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Justice à Mayotte : « Placer automatiquement les personnes en quatorzaine est contestable »

Le juge des libertés et de la détention est venu ce dimanche, pour la première fois sur le territoire, donner raison à une justiciable contestant l’arrêté préfectorale de mise en quatorzaine pour les passagers provenant de métropole. Explications. 

L’affaire n’est pas commune. À l’image des temps qui courent. Le juge des libertés et de la détention de Mayotte a en effet été amené pour la première fois, ce dimanche, à se prononcer sur la régularité du placement automatique en quatorzaine décidé par la préfecture à destination des voyageurs venant de métropole. Car c’est en effet la condition fixée par les autorités locales pour tous les passagers autorisés à pénétrer sur le territoire mahorais. Tous les passagers. Et c’est bien là que le bât blesse. « La loi dispose que l’arrêté du préfet portant placement en quatorzaine doit être individualisé et motivé alors que l’arrêté en question est d’ordre général pour tous les passagers », rappelle Maître Souhaïli qui a porté cette demande inédite ayant obtenu gain de cause. 

En l’espèce, une femme jusqu’alors en métropole se devait de rentrer à Mayotte pour des raisons professionnelles. « Elle a donc fait sa demande sur le site de la préfecture, laquelle lui a ensuite notifié qu’elle pourrait bénéficier du vol du dimanche 7 juin », souligne son conseil. Avant le départ, la voyageuse doit cependant signer une attestation sur l’honneur stipulant notamment qu’elle respectera la quatorzaine exigée par les autorités. 

Un contreseing « qui n‘empêche absolument pas par la suite de contester la décision administrative », précise Maître Souhaïli. Et c’est bien ce qu’elle se décide à faire une fois le pied en terre mahoraise. Car ladite quatorzaine empêche justement la voyageuse de remplir à bien les missions qui l’ont amené à rentrer dans le 101ème département. « Cette femme est revenue pour effectuer des permanences, or elle ne pouvait même pas sortir pour aller faire ses courses », pointe son avocat qui fait reposer là son second argument. « Il y avait clairement, à travers cet arrêté des conséquences disproportionnées sur la liberté de circulation, celui-ci était même plus restrictif que les mesures imposées au plus fort du confinement », soutient-il. 

« On ne peut pas tout justifier par la crise sanitaire » 

Autres moyens soulevés : « l’arrêté ne précise pas les délais et les modalités de contestation alors que toute décision administrative doit intégrer cela » ou encore : « la loi dispose que les arrêtés de mise en quatorzaine doivent être communiqués au procureur et nous n’avons pas la preuve que cela a été fait », détaille le conseil. Des arguments quasiment superfétatoires tant Maître Souhaïli en est convaincu : « le premier moyen a suffi à emporter la décision du juge car au-delà d’une décision générale alors qu’elle aurait dû être individuelle et motivée, la restriction de la liberté de circuler d’une personne doit être avalisée par un magistrat. » De quoi s’opposer à la décision préfectorale, laquelle n’aura pas été soutenue devant le juge. 

« Malheureusement la préfecture ne s’est pas défendue, je ne peux donc pas préjuger des conséquences qu’elle va en tirer », indique l’avocat gagnant. Qui minimise toutefois la portée de la décision rendue par le JLD. « La disproportionnalité de la mesure a peut-être joué dans le cas d’espèce et ce jugement ne vaut pas forcément jurisprudence pour tout le monde. Cela sera toujours du cas par cas mais justement, cette décision vient rappeler que le placement automatique en quatorzaine sans individualisation ne passe pas devant le juge des libertés et de la détention. Quoi qu’il en soit, je pense que toute personne qui se sent lésée par ce type de décision ne doit pas hésiter à la contester devant le juge », soutient Yanis Souhaïli avant de se faire l’avocat des libertés fondamentales. « On ne peut pas tout justifier par la crise sanitaire et laisser le gouvernement et les administrations faire comme bon leur semble. Il y a eu beaucoup de dérives, le Conseil d’État, la Cour de cassation ou encore le Conseil constitutionnel ont été saisis à de nombreuses reprises pour rappeler que l’on ne touche pas comme cela aux libertés individuelles. Le gouvernement a fait passer nombre de textes attentatoires à ces libertés par ordonnance pendant cette crise et dans ce cadre, le contentieux devient nécessaire, même s’il ne donne pas toujours raison, pour protéger les droits fondamentaux des individus », plaide le ténor mahorais. Se refusant à voir les libertés confinées.

Rapt de Petite-Terre : décision le 23 juin quant à la détention provisoire 

Maître Souahïli, décidément au cœur de l’actualité juridique, a accompagné ce mardi matin ses trois clients mis en examen dans l’affaire du rapt de Petite-Terre au tribunal judiciaire de Mamoudzou. Objet de la visite, une audience devant la chambre de l’instruction en visioconférence avec des magistrats réunionnais qui devront statuer de manière collégiale sur l’avenir des trois hommes dans l’attente de leur procès. Le ministère public avait en effet formé appel de la décision du juge des libertés et de la détention plaçant les trois hommes sous contrôle judiciaire quand il réclamait leur placement en détention provisoire. « La teneur des débats a été la même que devant le JLD mais devant des magistrats de La Réunion qui ne connaissent pas forcément la réalité du terrain », lâche l’avocat des mis en examen, trahissant ainsi un soupçon d’inquiétude quant à la liberté future de ses clients. Décision le 23 juin.

Les équipes mobiles de prélèvement à Mayotte, entre préparation et stigmatisation

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Depuis le début de la crise sanitaire, le centre hospitalier de Mayotte a mis en place des équipes mobiles de prélèvement pour réaliser des tests à domicile. Une mission qui demande une préparation relativement lourde en matériel et qui se cogne par moment au refus de quelques habitants, qui ont peur des conséquences du dépistage.

Samedi 14 mars. Le premier cas positif au Covid tombe officiellement. Le centre hospitalier de Mayotte se réorganise pour faire face à la propagation du virus. Si la plupart des dépistages se font à Mamoudzou et dans les quatre centres de soins et d’accouchements délocalisés de l’île (Dzaoudzi, Kahani, Mramadoudou et Dzoumogné), l’établissement décide de mettre en place des équipes mobiles de prélèvement pour se rendre directement au domicile de la population. Infirmière à la médecine du travail de l’hôpital, Dhatya Soilihi est la première à se voir confier cette mission. « Pendant une semaine, j’ai sillonné l’île toute seule », se remémore-t-elle, avant d’expliquer avoir été rejointe par plusieurs de ses collègues pour renforcer les rangs de cette brigade spécialement constituée pour gérer la crise sanitaire.

Une préparation relativement lourde

Trois mois plus tard, ce nouveau service fonctionne comme sur des roulettes, ou presque. Suspendu quelques jours par la cellule de crise pour renvoyer le personnel soignant vers son cœur de métier, la direction a finalement décidé de faire machine arrière. « Les habitants qui présentent des symptômes appellent le 15. Et c’est le médecin régulateur du Samu qui nous oriente vers eux », confie celle qui a été désignée par sa hiérarchie pour coordonner les effectifs, sur les routes de 7h à 15h. À ses côtés : 8 chauffeurs et 2 à 3 infirmières, en poste dans chaque centre médical de référence (CMR), et formées à l’habillage, au déshabillage et au geste technique du test nasopharyngé pour déterminer si une personne est porteuse du virus. Depuis son bureau, Dhatya Soilihi se charge de gérer les plannings des uns et des autres, de passer les commandes de matériels et de s’assurer que les kits de prélèvement et de protection soient complets. « Il faut que les voitures soient suffisamment chargées pour ne pas avoir de rupture de stocks une fois sur le terrain car les demandes tombent au fur et à mesure dans la journée. À moi de répéter les consignes et de vérifier, pour être sûre que ce genre de couac ne se produise pas », sourit-elle. Réparties sur cinq secteurs, les équipes peuvent réaliser jusqu’à une cinquantaine de tests par jour, avant que les bilans ne soient déposés au laboratoire en fin d’après-midi pour être analysés.

Des problèmes de stigmatisation

Toutefois, un phénomène propre à Mayotte rend leur quotidien quelque peu complexe. À savoir la stigmatisation du virus par la population. Provoquant quelques difficultés lorsqu’une équipe doit se rendre sur place… « Il arrive au moins une fois par jour que nous recevions un refus alors qu’il était prévu que nous procédions à un test. Quand nous les contactons pour demander leur adresse, certains nous disent qu’ils ne sont plus malades tandis que d’autres nous annoncent carrément qu’il s’agit d’un faux numéro », relate Dhatya Soilihi, qui s’inquiète de la recrudescence de ce type de comportement. Selon elle, il est nécessaire de leur « faire prendre conscience des risques pour eux et leur famille ». Alors quand ce genre d’événement se produit, l’infirmière le précise dans son récapitulatif envoyé quotidiennement au Samu, à l’agence régionale de santé (ARS) et à Santé Publique France. « Je rédige une annotation sur ceux qui ont refusé ou sur ceux qui ont montré des réticences pour faciliter le travail de l’équipe qui s’occupe du suivi des cas. » Une bonne manière de prévenir la formation de futurs clusters et de couper les éventuelles chaînes de transmission.

Café et cacao : les trésors cachés de Mayotte

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Cela peut en surprendre plus d’un mais Mayotte est capable de produire du cacao et du café de très bonne qualité et qui n’a rien à envier aux plus grandes productions internationales. Cependant, ces produits sont sous exploités ou laissés à l’abandon. L’association Café cacao maoré créée en mars 2019 s’est donnée pour mission de remédier à cela et de planter du café et du cacao sur l’île afin d’installer un véritable système de production. 

Mayotte regorge de richesses encore méconnues du grand public. Le café et le cacao en font partie. Ces deux matières premières présentes sur l’île pourraient devenir emblématiques sur le territoire, mais encore faudrait-il les préserver et les valoriser. C’est la mission que s’est attribuée l’association Café cacao maoré qui regroupe 11 producteurs de Mayotte. Tous sont spécialisés dans différents domaines de l’agriculture, mais ils se sont réunis dans le seul objectif de sauver le café et le cacao de l’île. “L’idée nous est venue parce qu’on a remarqué qu’il y avait pas mal de café à l’état sauvage dans la commune de Tsingoni. Nous avons aussi trouvé d’anciens vestiges de plantations de cacao qui étaient entre Combani et Ouangani”, relate Valérie Ferrier, productrice et animatrice de l’association. Les plantations sont pratiquement toutes laissées à l’abandon. Un constat qui désole les membres de l’association car le café et le cacao de Mayotte ont un réel potentiel et ont chacun une particularité rare. “La variété de cacao d’ici est le criollo. Elle est très recherchée puisque c’est ce qui permet de faire du chocolat. On pourrait donc produire du chocolat à Mayotte. Le café est quant à lui très robuste, c’est-à-dire qu’il a un fort taux de caféine”, explique Valérie Ferrier. L’objectif de l’association est de relancer les exploitations de café et de cacao qui autrefois étaient très présentes sur l’île. Certains y voient un intérêt économique pour le territoire, mais la plupart des membres de l’associations sont des Mahorais qui veulent préserver le patrimoine local à travers ces filières qui sont en perte de vitesse et qui seront amenées à disparaître si la situation est laissée comme telle. Un premier jet d’essai a été lancé par l’association. Elle a présenté du chocolat fabriqué à Mayotte et du café au salon international de l’agriculture à Paris, au mois de février de cette année, pour faire connaître les produits. “Les gens étaient très agréablement surpris. Ils ne savaient pas qu’on pouvait produire du chocolat et du café à Mayotte. Ils ont adoré parce que ce sont des produits très recherchés”, rappelle la productrice. 

Vers une production à plus grande échelle ? 

L’association souhaite désormais passer à l’étape supérieure et ainsi produire le café et le cacao à plus grande échelle, même si les membres savent que cela prendra beaucoup de temps et d’argent. Ils ont demandé des subventions auprès des fonds européens et du conseil départemental. Leur projet de 260.000 euros est financé à 75% par ces aides. L’installation d’un atelier pour transformer les produits bruts est également en cours. Pour le moment, les exploitations sont quasi insignifiantes si l’on compare à d’autres territoires où la production est beaucoup plus développée. 1.400 plants de cacao ont été plantés l’année dernière et 300 kilos de cerises de café ont été récoltés. “L’idée est d’utiliser les pieds qui existent localement comme des pieds mères et de multiplier les variétés car l’île en a de très bonnes.” Avant de peut-être retrouver du café et du chocolat fabriqués à Mayotte dans les rayons des magasins, les exploitants se concentrent sur une petite production. Les produits seront vendus comme des souvenirs de Mayotte aux touristes. L’association est parfaitement consciente des retombées positives de ces filières, mais elle sait que le chemin sera semé d’embûches. “La production de cacao et de café n’est pas rentable sur le court terme car cela prend 4 ans pour faire pousser un cacaoyer par exemple. Les agriculteurs préfèrent planter un produit qui pousse rapidement et qui se vend plus facilement comme les bananes”, regrette Valérie Ferrier. Il leur est donc indispensable de préserver le peu qui reste. L’association prévoit de s’associer avec les propriétaires des parcelles qui longent la piste rurale de Maboungani (commune de Tsingoni) pour planter du café et du cacao et faire de cette zone un site touristique de ces deux produits. Peut-être qu’avec beaucoup de persévérance et de solidarité, le café et le cacao deviendront les nouveaux emblèmes de l’île aux parfums

Un drame de trop pour les sauveteurs en mer mahorais bloqués à quai

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Si la disparition de Khams a ému toute une île, elle n’aura pas épargné les sauveteurs en mer. Qui n’auront pu remplir leur mission, faute de bateau. « Un choc », au sein de l’antenne locale de la Société nationale du sauvetage en mer (SNSM) qui attend depuis près d’un an le renouvellement de son navire de secours.

« L’accident d’hier est pour nous, marins sauveteurs, un gros choc car nous sommes là, présents, compétents pour pouvoir intervenir dans les quinze minutes et une fois de plus nous n’avons pas pu le faire à cause d’un manque de moyen », s’indigne Frédéric Niewadowski, le président des sauveteurs en mer de Mayotte. « Ne pas pouvoir y aller pour une raison politico financière alors que nous sommes pleinement engagés au service des autres c’est très dur », déplore encore le marin. Cela fait en effet près d’un an que la SNSM locale est privée de moyen d’intervention en mer. En cause, le non-remplacement à temps de l’Haraka, le navire précédemment utilisé. « Nous avions lancé l’alerte il y a deux ans et demi pour anticiper le remplacement de ce bateau qui com-mençait à devenir vétuste et dangereux. Comme régulièrement ici, nous n’avons pas été écoutés et un jour les boudins [ semi-rigides, ndlr] ont explosé, le bateau s’est quasiment échoué. Il a alors fallu prendre une décision car nous ne pouvions pas continuer à mettre en jeu la sécurité des équi-piers », se souvient le président des sauveteurs.

Lequel n’a depuis cessé de taper du poing sur la table pour obtenir du Département qu’il réponde à ses obligations légales en finançant le nouveau navire à hauteur de 50%. L’autre moitié étant prise en charge par la SNSM. Mais sans ce premier financement, « impossible de commander », rappelle Frédéric Niewadowski. Si l’enveloppe a finalement été débloqué il y a quelques mois de cela, cette absence de prise en considération de l’importance des secours maritimes sur une île met le marin hors de lui. Et rappelle, à l’aune du drame que vient de connaître Mayotte avec la dis-parition de Khams, que des vies sont en jeu. « Si nous avions eu un moyen d’intervention, nous aurions pu être sur site dans les 15 minutes. Je ne dis pas que l’issue aurait forcément été diffé-rente mais nous serions restés sur zone toute la nuit, nous n’aurions pas quitté les lieux avant de l’avoir retrouvé. Forcément, nous aurions multiplié ses chances de survie », insiste celui qui est également maître de port après avoir servi 25 ans dans l’aéronautique navale.

De « véritables négligences » sur les dangers de la mer

« Ce qu’il s’est passé est malheureusement l’illustration concrète de ce que l’on crie haut et fort depuis trop longtemps, on ne fait qu’alerter et rappeler tout le monde à ses responsabilités », s’at-triste l’homme de mer. Dans le collimateur, différentes institutions mais aussi les maires. À Mayotte, aucune plage n’est surveillée alors que c’est une obligation pour les communes d’organi-ser la sécurité jusqu’à 300 mètres de leurs plages. C’est une obligation comme tant d’autres qui n’a jamais été prise en compte ici alors même que l’on parle de développer le tourisme », martèle le président des sauveteurs en mer. Avec qui les responsables, mais aussi les usagers du lagon en prennent pour leur grade. « Notre seul frein, c’est le financement et dans le même temps à peine 1% des utilisateurs du lagon font un don aux sauveteurs, il y a une vraie négligence de leur part alors que nous nous engageons pour assurer leur sécurité… Pas un seul prestateur ne cotise ! », tempête Frédéric Niewadowski.

Une situation « inédite que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. À La Réunion pour ne citer que cet exemple, il y a trois stations de la SNSM, les plages sont surveillées alors que nous ne parvenons même pas à boucler un budget de 45 000 euros… », dénonce-t-il alors que « même quand on prend la barge on peut avoir besoin de la SNSM ». Une situation financière qui a pendant près d’un an empêcher les sauveteurs en mer de faire don de leur dévouement. Et qui ampute bien des projets. « Il faudrait créer une ou deux stations supplémentaires, idéalement une au nord et une au sud de l’île, c’est un travail que nous voulons mener mais quand on voit le budget on ne peut mal-heureusement pas l’envisager. Alors que les moyens humains et les compétences sont là. »

Retour sur l’eau en octobre

Une quarantaine de bénévoles s’investissent en effet au sein de la SNSN locale. « Avec 25 per-sonnes immédiatement opérationnelles ce qui permet d’assurer un équipage et sa relève », pré-cise le président. Parmi eux, des patrons, des navigateurs, des plongeurs, des secouristes, des médecins, des infirmiers… « On se complète et c’est ça notre force, c’est cela qui nous permet d’aller secourir en mer, de mener ce combat. Et puis nous apportons tout un tas de qualifications, de formations, c’est aussi pour ça que j’encourage les jeunes à s’engager », complète Frédéric Niewadowski. De l’engagement, voilà le maître mot. Car « on travaille dans l’ombre, notre vocation est de sauver des gens, c’est tout. On fait ça parce que c’est dans nos tripes, on a ça au fond de nous et on ne demande pas de remerciements mais un peu de considération, de conscience des dangers de la mer et de l’importance de s’en protéger », plaide l’ancien militaire. Un engagement donc, qui a permis de secourir 180 personnes en 2017 dont huit réanimées sur un total de 71 in-terventions.

Mais il faudra attendre « avec un peu de chance » octobre pour retrouver les sauveteurs… en mer. Avec l’arrivée de leur nouveau navire, un semi-rigide semblable aux intercepteurs, de 9,30 mètres, équipé de deux moteurs de 300 chevaux et capable de recevoir jusqu’à 22 personnes. Un nou-veau moyen de projection qui permettra aux secouristes d’élargir encore leur champ d’intervention. « C’est un bateau capable d’aller jusqu’à 30 milles nautiques, ce qui correspond à la nouvelle flotte locale de pêche, il fallait absolument que nous puissions avoir au moins un navire capable de se-courir à cette distance », détaille le président de la SNSM locale. Car face aux dangers de l’océan, nous sommes tous dans le même bateau.

Julien Kerdoncuf, sous-préfet à Mayotte en charge de la lutte contre l’immigration clandestine : « Actuellement, la priorité c’est non pas d’intercepter, mais de refouler »

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Si les expulsions vers les Comores sont toujours suspendues, la préfecture a renforcé ses activités de lutte contre l’immigration clandestine en mer. Dans un premier temps, la fermeture des frontières et la peur de la propagation du virus avait fortement limité les flux migratoires, mais l’activité semble reprendre peu à peu. Selon Julien Kerdoncuf, sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, plusieurs kwassas sanitaires seraient même arrivés la semaine dernière, sans pour autant être en lien avec le Covid. 

Flash Infos : Aujourd’hui, où en est la lutte contre l’immigration clandestine alors que les reconduites aux frontières sont suspendues depuis le mois de mars ? 

Julien Kerdoncuf : D’abord, il faut savoir que la lutte contre l’immigration clandestine ne se limite pas aux reconduites, qui sont toujours suspendues pour des raisons sanitaires. L’opération Shikandra repose sur quatre axes. Premièrement, les relations avec les Comores, et là, ça se joue plutôt au niveau de l’Élysée et du ministère des Affaires étrangères. Deuxièmement, la réaffirmation de la présence à terre. Les opérations de contrôle à terre sur la voie publique ont été suspendues en l’absence de perspective d’éloignement. Concrètement, le groupe d’appui opérationnel de la police aux frontières, son unité d’interpellation et la gendarmerie mobile ne procèdent plus à des interpellations d’étrangers en situation irrégulière, ils ont été redéployés sur d’autres missions comme la sécurisation générale. Dès qu’il y aura besoin de reprendre les interpellations, on le fera du jour au lendemain puisque les effectifs sont toujours là et mobilisables immédiatement, mais tant qu’il n’y a pas d’éloignements, on préfère mettre le paquet sur la sécurité. Je tiens aussi à rappeler que pendant presque toute la durée de la crise sanitaire, nous avons déployé des militaires dans le cadre de l’opération Résilience. Ils constituaient des groupes « projetables », c’est-à-dire que nous pouvions les envoyer sur les plages en cas de « beachage ». Puis, le troisième axe de l’opération Shikandra, c’est l’approfondissement du travail judiciaire. Depuis plusieurs semaines, nous avons choisi de faire un focus sur la lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre. Autrement dit, le travail illégal. L’idée, c’est de contrôler les chantiers – du BTP mais pas seulement – et de sanctionner les travailleurs, leurs employeurs et leurs donneurs d’ordre. Cela permet de couper l’économie informelle qui fait l’attractivité de Mayotte pour les candidats à l’immigration. Cela s’est traduit par le renforcement du groupe de lutte contre le travail illégal de la PAF : on a plus que dédoublé les capacités de ce groupe en y joignant des effectifs des unités d’interpellation. On a donc poursuivi le travail d’enquête, avec par exemple le démantèlement d’un trafic de faux billets d’une filière africaine, ce que l’on appelle le « wash-wash », mais il y a beaucoup d’autres enquêtes toujours en cours et qui avancent. On ne s’est pas arrêté pendant le Covid. On est aussi en train de monter en puissance dans la lutte contre la fraude documentaire, avec l’entrée en fonction d’un expert de la PAF venu de Paris et qui vient de prendre son poste à la préfecture pour travailler principalement sur les reconnaissances frauduleuses de paternité et sur l’obtention frauduleuse de titres de séjour. Pour en revenir à l’opération Shikandra, le quatrième axe est la protection des frontières maritimes. Nous avons là renforcé notre dispositif en mer de 10 effectifs supplémentaires pour la PAF et 12 pour la gendarmerie. Deux nouveaux bateaux sont aussi arrivés, l’un à la fin avril et un qui devrait être mis à l’eau cette semaine. On a donc désormais huit intercepteurs opérationnels. Ils ne sont pas tous à l’eau en même temps ; mais ça nous permet d’élargir notre capacité d’action. 

FI : Si les interpellations ont été suspendues, la présence en mer a en effet été maintenue depuis le début de la crise sanitaire. En quoi consistent ces actions ? 

J. K. : Actuellement, la priorité, c’est non pas d’intercepter, mais de refouler. On met fin à la tentative d’entrée sur le territoire, on arraisonne le bateau qui souhaite entrer, on lui fait faire demi-tour et on l’accompagne jusqu’à la sortie de nos eaux territoriales pour le renvoyer vers les Comores, en s’assurant qu’ils ont assez d’essence, que les capacités de navigation sont bonnes, etc. On ne met pas les gens en danger, évidemment. Si on ne peut pas refouler, on intercepte et dans ce cas-là, on amène les passagers du kwassa au centre de rétention administrative (CRA) et on les garde le plus longtemps possible pour pouvoir les éloigner. Mais parfois malheureusement, certains sont libérés par l’autorité judiciaire. 

FI : Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, sommait, fin mai, l’Union des Comores de reprendre les reconduites. Dans le même temps, ce même pays demandait à la France de déployer un mécanisme de précaution sanitaire pour endiguer la propagation du Covid dans l’archipel. Ces discussions ont-elles avancées ? 

J. K. : Il y a eu des échanges à très haut niveau avec les autorités comoriennes pour que les expulsions puissent reprendre le plus tôt possible. Même si cela se discute surtout à Paris, je suis relativement optimiste sur le fait que cela sera le cas. Nous attendons un retour de l’Élysée à ce sujet. L’objectif, c’est d’avoir un sens de la responsabilité pour ne pas propager le Covid, sans pour autant accepter des dispositifs inapplicables et qui seraient une façon pour les Comores de cacher sa mauvaise volonté (d’accueillir les clandestins expulsés, ndlr). 

FI : Pourtant, 10 personnes étaient enfermées au centre de rétention administrative un mois plus tôt. Elles y sont aujourd’hui une quarantaine. Cela signifie-t-il qu’après une période creuse, les traversées de kwassas ont repris ? 

J. K. : Il y a eu plusieurs phases en matière de flux migratoire. Pendant la première phase, de mi-mars à mi-avril, il n’y avait rien, du moins nous n’avons eu aucune détection. Au-delà du renforcement du dispositif en mer et de l’action des autorités comorienne sur les plages pour empêcher les départs et les retours, il y a aussi eu une peur de Mayotte liée au Covid, puisque les autorités comoriennes ne faisaient état d’aucun cas en circulation, pendant que nous en comptions plusieurs dizaines. Puis à partir de la mi-avril, jusqu’à il y a une dizaine de jours, on a eu une remontée en puissance : nous avions détecté quelques kwassas par-ci par-là, mais cela restait relativement faible. Depuis mi-mai, on est revenu à un niveau similaire qu’à la même période de l’année dernière. Avec les conditions météorologiques en mer, cela reste là encore relativement faible, mais le flux a repris. 

FI : Maintenant que la présence du Covid aux Comores a été avérée, observe-t-on une recrudescence des kwassas sanitaires ? 

J. K. : Nous n’en avions recensé aucun depuis le début de la crise sanitaire. Mais la semaine dernière, nous en avons vu arriver quatre ou cinq, quasiment un par jour, mais pas forcément en lien avec le Covid. Avant cela, un homme qui l’avait contracté était décédé à Bandrélé après avoir débarqué d’un kwassa. Mais depuis ce cas, nous n’en avons plus eu. Les autres personnes que nous avons contrôlées sont plutôt des accidentées de la route ou des gens qui portent des sondes urinaires, par exemple. Je ne saurais pas expliquer pourquoi ça a repris précisément la semaine dernière, alors que Mayotte est passée de rouge à orange il y a plus d’un mois. Peut-être est-ce dû à l’aggravation de maladies chroniques qui n’ont pas été soignées pendant la crise aux Comores, avec des patients qui se présentent désormais à l’hôpital dans des conditions de santé dégradées… 

FI : Justement, des habitants de Kani-Bé, puis de Mtsahara ont tenté d’empêcher des secouristes de prendre en charges des personnes probablement déposées par un kwassa venus des Comores… 

J. K. : Tout ce que je peux dire, c’est que c’est parfaitement inacceptable de s’opposer à la prise en charge par les pompiers et les secours d’une personne vulnérable et en difficulté sur le plan médical et sanitaire. Mais nous ne pouvons pas prendre de précautions particulières dans la mesure où nous ne sommes pas censés nous prémunir de la population elle-même lorsqu’on porte secours. On ne va pas mettre un gendarme derrière chaque ambulance en intervention, ce n’est pas possible. Pour l’instant ça ne s’est pas reproduit, et je souhaite que ça ne se reproduise pas. 

FI : La semaine dernière, le député LR Mansour Kamardine insinuait que les passeurs pouvaient bénéficier de la complicité des autorités et des administrations locales, ce qui expliquerait selon lui la rapide pris en charge par les secours des clandestins fraîchement débarqués… 

J. K. : Ses propos n’engagent que lui, je ne peux pas les commenter.

Gestion de crise à Mayotte : les usagers veulent faire entendre leur voix

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Les associations mahoraises qui représentent les usagers avec France Asso Santé soulignent des dysfonctionnements dans la gestion de la crise sanitaire par l’ARS. Et demandent à être davantage impliqués. 

Ils s’étaient faits discrets pendant toute la crise, mais les représentants des usagers du système de santé ont décidé de dire “stop”. Vendredi, les associations mahoraises agréées réunies au sein de France Asso Santé ont envoyé un courrier à l’agence régionale de santé, et plus précisément à sa directrice, Dominique Voynet, pour formuler publiquement leurs interrogations et leurs propositions quant à la gestion de la crise du Covid. “La goutte d’eau, cela a été quand Mayotte est passée en orange alors que tous les clignotants étaient dans le rouge”, assène Joëlle Rastami, ancienne cadre de santé à la retraite et représentante du Lien, l’une des signataires de ce courrier. 

Pourquoi une telle démarche, plus de deux mois après le début de la crise ? En raison du manque de communication de la part des institutions, nous explique-t-on. “Nous avons pu travailler en visioconférence avec le CHM quelques fois, mais avec l’ARS cela a été le grand vide”, poursuit l’ex-soignante. “Après un premier courrier resté sans suite, nous avons donc décidé d’écrire ce plaidoyer, et de mettre la presse dans la boucle.” À ce jour, les représentants des usagers n’ont toutefois pas encore obtenu de retour de l’autorité sanitaire, mais l’ARS assure préparer d’ores et déjà des réponses précises à leurs questions légitimes. “Nous travaillons en bonne intelligence avec eux et avec de nombreuses associations et ONG et nous sommes très attentifs aux propositions qu’ils ont à nous faire”, répond ainsi Christophe Leikine, le directeur de cabinet de Dominique Voynet. “Nous venons de recevoir leur courrier, et sommes en train d’y travailler. Tout cela s’inscrit dans une gestion normale de la crise”, développe-t-il. Une gestion de crise qui a parfois dû se faire dans l’urgence, pour trouver rapidement des solutions, ce qui explique le délai de réponse de l’autorité de santé. “Mais nous avions de toute façon prévu de les impliquer, surtout maintenant que nous pouvons sortir un peu la tête de l’eau.” Cela passera notamment par l’organisation de la conférence régionale de santé et d’autonomie, repoussée à cause du Covid et qui doit être reprogrammée. 

Une communication inefficace 

Et tant mieux, car les associations agréées souhaitent que leur démarche soit “constructive”. C’est pourquoi leur courrier vient avec un lot de propositions. En premier lieu, le courrier cible la campagne de sensibilisation, jugée inadaptée pour Mayotte. Celle-ci a produit “des effets très limités sur le comportement de la population”, notamment à cause de traductions inégales, sans prendre en compte l’analphabétisme et l’illettrisme d’une partie de la population. Sur les masques, le gel hydroalcoolique, les gestes barrières, France Asso Santé juge ainsi que les usagers ont manqué de consignes claires, adressées au grand public. “On a l’impression qu’ils ont juste voulu imiter les choses qui se faisaient en métropole ou ailleurs, sans prendre en compte les spécificités de Mayotte”, complète Antufati Hafidou, de l’union départementale de la confédération syndicale des familles de Mayotte (UDCSFM), elle aussi dans la boucle. Pour y remédier, cette ancienne membre de l’Éducation nationale à la retraite suggère par exemple de mettre en place des actions directement dans les quartiers, pour tous les gens qui “n’ont pas accès à la télévision ou à la radio”. 

L’action de l’ARS en question 

Sur les équipements de protection, ensuite, les associations s’interrogent sur le protocole, alors que les commerces ont rouvert depuis le 18 mai, et que l’activité économique est en train de redémarrer. “Nous avons des témoignages d’usagers dont les auxiliaires de vie ne viennent plus, faute d’équipement”, expose Joëlle Rastami. Pour elle, c’est à l’ARS d’équiper les professionnels pour garantir les meilleures conditions de travail, tout en les formant aux gestes barrières. “Visiblement, il y a des stocks inépuisables en métropole, et ici, dans la grande distribution et les pharmacies, on a vu des produits hors de prix, ce n’est pas possible !”, rappelle-t-elle en référence aux surstocks constatés depuis quelques semaines dans l’Hexagone, après une période de pénurie en masques ou en tests. Sur ce point, l’ARS argumente avoir fait au mieux, compte tenu des tensions sur les approvisionnements. “Nous avons équipé l’ensemble des personnels soignants en masques, en surblouse, en gel et nous sommes même allés plus loin, avec la PMI (la protection maternelle et infantile), les officines”, rectifie Christophe Leikine. Le directeur rappelle d’ailleurs que certaines critiques formulées par le courrier, comme celle sur les distributions alimentaires ayant donné lieu à des attroupements, ne sont parfois pas du ressort de l’ARS. 

Mayotte, “encore en pleine crise” 

Les associations s’interrogent enfin sur les tests, qu’elles jugent encore en nombre insuffisant. Jusqu’à brouiller les chiffres ? Les clusters à la prison de Majicavo ou au centre de dialyse ont en effet remis sur la table la question de la stratégie en matière de prélèvements. “Faute de dépistage à Mayotte, qui nous dit que les chiffres sont justes ?”, questionne Joëlle Rastami. Les représentants des usagers se demandent si les réactifs ont bien été commandés, et si une campagne de dépistage à grande échelle est prévue. “Surtout quand on voit, en Guyane, qu’après la pression d’autorités locales, un dépistage massif a considérablement fait gonfler les bilans”, souligne la responsable du Lien. Une nouvelle campagne, menée dans l’ouest du département-région d’Outre-mer, à Saint-Laurent-du-Maroni, a en effet révélé que les cas positifs étaient sous-évalués. Mais là encore, l’ARS rappelle qu’elle n’a jamais refusé de faire un test, et qu’elle n’avait pas lésiné sur les campagnes de communication, pour inciter les gens à se faire dépister si jamais ils ressentaient des symptômes. 

Plus que de simples revendications, les signataires de ce plaidoyer espèrent surtout insuffler une nouvelle dynamique, qui les inclura davantage dans les réflexions sur la gestion de crise. Notamment pour préparer la suite, alors que la saison des mariages approche. Une autre source d’inquiétude sur laquelle ils attendent encore des réponses. “Au sujet des manzarakas, nous avons établi un protocole détaillé que nous avons envoyé à la préfecture et qui doit circuler dans toutes les mairies”, avance Christophe Leikine. Pas sûr que cela suffise toutefois à apaiser les représentants des usagers… “Nous sommes issus de la société civile, et nous sommes dans le quotidien des gens, et aujourd’hui nous constatons une coupure franche entre le discours institutionnel et celui de la population”, assure Joëlle Rastami. À l’instar des campagnes de sensibilisation, auxquelles ils veulent être associés en raison de leur ancrage sur le terrain, ils souhaitent donc pouvoir participer aux groupes de travail, et solliciter davantage les expertises de chacun. Alors seulement, Mayotte pourra vaincre cette épidémie, espèrent-ils. Car, “on est encore en pleine crise”, conclut Joëlle Rastami.

Mayotte pleure la disparition de son comédien Khams

Samedi en fin d’après-midi, le comédien Khams a été victime d’un accident de jet ski à quelques centaines de mètres de la côte dans le secteur de Pamandzi. Les recherches de la gendarmerie et celles de la population ont débuté dans la foulée pour tenter de le retrouver. Son corps a finalement été repêché dimanche peu avant 17h.

Samedi, 18h08. Le centre régional opérationnel de surveillance de sauvetage (Cross) sud océan Indien a été alerté pour un événement de mer impliquant un pilote de jet ski et deux passagères. L’accident s’est produit vers 17h45 à quelques centaines de mètres de la côte dans le secteur de Pamandzi. Depuis sa base nautique dans le quartier Sandravouangue, Seyfoudine Abdoulrazak a été le principal témoin de la scène. « Khams revenait d’une excursion à Mtsamboro où il avait participé à un voulé. En revenant, il s’est arrêté sur la plage qui s’appelle Baobab couché où se déroulait un anniversaire. Il a récupéré deux jeunes filles pour faire un petit tour avant de rentrer », se remémore-t-il, les images fraîches encore en tête. « Il a fait quelques cercles puis il a commencé à accélérer. Et c’est à ce moment-là qu’il a perdu le contrôle. À l’impact, j’ai dit à ma femme que ce n’était pas normal. De chez moi, j’ai vu les trois têtes au niveau du tombant. Puis ensuite, il a disparu ». Immédiatement, une vedette est partie de la station essence pour voler à leur secours. La barque a alors ramené les deux passagères, tandis que les pêcheurs ont redémarré la motomarine pour commencer les recherches dans le but de sauver le comédien.

Avertie, la gendarmerie a déployé des moyens nautiques et terrestres pour tenter de le retrouver, grâce notamment à l’aide de trois semi-rigides – deux de la gendarmerie maritime avec jumelles de vision nocturne et un de la police aux frontières. En vain… S’est alors posée la question d’un soutien aérien des forces de l’ordre pour appuyer le dispositif. « L’appréciation de l’emploi de l’hélicoptère de nuit est laissée aux pilotes. Sachant que le nôtre n’est pas équipé en électronique de bord pour voler et mener des recherches en simultanée. Nous pouvons seulement l’utiliser pour des missions de transport. C’est la raison pour laquelle la décision a été prise par l’équipage de ne pas l’engager », confie le général Philippe Leclercq, le commandant de la gendarmerie de Mayotte. Un refus qui a quelque peu irrité la population, sur le qui-vive durant tout cet épisode pour prêter bénévolement mains fortes aux secours en mer. « Quand il y a des conneries à la Vigie, il est de sortie avec le phare », confie un habitant, qui a du mal à digérer cette explication.

Le lendemain, dimanche, les recherches ont repris dès 6h30 avec cette fois-ci le survol de la zone. Dans le même temps, une patrouille a arpenté tout le littoral entre l’aéroport et le quai Ballou. « Les conditions de recherches sont rendues difficiles par les conditions météorologiques (vent de sud – 17 à 23 nœuds / mer agitée) », relatait un communiqué de la préfecture en fin de matinée. Finalement, le corps inanimé a été aperçu aux alentours de 17h par un kite surfeur avant qu’il ne soit récupéré avec deux zodiacs. « À l’endroit où il a coulé, il y a des coraux en profondeur. Selon moi, Khams a dû être coincé sous les patates », souligne Seyfoudine Abdoulrazak. Une possibilité qui pourrait s’expliquer en raison de l’absence de gilet de sauvetage chez le comédien, qui avait tout de même équipé les deux filles. « L’erreur fatale de l’État est de ne pas avoir envoyé de plongeurs à l’endroit de l’accident. Les forces de l’ordre n’ont pas écouté les témoignages des uns et des autres, ils n’en ont fait qu’à leur tête et ont négligé l’affaire ». D’où la tension palpable au rond-point du Four à Chaux lors de la sortie de l’eau de Khams.

Parallèlement à ces recherches, une enquête a été ouverte sous l’autorité du procureur de la République pour établir précisément les circonstances de l’accident. En début de soirée, le corps a été rendu à la famille, qui a procédé à l’enterrement dans la foulée pour saluer une dernière fois Kamardine Hassani.

Du lait local à Mayotte : un rêve devenu réalité pour Uzuri Wa Dzia

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La première coopérative de lait local de Mayotte a lancé sa production de lait caillé fin mars et entend déjà diversifier sa gamme. Ses produits sont disponibles en grande distribution.

Il y en a qui n’ont pas chômé pendant le confinement. À Mtsangadoua, à l’étage d’une maison mahoraise, la cuve de pasteurisation d’Uzuri Wa Dzia tourne à plein régime depuis la fin du mois de mars. Chaque jour depuis ou presque, la jeune coopérative lancée en 2018, transforme 300 litres de lait, pour en faire du lait caillé, disponible à la vente chez Sodifram et Kagna Maoré. Mais la nouvelle structure entend bien diversifier rapidement sa gamme, et fournira bientôt l’île en yaourt brassé et lait pasteurisé. Le tout “made in Mayotte”, une première pour la filière.

À l’origine du projet, ils sont huit éleveurs, partis du même constat : celui de vouloir transformer eux-mêmes leur lait. “Ils apprécient tous leur activité d’élevage et ont rapidement compris que la transformation, ce n’était pas vraiment le même métier. Non seulement c’était chronophage, mais en plus ils avaient du mal à commercialiser”, déroule Elise Cantelé, la directrice de Uzuri Wa Dzia. C’est ainsi qu’ils décident de se regrouper au sein d’une coopérative. Le projet plaît. Il est même sélectionné parmi les lauréats des Assises des Outre-mer en 2018. “Ce prix, cela a été un véritable appui financier, institutionnel et moral”, raconte l’ingénieure en agro-développement, débarquée il y a quatre ans à Mayotte justement pour un stage sur la structuration de la filière lait locale.

Un projet à taille humaine

Et aujourd’hui, c’est une réalité. Les huit éleveurs, fédérés autour de l’atelier individuel de l’un d’entre eux, peuvent transformer leur lait et le commercialiser sur l’île. Concrètement, un camion part tous les jours charger les bidons, dont on vérifie le pH, le poids et la température, avant de les emmener à Bandraboua pour les déverser dans la cuve de pasteurisation. Il faut alors choisir la semence – différente selon que l’on voudra produire du lait caillé ou du yaourt par exemple – puis passer le lait en étuve. Dernière étape, la chambre froide, avant de partir sur les rayons de Sodifram et de Kagna Maoré. Là, ils sont vendus pour quelques euros, en pot de 400ml ou de 3 litres. Bien sûr, tout cela reste pour l’instant “à taille humaine”, comme l’explique Elise Cantelé. “L’idée c’est que le projet monte doucement en puissance.”

Bientôt toute une gamme

Doucement, car structurer une telle filière à Mayotte n’est pas une mince affaire. Ne serait-ce que pour respecter les normes sanitaires, la chaîne du froid en tête, la coopérative a dû faire de lourds investissements. “Le plus cher c’était pour la collecte”, souligne la responsable : ne pouvant investir directement dans un tank à lait, très onéreux, la coopérative a dû se contenter d’un camion, et équiper les éleveurs d’un refroidisseur de bidon, qui fonctionne avec une eau maintenue à 0,4 degré. “Il nous a aussi fallu construire une plus grande chambre froide et nous avons un nouveau conditionneur qui doit arriver, ce qui nous permettra de faire des vrais pots de 125ml, la taille standard”, se réjouit Elise Cantelé. Prévue au début de l’année 2020, la production des premiers pots de lait caillé est intervenue en plein confinement. Un vrai frein alors que la coopérative comptait sur les nombreux événements et manzarakas de la période pour se lancer… Mais qui ne l’a visiblement pas stoppé en vol, bien au contraire. “C’est aussi pour ça que nous allons déjà commencer à diversifier la gamme, un peu plus vite que prévu !”, lance la directrice.

Tourisme et loisirs à Mayotte : la remise en route

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Après deux mois de confinement et d’activité économique au point mort, les offices du tourisme tentent de relancer leur structuration de l’offre touristique du territoire. Une structuration encore au stade embryonnaire, mais sur laquelle repose un espoir pour le département. Samedi, le Jardin d’Imany, exploitation qui tente par ailleurs de relancer la filière ylang-ylang sur le territoire, rouvrait ainsi ses portes en veillant à faire respecter les gestes barrières.

Ils étaient une dizaine à être présents, samedi, à la réouverture des visites du Jardin d’Imany, à Combani. La propriété de 19,5 hectares et son exploitant, Soumaila Moeva, dit Anouar, sont bien connus à Mayotte pour la culture d’ylang-ylang, et leur engagement à essayer de relancer la filière. Une journée en plein air qui signe la reprise des activités éco-touristiques de la petite entreprise familiale, mais qui marque aussi une nouvelle époque : celle de la préoccupation permanente du respect des gestes barrières. Lavage de main à l’arrivée, mise à disposition de gel hydroalcoolique – par ailleurs agrémenté d’une goutte d’huile essentielle d’ylang-ylang, une excellente idée qui change tout ! -, vaisselle écologique à usage unique, distance de sécurité, etc., autant de mesures mises en place pour limiter la propagation – ou la reprise – de l’épidémie de Covid-19, en ces lieux pourtant vastes et en plein air.

Une reprise des activités attendue car si « ces deux mois de confinement m’ont permis d’entretenir l’exploitation », relativise Soumaila Moeava, ils l’ont aussi privé d’une ressource. « J’ai l’habitude d’organiser des journées d’immersion dans la culture de l’ylang-ylang chaque semaine, et là je n’ai pas pu. Je tenais donc à rouvrir rapidement », commente-t-il. Des immersions traditionnellement de 25 personnes, désormais réduites à 10 maximum, qui reprennent progressivement à raison d’une journée par semaine, le dimanche.

De quoi, tout de même, souffler pour les visiteurs tout juste déconfinés et découvrir cette culture phare de Mayotte. La « fleur des fleurs » mahoraise, en effet, bien que largement concurrencée par Madagascar et le reste de l’archipel des Comores, demeure une piste de réflexion majeure pour Mayotte. Reconnue pour sa qualité, elle bénéficie d’une volonté de relance de la part des autorités. Un secteur compliqué à structurer, mais dans lequel croit l’exploitant, qui a repris l’activité que son grand-père a débuté en 1975. Les visites qu’il organise ne sont donc pas seulement une façon pour lui de gagner sa vie : elles sont aussi un outil pour faire découvrir l’activité et convaincre que l’ylang-ylang – comme d’autres cultures qu’il pratique aussi sur la propriété – a un rôle à jouer dans le développement de l’île. Est-il confiant sur cette reprise des activités post-déconfinement ? « D’après ce que je constate, le premier geste des gens est d’aller à la plage, mais j’ai envie de leur dire qu’ils peuvent aussi respirer le grand air dans les champs, découvrir des productions locales. Il est important qu’ils le sachent ».

En tout cas, sur place, les visiteurs ne regrettent pas : histoire de l’ylang-ylang sur le département, cueillette, distillation, déjeuner traditionnel, découverte des autres produits de l’exploitation, etc., ont convaincu les participants de l’intérêt de ces activités.

« Revoir notre approche du tourisme »

Ces activités et cultures traditionnelles sont au centre de la démarche de l’office du tourisme de la communauté de communes de centre-ouest (3CO) de Mayotte. Son directeur, Ackeem Ahmed, en a fait son mot d’ordre : il faut oser le « maoré « . « Lorsqu’on nous demande quels sont nos atouts, nous n’arrivons pas à le dire », regrette-il en poursuivant : « Pourtant, nous en avons beaucoup, alors c’est dans ce sens-là qu’il faut aller ». Et si ces deux mois de crise sanitaire ont largement fragilisés les acteurs touristiques dont il a en charge la structuration, il y voit une opportunité : « Ces deux mois ont compliqué les choses, c’est vrai, mais ils nous ont obligé à réfléchir à notre approche du tourisme, à nous interroger en profondeur. Il faut d’abord se recentrer sur nous et sur ce que l’on a ici à mettre en avant ».

Une piste de réflexion qui pourrait rapidement déboucher sur une opération à double visée : soutenir la découverte des productions et savoir-faire locaux, et remettre en selle les acteurs touristiques mis en difficulté durant la crise.

L’idée ? « Pourquoi ne pas s’inspirer du Repos des héros [une initiative qui propose des « bons vacances » au personnel soignant, largement mobilisé durant la crise, NDLR], ou mettre en place des offres promotionnelles en ce sens ? », détaille le directeur. Si, pour l’heure, rien n’est encore acté, la volonté de transformer le coup dur encaissé en opportunité semble, elle, à l’ordre du jour.

Mayotte : les bus scolaires sont parés pour la reprise mais roulent à vide

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Tous les bus scolaires sont à nouveau de service, mais les élèves se font rares. La société qui est en charge, Carla Mayotte Transport Baltus, fait respecter les mesures barrières avec les moyens du bord. Cependant, la gérante s’inquiète particulièrement pour la prochaine rentrée qui arrive à grands pas alors que rien n’est prêt.

C’est tous les jours le même rituel. Les chauffeurs de bus de la société Carla Mayotte Transport Baltus ont adopté de nouvelles habitudes pour appliquer et faire appliquer les mesures d’hygiène et de sécurité. Ils ont tous été formés et doivent suivre à la lettre la fiche métier qui leur a été transmise. Port du masque, lavage des mains avec du gel hydroalcoolique, pas de contact avec les passagers et bien d’autres. Tous doivent désormais s’y habituer et apprendre à gérer leur temps autrement car les conducteurs ont également l’obligation de désinfecter leurs bus après chaque service. La société a aussi décidé de condamner un siège sur deux en mettant du ruban adhésif, à défaut de trouver un moyen plus dissuasif pour faire respecter la distance d’un mètre. Pour le moment, cette technique est efficace. Il est assez facile de gérer le flux et appliquer les mesures nécessaires puisque les élèves ne se bousculent pas comme à l’accoutumée pour prendre les transports scolaires. “Beaucoup de bus tournent peu ou à vide car très peu d’enfants prennent le bus en ce moment. Je pense que nous n’avons même pas atteint les 10% des élèves habituels”, selon Carla Baltus, la gérante de la société de transport. Malgré cela, tous les bus dédiés au réseau scolaire doivent rouler car “nous sommes payés pour cela”, précise la gérante. Les changements opérés en vue des nouvelles mesures ont un coût entièrement pris en charge par l’entreprise. Pour l’heure, elle n’a pas reçu d’aides spécifiques, mais ce qui a permis la reprise des activités est le contrat avec le conseil départemental. “Nous avons un marché et il nous a indemnisé la partie fixe, c’est-à-dire notre rémunération. On a au moins pu payer les salariés et certaines charges.”

Une rentrée très incertaine

Il n’y a pas eu de scénarios de bousculades pour la reprise mais Carla Baltus n’est pas aussi certaine de l’efficacité du système en place pour la rentrée 2020. Pour le moment, sa seule certitude est l’incertitude qui plane au-dessus de cette rentrée. L’emploi du temps des élèves aura un impact direct dans la gestion de la société de transport. 256 bus sont mobilisés pour le ramassage scolaire, cependant leurs capacités sont réduites de moitié puisqu’un siège sur deux n’est plus accessible. “Nous devons absolument savoir si les enfants vont arriver en même temps et reprendre leur rythme habituel. Si c’est le cas, je ne sais pas comment nous allons faire car il faudrait doubler le nombre de bus et cela est techniquement impossible. Il faut en moyenne 8 mois pour qu’un bus soit livré”, explique Carla Baltus. Afin d’assurer le transport des élèves dans le respect des gestes barrières à la rentrée, le système des quinze élèves par classe est pour le moment l’unique solution pour la gérante. Une discussion avec le rectorat est de rigueur afin de préparer la rentrée dans les meilleures conditions. La société de transport demande à être entendue et à participer aux réunions de préparation.

« Tous les arguments sont là pour le garder sur l’île »

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Depuis un mois, le centre hospitalier de Mayotte compte dans ses rangs un hélicoptère pour réaliser des transferts sanitaires aux quatre coins de l’île. Un moyen de transport revendiqué de longue date par le Samu et le Smur qui fait économiser un temps médical précieux. Le personnel soignant espère désormais pérenniser cet outil indispensable avec le lancement d’un marché public.

Lorsque le centre de régulation envoie le Smur ou le Samu en intervention, les équipes partent en ambulance, armées de patience. Commence alors un véritable parcours contre la montre pour rejoindre le lieu en question dans les plus brefs délais. Excepté que ce laps de temps peut grimper jusqu’à plus d’une heure lorsqu’il s’agit de se rendre à Mbouéni, par exemple. En cas d’arrêt cardiaque, cette attente peut être tout simplement fatale. Or, depuis un mois, les deux services jouissent d’une alternative, en utilisant un hélicoptère loué à l’entreprise réunionnaise Hélilagon, qui permet d’assurer des transferts sanitaires en seulement quelques minutes.

« C’est une plus-value énorme », confie Ludovic Iché, le responsable des évacuations sanitaires. Preuve en est ce jeudi avec son envoi à l’aéroport pour ramener à Mamoudzou une petite-fille retrouvée dans les bois, soi-disant somnolente selon le médecin du dispensaire de Petite-Terre, et qui aurait ingurgité une plante suspicieuse. Ni une ni deux, Michaël Oriol, le pilote de la compagnie, et Bricia Louro, l’infirmière, accourent dans l’écureuil AS 335N bi-turbines pour la rapatrier. Temps de l’opération : vingt-cinq minutes. Contre minimum, le double voire le triple s’il avait fallu emprunter la barge… « L’hélicoptère fait économiser un temps médical non négligeable », assure le médecin, qui se considère ce moyen de transport comme désormais « indispensable » pour le territoire. Grâce à cet oiseau volant, qui part en mission en moyenne trois fois par jour, les transferts entre les centres de références et l’hôpital ne sont plus assujettis à l’état du réseau routier et à la densité du trafic.

Un argument de choc auprès des autorités

Et l’île présente des caractéristiques idéales pour de tels déplacements, à en croire le responsable des opérations de vol pour Hélilagon. « Le relief relativement bas permet d’évoluer en toute sécurité », confie Michaël Oriol, au moment de désinfecter la civière sur laquelle la patiente héliportée quelques minutes plus tôt s’est installée. Mais encore faut-il disposer de zones adaptées sur lesquelles il est possible de faire atterrir en bonne et due forme l’appareil de 2.5 tonnes. Et à ce sujet-là, les pistes se multiplient. « J’ai pris part avec le directeur des travaux à la reconnaissance des éventuels points de posée dans les CMR pour éviter d’aller sur les stades », souffle celui qui comptabilise 5.400 heures de vol à son actif.

Indépendamment de cet aspect médicale, l’hélicoptère apporte une solution aux autorités, agence régionale de santé en tête, qui souhaitent apporter la médecine d’urgence dans les centres de soins. « Par rapport aux effectifs en place, il nous est impossible d’envoyer des urgentistes dans les centres périphériques », constate Ludovic Iché, avant de glisser malicieusement qu’ils peuvent « s’y rendre très rapidement ». Autre argument à prendre en compte : la multiplication des blocages qui empêche le cas échéant la circulation des ambulances… Un problème résolu avec cette voie aérienne ! Ne reste plus qu’à convaincre la direction de lancer un appel d’offres pour pérenniser cet équipement,

qui pourrait coûter deux millions d’euros par an à l’établissement hospitalier. « Le dossier peut être scellé dès cette année. Tous les voyants sont au vert, tous les arguments sont là pour le garder sur l’île. » En cas d’aval, le CHM pourrait alors se targuer d’un hélisamu, qui interviendrait dans les endroits les plus reculés du territoire.

Le handisport mahorais bientôt au programme des Jeux des Îles ?

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Si aucun comité départemental de handisport n’existe à Mayotte, le Cros espère bien pouvoir développer la pratique d’ici 2023, date des prochains Jeux des Îles de l’océan Indien. Une première réunion de travail a eu lieu en ce sens mercredi, avec les associations et les institutions. Un seul mot d’ordre : l’inclusion.

Sur les 1 350 clubs et 539 associations affiliés à la fédération française de handisport, Mayotte n’en compte pas une seule. Et pour cause, aucun comité départemental n’existe à ce jour. Pourtant, une poignée de structures sportives, mêlant notamment kayak, boxe et athlétisme, œuvrent, tout au long de l’année, pour une meilleure inclusion par l’activité physique de ces publics encore trop stigmatisés. Mais sans comité, ces acteurs peinent à se rencontrer, s’organiser et dégager une dynamique coordonnée et ne peuvent par conséquent pas représenter leur discipline en dehors du territoire. Pour répondre à cette problématique, le comité régional olympique et sportif (Cros) organisait mercredi une première réunion de travail dédiée au handisport. Plus d’une quinzaine d’associations sportives et d’institutions, déjà engagées ou intéressées par le sujet, ont répondu présentes.

« L’objectif serait, à terme, d’avoir pour la première fois un sportif mahorais en situation de handicap lors des prochaines Jeux des Îles de l’océan Indien, en 2023 », espère Manon Darcel-Droguet, chef du service sport, santé et bien-être au sein du Cros, et l’une des organisatrice de la réunion. « Mais cela ne sera pas possible tant qu’il n’y a pas de comité départemental affilié » En octobre dernier, la fédération nationale de handisport rencontrait les représentants du Cros de Mayotte. Immédiatement, le 101ème département est apparu comme un territoire à investir. « Pour nous, c’est réalisable de développer la pratique à Mayotte, il faut juste réussir à mettre en relation les partenaires qui organisent déjà des initiatives individuelles », projette encore Manon Darcel-Droguet. « Mais là-dessus, on ne s’inquiète pas : on a un tissu associatif et des éducateurs sportifs très mobilisés ici. »

Parmi les plus mobilisés, justement, le Mahorais judo jujitsu boxing club, qui accueille depuis une petite décennie des jeunes en situation de handicap, et ce dès l’âge de quatre ans. En la matière, la structure fait à Mayotte office de précurseur et compte aujourd’hui une dizaine de sportifs handicapés, sourds, trisomiques ou amputés notamment. « À chaque début de saison, ils font une démonstration lors de nos journées portes ouvertes pour leur montrer qu’ils ne doivent pas se cacher », sourit Salimou Madi Sidi. Formé en métropole, le cadre technique du club a lui-même introduit la pratique du handisport au sein de la structure mahoraise. « Le sport leur donne confiance en eux. Il leur permet de comprendre qu’ils peuvent avoir une valeur ajoutée pour la société comme n’importe qui d’autre, parce qu’ils sont tout aussi capables de réussir. Pour nous, c’est une façon de lutter contre l’isolement et de leur donner espoir. » Une volonté qui a d’ailleurs donné naissance, en 2017, au tour de Mayotte en fauteuil roulant, instigué par le docteur Léo, puis exporté à La Réunion. « C’est important de faire comprendre aux gens qu’on peut associer sport et handicap. Il faut faire changer les mentalités », défend l’organisateur de l’événement qui a pour vocation d’interpeller le grand public et les autorités, en faisant participer des personnes validés aux côtés de personnes en situation de handicap. La prochaine édition est d’ailleurs prévue pour 2021.

« Mayotte pourrait avoir des challengers »

Mais en l’absence d’un comité départemental et donc d’affiliation, les handisportifs ne peuvent pas, à Mayotte, accéder à des compétions haut-niveau en dehors des pratiques mixtes. « Pourtant, on pourrait avoir des challengers, beaucoup de jeunes ont du potentiel ici mais on ne les valorise pas »,

analyse Salimou Madi Sidi. « Pour ça, il faut que les institutions s’impliquent, ce qui nous permettrait aussi d’avoir plus de visibilité et de sensibiliser plus de monde. » En ce sens, le rectorat a déjà introduit via l’UNSS une pratique sportive partagée mêlant jeunes en situation de handicap et jeunes valides. Au total, 80 élèves ont déjà participé à des activités du genre, au sein des établissements ou autour du lagon. « On doit donner à ces jeunes les moyens de pouvoir pratiquer les mêmes sports que les autres,sans systématiquement les mettre de côté », défend Gilles Halbout, à la tête de l’académie de Mayotte. « À terme, notre objectif est de pouvoir introduire la pratique du sport pour les élèves en situation de handicap en EPS, dans le temps scolaire. Nous comptons aussi développer des actions de sensibilisation dans les établissements, et des actions de formation en direction des enseignants. » De quoi favoriser davantage l’inclusion des jeunes concernés, alors qu’à Mayotte, beaucoup reste à faire en la matière.

L’année dernière, le coureur mahorais en fauteuil, Omar Amboudi, amputé d’un membre, envisageait de concourir aux Jeux des Îles. À défaut de pouvoir représenter Mayotte dans le handisport, l’athlète avait alors pensé se présenter sous la bannière de La Réunion, où il vit désormais, tout en revenant s’entraîner ici en amont. Mais après quelques séances sur le stade de Cavani ou sur la route qui relie Dzoumogné à M’tsamboro, il comprend que sans les centres de pratiques sportives dédiés qu’il fréquente sur l’île intense, il ne pourra que trop peu développer ses performances. Finalement, il décide de rebrousser chemin et ne se présentera pas, cette année-là, au plus grand événement sportif de l’océan Indien. Mais Omar Amboudi, habitué des compétitons à La Réunion, prévoit bien de répondre présent lors de la prochaine édition, en 2023. « Je voudrais avoir la chance de pouvoir représenter Mayotte dans le handisport, mais pour l’instant, je ne vois pas comment c’est possible », souffle le coureur.

En effet, « Les infrastructures sportives sont déjà difficilement accessibles, et le sont d’autant plus pour certains sportifs en situation de handicap », relève Erwan Bouris-Humbert, éducateur au centre multisports de M’roalé, spécialisé dans le kick-boxing et qui, depuis quatre ans, organise des séances hebdomadaires de sport adapté aux handicaps physique,moteur, sensoriel, psychique et mental, pour les enfants, les adolescents et les adultes. D’où l’intérêt, là encore, de propulser la création d’un comité départemental de handisport, qui permettrait notamment de capter plus de subventions. En 2017, le secteur représentait 5% du budget annuel alloué par l’État pour le développement du sport à Mayotte – qui compte, à minima, 1 100 personnes en situation de handicap –, soit une enveloppe de 21 000 euros. En comparaison, l’île Maurice dégageait, la même année, 52 000 euros pour l’ensemble de ses quatre fédérations affiliées. Lors des JIOI de l’année passée, le pays avait même désigné comme porte-drapeau Noémi Alphonse, multiple recordwoman nationale de course en fauteuil. Le 101ème département suivra-t-il la même voie en 2023 ? C’est en tous cas ce que le Cros essayera de défendre en septembre, lors d’une prochaine rencontre avec la fédération nationale de handisport.

Démantèlement d’un réseau de trafic de faux billet

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Cinq personnes ont été présentées devant le procureur et le juge des libertés ce jeudi pour escroquerie. Les prévenus seraient impliqués dans un trafic de faux billets qui remonte à plusieurs mois. Ces personnes arrêtées ne seraient que la partie émergée de l’iceberg.

C’est une affaire menée par la police dans le plus grand secret depuis plusieurs mois. Un trafic de faux billets vient d’être révélé au grand jour. Le réseau a été découvert “à la suite d’une enquête préliminaire menée par le Groupe d’Enquête de Lutte contre l’Immigration Clandestine (G.E.L.I.C). “Un réseau structuré organisant des escroqueries dites « wash-wash » (manipulation faisant croire à la possibilité de transformer des billets de banque noircis en billets utilisables grâce à un produit) dans le but de se faire remettre de véritables billets a ainsi été identifié”, annonce le procureur de la République Camille Miansoni dans un communiqué. Sept personnes ont été placées en garde à vue et cinq d’entre elles ont été présentées au juge d’instruction ce jeudi pour “escroquerie réalisée en bande organisée, de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni de 10 ans d’emprisonnement, de transport de monnaie ayant cours légal contrefaisante ou falsifiée.” Les auteurs présumés des faits sont d’origines étrangères (camerounaise, congolaise, comorienne, malgache) et en situation irrégulière. Deux d’entre eux sont placés en détention provisoire et les trois autres sous contrôle judiciaire. Tous sont mis en examen pour escroquerie en bande organisée, mais le Camerounais est également accusé de transport de monnaie ayant cours légal contrefaisante ou falsifiée. Ils encourent 10 ans d’emprisonnement.

Un réseau bien plus conséquent ?

L’enquête est cependant loin d’être finie puisque qu’il reste plusieurs zones d’ombres à éclaircir. “7 personnes ont été identifiées mais d’autres sont impliquées dans ce trafic et n’ont pas encore été retrouvées”, indique Abdel Latuf, l’un des avocats des prévenus. La similarité de l’affaire avec celle du réseau de trafic de faux billets démantelée aux Comores il y a deux semaines peut semer le doute. Cependant l’avocat reste prudent. “À ce stade de la procédure c’est compliqué d’affirmer les choses avec certitude parce qu’on n’a pas encore pu élucider tout le mystère qu’il y a autour de cette affaire, mais une chose est certaine il y a beaucoup de personnes impliquées.”

La police avait mis sur écoute un certain nombre d’individus depuis plusieurs mois. Ces derniers n’ont pas nié les faits, mais minimisent leurs actes. “L’affaire est présentée comme un réseau mais rien ne nous dit que c’est bien le cas. Tout le sujet est là. Nous pensons que c’est un petit trafic entre quelques personnes et non un si large réseau comme c’est présenté. En l’état actuel des choses, rien ne permet de dire qu’il s’agit d’une bande organisée sur le plan technique et juridique”, affirme l’avocat Abdel Latuf.

Certains affirment s’être engagés dans ce trafic “car ils vivent dans la misère et veulent s’en sortir. Mais beaucoup sont aussi attirés par l’appât du gain”, concède l’avocat

Entraves à l’évacuation de blessés étrangers : « On s’attend à ce que ça se reproduise »

Kani-Bé samedi, M’Tsahara mardi, les deux villages ont été ces derniers jours le théâtre d’en-traves aux secouristes venus porter assistance à des victimes probablement déposées par des kwassa en provenance des Comores. Du jamais vu pour le capitaine Indaroussi Saïd, chef du groupement territorial au Sdis de Mayotte, mais qui s’attend à ce que de tels événements se repro-duisent.

« C’est complètement nouveau d’être entravés de cette manière, nous avons l’habitude d’essuyer des jets de pierre comme partout, mais que des personnes se dressent pour nous empêcher de secourir des victimes, je n’avais jamais vu ça », lâche le capitaine Saïd du Service départemental d’incendie et de secours de Mayotte. Un événement inédit pour le pompier donc, mais qui s’est pourtant produit deux fois en l’espace de quelques jours.

D’abord à Kani-Bé, dans la commune de Kani-Kéli. « Nous avons été appelé samedi vers midi par les gendarmes pour porter secours à une personne sur la voie publique », se souvient le pompier. Devant « la situation très grave de la victime » qui présentait un fort trauma crânien ainsi que de multiples plaies, le Sdis dépêche une de ses ambulances sur place depuis la caserne de Chi-rongui. Les secouristes le savent, chaque minute compte pour espérer préserver la vie de la vic-time. Raison pour laquelle le Smur décide d’envoyer l’hélicoptère à sa disposition pour effectuer le transport du malade de la zone d’intervention jusqu’à l’hôpital de Mamoudzou.

« Nous avons fait les bilans sur place avec l’ambulance puis compte tenu de la gravité, nous avons vu avec le Smur pour que l’hélicoptère se pose au plus près pour gagner du temps », ra-conte le capitaine Saïd. Par voie terrestre comme aérienne, l’objectif est fixé : le plateau sportif de Kani-Kéli. Jusque là, tout est normal malgré l’urgence vitale.

Entravés alors que « chaque minute compte »

Puis les hommes embarquent à bord de l’ambulance qui transporte la victime. « Rapidement sur la route, nous avons été bloqués par des barricades de poubelles et de très nombreuses personnes, nous ne pouvions plus avancer ni accéder au plateau malgré la présence des gendarmes », té-moigne encore le capitaine Saïd. La raison de cette entrave ? Le blessé aurait probablement été déposé par un kwassa provenant des Comores voisines en vu d’être soigné sur le 101ème dépar-tement français. Des soins qui, selon les militants, viendraient se faire au détriment de ceux qui pourraient être prodigués à la population mahoraise. Des arguments que n’entend pas le pompier mais qui pour autant, ne peut forcer le passage pour déposer l’homme en danger de mort dans l’hélico du Smur. « Notre mission c’est de secourir, on n’est pas là pour se confronter à la popula-tion, ça ce n’est pas possible », appuie-t-il ainsi. C’est donc tout naturellement vers les gendarmes que se tournent les secouristes qui leur proposent ainsi de les escorter vers le stade de Chirongui en accord avec les équipes opérant par les airs. « Compte-tenu de la distance et de l’état de la route, cela nous a pris au moins dix minutes pour atteindre le stade », estime le capitaine Saïd. Un trajet pas comme les autres pour lequel les pompiers étaient certes escortés par les gendarmes, mais pas seulement. « Il y a plusieurs personnes qui nous ont suivi en voiture pour essayer de nous bloquer au stade », se remémore le gradé. La détermination dans l’entrave aux secours est solide mais ne suffira cependant pas, cette fois-ci, à empêcher l’évacuation sanitaire aérienne.

Mardi, il fallait se rendre à l’exact opposé de l’île, à M’tsahara, pour voir ce genre de scène à nou-veau. Les pompiers sont appelés pour venir au secours d’une personne blessée, sans doute dépo-sée sur la plage par un kwassa. L’état de la victime est moins grave, son pronostic vital n’est pas engagé. En revanche, la volonté des habitants de ne pas la voir secourue est toute aussi forte. « Nous avons dépêché une ambulance depuis la caserne d’Acoua puis en arrivant sur place, nous avons été bloqués en amont par la population », explique Indaroussi Saïd. Autre village, même ambiance. Des individus en masse blogue la route aux pompiers tant de leurs corps que de poubelles érigées en barrages. Le temps est moins compté, toutes les autorités, municipales en pre-mier lieu sont informées afin de trouver une solution. Les négociations aboutissent finalement et permettent au blessé d’être évacué vers le centre de Dzoumogné.

« Nous savions que ça allait se passer »

Des récits aussi inédits qu’incompréhensibles notamment pour l’ARS qui s’en est indignée. «La France ne tolère aucune discrimination dans l’accès aux soins », a-t-elle ainsi martelé dans un communiqué. Et pourtant… « Nous savions que ça allait se passer », lance le pompier. Pire, « On s’attend à ce que cela se reproduise dans les jours à venir, principalement dans les zones ur-baines », poursuit le capitaine Saïd. « Le contexte géopolitique, on le connaît et on voit bien com-ment communiquent ces derniers temps les associations qui montrent leur hostilité à l’immigration. Et pendant ce temps les kwassa n’arrêtent pas d’arriver alors ça renforce leur discours. Elles envi-sagent tous les moyens, on l’a bien vu, elles sont capables de nous suivre de Kani-Kéli à Chi-rongui et être encore là mardi à M’tsahara », analyse le pompier qui veut rester loin des considéra-tions politiques.

« Notre métier, c’est de secourir, point. La doctrine qui nous anime est de ne pas faire de distinc-tion en fonction de la nationalité ou quoi que ce soit d’autre, on porte secours quelque soit la per-sonne », soutient-il. Des valeurs solides donc, qui n’empêchent cependant pas une certaine in-quiétude. « Les dangers sont réels, on essaye de garder notre sang froid mais c’est dur car ces personnes sont très déterminées et on ne sait pas jusqu’où ça peut aller », déplore-t-il. Hors de question, dans ce contexte, de mettre ses hommes en péril et de « multiplier les victimes » en les envoyant au front. « Si ce n’est pas sécurisé, nous allons avoir du mal à intervenir et nous avons le droit de nous mettre en repli », explique encore le pompier avant de renvoyer tout le monde à ses responsabilités. « Il faut désormais la présence des forces de l’ordre, que nous établissions une stratégie avec elles dont c’est le métier d’assurer le maintien de l’ordre », considère-t-il, notant qu’aucune interpellation n’a eu lieu lors des deux événements. L’infraction est cependant passible de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende. Quant à dialoguer avec les mili-tants, « ce n’est pas à nous de de le faire, ce n’est pas notre responsabilité mais les autorités doi-vent le faire ». Et éteindre le feu avant qu’il ne soit trop tard.

Violences conjugales à Mayotte : “le confinement a fait exploser les chiffres”

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Les chiffres n’ont cessé de grimper pendant le confinement, au grand dam des associations qui luttent contre les violences conjugales. Les signalements de violences ont augmenté de 36 % durant cette période, au niveau national. Mayotte ne fait pas exception, l’association pour la condition féminine et aide aux victimes (ACFAV) a été très sollicitée durant ces deux derniers mois par des femmes qui n’avaient plus d’échappatoire. 

Dès le début de la crise, les professionnels de l’ACFAV appréhendaient les conséquences du confinement sur les personnes victimes de violences conjugales. Malheureusement, leurs craintes ont été avérées puisque le nombre de signalements pour violences est en forte hausse à Mayotte et à l’échelle nationale. “Le confinement a fait exploser nos chiffres, le nombre de violences conjugales constatées a triplé par rapport à l’année dernière (les derniers chiffres évoquent plus de 81 victimes de violence dans les hébergements)”, affirme Djamael Djalalaine, président de l’ACFAV. L’accueil du jour étant fermé durant cette période, l’accueil téléphonique a particulièrement été prisé. Un dispositif a été également mis en place dans les pharmacies pour que les victimes puissent se signaler en toute discrétion sans prendre de risques. Il a été d’une grande aide selon Djamael Djalalaine. “Le dispositif d’alerte avec les pharmacies s’est très bien passé. Beaucoup de femmes victimes se sont orientées vers nous grâce à cela, son maintien est donc nécessaire au-delà du confinement.” Le signalement est une chose, mais la prise en charge en est une autre. Certaines femmes ont dû être mises à l‘abri en urgence avec leurs enfants, une quarantaine ces trois derniers mois. Ce chiffre ne colle pas avec les capacités réelles de l’association qui ne dispose que de 14 places d’hébergements pour les victimes de violences conjugales. 

Celles qui ont dû rester chez elles avec leurs bourreaux ont subi le confinement avec beaucoup de stress et une peur constante. “Cela a été particulièrement compliqué moralement, car elles n’avaient pas d’échappatoire. Elles ne pouvaient pas sortir de la maison, et supportaient leurs conjoints qui étaient tout le temps présents. En temps normal, ils vont au travail et ça permet aux femmes de respirer un peu”, explique le président de l’ACFAV. Selon les témoignages récoltés par les professionnels de l’association, ces femmes ont ressenti le confinement comme une forme de soumission puisqu’elles n’avaient pas d’autres choix que d’exécuter les volontés de leurs maris. La plupart ont été victimes de violences physiques, mais également de viol conjugal et de harcèlement moral, selon l’association. 

Un suivi difficile à mettre en place 

Les professionnels de l’ACFAV sont restés en contact avec une grande partie des victimes, mais le suivi n’a pas été de tout repos puisque le téléphone était leur seul lien. “Lorsqu’on les appelait, elles étaient obligées de mettre le haut-parleur ou des fois elles ne répondaient pas. Maintenant qu’elles sont de retour dans nos locaux, elles nous expliquent qu’elles ne pouvaient pas parler parce que le mari était à côté”, indique Djamael Djalalaine. Très souvent, ces femmes dépendent financièrement de leurs conjoints, et dans ces cas-là l’éloignement est d’autant plus difficile. “La question de l’aide alimentaire a été un frein et très dur à gérer. La priorité de ces femmes est de nourrir leurs enfants et elles ne pensaient pas à elles. Nous ne sommes pas habilités à donner des colis alimentaires, mais nous avons travaillé avec les associations qui s’en occupent”, révèle Malika Bouti, conseillère conjugale à l’ACFAV. Cette dernière affirme avoir appelé ces femmes tous les deux jours. Elle ne cache pas que le confinement a compliqué son travail, mais il lui a également permis de le repenser. “J’ai appris à écouter différemment, je suis plus perceptive. C’était nécessaire pour les appels téléphoniques. J’ai également apporté des outils à ces femmes pour qu’elles soient plus vigilantes et qu’elles osent appeler la police ou simplement parler.” 

Sensibiliser et protéger encore plus 

La secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes a annoncé ce mardi de nombreuses mesures qui aideront à lutter contre les violences conjugales et familiales. Parmi elles, un fonds d’un million d’euros sera attribué aux structures qui soutiennent les victimes. Le directeur de l’ACFAV s’en réjouit, car cela leur permettra d’adopter de nouvelles méthodes de travail. “Nous voulons avoir un camion mobile qui sillonnera les coins les plus reculés de Mayotte avec des psychologues, des conseillers conjugaux, des conseillers juridiques, etc. Cela nous permettra aussi de mieux sensibiliser et en même temps de récolter plus d’informations. Nous ne devons plus attendre que les victimes viennent vers nous.”

Rappel : Si vous êtes victimes de violences conjugales ou familiales ou si vous connaissez une personne dans cette situation, veuillez contacter le 55 55. Ce numéro est gratuit.

Hausse de 40 % des cotisations : les explications du SIDEVAM

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Le syndicat mixte devait se réunir hier matin pour décider d’une hausse des cotisations demandées aux intercommunalités de l’île. L’annonce a de quoi inquiéter, alors que la mauvaise gestion de ses finances est régulièrement pointée du doigt. 

Le SIDEVAM vit-il ses dernières heures ? Le syndicat chargé de la collecte et du traitement des déchets a annoncé envisager une augmentation de 40 % des cotisations des communautés de communes. Mais le conseil syndical réuni ce mercredi matin a finalement décidé de reporter la séance pour “manque d’éléments”, indique Madi Saïd, vice-président en charge de la collecte. “Nous devons retravailler la question des cotisations et des charges que nous avons par rapport à certaines compétences qui nous incombent, et que nous devons réduire”, justifie Assani Saindou Bamcolo, le président du SIDEVAM. 

Pour autant, le chiffre de 40 % est toujours sur la table. Une hausse spectaculaire qui risque de faire grincer des dents plus d’un élu, alors que le syndicat est régulièrement la cible des critiques pour la gestion hasardeuse de ses finances et la qualité décriée des services rendus. Déjà en 2018, la chambre régionale des comptes épinglait le SIDEVAM, et signalait sa fragilité financière qui, avec une “capacité d’autofinancement de 0,3 million d’euros en 2017 ne permettait pas à l’établissement de participer au financement de ses investissements”. En cause, une masse salariale importante, un temps de travail légal fluctuant, des cessions de véhicule de collecte réalisées dans des conditions contestables, et un non-respect des principes fondamentaux de commande publique, entre autres travers… 

Des besoins d’investissements 

Et visiblement, la situation ne s’est pas arrangée. “Nous avons de gros soucis avec les camions, sans parler des investissements que nous devons faire concernant l’aménagement de nos locaux”, justifie Assani Saindou Bamcolo. S’il reconnaît une gestion “délicate” des dépenses, celui qui est aussi maire de Koungou avance plusieurs facteurs qui ont contribué à mettre le syndicat en difficulté : la qualité des voiries qui réduit “la durée de vie d’un camion à trois ans à peu près à Mayotte” ; des retards dans les cotisations des intercommunalités ; la jeunesse du SIDEVAM, né en 2014 de la fusion des cinq structures intercommunales ; ou encore la difficulté du travail qui conduit à un absentéisme chronique des agents, dont beaucoup n’ont pourtant pas l’âge de partir à la retraite. Quant au calcul qui a mené à envisager une hausse des taux de près de la moitié, Bamcolo botte en touche et renvoie à son directeur général adjoint. 

S’il n’a pas non plus de “chiffre en tête”, Ibrahim Ahmed-Combo avance quant à lui la nécessité de procéder à des investissements colossaux, pour “mettre aux normes” la structure et enfin “tourner la page” de plusieurs années d’une collecte “faite difficilement”. Pour aller de l’avant, il faut d’abord, selon lui, équiper Mayotte des huit déchetteries annoncées dans le Plan d’élimination des déchets ménagers et assimilés (PEDMA) dont aucune n’est encore opérationnelle. “Nous avons enfin contractualisé avec l’Établissement public foncier d’aménagement de Mayotte (EPFAM) pour régler le problème du foncier, et nous avons identifié trois terrains : un à Hamaha à côté de la décharge de Mamoudzou, un deuxième à côté du quai de transfert de Malamani, et un dernier à Bandrelé”, souligne le responsable. Dans sa liste aussi, la construction d’un garage pour la maintenance des camions. “Ceux en charge de la réparation et de l’entretien, ils travaillent sous le soleil et sous la pluie, aucun maire n’est venu constater la situation, il faut mettre cela aux normes !”, insiste-t-il. 

La gestion financière pointée du doigt 

Quant aux critiques sur la mauvaise gestion financière, Ahmed-Combo assure mettre les bouchées doubles pour remplir les différentes recommandations adressées en 2018 par la chambre régionale des comptes. Appels d’offres pour dégoter les prestataires les plus compétitifs pour la location des camions, les équipements de protection individuels, les pneumatiques, les pièces détachées… Le SIDEVAM a aussi recours à deux bureaux d’étude pour clarifier la collecte entre les différents acteurs et optimiser la gestion des ressources humaines et des finances. “Ma feuille de route est prête, tous les projets sont sur la table, et je veux qu’on me finance”, lâche le directeur général des services par intérim. 

Bon courage, malgré tout, pour faire avaler la pilule aux élus ! Pour certains, ce sont tout de même plus d’un million d’euros qu’il faudrait sortir de leur poche, alors même qu’ils ont déjà voté leurs budgets… Et ce geste, les intercos ne vont sûrement pas le faire de gaieté de cœur. Surtout quand, dans les orientations budgétaires qui leur ont été transmises, les élus remarquent plutôt un déficit de plusieurs millions d’euros et une augmentation inexpliquée de 30 % de la masse salariale. Un contrôle “sévère” de la chambre régionale des comptes serait d’ailleurs en cours, et l’annonce subite d’une hausse de 40 % des cotisations ne risque pas vraiment de plaider en la faveur du SIDEVAM.

Covid-19 à Mayotte : Pas d’inquiétude mais des questionnements

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Situation épidémiologique, reprise des vols commerciaux, ou encore arrivée de la campagne du second tour des élections municipales et de la période des grands mariages : autant de points abordés hier par la directrice de l’ARS, Dominique Voynet. Revue. 

Le nombre de cas positifs de Covid-19 annoncé pour la journée d’hier, de l’aveu même de Dominique Voynet, directrice de l’agence régionale de santé (ARS), rendait finalement peu compte de la situation. En cause : un nombre de tests réalisés la veille assez bas, 72, “le laboratoire privé étant à nouveau en rupture de tests”, a-t-elle expliqué. Une rupture qui n’est pas à imputer au laboratoire en lui-même, mais à la pénurie de matériels du fabricant américain. Une situation pour laquelle Dominique Voynet a déploré qu’il était “épuisant de se battre pour avoir seulement les moyens de la politique qui nous est demandée. Les instances sanitaires nationales sont alertées et nous ont promis leur aide”. 

Quoi qu’il en soit, “nous avons toujours du monde hospitalisé : 38 personnes, dont 12 en réanimation.” Un 29ème décès était d’ailleurs constaté hier matin. Des décès qui concernent toujours “des personnes très âgées. Le dernier avait 85 ans, l’avant-dernier 95.” D’une manière générale, nous sommes donc “toujours dans une phase d’attente et d’observation, on ne peut pas se rassurer. Nous ne sommes pas mal placés, nous ne sommes pas inquiets [car nous avons] le soutien du service de santé des armées, (…) mais rien ne nous incite à relâcher notre vigilance.” 

Surveillance sur d’éventuels clusters 

L’attention de l’ARS se porte en particulier sur d’éventuels clusters, afin de les identifier au plus tôt et de les contenir. La semaine dernière, trois clusters étaient identifiés. Celui de la prison n’a pas eu à connaître de cas grave ou d’hospitalisation ; celui des pompiers de Longoni semble contenu avec toutefois encore “quelques cas actifs” ; et celui du centre de dialyse. Pour ce dernier, le mystère demeure : “le personnel et les locaux ne semblent pas en cause. Nous sommes en train de chercher dans quelles conditions ces personnes, qui sont fragiles, ont pu être contaminées.” 

Second tour des municipales : l’interrogation 

Dans son avis publié le 8 juin, le conseil scientifique appelle à porter une attention toute particulière au second tour des élections municipales à Mayotte et en Guyane (voir article ci-après). En ce sens se tenait mardi une réunion interministérielle réunissant le premier ministre et les ministres de la Santé, des Outre-mer, de l’Intérieur, et des Armées. Une réunion consacrée à la situation de ces deux territoires ultramarins, encore sujets à la circulation du virus. Y a été “confirmée une unanimité en faveur de la tenue” de ce deuxième tour. Selon toutes vraisemblances, les communes devraient être mobilisées “pour que les choses se passent bien”. Parmi les pistes : une campagne qui se tiendra essentiellement en extérieur et “des maires sensibilisés sur cette question. [Nous sommes] en contact régulier avec les DGS des communes et [nous veillons] à ce que les messages soient rappelés régulièrement en ce qui concerne l’organisation des élections elles-mêmes”. 

Autre questionnement : celui du porte-à-porte, base même d’une campagne électorale municipale à Mayotte. “C’est une des occasions de contamination (…). Notre travail est de convaincre que le masque doit être porté, qu’on ne doit pas se serrer la main, et que si on peut avoir un flacon de gel hydroalcoolique dans sa poche, c’est bien”, a expliqué Dominique Voynet, tout en reconnaissant qu’un effort était encore à faire pour sensibiliser au-delà des maires en place. C’est notamment vrai pour les candidats en lice et qui, n’étant pas aux responsabilités, “sont peut-être moins sensibles” à la sensibilisation telle qu’elle est menée actuellement. 

Grands mariages : ne pas se relâcher 

Inquiétude – ou tout au moins vigilance – également sur la période des grands mariages approchant à grands pas. Des rassemblements de centaines de personnes faits de contacts légitimes, mais susceptibles de soutenir une nouvelle propagation du Covid. Face à ce risque, l’ARS se “prépare à édicter des mesures de vigilance”. Autre point religieux, celui des mosquées. L’organisme de santé travaille avec les autorités religieuses, un travail qualifié de “très utile” par Dominique Voynet. Elle a par ailleurs précisé que “les mosquées ont choisi de privilégier les ablutions à domicile et elles s’emploient au respect des gestes barrières à l’intérieur, avec notamment un marqueur matérialisant l’emplacement des tapis de prière”. 

Reprise de l’aérien : le questionnement 

C’est l’annonce que beaucoup attendent à Mayotte : la reprise des vols commerciaux de et vers Mayotte. Si une reprise a été annoncée pour les territoires ultramarins par Annick Girardin dans la deuxième partie du mois de juin, quid des solutions à adopter pour Mayotte ? “Sur les vols, on a toujours une difficulté puisqu’on est toujours en zone orange. Il est tout à fait possible d’imaginer reprendre des vols commerciaux qui amèneraient des personnes à Mayotte, mais dans l’autre sens, le risque est d’importer des cas de Covid-19 en métropole”, a-t-elle confié. Une solution a été envisagée pour y remédier : imposer un test à chaque voyageur au départ du 101ème département. Mais de l’aveu même de la directrice de l’ARS, “c’est impraticable pour nous. Faire 250 tests chaque jour sur des voyageurs et des équipages, c’est une charge très lourde pour nos laboratoires, qui auraient alors à choisir entre tester des cas contacts ou des clusters, ou bien tester des personnes qui vont voyager”. Une piste peu envisageable donc, mais “nous avons fait deux propositions : que les passagers soient testés [en arrivant] à Paris en s’engageant à porter le masque et à s’isoler jusqu’à communication des résultats ; et/ou respecter une quatorzaine en arrivant à Paris”. Sur ce dernier point, une expérimentation est actuellement en cours, mais à l’arrivée dans les territoires ultramarins. Pas de certitude pour l’heure donc, mais “des propositions seront faites au premier ministre avant la fin de la semaine pour arbitrage”. 

Sur le blocage de l’hélicoptère sanitaire par des habitants de Mtsahara 

Mardi, des habitants du village de Mtsahara ont entravé l’atterrissage de l’hélicoptère des secours, venu secourir une personne arrivée en kwassa-kwassa. Un comportement qui s’oppose à toute déontologie médicale, dénoncé par l’ARS sur lequel est revenue Dominique Voynet. “Les arrivées de kwassas sont très inférieures par rapport à avant le confinement. Très peu de ces kwassas transportent des personnes qui ont besoin de soins. Nous avons eu deux situations dans lesquelles les personnes transportées étaient porteuses du Covid-19 et toutes deux sont décédées avant même leur prise en charge : l’une sur la plage, et l’autre en mer.”

Fatima Ousseni : « La justice est plus sévère ici qu’à Paris »

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Alors que les avocats font leur retour dans les salles d’audience depuis ce lundi, la bâtonnière du barreau de Mayotte, Fatima Ousseni, revient sur l’impact qu’a eu la crise sanitaire sur l’activité des conseils. L’occasion aussi pour l’avocate de livrer son opinion sur la remise en cause du système judiciaire qui s’est faite jour ces dernières semaines. Et appeler à la hauteur comme à l’apaisement. 

Flash Infos : Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur l’activité des avocats et celle de la justice en général ? 

Fatima Ousseni : Comme tous les autres secteurs du pays, nous avons été fortement impactés puisque la crise sanitaire et le confinement associé ont interrompu immédiatement l’activité de nos cabinets avec un effet de sidération assez important. Nous n’avons pas pu, pendant toute la durée du confinement, recevoir de clients par exemple. Je rappelle à ce titre que si les choses évoluent ces derniers jours, le confinement n’est toutefois pas officiellement levé. Au début de la crise, nous avons reçu les plans de continuité d’activité élaborés par le ministère de la Justice et adaptés à chaque territoire. Mais à Mayotte, nous nous sommes retrouvés dans une situation qui nous a laissés tout à fait perplexes. Il nous a été demandé de venir aux audiences, pour lesquelles quelques masques étaient fournis à destination des personnels du ministère – et encore – alors que de notre côté, rien n’était mis à notre disposition. Le tout dans un contexte de pénurie nationale de masques. Face à cela, en accord avec le Conseil de l’Ordre des Avocats, nous avons adopté un mouvement de protection pour dire qu’il n’était pas envisageable que les avocats se présentent aux audiences pour y assurer le service public de la défense sans un respect strict de protocole sanitaire. Et puisque celui-ci ne parvenait pas à se mettre en place, notamment du fait de l’absence de mise à disposition de masques, mais pas uniquement, nous avons décidé de suspendre toute participation des avocats à la justice. On ne se sentait pas du tout en sécurité. De mon côté, mes prérogatives de bâtonnière m’ont également imposé d’opérer des choix. Je ne me voyais absolument pas désigner ou commettre des avocats dans le cadre de permanences pénales sans être certaine que je n’envoyais pas ces personnes à la mort. Parce que c’était bien cela dont il était question au début de la crise. Ne connaissant pas l’état de santé de mes confrères, de nombreux risques étaient présents puisque rien n’était mis à notre disposition pour les protéger. Notre activité a alors cessé, ce qui a eu un effet catastrophique pour notre profession d’un point de vue économique, mais ce qui a également soulevé des problématiques juridiques. Sur certaines procédures, il était en effet compliqué de laisser le parquet seul à la manœuvre – puisque son activité n’a pas cessé – sans que nous puissions assurer de défense. À titre personnel j’ai par exemple eu à déplorer le maintien d’une audience en mon absence. J’ai d’ailleurs déposé un pourvoi en cassation contre la décision qui en a résulté puisque à mon sens, fortement attentatoire aux droits de la défense. Et ce, alors même que toutes les juridictions étaient prévenues que nous ne pouvions pas accéder alors aux sites du Palais de Justice, en sécurité. A quelques reprises, on ne s’est pas inquiété de l’absence d’avocats pour rendre une décision, c’est une réalité. Cela reste, heureusement des cas marginaux car bon nombre d’audiences ont été reportées. De manière générale, il n’y a pas eu de mauvaise volonté mais les moyens très limités nous ont imposé de faire des choix pour nous protéger. Cela restait difficile même si certains avocats sont même intervenus avant la levée officielle de la suspension par nos soins. Par exemple cela ne fait que deux ou trois jours date de la reprise progressive que nous avons accès au protocole sanitaire strict est mis en œuvre à la Chambre d’Appel. Lorsque les choses ont un peu évolué et dès que nous avons pu, nous sommes revenus assurer notre mission.; Il n’était pas envisageable de laisser le parquet requérir sans que la défense n’ait la parole. Le débat est essentiel dans la justice. 

F. I : Cette période a donc créé un véritable frein dans l’accès au droit pour les justiciables… 

F. O : Bien sûr, mais ce n’est pas tellement lié au fait que les avocats étaient présents ou pas. Cette perte d’accès résulte de la crise sanitaire en elle-même, le tribunal n’était pas ouvert, tout 

était fermé. Donc évidement dans ce domaine là comme ailleurs il y a eu un temps d’arrêt. Pour le justiciable lambda qui aurait voulu contester une facture quelconque par exemple, il était impossible d’être entendu. C’est déplorable mais c’est à l’image de la crise que nous avons traversée. En revanche, sur le volet pénal, les problématiques étaient plus inquiétantes. Quid d’une personne en détention et qui doit avoir un débat sur sa remise en liberté par exemple ? Cela pose aussi problème pour les personnes déférées en comparution immédiate qui n’ont pas eu droit à une défense optimale. Oui, il y a eu une véritable dégradation de l’activité judiciaire pendant cette période. Mais cela doit nous amener à avoir une réflexion plus large en tirant les conséquences d’un tel événement. Nous devons désormais être conscients que du jour au lendemain, tout peut être perturbé. Aujourd’hui c’était le coronavirus, demain ça peut être autre chose. Ne serait-il donc pas intéressant de mettre en place des soupapes de sécurité dans des domaines aussi importants que celui de la Justice ? Mais pour l’heur, nous n’en sommes pas encore là. Le tribunal reprend seulement depuis lundi son activité alors que nous sommes toujours officiellement en confinement. Ce qui donne d’ailleurs à voir des audiences un peu chaotiques avec des avocats et des magistrats qui ne portent pas toujours les masques, où la distanciation sociale n’est pas toujours respectée etc. Dans ce cadre il faudrait d’abord que nous nous mettions d’accord sur un véritable protocole sanitaire qui nous permette à tous d’exercer en sécurité alors que sur le territoire, l’épidémie n’est pas encore derrière nous. 

F. I : Au-delà de cette crise sanitaire, les derniers mois ont donné lieu à une remise en cause de la justice qui s’est à de nombreuses reprises focalisée sur la personne du procureur de la République. Qu’est-ce que le barreau de Mayotte que vous représentez peut dire à ce sujet ? 

F. O : Nous sommes tous des avocats. Pas un seul d’entre nous ne peut se lever et dire qu’il est normal qu’un procureur soit invectivé de la sorte et mis en cause de cette manière. C’est proprement inadmissible et nous condamnons évidement tous les propos qui ont pu se tenir en ce sens. De mon côté je n’ai même pas voulu voir le détail de ce qui a pu se dire tellement tout cela a pu me scandaliser et m’indigner. D’autant que la critique de laxisme peut être adressée à tout le monde sauf au procureur. Pour nous avocats, c’est lui notre contradicteur privilégié : c’est parce que le procureur poursuit que nous avons toute cette activité pénale de défense. Qui nous fournit tout ce travail à travers des déferrements massifs ? C’est bien le procureur ! Et au pénal, le tribunal de Mayotte tourne à plein régime. La preuve, même pendant le confinement le procureur a demandé à tenir ses audiences. 

Après, il faut bien rappeler que la loi existe, que l’on ne peut pas mettre tout le monde en prison. Il y a des conditions pour cela et ce n’est pas le procureur qui en est maître. Mais pour avoir exercé à Paris et à Mayotte, je peux vous dire qu’ici, nous sommes autrement plus excessivement poursuivis et condamnés qu’à Paris. Nous sommes à l’évidence plus sévèrement réprimés ici. Ce n’est pas le propre fait de ce procureur puisque c’était déjà le cas lorsque ses prédécesseurs étaient présents mais c’est une réalité. Concernant le procureur Miansoni, il est sur le front, notamment du tout venant de la délinquance et je peux vous dire que nous avons parfois du mal à suivre ! Moi qui suis la bâtonnière, je peux vous dire que personne ne veut faire plus que sa part minimale pour les commissions d’office. Tout simplement parce qu’il y a déjà beaucoup trop de dossiers à traiter. Et ces procédures, ce sont les services du parquet qui les présentent. Lequel n’est pas composé que du procureur de la République par ailleurs. Il est d’autres magistrats qui agissent et décident également. 

Quant aux attaques, cette stigmatisation contre l’homme, elles sont tout simplement inadmissibles. Car au-delà de la critique du laxisme, c’est bien aux origines congolaises du procureur que l’on s’en est manifestement pris. Et ce alors même que nous sommes sur un territoire où la population a exactement les mêmes origines bantoues. Heureusement que le procureur a lu Frantz Fanon et qu’il comprend quels mécanismes poussent certaines personnes à s’exprimer de cette façon. Je pense que c’est en partie cela qui l’a aidé à rester serein, droit. C’est ça qui lui a permis de comprendre les mécanismes psychologiques qui s’articulaient dans ces attaques. Il sait ce qui est en jeu et ce n’est pas nécessairement ou seulement du racisme. 

F. I : Comment expliquez-vous alors que de nombreuses voix se lèvent contre un supposé laxisme, allant jusqu’à prôner une justice populaire ? 

F. O : Les gens qui se plaignent aujourd’hui d’un supposé laxisme n’ont pas conscience de ce qui se passe dans les prétoires. On ne cesse de demander aux gens de venir aux audiences pour voir 

d’eux-mêmes, tant le nombre d’affaires traitées, que la sévérité avec laquelle elles le sont. Ce n’est seulement là que les personnes comprendront toute l’étendue du travail effectué. Je ne suis pas allée lire ces appels à une justice primitive, car je trouve le procédé qui consiste à publier des messages manifestement incendiaires, caché derrière son écran et un pseudonyme, peu courageux. En plus d’être bien loin des réalités. 

D’un autre côté, je ne peux pas dire que je ne comprends pas la colère, voire le désespoir. Moi-même j’ai été victime, mon entourage l’a été encore tout récemment. Oui, l’insécurité existe, il y a de la violence sur ce territoire. Je ne le nie pas. Il ne faut pas une lecture manichéenne de ces expressions. En revanche, je suis intimement convaincue que dans une société qui est évoluée, on ne répond pas à la violence de malfrats, par une violence de malfrats. Justement, ceux qui n’ont pas su faire preuve de respect, on va leur rendre du respect. C’est comme cela que l’on montre comment vivre ensemble, comment on peut faire société. La réponse c’est d’abord d’examiner les faits, essayer de comprendre ce qui s’est passé. C’est le rôle de l’enquête. Leur donner la parole, puis juger et en fonction de tous ces éléments décider de sanctionner ou non, constitue le dispositif qui a pour vocation de permettre à celui qui est puni de réintégrer par la suite le giron social. Le but, ce n’est pas d’écarter et de mettre des personnes en marge toute leur vie. L’objectif c’est de faire en sorte que tous ceux qui se sont trouvés à l’écart du pacte social puissent y revenir. C’est cela la justice que je défends. 

Je ne dis pas que c’est parfait, rien ne l’est. Mais d’immenses efforts sont faits. Et l’autre réalité, à Mayotte, c’est que nous sommes dans un microcosme. Toutes les choses subissent l’effet d’un miroir grossissant puisque nous vivons nombreux sur un tout petit territoire. Tout prend rapidement une ampleur considérable. Relativisons, ayons un rapport plus apaisé aux différents événements et nous verrons que pendant ce temps, le travail des acteurs de terrain se poursuit dans la quête de l’intérêt général.

Le conseil scientifique alerte sur les risques du scrutin à Mayotte

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Dans son dernier avis, le conseil scientifique estime que le 101ème département présente des risques “particulièrement élevés associés à la campagne électorale”. Mais alors qu’en théorie, le second tour des élections municipales devrait se dérouler le 28 juin, les candidats sont toujours sur le pied de guerre, pendant que les mairies, elles, s’apprêtent à prendre des dispositions exceptionnelles. 

Le sort des élections municipales est, plus que jamais, incertain. Vendredi dernier, l’Assemblée nationale adoptait le projet de loi permettant, notamment, d’annuler la tenue du second tour le 28 juin dans certains territoires où l’épidémie de Covid-19 serait toujours active. Un article modifié ce mercredi par la commission des lois du Sénat, préconise un report du vote dans les clusters actifs uniquement, dans un nombre de communes très limité, sous réserve qu’un décret spécifique soit pris par le conseil des ministres et que de nouvelles élections puissent se tenir avec le 31 octobre prochain. 

Mais alors que le texte n’est pas encore entériné, le conseil scientifique pointe du doigt, à travers la publication de sa dernière analyse dévoilée lundi, “l’importance des risques particulièrement élevés associés à la campagne électorale”. “Même si elle est limitée par de strictes mesures sanitaires, et qu’elle bénéficie d’un sens élevé des responsabilités des candidats et de leurs équipes, une campagne électorale est de nature à multiplier les contacts sociaux, voire physiques (démarchage, réunions, marchés, attroupements…).” Des pratiques d’autant plus risquées dans le cas de Mayotte, où les cas sont encore en “forte augmentation”, avec un taux de positivité de 30 % malgré la baisse du nombre de prélèvements. Deux inquiétudes particulières subsistent : “l’ostracisassions des cas”, qui entraîne un frein à l’investigation, et “les rassemblements de population observés à l’occasion de la célébration de la fin du ramadan”. Concernant cette dernière, le conseil scientifique juge d’ailleurs “indispensable de surveiller l’évolution de la situation dans les jours à venir”. 

Et si les méthodes de proximité employées pour le rabattage électoral sont au cœur des préoccupations, les candidats au trône de maire n’ont pas prévu de marquer le pas. Dans le chef-lieu, la liste Réussir Ensemble, portée par Ambdilvahedou Soumail, rejoint par M’colo Mainty et Hamidani Magoma, vient même de lancer le départ de sa caravane de campagne, qui sillonnera Mamoudzou, de Kawéni à Tsoundzou en passant par Vahibé jusqu’à la mi-juin. Une sorte de meeting itinérant, le rassemblement physique en moins. “L’idée c’est de ne pas s’arrêter, mais plutôt de circuler dans les villages avec micro, sono et message pré-enregistré sans aller directement au contact de la population, il n’y a pas de rencontres puisqu’ils pourront nous entendre depuis chez eux”, détaille la communication du mouvement. “C’est déjà une forme de geste barrière en soi”. À condition toutefois que l’agitation n’incite pas les gens à sortir, à l’heure où les nombreuses places publiques ont été réinvesties comme si le Coronavirus n’y était jamais passé. 

Du côté adverse, Elyassir Manroufou, candidat de la liste Mamoudzou C’est Nous, aurait préféré “que les élections ne se fassent pas maintenant”. Mais pas question d’abandonner à quelques semaines du second tour. Alors, pour “montrer [sa] présence sur le territoire”, l’équipe de campagne, masque au nez et gel hydroalcoolique en main – mains qui ne sont d’ailleurs plus serrées –, a décidé de poursuivre ses opérations de porte-à-porte, en prenant soin de rester à l’extérieur des habitations. Et pour maintenir la proximité avec de potentiels électeurs, Mamoudzou C’est Nous investit par ailleurs les réseaux sociaux. “Mais tout le monde n’a pas accès au numérique”, reconnaît Elyassir Manroufou. Ainsi, une marche d’1,5 kilomètre est prochainement envisagée pour rallier Mamoudzou à Passamaïnty, le tout par groupe de dix personnes maximum. “Nous attendons le prochain avis du conseil scientifique, le 14 juin, pour décider des prochaines opérations”, explique encore le mouvement. 

Quid du scrutin ? 

Si la date du 14 juin sera effectivement décisive concernant la tenue du scrutin selon les territoires, le conseil scientifique indique qu’à Mayotte et en Guyane, où les risques sanitaires sont particulièrement élevés, “il appartient aux autorités publiques de choisir les dispositions qu’elles décident de mettre en œuvre”. À ce stade, la préfecture s’est prononcée en faveur du maintien du second tour au 28 juin, et mobilise déjà les communes, avec l’aide de l’ARS, pour que les gestes barrières soient strictement observés lors du passage à l’urne. Plusieurs réunions sont ainsi prévues avec les maires dès la fin de semaine pour envisager les aménagements spécifiques à déployer dans chaque bureau de vote. 

Dans un premier avis, émis cette fois le 18 mai, le conseil scientifique dressait une série de recommandations à observer en sus des gestes barrières déjà de mise pour minimiser les risques de propagation du virus le 28 juin. Parmi elles, la mise en place d’une file réservée aux personnes à risques du fait de leur âge ou de leur état de santé – il est par ailleurs déconseillé qu’elles soient membres de bureau de vote – ; l’aération régulière des locaux et l’interdiction de manipuler les rideaux des isoloirs, bien qu’aucune marche à suivre ne soit indiquée ; l’installation d’une paroi en plexiglas ou équivalent ; le port du masque pour tous (chirurgicaux et visières de protection pour les membres du bureau et les organisateurs, grand public à minima pour les électeurs) ; la mise à disposition de solution hydroalcoolique ; le nettoyage régulier des machines à voter et l’utilisation d’un stylo strictement personnel. Aussi, “les personnes présentant des symptômes sont supposées être en situation d’isolement au domicile ou dans un lieu adapté”, rappelle le conseil scientifique. 

Autant de contraintes auxquelles se prépare déjà, comme beaucoup d’autres, le maire de Bandrélé, l’un des premiers clusters identifiés localement depuis le début de la crise sanitaire. “Nous avons prévu la présence de la police municipale et des associations de prévention”, assure Ali Moussa Moussa Ben. Déjà lors du premier tour, l’édile avait pris ses dispositions : marquage au sol, distribution de gel hydroalcoolique, port du masque pour les membres du bureau… Pour ne pas faire attendre les gens massés dans les locaux, un isoloir supplémentaire avait également été installé. “On avait même anticipé !”, revendique le premier élu de la commune. “Depuis plusieurs années, nous avons scindé nos bureaux de manière à limiter le nombre de personnes. On constatait que parfois, 600 électeurs étaient réunis au même moment et les gens attendaient trop.” Mais, s’il est maintenu, le second tour des élections municipales connaîtra-t-il une telle affluence, alors que beaucoup d’électeurs risqueraient de s’abstenir par peur de s’exposer au virus ? Rien n’est moins sûr.

Patrimoine mahorais : les Salama Djéma et le S 201 voguent vers un nouvel avenir

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C’est un bout du patrimoine maritime de Mayotte qui est mis aux enchères. Les barges Salama Djéma I et II ainsi que le S 201 pourraient en effet être vendues le 15 juin prochain, date de la fin des enchères, si toutefois les ventes ont fonctionné. On le souhaite en tout cas, compte tenu des nombreuses possibilités qu’elles offrent. Et si elles servaient à toute autre chose, mais au service du territoire ? 

Certains l’ont imaginé plusieurs fois : une ancienne barge réaménagée en bar-restaurant amarrée à quai ou capable de se déplacer en divers points de l’île. Le salon passager inférieur pourrait accueillir un bar et un espace d’exposition et de concert. Le salon supérieur servirait pour sa part de salle de restauration. Quant à la plate-forme mobile, équipée de garde-corps, elle permettrait d’agrandir l’espace, offrant une vue sur le lagon. Charmeur, non ? Et ce n’est là qu’une idée parmi d’autres. Cela sera-t-il possible un jour ? Difficile à dire à l’heure actuelle, mais le conseil départemental de Mayotte a mis en vente aux enchères les Salama Djéma I et II ainsi que le S 201 sur une délibération datant de décembre dernier. Si l’épidémie de Covid-19 les a fait passer inaperçu, lesdites enchères sont toujours en cours… jusqu’au 15 juin à midi. Autant dire que ceux qui sont intéressés doivent rapidement étudier leur projet, ficeler leur dossier, et faire leur proposition. 

Construit en 1987, le Salama Djéma I embarque, à l’époque, 319 passagers et 6 véhicules légers. Le navire possède des propulseurs ainsi que des circuits électriques et électroniques neufs. Seule ombre au tableau : des circuits d’incendie et d’assèchement à revoir complètement. Son prix estimé en l’état est de 300.000 euros, sachant que le chantier naval de l’océan Indien prévoyait un devis de 350.000 euros pour finir les travaux, avec un passage en cale sèche de deux semaines. 

Son petit frère, le Samala Djéma II, voit lui le jour en 1992 et peut accueillir autant de monde que son aîné. Il exige le remplacement de la ligne d’arbre bâbord, un traitement anticorrosion général et un carénage, mais il ne nécessite pas de permis pour naviguer. Si le navire a besoin d’un bon entretien en profondeur, il est considéré comme simple et efficace, il accuse un taux de panne extrêmement bas et il possède l’avantage de ne pas consommer à outrance. Sa mise à prix est de 250.000 euros. Prendre en considération un passage obligatoire d’un mois au bassin pour réaliser les travaux, pour la modique somme de 150.000 euros, main d’œuvre et fournitures comprises. 

Dernier lot : le S 201, dont la construction remonte à 1989. Capable de porter un maximum de 200 tonnes sur le pont, il ne transporte, à l’inverse des deux autres, que 16 personnes. Si le service de transport maritime (STM) considère son état général comme bon, le bateau présente une liste de travaux longue comme le bras, dont le coût oscille aux alentours de 300.000 euros, avec un délai de quatre semaines en cale sèche. Un montant auquel il faut au minimum ajouter 200.000 euros pour se l’accaparer, avec en bonus deux propulseurs hydrauliques neufs en échange de 50.000 euros… 

Mais alors pourquoi le Département souhaite-t-il se débarrasser de ces monuments marins ? Tout simplement parce que la collectivité a réussi à moderniser sa flotte, avec les arrivées de Polé et de Karihani. “Ils ne correspondent plus aux types d’exploitation par rapport aux amphidromes actuels. Par exemple, les anciens navires n’avaient qu’une seule porte”, nous précise-t-on. Si vous êtes toujours tenté par cette aventure flottante, il ne vous reste plus que quelques jours pour déposer une offre à la hauteur des attentes du conseil départemental, qui “se réserve le droit de refuser la vente si le montant proposé est trop éloigné de la valeur réelle”. Alors, dépêchez-vous, car selon nos informations, plusieurs clients potentiels se sont déjà présentés pour montrer leur intérêt !

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