurs annonces, par la ministre auprès du ministre de l’Intérieur. Interrogée à la Chambre haute par le sénateur mahorais Thani Mohamed Soilihi, Jacqueline Gourault a annoncé que « des échanges sont en cours au niveau interministériel pour préparer le déploiement prochain d’une mission d’expertise interservices composée notamment de la sécurité civile et de scientifiques spécialistes en sismologie ».

Par ailleurs, bien que peu probable, l’État se prépare à une forte secousse, conduisant à des dégâts d’ampleur. « Notre état-major de zone et de protection civile de l’océan Indien a dépêché au cours de ces derniers jours une mission de reconnaissance pour anticiper une éventuelle projection de renforts et préparer le plan d’intervention », a précisé la ministre.

« Il est à prévoir que cette activité perdure sans à ce stade pouvoir en donner une durée précise (…) Quelques dégâts matériels font tous l’objet d’expertises, notamment dans les écoles de Longoni et de M’gombani. L’État mobilise aussi l’ensemble de ses services pour y répondre », a ajouté Jacqueline Gourault.

Peu avant, le sénateur Thani Mohamed Soilihi avait souligné que « cette activité [sismique] (…) dont l’intensité et la durée demeurent incalculables terrorise légitimement la population. La propagation de rumeurs sur les réseaux sociaux alimente la panique générale entraînant ainsi la saturation des standards des lignes de secours. La population, peu informée sur la conduite à tenir en pareille situation, préfère passer la nuit dehors (…) Eu égard à la précarité de l’habitat, les dégâts commencent à se faire sentir (…) Les habitations privées sont (…) touchées. S’il appartient aux propriétaires de mandater un expert pour faire constater les dommages subis, peu de familles ont en réalité les moyens financiers de faire réaliser cette expertise et le cas échéant de se reloger », s’est désolé le parlementaire, qui a souhaité une mobilisation immédiate de « moyens exceptionnels pour mieux diagnostiquer le phénomène, accompagner les familles les plus modestes mais également pour que collectivement, État, Département et communes soient mieux préparés à faire face à une crise majeure ».

À noter que la préfecture a mis en place une adresse mail (seisme@mayotte.pref.gouv.fr) « afin d’apporter des réponses aux questions que se posent encore les habitants sur ce phénomène (…) Cette adresse ne se substitue pas à la nécessité des habitants de signaler aux mairies les dégâts constatés sur les bâtiments et dans les sols« , a indiqué la préfecture par voie de communiqué mardi soir.

 

 

Séismes | Des salles de classe fermées par précaution

« À titre de précaution », des salles de cours ont été fermées dans des établissements du premier et du second degré, en raison de dégâts causés par l’essaim de séismes. À M’tsamboro, par exemple, le maire a décidé de fermer huit salles de classe ce lundi.

« Il n’y a aucune raison que les parents n’envoient pas leurs enfants à l’école », rassure le directeur de cabinet du vice-rectorat, Didier Cauret. Alors que l’essaim de séismes a causé quelques dégâts dans les établissements scolaires, le responsable indique que trois à quatre salles de classe ont été fermées dans les établissements secondaires de Dembéni, Koungou et M’gombani. À Dzoumogné, un périmètre de sécurité a été établi autour de la cheminée d’une ancienne usine sucrière, mais aucune salle de classe n’a été fermée. À Dembéni, une salle polyvalente a été condamnée, en plus de trois salles de cours. C’est l’établissement le plus impacté par l’essaim de séismes. « Ils ont réorganisé les emplois du temps et utilisent des ateliers pour les salles devenues indisponibles », détaille le directeur de cabinet. Aucun cours n’a été supprimé dans les établissements du secondaire.

« À chaque doute, on fait venir l’un des deux cabinets d’expertise », poursuit-il. Près de la moitié des établissements du secondaire ont été passés au crible, en raison de l’essaim de séismes. Les experts peuvent passer à chaque nouvelle secousse d’ampleur sur certains sites.

Pas de cours dans des écoles

Côté écoles primaires, le vice-rectorat n’était pas lundi soir en possession de toutes les informations. À Bandrélé, trois salles de classe ont été fermées par le maire. À Ouangani, un bâtiment entier de l’école maternelle Barakani 2 a été fermé mais il ne comporte qu’une salle de classe. 

« Il se peut qu’on soit entré en rotation pour accueillir les élèves dans des écoles qui n’y étaient pas », imagine-t-il, en attendant d’avoir toutes les remontées de terrain. Il faut dire que, du côté des établissements primaires, « on est plutôt dans l’accompagnement. On a demandé à nos directeurs d’école et nos inspecteurs de signaler aux mairies d’éventuels dégâts. Ce sont les maires qui appellent la préfecture. »

Puis le directeur de cabinet de préciser que, lors des précédents séismes, deux ventilateurs sont tombés à Doujani et un néon à Passamaïnty dans des établissements scolaires.

À M’tsamboro, des fissures présentes sur les murs ont condamné huit salles de classe à fermer pour un temps, ce qui représente plus de 150 élèves mais « les cours ont bien lieu », assure le directeur général des services (DGS) de la mairie de la commune, Assadillah Abdourahamani. Pour pallier le manque de structures, l’école a mis en place un fonctionnement en rotation. « Certains ont cours le matin quand d’autres viennent à l’école l’après-midi. Nous attendons encore les conclusions du bureau d’étude, qui est en charge de vérifier la solidité des bâtiments, pour ouvrir à nouveau les salles aux élèves ». La mairie devra débourser entre 800 et 1 000 euros pour connaître la décision des experts. Les conclusions devraient arriver cette semaine, espère le DGS. La situation est semblable à Koungou puisque les deux écoles primaires de la commune ont également été fermées, ce lundi, par arrêté municipal.

Dimanche soir, la préfecture a indiqué par voie de communiqué que dans le premier degré, « certaines classes ou certaines écoles ont fait l’objet de fermeture temporaire à titre de précaution, notamment à Acoua, Bandrélé, Chiconi, Koungou, Mtsamboro, Mamoudzou, Ouangani ». 

D’autre part, la commune de Chiconi a pris les devants en lançant depuis plusieurs semaines un projet d’installation d’un sismomètre dans le collège. « Le projet est en cours de réalisation », indique Frédéric Tronel, le directeur régional du Bureau de recherches géologiques et minières. Le capteur permettra de mesurer les mouvements du sol. 

 

Décès d’une fillette

À Combani, dimanche, une enfant de 4 ans est décédée après être tombée dans les latrines, alors qu’elle était sous la surveillance de sa grande soeur. Suite à sa disparition, la famille a appelé la gendarmerie puis les pompiers. La dalle des latrines a été cassée au marteaupiqueur, ce qui a permis de retrouver le corps de la fillette.

Hommage | Le sénateur Adrien Giraud rejoint le « panthéon mahorais »

Les hommages se multiplient depuis le décès jeudi soir à l’âge de 81 ans de l’ancien sénateur de Mayotte Adrien Giraud. Il a su « se dresser, résister et mobiliser pour maintenir, avec succès, notre liberté collective », déclare notamment le député Mansour Kamardine.

L’ancien sénateur de Mayotte Adrien Giraud est décédé jeudi soir au centre hospitalier de Mayotte à l’âge de 81 ans. Membre du groupe Union centriste au Sénat, il était directeur de société hôtelière de profession. Il avait été secrétaire de la commission des Affaires sociales durant son mandat de sénateur. Il avait également présidé le MDM (Mouvement pour le développement de Mayotte). 

Depuis l’annonce de son décès, les hommages se multiplient dans le 101ème département. « Mayotte perd (…) un de ses enfants terribles qui, lorsque tout semblait compromis, a su, avec quelques autres, se dresser, résister et mobiliser pour maintenir, avec succès, notre liberté collective. Il fait partie du panthéon mahorais des défenseurs résolus de Mayotte française et de la départementalisation », déclare le député du parti Les Républicains Mansour Kamardine, par voie de communiqué. « Il aura montré le chemin aux nouvelles générations », souligne également le parlementaire sur son compte Twitter.

Un héros pour le maire d’Acoua

Ahmed Darouechi, le maire d’Acoua, « au nom de l’ensemble des élus et de toute la population de sa commune, présente ses condoléances les plus attristées à la famille du sénateur Adrien Giraud qui a, pendant douze années, exercé les fonctions de conseiller général d’Acoua. Le souvenir indélébile de ses services exceptionnels rendus au canton d’Acoua et à Mayotte toute entière restera à jamais gravé dans la mémoire de tous les Mahorais. Qu’il repose à jamais en paix avec tous les autres héros de notre département », rend hommage l’élu.

Le Conseil économique social et environnemental de Mayotte (Cesem) salue de son côté un « homme de dialogue, militant de la première heure pour l’accès de Mayotte au statut du Département au sein de la République française (…) Le Cesem tient à saluer sa mémoire et sa disponibilité pour le combat de Mayotte Département et en faveur du développement du territoire. »

« C’est avec beaucoup de regret que la ville de Mamoudzou a appris le décès de Monsieur Adrien Giraud, un grand Homme, qui a œuvré pour le combat de +Mayotte Française+ », met de son côté en exergue le maire de Mamoudzou, Mohamed Majani.

« Mayotte perd un grand homme qui unissait la capacité d’action et de réalisation. Adrien Giraud s’est engagé durant toute sa vie pour l’amélioration des conditions de vie des Mahoraises et des Mahorais », salue le président du Conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani. « Par son courage et par sa détermination, il était un ardent défenseur de la départementalisation et de l’ancrage de Mayotte dans la République. » Le Département a mis en place des rotations gratuites de la barge pour les piétons, dimanche, afin que les Mahorais puissent participer aux cérémonies funéraires, qui ont eu lieu à l’église Saint-Michel de Dzaoudzi.

 

Immigration clandestine | Un sous-préfet d’un nouveau type

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Le nouveau sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, Julien Kerdoncuf, a présenté hier à la presse ses missions. Il a également répondu aux questions relatives à la suspension des reconduites à la frontière et à la fermeture partielle du bureau des étrangers. 

 

Julien Kerdoncuf est unique en son genre. Il occupe en effet le seul poste en France de sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, spécialement créé pour Mayotte, une promesse de la ministre des Outre-mer Annick Girardin. Arrivé sur le territoire il y a une dizaine de jours, le jeune énarque, ancien directeur de cabinet du préfet de l’Ain et ayant travaillé à l’étranger, a rencontré la presse mahoraise pour exposer ses missions.

« Je suis ici pour muscler le dispositif de lutte contre l’immigration clandestine », a-t-il déclaré lors de ses propos liminaires. Le sous-préfet a ensuite détaillé ses trois missions principales : la coordination des différents acteurs de la lutte contre l’immigration clandestine afin « d’avoir une vision globale », a complété le préfet également présent lors de ces échanges ; le renforcement du travail partenarial avec les élus et la société civile et notamment en termes de partage d’informations ; et un « travail en profondeur » consistant à opérer sur l’ensemble des problématiques liées à l’immigration clandestine (habitat illégal, marchands de sommeil, reconnaissances frauduleuses de paternité, etc.) « Il ne s’agit pas que de s’occuper des reconduites à la frontière, mais il faut agir sur tout l’écosystème », a expliqué Julien Kerdoncuf qui a affirmé vouloir « trouver une solution durable » et des « réponses concrètes ». 

Dans cet objectif, un état-major « élargi » – déclinaison pour la lutte contre l’immigration clandestine du traditionnel état-major de sécurité – se tiendra à la fin de cette semaine et réunira, outre les acteurs classiques et entre autres, la Dieccte pour les aspects liés au travail illégal, la Direction des finances publiques mais aussi l’Agence régionale de santé pour les questions sanitaires et l’établissement de statistiques. En outre, d’ici l’été, un groupe d’enquête sur l’immigration clandestine sera créé, pour mener des « enquêtes sensibles et d’envergure », a indiqué le préfet, Dominique Sorain, pour remplacer l’ancien GIR (Groupe d’intervention régional). Pour les autres annonces, Julien Kerdoncuf a préféré laisser planer une forme de « suspense », selon ses propres termes. 

Pas d’enveloppe spécialement allouée à l’ensemble de ces missions, si ce n’est ce qui a d’ores et déjà été détaillé dans le plan présenté par la ministre des Outre-mer le 15 mai dernier, à savoir, entre autres, l’arrivée d’un troisième escadron qui pourra être affecté à des missions de lutte contre l’immigration clandestine, des renforts d’effectifs du côté de la police aux frontières et l’arrivée en septembre de deux intercepteurs neufs mais qui ne gonfleront pas la flotte, qui seront « en substitution pour maintenir le niveau opérationnel de l’unité » composée de sept navires, a précisé le préfet.

« Le travail continue »

Interrogé sur les actions de lutte contre l’immigration clandestine alors que l’Union des Comores refuse de réadmettre ses ressortissants expulsés depuis deux mois, Julien Kerdoncuf a confirmé « que les éloignements étaient suspendus » mais a réaffirmé que « le travail continue ». Ainsi, 6 000 obligations de quitter le territoire français (l’OQTF est une décision préfectorale obligeant l’étranger en situation irrégulière à quitter le territoire par ses propres moyens dans un certain délai) ont été délivrées depuis le début de l’année. « Le jour où on recroise [l’individu ayant fait l’objet d’une OQTF], le document administratif a déjà été rédigé, on gagne du temps », a assuré Julien Kerdoncuf. En attendant, des individus retenus au centre de rétention administrative (CRA) ont été relâchés, ayant atteint le délai maximal de rétention prévu par la loi, a admis le préfet. 

Cependant, depuis le début de l’année, 4 800 personnes ont été éloignées même si le chiffre global annuel en 2018 devrait être « en retrait » par rapport aux années précédentes en raison de la crise diplomatique. « C’est mathématique », a déclaré Julien Kerdoncuf. Dès qu’une issue est trouvée au conflit diplomatique, « on reprend le travail. En attendant, on s’y prépare (…) On est dans les starting-blocks », a assuré le sous-préfet. « Par définition, le travail diplomatique ne peut pas vraiment être médiatisé (…) Il se fait en coulisses » mais ce travail se poursuit, a-t-il promis.

Le mystère du bureau des étrangers

Julien Kerdoncuf rencontrera les élus « pour préciser leurs attentes » la semaine prochaine et devrait également échanger avec le Collectif et l’intersyndicale à l’origine du mouvement de lutte contre l’insécurité. S’il admet « comprendre l’exaspération des Mahorais », il les incitera à ne « pas agir en dehors de tout cadre juridique » et à se rapprocher de leur mairie, de la police et de la gendarmerie. « Mais tout ne sera pas possible », a-t-il encore averti, notamment lorsque les personnes incriminées par des villageois sont en situation régulière : « On ne pourra pas intervenir » dans ces cas-là, a-t-il déclaré. 

Enfin, sur la question de la fermeture partielle du service des migrations et de l’intégration de la préfecture, Julien Kerdoncuf est resté très évasif : « Le bureau des étrangers n’est ouvert que sur rendez-vous pour les renouvellements et aucune première demande n’est reçue aujourd’hui », sans préciser les raisons de cet état de fait et renvoyant au secrétaire général de la préfecture Éric de Wispelaere pour toute autre précision.

 

 

 

 

À l’assaut des reconnaissances frauduleuses de paternité

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Venu pour présenter le nouveau dispositif destiné à lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité, le procureur de la République a hier longuement rencontré les membres du Codim au sein des locaux de la mairie de Kani-Kéli.

Il s’était à l’origine déplacé jusque dans le sud, à la mairie de Kani-Kéli, pour présenter le nouveau dispositif destiné à lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité. Le procureur de la République, Camille Miansoni, a tout d’abord visité les locaux des services d’état civil en présence du maire de la commune puis a symboliquement participé à l’accrochage d’une affiche de sensibilisation trilingue (en français, shimaoré et arabe) en présence du directeur adjoint de la police aux frontières de Mayotte. Cette affiche devrait bientôt être visible « dans toutes les mairies, toutes les maternités et les grands services qui accueillent du public », a promis Camille Miansoni. 

Une opération de sensibilisation nécessaire puisqu’une loi de 2011 condamne désormais la reconnaissance d’un enfant « aux seules fins d’obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou aux seules fins d’acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française ». Le contrevenant risque 5 ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende et davantage, s’il est prouvé que l’infraction est commise en bande organisée (10 ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende). « Ce que je suis venu dire, c’est que c’est fini », a martelé le procureur qui a ajouté : « Personne ne pourra plus dire : je ne savais pas que c’était sanctionné ».

Le nouveau dispositif initié par le parquet et la police aux frontières consiste en la mise en place d’un schéma de signalement des fraudes soupçonnées efficient, des mairies et des maternités jusqu’au ministère public, avec des formations, notamment d’officiers d’état civil. Depuis le début de l’opération (en fin d’année dernière), ce sont 11 procédures qui ont été enregistrées, selon le procureur de la République. L’une d’entre elles a d’ailleurs fait l’objet d’une garde à vue hier et implique un couple dont la femme serait intermédiaire et aurait permis de reconnaître 5 enfants. « Il y a des réseaux, des organisations avec une dimension financière », a encore alerté Camille Miansoni.

Rencontre inopinée

Invité à prendre part à des échanges informels avec une partie de la population s’étant déplacée spécialement pour le rencontrer, le procureur de la République a longuement discuté hier avec une quinzaine de membres du Codim (Comité de défense des intérêts de Mayotte, groupe ayant notamment participé aux opérations de décasages de 2016, NDLR), s’étant également présentés comme des « délinquants du carrefour N’gwézi » (un des barrages du Sud les plus farouchement tenus durant le mouvement social, NDLR). Un chouïa désarçonné au début, le procureur de la République a réfuté le qualificatif de « délinquants » face aux ex-barragistes, en appelant à leurs responsabilités de citoyens et de pères et de mères de famille. 

Alors que les échanges, courtois, ont tourné autour de l’immigration clandestine et de ses corollaires (habitats et emplois illégaux, etc.), Camille Miansoni a condamné ceux qui cherchent à se faire justice eux-mêmes. « On ne supprime pas de la délinquance en faisant de la délinquance », a-t-il déclaré, conviant les habitants en colère à se rapprocher de la gendarmerie en cas d’incident. « Je ne suis ni contre les gendarmes, ni contre vous », a insisté une habitante remontée : cette dernière se serait fait agresser, aurait porté plainte auprès de la gendarmerie mais cette plainte serait restée sans effets, selon elle. Après avoir promis de se pencher sur ce cas particulier, le procureur a demandé à ce que les Mahorais « aient confiance dans les institutions ». « On a besoin de vous », a-t-il assuré, interrogeant à la ronde : « Il y a eu un meurtre à Sohoa, pourtant, on n’a pas de témoignages, c’est bizarre, non ? ». Silence dans la salle, d’abord. « On a fait des listes de gens qui hébergent des clandestins (…) et rien n’a été fait », a ensuite rétorqué un membre du Codim.

Le procureur a également dû répondre aux remarques sur l’habitat illégal, expliquant que lorsque les personnes sont en situation régulière sur le territoire, il peut être long de reloger ces familles, souvent avec enfants, et qu’il fallait rester confiant dans le travail de l’État.

Enfin, les mots « guerre civile » ont largement été employés au cours des échanges : « Nos aînés se sont battus (…) Tant que les Mahorais n’auront pas ce qu’ils veulent, on continuera à marcher », quitte à ce qu’il y ait des morts et que les Mahorais fassent des « sacrifices », affirme un membre du Codim ayant activement participé au mouvement de lutte contre l’insécurité. « La guerre civile, (…) personne n’en sort gagnant », a averti Camille Miansoni. « Il faut tout faire pour éviter cette extrémité ».

 

 

Séismes | Plus de 700 secousses

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« L’enjeu, c’est d’acculturer la population à ce risque »

Une sensibilisation aux consignes de sécurité lors de séismes a été organisée lundi matin à Bandrélé, au douzième jour d’une série de tremblements de terre à Mayotte, en présence du directeur de cabinet du préfet. L’État se prépare à une éventuelle magnitude supérieure à celles observées mais se veut rassurant, alors qu’une partie de la population dort toujours à la belle étoile.

« À 6 [de magnitude], on aurait effectivement plus de dégâts », reconnaît Étienne Guillet, directeur de cabinet du préfet lors d’une discussion à bâtons rompus avec des habitants. Il a participé lundi matin à Bandrélé à la demi-journée de sensibilisation auprès de la population sur les consignes de sécurité à adopter en cas de catastrophe naturelle et notamment de tremblement de terre. Elle était pilotée par la Croix-Rouge au douzième jour de l’essaim de séismes qui frappe Mayotte et alors que la nuit de lundi à mardi a été marquée par trois séismes rapprochés (entre 3h47 et 4h05 dont le plus fort de 5,5 de magnitude), ressentis par une grande partie de la population.

Un dispositif d’urgence

« On se prépare » à un éventuel tremblement de terre de magnitude supérieure à celles enregistrées, évoque Étienne Guillet. Tentes et médicaments sont prêts à être envoyés depuis Paris et La Réunion, en cas de catastrophe. Des personnels de secours seraient également mobilisés. « Pour le moment, on n’appuie pas sur le bouton. On n’a pas de raison de le faire », rassure le directeur de cabinet du préfet.

« On est dans un phénomène d’essaim de séismes avec des magnitudes limitées à 5,8 (…) Je ne dis pas que c’est la plus haute qu’on aura [mais] ce n’est pas prévu qu’on aille au-dessus. Ça ne fait que 30 ans qu’on étudie le système [sismique] à Mayotte (…) On est dans des microphénomènes à l’échelle géologique », indique le sous-préfet. « Il y a eu plus de 700 secousses en 10 jours, avec une majorité en dessous de 3 [de magnitude], non ressentie par la population ». Le phénomène est « lié a priori au rift est africain » et à « un glissement de plaques. Il n’y a pas de subduction donc pas de risque de tsunami (…) C’est potentiellement une plaque qui se scinderait », détaille-t-il.

Des propos qui ne rassurent pas tous les habitants de Bandrélé, parfois radicaux dans leurs mesures de protection. « Avec ma mère et les voisines, on dort carrément dehors depuis une semaine », livre Sara, 25 ans, malgré les propos rassurants des autorités. « Ça me perturbe. On n’a pas l’habitude. » À la suite du séisme conséquent de mardi dernier (5,8 de magnitude), de nombreux habitants avaient déjà dormi à la belle étoile.

« Tous les jours, il y a un gros coup de flippe », déplore Isabelle Carcy, une autre habitante de Bandrélé. « Toutes les nuits, on est réveillés. Ce qui est inquiétant, c’est la fréquence des séismes », poursuit-elle, sifflet à la main, offert lors de l’initiation. « L’enjeu, c’est d’acculturer la population à ce risque », fait savoir Étienne Guillet. Le vice-rectorat a organisé des interventions dans tous les établissements scolaires pour rappeler les bons gestes en cas de séisme (voir notre brève, NDLR). L’intervention menée par la Croix-Rouge est appelée à s’étendre à d’autres communes.

Un « catakit » présenté

Lundi matin, 18 membres de l’organisme ont été mobilisés à Bandrélé. Une plaquette a été préparée de concert avec la préfecture, détaillant les gestes à adopter avant, pendant et à l’issue d’un tremblement de terre. Elle a été adaptée au phénomène singulier de l’essaim de séismes, pouvant durer quelques jours ou davantage. Le « catakit », un kit à prévoir en vue d’une catastrophe, a aussi été détaillé à la population par la Croix-Rouge (couverture de survie, trousse de secours, lampe, etc.). 

« Il y a des équipes de formateurs avec du matériel en mairie qui apprennent certains gestes essentiels : lors d’un arrêt cardiaque, pour faire des dégagements d’urgence, etc. », livre Houlam Haladi, chef d’intervention secourisme et responsable territorial du soutien psychologique à la Croix-Rouge. En parallèle, deux autres équipes ont sillonné les rues de Bandrélé pour aller directement à la rencontre des habitants, en compagnie d’Étienne Guillet.

« On a la peur dans le ventre qui s’est installée », livre dans ce contexte Murielle Lignon, professeur au collège de Dembéni. Ce dernier, qui a un problème de malfaçon initiale et dont les structures avaient été consolidées, a fait l’objet de plusieurs diagnostics depuis le début de l’essaim de séismes. « Pour l’instant, les fissures n’ont pas bougé », précise Étienne Guillet. Au sein du même établissement, « les enfants sont terrifiés. Des élèves se mettent sous les tables au moment des tremblements », affirme un personnel du collège.

Quelques fissures ont été observées sur des bâtiments depuis le début de l’épisode sismique. L’un d’eux, aux Hauts-Vallons, a fait l’objet d’une expertise, déclare le directeur de cabinet du préfet. Il invite la population à faire remonter tout dégât en mairie et les propriétaires à faire un diagnostic des bâtiments fissurés. Deux entreprises le proposent à Mayotte. À Sada, une famille a été hébergée par la mairie, après que la gendarmerie a constaté des fissures dans l’habitation. « Il y a des maisons qui sont entre guillemets mal construites » malgré les normes sismiques en vigueur, affirme Étienne Guillet. Aucun dégât majeur n’a toutefois été constaté.

 

Risques naturels | Des explications sur les séismes qui touchent Mayotte

Docteur en géophysique, Jean Roger a notamment travaillé sur l’étude des risques de tsunamis à Mayotte. Il apporte son expertise sur le phénomène sismique qui touche actuellement l’île.

Flash Infos : L’expression « essaim de séismes » est largement répétée pour expliquer les nombreux tremblements de terre qui sévissent actuellement à Mayotte. Que veut réellement dire cette expression ?

Jean Roger : Un essaim de séismes, c’est simplement une succession de séismes survenant au même endroit. Il est impossible d’en déterminer la durée à l’avance.

F.I. : Concrètement, dans notre cas, que se passe-t-il ?

J.R. : Il existe, entre l’Afrique et Madagascar, ce qu’on appelle la ride de Davie. C’est un endroit où la matière qui constitue la plaque océanique est créée. Pour résumer grossièrement, la création de cette matière amène Madagascar et le continent africain à s’éloigner l’un de l’autre, ce qui entraîne un étirement de la plaque océanique. C’est cet étirement de la plaque qui est à l’origine des séismes ressentis actuellement. C’est comme si vous preniez de la pâte à modeler et que vous tiriez dessus : certains endroits vont se déchirer.

F.I. : Est-il possible de savoir combien de temps ce phénomène va durer ?

J.R. : Non, la sismicité ne peut pas être prédite. On connaît les différentes failles, les différentes plaques océaniques mais il est impossible d’anticiper les secousses sismiques. Pourtant, beaucoup de scientifiques tentent de déterminer des signes précurseurs, en étudiant par exemple l’alignement des planètes, mais rien n’a été établi.

F.I. : Pourquoi les secousses ne sont pas ressenties de la même façon par tout le monde ?

J.R. : Il y a certaines zones où les ondes résonnent davantage, notamment les zones marécageuses. Donc, selon si l’on habite sur une ancienne mangrove asséchée, au pied d’une montagne ou en hauteur, le séisme sera ressenti différemment. On appelle cela les effets de site.

F.I : Quels sont les risques concrets d’assister à Mayotte à un séisme suffisamment puissant pour faire d’importants dégâts ?

J.R : « Mayotte se situe en zone sismique modérée, il n’y a pas de grosse faille à proximité et historiquement ce n’est pas une région où les séismes sont fréquents. Il faut aussi noter que les dégâts causés par un séisme ne sont pas liés qu’à sa magnitude. Ce qu’on appelle les phénomènes induits par un séisme, comme les glissements de terrain ou les tsunamis, peuvent provoquer davantage de dégâts. »

F.I : Doit-on redouter un tsunami à Mayotte ?

J.R : « Non, il ne peut pas y avoir de tsunami généré localement. De plus, dans le monde, il n’a jamais été noté de tsunami provoqué par un séisme de magnitude inférieure à 6. »

F.I : Pensez-vous que la population mahoraise a suffisamment été informée des comportements à adopter lors d’un séisme ?

J.R : « Non, je déplore le peu de réactivité de la préfecture et des institutions étatiques pour communiquer auprès des habitants et leur expliquer les consignes de sécurité. Les gens se sont imaginés plein de choses ; on les a laissés paniquer et sortir de chez eux lors des différents tremblements de terre, alors que la consigne est de rester chez soi ! »

 

F.I : Même dans le cas de personnes vivant dans des habitations fragiles, inadaptées à un séisme ?

J.R : « Les maisons ne s’écroulent que rarement en vertical, mais tombent plutôt comme un château de cartes. Il y a plus de chances que quelque chose nous tombe dessus si l’on sort que si l’on reste à l’intérieur. »

 

Annonces ministérielles | Le Collectif réagit au plan pour Mayotte

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Les 53 mesures du plan pour Mayotte ont été dévoilées mardi après-midi par la ministre des Outre-mer, Annick Girardin. Au sein du collectif à l’origine du mouvement de lutte contre l’insécurité, entre ceux qui avaient opté pour la politique de la chaise vide et ceux qui avaient choisi de dialoguer malgré tout avec la ministre, les réactions différent.

« On ne peut pas construire dans la peur ! », Maoulida Momed, porte-parole du mouvement contre l’insécurité, reprend la phrase prononcée par la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, pour exprimer son mécontentement suite à l’annonce, ce mardi, des mesures du plan de rattrapage pour Mayotte. « Il y a des choses intéressantes […] mais on ne peut pas parler de développement sans la sécurité ! », affirme Maoulida Momed, qui juge les différentes mesures de renfort des forces de l’ordre insuffisantes. « Nous attendions plus de fermeté à la frontière », déclare-t-il, estimant que « les Mahorais sont laissés pour compte » et qu’il n’y a eu « aucune volonté d’entendre ce que nous avions à dire ».

Deux sons de cloche 

Autre discours chez les membres qui avaient participé, malgré la consigne du Collectif et de l’intersyndicale de ne pas dialoguer avec la ministre, à la réunion préalable à l’annonce des mesures, mardi matin, en compagnie d’Annick Girardin. Saïd Mouhoudhoiri en était ressorti « confiant ». Les détails du plan de rattrapage sont désormais connus, et il s’en dit relativement satisfait. Saïd Mouhoudhoiri se réjouit qu’enfin un « gouvernement décide de faire un diagnostic et, dans la foulée, propose des choses concrètes ». Dans le plan d’actions proposé, il note « des efforts, qui sont les bienvenus », même s’il déplore des mesures trop « timides » au sujet de l’insécurité, ainsi qu’un « manque de fermeté vis-à-vis des Comores ».

Concernant le statut de Mayotte et la question d’une éventuelle Communauté de l’archipel des Comores, Safina Soula Abdallah, également membre du Collectif, se dit « plus rassurée qu’il y a quelques semaines ». Au sujet de la lutte contre l’immigration clandestine, champ de revendications central du Collectif, elle considère l’arrivée du nouveau sous-préfet spécifiquement chargé de cette question, Julien Kerdoncuf, comme « une très bonne chose ». Elle appelle tout de même à la vigilance. « Tant que l’on n’a pas travaillé avec ce nouveau sous-préfet, on ne peut pas tirer de conclusions ».

L’heure est maintenant à la concertation. « Il faut que l’on se mette d’accord avant toute nouvelle action », assure Saïd Mouhoudhoiri, qui admet que des discussions « musclées » ont eu lieu au sein du Collectif. Avec une partie « apaisée » par les annonces de la ministre (« Hors de question de reprendre les barrages », affirme Safina Soula Abdallah), et une autre qui a l’impression de ne pas avoir été écoutée, le Collectif continuera-t-il à faire front commun ? « On s’est fixés jusqu’à samedi pour analyser en profondeur les mesures et voir comment nous allons réagir », conclut Maoulida Momed.

 

Séismes | Le record de 1993 battu

Depuis plusieurs jours, de multiples séismes frappent l’île dont un hier soir particulièrement important, estimé à 5,7 voire 5,9 de magnitude.

Un séisme, relativement important, a frappé Mayotte mardi soir à 18h48. D’une magnitude estimée à 5,7 voire 5,9 selon différents observatoires, il a fait trembler l’île pendant de longues secondes. Il s’agit du plus fort tremblement de terre enregistré depuis jeudi et le début de l’épisode d’essaim de séismes. C’est même un record pour le 101ème département depuis que les tremblements de terre sont mesurés. Il avait au maximum subi jusqu’à présent un séisme de magnitude 5,2, le 1er décembre 1993.

La crainte a parfois gagné les réseaux sociaux, en marge de l’épisode sismique de mardi soir. « J’avais la trouille », dit une internaute. « Faites vos sacs de survie car nous ne connaissons pas la suite », s’alarme une autre. « Un volontaire pour aller à 10 km de Pamandzi pour nous prévenir de la prochaine secousse ? », s’amuse une Mahoraise. Preuve d’une forme de panique qui semble s’installer chez une partie de la population mahoraise : des habitants de Bandrélé ont dormi sur la place publique de la commune dans la nuit de lundi à mardi, affirme une consœur journaliste sur Twitter. 

Lundi soir, l’île avait été touchée par un autre tremblement de terre important, de magnitude 5,1. « L’activité sismique s’était poursuivie à raison de plusieurs séismes par heure durant la nuit [de lundi à mardi] », a indiqué la préfecture dans un communiqué mardi. Quatre secousses plus importantes que les autres ont été enregistrées : à 23h56, 00h02, 00h42 et 01h48 mais de magnitude inférieure à 4.0. Entre 02h00 et 08h30 aucune secousse significative n’a été enregistrée. L’activité sismique a repris à partir de 08h30, « mais là encore avec des magnitudes limitées », déclarait avant le séisme de mardi soir la préfecture. Aucun dégât ne nous avait été rapporté mardi soir, en lien avec ce dernier épisode sismique.

Depuis le début du phénomène d’essaim de séismes jeudi 10 mai, la journée du lundi 14 mai a été « la plus active avec une vingtaine de séismes de magnitude supérieure à 3.0 », soulignait également la préfecture. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) estime que l’activité sismique va durer encore plusieurs jours. Des secousses ressenties par la population sont encore possibles. 

Lors des propos liminaires de son discours mardi, avant le tremblement de terre de 18h48, la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, a cherché à rassurer : « Il [cet essaim de séismes] ne présente a priori pas de risque de dégâts sur terre ni de tsunami en mer et ne dépasserait pas jusqu’à présent le niveau 5 sur l’échelle du BRGM. Par précaution, j’ai demandé à la préfecture de produire une information journalière sur l’évolution du phénomène et d’anticiper tout risque prévisible pour la population. »

Plan pour Mayotte | 125 actions et 1,3 milliard d’euros pour l’île

La ministre des Outre-mer a annoncé mardi en Petite-Terre les détails du plan de rattrapage et de développement pour Mayotte. Infrastructures, santé, éducation : les mesures annoncées sont chiffrées à 1,3 milliard d’euros, hors ressources humaines, mais certains projets étaient déjà connus de longue date.

« Je veux que cette crise soit l’amorce d’un avenir meilleur pour Mayotte. C’est notre devoir, c’est notre responsabilité », a déclaré la ministre des Outre-mer, mardi après-midi, en Petite-Terre. Au troisième et dernier jour de son déplacement, Annick Girardin a révélé le contenu du plan de rattrapage et de développement pour Mayotte devant un parterre d’élus, de représentants de la justice, de la gendarmerie ou encore de la police. Elle a détaillé devant eux une partie des 53 engagements pris, regroupant près de 125 actions « pour améliorer la vie quotidienne à Mayotte ». Le plan a été chiffré par l’exécutif à 1,3 milliard d’euros. Il comporte des projets annoncés avant le mouvement social contre l’insécurité. Un comité de suivi, « avec toutes les parties prenantes » et animé par le préfet sera instauré ; tout comme un site internet baptisé « Transparence Mayotte » qui verra le jour d’ici la fin de l’année et qui sera « dédié au suivi des engagements ».

Côté insécurité et lutte contre l’immigration clandestine, au cœur de la « grève générale » de ces dernières semaines, seulement quelques nouveaux engagements ont été annoncés par rapport aux mesures décidées en mars. En l’espèce, la « création d’une compagnie départementale d’intervention de la police nationale » et « l’amélioration des observations radar pour lutter contre l’arrivée des kwassas ». En somme, pas de nouvelle annonce d’envergure concernant la lutte contre l’immigration irrégulière mais Annick Girardin promet de faire un « constat d’ici à la fin de l’année pour évaluer les moyens nouveaux nécessaires ». Aucun chiffrage n’a encore été réalisé sur les nouveaux moyens attribués pour la sécurité et la lutte contre l’immigration irrégulière.

La CMU en 2022

Sur le plan de la santé, les moyens dédiés à la prévention « seront augmentés de 50% cette année et doublés à hauteur de 15 millions d’euros à partir de l’année prochaine. Un effort de près de 200 millions d’euros sera consenti pour investir et moderniser l’hôpital », poursuit Annick Girardin, avec 20 millions d’euros dédiés dès cette année à des travaux urgents de modernisation du CHM. La couverture maladie universelle (CMU) sera mise en place dans le 101ème département en 2022. La ministre promet également « un vrai système de consultations programmées à l’hôpital » et d’exempter « totalement de ticket modérateur les personnes à faibles revenus ».

Le gouvernement prévoit également un plan de rattrapage des équipements sportifs à hauteur de quatre millions d’euros et l’extension et l’alignement durant le quinquennat d’une demi-douzaine de prestations sociales « dans le champ du handicap, de la parentalité, du logement, de la restauration scolaire (…) Je ne veux pas exclure non plus de durcir les conditions d’accès à ces prestations (…) afin d’éviter d’en faire des accélérateurs d’une immigration que nous cherchons à maîtriser. »

« Nous allons travailler sur la création, en loi de finances 2019, d’un fond de développement social » pour accompagner des « structures et services qui font cruellement défaut à Mayotte : (…) crèches, établissements pour personnes âgées, services à la personne, aides aux parents, offre culturelle et de loisirs aux enfants hors de l’école… », poursuit Annick Girardin.

500 millions pour l’éducation

En termes d’éducation et de formation, la ministre évoque « un effort important (…) indispensable en faveur des constructions scolaires. Sur le quinquennat, [il y aura] près de 500 millions d’euros d’investissements, soit environ le double que lors du quinquennat précédent (…) Plus de 500 recrutements seront opérés [dans l’Éducation nationale], dont 150 en plus de ce qu’impose la progression des effectifs ». 

L’habitat insalubre concerne par ailleurs « un tiers des Mahorais », selon Annick Girardin, alors que la « production de logements sociaux demeure très faible. Ce n’est pas acceptable » pour la ministre qui annonce un objectif de construction de « 400 logements en 2018 » qui sera revu à la hausse « chaque année du quinquennat ». Les crédits de la politique du logement social passeront cette année de 20 à 30 millions d’euros.

« Je n’occulte pas le sujet de l’allongement de la piste » de l’aéroport, déclare Annick Girardin, qui indique qu’une « mission sera conduite dès cet été [pour] compléter les quelques interrogations » qui se posent encore. Une autre mission sera menée concernant le développement du port de Longoni.

« Tout ne s’arrête pas avec ce plan »

Côté transports, « l’État a décidé de mobiliser plus de 110 millions d’euros au cours des quinze prochaines années [dont] près de 40 millions d’euros sur le quinquennat pour financer aux côtés des collectivités un ambitieux programme de transport », celui en commun compris. « L’effort financier de l’État pour l’entretien des routes (…) y compris les routes départementales » sera augmenté. Concernant les volets eau, assainissement et déchets, le gouvernement va débloquer « près de 150 millions d’euros au cours de la période 2018-2020 pour accompagner la programmation des investissements des collectivités. Cela permettra par exemple de créer cinq stations d’épuration au cours des trois prochaines années. »

Côté économie, « l’intégralité du CICE (…), qui sera supprimé à compter de 2019 (…), sera restituée [aux entreprises] sous la forme d’un mécanisme simple ». La ministre assure que le gouvernement ne reviendra « pas sur la départementalisation ». À noter également la mise en place d’une direction régionale de Pôle emploi en 2019.

« Tout ne s’arrête pas avec ce plan. L’avenir de Mayotte doit nous conduire à regarder au-delà même du quinquennat (…) Le plan proposé aujourd’hui n’est donc qu’une étape (…) nécessaire mais pas suffisante pour améliorer durablement la vie de nos concitoyens. Il manque aujourd’hui une vision à plus long terme », reconnaît, en guise de conclusion, la ministre.

Réactions des élus

Satisfaite « dans l’ensemble » des annonces de la ministre des Outre-mer, la députée Ramlati Ali (LREM) regrette que son cheval de bataille, la piste longue, n’ait pas fait l’objet d’annonces plus fortes. Beaucoup moins acquis à la cause de la ministre, Mansour Kamardine, député LR, regrette qu’Annick Girardin « [ait] repris pour l’essentiel des mesures annoncées par le Premier ministre (le 19 avril, en présence des élus de Mayotte, NDLR) » et a déclaré « être resté sur sa faim ». En outre, il demeure toujours sceptique quant aux dénégations du gouvernement concernant le projet de « Communauté de l’archipel » : « Je veux entendre que le projet est enterré », tempête-t-il. 

Le sénateur Thani Mohamed Soilihi est « satisfait à 75% » : « Ce n’est pas un mécontentement, c’est de la vigilance », précise-t-il, se demandant dans quelle mesure il sera possible de consommer les crédits alloués – notamment ceux concernant les créations de postes – sans mesures incitatives pour renforcer l’attractivité du territoire.

Enfin, le président du Conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani, juge les annonces « encourageantes » même si elles ne sont pas « complètes, comme l’a dit elle-même la ministre des Outre-mer ». Le président de la collectivité se réjouit particulièrement du « début de réponse en ce qui concerne les prestations sociales pour les personnes les plus fragiles », mais également des mesures concernant les infrastructures (entretien des routes départementales, soutien au transport collectif, etc.) et de l’accompagnement de l’État dans le projet (cher à Soibahadine Ibrahim Ramadani) de toilettage institutionnel.

 

Visite ministérielle | Le plan pour Mayotte dévoilé aujourd’hui

Depuis son arrivée dimanche, la ministre des Outre-mer ne cesse de ménager ses effets. Après deux jours de rencontres avec les acteurs locaux, elle devrait enfin annoncer aujourd’hui les mesures du plan de développement pour Mayotte, promis suite au dernier mouvement social.

Mayotte est suspendue aux lèvres de la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, qui devrait annoncer aujourd’hui l’ensemble des mesures du plan de développement pour l’île, promis suite au dernier mouvement social. Si la délégation interministérielle a travaillé en local pendant plusieurs semaines, la ministre est revenue sur le territoire depuis dimanche afin de « peaufiner » ces mesures en rencontrant une dernière fois les acteurs locaux et avant de faire des annonces aujourd’hui dans la journée.

En attendant, elle s’est rendue hier sur le hub de transport scolaire de Chirongui – où transitent plusieurs milliers d’élèves chaque jour – bénéficiant, comme l’ensemble des établissements du second degré de l’île, du dispositif de sécurisation qui a été renforcé depuis la dernière visite de la ministre des Outre-mer.

Ainsi, un travail multi-partenarial entre les services de l’État et des collectivités (Conseil départemental et communes) permet à de nombreux intervenants d’être présents sur site chaque jour afin de sécuriser les abords des établissements scolaires. Ce lundi matin, la ministre a rencontré les différentes équipes – les gendarmes et les réservistes, les équipes mobiles de sécurité (EMS) du vice-rectorat, les agents de médiation du Conseil départemental mis à disposition de Matis, etc. – et les a félicitées du travail accompli. Elle a également assisté à une fouille des sacs ainsi qu’à des contrôles d’identité des élèves montant dans les bus et a échangé avec ces derniers sur leurs attentes. Venue « un mois et demi après [sa] mise en place pour voir comment cela fonctionne », la ministre a déclaré que « la question de la sécurité à Mayotte est importante et elle est prise au sérieux par l’État ».

Une présence importante

Ce dispositif se veut dissuasif : « Quand un jeune veut en découdre avec d’autres, il va rencontrer sur son chemin des EMS, des médiateurs, des services civiques, des APS (agents de prévention et de sécurité, NDLR), des personnels d’établissement, etc. », explique le coordinateur des EMS et conseiller réserve de la gendarmerie. Une partie de ces équipes mobiles de sécurité a d’ailleurs été formée par la gendarmerie et est désormais habilitée à porter des matraques, seulement pour la défense. Le volet sensibilisation du dispositif est très important, avec des actions de prévention à destination des parents (notamment sur le contenu des sacs de leurs enfants) et des élèves. Une des forces de ce dispositif, insiste le vice-recteur, réside dans sa flexibilité : selon les informations récoltées par les forces de l’ordre et le vice-rectorat, le planning de déploiement est décidé au dernier moment et est ainsi peu prévisible. 

« Aucun incident grave » n’a été constaté sur ce hub depuis la mise en place du dispositif, se réjouit le proviseur des deux lycées de Chirongui (général et professionnel). Avant cette visite, la ministre s’est rendue sur le site des logements sociaux de Chirongui, les premiers en accession à la propriété à être collectifs. « On rentre dans les priorités qui vont être annoncées », a-t-elle déclaré de manière énigmatique

 

Visite ministérielle | Annick Girardin dément le projet de « Communauté de l’archipel »

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Arrivée dimanche matin à Mayotte, la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, a dédié sa première rencontre aux élus. Lors de cette entrevue, elle a réaffirmé que le projet de « Communauté de l’archipel des Comores » n’était « pas à l’ordre du jour » et a enjoint « d’arrêter de se faire peur ».

Au son du mbiwi et le traditionnel collier de jasmin au cou, la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, a été chaleureusement accueillie dimanche à 8h du matin par les élus locaux et l’équipe préfectorale. Sur le 101ème département français pour une visite de trois jours lors de laquelle elle rencontrera les acteurs locaux (économiques, associatifs, etc.) ainsi que l’intersyndicale et le collectif afin de « peaufiner le travail » avant de faire des annonces « mardi dans la journée », Annick Girardin a débuté derechef son programme par une entrevue longue de trois heures avec les élus locaux. Parmi eux, entre autres, le président du Conseil départemental, les deux députés, le sénateur Thani Mohamed Soilihi et un certain nombre de maires (dont ceux de Mamoudzou, de Sada, d’Acoua), accompagnés du président de l’association des maires. 

Selon le député Mansour Kamardine (LR), aucune annonce n’a été faite durant l’entrevue mais « les élus ont dit ce qu’ils avaient dans le ventre ». Ils ont notamment évoqué les sujets brûlants de la feuille de route, de la « Communauté de l’archipel des Comores » et de la crise diplomatique, trois jours après la manifestation de jeudi ayant mobilisé plus d’un millier de personnes dans les rues de Mamoudzou.

Après le démenti formel du ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, mercredi dernier, la ministre des Outre-mer a réaffirmé dimanche que « cette coopération qui irait très loin avec les Comores n’est pas à l’ordre du jour aujourd’hui. Il faut arrêter de se faire peur ». Et d’expliquer : « Une feuille de route a pu être réfléchie par un certain nombre de fonctionnaires (…) des notes ont pu exister en interne (…) mais c’est le politique qui décide ». Annick Girardin a été ferme : « Combien de fois faudra le dire ? Mayotte est français et restera français (…) tant que les élus de ce territoire le souhaitent ». 

Un non-sujet

Des propos soutenus par le sénateur Thani Mohamed Soilihi, las des rumeurs lui aussi : « C’est un non-sujet ». Quand bien même ce projet existerait, ce dont le parlementaire doute, « rien ne pourrait s’envisager sans l’accord des élus mahorais ». En effet, « d’un point de vue institutionnel », il faudrait jouer sur l’article 53 de la Constitution qui stipule que « nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées ». 

Quant aux documents circulant sur Internet et notamment via la page Facebook de la journaliste Estelle Youssouffa, à l’en-tête de la préfecture de Mayotte et évoquant la fameuse « Communauté de l’archipel des Comores », il s’agirait, selon la préfecture, d’une note d’information interne « véridique » expliquant la situation générée par ces rumeurs et la commentant. 

La crise diplomatique déclenchée par l’Union des Comores refusant de réadmettre depuis mi-mars ses ressortissants expulsés a également été abordée. Annick Girardin a appelé à la patience, reconnaissant que le temps des échanges diplomatiques en cas de crise « reste toujours trop long ».

La ministre continuera, lors de son séjour, à rencontrer les acteurs locaux afin de « compléter » éventuellement les propositions qu’elle formulera mardi. Elle a salué cette première entrevue, notant qu’ils étaient « beaucoup plus autour de la table à débattre » et que les échanges se sont déroulés « de manière apaisée ».

Le programme de la ministre

Arrivée dimanche à 8h du matin, la ministre a rencontré les élus de Mayotte en matinée, puis des membres de la société civile. Aujourd’hui, elle devrait se rendre à Chirongui pour une visite « autour des thématiques de l’habitat et d’infrastructures ». Suivra, toujours à Chirongui, une séquence « transports et sécurité dans et aux abords des établissements scolaires » au LPO Tani Malandi. Elle terminera sa journée en Petite-Terre, à Pamandzi, pour une visite « autour des thématiques de l’aménagement du territoire et du développement durable ». Mardi, elle devrait rencontrer des représentants des organisations patronales puis le collectif des citoyens et l’intersyndicale avant de tenir une conférence de presse à 15h en Petite-Terre. 

 

Disparition préoccupante d’une jeune mahoraise en métropole

Une lycéenne âgée de 18 ans, prénommée Yousra, née à Kani-Keli, scolarisée à Riom dans le département du Puy-de-Dôme, en région d’Auvergne-Rhône-Alpes est portée disparue.

Un appel à témoins a été lancé à la demande du parquet de Clermont-Ferrand ce jeudi 10 mai.

La jeune femme a quitté son domicile familial à Ceyrat (Puy-de-Dôme) tôt le matin du jeudi 3 mai pour prendre son bus et se rendre à la gare  de Clermont-Ferrand d’où elle devait prendre un autre bus pour rejoindre le lycée Marie-Laurencin de Riom.

Depuis ce jour, Yousra n’a pas rejoint son lycée et n’a donné aucun signe de vie. Aucune action n’aurait été constatée ni sur son téléphone portable, ni sur son compte bancaire.

L’appel à témoins lancé par la sûreté départementale à la demande du parquet de Clermont-Ferrand décrit une jeune femme aux yeux noirs, de corpulence normale, mesurant 1m50 et avec des cheveux bruns coiffés en chignon. Le jour de sa disparition elle portait un grand sac noir. Pour toute information à son sujet, contactez le commissariat clermontois au 04.63.05.22.22.

Manifestation | Au moins 1 400 Mahorais dans la rue

Après la pétition, la manifestation. Au moins 1 400 personnes (selon la police) voire 5 000 Mahorais (selon les organisateurs) ont participé jeudi matin à la manifestation organisée par l’intersyndicale et le collectif pour s’opposer au projet suspecté de Communauté de l’archipel des Comores, malgré le démenti du Quai d’Orsay mercredi.

« L’histoire de Mayotte s’écrit ici ». Au micro, les organisateurs de la manifestation contre le projet suspecté de Communauté de l’archipel des Comores apportent de la solennité au rassemblement. Au moins 1 400 personnes (chiffre de la police) s’élancent jeudi matin dans les rues de Mamoudzou, au son de La Marseillaise. Organisée par le collectif et l’intersyndicale, à l’origine du mouvement social contre l’insécurité, la marche blanche se déroule sous un soleil de plomb. Dans le cortège, drapeaux français et couleurs nationales sont arborés tandis que les emblèmes des syndicaux sont prohibés pour marquer l’unité, précisent les responsables du défilé.

Une action devant le bureau des étrangers

« Nous disons non au retour de l’esclavagisme », lâche Maoulida Momed, l’un des organisateurs. Il annonce « au moins 5 000 manifestants » dans le cortège. Le chiffre semble quelque peu gonflé, même si la foule est dense lors du premier arrêt devant le bureau des étrangers. Quelques manifestants secouent les grilles du site préfectoral et tentent d’envoyer un cercueil en carton, symbole de l’enterrement du projet de la Communauté de l’archipel des Comores, de l’autre côté du portail, où sont positionnées quelques forces de l’ordre. « Le bureau des étrangers devait vraiment fermer jusqu’à nouvel ordre », souligne Maoulida Momed qui ne « regrette pas du tout » l’action d’une minorité de participants. Lors de sa visite en mars dernier, la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, s’était engagée à fermer un mois le service des migrations et de l’intégration. Il n’a pas rouvert au grand public depuis, pour des raisons inconnues (dans la mesure où la grève interne des agents est terminée et le délai d’un mois passé), mais est accessible à certains usagers sur rendez-vous.

Le cortège s’élance ensuite en direction du centre hospitalier de Mayotte et du commissariat de police avant de redescendre sur la rocade et de rejoindre le point de départ, à savoir la place de la République. « Macron, guerre civile en marche » peut-on notamment lire sur une banderole, en référence au nom du parti politique du président de la République.

« Il faut que les Comores reconnaissent finalement que nous sommes Français », déclare Maoulida Momed. « Chacun a son identité. On doit se respecter [mais] les Comores agenouillent la France, une grande nation. »

Un mot d’ordre élargi

Estelle Youssouffa, la journaliste mahoraise et consultante en affaires internationales à l’origine de la pétition contre la Communauté de l’archipel, prend la parole à l’issue du rassemblement : « Mayotte aujourd’hui a besoin de vous, de se faire entendre (…) Mayotte est debout et Mayotte dit non. La Communauté de l’archipel, c’est l’annexion de Mayotte par les Comores, c’est la mort de Mayotte (…) Macron, écoute, regarde, parce que Mayotte est en train de dire : +Karivendze+ (On ne veut pas, en shimaoré) », lance celle qui est aussi opposée à « la feuille de route et à la coopération régionale [avec l’Union des Comores]. C’est la mort de Mayotte (…) On demande l’abandon total de la feuille de route. Il n’y a pas de négociation en douce dans les petits bureaux. On arrête ! »

Et le maire de Tsingoni et vice-président de l’association des maires de Mayotte, Bacar Mohamed, d’ajouter : « Je voudrais exceptionnellement lancer un message au président [de la République] pour lui dire qu’il ne peut pas y avoir de négociation quelconque avec l’Union des Comores si elle ne reconnaît pas Mayotte comme étant un département français ». En somme, le motif du rassemblement – le refus d’un projet suspecté de Communauté de l’archipel – est élargi.

Démenti du Quai d’Orsay

C’est peut-être l’une des conséquences de la prise de parole, mercredi après-midi, du ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Interrogé sur le sujet par la députée mahoraise Ramlati Ali (La République En Marche) lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, il a démenti le projet de Communauté de l’archipel : « J’ai déjà eu l’occasion de dire dans cet hémicycle que la rumeur de création d’une Communauté de l’archipel des Comores était sans fondement. Je vous le redis ici une nouvelle fois et très solennellement. Je regrette qu’un certain nombre d’acteurs continuent de relayer, par voie de presse, ces rumeurs. Nous ne transigerons pas sur le statut de Mayotte au sein de la République française, je l’ai déjà dit à plusieurs reprises et je vous le redis aujourd’hui. Nous avons été amenés à condamner publiquement, y compris ici, les mesures prises par les Comores le 21 mars dernier pour interdire la reconduite sur leur territoire des Comoriens entrés illégalement à Mayotte. Ces pratiques ne sont pas acceptables. Face aux blocages que nous avons pu constater sur cette question de la réadmission et à la poursuite des arrivées d’immigrants irréguliers à Mayotte, nous avons décidé de suspendre, depuis le 4 mai dernier et jusqu’à nouvel ordre, la délivrance des visas demandés par les Comoriens pour se rendre en France. Tout cela n’empêche pas la discussion et le dialogue avec les autorités comoriennes, que je poursuis moi-même directement, afin que nous puissions lutter conjointement et efficacement contre les filières d’immigration illégale et aboutir à des actions concrètes de développement aux Comores. J’espère que la confiance et le dialogue que nous souhaitons permettront d’aboutir à ces résultats le plus rapidement possible », appelle de ses vœux le ministre.

 

Les tensions à Sada évoquées

Par ailleurs, des tensions ayant eu lieu la veille à Sada sont évoquées lors de la manifestation. « Cette nuit [de mercredi à jeudi, NDLR], Sada s’est battue. Les clandestins ont même eu l’audace d’aller encercler la mairie », déclare lors de sa prise de parole à l’issue de la marche blanche Estelle Youssouffa. L’auteur de la pétition – qui a d’ailleurs circulé au format papier lors du rassemblement – fait référence aux propos tenus par le maire de la commune, Anchya Bamana, quelques heures plus tôt sur les ondes de Mayotte La 1ère et chez nos confrères du Journal de Mayotte. Des personnes en situation irrégulière se seraient rassemblées autour de l’hôtel de ville après que des villageois qui les hébergeraient ou les feraient travailler illégalement leur auraient demandé de quitter les lieux, provoquant de vives tensions, selon l’élue. Le tout après une opération récente du parquet et un courrier adressé par l’élue aux habitants suspectés d’héberger des clandestins, indiquait-elle.

La version des faits est démentie par la gendarmerie, qui précise qu’environ 70 personnes d’origine comorienne se sont effectivement rassemblées dans la nuit de mercredi à jeudi. « Nous n’avons contrôlé personne en situation irrégulière. On n’a pas contrôlé tout le monde », précisent les gendarmes. Les individus se sont rassemblés pour obtenir des explications suite à une action d’environ 70 villageois la veille. Un cortège est passé dans certains quartiers de Sada demandant à des clandestins supposés de quitter les lieux. Tout ou partie de ces derniers sont en situation régulière et sont venus réclamer des explications à la mairie. Aucun fait de violence n’a été constaté par les gendarmes lors des deux événements distincts.

 

Manifestation | « Ce n’est pas un engagement partisan »

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Estelle Youssouffa, à l’origine de la pétition pour « sauver le 101ème département » qui débouche jeudi sur une manifestation dans les rues de Mamoudzou évoque un « engagement citoyen. Mayotte est une île française et doit le rester ». Portrait.

En à peine 15 jours, elle est devenue une figure centrale des mouvements sociaux en cours. Le 25 avril, la consultante en affaires internationales Estelle Youssouffa fait une apparition remarquée dans l’émission « Kala oi dala » de Mayotte La 1ère. Elle y évoque « un projet qui est proposé par le Quai d’Orsay pour construire une communauté de l’archipel, avec une co-souveraineté comorienne et française à Mayotte, avec un émissaire comorien qui serait présent à Mayotte pour gouverner aux côtés d’un représentant français ».

Installée à Paris, Estelle Youssouffa, 39 ans, est « revenue il y a quinze jours à Mayotte pour alerter » la population, après avoir obtenu ces informations de sources fiables à Paris, précise-t-elle. « L’horizon, c’est 2020 – 2025. C’est demain. Il ne faut pas penser que c’est une hypothèse éloignée », affirme-t-elle.

L’émission « Kala oi dala » a « fait éclater le scandale. Le lendemain, tout le monde en a parlé et m’a sollicitée. » Dans la foulée, Estelle Youssouffa rencontre notamment l’intersyndicale et le collectif à l’origine de la grève générale. « J’ai souhaité, quand on m’a demandé ce qu’on pouvait faire, mettre en place la pétition et la manifestation ». Ainsi, le mardi 1er mai est diffusée la pétition « Il faut sauver le 101e département français ! » sur la plateforme change.org. Une semaine plus tard, la pétition enregistre 7 411 signatures (décompte à 14h45, mardi).

Le Quai d’Orsay « influencé »

« Ce n’est pas un engagement partisan. Je n’en ai jamais pris. Là, c’est un engagement citoyen. Mayotte est une île française et doit le rester (…) L’objet n’est pas d’être leader de quoi que ce soit », martèle celle qui « née en métropole. Mon père est Mahorais. Je suis Mahoraise. J’ai vécu à Mayotte quand j’étais enfant et adolescente. » Elle a notamment été en cours avec Saïd Hachim, membre CFDT de l’intersyndicale et l’un des porte-parole du mouvement contre l’insécurité. Après le baccalauréat, Estelle Youssouffa intègre l’IUT de journalisme de Tours puis part au Canada étudier les sciences politiques et les relations internationales. Elle rejoint ensuite des rédactions audiovisuelles reconnues où elle fait « du grand reportage, de l’investigation et de la présentation » : LCI, TV5 Monde, France 2, BFMTV et I-Télé et fait un crochet par l’Angleterre où elle travaille pour Al Jazeera, un média qatari. « De moins en moins journaliste » depuis trois ans, cette trilingue férue de voyages travaille comme consultante auprès de « grandes entreprises ».

Jusqu’à présent, celle qui revient à Mayotte régulièrement ne s’était exprimée publiquement que « sur la question de la diversité dans les médias ». La donne a changé car « la situation l’exige (…) Mayotte est en retard dans la compréhension de ce qui est en train de se jouer (…) Mayotte était mobilisée sur les questions de développement. À Paris, elles sont perçues comme un problème. Pour certains hauts fonctionnaires, développer Mayotte, c’est jeter de l’argent par les fenêtres car un jour elle sera Comorienne (…) Il y a une ligne stratégique : laisser sous-développée Mayotte pour un jour la donner aux Comores (…) comme si on était des animaux », s’agace Estelle Youssouffa. « On est tous en train de pédaler sur des sujets très importants mais annexes » pour lutter contre l’insécurité et développer l’île, déclare-t-elle. « Les Comoriens ont réussi à influencer le Quai d’Orsay, c’est ahurissant », ajoute-t-elle.

« Ce qui transparaît dans la presse parisienne, c’est qu’il y a quand même des dissensions au sein du gouvernement. Si on n’arrive pas à faire entendre Mayotte à Paris, cette ligne de fond [la proposition suspectée par Estelle Youssouffa du ministère des Affaires étrangères, NDLR] va perdurer (…) Le combat de nos aïeuls a été que Mayotte reste française. Pour nos parents, c’était la départementalisation. Nous, on pensait que ça serait le développement alors que notre combat sera que Mayotte reste Française. C’est un électrochoc, une trahison impensable », déplore-t-elle.

Estelle Youssouffa appelle dans sa pétition à abroger les accords de coopération entre la France et l’Union des Comores. « On ne peut pas collaborer avec quelqu’un qui veut nous annexer (…) Pour les Comores, on n’est pas un territoire français (…) À partir du moment où les Comores abandonnent toute revendication territoriale de Mayotte, la France peut collaborer très volontiers avec eux ». Mais actuellement, « les Comores envoient leurs populations les plus pauvres coloniser Mayotte », lâche Estelle Youssouffa. « On est en train de changer la structure démographique de Mayotte pour acculer les Mahorais et faire accepter une cogestion avec les Comoriens. C’est une trahison (…) La feuille de route [suspendue en septembre, qui permettrait la délivrance de visas gratuits et que Moroni souhaite relancer NDLR] est l’un des outils pour aboutir à la communauté de l’archipel », analyse-t-elle.

« J’ai Mayotte à cœur »

La prise de position de la consultante en affaires internationales ne laisse pas indifférents les élus mahorais. Le député Mansour Kamardine (LR), invité le même soir qu’elle dans l’émission « Kala oi dala », se dit en plateau « à 200% avec l’analyse de Madame Youssouffa ». Dans nos colonnes, le sénateur Thani Mohamed Soilihi indique être « étonné qu’une journaliste reconnue mais dont on n’a jamais lu quelque chose sur Mayotte, vienne quelques jours et devienne immédiatement une référence alors qu’elle est également consultante pour Al Jazeera, chaîne dont on n’a pas inventé plus pro-comorien ! Je ne comprends pas, avec tout le respect que nous lui devons, que subitement, quelqu’un qui est de passage vienne nous dire : +Moi, j’ai vu un plan, je sais des choses que vous ignorez+. Mais on est où, là ? Dans un film ? ». « La théorie du complot, c’est trop facile », réagit la principale intéressée. « J’ai Mayotte à cœur et Mayotte française. »

« Les tractations ont lieu en catimini. Si la population ne se fait pas entendre, Paris pourrait penser qu’on est passivement d’accord, [que c’est] un feu vert pour continuer », prévient-elle. « Les élus ont visiblement préféré croire que la départementalisation nous protégeait. On a tous cru que c’était la fin de cette insécurité statutaire (…) C’est à la population d’agir ».

Avec une suite à la manifestation de jeudi ? « Cela va dépendre de la réponse de Paris. Si Paris pense qu’il peut laisser le problème de côté, ça va vite pourrir de manière très puante. Ce n’est pas un sujet qui se négocie », conclut-elle. Estelle Youssouffa sera de retour à Mayotte jeudi matin pour participer au défilé qui partira de la place de la République aux environs de 8h.

Interrogé au sujet de cette Communauté de l’archipel, le ministère français des Affaires étrangères n’a pas donné suite à notre sollicitation.

 

Manifestation | Dissensions au sein des élus

Le président du Département et des élus de l’île se sont réunis ce mardi pour discuter de leur éventuelle participation à la manifestation de jeudi. Si Soibahadine Ibrahim Ramadani ne descendra pas dans la rue, la grande majorité des élus présents souhaitent manifester aux côtés de la population mahoraise.

« Si vous êtes déterminés à être là le 10, qu’il en soit ainsi. La séance est levée ! ». C’est de manière plutôt autoritaire, et unilatérale, que Soibahadine Ibrahim Ramadani, le président du Conseil départemental de Mayotte, a clôturé la réunion qui se tenait ce mardi et qui avait pour objet la participation (ou non) des élus de Mayotte à la manifestation de jeudi contre le projet supposé du gouvernement français de « communauté de l’archipel » dévoilé par la presse nationale il y a quelques semaines. Après trois heures de réunion entre le président du Département, des maires et des conseillers départementaux, les esprits commençaient tout juste à s’échauffer et le débat s’intensifiait, lorsque le président du Département a décidé de lever la séance. Ces échanges ont opposé la majorité des élus en présence, volontaires pour descendre dans la rue jeudi en soutien aux manifestants, au président du Département, défavorable à ce mode d’action avant la visite de la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, dont l’arrivée est prévue dimanche.

Echaudés par « l’échec de la diplomatie française » dans la crise qui oppose l’État français à l’Union des Comores, craignant qu’Annick Girardin ne puisse pas « y apporter de réponses concrètes », mettant en avant « la régularisation massive des clandestins » face « au discours officiel », les élus, en colère, ont fermement fait part de leur envie de manifester aux côtés de leurs concitoyens demain. Les mots « foutage de gueule » pour qualifier la politique anti-immigration clandestine du gouvernement français ont même été prononcés par un maire du nord de l’île qui a conclu : « Mayotte va mal ». Pour cet élu, « le droit d’un peuple à disposer de lui-même est menacé » et justifie la manifestation de jeudi. Le sentiment latent est celui de « voir Mayotte être lâchée ».

Tout au long de la discussion, Soibahadine Ibrahim Ramadani a, quant à lui, soutenu que le changement de statut de Mayotte française n’était pas envisageable, et que les craintes de la population mahoraise étaient dès lors plus ou moins infondées. Il a longuement étayé ses arguments en faveur de son projet de toilettage institutionnel visant à doter la collectivité unique de Mayotte des moyens adéquats pour assumer ses responsabilités de Département et de Région. Une modification de la loi qui crée « une émotion, une appréhension et une crainte » chez les élus présents à la réunion, redoutant que ce toilettage n’entraîne un changement de statut de Mayotte. « Notre parapluie, c’est le référendum du 29 mars 2009 », a cherché à rassurer le président du Département.

Des contre-propositions à la feuille de route

La question de la « communauté de l’archipel » qui serait actuellement étudiée par le ministère des Affaires étrangères (voir notre interview d’Estelle Youssouffa) est « induite par la feuille de route » qui avait poussé la population de Mayotte à manifester en fin d’année dernière selon le quatrième vice-président Issa Issa Abdou. Et cette feuille de route est, selon Soibahadine Ibrahim Ramadani, suspendue. Ce dernier, ainsi que les parlementaires mahorais (sénateurs et députés) auraient fait part de leurs nombreux points de désaccord sur cette « feuille de route » au ministre des Affaires étrangères et seraient en train de préparer des « contre-propositions » dont la rédaction est confiée au député Mansour Kamardine.  Les élus présents à la réunion de mardi ont semblé apprendre la nouvelle en direct. Certains se sont ouvertement offusqués d’avoir été écartés des débats. « Pourquoi ces discussions ont-elles eu lieu sans le président [de l’Association des maires de Mayotte] ? Les maires n’ont pas connaissance de la feuille de route, mais ce sont eux qui sont chaque jour confrontés à la population, qui est inquiète », s’est exclamé Bacar Mohamed, le maire de Tsingoni et président de la coordination des élus de Mayotte.

Dans l’assemblée, certains regrettent un manque de transparence générale. « Il est temps que les élus de l’île rendent des comptes à la population », a déclaré Anchya Bamana, le maire de Sada. Elle invite tous les élus présents à descendre dans la rue le jeudi 10 mai, et à manifester aux côtés de la population mahoraise. Le président Ibrahim Ramadani, lui, n’ira pas. « Si la venue de la ministre ne répond pas à nos attentes, alors je descendrais dans la rue mais je ne descendrai pas avant », a-t-il déclaré. « Faites confiance à vos grands élus », a-t-il encore rétorqué pour légitimer le silence des parlementaires concernant ces contre-propositions et fustigeant le fait que les élus se plaignant du manque de transparence n’aient pas demandé à consulter le contenu de la feuille de route, des mois après la manifestation de 2017.

 

Trophées mahorais de l’entreprise | « Tous les nominés méritent la récompense »

Soirée événement samedi soir à la piscine de Koropa. La Somapresse (Mayotte Hebdo, Flash Infos) a organisé la sixième édition des Trophées mahorais de l’entreprise. Sept prix ont été décernés à des chefs d’entreprise qui contribuent au développement de Mayotte.

Préfet, élus, représentants d’administrations et du monde économique… Plus de 200 personnes ont participé samedi soir à la 6ème édition des Trophées mahorais de l’entreprise, autour de la piscine de Koropa. Créé après le mouvement social de 2011 pour « redonner un peu de visibilité et d’espoir » aux entreprises mahoraises, l’événement s’est à nouveau déroulé cette année après « quelques périodes troubles » pour les sociétés, a souligné le directeur de la Somapresse (Mayotte Hebdo, Flash Infos), Laurent Canavate, à l’origine de la soirée.

Pendant les deux heures de cérémonie, les conséquences économiques du mouvement social contre l’insécurité se sont invitées dans les discours. A commencer par celui du président de la Chambre de commerce et d’industrie de Mayotte, Mohamed Ali Hamid, qui estime que « le regain d’activité en 2017 (…) a été stoppé net. L’île a traversé une zone de turbulence assez grave. C’est encore très tôt pour dresser un bilan. J’apprécie la mobilisation générale qui a eu lieu pour tenir les entreprises dans cette phase difficile (…) C’est sur la réussite des entreprises que nous devons nous concentrer [ce samedi soir]. Nous souhaitons encourager ces femmes et ces hommes qui prennent des risques, leur dire notre fierté », a-t-il témoigné avant la remise du premier prix. 

« Dire aux Mahorais de croire en eux »

Un premier prix qui a été attribué à la société de transport Matis et à ses 366 salariés qui décrochent le trophée de l’Entreprise citoyenne. Côté Jeunes entreprises, c’est la salle de sport May body form qui a été distinguée. « Je pense que tous les nominés méritent la récompense. Je veux surtout dire aux Mahorais de croire en eux. On est partis de loin », a déclaré Fafi Anli qui a monté la société avec son frère Dar Madi Attoumani.

Le jury, composé de représentants de l’Etat, du Conseil départemental, des trois chambres consulaires, de l’Ordre des experts-comptables, du Conseil économique social et environnemental de Mayotte et de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte, a décerné le trophée de l’Entreprise dynamique à la société Etic Services de Feyçoil Mouhoussoune. « Entreprendre à Mayotte, ce n’est pas simple mais c’est gratifiant quand ça marche », a indiqué le récipiendaire, heureux de recevoir un « prix qui récompense l’entreprise, donc le collectif ».

Maestria Recrutement, cabinet de conseil en recrutement, a décroché le trophée de l’Entreprise innovante. L’entrepreneur Namoure Zidini, « très surpris et absolument ravi » a déclaré avoir « choisi un domaine très compliqué (…) Œuvrer pour l’attractivité de Mayotte, recruter des gens qui peuvent changer l’île, j’espère que ça continuera. »

Dans la catégorie Économie sociale et solidaire, l’Adie (Association pour le droit à l’initiative économique) Mayotte a été distinguée. « On œuvre depuis 20 ans pour les plus nécessiteux », a rappelé au micro Madioili Dayrani, manager à l’agence de Mamoudzou. L’économie sociale et solidaire pèse « plus de 2 000 emplois et plus de 400 entreprises » dans le 101e département, a mis en exergue Roukia Lahadji, la maire de Chirongui et trésorière de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, qui a remis le trophée.

Nouveauté cette année : l’attribution du prix du Bâtisseur de l’année. « L’île est en plein travaux (…) On a voulu mettre en avant ce secteur d’activité », a exposé Laurent Canavate. La réalisation du collège de Ouangani a été primée. « Je suis ravi que le vice-rectorat soit le premier lauréat de ce trophée », a réagi Didier Cauret, le directeur de cabinet du vice-rectorat. « Ce trophée traduit le lien entre l’économie mahoraise et l’Éducation nationale. C’est 97 000 élèves, plus de 7 000 enseignants, un impact économique incontestable. »

« Un honneur pour toutes les femmes »

Le trophée du Manager de l’année, point d’orgue de la soirée, a été attribué à Nadine Hafidou, gérante du cabinet Delta. « C’est une grande surprise pour moi. J’étais la seule femme de la liste [il y a cinq nominés par catégorie, NDLR]. C’est un honneur pour toutes les femmes chefs d’entreprise », a indiqué la lauréate.

Ce dernier prix a été remis par le préfet, Dominique Sorain, pour qui la soirée a été l’occasion de découvrir « un concentré de l’esprit d’entreprendre. C’est une image aussi de Mayotte qui réussit ». Le représentant de l’État, qui est revenu sur les conséquences économiques de la grève et les mesures d’urgence mises en place, a annoncé la visite de la ministre des Outre-mer à Mayotte le 14 mai pour présenter le plan de développement. « Bravo pour tout le travail réalisé dans un contexte difficile. Nous serons à vos côtés pour vous appuyer », a conclu le délégué du gouvernement.

Un propos proche de celui tenu plus tôt par le vice-président du Conseil départemental en charge du développement économique, Ben Issa Ousséni, qui a assuré que « le Conseil départemental est et sera toujours auprès des entreprises ».

Au cours de la soirée, deux prix spéciaux du jury ont été décernés à deux regrettés chefs d’entreprise : Alain Lebihan et Gilbert Leclere.

Un récipiendaire de l’édition précédente, Hazali Chouanybou, à la tête de l’entreprise Big réparations, est venu témoigner sur la scène, installée au-dessus de la piscine de Koropa : « Les gens m’ont vu dans les journaux, entendu à la radio. Maintenant, toute l’île me connaît. » « Un an après, on m’en parle encore », a de son côté assuré un autre récipiendaire de l’édition 2017 Norbert Martinez, directeur de MIM.

 


L’Association pour le droit à l’initiative économique, représentée par son manager Madioili Dayrani a reçu le trophée Économie sociale et solidaire.


Matis, représentée par une de ses responsables, Lanto Thomas, a été primée dans la catégorie Entreprise citoyenne.


May Body Form, représentée par l’un des gérants et créateurs Fafi Anli, a été primée dans la catégorie Jeune entreprise.


Etic Services, représentée par son gérant Feyçoil Mouhoussoune, a reçu le prix entreprise dynamique.


Maestra Recrutement, représentée par son gérant Namoure Zidini, a reçu le trophée de l’Entreprise innovante.


Nadine Hafidou, gérante du cabinet Delta, a reçu le trophée du Manager de l’année.


Le vice-rectorat, qui a reçu le trophée Bâtisseur de l’année pour la réalisation du collège de Ouangani, était représenté par Didier Cauret, directeur de cabinet.


Une partie des récipiendaires.

 

Grève générale | « Attention, on va arriver aux décasages »

« Les gens en ont marre, ils sont excédés », alerte Saïd Hachim, membre CFDT de l’intersyndicale à l’origine avec le collectif de la grève générale contre l’insécurité. À l’approche de la manifestation du 10 mai, ce porte-parole du mouvement social s’inquiète et met en garde le gouvernement. Face à l’absence de « réponses concrètes » sur les volets insécurité et immigration illégale, le spectre des décasages plane. « Les syndicalistes depuis plus d’un mois essaient de contenir une population en colère. »

« Je n’ai pas envie que demain on trouve un drapeau de mon syndicat flottant devant un banga qui a brûlé. » Saïd Hachim, membre CFDT de l’intersyndicale à l’origine du mouvement social contre l’insécurité avec le collectif, s’exprime dans nos colonnes à l’approche de la manifestation du 10 mai.

« Les gens en ont marre, ils sont excédés, ils trouvent qu’il n’y a pas de réponses. C’est ce qu’on ressent quand on discute avec eux. On sent qu’ils vont partir dans ce genre de débordements [les décasages, NDLR]. Il faut que les autorités prennent la mesure des choses (…) Jusqu’à aujourd’hui, c’est nous qui avons arrêté ça (…) On se retrouve face à des gens qui nous interpellent tout le temps, des personnes qui ont été trahies par le mouvement de 2011. Il vaut mieux leur dire la vérité : sur certaines questions concernant l’immigration clandestine et l’insécurité, on n’a pas de réponses concrètes. »

« Les gens entendent qu’on va tout le temps discuter [avec les autorités]. Ils croient qu’on est en train de leur mentir, qu’on négocie des choses (…) A un moment, nous on est fatigués d’être taxés d’être à la solde du gouvernement (…) Aujourd’hui on se retrouve face à une situation qu’on peut qualifier d’insoluble parce qu’on pose des questions qui n’ont pas de réponses immédiates », poursuit ce porte-parole du mouvement contre l’insécurité.

« Ce n’est plus tenable »

« On appelle à manifester le 10 très fortement (…) Cette manifestation est à l’initiative du collectif et de l’intersyndicale suite à la rencontre avec Estelle Youssouffa à Dembéni. » Cette dernière est à l’origine de la pétition +Il faut sauver le 101e département !+ qui en moins de trois jours a enregistré plus de 5 500 signatures sur la plateforme change.org. Journaliste et consultante en affaires internationales, Estelle Youssouffa assure dans ce texte que le gouvernement planche sur un projet de Communauté d’archipel des Comores, dans lequel Mayotte perdrait une part de souveraineté au profit de l’Union des Comores. « On n’a pas voulu jeter de l’huile sur le feu mais des éléments vont apparaître assez rapidement » pour prouver ce projet de Communauté d’archipel des Comores, fait savoir Saïd Hachim, qui évoque la diffusion de documents d’ici lundi. « Nous ne transigerons jamais sur la souveraineté de la France sur le département de Mayotte », avait pour rappel indiqué le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian le 3 avril dernier à l’Assemblée nationale.

Et Saïd Hachim d’ajouter : « C’était difficile à la réunion à Dembéni. » Certains participants « ne voulaient même pas entendre Estelle. Ils voulaient dégager ces gens-là [les personnes en situation irrégulière, NDLR]. Il faut que syndicalement parlant on se pose, qu’on observe tout ça, qu’on ait une ligne de conduite et qu’on sache où on va, où on met le pied. On dit aux gens : +Attention, on va arriver aux décasages+. » Saïd Hachim assure en parallèle qu’aucun leader au sein de l’intersyndicale et du collectif à l’origine du mouvement social contre l’insécurité n’appelle à ces actions illégales. « Les syndicalistes depuis plus d’un mois essaient de contenir une population en colère qui n’a pas de réponses (…) A un moment, ce n’est plus tenable ».

C’est dans ce contexte que, selon nos informations, entre dix et vingt personnes ont à Kani-Kéli, dans la nuit de lundi à mardi, incité un habitant à quitter son logement et à rentrer aux Comores. Les auteurs des faits auraient cassé la porte de la cour, démonté et enlevé la porte d’entrée de l’habitation et détruit une case en tôle servant de cuisine à la victime, sans faire usage de violence physique. Sollicité, le parquet n’était pas en mesure de confirmer jeudi soir ces informations.

 

Trois syndicats contre « le largage de Mayotte »

Trois syndicats adhérents au FSU (SNASUB, SNUipp et SNUTER) ont apporté jeudi par voie de communiqué leur soutien à l’appel à la grève du 10 mai, appelant leurs « adhérents ainsi que [leurs] sympathisants à descendre massivement dans la rue ». Ils ont exprimé leur hostilité vis-à-vis de « toute évolution statutaire de Mayotte qui aboutirait à la perte des acquis obtenus grâce à la départementalisation ». Dans le viseur, le « projet de la Communauté de l’archipel qui découle de la déclaration du 21 juin 2013 ». Les trois syndicats redoutent, « sous couvert de cette coopération régionale », une co-souveraineté comorienne, et demandent l’abandon « définitif » de la fameuse « feuille de route » qui alimente les débats actuels.  

 

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes