Avec le nouveau séchoir de Saveurs et Senteurs, la filière vanille se démultiplie à Mayotte

Depuis la mi-mai, l’association Saveurs et Senteurs utilise un séchoir confectionné sur-mesure et installé au pôle rural d’excellence. Grâce à cet outils, pas moins de 750 kg de vanille verte, collectés auprès de 26 agriculteurs du territoire, ont été transformés. Une évolution exponentielle au regard de la relance de la filière commencée en 2018.

Derrière les 40 tiroirs en bois d’acajou rouge se cachent des milliers de gousses de vanille. « Quand elles roulent, elles sont prêtes à passer au séchage à l’ombre », confie Julie Moutet, coordinatrice au sein de Saveurs et Senteurs, à l’initiative de ce nouveau séchoir confectionné sur-mesure – « au millimètre près » – par Agrikagna dans un container « dernier voyage » pour la somme de 26.000 euros. Avec ce nouvel outil « emblématique » reçu mi-mai, la filière fait un bon en avant et passe dans un autre monde. Ou plutôt celui de la voie de la professionnalisation ! D’où l’embauche en alternance d’Ediamine, qui suit une formation au lycée agricole, pour assurer tout le processus.

 

 

Première étape : la collecte hebdomadaire chez les agriculteurs de l’île pour trier et peser la vanille verte avant de la ramener au pôle rural d’excellence. « Nous leur garantissons un prix minimum variant de 35 à 50 euros le kilo », se félicite l’unique salariée de l’association. Et en échange de 20% minimum de leur production annuelle, les amoureux de la terre peuvent même recevoir des formations et des conseils complémentaires. « Pour nourrir un pied de vanille, il faut lui donner du compost », donne pour exemple le futur conseiller agricole au termes de ses deux années d’apprentissage.

 

Échaudage, étuvage, séchage, affinage…

 

De retour à Coconi pour débuter l’échaudage, qui consiste à plonger les épices dans une eau à 65 degrés durant trois minutes. En d’autres termes, il s’agit de créer un choc thermique. « La difficulté varie en fonction des gousses. Quand elles sont mûres, c’est plus facile. Si elles sont trop cuites ou crues, ça peut vite pourrir », déroule le gaillard de 25 ans, au moment de vérifier la température à l’aide d’un thermomètre. Au bout du temps imparti, place à l’étuvage, qui revient à faire monter et à maintenir le cœur de la gousse à 50 degrés dans un caisson enroulé d’une couverture pendant 24 à 48h. Une opération primordiale en soi dans le but de déclencher une réaction enzymatique avec la chaleur et ainsi permettre la transformation de la glucovanille en vanille.

Direction ensuite le fameux séchoir, d’une surface totale de 50m2, en version déplié. « Nous sortons les tiroirs entre 1h30 et 3h par jour, les UV ont une action désinfectante », précise Julie Moutet, un brin nostalgique du système D élaboré sur sa terrasse avant le récent déménagement en plein cœur du site départemental, inauguré en fin d’année dernière. Un confort de travail non négligeable et un outil beaucoup plus adapté aux aléas climatiques. « Et en cas de pluie, nous pouvons tout remballer en deux minutes. » Avant d’envoyer tout le bardas au séchage à l’ombre puis à l’affinage, considérée comme une période de maturation pour permettre le développement des arômes au cours des six prochains mois. « Nous avons mis en place un cahier des charges pour garantir une qualité homogène. »

 

Une collecte multipliée par 10 en 3 ans

 

Grâce à ce parcours mené d’une main de maître, les partenariats se multiplient aux quatre coins du territoire, dont une majeure partie entre Combani et Bouyouni. En 2021, Saveurs et Senteurs comptabilise dans ses rangs 26 producteurs sur les 85 recensés, contre seulement 7 en 2018, année de la relance de la filière. Et forcément la quantité achetée explose elle-aussi, passant au cours de ce laps de temps de 65 à 750kg. « En moyenne, nous collectons entre 80 et 100kg chaque semaine. » Une méthode de travail qui fonctionne et qui réjouit les professionnels agricoles, à l’instar de Mohamadi Ahamada. « Que l’association en arrive là aujourd’hui, c’est une fierté pour moi car elle s’est beaucoup investie. Elle a un rôle primordiale, elle nous accompagne de la plantation à la transformation », souligne l’instituteur à la retraite, surnommé Foundi. De quoi le rendre plus efficace confie sa fille, Mariama, qui ne réchigne jamais à lui donner un coup de main, avec sa sœur Salimati. « Il a reçu des formations de la part des anciens, mais aussi des techniques plus récentes pour améliorer sa vanille. C’est super pour lui ! »

Aujourd’hui, tous les voyants sont au vert pour que l’île au lagon redevienne avant tout l’île aux parfums. « L’ylang et la vanille peuvent redorer le blason du territoire », assure le sexagénaire, qui accueille régulièrement de jeunes curieux sur les trois hectares familiales dans le but de transmettre sa passion. « Faire rêver » cette nouvelle génération, c’est également tout l’objectif de Julie Moutet. À l’image d’Ediamine, pour qui « cette aventure a complètement changé ma vie ».

 

La vanille demande de prendre son mal en patience

 

La saison de fécondation se déroule d’août à novembre, tandis que celle de la récolte débute à partir du mois de mai. « La vanille produit ses premières gousses au bout de trois ans de plantation », confie Julie Moutet. Avant d’ajouter que « le pic de production est atteint à partir de sept ans ». Un calendrier bien souvent obscure aux yeux du grand public, comme le confirme Mariama, la fille du producteur Mohamadi Ahamada. « Des amis pensent que nous cueillons la vanille lorsqu’elle est noire », sourit celle qui suit actuellement une formation pour devenir professeur des écoles, mais qui n’hésite pas à dévoiler au grand jour son savoir transmis par son père.

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