Gilles Halbout : « Il faut mettre un coup d’accélérateur maintenant, sinon nous sommes foutus »

Après une année éprouvante marquée par un nouveau confinement de cinq semaines, ce jeudi 7 juillet marque le début des vacances scolaires. Si le recteur Gilles Halbout se satisfait globalement des progrès réalisés, il revient pour Flash Infos sur le dossier épineux des constructions scolaires, promesse de campagne du président de la République, Emmanuel Macron. Le chantier a beau être en bonne voie pour l’horizon 2025, le responsable de l’académie ne relâche en aucun cas la pression.

Flash Infos : Quel bilan général tirez-vous de cette année scolaire, entre les grèves des transporteurs, les barrages inopinés et le nouveau confinement, qui pour ce dernier peut avoir des conséquences désastreuses sur un territoire comme Mayotte ?

Gilles Halbout : Nous avons fait deux choses à la fois : nous avons tenu et nous n’avons rien lâché ! Dès que nous en avons eu les capacités, nous avons toujours privilégié l’enseignement. Nous n’avons été ni moins bien ni mieux par rapport à la métropole… Dans beaucoup d’académies, le baccalauréat s’est mal passé, ce n’est pas notre cas. Il y a eu une grosse mobilisation des équipes pédagogiques et des chefs d’établissements pour atteindre ce résultat.

Après, nous ne sommes pas allés aussi loin que je l’aurais voulu sur le plan des constructions scolaires, sur le travail de différenciation, notamment entre la 6ème et la 5ème, ou encore sur les questions d’orientation. Mais petit à petit, nous notons l’émergence de filières d’excellence et de parcours de réussite. Et en même temps, nous avons mis l’accent sur des dispositifs conséquents pour faire de la remédiation, comme les petits lecteurs et scripteurs. Nous avons mis des briques et des pierres pour pouvoir avoir un rythme de croisière dès la rentrée prochaine. Nous avons posé les jalons, même s’il nous faudra encore quelques années pour converger vers le régime métropolitain.

Après, nous avons tellement de retard que je ne me satisferai pas de ce que nous avons réalisé… Néanmoins, tout le monde – les personnels et les parents – a joué le jeu, je suis confiant. Nous allons y arriver, j’en suis intimement persuadé !

FI : Vous évoquez quelques regrets concernant les constructions scolaires. Nous le savons tous, un long chemin reste à parcourir de ce côté-là. Où en sommes-nous un an après l’installation des nouveaux conseils municipaux ?

G. H. : Nous constatons une volonté commune d’avancer ! Mais tout le monde n’est pas encore au même niveau… Plutôt que de crier partout que nous devons ou allons reprendre la compétence, il faut les accompagner. C’est un travail partenarial avec la préfecture et l’agence française de développement (AFD) pour aider les communes les plus en difficulté et en retard à se structurer pour qu’elles franchissent les étapes.

Aujourd’hui, elles font face à des doubles difficultés. Non seulement, elles sont en retard structurellement parlant car elles n’ont pas toujours les équipes techniques. Mais en plus, elles doivent « corriger » 10, 20, voire 30 ans d’arriérés en matière de constructions. Si nous devions prendre n’importe quelle commune de France pour procéder au même réajustement que Koungou, elle n’y arriverait pas non plus ! Ces municipalités doivent vivre la décentralisation et effectuer ce rattrapage. Nous sommes en train de finaliser une convention avec l’AFD, l’association des maires, la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL) et la préfecture pour apporter des moyens supplémentaires.

Nous allons avoir quelques mois cruciaux, il va vraiment falloir que ça décolle. Si nous avons réussi à sécuriser la rentrée scolaire de 2021, je suis plus inquiet pour celle de 2022 ! Après, de toute façon, ce sera compliqué jusqu’en 2025… Dans le premier degré, nous avons scolarisé 2.000 nouveaux élèves cette année. Ils seront 2.500 supplémentaires en août prochain. Au bout d’un moment, nous voyons bien que toutes les solutions trouvées – les classes itinérantes, le passage en rotation, les modulaires – atteignent leur limite. Alors oui, cela ira mieux à partir de 2025. D’ici là, il ne faut pas se louper, il faut mettre un coup d’accélérateur maintenant, sinon nous sommes foutus.

FI : Grosso modo, il manque encore 800 salles de classe à Mayotte. Un chiffre abyssal au vu de la vitesse démographique sur l’île avec presque 10.000 naissances par an…

G. H. : C’est l’hypothèse idéale ! Si nous sortons de terre la moitié, nous pourrons a minima scolariser tous les enfants. L’autre moitié servira pour faire de vrais dédoublements en CP et en CE1. Nous arrivons à un plateau démographique : l’immigration clandestine d’un côté et le taux de natalité de l’autre commencent à se stabiliser, voire même à régresser. Il faut éviter que des familles ne puissent pas scolariser leurs petits de quatre ans. Et il faut surtout être prêt à absorber la même vague dans les collèges.

FI : Justement, le rectorat a la compétence pour gérer la construction des établissements du second degré, alors qu’elle repose sur les départements et les régions ailleurs. La nouvelle majorité de la collectivité vient d’être élue jeudi dernier. Bonne ou mauvaise nouvelle, tant certains dossiers structurants de l’Éducation nationale dépendent d’elle ?

G. H. : Avec le nouveau président, Ben Issa Ousseni, nous nous sommes croisés samedi dernier à l’occasion de l’inauguration de la Maison de la jeunesse et de la culture de M’Tsapéré. Nous sommes plutôt en phase ! Reste maintenant à s’assurer que l’opposition ne soit pas systématiquement opposée aux projets pour lesquels le foncier peut être un enjeu de taille. Il ne faut pas que la politique vienne interférer dans les projets de l’Éducation nationale… Chaque semaine perdue peut avoir des répercussions énormes. Nous l’avons vu à M’Tsangamouji où nous avons tergiversé pendant un an pour la viabilisation et l’aménagement autour de la parcelle que nous voulions acheter.

Nous avons lancé tous les projets de lycée. Et nous sommes sur la bonne voie pour un tiers, voire la moitié, des collèges. Sur les huit, nous avons encore quelques incertitudes pour deux ou trois d’entre eux par rapport au foncier. La grande difficulté est de les inscrire dans un projet urbain. L’exemple typique se trouve à Kahani : l’établissement se situe au milieu de nulle part et devient une forteresse assiégée. Ces enceintes doivent s’inscrire dans une politique de la ville. À l’instar du projet du maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla, qui propose d’implanter un collège dans un nouveau quartier situé à Tsoundzou 2. C’est exactement comme cela qu’il faut penser.

Aujourd’hui, je n’ai pas de véritable alerte. Mais cela se surveille comme le lait sur le feu ! Pour les collèges, nous allons gagner un an et demi en faisant un marché global de performance. Je ne suis pas inquiet… Disons que je serai plus tranquille à la fin de l’année 2021 avec le lancement de l’ensemble des chantiers.

 

L’indexation des salaires, bientôt réhaussée au niveau de La Réunion ?

 

C’est le cheval de bataille des organisations syndicales. Dans un post Facebook publié ce lundi, le secrétaire départemental du SNUIpp-FSU, Rivomalala Rakotondravelo, annonce l’aval du ministère des Outre-mer concernant l’alignement du taux de l’indexation des salaires sur La Réunion. Minute papillon ! Interrogé sur ce sujet, le recteur calme le jeu. « Il faut tempérer cela », explique Gilles Halbout, avant de préciser qu’il s’agit bel et bien d’une demande de l’académie dans le cadre du projet de loi Mayotte. « Tout cela va être discuté, cela va prendre du temps… » Fausse joie pour le moment, donc.

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