Afin de renforcer les liens de cohésion sociale entre la commune et les personnes âgées, le CCAS a mis en place le projet « Ramadan pour tous » il y a trois ans. Le principe ? Distribuer des colis alimentaires pendant le mois du ramadan à 143 personnes âgées en situation de précarité. Cette année, le CCAS a décidé de faire de la prévention alimentaire son cheval de bataille face à la situation nutritionnelle préoccupante dans le département.
Une personne sur dix, entre 30 et 69 ans, est diabétique à Mayotte. Constatée depuis de nombreuses années, la situation nutritionnelle sur le territoire mahorais est préoccupante. Selon l’Agence régionale de santé (ARS), « des études menées en 2006 et 2008 » ont mis en exergue une prévalence élevée de l’obésité chez les femmes et des maladies qui lui sont liées telles que l’hypertension artérielle et le diabète). Dans le 101ème département, parmi les diabétiques, 79% d’hommes et 94% de femmes étaient en surpoids ou obèses en 2008*. À Mayotte, la population privilégie généralement les aliments riches énergétiquement par rapport aux fruits et légumes. C’est un fait qui est également dû à l’éducation nutritionnelle du territoire.
Face à ce constat, depuis trois ans, le centre communal d’action sociale (CCAS) de Mamoudzou organise une semaine de distribution de colis – d’une valeur de 15.000 euros pour l’ensemble de l’opération – pendant le mois du ramadan. Plus de 140 personnes âgées de plus de 60 ans de la commune de Mamoudzou (une moyenne de 20 par village) ont pu et pourront en bénéficier, du mardi 21 au vendredi 24 mai. « Les personnes ont été +sélectionnées+ par des agents de terrain du CCAS qui repèrent les personnes les plus précaires pour leur venir en aide. Ce ne sont jamais les mêmes personnes« , assure la directrice du CCAS. Plusieurs critères de sélection sont étudiés : les personnes doivent être âgées de plus de 60 ans ou bénéficier de l’allocation spéciale pour personne âgée (ASPA) ou toucher une retraite de moins de 400 euros ou encore être bénéficiaire du RSA. Elles ont néanmoins l’obligation d’être de nationalité française ou de bénéficier d’une carte de séjour de dix ans minimum et d’être résident dans la commune.
Gérer son alimentation durant le ramadan
Pour l’édition 2019, le CCAS a souhaité mettre en avant la prévention alimentaire. « Cette semaine consiste en un moment de convivialité et de partage. Notre ambition est de mobiliser les énergies de tous afin d’améliorer la santé de la population« , résume la directrice du CCAS de Mamoudzou, Anziza Daoud.
La structure a donc décidé d’équilibrer le panier, qui n’était composé jusqu’à présent que de poulets congelés et de viande, et s’est attachée les services d’une diététicienne de Rédiab Ylang, Ségolène Guisset. Le panier se compose désormais de féculents (riz, bananes, etc.), de protéines, de fruits et légumes (oranges, poires, concombres, etc.) et de produits laitiers. « Nous avons pu avoir du poisson frais cette année« , se félicite la directrice.
Mais cet équilibre alimentaire doit passer par des conseils nutritionnels, selon la spécialiste nutrition. En effet, lors du ramadan, les musulmans n’ont pas le droit de s’alimenter de la journée ce qui entraîne souvent une ruée sur une myriade de plats dès la nuit tombée. Le jeûne induit donc nécessairement un changement de régime alimentaire, pas toujours très équilibré, notamment sur le territoire. « Mais nous essayons de sensibiliser la population sur le fait que nous pouvons tout à fait faire des plats sains et équilibrés où nous ajoutons une belle portion de légumes, des protéines maigres comme le poulet ou le poisson au lieu des morceaux de viande très gras. C’est pour cela que nous avons, dans la composition des colis, vraiment mis un point d’honneur sur la présence de fruits et de légumes« , affirme Ségolène Guisset.
Toujours selon la spécialiste, il est important de consommer son quota de calories : « Nous conseillons de fractionner les repas« . L’organisme pourra alors faire des stocks pour tenir une journée de jeûne. Cette fraction permettra de diminuer les prises de poids et la surcharge en graisse et en sucre. « Elle diminue également reflux gastro-œsophagien**« .
Sensibiliser dès le plus jeune âge
En outre, la déshydratation est un gros risque pendant le jeûne, « surtout avec cette chaleur« . Boire beaucoup et consommer des aliments riches en eau est donc conseillé. « Les fruits sont un parfait exemple. Au lieu de se forcer à boire une bouteille, l’alimentation est aussi une source d’hydratation« .
Malgré la volonté de vouloir aller jusqu’au bout de ses convictions religieuses, la diététicienne rappelle qu’il est important que les individus écoutent leur corps. « Pour toutes les personnes diabétiques ou atteintes de maladie chronique ou de maladie quelconque, nous conseillons vivement d’aller voir le médecin. C’est à lui de juger de la capacité ou non d’une personne malade à continuer le ramadan« .
La diététicienne poursuit : « Aujourd’hui, la nécessité est de prévenir la maladie au lieu de la guérir par de la sensibilisation. Les maladies chroniques comme le diabète ou l’obésité prennent des années pour s’installer et il faudra certainement attendre des générations pour constater des changements dans les modes d’alimentation. C’est important d’éduquer les enfants dès le plus jeune âge. Nous essayons, par cette distribution par exemple, de créer le lien entre l’alimentation et la santé« .
Mercredi matin, le directeur de la Copemay et trois pêcheurs comparaissaient devant le tribunal correctionnel pour une affaire de vente et d’achat de produits provenant de la pêche illégale. Mais l’Europe s’est invitée dans le prétoire, pour un débat confus autour de la réglementation européenne, du droit à l’erreur et du manque de subventions accordées aux pêcheurs permettant de remettre leurs bateaux en conformité.
L’histoire se déroule un 14 avril 2016, au ponton de débarquement de Mamoudzou. Les Affaires maritimes contrôlent les propriétaires de deux bateaux à qui elles reprochent d’avoir pêché puis vendu illégalement des poissons. Sur place, un acheteur qui n’est autre que Pierre Baubet, le directeur de la Coopérative des pêcheurs de Mayotte (Copemay).
Convoqué devant la cour du tribunal correctionnel ce mercredi matin en présence de trois autres professionnels de la mer impliqués dans l’affaire, Pierre Baubet ne nie pas l’ensemble des faits.
S’il reconnaît bien avoir acheté le produit de la pêche de ces deux navires, il réfute en revanche avoir eu connaissance de la situation administrative hors cadre des pêcheurs et donc, de l’illégalité de son achat.
En effet, les vendeurs sont des pêcheurs professionnels dont les navires sont immatriculés. Cependant, celui appartenant à Ousséni A. avait été frappé en 2013 d’une interdiction formelle de naviguer et de pêcher. Et pour cause : Ousséni A. avait transformé le bateau depuis la première immatriculation et celui-ci nécessitait donc une remise aux normes (plans, structure, motorisation, etc.) avant de jouir de nouveau d’un droit de navigation. L’autre navire, celui de Houmadi S.C., se trouvait dans la même situation, à la différence près (et de taille) que le propriétaire n’avait jamais été informé que la transformation qu’il avait apportée à son bateau nécessitait une remise aux normes.
Ainsi ce mercredi matin, une des responsables des Affaires maritimes est venue apporter son expertise dans une affaire très technique et qui fut bien souvent confuse pour l’ensemble des magistrats, tâchant de démêler la bonne de la mauvaise foi chez ces quatre prévenus confrontés à une tâche des plus difficiles : celle consistant à conformer, quasiment sans moyens financiers supplémentaires, les navires de pêche de Mayotte à la réglementation française mais aussi européenne.
En effet, en 2002, l’Union européenne a suspendu les subventions publiques à la construction des navires de pêche afin d’endiguer la surpêche, décision finalement revue en 2017. Mais pendant ces 15 ans, les pêcheurs des régions ultrapériphériques, françaises comme portugaises et espagnoles, n’ont pu bénéficier de fonds publics dans ce cadre. Un défaut d’accompagnement qui a lourdement pénalisé les professionnels de la mer de Mayotte alors même qu’un nouveau cadre réglementaire européen, rigide, s’abattait sur eux.
Lors de la l’audience, la fonctionnaire des Affaires maritimes a cependant argué que, désormais, 60% des pêcheurs du département étaient financièrement soutenus par des fonds publics pour acquérir de nouveaux bateaux, grâce à une intense campagne de lobbying de l’État français auprès de l’Europe pour obtenir des voies dérogatoires pour l’outre-mer. Elle a également rappelé que l’immatriculation provisoire dont bénéficiaient les deux bateaux à l’époque du contrôle, qui vise à ne pas pénaliser un secteur en souffrance, est toutefois conditionnée à la remise aux normes des navires. Devant la cour, les trois professionnels de la mer, qui ne s’exprimaient qu’en shimaoré, ont expliqué qu’ils avaient tenté de suivre les règles en vigueur, qu’ils s’étaient renseignés auprès des autorités compétentes mais que le coût de remise aux normes était trop important et qu’ils étaient un peu perdus dans ce sac de nœuds administratif.
Des subventions publiques « que depuis 2019 »
L’autre question qui a occupé la cour ce mercredi matin consistait à déterminer si Pierre Baubet, directeur de la Copemay et élu de la Capam, avait acheté le produit d’une pêche illégale en toute connaissance de cause. Pour la cadre des Affaires maritimes, le directeur de la coopérative ne pouvait « absolument pas » connaître la situation administrative précise des deux pêcheurs puisque l’immatriculation des deux bateaux n’aurait de toute façon pas changé, qu’ils soient conformes ou non aux règles en vigueur. Il aurait toutefois pu se renseigner auprès des Affaires maritimes, a souligné la procureure, peu convaincue.
À la barre, Pierre Baubet a défendu le cas des pêcheurs : « Ce cas-là n’est pas isolé (…) 98% de la flottille » de ce type de bateau à Mayotte « date d’avant 1993« . Or, « c’est seulement depuis 2019 qu’on peut financer la remise aux normes« , a encore plaidé le directeur de la Copemay. « [Les pêcheurs] n’ont pas de crédits, pas de subventions » et ont donc transformé leur bateau de manière « rudimentaire« . « Il y en deux qui se sont fait contrôler mais ils font tous ça« , a déclaré Pierre Baubet devant la cour. « Ils sont obligés de travailler » pour nourrir leur famille mais ont néanmoins lancé des procédures collectives pour se remettre aux normes, a insisté le directeur. Ce dernier a soutenu qu’il n’avait en tout cas pas connaissance de la situation administrative précise des deux bateaux au moment des faits et qu’il n’avait pas le temps de systématiquement contrôler tous les navires avec lesquels il travaille.
Dans ses réquisitions, la procureure a tenu compte de la complexité de l’affaire, démontrée par le « flou au cours du débat« . Pour Houmadi S.C., considérant qu’il n’avait pas eu d’injonction de ne pas naviguer ni de pêcher, elle a requis la relaxe. Pour Ousséni A., qui avait bien été informé de l’interdiction qui lui avait été faite de prendre la mer, elle a requis 1.000 euros d’amende intégralement assortis d’un sursis. Enfin, la procureure a estimé que Pierre Baubet avait agi en connaissance de cause et qu’il avait donc une responsabilité établie car « tout le monde sait à peu près dans quelle situation administrative se trouve chacun« . Elle a ainsi requis à son encontre 1.500 euros d’amende avec sursis. Le délibéré sera rendu le 4 juin prochain.
En novembre 2013, la gestion et l’exploitation du port de Longoni ont été confiées pour 15 ans à Mayotte Channel Gateway dans le cadre d’une délégation de service public organisée par le Département. Dans le but de devenir une référence dans le canal du Mozambique, plus de 50 millions d’euros ont déjà été investis dans les équipements et l’aménagement du site. Et selon les prévisions, le trafic de conteneurs devrait littéralement exploser d’ici 2050.
Dès l’aube, les premiers camions-grues commencent à se présenter devant l’entrée du port. La poussière provoquée par ces va-et-vient permanents – chaque jour, 80 conteneurs sortent et rentrent du port de Longoni, dont 90 % d’entre eux se rendent à Kawéni – attaque le visage des ouvriers, déjà frappé par le soleil brûlant. Casques vissés sur la tête et gilets jaunes enfilés sur le dos, la centaine d’employés présents sur le site déambulent telle une fourmilière dans cette ville géante où les « boîtes » s’entassent les unes sur les autres.
Les yeux rivés sur la série d’écrans devant lui et la main fixée sur la souris, Nahun, responsable des opérations chez Mayotte Channel Gateway (MCG), envoie des directives depuis le logiciel Navis, un système de gestion portuaire, à ses collaborateurs. « On reçoit un fichier de l’armateur dans lequel il y a un plan du navire. Dans le cadre d’un transbordement, chaque couleur correspond à un pays. Une fois déchargée, on a une traçabilité du conteneur en direct », explique-t-il. À ses côtés pour l’épauler, une personne en « back-office » et deux autres en charge des livraisons : « L’enjeu de la place est primordial, il y a un gros travail de préparation en amont. On essaie d’optimiser et de ranger au mieux. » De fait, il est demandé à la grande distribution d’envoyer sa liste de conteneurs à récupérer la veille au soir pour le lendemain, sachant que des groupes comme Sodifram, Somaco ou Bourbon Distribution peuvent venir en chercher « entre 20 et 30 par jour. »
Doubler l’activité de transbordement et le trafic global
Il faut dire que depuis que le Département a confié dans le cadre d’une délégation de service public la gestion et l’exploitation du port en novembre 2013 pour une durée de 15 ans à la société présidée par la Sud-africaine Ida Nel, les objectifs sont colossaux : doubler l’activité de transbordement en cinq ans et le trafic global en 10 ans. La première des deux missions a été remplie facilement avec +92 % en 2016 (27 000) et +60 % l’année suivante. « C’est très significatif de la crédibilité du port », confie Vincent Lietar, directeur développement et infrastructures à MCG, qui joue sur les drapeaux français et européens, « un gage de stabilité aux yeux des entreprises », pour vendre l’image de marque de Mayotte dans le canal du Mozambique.
« Actuellement, on ne représente que 0,6 % du trafic maritime régional », ajoute-t-il. En effet, avec un tonnage global estimé à 1,15 million en 2017 (contre 369 000 en 2008), Longoni ne joue pas dans la même catégorie que ses concurrents des pays voisins : 26 millions de tonnes pour Mombassa au Kenya, 20 millions pour Dar es Salam en Tanzanie, 24 millions pour Beira, Nacala et Maputo au Mozambique ou encore 81 millions pour Durban en Afrique du Sud.
Néanmoins, ce statut franco-européen pourrait lui permettre de jouer un rôle majeur dans les années à venir. Comment ? Grâce aux réserves sous-marines de gaz et de pétrole découvertes à proximité de la fracture géologique DAVIE qui vont être exploitées de manière imminente au nord du Mozambique. La période du chantier immense entamée à Afungi, pour un total de 50 milliards de dollars, est une source de retombées possibles pour l’économie du port et pour Mayotte. « Dans le futur, le quai 1, une fois rénové, pourrait devenir une possible base arrière pour une compagnie de type supply travaillant sur les équipements et la logistique des équipages. »
Une opportunité déjà évoquée publiquement par le président du Conseil départemental, Soihabadine Ibrahim Ramadani, à l’occasion de la cérémonie de voeux au mois de janvier dernier.
Trois grues et quatre ponts roulants pour 24 millions d’euros
Depuis sa prise de fonction il y a bientôt 6 ans, la MCG met la main à la poche pour devenir un pôle de référence. « En 2015, on a investi 24,2 millions d’euros pour financer trois grues de 400 tonnes avec un rayon d’action de 60 mètres, qui ont permis de multiplier par deux la performance horaire de débarquement des navires, quatre ponts roulants de stockage de 140 tonnes et trois maxis élévateurs », livre Jacques-Martial Henry, le bras droit d’Ida Nel. Et d’ici 2028, deux nouvelles grues et quatre autres ponts roulants devraient faire leur apparition. Mais ce n’est pas tout. À cela, s’ajoute l’agrandissement sur 4,5 hectares de la zone de stockage dont la capacité maximum atteint 7 550 conteneurs (triplement par rapport à 2013), en attendant la livraison, à l’horizon 2020, de l’extension des plateformes logistiques sur 8,5 hectares pour un montant global de 25,5 millions d’euros, dans le cadre d’un dossier FEDER validé en janvier 2017.
Parmi les chantiers programmés jusqu’en 2022, il y a également la construction d’un nouvel accès dernière génération, comprenant un portique de cinq voies, et la mise en place de l’ISPS, le code international de sécurité-sûreté. « Il y a encore sept ans, on pouvait rentrer en faisant un petit signe », se remémore Vincent Lietar, un brin nostalgique, mais conscient que toutes ces démarches peuvent faire passer le port dans la cour des grands. Avec cette nouvelle entrée, la MGC prévoit la création d’une zone de transit de quatre hectares comprenant un parking pour les véhicules légers et les poids lourds, un parc attente d’une superficie de 2 230m2, mais aussi un parc des transitaires (quatre parcelles grands importateurs, 15 parcelles équipées de hangars et six à huit parcelles locatives). Au total, les investissements prévus, initialement établis à 104,8 millions d’euros, devraient atteindre 159 millions d’euros à la fin des 15 années de la délégation de service public.
Un futur quai flottant à 40 millions d’euros ?
Pour améliorer la desserte portuaire, deux idées sont actuellement sur le feu : le prolongement du quai 2, mis en service en 2010, vers l’intérieur ou l’extérieur de la darse ou bien l’installation d’un quai flottant de 270 mètres de long sur 35 mètres de large. Selon le directeur développement et infrastructures, la seconde option aurait les faveurs de l’entreprise privée en raison de son prix abordable – environ 40 millions d’euros – et de son délai de livraison relativement faible. « Il faut compter moins de deux ans pour qu’il soit fabriqué, livré et posé » alors que la première option demande une douzaine d’années d’études et de travaux : « Actuellement, on est à 80 % de vérification ! » Il y a donc fort à parier que cette opportunité devienne réalité au plus tard en 2030, dans le but de répondre au marché de transbordement. « Les compagnies maritimes veulent décharger le TGV et recharger le train de campagne immédiatement », s’ose-t-il à comparer.
Selon les statistiques de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), l’année 2050 laisse entrevoir une population officielle estimée à 500 000 habitants à Mayotte. Ce chiffre impressionnant risque forcément d’avoir des répercussions sur l’activité. Le prévisionnel imaginé par Vincent Lietar porte à 250 000 le trafic de conteneurs par an au port (contre 75 000 en 2017) et à 560 transports routiers quotidiens. D’ailleurs une étude est actuellement menée par le Département pour réfléchir à des liaisons maritimes par le lagon tout autour de l’île dans le but de désengorger les routes mahoraises. Un défi de taille donc : « Il faut que l’on soit ambitieux. Ida Nel nous répète sans cesse que l’on vit dans un monde qui change et que ce n’est pas le moment de dormir ! ».
L’évolution de la zone portuaire de Longoni entre 2013 et 2018
Lorsque Mayotte Channel Gateway se voit attribuer la délégation de service public, elle dresse un état des lieux du port. Mis en service en 1992 et logiquement dégradé avec le temps, le quai 1 attend impatiemment sa rénovation, mais aussi son extension. En mauvais état, les berges de la darse ont été restaurées à 50 % via des enrochements, où il est prévu de réaliser de nouveaux quais (pêche, services, cabotage). La capacité de stockage est passée de 2 500 conteneurs en 2013 à 7 550 en 2018, notamment grâce à la rénovation en 2015 de la plateforme de 3,5 hectares et la construction d’une nouvelle de 4,5 hectares. Durant ces cinq premières années, la société privée a investi 31 millions d’euros dans le matériel et 11 millions d’euros dans les aménagements. « On a triplé la capacité du port et doublé l’activité », expliquent Vincent Lietar et Jacques-Martial Henry. Pour remplir ses différents objectifs quantitatifs, l’idée de travailler 24 heures sur 24 germe dans les têtes de la direction.
Un pôle d’activités pour 2028 ?
La convention de délégation de service public inclut le développement d’un pôle d’activités, en étendant la petite zone dite Vallée 2 de cinq hectares, qui rassemble aujourd’hui 16 sociétés. L’aménagement permettrait l’implantation de 160 à 200 entreprises, la mobilisation d’investissements privés et la création de 3 500 emplois. Un projet ambitieux présenté aux élus dans le cadre du schéma d’aménagement régional. « L’opération consisterait en l’utilisation du volume de la colline qui sépare les 61 hectares de la zone portuaire en deux pour réaliser un remblai sur le platier bordant la côte ouest », dévoile Vincent Lietar. Pour rassurer les associations environnementales, plusieurs études ont déjà été réalisées, comme un constat environnemental des fonds marins, des relevés bathymétriques, un constat de l’état des mangroves proches et des relevés géotechniques mer et terre. « C’est un projet unique, contrôlé et maîtrisé », assure-t-il.
Dans l’idée, il y aurait une extension en remblai de 30 hectares sur le platier est et de 9 hectares gagnés par des terrassements, réunissant respectivement des activités industrielles et commerciales, un quartier-technopole, un chantier naval, une marina, mais aussi des activités logistiques liées au port. « On a déjà une demande d’activités sur 20 hectares », précise le directeur développement et infrastructures. Autre bonne nouvelle, deux emprises sont déjà réservées à des implantations de production électrique sur le terminal pétro-gazier, dont la surface représente 2,5 hectares. « Sigma-Engie prévoit une enveloppe de 140 millions d’euros pour créer une centrale électrique à gaz tandis qu’Albioma souhaite investir 80 millions d’euros dans une centrale électrique biomasse avec des déchets de bois. » Toutefois, ces deux projets sont conditionnés à un accord de la Commission de régulation de l’énergie.
Les journées nationales de la Croix-Rouge ont débuté ce week-end à Mayotte, après avoir été annulées en 2018 à cause des mouvements sociaux. Une vaste levée de fonds menée chaque année dans toutes les délégations territoriales de France sera reconduite les 25 et 26 mai dans le 101ème département, où les besoins sont toujours plus nombreux. Président de l’antenne mahoraise de la Croix-Rouge, Yassine Boinali fait le point.
Flash Infos : Comment la population peut-elle vous soutenir pendant ces journées nationales ?
Yassine Boinali : La première solution, c’est de se rapprocher de nos différents quêteurs. Nous avons mobilisé une centaine de salariés et de bénévoles, déployés essentiellement sur la zone de Mamoudzou : dans les stations-services, les magasins Sodifram et Sodicash, au centre commercial Baobab, à la barge, à l’aéroport… Tous nos quêteurs sont reconnaissables à leurs tenues de la Croix-Rouge. Mais il faut faire attention car il y a toujours des gens mal intentionnés qui peuvent se faire passer pour un de nos bénévoles. Nos quêteurs ont tous une carte nominative tamponnée par la préfecture, alors il ne faut pas hésiter à demander à la voir. On peut aussi donner en ligne via le site de la Croix-Rouge, ou nous appeler, passer dans nos bureaux… Dans le cadre des Journées nationales, on appelle aux dons monétaires, mais rien n’empêche de donner des vêtements par exemple, comme durant le reste de l’année.
FI : Quelles actions financera l’argent récolté ?
YB : Depuis 2017, l’année où nous avons récolté le plus de dons, avec un total de 3.000 euros, nous avons décidé de tourner cette quête vers la formation du grand public, particulièrement en matière d’initiation aux premiers secours, comme nous le faisons avec l’opération « caravane du secourisme » qui fait le tour de l’île pour pouvoir initier la population aux gestes qui sauvent et aller dans les établissements scolaires pour sensibiliser les jeunes. On a encore du mal à trouver des financements pour pouvoir former gratuitement le public, alors que ce besoin est toujours présent, d’autant plus que la population de Mayotte ne cesse d’augmenter. Un autre problème, c’est qu’une partie des habitants vit dans des quartiers défavorisés et très difficile d’accès pour un véhicule de secours quand une intervention est nécessaire. Donc l’idée, c’est de pouvoir former ces personnes-là aux gestes de premiers secours pour augmenter les chances de survie des victimes, ce qui évidemment ne peut être que bénéfique pour toutes ces familles et ces enfants.
FI : La Croix-Rouge connaît-elle d’autres freins spécifiques au territoire ?
YB : Oui, tout à fait. Malgré le fait que nous soyons une association d’aide humanitaire reconnue d’utilité publique, on est un peu pris à partie sur le problème de l’immigration. La population considère qu’on fait partie des organismes qui favorisent le flux migratoire et qui aident les migrants, alors que cela n’entre pas du tout dans nos objectifs. Nous, on intervient auprès de la population quelle qu’elle soit, qu’elles que soient les origines et l’identité des personnes. Ce que nous on voit, ce sont des êtres humains.
FI : Quels sont vos principaux champs d’action à Mayotte ?
YB : D’une manière générale, le volet secourisme prend beaucoup d’ampleur. Concernant l’action sociale, on travaille avec des éducateurs et les collectivités pour intervenir dans certains quartiers et y mettre en place des équipes de prévention spécialisées, comme récemment à Koungou et Dembéni. Aussi, on coordonne le dispositif d’hébergement d’urgence avec différents partenaires. Puis il y a ce gros volet de l’aide alimentaire qui prend de l’importance au fil des années. On sait qu’une grande partie de la population vit encore sous le seuil de pauvreté, les besoins sont là, et on a beaucoup de personnes qui sont orientées vers la Croix-Rouge par les centres communaux d’action sociale (CCAS), les assistants sociaux, la protection maternelle et infantile… Nous ne choisissons pas nous-mêmes à qui nous distribuons des bons alimentaires, tous les bénéficiaires nous sont envoyés par ces différents organismes.
Elle est à la tête de la seule école locale de musique depuis plus de 20 ans. À travers son association « Musique à Mayotte », Cécile Bruckert-Pelourdeau s’engage pour sauvegarder la culture traditionnelle d’une île qui est devenue la sienne.
Rien ne prédestinait cette couturière à diriger l’unique école de musique du 101ème département. Pourtant, en 1998, c’est bien vers Cécile Bruckert-Pelourdeau que se tournent trois familles mahoraises, inquiètes de ne voir aucune formation musicale dispensée sur leur île. Cela faisait déjà presque dix ans que la « mzunguette » avait débarqué à Mayotte, en y suivant son mari recruté par le Centre hospitalier de Mayotte (CHM). Issue d’une famille de musiciens, Cécile connaît bien le quatrième art, qu’elle a joué dès son plus jeune âge. Alors, la mère de famille accepte de relever le défi. En seulement quelques mois, l’école associative « Musique à Mayotte » voit le jour. Vingt-et-un ans plus tard, elle dispense chaque année scolaire quelque 5 544 heures de cours.
Pour mener à bien cette entreprise inédite, Cécile Bruckert-Pelourdeau a dû raccrocher les aiguilles. Formée aux métiers de la mode, elle avait choisi, en arrivant ici, d’enseigner la couture au sein de l’Association pour la promotion de la culture de Mayotte (APCM). Comme une sorte de présage. « Des religieuses de l’est de la France avait monté cette structure », se souvient-elle. « C’est elles qui ont mis en place les premières maternelles et les centres de formation pour les jeunes filles. » Finalement, leur atelier se privatise, les machines sont envoyées à Madagascar. Rien qui ne décourage Cécile : « On a rouvert d’autres ateliers, puis on a fait Ouhayati », raconte-t-elle au gré de ses souvenirs. Pendant presque vingt ans – jusqu’en 2008 –, cette association forme des artisans mahorais dans plusieurs domaines : couture bien-sûr, mais aussi sculpture, peinture, encadrement, etc., avec toujours cette même volonté de préserver le savoir-faire traditionnel qui fait la richesse du patrimoine local.
Contre la fuite des traditions
C’est ce patrimoine immatériel que transmet aujourd’hui l’école Musique à Mayotte à plus de 365 adhérents de trois ans à point d’âge. Au programme : chant, instruments classiques comme la guitare, le violon ou le piano, mais aussi instruments mahorais ancestraux. « Chaque année, sur trois périodes d’un mois, on axe sur les musiques traditionnelles », développe
Cécile Bruckert-Pelourdeau. « On fait venir le directeur de l’académie musicale de Zanzibar, qui connaît les mêmes problématiques que nous : la perte de la pratique et même de la connaissance des instruments traditionnels. »
Pour aller plus loin, Musique à Mayotte a organisé un stage dédié en 2018, dans le cadre du dispositif national « C’est mon patrimoine ! ». Des enfants de cinquième et sixième sont ainsi allés à la rencontre de plusieurs fundi pour apprendre à confectionner eux-mêmes leurs propres instruments locaux comme les masheve, des petites percussions. Reconduite cette année, l’opération permettra cette fois aux apprentis de la première édition de devenir, à leur tour, formateurs auprès des plus jeunes. « Et les plus grands iront à Chiconi où ils rencontreront Colo Assani, artisan-créateur de gabussi ! », ajoute Cécile Bruckert-Pelourdeau. Enfin, début juillet, une quarantaine d’enfants suivront un stage sur les halé halélé à la bibliothèque de Pamandzi, qui abrite les locaux secondaires de l’école de musique. Les jeunes élèves créeront leurs propres contes autour des instruments de Mayotte.
« Certains vont travailler sur l’écriture des textes, d’autres sur l’expression scénique et l’improvisation, ou avec des enseignants de l’école sur la mise en musique des contes », se réjouit Cécile Bruckert-Pelourdeau, qui s’est également engagée en faveur de la formation professionnelle des musiciens intervenants. Avec le collectif Arts Confondus, elle encadrera début juin la venue du directeur du centre dédié de Poitiers, le seul de France à accueillir des musiciens issus de la transmission orale, qui ne savent ni lire ni écrire la musique.
Mon endroit favori
Il y a un endroit que j’adore en Petite-Terre ! C’est la petite plage de sable blanc en contrebas du four à chaux. Il y a toujours des enfants qui y jouent, pendant que les pêcheurs arrivent dans leurs barques, du côté droit. Elle offre une vue qui reflète toute l’immensité du lagon, et en même temps, on peut y voir presque tout le relief de Mayotte du nord jusqu’au sud : le mont Choungui qui pointe, le Bénara, la ville de Mamoudzou et les îlots.
Mon meilleur souvenir à Mayotte
Il n’y en a pas qu’un, mais ils sont tous liés au collectif. Ici, il y a toujours cette force d’être ensemble, de faire ensemble. Parfois je me demande si les Mahorais savent vivre seuls. Peut-être pas ! J’ai plein d’images en tête : les femmes qui dansent le debaa, les hordes de gamins qui courent tous sous les gouttières lorsqu’il pleut, ces gosses qui jouent, préparent des gâteaux, etc. Ici, le collectif prend toute la place et ça nous donne parfois de belles leçons.
Mon œuvre préférée
Je me suis beaucoup occupée de l’artisanat, tout ce qu’on fait avec ses mains est un art. Alors je pense à Conflit, le sculpteur qui a fait ce grand homme en marche sur le rond-point de Dembéni. Malgré sa canne, il vieillit plutôt bien et je trouve qu’il n’y a pas énormément de pièces visuelles de ce genre. Celle-ci n’est faite qu’à base de végétaux, ça décline toute la tradition du tissage et ça va aussi avec la musique. Les masheve, c’est aussi un système de tressage et de tissage.
Ma photo marquante
Depuis le temps, j’en ai des photos ! Mais je me rappelle particulièrement de celle-ci, prise à Sada en 1989. Je venais d’arriver avec mes trois enfants. La plus jeune, Juliette, n’avait même pas un mois quand notre nounou m’a demandé d’emmener dans son village mon bébé pour la nuit. Je n’étais pas rassurée, mais j’ai passé un contrat de confiance avec elle en la voyant insister. Je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit-là ! Le lendemain, je les ai rejointes à Sada. Quand j’y suis arrivée, c’était la fête, l’hystérie autour de Juliette : elle était maquillée, il la faisait danser, mon bout de chou mzungu ! Ensuite avec les habitants, nous avons râpé de la coco et fait des gâteaux. C’était un très beau moment de partage en plein ramadan. Sur la photo, c’est ma fille et sa nounou, dans sa maison.
Ma bonne idée pour Mayotte
Il y a une idée de l’ancien lieutenant de police Chamassi que j’aime beaucoup : plutôt que d’avoir une base militaire à Dzaoudzi, qui est un peu protégée, pourquoi ne pas l’installer à M’tsamboro ? On sait que c’est la porte d’entrée des clandestins, et ce n’est pas deux vedettes rapides qui vont changer la donne. Au lieu de faire de la répression à l’intérieur de l’île, il vaudrait mieux se protéger des arrivées et ça serait moins violent pour tout le monde. Quand on voit la situation aux Comores, je comprends ceux qui veulent venir à Mayotte, mais l’île est en train d’étouffer. Il faut stopper l’hémorragie, pour ensuite pouvoir traiter les symptômes.
Une chorale à M’Gombani
Toute l’année, l’association Musique à Mayotte organise des rencontres et évènements musicaux. Le prochain rendez-vous est donné à la MJC de M’gombani où 100 petits choristes de classes de CM2 viendront chanter mercredi 26 juin à 17h. Une soixantaine d’autres enfants, issus des classes option musique, formeront un orchestre complet
Le 9 mai dernier, le vice-recteur de Mayotte, Stephan Martens, démissionnait officiellement pour des raisons familiales et personnelles. Un départ précipité qui n’a pas permis son remplacement immédiat. Toujours sans chef de file, le ministère de l’Éducation nationale vient de publier une offre d’emploi sur son site.
Le 101ème département toujours sans vice-recteur. Alors qu’il avait été nommé le 22 juin dernier pour succéder à Nathalie Costantini en tant que vice-recteur de l’académie de Mayotte, Stephan Martens a donné sa démission le jeudi 9 mai à la surprise générale. Dans un bref communiqué rédigé sur la page d’accueil de l’académie, Stephan Martens s’est justifié en évoquant des raisons familiales et personnelles. Pourtant, plusieurs personnels et syndicats de l’Éducation nationale auraient d’autres suppositions pour expliquer le départ précipité du vice-recteur. En effet, la demande d’un bateau personnel, d’une piscine et l’hébergement à l’hôtel Caribou impliquant d’important frais pour l’Éducation nationale seraient les principales raisons de son départ.
D’autres évoquent également le déplacement d’une mission de l’inspection générale du ministère, le 26 mars dernier, qui aurait fait part de nombreux dysfonctionnements au sein du vice-rectorat mettant en cause le vice-recteur lui-même. Des accusations qui ont trouvé écho jusque dans les bureaux du ministère. Dans un communiqué du 15 mai, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a ainsi assuré que le départ de Stephan Martens était volontaire et que « la continuité du service public de l’Éducation nationale [serait] pleinement assurée sur ce territoire, grâce à l’investissement des personnels administratifs et enseignants.«
Prendre en compte les « spécificités » du département
Toujours est-il que l’académie est encore à la recherche d’un vice-recteur. Mais peut-être plus pour très longtemps. En effet, le ministère de l’Enseignement supérieur vient de publier une annonce pour une offre d’emploi de « Vice-recteur de Mayotte » sur son site www.fonction-publique.gouv.fr.
Une situation d’autant plus urgente à régler compte tenu de la place prépondérante du système éducatif dans le département. Premier employeur avec 7.646 agents – dont un tiers de contractuels –, premier acteur économique avec 532 millions d’euros de budget et premier investisseur immobilier pour 80 millions d’euros annuel dans le cadre du plan d’avenir, le système éducatif accueille au quotidien une population en perpétuelle augmentation. Une tâche colossale attend donc le successeur de Stephan Martens qui devra, en priorité, suivre l’évolution du vice-rectorat en rectorat de plein exercice au 1er janvier 2020.
En outre, il devra prendre en compte les nombreuses « spécificités » du territoire. Une population particulièrement jeune, avec 52.083 élèves scolarisés dans le premier degré – répartis dans 12 circonscriptions – et 44.907 élèves dans le second degré, le vice-rectorat se caractérise, notamment, par le fait que la langue française, qui est un support des apprentissages, n’est pas la langue maternelle pour une grande part des élèves.
Répondre aux retards structurels
Le vice-rectorat, faute d’une collectivité locale en responsabilité pour le secteur, gère seul le système éducatif pour le second degré. Il construit les établissements, assure leur fonctionnement et leur maintenance. Or, depuis un an, Mayotte est touchée par un essaim de séismes qui fragilise les infrastructures scolaires alors qu’elles sont déjà en nombre insuffisant.
Le nouveau vice-recteur sera donc en première ligne pour développer l’académie de Mayotte qui s’inscrit d’une part dans le cadre des politiques publiques déclinées au sein du plan Mayotte 2025, dans le livre bleu pour l’Outre-mer mais aussi autour du Plan de convergence et du Plan d’avenir pour Mayotte. Il devra répondre aux retards structurels du territoire et à la situation de tension rencontrée au printemps 2018. Le nouveau vice-recteur, qui devra déjà avoir exercé en tant que recteur au cours de sa carrière, sera nommé par arrêté conjoint du ministre chargé de l’Éducation et du ministre chargé de l’Outre-mer.
Ayouba Sarouma a entrepris en 2007 la construction de sa maison à Dembéni. Or, depuis deux ans, les eaux usées du quartier se déversent dans sa cour à cause d’une canalisation bouchée, l’empêchant d’emménager dans sa nouvelle habitation. Sollicité pour intervenir, le SIEAM prétexte un manque de fonds.
En arrivant au 10, lotissement Baobab à Dembéni, une odeur nauséabonde s’échappe de la cour. « C’est invivable !« , peste Ayouba Sarouma, le propriétaire. « Je ne peux accueillir ni ma famille, ni mes amis. Il est impossible de rester plus de cinq minutes dans mon jardin… » Ce calvaire, l’habitant le vit depuis maintenant deux ans, mettant entre parenthèses son rêve de pouvoir occuper avec ses trois enfants et sa femme dans cette demeure, construite depuis plusieurs années mais toujours pas habitable. La raison de ce retard ? « La canalisation principale est bouchée par un poteau électrique qui affaisse le tuyau. De ce fait, les eaux usées n’arrivent pas à se rendre jusqu’à la station d’épuration et se déversent chez moi… Et comme la terre n’absorbe plus rien, il existe un réel risque pour les fondations de ma maison ! »
Malgré de nombreuses sollicitations et plusieurs échanges avec le Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte (SIEAM), la situation ne s’améliore guère au fil des mois. « J’ai envoyé plus de vingt emails à Michel Jousset, le directeur général des services« , insiste-t-il. Un acharnement qui, semble-t-il, fait bouger les lignes puisqu’il note que « de temps en temps, Maore Assainissement Propreté [MAP, ndlr] vient pomper un regard [coffre d’évacuation destiné à évacuer ou récupérer l’eau de pluie, ndlr] mais au bout de dix minutes, c’est déjà de nouveau rempli« . À la louche, il estime à cinquante le nombre d’interventions de la MAP depuis l’apparition de ce problème. Interpellé, le maire de la commune, Ambdi Hamada Jouwaou, s’est même déplacé en personne en fin d’année dernière pour constater les dégâts avec l’un de ses responsables techniques. « C’est un problème de santé publique. Si rien ne change rapidement, la prochaine étape consistera à contacter l’agence régionale de santé« , souligne Ayouba Sarouma.
Même pas 50.000 euros dans les caisses ?
Contacté, le SIEAM, par l’intermédiaire de Michel Jousset, semble pris au dépourvu. En premier lieu, le bras droit du président confie « ne pas être au courant » et se montre agacé « d’être appelé pour ça« … Mais au fil de la conversation, il prend conscience du dossier et tente d’argumenter : « il faut refaire une extension de réseau, mais on n’a pas les budgets. » Le coût prévisionnel de l’opération, d’une durée de deux semaines, se chiffre à « 50.000 euros« . Un montant qui apparaît pourtant comme dérisoire pour une structure de cette envergure. « Ce n’est pas un manque de volonté de notre part. C’est prévu et on le fera. Mais un article ne fera pas avancer les choses plus rapidement. Ça va peut-être se débloquer d’ici deux ou trois semaines« , avance-t-il finalement. Une promesse qu’a déjà entendue Ayouba Sarouma par le passé. La dernière en date remonte à février. Sur la messagerie vocale de son téléphone, le directeur général de services avait alors évoqué que « les travaux commenceraient sous quinze jours« . Surpris par ce qu’il estime être un manque de considération et de réactivité, l’homme s’interpelle : « j’ai vraiment le sentiment que toutes les autorités compétentes s’en moquent. On me prend pour un débile ! » Réponse au début du mois de juin ?
À peine plus d’un an après le début de l’épisode d’essaim de séisme à Mayotte, une importante part du mystère vient d’être levée : les milliers de secousses ressenties seraient liée à l’apparition d’un volcan sous-marin à l’est de l’île.
Du zébu enterré vivant aux forages pétroliers au large des Comores, depuis un an, toutes sortes d’hypothèses plus ou moins crédibles circulent pour tenter d’expliquer les milliers de secousses sismiques ressenties par la population. Les diverses missions scientifiques menées depuis le mois de juin 2018, dont la dernière campagne océanographique MAYOBS réalisée à bord du navire Marion Dufresne, qui vient de rentrer à quai mercredi, ont finalement livré un début d’explication nettement plus tangible, dévoilé à la presse jeudi après-midi en présence du préfet Dominique Sorain. Il s’agit d’ailleurs d’un « éclaircissement majeur » qui « permet de mieux comprendre les séismes constatés sur l’île depuis un an« , selon les termes de la préfecture.
Et pour cause, un volcan sous-marin, situé à 50 kilomètres à l’est de l’île et à 3.500 mètres de profondeur, est en train de naître.
« Une cartographie de 2014 démontre clairement par rapport à la cartographie actuelle récente effectuée par la mission, la naissance d’un volcan« , a confirmé jeudi Nathalie Feuillet, physicienne à l’Institut de physique du Globe, chef de la mission MAYOBS, ajoutant que « dès le mois novembre, l’hypothèse de mouvements de plaques tectoniques fut écarté« . La taille actuelle du nouveau volcan est évaluée à 800 mètres de hauteur avec une base de 4 à 5 kilomètres de diamètre. Le panache de fluides volcaniques – nuage de gaz volcaniques chauds et de téphras, majoritairement des cendres et de la roche – de 2 kilomètres de hauteur n’atteint pas la surface de l’eau. « En outre, les émanations de gaz constatées sur le littoral de Petite-Terre par la population sont, selon la mission, un signe habituel rencontré dans ce type d’activité volcanique et feront l’objet d’études spécifiques« , relaie de son côté la préfecture. Dès le mois de janvier, en effet, des témoignages d’habitants et de pêcheurs faisaient état d’étranges bulles de gaz au large de Petite-Terre pour les premiers et d’importantes quantités de poissons morts flottant à la surface de l’eau à l’est de Mayotte pour les seconds.
Évaluer les risques sismiques, volcaniques et de tsunami
Cette découverte géologique exceptionnelle est le résultat de la mission menée conjointement par la Comité national de la recherche scientifique (CNRS), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’Institut physique du Globe (IPGP), l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), l’Université de La Réunion, l’Institut de physique du Globe de Strasbourg (IGPS), l’Ecole normale supérieure (ENS), le Centre national d’études spatiales (CNES) et le Service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM). Cette mission est venue « ajouter des observations terrestres » à la campagne océanographique du Marion Dufresnes, précise la préfecture. L’objectif de la mission MAYOBS, qui s’achèvera samedi, consistait à récupérer les six sismomètres de fond de mer déployés en mer à l’est de l’île en février dernier. Leurs données vont continuer à être analysées pour préciser la zone active des séismes. Ces instruments ainsi que huit autres micro-sismomètres ont à nouveau été remis à l’eau au plus près de la zone des séismes pour les localiser très finement et comprendre leur origine. Il est également prévu d’acquérir des données de géophysique (bathymétrie, réflectivité sismique très haute résolution) pour imager les fonds océaniques dans la zone où se produisent les séismes.
L’exploitation de toutes les données acquises ces derniers mois « nécessitera des travaux approfondis pour évaluer les risques induits pour Mayotte en matière de risque sismique, risque volcanique et de tsunami« , ajoute la préfecture. Le programme d’étude devrait ainsi être actualisé et renforcé à mesure des nouveaux éléments découverts. Enfin, alors que chaque volcan dispose déjà d’un observatoire dans les outre-mer, Mayotte devrait également avoir le sien, indique Nathalie Feuillet. D’autant plus utile qu’un « volcan qui est en mer est beaucoup plus difficile à surveiller« .
Un plan d’action en cinq axes
En relation avec les élus et les autres acteurs impliqués, le gouvernement a défini un plan d’action qui repose sur cinq axes, à savoir :
» – Compléter dans les meilleurs délais les dispositifs de surveillance et instruments de mesure (tels que les sismographes et les balises GPS) pour suivre en continu le phénomène,
– Compléter, par des missions adaptées, la connaissance scientifique ;
– Procéder immédiatement à une actualisation de la connaissance des risques que présente ce phénomène et les impacts potentiels pour le territoire mahorais, dont les résultats pourront être présentés d’ici trois mois ;
– Renforcer sans attendre le dispositif de planification et de préparation à la gestion de crise. A cet effet, une mission d’appui à la planification de la sécurité civile est dépêchée pour apporter un appui au préfet (actualisation des dispositifs de gestion de crise tels que les plans ORSEC). Elle sera sur place dès ce vendredi 17 mai ;
– Informer régulièrement la population, en lien avec les élus locaux ».
Les nouveaux éléments de connaissance acquis seront partagés au niveau international dans la zone de l’Océan Indien, assure la préfecture de Mayotte.
Un Mahorais d’une quarantaine d’années comparaissait mercredi matin devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou pour plusieurs agressions sexuelles sur mineure de moins de quinze ans. Les faits visés auraient été commis à La Réunion où il résidait entre janvier 2004 et août 2006. Il a été condamné à une peine de prison ferme aménageable.
Doté d’un « bon contact« , « respectueux« , « obséquieux » et « manipulateur« , le prévenu « ne laisse rien paraître et ne lâche rien« . Tels sont les termes des experts psychiatres et psychologues chargés d’analyser la personnalité de M.A, un conseiller principal d’éducation mahorais de quarante ans qui comparaissait ce mercredi devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou pour des faits d’agressions sexuelles répétées sur une mineure de moins de quinze ans.
Prévenant et courtois, l’homme l’est assurément à la barre ce mercredi. Reste qu’il lui est reproché d’avoir, à au moins trois reprises, imposé des relations sexuelles à une jeune fille âgée de 13 ans à l’époque des faits, en l’occurrence, sa demi-sœur. Aujourd’hui âgée de 28 ans, cette dernière n’est pas présente à l’audience et ne s’est pas constituée partie civile. En chemise sombre et mocassins cirés, lui se lève, quasi au garde-à-vous, lorsque retentit la sonnerie qui signale le début de l’audience. Droit comme un I, le quadragénaire écoute religieusement le président lui relater l’ensemble des faits qui lui sont reprochés. D’une voix inaudible, presque aussi fluette que sa carrure est imposante, il choisit de répondre à la cour, mais semble avoir des difficultés face à certaines questions élémentaires. Les faits – qu’il nie – remontent à 2004 et s’étendent sur une période de deux ans. Ils ne seront dénoncés à la gendarmerie qu’en 2010, par la grande sœur, puis par la mère de la victime. À l’époque, c’est de viol, et non d’agression sexuelle dont il est question.
La jeune fille de treize ans, Salimata*, est entendue à son tour et dépose plainte. Elle décrira aux enquêteurs au moins trois viols avec violence dont deux qui seraient survenus au domicile du prévenu. La mère de l’enfant indique de son côté avoir emmené sa fille voir un gynécologue immédiatement après les faits, mais que ce dernier lui aurait déclaré que « tout allait bien » malgré les dires de l’adolescente, qui se plaignait de sévères lésions. Pour autant, aucune trace de cette visite médicale, ni d’aucune autre expertise gynécologique d’ailleurs, ne figure au dossier.
« C’est interdit par la loi »
De ses auditions, il ressort que la jeune fille est allée régulièrement rendre visite au prévenu – à son invitation – alors qu’il résidait avec sa femme et une partie de ses (huit) enfants à Saint-Louis (La Réunion), entre 2004 et 2006. Accompagnée de sa grande sœur de 14 ans et de son petit frère de 8 ans, elle allait passer weekends et vacances chez ce « grand frère qu’elle n’avait jamais eu« , « très gentil, surtout avec moi« , et qui venait d’apparaître dans leur vie. Elle raconte aussi que lors de l’après-midi au parc qui aurait précédé le premier viol, il aurait déclaré aux trois enfants qu’il les aimait « comme un frère, comme un père« . De son côté, le prévenu nie, mais ne parvient pas à expliquer à la cour pourquoi la jeune fille, sa sœur et sa mère, l’accusent. Plus tard, alors que le juge lui demande ce qu’il pense, au-delà de son cas personnel, des agressions sexuelles sur mineurs, il esquive. Après une réponse axée sur la procédure de signalement à suivre, il réessaie, à la demande du magistrat, et se focalise sur la question de la violence. Perdant patience, le juge insiste : « Mais par rapport à la connotation sexuelle des faits qui vous sont reprochés ? Pourquoi c’est spécialement grave ? » La réponse – l’une des rares que le public pourra clairement entendre – est éloquente : « Parce que la loi l’interdit« . Rien sur la dimension morale de l’acte ou sur les traumatismes qu’il cause aux victimes. Malaise dans la salle.
Déjà condamné pour violences
L’autre élément qui ne plaide pas en faveur du prévenu, c’est son casier judiciaire, soulève la substitute du procureur Chloé Chérel. L’homme a déjà été condamné en 2006 à 500 euros d’amende pour violences volontaires, puis à trois mois d’emprisonnement avec sursis pour violences aggravées. Il a notamment été accusé de maltraitances par sa propre fille : des coups de pied ou de ceinturon et des humiliations telles que de demander à une autre de ses filles de se dévêtir. Au-delà des zones d’ombre et des « faiblesses » du dossier, comme l’absence de preuve matérielle, deux éléments viennent affaiblir les dénégations du prévenu : le témoignage d’une infirmière scolaire employée dans le même collège que M.A et qui fait valoir qu’il est dans un « rapport de séduction » avec les jeunes élèves et l’une des expertises psychologiques, qui le décrit comme un « pervers probable« . Sur la base de ces éléments et malgré l’ancienneté des faits, le parquet a requis à son encontre une peine de quatre ans d’emprisonnement avec sursis, dont la moitié en sursis mise à l’épreuve (obligation de soins, interdiction d’être en contact avec la victime et de travailler au contact des mineurs). De son côté, l’avocat du prévenu a essayé de mettre en doute les motivations de la première accusatrice, la grande sœur de Salimata, qui aurait voulu se venger après avoir été empêchée par son demi-frère de fréquenter un garçon. Il s’est également appuyé sur l’absence d’expertise gynécologique au dossier pour demander la relaxe pour son client, et dans le cas où le tribunal déciderait d’entrer en voie de condamnation, l’exclusion d’une mention de celle-ci au casier judiciaire. Cela lui a finalement été refusé, le prévenu se voyant condamner à vingt mois de prison ferme, aménageables par un juge d’application des peines.
Mayotte s’est positionnée pour l’organisation des Jeux des îles de l’océan Indien en 2027 et sa candidature a été jugée recevable par le Conseil international des Jeux. Une formidable opportunité pour construire et rénover des infrastructures sportives, dans le double objectif d’accueillir cet événement régional mais aussi de permettre à la population de jouir d’équipements aux normes internationales.
Une piscine, un stade d’athlétisme et un dojo pour les sports de combat. Voici a minima les équipements sportifs qu’il faudra construire dans l’optique des Jeux des îles de l’océan Indien (JIOI) en 2027, que Mayotte s’est proposée d’accueillir. Aucun équipement sportif de l’île n’étant aux normes pour une compétition internationale, il sera également nécessaire de rénover en profondeur l’existant. En effet, deux disciplines sont obligatoires (natation et athlétisme) et les autres sont au choix (handball, football, basket-ball, tennis, etc.) – l’occasion d’utiliser les nombreux plateaux polyvalents du territoire qui méritent une véritable remise aux normes internationales.
Le dossier que le 101ème département français a déposé chiffre à un peu moins de 100 millions d’euros le montant de cet effort de construction et de rénovation. Mais l’enveloppe totale s’élève à 150 millions puisqu’il faudra également travailler sur le réseau routier, les capacités de prise en charge sanitaire et d’hébergement : l’accueil des 2.000 participants pose particulièrement problème, 1.000 lits seulement étant disponibles sur l’île hippocampe à ce jour.
Un véritable parcours du combattant
Le chemin vers l’acceptation de la candidature de Mayotte ne fut pas sans embûches. Les Comores l’ont évidemment toujours rejetée, arguant que le département n’était pas membre à part entière du Conseil international des jeux. « Faux« , ont contredit les autres pays qui ont validé la candidature de l’île aux parfums. En outre, pour pouvoir se porter candidate à l’accueil des JIOI, l’île au lagon avait besoin de l’aval de l’État. Or, pour 2023, ce dernier avait estimé que le département ne serait pas prêt en termes d’infrastructures. Mais pour 2027, l’île bénéficie non seulement du soutien de l’État mais également du conseil départemental, et compte solliciter les fonds structurels européens (notamment le Feder voire le FSE) sur la prochaine programmation.
Pour Madi Vita, président du Comité régional olympique et sportif (CROS), ces Jeux sont une formidable opportunité de développement car « c’est à travers [ce genre d’évènement] qu’on acquiert les infrastructures« . Le responsable donne un exemple simple : avant 1979 et les premiers JIOI à Saint-Denis, « il n’y avait pas grand-chose à La Réunion, pas même une piscine« . C’est dire si cet évènement, qui se déroule tous les quatre ans et qui réunit sept délégations (les Seychelles, les Comores, Madagascar, Mayotte, La Réunion et les Maldives), constitue une opportunité inespérée de structuration d’un territoire. Ainsi, l’objectif est double : être compétitif face à des îles qui remportent des centaines de médailles lors de ces Jeux en raison d’un taux d’équipement leur permettant de se positionner en haut du podium, comme les Seychelles. Mais également construire et mettre aux normes internationales les infrastructures sportives existantes.
Des lacunes à combler
Car le potentiel existe sur l’île aux parfums : les Mahorais excellent particulièrement dans les sports collectifs (football, handball et surtout basket-ball), certainement grâce à la construction dans les années 80 des premiers plateaux polyvalents, avance Madi Vita. « On n’a jamais pu développer réellement le haut niveau« , regrette-t-il cependant. Ceci en raison d’un manque d’infrastructures, d’une part – le député Mansour Kamardine (LR) a d’ailleurs rappelé dans sa dernière proposition de loi de programme que le taux d’équipement sportif est 20 fois inférieur par jeune de moins de 20 ans à la moyenne nationale. Mais aussi, d’autre part, en raison de l’absence de certains organes comme, encore récemment, le CREPS. L’application tardive de certaines réglementations (le code du sport n’a été applicable à Mayotte qu’à la fin des années 2000, par exemple) a également porté préjudice au département.
Fort heureusement, les choses évoluent. La formation commence à se déployer : par exemple, tous les ans, ce sont 20 diplômés d’un brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (BPJEPS) qui viennent grossir les rangs des animateurs. Autre exemple de l’évolution positive du sport à Mayotte : les femmes, peu représentées dans le sport il n’y a pas si longtemps, combattent petit à petit les préjugés et s’adonnent de plus en plus à une activité physique. « Les femmes qui font du sport sont mal vues, mais c’est de moins en moins vrai« , se réjouit le président du CROS. « C’est affolant comme d’une génération à l’autre, ça va vite« , se rassure-t-il encore. Mayotte saura après les Jeux de 2019 si sa candidature à l’accueil des JIOI de 2027 est retenue ou non.
Les JIOI en 2019
Avant 2027, Mayotte participera aux Jeux des îles de l’océan Indien 2019. La délégation mahoraise se rendra donc sur l’île Maurice du 17 au 30 juillet. Cette compétition présentera 14 disciplines dont l’athlétisme, le basket-ball, le cyclisme, le football, le judo, le rugby, le volley-ball et le tennis de table. Ce sera la quatrième fois que Mayotte participera aux Jeux avec sa propre délégation. L’objectif, cette année, selon Madi Vita : terminer cinquième. L’écart entre les pays ayant un taux d’équipement sportif important, comme les Seychelles et les autres, se calcule « en centaine de médailles« , regrette le président du CROS. Pourtant, en 2015, Mayotte a remporté des médailles « dans à peu près toutes les disciplines où elle a concouru« . Preuve que le potentiel est là.
C’était il y a 52 ans : le 4 février 1967, les chatouilleuses font le siège de l’ORTF pour protester contre le transfert de la chaîne vers Moroni. La situation dégénère et le contexte devient insurrectionnel. Pour la contenir, le 2ème RPIMA, basé à Madagascar, est appelé en renfort le 6 février. Parmi les militaires, l’appelé Jean-Louis Lebigot, alors âgé de 19 ans, qui a rédigé un carnet de bord de sa mission à Mayotte. Un document que nous avons retrouvé et que nous publions en exclusivité.
« Nous sommes arrivés à Dzaoudzi à 8h du matin. En atterrissant, nous voyions cette mer couleur d’émeraude, c’était fantastique » : nous sommes le 6 février 1967, et pour la première fois de sa vie, Jean-Louis Lebigot, un appelé de 19 ans, s’apprête à poser le pied à Mayotte. Deux heures plus tôt, la 2ème compagnie du 2ème régiment de parachutistes d’infanterie de marine (RPIMA), décollait d’Ivato, à Madagascar. « Nous avons été réveillés à 2h du matin, et sommes partis quatre heures plus tard », se rappelle-t-il en précisant : « Initialement, nous devions sauter en parachute sur Dzaoudzi, mais les avions ont finalement pu atterrir, nous débarquer, et repartir pour aller chercher des légionnaires à Diego-Suarez. Une fois arrivés, nous avons fermé l’aéroport, car des manifestants voulaient le prendre pour ne pas que d’autres renforts arrivent, et nous les avons repoussés vers la mer. »
Motif de cette arrivée en urgence : un contexte jugé « insurrectionnel » sur l’île aux parfums, pour reprendre les mots de l’homme, aujourd’hui âgé de 72 ans. La raison de ce climat tendu ? Cinquante-deux ans après, les raisons précises se sont quelque peu effacées de sa mémoire, mais « des allocations avaient été retenues, ou bien Mayotte n’y avait pas eu droit, peut-être. Cela avait provoqué une révolte », croit-il se rappeler sans omettre que « c’est en tout cas ce qu’on nous avait dit, car on ne nous donnait pas trop de renseignements. » Un mouvement d’ordre purement social, donc ? Pas forcément, trop d’évènements déterminants dans la lutte pour Mayotte française se sont en effet déroulés durant ces quelques journées.
Deux jours plus tôt en effet, les Chatouilleuses font le siège de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) : le gouvernement territorial comorien – institution existante à l’époque puisque les trois autres îles des Comores sont alors toujours françaises – a en effet décidé de transférer la radio alors installée à Pamandzi vers Moroni, en Grande Comore, « ce que les Mahorais [considéraient] d’un mauvais œil », rappelle Jean-Louis Lorenzo dans son article Une histoire de la radio à Mayotte*.
Mais la grogne permet aussi de « faire entendre sur les ondes leur protestation contre l’insuffisance des mesures sociales adoptées par le gouvernement local »**. Un fait également souligné par Rémi Carayol dans son ouvrage Histoire de Mayotte 1946-2000***, qui mentionne : « Le 4 février 1967, ces mêmes « chatouilleuses » font le siège de l’ORTF en guise de protestation contre le déficit de mesures sociales et scandent ce qui deviendra le slogan de leur lutte : « Nous voulons rester Français pour être libres ». Encore une fois, la manifestation dégénère. »
Dès le lendemain, le 5 février, et suite à ce blocage, deux députés mahorais de l’Assemblée, Soufou Sabili et Saïd Toumbou, font l’objet d’un mandant d’amener, tout comme d’ailleurs un militant, Silahi Madi, et trois représentantes des femmes, Zéna M’Déré, Zaïna Boinali et Moitsoumou Djaha. Mais les prévenus refusent de se rendre à la gendarmerie et se réfugient au domicile de Souffou Sabili. Furieux, le président du conseil du gouvernement du territoire des Comores, Saïd Mohamed Cheick, les convoque à Moroni afin qu’ils rendent des comptes. Bien que prêts à faire le voyage, les deux élus ne pourront s’y rendre. Les femmes sont en effet opposées à leur départ et font le siège de leur domicile toute la nuit. C’est ici que le témoignage de Jean-Louis Lebigot rejoint l’histoire de Mayotte, puisque le 6 février au matin, les parachutistes arrivent en renfort de Madagascar.
Députés rebelles
Dans le carnet de bord tenu par le jeune militaire lors de sa mission à Mayotte (voir de la page 18 à la page 35), il est en effet mentionné, au sujet de ce 6 février 1967 : « À 11h00 locale, la compagnie est enfin appelée à intervenir au village de « l’Abattoir » (sic) où les députés rebelles se sont réfugiés sous la protection de la population. » L’ambiance est alors très tendue : curieux de ce déploiement de forces aéroportées et inquiets des inhabituels mouvements sur l’île, nombre d’habitants de Grande-Terre tâchent de rallier Labattoir. Avec succès, malgré les tentatives de la Garde comorienne d’empêcher le débarquement des boutres à la jetée de Dzaoudzi. Le militaire, posté au niveau de la digue peu avant l’intervention de sa compagnie au domicile du député, le relate : « On faisait barrage au niveau de la digue, mais les boutres la contournaient. » L’attroupement est estimé à 1 500 personnes par la gendarmerie, dont certaines sont armées, selon divers témoignages de l’époque « de piques, de couteaux, de coupes-coupes (sic), et de pierres. »**** De ce contexte pour le moins tendu, Jean-Louis Lebigot garde un souvenir des plus marquants et des plus difficiles, celui d’une « d’une femme enceinte » à qui un militaire – « il y avait parmi nous des anciens de la guerre d’Algérie » – aurait « mis un coup de baïonnette dans le ventre », provoquant de fait « son accouchement ou son avortement. » Et de conclure sur ce point : « C’est la seule charge que nous avons eue à mener. »
Finalement, « après de longs palabres, les députés rebelles se rendent enfin. Les manifestants tentent de franchir le barrage du PK4, mais en vain. » Effectivement, en accord avec les dirigeants du Mouvement populaire mahorais (MPM), alors en pleine structuration, les députés Soufou Sabili et Saïd Toumbou acceptent de se livrer. Zéna M’Déré et Moitsoumou Djaha, pour leur part, se rendront elles-mêmes aux gendarmes dès le lendemain pour être placées en garde à vue.
Le blocage et ses suites auront de larges répercussions sur l’avenir politique des deux hommes, qui ont finalement rallié la cause de l’unité des Comores, notamment en créant le mouvement des « Serrer la main » : suite à la manifestation, ils sont condamnés à quatre et six mois de prison, et sont déchus de leurs mandats. Un contexte sur lequel revenait Saïd Toumbou quelques mois avant sa mort*** : « Alors qu’on a essayé de calmer les femmes, c’est nous qui avons été jugés coupables. » Et d’évoquer « un coup monté » par Marcel Henry, quelques mois avant les élections législatives : « Il savait très bien qu’on serait députés à vie, or le fait d’être en prison nous empêchait de nous présenter, on devait être remplacés. Il a exploité le transfert de la capitale pour faire croire à la population que nous étions d’accord avec les décisions prises à l’encontre de Mayotte. C’est lui qui a poussé les femmes à se révolter ! Quand Souffou a voulu s’expliquer devant la population, on l’en a empêché. » Vrai ? Faux ? Quoi qu’il en soit, Marcel Henry et le MPM remporteront lesdites élections, première étape politique permettant d’aboutir, à terme, à la départementalisation de Mayotte en 2011.
Surveillance et découverte
Bien qu’ignorant de ces faits liés à la prise de l’ORTF, Jean-Louis se souvient que « les troubles se sont vite arrêtés. La situation a été maitrisée en deux jours, et nous sommes restés trois jours en alerte. Nous avons été postés sur le boulevard des Crabes, que les boutres continuaient à contourner. » Le reste de la mission se déroulera sans encombre, entre patrouilles à la baie de Moya et marches à la Vigie, comme en témoigne le carnet de bord : « Nous devions sauter sur Grande-Terre pour un exercice, mais cela ne s’est finalement pas fait », complète-t-il. Il y aura aussi la rencontre avec les habitants, notamment lorsqu’un pêcheur les dépanne. « Nous n’avions plus rien à manger, c’est le paradoxe de l’armée française », détaille-t-il en poursuivant : « Il nous a fallu manger de la noix de coco pendant deux jours, jusqu’à ce qu’un pêcheur accepte d’amener deux sous-officiers avec lui pour qu’ils prennent du poisson. »
Le 25 février 1967, 19 jours après son arrivée à Dzaoudzi, la 2ème compagnie du 2ème RPIMA quittait Mayotte avec un certain regret, comme en témoignent les mots employés dans les légendes des photos : « paradis », et « douce île. » Plus de cinq décennies plus tard, Jean-Louis Lebigot le confirme : « Mon séjour là-bas a été très bon, entre baignades et quelques rapports avec la population, qui était gentille malgré sa pauvreté. Toutefois, ces contacts demeuraient menus, car il faut se rappeler que nous étions tout de même venus pour maîtriser la situation. »
C’est ensuite à La Réunion que la compagnie sera envoyée pour assurer le bon déroulement des élections législatives, dans un tout autre contexte. À l’issue de son service militaire, notre homme retrouvera la vie civile, où il reprendra son métier de cuisinier. De Mayotte, il n’aura plus que de vagues nouvelles de la part d’un ami et de sa nièce, qui y ont tous deux vécu : « Je crois savoir que l’ambiance a changé, que ce n’est plus comme avant ». Et de finir, enfin, sur un lien étrange : « Il faut aussi ajouter mon grand-oncle qui, avant moi, y avait été en poste avec la Légion étrangère. Cela fait trois générations d’une même famille à être passées par Mayotte. Comme quoi, on a peut-être des liens avec certains endroits sans le savoir. »
Comme chaque année durant le mois de ramadan, il devient difficile de se procurer une bouteille de gaz dans les points de vente de Mayotte. Il n’est pour autant pas question de pénurie à proprement parler, mais seulement d’une inéquation entre fournisseurs, consommateurs et bouteilles consignées. Explications.
Chaque année c’est la même chose, les bouteilles de gaz se font rares dès le début du mois de ramadan. Aussitôt livrées, elles partent comme des petits pains. Les chanceux qui arrivent à temps en profitent pour faire du stock et achètent leurs bouteilles par lots. Ceux qui arrivent trop tard partent à la recherche d’un autre point de vente ravitaillé ou attendent la prochaine livraison. Pourtant, la Somagaz nie toute rupture de stock. Leurs services de livraisons sont bien opérationnels, assurent-ils. Même son de cloche chez Total, qui assure d’ailleurs avoir prévu des réserves supplémentaires en vue du mois sacré. Le fond du problème serait pourtant moins mystérieux qu’il n’y paraît : selon plusieurs sources du secteur, les acheteurs mettraient tout simplement plus de temps à rapporter leurs bouteilles de gaz consignées… qu’à les acheter.
En effet, les bouteilles de gaz, une fois vides, doivent impérativement être restituées aux vendeurs afin de pouvoir être à nouveau remplies par le fournisseur. Par la suite, elle sera de nouveau mise en vente. Un cercle vertueux qui ne peut fonctionner qu’à condition que tous les acteurs de la chaîne se coordonnent. Si les consommateurs stockent leurs bouteilles vides ou oublient de les retourner aux vendeurs, le fournisseurs manquent alors vite de contenants pour assurer un service équilibré. Une inéquation qui se ressent davantage pendant la période du ramadan, où la demande est plus forte.
Total, qui assure 12% du marché du gaz à Mayotte, estime à 210 le nombre de bouteilles de gaz qui ne reviennent pas en point de vente chaque mois. Soit 2.520 bouteilles par an. « En parlant avec les consommateurs, on s’est rendu compte qu’ils avaient chez eux de 3 à 5 bouteilles de gaz« , avance Yasmine Saïd, responsable de la communication chez Total Mayotte. « Peut-être que les clients ont peur des pénuries, comme pendant les périodes de grèves ou de blocages, du coup, ils stockent.Durantle ramadan, on cuisine plus, on a donc plus besoin de gaz et on ressent donc les conséquences de ce manque de bouteilles. » Pour inciter les consommateurs à rapporter leurs bouteilles consignées, Total pense même augmenter les prix des consignes dans les semaines à venir, en les faisant passer de 20 à 28 euros.
Un arrêté préfectoral datant de mardi modifie à partir de ce mercredi les tarifs réglementés des taxis de ville et de brousse. Ainsi, désormais, le montant maximal du taxi-ville sera fixé à 1,60 euro la course et l’ensemble des tarifs pratiqués sera augmenté d’environ 10%. Ceci étant, les artisans taxis restent libres de pratiquer des prix plus bas.
« À compter du 15 mai 2019, les tarifs réglementés des transports urbains et interurbains ainsi que les tarifs spéciaux en taxi à Mayotte (…) sont augmentés de 10%« , peut-on lire sur un arrêté préfectoral daté de ce mardi. Cette décision a été prise après avis de la commission des taxis du département de Mayotte.
Ainsi, à partir de ce mercredi, une course de taxi-ville coûtera 1,60 euros et 2,40 euros la nuit, les dimanches et jours fériés. L’ensemble des autres tarifs réglementés augmentent également d’environ 10% : désormais, pour une course qui coûtait auparavant 4,90 euros, prévoyez 5,40 euros. Cependant, les enfants de moins de deux ans ne paient pas, ceux âgés de deux à dix ans payent demi-tarif et à partir de dix ans, le tarif plein est appliqué. Le transport d’un bagage supplémentaire ou de plus de 20 kilos ajoutera 90 centimes par unité à la facture finale. On apprend aussi à la lecture de cet arrêté que « ces prix réglementés constituent un tarif maximum« . Dès lors, « un tarif inférieur peut être pratiqué par le professionnel« .
Cet arrêté rappelle également les prescriptions en termes d’équipements que les taxis devront mettre en place progressivement dans un délai maximal de deux ans. Ces prescriptions concernent notamment : une couleur unique pour l’ensemble des taxis ; un dispositif répétiteur avec une indication lumineuse (vert ou rouge) informant de la disponibilité du véhicule ; une plaque adhésive d’identification avec un numéro d’autorisation de mise en exploitation ; un dispositif permettant la délivrance automatique de tickets d’entrée et de paiement pour chaque passager et justifiant l’activité du conducteur. « Dans un délai de six mois à compter de la publication du présent arrêté, une grille tarifaire visant à simplifier l’application des tarifs » sur le territoire sera « développée« , promet encore la préfecture de Mayotte.
La présidente de l’association Enfance et Familles d’adoption est en visite à Mayotte depuis le 8 mai pour sensibiliser le public à la parentalité adoptive et former les professionnels confrontés à cette question dans leur pratique quotidienne. Il s’agit aussi de balayer certaines idées reçues, dans un département où l’adoption est, sinon mal vue, encore largement méconnue. Tandis que le nombre de mineurs isolés y défie toutes les statistiques, celui des adoptions ne dépasse jamais la dizaine chaque année.
Mayotte Hebdo : Vous étiez déjà venue à Mayotte en 2017 lors d’une première session de formation sur la parentalité adoptive. Quelle est votre conception du contexte local quant à l’adoption ?
Nathalie Parent : Ce contexte est d’abord marqué par le peu de pupilles sur le territoire, c’est-à-dire le peu d’enfants juridiquement adoptables. Dès lors, l’adoption reste très réduite sur Mayotte. La question, c’est de savoir comment il faut travailler pour que les enfants qui sont des mineurs isolés ici, soient repérés et puissent acquérir le statut de pupille. La déclaration de délaissement [ou d’abandon, préalable indispensable à l’acquisition de ce statut et donc, à l’adoption, ndlr] a été facilitée par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant. Mais faut-il encore qu’on la demande, donc il faut d’abord repérer tous les enfants qui pourraient être concernés. Cela passe par les services sociaux, et peut-être aussi par le biais de la Commission d’étude du statut des enfants qui a été mise en place par la loi du 22 mars 2016 relative à la protection de l’enfance. C’est cette Commission qui va, tous les six mois pour des enfants de moins de deux ans, et tous les tous les ans pour des enfants plus âgés, examiner si le statut du mineur correspond toujours à la réalité de ce qu’il vit. Et si ce n’est pas le cas, il fera évoluer ce statut. Ils pourront se poser la question pour des enfants qui n’ont plus aucun contact avec leurs parents ou même avec leur famille élargie. Je ne sais pas si la Commission Statut a d’ores et déjà été mise en place ici, mais ça permet d’offrir des regards multiples sur les situations. Cela regroupe toutes les personnes qui interviennent autour de l’enfant (instituteurs, psychologues, médecins, Aide sociale à l’enfance, etc.). Auparavant, seuls les référents de l’enfant et le travailleur social pouvaient demander une modification de statut. Aujourd’hui il y a ce qu’on appelle le « projet pour l’enfant » qui doit être réalisé par l’aide sociale à l’enfance (Ase) pour les enfants qui lui sont confiés, projet qui doit prendre la globalité de ce que vit l’enfant, aussi bien son état de santé, son état psychique, ses résultats scolaires, son comportement, ses loisirs, la manière dont il vit, les contacts qu’il a encore avec sa famille biologique et élargie, etc. C’est une globalité.
« L’adoption, c’est faire filiation »
MH : Comment définiriez-vous l’adoption et ce fameux statut de « pupille de l’État » qui permet d’y parvenir ?
NP : L’adoption, ça consiste à donner une famille à un enfant qui n’en n’a plus. Il ne s’agit surtout pas de faire en sorte que tous les enfants isolés deviennent pupilles pour être adoptables, ce n’est pas du tout le but. Il n’est pas question de créer des enfants pupilles quand ça ne doit pas être leur projet et quand ça ne correspond pas à leur réalité. Ce statut – la loi est assez claire là-dessus – ce sont vraiment des enfants pour lesquels il n’y a plus d’adulte qui ont d’autorité parentale, de fait, ou de droit. De droit parce qu’ils sont les parents ou de fait parce qu’ils se comportent comme des parents et dans ces cas-là, ils ont une autorité, même si elle n’est pas juridiquement établie. Ça peut être le cas dans la pratique de l’adoption informelle qui existe ici. Le statut de pupille de l’État est le plus protecteur pour un enfant qui n’a plus personne, parce que derrière, vous avez un tuteur qui est le préfet ou son mandataire, et un conseil de famille. Si on a ce statut-là et que l’on peut bénéficier d’un projet d’adoption, ça signifie qu’on peut avoir une famille. Après, il faut dire aussi qu’on peut être juridiquement adoptable, sans toutefois l’être au niveau psychologique. Il faut alors faire ce qu’on appelle un bilan d’adoptabilité. Cela consiste à se demander, au moment où l’on s’interroge pour savoir si un projet d’adoption pourrait être envisageable pour un enfant : « Est-ce que dans sa tête, il est capable de rentrer dans un nouveau lien de filiation ? » C’est ça l’enjeu. S’il n’est pas capable, s’il ne veut pas, s’il refuse, il faut entendre sa parole et lui proposer un autre projet.
MH : À Mayotte, l’adoption est très peu répandue et assez méconnue, alors même qu’il existe beaucoup d’enfants en détresse ou en errance. Comment expliquer ce paradoxe ?
NP : C’est une question un peu particulière ici. Il y a quand même toute la tradition de prise en charge des enfants sans qu’il y ait forcément de l’adoption au sens où nous, nous l’entendons en métropole. Il y a donc ici beaucoup d’adoptions informelles, du fait de la prise en charge par la famille élargie, voire très élargie, des enfants. Et c’est assez paradoxal car vous avez sur Mayotte énormément d’enfants qui arrivent seuls sur le territoire mais qui ne sont pas pupilles de l’État, qui n’ont pas ce statut, et qui ne peuvent donc pas être adoptés. Les enfants adoptés ont souvent des parents biologiques, et les orphelins au sens strict sont finalement assez rares. Sur la question de la parentalité adoptive, je pense qu’il faut d’abord de l’information. Mayotte n’est pas département français depuis si longtemps que ça. En outre, il y a énormément de personnes d’origine comorienne, or, les Comores interdisent l’adoption. Dans le droit musulman, il n’y a pas d’adoption mais la pratique de la kafala*. Il y a aussi ces arrivées d’enfants en kwassa-kwassa, qui sont isolés mais pas forcément abandonnés. Il faut que la population apprenne l’existence de cette possibilité de l’adoption. Elle ne doit pas être brandie comme la meilleure – parce que ce n’est pas forcément la meilleure – mais c’est une possibilité. Par exemple, quand on n’est pas en capacité de garder son enfant ou que les délais pour une IVG [Interruption volontaire de grossesse, ndlr] sont dépassés, ou que cela va à l’encontre des croyances ou des principes de la jeune femme enceinte. Le fait de confier son enfant à l’adoption est peut-être plus audible pour elle que l’IVG, mais encore faut-il qu’elle sache que c’est possible. Cela implique de former les professionnels concernés et d’en parler. Le film que nous allons diffuser samedi soir – Pupille, de Jeanne Herry, ndlr – y participe aussi. Il montre bien la situation de cette mère qui ne peut pas garder son enfant, qui accouche sous le secret, et le parcours de son enfant. Comment, au bout de trois mois, il a une nouvelle maman. Et c’est assez extraordinaire parce que c’est exactement comme ça que ça se passe. Plus on fera passer ce genre de choses et plus on pourra montrer que tout ça, ça ne sert pas à faire du trafic d’organes, que les parents adoptifs ne sont pas des pervers en puissance, etc., et à se défaire de certaines idées reçues qui circulent d’ailleurs dans de nombreux pays.
MH : Désir d’enfant et besoins de l’enfant sont-ils toujours compatibles ?
NP : Pour adopter, il faut un désir d’enfant, c’est quand même la base ! Vouloir être parent, c’est le point de départ. Après, il faut réussir à passer de l’enfant rêvé, l’enfant idéal, à l’enfant réel, l’enfant qui attend, et qui n’est pas forcément celui qu’on avait imaginé au départ. Tout ça, c’est un chemin, et ça demande systématiquement de partir des besoins de l’enfant pour trouver le projet parental qui va lui correspondre, et non pas du projet parental ou de la volonté des adoptants pour aller chercher l’enfant. On cherche des parents qui ont un projet qui va pouvoir correspondre à ses besoins. Même un bébé né sous le secret a des besoins particuliers : ce n’est pas une page blanche. Cette femme qui l’a mis au monde, comment a-t-elle vécu sa grossesse, y a-t-il eu un déni ? A-t-elle été correctement suivie ? A-t-elle eu une attitude qui était celle d’une femme enceinte : ne pas boire d’alcool, ne pas fumer, ne pas se droguer, etc. ? A-t-elle subi des violences ? Est-ce que sa relation était consentie ou l’enfant a-t-il été conçu lors d’un viol, d’un inceste ou d’une relation non consentie, d’une relation sans lendemain, d’un « coup d’un soir » ? Cette jeune femme ou fille a-t-elle eu la drogue du violeur, a-t-elle été mise à la porte ? Tout cela, ça a son importance. Les besoins de l’enfant changent en fonction de chaque situation. Si vous êtes né, et que la mère ne s’est rendu compte de sa grossesse qu’à quatre mois, comment elle le vit ? Quels vont être les sentiments de cette femme par rapport à cet enfant ? On sait très bien aujourd’hui que tout ce qui se passe in utero a des répercussions par la suite. En fonction de tout ce qu’elle pourra laisser comme informations, cela aidera à construire le projet de l’enfant. Plus il y aura d’informations, plus on pourra faire un projet au plus près de ses besoins.
MH : On dit souvent que la procédure d’adoption relève du « parcours du combattant » pour les candidats, qu’en pensez-vous ?
NP : C’est une réalité, bien sûr. Moi je n’aime pas trop l’expression car je pense que ce « parcours du combattant », c’est plutôt l’enfant qui le subit. Les enfants adoptés ont des histoires telles qu’il est rare que des adultes aient un passé aussi compliqué et aussi potentiellement traumatique. Mais oui, aujourd’hui l’adoption, c’est très compliqué. Parce qu’il y a énormément d’agrément** en cours de validité. Il doit y en avoir environ 13 000 en 2017 en France pour 1500 adoptions (nationales et internationales confondues). Ça veut dire qu’en effet, il y aura un certain nombre de personnes qui ne pourront pas aboutir dans leur projet. L’autre raison de cette difficulté, c’est qu’il n’y a toujours pas en France de préparation, de sensibilisation à la parentalité adoptive, ce qui pourtant existe dans tous les autres pays, ce qui explique que les gens se lancent dans des projets qui sont difficilement réalisables car ils ne correspondent pas aux besoins des enfants qui sont en attente. Plus on est informés de la réalité de l’adoption – qui sont ces enfants ? Quels sont leurs besoins ? – et plus on peut préparer son projet ou décider de l’abandonner.
MH : Les chiffres de l’adoption en France, d’ailleurs, sont en baisse ?
NP : Ça a énormément baissé. En 2005, il devait y avoir 28 000 agréments en cours de validité, en 2017 il n’y en avait plus que 13 000. En 2005, il y avait, rien qu’à l’international, 6 000 enfants qui sont arrivés, et ce chiffre est passé à 615 en 2018. C’est dû notamment à un certain nombre de pays d’origine des enfants où le niveau de vie s’est élevé, des modifications des mentalités avec un développement de l’adoption nationale, suite à la ratification de la Convention de La Haye (en 1993, ndlr). Il y a aujourd’hui un développement de l’adoption nationale avec l’application du principe de subsidiarité, c’est-à-dire que d’abord on essaie de maintenir l’enfant dans sa famille, ensuite dans sa famille élargie, ensuite on privilégie l’adoption nationale, puis l’adoption internationale, qui est le dernier recours. Et puis, il y a un côté un peu pervers qui s’est développé avec ce système : il y a un certain nombre de pays qui n’ont pas pu véritablement mettre en place l’adoption nationale pour répondre aux besoins des enfants, mais qui du coup, parce qu’ils ont ratifié la convention de La Haye, ne laissent plus sortir les enfants en bonne santé de leur territoire. Donc ces enfants ne sont plus adoptables au niveau national et ils ne sont plus proposés à l’adoption internationale, et quand ils les proposent, c’est trop tard, ils ont déjà passé cinq ou six ans dans des institutions. D’autres pays, en revanche ne proposent plus d’adoption internationale.
MH : L’adoption est-elle un acte militant ?
NP : L’adoption ce n’est pas de l’humanitaire, l’adoption, ce n’est pas être écolo, l’adoption ce n’est pas du militantisme. L’adoption, c’est « faire filiation » : c’est considérer un enfant qu’on n’a pas fait comme le sien. Bien évidemment, il y a un peu ce côté-là, oui. Mais ça ne doit certainement pas être la première motivation pour adopter, parce que dans ce cas, qu’est-ce qu’on fait porter au gosse, qu’est-ce qu’on lui fait porter en dette ? Ce sont par exemple ces parents adoptifs qui vont dire à leur enfant : « Tu vois, j’aurais pu [avoir un enfant naturel ndlr] mais j’ai fait le choix de t’adopter, et aujourd’hui je le regrette parce que tu as vu comment tu te comportes ? » Il ne doit jamais y avoir de dette dans l’adoption. L’enfant, il n’a rien demandé à personne, et il n’a surtout pas demandé à être abandonné. Il a déjà subi pas mal, et nous, on est là, avec notre désir d’enfant, mais on ne choisit pas l’enfant. Et surtout, on ne lui fait pas porter ce qu’il va devenir, on l’accompagne et on en fait le sien. On ne vient pas lui dire, « Je suis allé(e) te sauver à l’autre bout du monde, je t’ai sauvé(e) de la misère, ou de la maltraitance, tu devrais être reconnaissant » C’est comme quand les gens vous disent : « C’est bien ce que tu fais ». Non, on n’est pas là pour faire du bien. L’adoption n’est pas une bonne action. C’est un projet personnel propre à chacun et il ne faut pas le faire porter à l’enfant.n
*En droit musulman, la Kafala est une procédure d’adoption qui interdit l’adoption plénière (qui substitue le lien de filiation adoptif au lien biologique) et qui s’apparente plus à une forme de tutelle.
** L’agrément est l’autorisation légale pour adopter. Valable cinq ans sur tout le territoire national, elle ne constitue pas pour autant un « droit à l’enfant » automatique.
L’armement obligatoire des policiers municipaux est un débat qui agite la classe politique française depuis de nombreuses années. Hormis Lille et Bordeaux, la majorité des grandes villes françaises ont déjà décidé d’armer leurs policiers. Le maire de Mamoudzou, Mohamed Majani, a franchi le pas. Une première sur l’île pour dix d’entre eux, qui ont suivis une formation de 45 heures.
« Les auteurs de faits graves osent plus quand ils savent que nous ne sommes pas armés« , affirme Anfane M’Dogo, directeur de la police municipale de Mamoudzou. En 2012, déjà, Nicolas Sarkozy avait fait de l’armement des policiers municipaux un engagement de campagne. François Hollande, lui, était contre. Depuis, de nombreuses grandes villes métropolitaines ont décidé de s’y mettre. Pour autant, le sujet déclenche toujours de vifs débats parmi la classe politique et chez les élus locaux. Mohamed Majani, maire de Mamoudzou, pris la décision d’armer ses agents. Aussi, 10 des 38 agents de la police municipale de Mamoudzou viennent-ils d’être formés à l’usage du pistolet semi-automatique.
Une première sur l’île aux parfums qui permettra aux policiers d’être plus en sécurité lors de leurs interventions, selon Anfane M’Dogo. « Nous exerçons des missions que nous pouvons qualifier de régaliennes. Nous avons déjà eu des blessés dans nos différentes interventions. C’est une question d’assurance pour nous« .
De nouvelles formations fin juin
Une formation de 45 heures afin d’apprendre le maniement de l’arme a été dispensée après deux jours de théorie sur le code de la sécurité intérieure et notamment les conditions d’usage de l’arme, prévu uniquement en cas de légitime défense. « Nous avons souvent demandé à être armés. Tous les évènements qui se sont passés depuis quelques années à Mamoudzou nous donnent raison. Jusqu’à maintenant, nous n’allions pas dans certains endroits le soir par peur de nous faire attaquer. Aujourd’hui, ce sont des choses révolues« , assure encore le directeur.
Pour le moment, seuls dix pistolets semi-automatiques ont été affectés à la police de Mamoudzou en raison du coût des armes et des munitions correspondantes. « Les agents déjà formés ont été choisis en fonction de leur grade. Ce sont des chefs de groupe ou des responsables. Ils ont été largement au-dessus de la moyenne lors de la formation« , se félicite le directeur. Les formateurs, Bernard Mussard et David Charlot, qui ont aussi assuré une session en avril 2018 sur les Lanceurs de Flash-Ball (LBD), reviendront fin juin pour continuer les formations aux 28 agents restant de la police municipale de Mamoudzou. « Nous allons commander d’autres armes et munitions pour le reste de la brigade. Le maire souhaite ainsi armer tous ces agents municipaux mais ce n’est pas lui qui prend la décision. Il faut tout d’abord que tous les policiers valident leur formation« . Pour conserver leur certification, les policiers municipaux devront réaliser deux séances de trois heures de tirs de 50 cartouches minimum dans l’année.
Des brigades motorisées et canines ont également été créées en 2018 afin de lutter contre la délinquance sur le territoire. Un an après leur mise en œuvre, le directeur de la police municipale se dit « satisfait » du rendement de ces brigades. « Il n’y a rien à dire, le travail est fait correctement et nous voyons une nette amélioration de nos services« , assure-t-il.
Les policiers armés deviennent-ils des cibles ?
Plus en sécurité armés ? Le Syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM) l’affirme également sur son site, où l’on peut lire que les policiers municipaux « sont très généralement les primo-intervenants sur tout type d’événement. Dans une société de plus en plus violente, les fonctionnaires de police municipale, force de voie publique, confrontés à tous les maux de cette dernière, n’ont parfois pour se défendre et protéger le citoyen que leurs mains« .
Pourtant, pour d’autres, cette mesure serait inefficace, voire contre-productive. C’est notamment l’avis de la maire socialiste de Lille, Martine Aubry, qui estime que le port d’une arme augmente les risques pour les agents. « Je ne veux pas que des policiers, face à des bandes, soient des cibles« , avait-elle expliqué en 2017. Un argument que réfute Anfane M’Dogo. « Le policier est une cible tout le temps, qu’il soit armé ou non. Rien que de porter la tenue fait de nous des cibles. Armés ou non, les policiers sont plus vulnérables que les autres à des agressions. Cette mesure pourrait nous sauver la vie à l’avenir« , espère-t-il.
Les attentats de 2015 : un élément déclencheur
Pour comprendre la genèse du projet d’armer les policiers municipaux, il faut remonter à 2015 et à la vague d’attentat qu’avait subie la France, conduisant plusieurs maires à changer d’avis sur la question. En effet, e, janvier de cette même année, la policière municipale de Montrouge Clarissa Jean-Philippe mourrait sous les balles du terroriste Amedy Coulibaly, également auteur de la prise d’otages de l’Hypercasher de Vincennes. Le 14 juillet 2016, des agents municipaux s’étaient également retrouvés en première ligne sur la promenade des Anglais lors de l’attentat terroriste de Nice. Dès janvier, Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, avait alors promis aux maires qu’ils pourraient « puiser dans les stocks de la police nationale » pour fournir leur police municipale en armes. Selon le président du Syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM), Cédric Michel, entre 2009 et 2015, le nombre d’agents ayant suivi une formation à l’armement a augmenté de 183%. « Il y avait 21.636 policiers municipaux dotés d’armes à feu sur l’ensemble du territoire en 2016, soit 3 % de plus qu’en 2015 (20 996) et 11 % de plus qu’en 2012 (19 479)« , d’après le ministère de l’intérieur.
Les transports aériens et maritimes de produits alimentaires représentent des coûts élevés pour la grande distribution. Des montants qui se répercutent automatiquement sur les prix affichés en rayon. Pour réduire la cherté de la vie à Mayotte, plusieurs pistes sont sur la table, comme le développement du port de Longoni et la mise en concurrence d’Air Austral.
Le constat est sans appel : le port de Longoni n’est tout simplement pas équipé pour accueillir de porte-conteneurs. La grande distribution à Mayotte doit s’organiser en conséquence et trouver des alternatives afin de remplir les linéaires. Aujourd’hui, seules deux entreprises desservent Mayotte, la Compagnie maritime d’affrètement – Compagnie générale maritime (CMA-CGM) et la Mediterranean Shipping Company (MSC). La première assure à elle seule 80 % du trafic mahorais, contre 20% pour la seconde. En partant de l’Europe et en passant par Jebel Ali, aux Émirats Arabes Unis, la société française emprunte la ligne Noura, dans un délai de livraison qui oscille entre 30 et 35 jours.
Néanmoins, ces derniers temps, cette durée tend à se rapprocher des 40 jours, en raison notamment « de la révision des navires« , souligne Vincent Lietar, directeur « développement et infrastructures » chez Mayotte Channel Gateway (MCG), délégataire de service public du port de Longoni. Avec la société italienne, un passage obligatoire se fait par l’île Maurice, où les cargaisons à destination de l’île aux parfums sont ensuite envoyées par feeder (un navire de petit tonnage). Seulement, » il faut rajouter une quinzaine de jours pour faire la boucle de l’océan Indien« , confie, sous couvert d’anonymat, un employé de la grande distribution à Mayotte. « Quand on commande, on ne sait jamais quand ça va arriver. »Conséquence : le temps d’expédition varie entre 45 et 50 jours.
Quai flottant, extension de la zone de stockage et piste longue
Mais la période d’acheminement n’est pas le seul problème. La somme à débourser pour décharger les conteneurs entre également en ligne de compte. « 150 euros par Manu-Port contre 450 euros par la Smart en 2015-2016… C’était le jeu de la concurrence, mais le conseil départemental a demandé que les prix soient rehaussés pour ne pas causer de tort au manutentionnaire historique. » Sur ce point, la collectivité dément formellement ces rumeurs. « Je sais qu’il y avait une différence de prix mais je ne pourrais vous dire de quel ordre. Une chose est sûre, le Département n’a jamais exercé une quelconque pression« , insiste Bourouhane Alloui, élu territorial et président du conseil portuaire cette année-là.
En tant que présidente de MCG, Ida Nel souhaite développer le port pour y accueillir les cargos en bonne et due forme, « mais cette saga juridique entre la Smart et Manu-Port semblent freiner les investissements« , dévoile cette même source anonyme. Un « chiffonnage pénalisant « , affirme pour sa part Vincent Lietar, de MCG. Pourtant, les idées ne manquent pas pour faire évoluer la situation, comme l’installation d’un quai flottant de 90 mètres de long, l’achat de deux nouvelles grues ou encore l’augmentation de cinq hectares de la zone de stockage. Si ces projets pouvaient aboutir, ils permettraient de diminuer le temps de transport entre l’Hexagone et l’île aux parfums. « L’impact significatif serait d’avoir des produits frais [dont la date limite de consommation est de 30 ou 40 jours, ndlr] à des prix réduits. On ne serait plus obligés de vendre des yaourts à 8 euros« , commente de son côté l’employé de la grande distribution.
Actuellement, les denrées périssables disponibles dans les rayons sont amenées par voie aérienne. Et sur ce point aussi, le monopole d’Air Austral joue en défaveur du consommateur mahorais. « Le prix au kilo du fret s’élève à 10 euros alors qu’il était de 5 euros avec Corsair« , explique-t-il. Toutefois, selon un importateur mahorais, le montant se rapprocherait plutôt des 5 ou 6 euros chez la compagnie réunionnaise. Des tarifs élevés que la construction d’une piste longue et l’arrivée d’une véritable concurrence dans le ciel mahorais contribueraient à faire baisser, selon les différents protagonistes interrogés.
Écharpe autour du cou et sourires aux lèvres, ce n’est pas les miss qui manquent à Mayotte ! Sur l’île, il existe une petite dizaine de concours de beauté qui gravitent autour des deux incontournables concours nationaux, Miss France et miss prestige. Si chacun a ses spécificités, tous sont des modes d’affirmation pour les mahorais, leur île ou leur culture.
En janvier dernier, Jane Jaquin lance son émission web « Jane & Vous ». À l’écran, elle est entourée de huit personnes avec une écharpe en bandoulière : Miss Mayotte, Miss Salouva, Miss Handicap, Miss Nord, Miss Sportive, Ambassadeur Mayotte et Mister National. « La famille des Miss et des Mister de Mayotte », comme elle l’appelle, presque au complet. Si la superficialité des concours de beauté est souvent pointée du doigt, à Mayotte ils représentent des enjeux bien plus complexes. En effet, en quelques mois, les concours s’enchaînent et tous sont suivis de très près. Chaque année, des centaines, voire des milliers de Mahorais votent pour élire les plus belles filles de l’île. Alors, que représentent-ils vraiment ?
Les ambassadrices de l’île
Tissianti Madi a 20 ans. Entre ses mains, elle tient précieusement une couronne ornée de pierres pailletées. Quand elle marche dans les rues de Mamoudzou, des petites filles aux yeux pétillants chuchotent en la regardant. Elle est étudiante en licence professionnelle de Développement de projets de territoires au CUFR de Mayotte, mais également Miss Salouva 2018. Ce titre, elle l’a obtenu grâce au concours de beauté éponyme et 100% mahorais créé en 2009. Avec un sourire timide, elle se confie : grâce à ce concours, elle n’a pas seulement gagné un titre, mais surtout de la confiance en elle. Porter une écharpe de Miss, c’est apprendre à s’aimer, mais aussi s’affirmer. Camille Couvert, sociologue spécialisée dans les pratiques esthétiques et les concours de beauté, remarque une influence des courants féministes au sein des concours de beauté. Elle dénote « une volonté très claire d’être autonome ».
L’une des pionnières de l’île en concours de beauté, Mariame Hassani, Miss Mayotte 2000, est aujourd’hui directrice d’école. Et pour elle, c’est une évidence : son expérience de Miss « a contribué à la femme qu'[elle est] à présent ». Après son élection et de retour à Mayotte, Mariame a justement décidé de profiter de son statut pour agir. « Je voyais beaucoup de jeunes qui erraient dans les rues. Je me suis demandée : qu’est-ce que je peux faire en tant que Miss pour ces jeunes ? » Elle créé alors Mister Ambassadeur, le concours « pour le plus bel homme de Mayotte ». « Ce n’est certainement pas la solution miracle, mais ça peut être une solution, explique-t-elle modestement. Ce genre d’expérience leur permet par la suite une meilleure insertion socioprofessionnelle. Ça leur offre également une crédibilité qui les suit à vie. » Elle se remémore son élection d’il y a bientôt dix ans. Parmi les rencontres et les beaux souvenirs, l’ancienne Miss se rappelle avoir pris conscience de quelque chose d’encore plus grand. Sous le feu des projecteurs, elle s’aperçoit en effet qu’elle n’est pas seulement Miss, mais aussi l’ambassadrice de son île et de ses habitants. « Je mettais en avant la jeunesse mahoraise. J’étais le porte-parole de la femme mahoraise », affirme-t-elle encore fièrement aujourd’hui.
Si les élections de Miss donnent bien naissance à un porte-parole, elles peuvent également dresser le portrait d’un modèle de référence. Aux yeux de Myriam Cassim, la Miss Prestige 2018 qui a réussi à hisser pour la première fois Mayotte à la seconde marche d’un concours de beauté national, il existe un « problème identitaire à Mayotte » : « Les Mahorais sont à la jonction de plusieurs identités, notamment française et africaine. Ce trouble se ressent davantage en tant que femme, avec l’absence de réel récit identitaire féminin. » La Miss se rappelle ainsi de l’un de ses cours d’histoire sur la Résistance où « seulement des femmes blanches étaient citées ». Elle avait alors levé la main pour demander pourquoi Joséphine Baker (artiste française d’origine afro-américaine, résistante pendant la Seconde Guerre mondiale et activiste contre le racisme aux États-Unis, ndrl) n’était pas évoquée. « On oublie trop souvent les femmes noires, s’exclame-t-elle. Particulièrement à Mayotte. On manque de modèle quand on se construit. On n’a pas de tribune qui porte les femmes qui font pourtant tant pour l’île. » En tant que Miss, elle souhaite donc essayer d’incarner ce modèle manquant. Sur les réseaux sociaux, près de 4 000 personnes sur Facebook et 7 000 sur Instagram suivent ses publications. Une vitrine, mais surtout un moyen simple de communiquer. « Beaucoup de jeunes filles qui me suivent en ligne me posent des questions. Je parle avec elles. Je veux être leur soutien moral, je veux leur donner de l’ambition et leur transmettre de l’énergie, raconte Myriam. Je veux qu’elles se disent : cette fille est comme moi et je veux, je peux faire comme elle », poursuit-elle avec conviction.
Frank Servel, le délégué régional et représentant Miss France à Mayotte abonde dans ce sens : « La Miss élue est une beauté, mais aussi une ambassadrice. » Les concours de beauté sont parallèlement un mode d’expression. « Le but est de faire parler de Mayotte. Quand une fille avec une écharpe « Miss Mayotte » autour du cou défile devant des milliers de spectateurs, ça marque forcément ! », explique-t-il en parlant de ses Miss, qui sont « l’image de Mayotte en métropole. » En 2019, l’élection de Miss France a été suivie par plus de 7,4 millions de téléspectateurs sur TF1. Durant son élection, Mariame Hassani se rappelle avoir été étonnée par la méconnaissance de Mayotte en métropole, et de l’impact que pouvaient avoir ces élections. « J’ai compris que ce n’était pas seulement un concours de beauté, mais une véritable vitrine pour l’île. » Les quelques minutes de défilés, chorégraphies et interviews télévisés peuvent alors représenter beaucoup « pour une petite île comme la nôtre » s’accorde à dire la première Miss de Mayotte.
« Montrer la France qu’on ne connait pas »
Les concours de beauté sont l’occasion de porter une visibilité sur l’île au lagon, mais aussi de témoigner de la pluralité de la France. Myriam, Miss Prestige 2018, voulait justement représenter la facette mahoraise de la culture française, « la France qu’on ne connait pas, celle sous les palmiers avec ses 32° à l’ombre ». « La diversité ethnique reste minime dans les concours régionaux de métropole, mais il arrive que les concours de beauté deviennent des espaces où on a une représentation de la diversité, notamment avec les outre-mer », atteste le sociologue Camille Couvert. Frank Servel se réjouit justement qu’il y est « chaque année de plus en plus de filles des outre-mer dans les Tops 5 » des concours nationaux.
Effectivement, sur les cinq dernières années, deux Miss d’outre-mer ont été élues Miss France : Alicia Aylies, Miss Guyane en 2017, et Vaimalama Chaves, Miss Tahiti, l’année dernière. En 2019, les candidates d’outre-mer ont d’ailleurs décroché trois places dans le Top 5 final. Les Ultramarines sont souvent présentées comme une famille, un ensemble de huit jeunes femmes qui regroupe Miss Guadeloupe, Miss Martinique, Miss Tahiti, Miss Nouvelle-Calédonie, Miss Guyane, Miss Réunion, Miss Saint Martin-Saint Barthélémy et Miss Mayotte.
Ces jeunes filles renvoient à l’imaginaire commun des « femmes des îles », exotiques et érotiques. Une image qui trouve ses origines dans la littérature coloniale, écrite à travers les yeux des Européens, explique Laura Schuft, sociologue et auteure de Les Concours de beauté à Tahiti. La fabrication médiatisée d’appartenances territoriale, ethnique et de genre. « Dans de nombreux territoires des anciennes colonies, on attribue le lieu à la femme, elle devient sa métaphore. » Lors des concours de beauté, on assiste alors souvent à une mise en scène (simplifiée) des lieux à travers le corps des femmes. Une forme de beauté culturelle qui devient un véritable élément marketing selon la sociologue : « On valorise le territoire à travers les corps de ces femmes. Elles deviennent presque un élément touristique pour vendre l’attractivité territoriale. » On attend alors des Miss mahoraises qu’elles soient le miroir de leur île. Ludy Langlade, la Miss Mayotte 2014, s’est d’ailleurs retrouvée au coeur d’une polémique, quelques heures seulement après son élection. En cause : elle n’était « pas assez Mahoraise » aux yeux de certains. La jeune fille métissée qui était installée à Mayotte depuis quelques mois, a dû subir les acharnements des internautes qui criaient à la tromperie.
Une autre beauté est possible
Le comité de Miss Salouva n’attend pas de ses Miss qu’elles représentent l’île grâce à leur physique, mais grâce à leur capacité à porter les valeurs de la femme mahoraise. En 2011, deux métropolitaines de passage à Mayotte ont même concouru. « Elles ont réussi à apprendre et à vendre les valeurs de Mayotte. Elles ont été très soutenues. » se rappelle Charfati Hanafi, présidente du concours. Enveloppée dans un salouva aux couleurs chaudes, cette amoureuse de la tenue traditionnelle mahoraise a décidé de donner naissance au concours suite au triste constat que le salouva ne se portait plus, ou peu. « De nos jours, on le porte le vendredi, lors de grands évènements et festivités, ou quand on n’a plus rien dans nos armoires, relate-t-elle. On doit le faire perdurer et évoluer avec son temps. » Pour Charfati comme pour beaucoup d’autres, le salouva a une symbolique forte, car « c’est la tenue portée par les aînées, les mères et grands-mères ». Une tradition qui mérite d’être mise sur le devant de la scène, selon elle. Camille Couvert, sociologue spécialisée dans les concours de beauté, explique que selon le type de concours, les attentes ne sont pas les mêmes. « Parfois, on neutralise les attentes esthétiques pour mettre en avant la tradition ou des exigences culturelles, plus ou moins importantes selon l’ancrage territorial. »
Dans ce concours, « pas de tenue de sport, de ville ou de maillots de bain, des tenues qu’on voit peu dans l’espace public de Mayotte, mais seulement des salouvas » atteste Charfati . Et les familles des candidates adhèrent davantage au concept : « Les candidates à Miss Salouva deviennent la fierté des familles en portant la tradition. Elles ne sont pas dénudées. C’est parfois les familles elles-mêmes qui nous appellent pour inscrire leurs filles. »
En 2000, Mariame Hassani se rappelle que des représentants religieux essayaient de dissuader sa mère de la laisser participer au concours national de Miss France. De son côté, Frank Servel, représentant Miss France à Mayotte, observe toujours des jeunes filles qui ne concourent pas à cause d’un désaccord familial. En ligne de mire : le défilé en maillot de bain qui est souvent pointé du doigt comme étant inapproprié à la culture traditionnelle et religieuse mahoraise. Les concours tentent pourtant de s’adapter. À plusieurs reprises, par exemple, les prétendantes à Miss Mayotte défilaient en maillot de bain une pièce, ou revêtues d’un paréo.
Car le rapport au corps reste quelque chose de tabou à Mayotte, même si les concours de beauté sont également là pour le faire évoluer. La sociologue Camille Couvert parle justement de certains concours qui ont pour but de « modifier le corps socialement légitime dans l’espace public ». Elle cite des groupes qui « s’emparent de cette pratique [les concours de beauté] pour s’affirmer et retourner les stigmates dont ils sont victimes. » C’est le cas de Miss Handicap, qui a organisé sa première élection l’année dernière, ou encore de Miss Bwadra, le concours pour les « femmes rondes », qui sont les deux concours préférés de Nadine Hafidou, fondatrice de l’association des Femmes-cadres et entrepreneurs de Mayotte et élue à la CCI (Chambre du Commerce et de l’Industrie). Pour elle : « Les concours de beauté correspondent à la femme mahoraise, coquette de nature. Et en même temps, ils lui permettent de se mettre en valeur, elle qui est plutôt introvertie. C’est valorisant, et davantage dans des concours comme Miss Bwadra ou Miss Handicap où on ôte les complexes de certaines femmes. »
Moncef Mouhoudhoire et son association Narike M’sada, en est à l’origine. Il voulait justement se différencier et permettre à toutes de se sentir légitimement belles. « Il y a beaucoup de femmes bwadra à Mayotte, et comme partout ailleurs on leur fait encore trop peu de place dans la société » pointe du doigt l’organisateur. À l’ouverture des candidatures, en seulement un mois, le concours a reçu une dizaine de postulantes. Une dizaine de femmes engagées qui voulaient montrer qu’elles étaient « bwadra et fières de l’être ». « On a mis le doigt sur une frustration et une stigmatisation que vivent beaucoup de Mahoraises », constate Moncef avant de préciser que « le but est de lutter contre des formes de discriminations et de montrer qu’une autre beauté est possible. »
À travers leurs élections, les Miss conjuguent ambitions personnelles et rayonnement territorial. Ces concours de beauté, au-delà de leur superficialité, peuvent donc devenir de véritables modes d’affirmation aussi bien pour ces jeunes filles que pour leur île et leur culture. Par leur biais, c’est également le reflet de la société mahoraise qui se dessine. Son ambivalence entre tradition et religion, et modernité et occidentalisme.
À l’occasion de la cérémonie d’hommage aux policiers morts pour la France qui s’est déroulée vendredi matin dans la cour du commissariat de Mamoudzou, douze policiers de Mayotte ont reçu la médaille d’honneur – échelon argent – de la police nationale.
Au son de la marseillaise ou dans un silence respectueux, au garde-à-vous ou au repos, la solennité était de mise à chaque étape de la cérémonie d’hommage aux policiers morts pour la France qui s’est tenue vendredi matin au commissariat de Mamoudzou. En présence du préfet Dominique Sorain, de son directeur de cabinet Étienne Guillet, du commandant divisionnaire Demeusy et du commissaire Jos, directeur départemental de la sécurité publique à Mayotte, une gerbe de fleurs a été déposée en hommage aux policiers morts pour la France ou victimes du devoir. Cette cérémonie nationale, qui se tient traditionnellement le 8 mai, a vocation à honorer la mémoire des policiers qui ont donné leur vie dans l’exercice de leurs fonctions. Il s’agit autant de saluer l’action de ceux qui se sont illustrés au cours de périodes exceptionnelles, en faisant acte de résistance par exemple, que de rendre hommage aux fonctionnaires morts en service au cours de l’année écoulée, dont les noms sont cités lors de la cérémonie. Si nul décès n’était à déplorer au cours de cette période dans le 101ème département, de nombreux policiers y ont été la cible de violences, et plus d’une dizaine d’entre eux ont été blessés, parfois très grièvement, ces derniers mois. C’est notamment le cas du major Meyer, privé de l’usage d’un œil à la suite d’un jet de pierres dirigé à son encontre au cours d’une intervention délicate sur des violences urbaines à Passamaïnty, en février 2018. « La plupart des policiers blessés – comme les gendarmes par ailleurs – l’ont été par des jets de pierre, autrement dit des caillassages« , rappelle à cet égard le commandant Demeusy.
Récompenser le « sens du service public »
La cérémonie de vendredi était aussi l’occasion de récompenser des policiers particulièrement méritants sur le territoire. Douze fonctionnaires – six affectés à la police aux frontières et six autres au commissariat de Mamoudzou – se sont ainsi vu décerner la Médaille d’honneur de la police nationale, échelon argent. Cette récompense, différente de la médaille pour acte de courage et de dévouement qui vient couronner une action héroïque, vise à honorer la brillante carrière ou le parcours exemplaire d’un « policier méritant, apprécié pour sa manière de servir, son implication au service de l’autre et son sens du service public« , indique le commandant divisionnaire. Policier, « c’est un métier pas comme les autres, au service des autres« , se plaît-il à rappeler. Aussi le fonctionnaire méritant doit-il protéger « les personnes et les biens« , mais aussi « la veuve et l’orphelin« , bien souvent dans l’ombre, avec humilité et discrétion. Il n’est ni un cowboy, ni un « fanfaron« . C’est donc « un travail qui est difficilement appréciable parce que la plupart des citoyens l’ignorent. La meilleure reconnaissance pour un policier, c’est celle de la victime. » Spectateur « 24h/24 » de la détresse de cette dernière, le policier est au plus près de la population. Face à toutes les formes de défiance qui se manifestent actuellement à l’égard de l’institution, il apparaît d’autant plus urgent de rétablir le contact, estime le commandant Demeusy. « C’est tout l’enjeu de la police de sécurité du quotidien [lancée en février 2018, ndlr]. Il faut renouer le lien avec la population. Sans cela, la police ne peut pas être efficiente. Et sans police, il n’y aurait pas de sécurité. »
Les résultats, rien que les résultats : c’est le mot d’ordre d’Ali Abdou, directeur du groupement des entreprises mahoraises du tourisme. À 40 ans et après un parcours universitaire consacré à l’économie, c’est au service du développement de Mayotte qu’il met ses compétences depuis 12 ans.
Pour lui, point de palabre : « Seuls les résultats doivent compter », convainc Ali Abdou, directeur du Groupement des entreprises mahoraises du tourisme (Gemtour). Les résultats, c’est ce qui a fait sa réputation d’homme de la situation à Mayotte, car malheureusement « les compétences manquent sur l’île. » Un manque de compétences qui, selon lui, est le principal frein à l’essor du département. « Mayotte souffre essentiellement de ce manque, quel que soit le domaine », confirme-t-il, en illustrant : « On ne trouve déjà pas de carreleurs qualifiés, de peintres, de maçons de bon niveau, de soudeurs, de menuisiers, etc. Alors, imaginez quand il faut trouver de bons financiers, ce qu’on appelle des « numéros deux », de bons meneurs d’hommes, des cadres. » Conséquence : « La plupart des entreprises de Mayotte gèlent des postes faute de pouvoir recruter ces compétences. Cela n’est pas de nature à dynamiser notre croissance, car il n’y a pas assez de création de valeur dans le privé. »
Pourtant, comme lui, nombre de Mahorais se forment désormais en métropole et effectuent des études supérieures. La première génération issue de ces mouvements est bel et bien là. « C’est vrai, concède-t-il, mais quand on parvient à les avoir, ils partent au bout d’un ou deux ans au vice-rectorat, car les conditions y sont plus alléchantes. » Et d’illustrer : « Certains jeunes reviennent, mais prenons l’exemple d’une banque locale bien connue. Elle recrute des jeunes de très bon niveau comme conseillers entreprises. Ils restent un an ou deux, puis bifurquent vers l’éducation. Ce n’est pas évident du tout de les garder. » Un vrai défi, donc, pour celui qui tâche jour après jour de développer le territoire.
« J’avais fixé mon cap, et ce n’était pas négociable »
Né en 1980 à Tsingoni, élève sérieux et rigoureux, bachelier de la première promotion du lycée de Sada en 2000, Ali Abdou comprend rapidement que l’économie est désormais au centre du monde. « On était en pleine mondialisation, et le secteur de la donnée, de la recherche de l’information économique, de son exploitation, prenait le pas sur tout le reste. C’était nouveau. Moi qui m’intéressais à l’évolution du monde, cela m’a parlé. Avec la donnée, on peut diriger le monde », se rappelle-t-il.
C’est donc logiquement qu’il s’oriente vers le secteur de l’économie pour ces études supérieures. Un départ vers Toulouse pour une maîtrise en économie et gestion des entreprises, suivie d’un Master 2 en intelligence économique, et l’étudiant d’alors se retrouve diplômé. Il ne pouvait, de toute façon, en être autrement : « J’avais fixé mon cap. Je devais finir mes études à 25 ans et ce n’était pas négociable. Qu’il pleuve, neige, vente, il fallait que j’avance. Je m’y suis tenu. » Pour autant, cela n’a pas toujours été facile : « J’étais seul, mais cela m’a permis de changer de mode de vie. J’ai zappé la vie à la mahoraise et je suis rentré dans le moule métropolitain. J’ai choisi de faire comme les autres, et non de continuer à faire comme si j’avais été ici. Cela a été difficile, mais je ne regrette pas de m’être adapté. J’y suis allé sans réserve, sans faire mon difficile, car il fallait que j’atteigne mes objectifs. »
À cette étape-là de son parcours, il n’est pas encore question de revenir à Mayotte, bien au contraire. Ali Abdou l’explique sans fard : « C’était important pour moi de travailler en métropole. Je voulais y être bien formé en termes de productivité et de méthode. Je voulais une autre vision du monde du travail, plus globale, pour ne pas me contenter du carcan mahorais et du rythme « cocotier », comme on dit. » Durant cette période, il officiera en stage de fin d’études au sein du laboratoire de recherche de l’entreprise agroalimentaire Bongrain, en région parisienne. Sa mission ? L’espionnage industriel : « Nous cherchions sur quels types de produits travaillaient nos concurrents pour les sortir trois ou quatre ans plus tard. On était dans le cœur de l’industrie, avec la recherche, les brevets, etc. » Une expérience dont il retient l’impérieuse nécessité d’être rigoureux. Il détaille : « J’ai vu des produits aller jusqu’à l’étape de pré-marketing et demeurer tout de même confidentiels. Les prestataires étaient déjà choisis, les opérations de communication et de publicité allaient être lancées, mais malgré tout, le monde n’était pas encore au courant. Dans un environnement très médiatisé et ouvert à l’information, c’est très impressionnant de pouvoir garder des informations secrètes. C’est quelque chose qu’on ne sait malheureusement pas encore faire ici alors que l’information doit être bien tenue, et ne pas partir dans tous les sens. À Mayotte, c’est le contraire : on signe beaucoup de conventions en communiquant dessus, mais pour peu de résultats. » Moralité, encore une fois : « Il ne faut communiquer que sur le concret, sur le résultat. »
C’est ensuite pour le service d’études marketing d’Orange qu’il travaillera jusqu’en 2007 et le plan Next de l’entreprise, destiné à épurer les comptes de la structure en épurant le nombre de ses salariés. Ali Abdou quitte alors la société et décide de revenir à Mayotte « pour des raisons familiales, car pour être sincère, j’envisageais plutôt de m’expatrier au Canada, en Australie ou à Singapour. » Nous sommes en fin d’année 2007, et notre homme est de retour sur son île natale.
Le savoir-faire autant que le savoir-être
Fort de ses compétences, il ne tarde pas à trouver un poste dans un cabinet d’expertise comptable pour des missions de commissariat aux comptes, puis rapidement à être recruté comme contrôleur de gestion à la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM). Il y restera sept ans, puis la quittera en 2014 – « Je ne participais pas assez au développement du territoire, les impacts de mon travail n’étaient pas assez concrets » – pour devenir directeur du service économique de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI), avant de prendre la direction du pôle attractivité internationale de l’Agence de développement et d’innovation de Mayotte (Adim), puis la direction du Gemtour.
De quoi affiner encore son diagnostic pour améliorer l’économie du département. « La compétence ne fait tout de même pas tout, insiste le responsable. Il faut aussi de la rigueur, de la constance, de la consistance, de la persévérance, et la capacité à encaisser les difficultés. Ici, nous manquons de matières premières, certains fournisseurs ne sont pas toujours sérieux, etc. C’est ça qu’il faut dire : à Mayotte, on n’a pas des obligations de moyens, mais des obligations de résultat. Quand les choses ne sont pas faites, elles ne sont pas faites, voilà tout. Avoir une excuse valable pour en justifier ne résout pas le problème. Ce qui compte, c’est donc de pouvoir passer outre les difficultés, et pour ça il faut des cadres de bon niveau. Si on n’est pas assez solide mentalement, on se limite à faire de la gestion au lieu de faire du développement. C’est notre problème ici aujourd’hui : nous ne sommes pas en mesure de faire du développement, et c’est bel et bien de cela dont on a besoin. »
C’est là la leçon qu’il aimerait que retienne la nouvelle garde mahoraise, celle de ces jeunes dont dépend l’avenir de l’île : « Il faut se méfier de la forme et aller au fond des choses. Ne pas vendre du vent. Le savoir-faire est très important, autant que le savoir tout court. On se limite souvent à un diplôme, mais un diplôme est censé vendre un savoir-faire, justement. Et tout cela doit être accompagné d’un savoir-être : rigueur et exigences personnelles. Le monde n’est pas un long fleuve tranquille. » C’est d’ailleurs encore plus vrai à Mayotte où, « plus qu’ailleurs », comme il le souligne, « il y a cet effet de cooptation familiale, de piston. Quand c’est comme ça, c’est difficile. Comme les personnes sont posées à un poste par d’autres, ces dernières ont tendance à les défendre bec et ongles, même si d’autres idées peuvent être plus pertinentes. »
Une nouvelle aventure
Ainsi fonctionne Ali Abdou qui, en parallèle, a porté d’autres responsabilités. Dans le milieu associatif d’abord, puisqu’il a été trésorier et secrétaire d’associations et d’un club de sport, mais aussi en politique où, de 2008 à 2014, il a été conseillé municipal en charge des finances sous la mandature d’Ibrahim Boinahéry. Un monde politique qu’il pourrait bien retrouver puisqu’il se dit que le responsable économique entend être candidat à Tsingoni, lors des prochaines élections municipales, en 2020.
La Communauté de communes du Centre-Ouest (3CO) a décidé d’élaborer d’un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) associé à un programme local d’habitat (PLH). L’enjeu est de taille : faire de ce plan un projet d’aménagement et de développement global, qui ne limite pas à additionner les projets des cinq communes qui composent l’intercommunalité.
Une réflexion pour les quinze années à venir. Le Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté de communes du Centre-Ouest est le document de planification qui va guider l’aménagement et le développement du territoire des cinq communes membres (Mtsagamouji, Tsingoni, Chiconi, Ouangani, Sada) et qui doit se substituer à l’ancien Plan local d’urbanisme (PLU). « Prioritairement » axé sur les thématiques de l’habitat, des déplacements, des équipements, de l’environnement et des risques, il trace les principales orientations du plan d’urbanisme et du programme local d’habitat. Ce programme devra se conformer aux préconisations du Schéma d’aménagement régional de Mayotte (SAR), actuellement en cours d’élaboration par le conseil départemental. Il s’agit par ailleurs d’un document « deux-en-un » : un plan local d’urbanisme associé à un plan local de l’habitat.
Ce deuxième volet se traduira par un document qui définira la stratégie de programmation, incluant l’ensemble de la politique locale de l’habitat : parc public et privé, gestion du parc existant et des constructions nouvelles, populations spécifiques.
En effet, à l’image de Mayotte, le phénomène de croissance démographique exceptionnelle que connaît la 3CO, conjugué à un manque de logements sociaux au regard des besoins face aux habitations de fortune relevant de l’habitat informel ou précaire et aux zones d’habitations implantées dans des zones à risques sur le plan environnemental ou sécuritaire, nécessitent une adaptation de la démarche habituelle d’élaboration des PLUi et des PLH aux enjeux urbains et sociaux du territoire mahorais.
Les acteurs économiques auront leur mot à dire
« C’est une belle opportunité que ces deux documents [PLUi et PLH, ndlr] s’élaborent en même temps. Le PLUi déterminera les droits à construire pour chaque parcelle, et s’imposera à toute demande d’autorisation d’urbanisme (permis de construire, permis d’aménager, déclaration préalable, etc.). Il fait force de loi aussi bien pour les agriculteurs, les entrepreneurs que les résidents« , explique Daniel Anassi, directeur des services au sein de la 3CO. Il s’agit donc d’un outil dédié à l’aménagement régi par le code de l’urbanisme. Il offre une nouvelle dimension « plus large » de l’action des élus communaux et intercommunaux à travers la réflexion commune, par une meilleure intégration de l’urbanisme avec les politiques nationales de gestion de l’espace. « Tous les projets ayant un impact financier et foncier vont être retranscrits dans ce document« , affirme le directeur des services des 3CO. Néanmoins, les maires gardent leurs prérogatives, assure Daniel Anassi, dans la mesure où ceux-ci resteront responsables des autorisations d’urbanisme de leurs communes respectives.
« Nous avons déjà retenu un bureau d’études en métropole. C’est un groupement ayant comme représentant à Mayotte Bet Tema, spécialisé dans les projets d’aménagement« . Son élaboration se fera en collaboration avec les communes membres de la 3CO tout au long du processus et les avis des acteurs économiques et associations, entre autres, seront pris en compte. « Il est donc nécessaire d’informer ces derniers du démarrage d’un tel outil – hautement stratégique – pour les impliquer davantage dans le processus afin de dessiner un projet de territoire commun à l’horizon de quinze ans« .
L’élaboration du PLUi-H coûtera 292.000 euros. « La réalisation de l’étude porte sur une durée de 22 mois si tout va bien« , espère Daniel Anassi. À noter que le PLUi-H fera l’objet d’une évaluation afin de vérifier que ses objectifs en termes de réduction des impacts environnementaux sont respectés.