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Quel sport scolaire à Mayotte face à l’état d’urgence sanitaire ?

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Toute l’année scolaire 2020/2021, les professeurs d’EPS encadreront les élèves du second degré trois heures par semaine à l’UNSS. Dans quel cadre, face à l’état d’urgence sanitaire ? Des éclaircissements leur ont été apportés ce mercredi après-midi à l’hémicycle Younoussa Bamana, à l’occasion de l’assemblée générale de l’UNSS Mayotte.

Sac à dos et tenue sportive pour beaucoup, en adéquation avec leur fonction professionnelle, les professeurs d’Éducation physique et sportive ont répondu favorablement à l’appel de l’UNSS Mayotte. Ils étaient nombreux mercredi à avoir assisté à son assemblée générale 2020. Parmi eux, les nouveaux arrivants sur l’île, curieux de découvrir le monde du sport scolaire mahorais et ses particularités. Quelques chefs d’établissement étaient également de la partie. Ainsi que les représentants du syndicat SNEP-FSU Mayotte, dont la mission de défendre la profession, les professeurs et les élèves des AS a été observée durant ce rendez-vous. Ces derniers n’ont pas manqué de remercier le rectorat pour la prise en considération de certaines revendications évoquées à l’AG 2019 – non-augmentation du tarif des licences, prise en charge par les établissements scolaires d’une partie du financement des AS…

Mais le syndicat a souligné les points de défaillance, où ils attendront l’organisation du sport scolaire cette année. Parmi ces points, le transport des élèves des AS – souvent livrés à eux-mêmes les mercredis après-midi après les activités, les mesures à mettre en place pour leur protection au vu du contexte de violences autour des établissements scolaires, le manque d’infrastructures sportives qui limite l’offre d’activités. Dernier point soulevé par les syndicalistes : le maintien du dispositif national 2S2C (Sport-Santé-Culture-Civisme), dont les activités se déroulent aussi les mercredis après-midi. Une concurrence peu appréciée et pour laquelle l’un des membres du SNEP-FSU présent à l’hémicycle a dressé en l’air sa chemise cartonnée rouge, en signe de carton rouge pour le Ministère des sports. Un geste injustifié pour le recteur de Mayotte.

Des revendications et des réponses

« Nous en avons parlé et j’ai eu l’occasion de vous dire que le dispositif 2S2C, certes, continue d’exister, mais que sur l’île, il est centré sur les activités culturelles, citoyennes, artistiques… Que par conséquent, le dispositif 2S2C à Mayotte n’entre pas en concurrence avec les AS UNSS parce qu’il ne concerne par les activités sportives. » Concernant le manque d’infrastructures sportives, Gilles Halbout a fortement incité les professeurs d’EPS et chefs d’établissements à remonter un maximum les besoins au rectorat, en leur rappelant que le rectorat de Mayotte, comme nulle part ailleurs, détient la maîtrise d’ouvrage du bâti-scolaire sur l’île et qu’il peut par conséquent agir rapidement. Des propos renchéris par Patrick Bonfils, directeur de la Direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS). « Les infrastructures sportives hors établissements scolaires appartiennent aux collectivités, nous n’avons pas la main dessus. Il n’empêche, les rendez-vous se succèdent entre la DJSCS et celles-ci, mais aussi entre nos services et l’Agence nationale du sport, pour débloquer au mieux cette situation… Nous restons à vos côtés pour développer les infrastructures sportives », conclut-il. Et la Covid-19 dans tout ça ?

À ce jour, l’état d’urgence sanitaire est maintenu à Mayotte, et court jusqu’au 31 octobre 2020. Hors sports collectifs et sports de combat, interdits de pratique dans ces zones-là, les professeurs d’EPS sont autorisés à proposer des activités sportives aux élèves des AS.

« S’adapter en trouvant d’autres moyens de pratique »

Bénédicte Lacoste, inspectrice pédagogique régionale éducation physique et sportive (IPR EPS), a toutefois appelé les professeurs à l’adaptation et à la vigilance. « On pourra mettre toutes les règles qu’on veut, ça restera compliqué pour les élèves de respecter strictement la distanciation sociale et les gestes barrières en AS. Ce sera aux professeurs d’EPS de s’adapter, en trouvant d’autres moyens de pratique pour leurs interventions. Ceci tout en conservant la notion de plaisir et du vivre ensemble pour les élèves. » De son côté, le nouveau directeur de l’UNSS Mayotte, Philippe Mentec, a indiqué que le championnat académique de Cross 2020 prévu en novembre changerait de formule si l’état d’urgence était prolongé. « La course se déroulerait en deux phases, le 4 et le 18 novembre. Les établissements se présenteraient tour à tour, mais ne feraient pas la course ensemble, contrairement aux années précédentes. »

À la question de savoir si d’ici novembre les différents districts pouvaient organiser leur cross, David Hervé, conseiller d’animation sportive à la DJSCS État, a souligné ne pas y voir d’inconvénients dès lors que le parcours se limite à l’établissement scolaire. Outre le championnat académique de Cross de novembre 2020, Philippe Mentec a annoncé plusieurs rendez-vous, dont la Journée nationale du sport scolaire le mercredi 23 septembre 2020, la semaine olympique début 2021, la journée olympique en juin 2021 ou encore la deuxième édition de la Mahoraise, le 26 mai prochain.

L’UNSS Mayotte présentée aux nouveaux

L’hémicycle Younoussa Bamana du Département était quasi plein à craquer mercredi, mais beaucoup de professeurs d’EPS le découvraient. Au même titre qu’ils découvriront le sport scolaire à Mayotte cette année scolaire 2020/2021. Pour cela, Philippe Mentec, nommé fraichement directeur de l’UNSS Mayotte en remplacement de Hervé Curat, a pris le temps de présenter l’association durant cette assemblée générale. Il a ainsi rappelé que 33 établissements scolaires (22 collèges et 11 lycées) composent l’UNSS. Ces établissements sont organisés en 5 districts : le Nord, l’Est, le Centre, le Sud et les lycées. Avant l’arrêt des écoles et des associations sportives en mars dernier, à la suite de la propagation de la Covid-19, l’UNSS Mayotte comptait 7.851 licenciés répartis dans une trentaine d’activités différentes, sportives et de jeunes officiels. 1.500 licenciés ont effectué une formation de jeunes officiels (jeunes juges arbitres, jeunes secouristes, jeunes ambassadeurs du lagon, jeunes reporters…), soit 20% de l’ensemble des licenciés. À l’UNSS Mayotte, la parité y est bien représentée avec 45% de pratiquantes (40% la moyenne nationale) en 2018/2019. En 2017/2018, Mayotte a même été le premier département à avoir comptabilisé plus de licenciés filles (50,6%) que garçons sur une année scolaire !

Après la présentation de l’UNSS Mayotte, Philippe Mentec et son directeur régional adjoint, Philippe Poirier, ont consacré la deuxième partie de l’AG à la présentation des projets de l’association. Ceux-ci sont répartis en sept points parmi lesquels figurent la réduction des inégalités d’accès à la pratique et le retour aux villages, l’accès des filles à la pratique, les formations, le développement du sport partagé, la santé, le développement durable et l’ouverture sur l’extérieur. dDes thématiques présentés point par point aux professeurs d’EPS présents à l’hémicycle, et à retrouver sur le site internet de l’UNSS Mayotte, www.unssmayotte.org.

Christine Raharijaona : “On ne peut pas mettre un policier derrière chaque citoyen”

Alors que des affrontements ont éclaté mercredi dans plusieurs localités de Mamoudzou et de Koungou, le Mouvement pour une action non-violente groupe territorial de l’océan Indien a tenu à condamner les violences et a appelé les institutions à trouver rapidement une solution sur le transport scolaire. “Répondre à une violence structurelle par la violence est la loi du talion et il s’agit d’une escalade préjudiciable pour le climat social. Nous prônons le dialogue et des mesures alternatives à la violence”, a écrit l’association sur sa page Facebook. Sa présidente livre sa vision pour mettre un terme à cette vague d’affrontements. Entretien.

Flash Infos : Pour la rentrée scolaire, le MAN-OI était fortement mobilisé pour animer des ateliers dans les lycées. Pouvez-vous présenter cette démarche ?

Christine Raharijaona : On y a en effet passé toute la semaine dernière ! Les bénévoles ont été mis à contribution, et ils étaient présents de 7h à 17h. Au début de l’année, on avait évoqué avec le Recteur l’idée de faire ces ateliers dans les lycées alors que nous les proposons d’habitude à la prison. Et il avait trouvé cela très intéressant. Résultat, on a finalement été sollicité avant les vacances par le lycée des Lumières Mamoudzou Nord, sur un projet de l’équipe pédagogique, validé par le chef d’établissement. Cela s’inscrit dans notre programme respect et traitement de la violence, et on a pu aborder avec les lycéens le respect et la communication non-violente sous forme de débats. Pour l’instant, on a uniquement ce partenariat avec le lycée de Mamoudzou Nord, mais l’idée de l’élargir aux collèges et lycées de l’île commence à faire son chemin.

FI : Cette rentrée scolaire a été émaillée de barrages et d’affrontements sur fond de grève des transporteurs. Quel regard portez-vous sur ces nouvelles violences ?

C. R. : Je pense que c’est le moment de faire un état général de la situation. Puis de se retrousser les manches et travailler ensemble, et non plus chacun de son côté. Je parle là des associations, de la police, des institutions : il nous faut une bonne fois pour toutes se pencher sur la question pour envisager une action commune. Car certes, il y a l’aspect sécuritaire, qui est une mission régalienne. Mais il faut aussi donner des perspectives aux jeunes. Il faut construire un foyer pour ceux qui sont laissés à leur compte. Et il ne faut pas hésiter à solliciter les associations pour organiser la médiation sociale. Au MAN-OI, on a ce savoir-faire sur la gestion des conflits. On a été sollicités lors d’une réunion au conseil départemental il y a environ deux semaines, dans le but de préparer une assise sur la gestion des violences. Elle devrait se tenir en septembre. On est prêts à apporter notre pierre à l’édifice.

FI : Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui appellent à une réponse sécuritaire et répressive. Qu’en pensez-vous ?

C. R. : Gardons à l’esprit que cette situation est multi-factuelle. Il faut pouvoir analyser les causes et conséquences de ces violences. Certes, il est légitime, quand on est blessé dans sa chair, quand on a le sentiment de ne pas être en sécurité, d’appeler à plus de répression.

Mais j’ai bien peur que cela ne règle pas le problème. On ne peut pas mettre un policier derrière chaque citoyen. Il y a la misère, il y a l’immigration, il y a la jeunesse désœuvrée… Tous ces éléments conduisent à ce cocktail explosif ! L’État a ses missions, et les associations aussi, chacun doit prendre sa part et assumer ses responsabilités. Mais la violence ne doit jamais être une fatalité. Au contraire, peut-être qu’une réponse réside dans le fait de s’engager davantage dans des missions bénévoles, dont on a toujours besoin. Pour aller devant les écoles, sur les chantiers d’insertion. Et il faut ajouter à cela la sécurité du territoire, l’éclairage public, les caméras de surveillance, la création d’emplois, la formation, la lutte contre l’habitat indigne… C’est un peu la pyramide de Maslow [théorie selon laquelle les motivations d’une personne découlent de l’insatisfaction de certains de ses besoins, du plus primaire (besoins physiologiques et de sécurité), au plus supérieur (besoin de s’accomplir) NDLR]. Quand aucun besoin n’est satisfait, cela génère forcément des frustrations.

Rapt de Petite-Terre : une dizaine d’habitants toquent à la porte du procureur

Camille Miansoni a rencontré des proches des personnes incarcérées dans le cadre de l’affaire d’enlèvement et séquestration suivis de la mort d’un jeune homme de 23 ans, survenue en Petite-Terre au mois de mai dernier. Une démarche “positive”, pour le procureur en partance pour Brest.

Ils sont venus faire le pied de grue devant le bureau du procureur. Mercredi en fin d’après-midi, un groupe d’une dizaine de personnes, dont des proches des deux personnes incarcérées dans l’affaire du rapt de Petite-Terre s’est présenté devant le tribunal judiciaire de Mamoudzou. Il a été reçu peu de temps après par un Camille Miansoni, agréablement surpris, qui fait aujourd’hui le point sur la teneur de ces échanges.

“Ils ont expliqué qu’ils voulaient évoquer la situation de la délinquance à Mayotte et aussi s’excuser sur les injures dont j’ai fait l’objet dans le cadre de cette affaire”, relate le magistrat du parquet. “Parmi eux, plusieurs avaient des liens directs ou familiaux avec les personnes mises en cause.”

Commentaires injurieux

En mai dernier, un jeune homme de 23 avait disparu en Petite-Terre, après avoir été kidnappé et violenté par trois personnes qui le soupçonnaient d’actes de délinquance. Son corps sans vie avait ensuite été retrouvé fin juin à la plage des Badamiers, l’expertise ADN confirmant l’identité de la victime du rapt. Deux des trois individus soupçonnés pour cet enlèvement et qui s’étaient présentés dès le lendemain des faits à la gendarmerie, ont alors été mis en examen et incarcérés. Cette décision avait provoqué l’ire d’une partie de la population mahoraise, qui avait manifesté dans les rues sa défiance à l’égard de la justice. Le procureur de la République Camille Miansoni était particulièrement visé par les critiques et les réseaux sociaux étaient devenus pendant un temps le temple de plusieurs commentaires injurieux et racistes à son encontre.

“Beaucoup de gens se sont laissés embarquer dans un mouvement, peut-être initié par quelques personnes qui avaient leurs propres intérêts”, analyse-t-il aujourd’hui. “Je leur ai dit que leur démarche était très courageuse, car parmi eux, certains avaient eux-mêmes proféré des injures. Leur décision de venir ce jour est donc très positive, non pas tant pour moi, mais pour les personnes avec qui je travaille et qui ont vécu ces outrances comme une mise en cause de leur travail. Et aussi pour celui ou celle qui me succédera.” Le procureur de la République a en effet été muté à Brest et devrait quitter le territoire de Mayotte dans quelques semaines, même si le nom de son successeur n’est pas encore connu à cette date.

Inadéquation de la justice

Le groupe a tenu à expliquer au représentant de la justice que “cette situation avait été la résultante de l’exaspération de voir cette délinquance qui pollue la vie des citoyens”. Ils ont réitéré leur sentiment, déjà relayé au moment des faits, d’une inadéquation de la réponse judiciaire face aux actes de violence que connaît Mayotte. Un sentiment dont le procureur s’est dit conscient tout en tenant à rappeler que cette délinquance n’était “malheureusement pas nouvelle, mais cyclique”.

Camille Miansoni en a profité pour rappeler que la seule réponse judiciaire et répressive ne pouvait suffire, alors que le tribunal prononce déjà régulièrement des peines d’emprisonnement. Au 31 août, il y avait ainsi 335 personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Majicavo contre 278 places, soit un taux d’occupation de 120%. “Ce n’est pas en remplissant la prison que nous allons régler le problème”, avance-t-il, en appelant à une réponse citoyenne et de prévention, pour éviter que les jeunes ne basculent dans la délinquance.

Quid des principaux concernés, toujours derrière les barreaux pour cette affaire du rapt de Petite-Terre ? “Bien sûr, ils ont souhaité l’évoquer, mais nous avons rapidement fait le tour, car il s’agit d’une instruction en cours”, résume le procureur. “La seule chose que j’ai pu leur dire, c’est que j’en étais dessaisi et qu’il revenait à l’instruction de décider ou non d’une potentielle remise en liberté, dans le cadre de procédures encadrées, avec le travail de leurs avocats.” Un partout balle au centre.

Un embrasement hors du commun à Mamoudzou et Koungou

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Les jours se suivent et se ressemblent depuis le début de la semaine. À l’image des barrages érigés sur les communes de Mamoudzou et de Koungou. Hier, la violence est montée d’un cran avec des affrontements d’une violence inouïe, notamment à Passamaïnty entre des jeunes délinquants et des usagers qui ont décidé de prendre les choses en main. En réponse à cette recrudescence de l’insécurité, le préfet a réuni d’urgence les représentants syndicaux des transporteurs et les agents du Département pour tenter de parvenir à une solution négociée sur la question des transports scolaires. Les maux de tous les problèmes selon les autorités.

« C’était super chaud. Ces bandes de gamins sont organisées et déterminées ! » Depuis l’intérieur de sa maison à Doujani, Mohamed* vit aux premières loges les affrontements entre la jeunesse désœuvrée – ce jour pour certains, toujours pour d’autres – et les usagers qui se déroulent dans la rue de la carrière. Le père de deux enfants, dont un nouveau-né de seulement deux semaines, se retrouve « nez à nez dans une bataille rangée » au moment d’accompagner sa fille à l’école. « J’ai dû me débrouiller pour rapidement faire demi-tour avec la crainte qu’un caillou traverse le pare-brise. » Rentré chez lui en quatrième vitesse, il se barricade, impuissant, avec le reste de sa famille. En première ligne devant l’envolée des échauffourées, une épaisse fumée blanche envahit son voisinage, au point même que des projectiles de lacrymogène auraient atterri dans la cour de certains riverains. « J’ai entendu dire par un voisin qu’une fillette en a pris un sur le pied et au visage, entraînant de légères brûlures », raconte Mohamed, encore la voix tremblante, à la suite des troubles à l’ordre public intervenus dans la matinée au pied de son habitation. « Vu comment le front progressait, il s’en est vraiment fallu de peu… Comment aurions-nous pu nous échapper ? Et surtout pour aller où ? Dehors, c’était la guerre ! Donc bêtement, tu te retrouves piégé comme un rat. »

Casques bleus et casques de moto unis

Dehors, justement, les pierres pleuvent, l’atmosphère est irrespirable. D’abord de poubelles et de véhicules brûlés, car il aura fallu près d’une heure d’affrontement avant que les policiers ne viennent tenter de rétablir l’ordre et ajouter leurs lacrymos au trouble de l’air. « Ils ne servent vraiment à rien, comment c’est possible de se dire qu’on est en France et qu’on est obligé de se battre nous-mêmes contre ces jeunes voyous », enrage un homme, pierres à la main. Avant de repartir au front. Aux fronts, plutôt, qui se forment au rythme des charges des deux parties. Les policiers arrivés, c’est dans la rue des carrières – qui n’a jamais si bien porté son nom – que se déroule le gros des affrontements. Arrivées trop tardivement pour ceux qui mènent la riposte, les forces de l’ordre sont tout de même saluées. Et, très vite, c’est ensemble qu’ils avancent. Les casques bleus sont noyés dans la masse des casques de moto, tous lancent dans la même direction. « On n’a pas le choix, heureusement qu’ils [les usagers, ndlr] sont là… On n’est qu’une quinzaine, on ne peut rien faire là. Même si ce sont des gamins, ils sont tellement nombreux et déterminés que s’ils nous chargent on est foutus, on a plus qu’à sortir les flingues », se désole un policier dans un court répit. Avant de retrouver collègues et alliés de circonstances tandis qu’un Duster défoncé de la BAC joue les voitures béliers pour tenter de disperser les jeunes. « Pas le choix. »

De l’amateurisme ou de l’inconscience

Pour Bacar Attoumani, le secrétaire départemental d’Alliance police, le manque de fonctionnaires dans les rangs de l’institution oblige la hiérarchie à faire des choix. « Les 80 policiers (compagnie départementale d’intervention, brigade anti-criminalité, direction territoriale de la police nationale, police aux frontières) mobilisés devaient d’abord s’occuper de Kawéni avant d’aller à Doujani ». Sur les deux zones, pas moins de 400 gaz lacrymogènes sont ainsi lancés pour tenter de disperser la foule, en vain. Si sept mineurs ont pu être interpellés, Mohamed ne comprend pas la faiblesse du dispositif engagé. « Après les blocages de la veille, les autorités savaient forcément qu’il y avait un risque de récidive. Pourquoi n’ont-ils pas sécurisé les axes stratégiques dès le mardi soir ? Et que dire d’un équipage banalisé de la police nationale pris en tenaille dans une embuscade par des gamins de 12 ans ? Je l’ai vécu et franchement, soit c’était de l’inconscience, soit c’était de l’amateurisme. C’était de la chair à canon ! »

Un prétexte pour en découdre ?

Justement, le secrétaire départemental explique que la stratégie d’anticipation était de pré-positionner les forces de l’ordre sur les zones de ramassage dans le but de les sécuriser. « Mais c’est dans la mesure où les élus trouvent une solution au problème de transport. » Car pour Bacar Attoumani, l’absence de bus n’est qu’un prétexte pour en découdre. « Ce sont les mêmes fauteurs de troubles dans les deux villages ! » Des propos partagés par Mohamed : « Les meneurs sont adultes ou déscolarisés et ne sont en rien concernés par ce conflit. » Sur les réseaux sociaux, un internaute s’est même interrogé sur les auteurs en question. « La coordination parfaite et simultanée des blocages en différents points de l’île dès l’aube par d’innocents élèves censés agir de leur propre chef est juste extraordinaire. […] Il s’agit là sans aucun doute le plan d’une organisation structurée qui tire les ficelles dans l’ombre. » Sur Koungou en effet, plusieurs situations similaires se produisent en simultanée à Majicavo et à Trévani, entraînant l’intervention de la gendarmerie nationale, qui n’a pas souhaité communiquer sur le sujet.

Une réunion d’urgence présidée par le préfet

Face à ce chaos d’une violence rare, le préfet Jean-François Colombet convoque immédiatement en début d’après-midi les représentants syndicaux des transporteurs et les agents du Département dans l’espoir de parvenir à une solution négociée sur la question des transports scolaires. « En guise de consolation, on aura droit à un pauvre communiqué de condamnation… en attendant celui des condoléances ! », s’insurge le père de famille, visiblement lassé par le manque de solutions pérennes apportées par les autorités publiques…

*nom d’emprunt

Saut en parachute : à la conquête du ciel de Mayotte avec Vewuha

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La jeune entreprise basée en Petite Terre propose des expéditions de rêve pour les amateurs de sensations fortes. Le 5 septembre, elle s’envole en hélicoptère grâce à une collaboration avec la compagnie SAF. Une offre inédite, fruit d’un parcours du combattant pour Anli Abdallah Djaha, ex-militaire reconverti en chef d’entreprise. Portrait.

Anli Abdallah Djaha fait un peu partie de ces gens qu’on n’arrête pas. À 42 ans, l’ancien militaire parachutiste a la tête dans les airs et les pieds sur terre. À peine a-t-il atterri de La Réunion ce mardi, où il faisait quelques sauts pour se remettre en jambe, qu’il reprend ses affaires en Petite Terre. C’est que l’entrepreneur, qui a créé en 2018 Vewuha pour proposer des sauts en parachute au-dessus de Mayotte, a du pain sur la planche. À partir du 5 septembre et jusqu’au 30 novembre, il organise à nouveau des virées dans le ciel pour les fans de sensations fortes. Petite nouveauté : cette fois, le saut dans le vide se fera à partir d’un hélicoptère. “C’est le fruit d’une démarche de longue haleine initiée l’année dernière, et qui a pu voir le jour grâce à la collaboration avec SAF hélicoptère”, se réjouit le parachutiste professionnel.

Une opportunité en or, car “les sensations en avion ne sont pas les mêmes qu’en hélicoptère”, avance-t-il. Entre la vue imprenable à 360° sur le lagon depuis le cockpit et la montée en flèche que permet l’aéronef, les sportifs de l’extrême risquent bien d’en prendre plein la vue. En moins de dix minutes, l’hélico atteint en effet l’altitude de largage, soit 3.500 mètres, pour un saut de près d’une minute en chute libre, et sept minutes sous voile avant de se poser, soit à l’aéroport de Mayotte, soit sur l’îlot de Sable blanc ou encore aux îlots Choizil. En tout, l’expédition dure “une bonne demi-heure”. Bien sûr, elle représente un certain coût. Mais alors que l’offre hélicoptère est censée revenir plus cher que l’offre en avion, Anli Abdallah Djaha assure ne pas augmenter ses tarifs pour le moment. Comptez donc à partir de 355 euros pour l’aéroport, 595 euros pour les îlots.  

Le coup dur du confinement

Un petit budget certes, mais qui s’entend face au dur labeur que cette activité représente pour le jeune retraité, encore seul dans sa boîte. Et qui a de plus subi le confinement de plein fouet : la dernière expédition, prévue au mois d’avril, a dû être annulée à cause de la crise sanitaire. Un “boogie”, comme sont désignés dans le milieu ces rassemblements, qui regroupent des gens d’un certain niveau à la recherche de spots uniques sur Terre. Cette édition devait se faire en collaboration avec des professionnels venus des quatre coins de monde, Angleterre, Inde, Etats-Unis, Europe…“Tout était calé avec l’avion, or cette prestation engage forcément des coûts qui ne sont pas remboursables. Ça m’a coûté un bon billet que j’aurais pu mettre dans autre chose”, hausse des épaules le créateur d’entreprise. Sans toutefois se laisser abattre.

Car Anli en est persuadé : cette offre a toute sa place à Mayotte. “Ce spot est unique et mérite une telle activité.” Une conviction chevillée au corps pour l’ancien militaire revenu sur son île natale dans cet objectif. “Cela fait au moins treize ans que je pense à cette belle idée d’amener cette activité à Mayotte”, souffle-t-il. Originaire de Passamaïnty, le Mahorais

embarque en effet pour la métropole à l’âge de 17 ans, où il passera deux années avant de s’engager pour l’armée. C’est là, au milieu des treillis et des rangers, qu’il découvrira sa passion pour le parachutisme, deux ans plus tard. Et aussi qu’il fera ses billes, au Kenya, en Afrique du Sud, au Koweït. “J’ai des contacts qui me permettent pour l’instant de louer des avions, et de ramener des professionnels sur l’île pour mes événements”, explique-t-il. Même si, à terme, il entend bien financer un avion basé à Mayotte, et embaucher quelques salariés.

Pour l’instant, Anli fait confiance à ses anciens camarades parachutistes, rencontrés à l’armée et qui se sont aussi professionnalisés pour exercer en civil. “Des gens avec qui j’ai déjà travaillé partout dans le monde”, sourit-il. Sauf, jusqu’à peu, à Mayotte, que le natif du département leur a présentée en lançant Vewuha. “Les premiers mots, après les premiers sauts, c’était juste ‘‘wow’’. Ce qui a confirmé mon choix sur ce spot de Mayotte, qui en valait le coup”. Le parachutiste a conscience des trésors de son île, et déplore de la voir se fragiliser, année après année. “Avec Vewuha, je veux aussi adresser un message de préservation de cet endroit”, poursuit le voltigeur du lagon, porté par une volonté inébranlable. “Il y a tant de challenges sur cette île. On ne peut pas rester les bras croisés”.

Huit mois de prison avec sursis pour des violences contre la communauté africaine

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En pleine journée de barrages, un jeune se retrouvait devant le tribunal pour des faits de violence et caillassages commis quelques mois plus tôt. Contre toute attente, le tribunal optera cette fois-ci pour la clémence.

Ambiance un peu amère ce mercredi, au tribunal judiciaire de Mamoudzou. Alors que l’île s’est trouvée paralysée toute la matinée par les multiples barrages et déferlements de violence à Doujani, Kawéni, Koungou, Trévani, Majicavo… les magistrats entendaient, à quelques encablures de là, et à peine quelques heures plus tard, un prévenu jugé pour un caillassage survenu le 17 décembre 2019, à Koungou. “Malheureusement, les faits font terriblement écho à la situation que connaît Mayotte depuis quelques jours”, a ainsi souligné la substitute du procureur. Sarah M’Bouta, qui vient d’ailleurs tout juste de prêter serment ce lundi, aura donc eu droit à un baptême du feu pour sa première semaine au parquet de Mayotte…

Les faits qui amenaient Ali C. ce mercredi avaient toutefois une saveur légèrement différente. Le prévenu était jugé pour avoir participé à un attroupement en étant porteur d’une arme, en l’occurrence des pierres, et pour avoir exercé volontairement des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de trois et deux jours, avec comme circonstances aggravantes l’usage et la menace d’une arme et en réunion. D’autres violences sans incapacité de travail et d’importantes dégradations sur des véhicules et un bâtiment des environs, étaient aussi à déplorer dans cette affaire.

“Dehors les Africains”

Mais là, pas de grève des transporteurs pour justifier ses actes. Pire, le jeune homme, flanqué d’une bande de six lascars, s’en serait en réalité pris à un bâtiment hébergeant plusieurs membres de la communauté africaine, demandeurs d’asile à Mayotte. Et c’est sur les cris de “Dehors les Africains”, que les gendarmes sont appelés à intervenir cette nuit-là. Quand ils arrivent, la troupe a été rejointe par une vingtaine de jeunes supplémentaires, qui balancent des cailloux dans les airs et bloquent la circulation. Ali C. est rapidement désigné comme le meneur, et est interpellé par les forces de l’ordre, visiblement alcoolisé.

Alcool et guéguerres de voisinage

Et ses explications manquent pour le moins de clarté, encore aujourd’hui, alors qu’il est questionné tour à tour par les juges et le parquet. Ce que l’on comprend : avant de s’en prendre à cet immeuble, le jeune partage un peu plus d’un verre de vodka avec ses comparses sur une plage à proximité. Un certain John les approche : il a des soucis avec son voisinage, et a déjà cassé une canalisation avant d’appeler les jeunes du quartier pour l’aider à régler ses affaires avec ces demandeurs d’asile africains. Il leur promet de l’alcool. Ali C. se met alors en route et débarque chez la première victime, qui témoigne sa stupeur, comme le lit la présidente à l’audience ce mercredi : “Deux individus sont entrés dans ma chambre, ils voulaient des bières mais je n’en avais pas. Je leur ai dit que c’était une violation de domicile, ils ne comprenaient rien car ils étaient bourrés, donc j’ai fermé la porte.”

C’est là que tout dégénère : le prévenu frappe la porte, puis s’en prend au frère de la victime, le blessant avec un couteau ou des ciseaux (ce point reste encore flou dans le dossier). Lui nie avoir possédé une arme… et a oublié le reste de sa soirée. L’insistance du tribunal ne parviendra pas à venir à bout de son amnésie, ni à déterminer comment les jeunes ont ensuite pris la rue, pierres au poing. “Je ne m’en souviens pas, je ne sais pas pourquoi le conflit a éclaté”, balbutie-t-il à la barre.

Excuses et sursis

Repentant, toutefois. Depuis sa garde à vue et son placement sous contrôle judiciaire, Ali C. a eu un comportement exemplaire et n’a manqué à aucune de ses obligations, d’après le rapport joint au dossier. Sans casier judiciaire, il suit de plus une formation pour le BAFA, dont il a validé la partie théorique. Et aujourd’hui, alors que la procureur requiert douze mois de prison assortis d’un sursis probatoire de six mois, il n’a qu’une seule réponse. “Je veux présenter mes excuses au tribunal et à la procureure, et j’aimerais présenter mes excuses aux victimes”, lâche-t-il, tête baissée. Une attitude qui lui vaudra cette fois-ci une certaine clémence : le tribunal le condamne à huit mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire de deux ans.

Aurélien Siri : « Nous ne pouvons pas délier la formation et la recherche »

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Le directeur du centre universitaire de formation et de recherche, Aurélien Siri, a été entendu par la délégation d’Outre-mer du Conseil économique, social et environnemental pour préparer un futur projet de loi sur la recherche dans les territoires ultramarins. L’occasion pour lui de mettre en lumière les bons points de son établissement qui monte en compétence depuis sa création en 2011.

Flash Infos : Vendredi, vous êtes intervenu auprès de la délégation d’Outre-mer du CESE dans le cadre de la contribution à la saisine gouvernementale : « le projet de loi de programmation pluriannuel de la recherche 2021-2030 de la section des activités économiques. » En quoi cet entretien consistait-il ?

Aurélien Siri : Deux rapporteurs m’ont proposé cet entretien et m’ont interrogé sur l’Outre-mer, Mayotte et plus particulièrement le CUFR. Deux axes ont été abordés dans la discussion : « comment mieux inscrire les Outre-mer dans les priorités nationales de la recherche ? » et « comment territorialiser la recherche en Outre-mer en faisant ressortir des stratégies régionales, des financements orientés vers l’innovation en lien avec les besoins du territoire et une montée en puissance des incubateurs et des transferts de technologie ? » Dans ce cadre-là, j’ai expliqué que l’île aux parfums était face à une conjonction des risques (sanitaires, sismiques, cycloniques) et j’ai présenté le jeune établissement qu’est le centre universitaire et qui est en plein développement et en pleine croissance. Ce que ne sont pas les autres universités ultramarines, plus anciennes pour le coup. Au niveau des effectifs, nous avons un premier professeur des universités et trente-trois maîtres de conférence. En termes de recherche, nous n’avons pas encore atteint le rythme de croisière des autres territoires. J’ai insisté sur le fait qu’il fallait comparer ce qui est comparable.

FI : Vous qui êtes en poste depuis 2013, comment définiriez-vous la situation de la recherche au CUFR ?

A. S. : Nous lançons énormément de projets de recherche qui sont inscrits sur le territoire, puisque nous avons d’anciens chercheurs qui travaillent avec la DEAL, avec l’ARS, avec des organismes locaux. Et qui donc travaillent sur des thématiques locales, comme le changement climatique et ses implications, l’héritage culturel, les sociétés face aux risques, la mangrove, la modélisation de l’épidémie de Coronavirus, l’école, la littérature francophone de l’océan Indien… Beaucoup de recherches sont en cours grâce au recrutement d’enseignants chercheurs, qui sont ancrés au CUFR. Avant sa sortie de terre, certains venaient mais ils ne restaient pas ! Conséquence : ils faisaient de la recherche et partaient avec le produit de la recherche. Aujourd’hui, nous avons stabilisé la recherche à Mayotte grâce à d’anciens chercheurs qui sont devenus titulaires chez nous et qui effectuent de la recherche en lien avec les besoins, la dynamique et les enjeux du territoire. Pour aller encore plus loin, il faudrait créer une école doctorale et des laboratoires de recherche, car actuellement nos chercheurs sont rattachés à des établissements de l’Hexagone ou de La Réunion.

Nous avons essayé d’identifier ces leviers pour développer la recherche dans les territoires d’Outre-mer. Il faudrait aussi que le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation soutienne encore davantage les chercheurs en octroyant des bourses.

FI : Concrètement, si vos doléances sont écoutées, cela voudrait-il dire que le CUFR sera doté d’une manne financière supplémentaire pour assouvir vos besoins et vos demandes ?

A. S. : Tout d’abord, c’est toujours une bonne chose que nous puissions avoir un temps de parole pour expliquer les problématiques des Outre-mer, qui sont différentes de celles de la métropole. Après je ne sais pas si Mayotte aura un traitement particulier. Je n’en suis pas certain, car la teneur

des questions était assez générale. Il est encore trop tôt pour dire ce qui sera retenu de notre échange par rapport au futur projet de loi. Mais une chose est sure, c’était positif ! Par contre, j’en ai profité pour évoquer le projet de technopole, porté par la CCI et auquel le CUFR est intégré. Il va être un levier pour rapprocher la recherche et l’innovation. S’il y a un accompagnement du ministère, via cette loi qui prévoit des dispositions favorables aux Outre-mer, ce serait appréciable.

FI : Plus personnellement, comptez-vous vous rapprocher des parlementaires mahorais pour les inviter à appuyer, lors du débat de projet de loi, vos dires ?

A. S. : Régulièrement, je fais remonter à la tutelle du ministère des notes sur le CUFR pour détailler nos projets et nos sollicitations, dans le but de développer l’établissement. Quant aux parlementaires, il m’est arrivé d’échanger avec eux sur certains sujets. Ils sont donc au fait des problématiques rencontrées, mais aussi et surtout que le centre universitaire est un outil de réussite, tant sur le plan de la formation que de la recherche. C’est un instrument de développement du territoire ! En mars dernier, j’ai d’ailleurs défendu un projet d’avenir auprès du conseil départemental, c’est-à-dire un projet d’évolution institutionnelle pour que nous devenions une université de plein exercice. Les élus locaux savent qu’il faut défendre Mayotte pour que nous recevions les mêmes moyens que les autres territoires.

FI : Avec le rectorat, vous avez également une fenêtre de tir pour porter ensemble le territoire…

A. S. : Tout à fait, les axes de travail avec l’académie sont nombreux ! Nous travaillons en très bonne intelligence avec le rectorat pour mettre sur pied des projets communs, utiles pour le territoire. Le premier qui me vient à l’esprit est à la création en mai 2020 du Pôle étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat (Pépite), qui arrive à fédérer le CUFR, le rectorat, la CCI, le Département et le groupement d’intérêt général formation continue et insertion professionnelle (GIP FCIP). Nous avons un travail collaboratif à effectuer entre tous ces partenaires pour faire monter en compétence la jeunesse.

FI : D’autant plus que le taux de réussite des néo-bacheliers partis en métropole s’avère des plus bas. Et que les diplômés reviennent très rarement à Mayotte. Quelle est la stratégie pour les inciter à entreprendre sur le territoire ?

A. S. : Quand nous nous déplaçons dans les lycées pour promouvoir le CUFR, nous indiquons que le taux de réussite des étudiants qui s’inscrivent en première année chez nous est meilleur que quand ils partent étudier en Hexagone : plus de 25% contre 10%. Alors, qu’est-ce qui l’explique ? L’encadrement du corps enseignant bien évidemment mais aussi la proximité avec la famille qui empêche les difficultés sociales et administratives qu’ils peuvent rencontrer en métropole. Nous les encourageons à rester en leur faisant comprendre qu’ils réussiront mieux ici. Pour cela, nous avons installé un pôle culturel, un pôle réussite étudiante… Ensuite, il y a la problématique de ceux qui partent et qui souhaiteraient revenir. Pour faciliter ces retours, la préfecture a mis en place le dispositif Cadres d’avenir. En contrepartie d’un soutien financier, la personne formée s’engage à rentrer sur le territoire. Il faudra analyser à terme s’il est efficace car c’est un procédé qui met du temps à avoir des retombées !

Après ce qui peut être gagnant, c’est le master MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) que nous avons instauré en partenariat avec le rectorat et l’institut national supérieur du professorat et de l’éducation de La Réunion pour le premier degré. Nous formons des professeurs des écoles à Mayotte qui ensuite rejoignent les rangs de l’académie pour faire monter en compétence les enseignants du territoire. En deux années, nous avons titularisé 247 fonctionnaires stagiaires. C’est très fort parce que ce sont des jeunes mahorais, titulaires de bac+3, qui réussissent le concours CRPE et qui intègrent cette formation en deux ans. Et prochainement, nous allons proposer le master MEEF pour le second degré !

En clair, vous comprenez bien que nous ne pouvons pas délier la formation et la recherche. Les deux sont liées, les deux s’enrichissent.

Nouveaux barrages pour protester contre l’absence de bus scolaire à Mayotte

La situation reste bloquée entre le Département et les transporteurs. Des élèves ont manifesté leur mécontentement ce mardi matin à Kawéni, bloquant le trafic sur l’axe le plus fréquenté de Mayotte.

 

Mauvaise surprise pour les automobilistes ce mardi matin. Tôt dans la matinée, aux alentours de 7h, des jeunes ont érigé un barrage à proximité du rond-point Tati, à Kawéni. Objectif : afficher leur mécontentement face à l’absence de bus scolaire. S’ils ont été rapidement dispersés grâce à l’intervention des forces de l’ordre, ce nouveau barrage illustre le ras-le-bol face à une situation qui semble sans issue. En effet, malgré la signature ce samedi d’une nouvelle “convention de gestion provisoire” entre le Département et les transporteurs, une partie des chauffeurs continuent leur mouvement de grève entamé le 18 août, et qui perturbe depuis lundi 24 août la rentrée des quelque 100.000 élèves de l’île.

 

C’est que les grévistes, et en premier lieu les salariés de Matis, s’inquiètent surtout du nouvel appel d’offre lancé par le conseil départemental en juin, pour le marché de 2021. Leur reprise par la prochaine entreprise délégataire n’est pas rendue automatique et les chauffeurs craignent de perdre leur emploi. Et alors que les candidatures pour ce nouveau marché devaient arriver sur la table ce mardi 1er septembre, le dossier reste bloqué à la collectivité.

 

Or, les conséquences sont directes pour tous les habitants de Mayotte, et surtout pour les élèves. “Cette situation était prévisible”, commente Haïdar Attoumani Saïd, le co-président de la FCPE, l’association de parents d’élèves. “C’est l’exaspération des jeunes, qui, après de longs mois de confinement ne demandaient qu’une chose : aller à l’école. Et cette envie est obstruée par la négligence des adultes.”

 

Certes, la solidarité se met parfois en branle, façon débrouille. “Dans les zones rurales, cette solidarité s’organise à travers la famille, on essaie de partir avec les enfants des voisins”, décrit-il. Mais “en zone urbaine, c’est un peu plus chacun pour soi. Et donc on a des poches de jeunes qui font barrage, à Koungou, à Kawéni, à Vahibé, et tout cela s’accentue aujourd’hui.” Cette situation génère en effet des inégalités de traitement que le parent d’élève juge injustes, au point de demander un report de la rentrée au recteur. “Vendredi, si rien n’est fait, nous sommes prêts aussi à aller manifester devant le conseil départemental”, menace-t-il.

 

Le problème, c’est que le dossier n’est pas entre les mains du rectorat. “Nous n’allons pas repousser la rentrée pour ça, je pense que les élèves ont assez souffert comme cela !”, s’agace d’ailleurs Gilles Halbout. D’après ses constats, la moitié des élèves parvient malgré tout à embarquer dans les bus, et seuls 10% sont vraiment touchés. Les autres réussissent à se rendre sur les bancs de l’école par leurs propres moyens. “Nous souffrons tous de cette situation, et je n’ai de cesse de proposer notre aide pour faire de la médiation entre le conseil départemental et les grévistes”, plaide encore le responsable de l’académie.

 

Même constat d’impuissance du côté de la ville de Mamoudzou, qui, bien que n’étant pas partie prenante de ce dossier, à la compétence du Département, souffre directement des retombées de la grève. Les barrages à répétition sur le territoire de la commune, poumon économique de l’île, constituent un frein évident pour l’activité. Sans compter les risques de troubles à l’ordre public dont le chef-lieu se serait bien passé… Une rentrée qui démarre décidément sur les chapeaux de roue !

Rencontre avec le ministre des Outre-mer : « On sent quelqu’un qui est vraiment à l’écoute »

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Mardi, les quatre parlementaires ainsi que le président de l’association des maires ont été reçus par le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu. Pour le compte du Département, ce sont Bourouhane Allaoui et Ali Debré Combo qui ont pris part à cette réunion. Ce dernier est revenu pour Flash Infos sur cet échange qui a permis de balayer un grand nombre de thématiques. Pêle-mêle.

Ce mardi s’est tenue une réunion entre les parlementaires, trois élus locaux et le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu. Une première rencontre depuis la nomination de ce dernier à l’occasion du remaniement ministériel et à laquelle ont pris part deux conseillers départementaux des cantons de Koungou et Mamoudzou, Bouhourane Alloui et Ali Debré Combo. Un choix tout sauf anodin puisqu’il était principalement question d’évoquer l’insécurité qui sévit sur l’île ces dernières semaines. Première information : il est notamment prévu une réorganisation avec les services de l’État de l’opération Shikandra pour mieux contrôler les frontières. Une annonce qui complète celle du préfet, Jean-François Colombet, qui a assuré en début de semaine que trois intercepteurs en mer, 24h sur 24 et 7 jours sur 7 à l’eau, seront opérationnels dès le mois prochain dans le but d’empêcher l’arrivée de kwassas en provenance des Comores.

« La réunion s’est bien passée », a concédé quelques minutes après avoir quitté l’hôtel de Montmorin Ali Debré Combo, visiblement satisfait d’avoir trouvé « un ministre très disponible qui nous a permis de brosser d’autres thématiques de manière générale ». Un large panel de sujets a ainsi été abordé, à l’instar du financement des collectivités, sachant que le Département ne bénéficie pas de certaines dotations alors qu’il gère des compétences régionales. Même combat pour les fonds européens sur la période 2021-2027. « Logiquement, Mayotte devrait toucher 700 millions pour le prochain programme. Concernant son autorité de gestion, nous voudrions que les vœux de l’ancien premier ministre, Édouard Philippe, soient respectés. »

Différenciation pour Mayotte ?

Ce rendez-vous a aussi été l’occasion d’échanger sur les caractéristiques propres au 101ème département. « Il serait disposé pour que nous parlions de différenciation pour Mayotte et les Outre-mer dans son ensemble », a souligné Ali Debré Combo. Plus précisément, en quoi cela consisterait ? « Même s’il y a des lois générales pour la Nation, il faudrait les adapter en fonction des spécificités des territoires ultramarins. » À titre d’exemple, le conseiller départemental a rappelé l’amendement du sénateur Thani, qui adapte les conditions d’acquisition de la nationalité française par le droit du sol sur l’île aux parfums.

Concernant l’attractivité, les invités de Sébastien Lecornu ont évoqué la mise en place « d’outils pour attirer les jeunes diplômés mahorais qui se trouvent en métropole ». Mais pas seulement. Bon nombre de familles mahoraises quittent le territoire pour « avoir de meilleures conditions en matière d’éducation et d’accès aux soins ». Un débat de la plus haute importance alors que l’état d’urgence sanitaire a été prolongé à Mayotte jusqu’au 30 octobre. Qu’une nouvelle crise de l’eau plane au-dessus de la tête des habitants. Et que les chantiers de construction des écoles tournent au ralenti. « Désormais, il souhaite que chaque engagement soit suivi d’effet ! », s’est félicité Ali Debré Combo.

En guise de bonne foi, le ministre des Outre-mer « veut bien faire avec les élus de Mayotte ». « On sent quelqu’un qui est vraiment à l’écoute. » Pour preuve, des points par visioconférence ou directement à Paris sont désormais prévus tous les 45 jours. Voire même directement sur l’île aux parfums… Il se murmure que le successeur d’Annick Girardin pourrait poser ses valises au mois d’octobre, si le référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie le lui permet. Alors, convaincus ?

Le monde économique mahorais s’organise contre la montée de l’insécurité

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Le Collectif du Monde Économique de Mayotte a vu le jour le week-end dernier pour contribuer à la lutte contre l’insécurité grandissante sur le territoire. Il appelle à une implication forte des pouvoirs publics et des responsables politiques locaux. Entretien avec son président, Marcel Rinaldy, qui pilote un groupe d’intérêt économique réunissant plusieurs sociétés dont Madora, Jennifer, Celio, le duty free de l’aéroport.

Flash Infos : Quelles sont les raisons qui ont poussé les organisations patronales et professionnelles à se réunir en association ?

Marcel Rinaldy : Tout est parti d’un courrier de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, qui disait avoir subi énormément d’agressions ces derniers temps, mais aussi des échanges entre plusieurs acteurs du monde économique ! On s’est alors dit qu’il fallait que la solidarité prévale et que l’on se prenne en main. La création de ce collectif s’est fait très rapidement et tout naturellement puisqu’on a organisé deux réunions. Actuellement, on est une cinquantaine d’entreprises, ce qui représente 900 salariés si je mets bout à bout l’ensemble des collaborateurs. Mais on grandit de jour en jour !

Il me paraît important que l’on se saisisse du sujet car on est au cœur de cette problématique liée à l’insécurité qui gangrène le territoire. On espère que notre mouvement prendra de l’ampleur, d’où la raison pour laquelle on a nommé trois porte-paroles officiels. Le bureau est mandaté pour travailler et apporter des solutions pérennes pour nous développer convenablement. La solution miracle ne passe pas seulement par l’envoi de nouveaux renforts de forces de l’ordre. On n’est pas juste là pour dire qu’on n’est pas content.

FI : Vous évoquez comme ambition d’élaborer des propositions à destination des décideurs publics et de favoriser le dialogue et la sensibilisation auprès des élus et des citoyens. Comment comptez-vous vous y prendre pour mener à bien votre action ?

M. R. : Notre idée est d’être force de propositions auprès des pouvoirs publics, notamment la préfecture qui est un acteur majeur du territoire. On attend ce que le gouvernement annoncera concernant le plan de relance de l’économie (Philippe Gustin, le directeur de cabinet de Sébastien Lecornu doit détailler les mesures pour les Outre-mer ce mercredi 2 septembre à 14h, ndlr.). Ce sera le fruit des échanges avec les représentants de l’État et les élus locaux.

Mais on se veut pragmatique et apolitique. Il n’est pas question de prendre position sur tel ou tel sujet. Clairement, on est intéressé par le solutionnement par l’action économique. Après, on est prêt à travailler avec tout le monde. Je pense aux associations de quartier, tout comme à l’ESS (économie sociale et solidaire), qui peuvent juguler l’insécurité en mettant sur la table des réponses à destination des populations les plus désœuvrées.

Après, notre plus grand souhait est que ce collectif soit dissous pour pouvoir retourner travailler sereinement et l’esprit libre. Cela voudra dire que les problèmes sont réglés. On n’a pas vocation à durer ad vitam eternam.

FI : Quel bilan tireriez-vous des dernières violences et de la recrudescence de l’insécurité sur le moral des entreprises ?

M. R. : Pour les entrepreneurs, les événements des dernières semaines limitent notre vision de l’investissement car on a un peu la main qui tremble avant de signer. Ensuite, on doit dépenser beaucoup plus que de raison dans la protection de nos entreprises, en finançant des systèmes de gardiennage et de vidéosurveillance. C’est un surcoût non négligeable qui n’est pas logique et qui surtout provoque des inégalités avec les autres territoires qui ne sont pas soumis à de tels actes.

Vous savez, nos collaborateurs vivent dans la crainte et la peur de venir tôt ou de finir tard car ils doivent réaliser leur trajet de nuit. Certains se font cambrioler pendant que d’autres se font agresser lors d’un simple jogging. Autre exemple : sur la ligne Koungou-Longoni, les transporteurs hésitent fortement à venir dans la zone Nel après 17h pour éviter de se faire caillasser. La plupart des commerçants membres ont déjà tous connu un problème sécuritaire. Pour preuve, Somaco a été vandalisé 3 fois en moins de 4 mois. Des entreprises du bâtiment se font également régulièrement visiter et dévaliser leurs entrepôts. Toutes ces intrusions répétées, ces vols et ces menaces avec armes ont des conséquences pour la vie économique à Mayotte.

Mayotte : Une rencontre mais pas de sortie de crise pour les pompiers en grève

 

Les pompiers ont présenté leurs revendications lundi à la présidente du SDIS de Mayotte. Mais avec toujours leur directeur, le colonel Fabrice Terrien, dans le collimateur, le conflit ne semble pas encore prêt à se résoudre.

Difficile de passer à côté sans les voir. À la caserne de pompiers de Kawéni, les baffles crachent toujours leurs notes dansantes et trébuchantes, tandis que les bannières aux slogans tapageurs flottent encore au-dessus des grillages. Certes, les sapeurs-pompiers, en grève illimitée depuis le 24 août, ont rencontré ce lundi la présidente du SDIS. “Nous avons pu avoir un entretien pour tout lui expliquer dans un climat d’apaisement, et elle s’est montrée à l’écoute”, acquiesce entre deux camions peinturlurés Colo Bouchrani, le président du syndicat autonome des sapeurs-pompiers et du personnel administratif et technique au SDIS de Mayotte.

Qui plus est, l’entrevue a pu se faire, au moins pendant un temps, sans leur directeur, le colonel Fabrice Terrien, qui fait justement l’objet des foudres des soldats du feu. “Il était convenu qu’il s’absente pour que chacun à tour de rôle puisse exposer librement les griefs qui motivaient leur revendication sur son départ”, confirme Moinécha Soumaila, la présidente du SDIS au conseil départemental.

23 revendications en attente ?

Pour autant, cette rencontre apaisée n’a pas encore permis d’obtenir la fin du mouvement de contestation. “On n’arrêtera pas de faire grève tant que nous n’aurons pas obtenu un protocole de sortie de crise”, persiste et signe Colo Bouchrani. Ses collègues et lui n’en démordront pas, et ils espèrent bien obtenir gain de cause sur les 23 points de leurs revendications, regroupés en trois axes principaux : le départ du colonel Terrien ; les conditions de vie dans les casernes ; la sécurité sur les lieux d’intervention et dans leurs locaux. Reste que “du point numéro un, découlent tous les autres”, insiste le représentant syndical.

D’après lui, le problème ne date d’ailleurs pas d’hier. “Le directeur est arrivé à l’automne 2018 et dès février 2019, la présidente recevait déjà plusieurs courriers, car nous avons vite pris la mesure du mépris du colonel Terrien”, retrace-t-il. Les pompiers en grève l’accusent de travailler sans les concerter, voire même de bloquer les avancées sur leurs conditions de travail. La rénovation de la caserne de Kahani, dont l’attaque en mai dernier avait mis le feu aux poudres, et la prime Covid dont ils veulent bénéficier plus largement, sont notamment dans leur collimateur. Alors que de son côté, le directeur assurait la semaine dernière dans nos colonnes, avoir présenté un plan de rénovation des locaux et même la construction d’un centre de formation de sapeurs-pompiers à proximité, à Kahani.

Colère “calme”

Pour autant, conséquence ou non de la rencontre de la veille, l’ambiance semblait plutôt apaisée ce mardi matin à la caserne de Kawéni. Sur le pont depuis 7h du matin, les grévistes échangent les blagues et s’amusent à poser drapeau tendu devant la caméra. “Nous, c’est la colère calme… Enfin, le calme avant la tempête”, souligne tout de même l’un d’entre eux. Objectif de cette journée : faire le compte rendu de l’entretien de lundi et préparer les actions futures. “Mais on ne vous dira pas ce qui est prévu, ce sera une surprise”, lâche, un peu taquin, le président du syndicat. Qui promet toutefois d’organiser dans la journée des groupes de travail sur leurs revendications, pour “être force de proposition à la prochaine rencontre”.

Des accusations graves

Désormais, la balle semble donc dans le camp de la présidente. Pour l’instant, aucune date n’a été fixée pour cette nouvelle entrevue. Moinécha Soumaila a en effet demandé aux syndicalistes le temps de la réflexion, pour vérifier point par point les éléments qu’ils ont amenés au sujet de leur directeur. “Il y a quand même des accusations assez graves dans le lot, donc j’estime qu’il faut faire des contrôles. Et c’est le travail auquel je me suis attelée dès hier soir”, assure la responsable, qui explique se donner au moins une semaine pour procéder à ces vérifications.

Sur le reste des revendications, et notamment les conditions de vie, les deux parties ont en tout cas accordé leurs violons. “Pour moi, la plupart sont légitimes, et en général quand j’ai des retours des réunions du CHSCT, je donne mon feu vert”, poursuit-elle. “C’est pourquoi je ne comprends pas encore très bien ce blocage sur la personne du colonel Terrien, qui semble être devenu la seule motivation du mouvement…”.

Et à Kawéni, les slogans ne font d’ailleurs pas dans la dentelle au sujet du si décrié directeur. “Va voir celui à l’arrière du camion, là, il est bien !”, s’amuse ainsi un syndicaliste, en désignant le “Terrien dictateur dehors”, qui orne les portes rouges et jaunes d’un véhicule prêt à repartir en intervention malgré la grève. Difficile dès lors, de voir le bout de cet imbroglio. Surtout à en croire ce sapeur-pompier, qui lâche, avec un clin d’oeil : “Repasse ce soir, on sera encore là !”.

De nouvelles têtes pour une justice en construction à Mayotte

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Cinq nouveaux arrivants ont fait leur rentrée sur les bancs de la justice. L’occasion de rappeler les défis qui sous-tendent l’activité judiciaire dans le plus jeune département de France.

Un moment “symbolique” pour la justice à Mayotte. Ce lundi à Mamoudzou avait lieu à la chambre détachée de la cour d’appel de Saint-Denis (La Réunion), l’audience d’installation de deux nouveaux présidents fraîchement arrivés sur le territoire. Nathalie Courtois, ancienne première vice-présidente adjointe au tribunal judiciaire de Bobigny et Cyril Ozoux, ex-vice-président en charge de l’instruction à La Réunion, viennent donc grossir les rangs de la justice des recours dans le 101ème département. L’occasion aussi pour trois nouvelles magistrates de prêter serment. Sarah Chaib et Emilie Cuq-Girault siègeront donc au tribunal judiciaire en qualité de juges, tandis que Sarah M’Buta renforce depuis ce jour les effectifs du ministère public, en tant que substitute du procureur.

Et c’est presque tout le gratin local qui était présent pour accueillir ces nouvelles têtes dans leurs robes rouges et noires, pour une audience solennelle. Et particulière, en raison du contexte de crise sanitaire. Masques sur le nez, et distanciation sociale respectée autant que faire se peut dans cette petite salle de la chambre d’appel, le préfet Jean-François Colombet, le maire de Mamoudzou Ambdilwahedou Soumaïla, mais encore le député Mansour Kamardine et bien sûr le procureur de la République Camille Miansoni, assistaient à ce rendez-vous clé pour la justice de Mayotte. “Cette audience, c’est un moment emblématique fort pour montrer l’ensemble des composantes de la Nation, et rappeler le respect et l’estime que chacun doit porter pour l’autorité judiciaire, garante de la démocratie”, a souligné le représentant du pouvoir exécutif.

La justice à Mayotte, ce “bâtiment” en construction

Une présence remarquée et saluée par Alain Chateauneuf, la premier président de la cour d’appel de La Réunion, ainsi que par le procureur général Denis Chausserie-Laprée, qui avaient fait le déplacement jusqu’à l’île aux parfums. Pour rappel, le système judiciaire de Mayotte s’est longtemps caractérisé par un système dérogatoire, qui a pris fin avec la départementalisation, faisant de l’ancien Tribunal supérieur d’appel (TSA) de Mamoudzou une chambre d’appel placée sous la juridiction de la Cour d’appel de La Réunion.

Près de dix ans après, le pouvoir judiciaire du 101ème département en est donc encore à ses premiers pas. “Cette jeune institution judiciaire, quand on la voit de l’extérieur, on ne voit pas ce qui se trame à l’intérieur. Comme un bâtiment dans lequel il faut encore installer la climatisation. Et ce sont là parfois vraiment les problématiques que nous avons”, a décrit sans détour le procureur Camille Miansoni. Cette construction de la justice était donc la trame de fond de ce renouvellement des troupes… ainsi que les nombreux enjeux, sécuritaires, économiques et environnementaux du territoire. “La présence judiciaire est essentielle pour aider dans sa construction ce jeune département confronté à ses tiraillements”, a ainsi rappelé le procureur général.

Le chantier de l’état civil

Autant de défis auxquels vont devoir se confronter les nouveaux venus. “C’était une audience très émouvante et solennelle qui nous fait prendre la mesure de ces nouvelles fonctions et les enjeux qui nous attendent sur cette île pleine de richesses et de challenges. Et me concernant, notamment, le défi de l’état civil”, a relevé Sarah Chaib, nouvelle magistrate du tribunal. Une nomination qui résonne tout particulièrement à Mayotte, alors que le préfet Jean-François Colombet faisait, le matin même sur les antennes de Mayotte la 1ère, le lien entre les récents événements de violence et l’interruption de la lutte contre l’immigration clandestine depuis mars…

Même son de cloche chez sa consoeur Sarah M’Bouta, qui s’est vue confier plus spécifiquement deux missions en sa qualité de substitute du procureur, celles de l’état civil et de l’environnement. “J’ai à coeur de participer à construire ce département d’Outre-mer : d’une part pour garantir à chacun un état civil qui corresponde à sa situation réelle, d’autre part pour travailler avec la population pour comprendre cet enjeu capital de l’environnement, auquel je suis personnellement sensible”, a développé la nouvelle représentante du parquet, elle-même originaire des Outre-mer, en Martinique.

“Sur le fil du rasoir”

Son choix de rejoindre le parquet a d’ailleurs été largement salué par les forces en présence, surtout au vu des spécificités locales. Il y a quelques mois, le procureur Camille Miansoni avait fait l’objet de violentes attaques à la suite du jugement de deux personnes impliquées dans le rapt d’un cambrioleur en Petite-Terre. Sujet qui n’a d’ailleurs pas manqué d’être évoqué pendant l’audience. “C’est le meilleur choix, le meilleur job ! Certes, on est sur le fil du rasoir, on est exposé, mais on est en contact permanent avec la vie de tous les jours”, souriait toutefois le premier concerné. Des sourires partagés par tous, sans volonté d’amoindrir l’ampleur du travail qui reste à accomplir. “Je vois vos jeunes collègues qui vous accompagnent, et cette solidarité, que vous n’auriez pas forcément trouvé dans d’autres juridictions, est essentielle. Vu la période qui, on ne va pas vous le cacher, est difficile”, rappelait ainsi Denis Chausserie-Laprée. Alors, caribou et bonne chance !

Un rassemblement chiite en plein Mamoudzou met le feu aux poudres

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Dimanche, plusieurs personnes se sont rassemblées dans le chef-lieu pour commémorer une date clé du chiisme, l’anniversaire de la mort de l’imam Hussein, petit-fils du prophète. Une scène qui a déclenché de vives réactions auprès de la population mahoraise, elle, à majorité sunnite.

Les images ont provoqué un tollé. Dimanche, plusieurs dizaines d’hommes vêtus de noir ont défilé autour du rond-point de la barge, dans le chef-lieu, en brandissant des drapeaux aux inscriptions arabes. Un rassemblement religieux célébrant l’anniversaire de la mort de l’imam Hussein, martyr et petit-fils du prophète Mahomet, et dont l’assassinat constitue un événement central dans le mouvement chiite. Une commémoration perçue, par la population mahoraise, d’un très mauvais œil.

« Il existe une communauté chiite à Mayotte depuis plusieurs années », précise d’emblée Saïd Saïd Kambi, président de la fédération des associations islamiques de Mayotte. « D’ailleurs, les premiers musulmans de l’île n’étaient certainement pas sunnites (alors qu’ils y sont aujourd’hui majoritaires, ndlr) ! » Pour lui, la communauté chiite du département a grossi au gré des déplacements des populations indiennes vers Mayotte. Celles-ci ont continué d’observer leurs rites religieux, loin des regards de l’espace public. « Dans les années 80, le chiisme a ensuite commencé à émerger aux Comores », poursuit Saïd Saïd Kambi. « Avant d’être combattu par le président, Azali Assoumani. » En atteste la révision constitutionnelle portée par le chef de l’État en 2018 et dont un article soulignait que la religion du pays reposait sur le mouvement sunnite à tendance chaféite. De quoi écarter un peu plus la minorité religieuse de la société, dont la pratique des rites avait déjà été interdite dans les lieux publics aux Comores en 2016.

« En conséquence, des Comoriens chiites, chassés, sont arrivés à Mayotte », développe encore le président des associations islamiques. « Mais leurs manifestations publiques comme celle observée dimanche sont un phénomène très nouveau. » Premier et dernier souvenir en date, jusqu’à ce week-end, un rassemblement six ans plus tôt à Dzaoudzi-Labattoir, où un millier de musulmans avaient célébré le nouvel an religieux près de la mairie. « Cela peut être perçu comme un facteur de déstabilisation vis-à-vis de la communauté mahoraise, c’est une sorte de provocation, une façon de s’imposer au-delà des règles du vivre ensemble », analyse Saïd Saïd Kambi. « Ils ont osé ce que personne n’avait osé jusque-là. Ce que j’espère, c’est que ça ne donne pas d’idées aux autres… » Car, selon celui qui est aussi membre du Collectif, de telles manifestations, si répétées, pourraient virer en bataille communautaire.

L’extrême droite accuse un appel au djihad

Sur les réseaux sociaux, certains observateurs improvisés redoutent, eux, de voir émerger une mouvance religieuse beaucoup plus « radicale », comme qualifiée par le Rassemblement national. Le parti d’extrême droite n’a pas manqué l’occasion de surfer sur la polémique, en évoquant les « drapeaux noirs de Daesh » brandis par les manifestants, venus « véhiculer la haine et le séparatisme », selon un communiqué transmis le jour même par le bureau départemental du RN. « Comment le préfet peut-il autoriser une telle manifestation, qui n’a comme idéologie que l’appel au djihad ? Notre pays a engagé des milliers de nos soldats au Sahel au péril de leur vie pour éradiquer l’islamisme radical. Oui, la France est un pays laïc où la liberté de culte est garantie par notre constitution et Mayotte ne doit pas faire une exception. Mais pas pour ceux qui prônent la destruction fondamentale de nos libertés que ce soit de culte ou de nos cultures ».

Saïd Saïd Kambi se veut lui plus rassurant. « Je ne crois pas à l’arrivée de l’islamisme radical sur nos îles », sourit-il. « Il y a une tendance, dans les médias occidentaux, à souvent considérer cette religion comme déviante avant tout. Ce rassemblement a-t-il une connotation extrémiste ? Je n’en sais rien. Mais je crois simplement que tout ce qui peut menacer la cohésion sociale de Mayotte est à éviter. »

« Mayotte devrait recenser 105 maîtres-nageurs »

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Alors que deux décès par noyade se sont produits le mois dernier, le président du Cercle des nageurs de Mayotte, Hervé Ducongé, propose de créer une délégation de service public pour surveiller les plages mais aussi d’installer des bassins flottants dans le lagon pour donner des cours de natation. Ses projets demeurent pour le moment sans réponse de la part des institutions…

Flash Infos : Mayotte a beau être un archipel au milieu de l’océan Indien, la culture de la natation est quasiment inexistante, comme en témoignent les deux dernières noyades le mois dernier. Comment l’expliquer ?

Hervé Ducongé : En arrivant à Mayotte il y a trois ans, j’ai décidé de m’attaquer au chantier de la natation. J’ai constaté le désastre ici, car il faut appeler un chat un chat. Juste pour vous donner un ordre d’idée : à La Réunion, il y a 300 maîtres-nageurs pour 800.000 habitants. Si on met ce chiffre en proportion pour l’île aux parfums, ça en donne 105. Or en réalité, il n’y en a pas plus qu’une demi-douzaine… Honnêtement, on l’explique pour des questions de culture. La population n’est pas naturellement nageuse, comme cela peut être le cas en Polynésie où l’on apprend à nager avant de savoir marcher ! Par contre, la culture du danger existe bel et bien et est liée à des croyances ou à des superstitions. Il y a aussi le phénomène du sur-accident : lorsqu’un gamin se retrouve en difficulté, ses copains veulent lui porter secours et se mettent eux-mêmes en difficulté.

FI : La loi précise que les communes n’ont pas l’obligation d’installer de maîtres-nageurs si les plages ne sont pas aménagées…

H. D. : En réalité, les municipalités sont responsables dans la zone des 300 mètres s’il se passe quoique ce soit. Elles ont obligation de prêter assistance et secours et de garantir la sécurité de leurs administrés. Tout le monde n’a que l’emploi et le tourisme à la bouche. Avez-vous déjà vu des plages, ailleurs dans le monde, qui ne sont pas surveillées comme chez vous ? Avez-vous déjà vu un maire ou un représentant de l’État empêcher la baignade dans un site interdit ? Bien sûr que non… Du coup, pour le moment ça passe tant que personne ne dépose plainte. Mais le jour où quelqu’un le fera pour dire que ce n’est pas normal que son enfant soit décédé, on avancera peut-être… Chaque institution devrait faire le ménage. Il paraît aberrant que le conseil départemental n’ait pas de service dédié à la surveillance des plages.

Je suis un homme pressé. J’attends qu’on me mette à disposition un maître-nageur pour la subvention « Apprendre à nager ». Si vous faites dix séances de natation, vous savez un peu barboter. Mais vous ne savez toujours pas nager là où vous n’avez pas pied.

FI : Que proposez-vous à l’échelle de votre association « Le cercle des nageurs de Mayotte » pour tenter de remédier à cette problématique ?

H. D. : On propose de mettre en place, dans le cadre d’une délégation de service public, la surveillance des plages avec un poste de secours les week-ends et durant les vacances scolaires. Vous prenez les quinze plages les plus fréquentables et touristiques et vous y mettez 3 temps partiels, car le besoin réel n’est pas permanent mais ponctuel. Depuis deux ans, je consacre tout mon temps libre, mon argent et mon énergie dans cette association. Malheureusement, je n’ai pas encore reçu de réponse… J’en ai marre de prendre des râteaux à droite, à gauche. Donc je vais prendre sur mon fric et rémunérer deux maîtres-nageurs de ma poche pour démarrer la surveillance tous les samedis, dans le but d’être repérables et reconnus. On veut faire nos preuves.

La deuxième partie de notre concept, en plus de la surveillance à mi-temps, est de proposer de la natation club, de répondre à tous les appels à projet de la fédération en faveur de la natation scolaire ou destinés aux personnes en situation de handicap. Le prochain s’appelle « Aisance aquatique » et consiste à organiser des classes bleues pour le temps scolaire et des stages bleus en périscolaire pour les écoles maternelles. C’est le dada de notre ministre des Sports, Roxana Maracineanu. Mais ici, personne ne sait donner des cours de natation dans le lagon, car il n’y a aucun repère comme dans une piscine. On est obligé de réinventer toute notre pédagogie, et c’est là notre savoir-faire et notre plus-value.

Chaque semaine qui passe, c’est 200 ou 300 enfants à qui on aurait pu apprendre à nager. Mon idée est d’installer un bassin flottant au large avec un petit bateau pour faire la navette ou alors des bassins d’apprentissage mobiles dans un container, dans lesquels on pourrait aussi faire du sport santé, comme de l’aquagym, à destination des bouénis qui sont diabétiques, en surpoids…

Pour résumer, les trois projets les plus importants à mes yeux sont les demandes de subvention faites pour l’handisport auprès du conseil départemental, celles pour développer l’écotourisme avec la surveillance et les bassins au large, et l’Aisance aquatique pour les maternelles. Je pense qu’on va s’organiser en accueil de mineurs pour les classes bleues.

Affiliée à la Fédération française de natation, l’association propose des cours de natation et d’aquagym tous les samedis à Tahiti plage pour tous âges et tos niveaux. Si vous êtes intéressé, rendez-vous sur la zone à partir de 13h pour participer à des tests de natation ou à partir de 16h pour un cours d’aquagym et une séance de natation pour adultes.

Charlotte Mucig, le nouveau visage du BRGM de Mayotte

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Fraîchement nommée à la tête du bureau de recherches géologiques et minières, Charlotte Mucig revient pour la première fois sur le risque de tsunami, sur la prochaine campagne océanographique, sur la possible création du premier observatoire mahorais, sur la tenue d’un colloque scientifique, mais aussi sur toutes les autres missions de la structure.

Flash Infos : Début juillet, vous avez pris la direction régionale du BRGM à Mayotte en remplacement de Frédéric Tronel, après près de 5 ans comme chef d’unité risques naturels à la DEAL (direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement). Comment définiriez-vous cette nouvelle étape professionnelle ?

Charlotte Mucig : Je la vois comme une continuité et un élargissement des sujets que je traitais précédemment avec, bien sûr, un autre regard. À la DEAL, j’avais une casquette « État » sur les risques naturels, donc je travaillais déjà avec le BRGM. Et puis cette nouvelle aventure est une évolution professionnelle et l’exploration de nouvelles thématiques, comme l’eau, la géothermie…

FI : Votre première intervention publique a été à l’occasion d’un comité de suivi, le 15 juillet au cours duquel il a été question des risques de tsunami. Une équipe de chercheurs est d’ailleurs venue à Mayotte en août pour identifier les différents points de refuge en cas de risques naturels. Comment identifiez-vous ce scénario ?

C. M. : Nous en sommes aux prémices et aux premiers résultats d’études sur le sujet. Il faut avoir conscience que nous parlons d’un milieu sous-marin qui a été peu étudié jusque-là avant cet essaim de séismes, donc nous avons peu connaissance du fonctionnement sismique, tectonique et volcanique de la région. Ces premières études pourraient être qualifiées de préliminaires pour se donner un ordre d’idées. Nous avons étudié plusieurs sources tsunamigènes qui peuvent être soit des mouvements de terrain sous-marins, soit directement liées au volcan et à l’effondrement de la chambre magmatique, soit d’un gros séisme. Avec ces premières modélisations, nous constatons que nous ne sommes pas face à un risque tsunami de très grande ampleur, comme nous pouvons en avoir l’idée lorsque nous évoquons le terme de tsunami et que nous pouvons retrouver en Indonésie. Nous avons quand même la chance de bénéficier de plusieurs paramètres rassurants, à l’instar du lagon, des mangroves, d’une bathymétrie (mesure des profondeurs et reliefs de l’océan NDLR) qui fait que nous recensons des pentes assez abruptes qui cassent pas mal les vagues, et d’un relief qui monte immédiatement en altitude derrière les plages. Par contre, le laps de temps que nous avons entre le facteur déclencheur du tsunami et l’arrivée des vagues sur les côtes est très court, donc il pourrait en effet y avoir un risque pour les habitants se trouvant sur les plages à ce moment-là. Par contre, c’est différent pour Petite-Terre qui se situe directement sur la barrière de corail. Mais la partie la plus touchée serait celle à l’est, qui s’avère être plutôt inhabitée. Maintenant, nous sommes incapables de dire aujourd’hui la probabilité d’occurrence de ces scénarii de tsunami. Nous ne savons pas s’ils peuvent raisonnablement se produire ou pas!

Il est question d’installer des sirènes et de tracer des parcours d’évacuation pour retrouver rapidement un point qui se trouverait par exemple à cinq mètres d’altitude. Il faut bien distinguer l’aléa tsunami, pour lequel nous aurions une alerte et une action à avoir quasi instantanément, à savoir sous une quinzaine de minutes, et l’aléa cyclonique, plus prévisible, où l’alerte est donnée 4 ou 5 jours avant le passage du cyclone.

FI : Quid des essais autour des câbles sous-marins de la fibre optique qui doivent démarrer au mois d’octobre pour écouter les séismes et autres vibrations sous-marines et terrestres en temps réel et qui pourraient découler sur la création du premier observatoire mahorais ?

C. M. : Il y a là deux choses bien distinctes. Depuis cet essaim de séismes et l’apparition du volcan, il y a eu plusieurs campagnes océanographiques. C’est la seule façon que nous avons à notre disposition pour véritablement prendre connaissance de ce qu’il se passe en mer (nouvelles coulées, nouveaux panaches…). En clair, nous sommes complètement dépendants de ces missions qui ont lieu, au mieux, deux fois par an, et qui nous permettent de récolter, par « vague », quantité de données.

Donc, effectivement, le Revosima, réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte, a fait une demande de financement au PIA3 (plan d’investissement d’avenir) dans le but de mettre en place un observatoire sismo-volcanique sous-marin à Mayotte. Des instruments de mesures seraient en permanence en mer sur le plancher océanique et au lieu de devoir aller les récupérer régulièrement, nous récupèrerions les données grâce à la fibre optique en temps réel au sein d’un centre de contrôle à terre. Cela permettrait de recueillir plus de données en continu et de suivre plus précisément l’activité que ce que le Revosima peut faire aujourd’hui. Le projet est soutenu par le DIRMOM (Délégué Interministériel aux Risques Majeurs en Outre-Mer).

En octobre, nous allons accueillir une nouvelle mission océanographique de quinze jours avec le Marion Dufresne, avec de nombreux objectifs dont un nouveau levé bathymétrique et la pose et dépose de sismométres sous-marins (OBS). Et dans le même temps, nous allons avoir une mission à terre qui s’intitule Ref-Maoré et qui consiste à placer 90 géophones – une sorte de sismomètre plus basique – sur une ligne parallèle à celle entre Petite-Terre, la ride et le volcan. L’idée est de générer des explosions dans 9 forages préalablement réalisés et de mesurer par sismique réfraction la vitesse des ondes dans le sol grâce à ces 90 géophones et aux OBS qui auront préalablement été déposés en mer par le Marion Dufresne. L’objectif est de mieux comprendre la vitesse de propagation des ondes dans le sol pour mieux localiser les séismes à l’aide des sismomètres. C’est important car aujourd’hui, ces derniers sont notre seul regard en continu du volcan. L’intérêt est de détecter une éventuelle migration de la sismicité ou une modification de l’activité.

FI : En septembre, il est aussi prévu d’organiser un grand colloque autour des connaissances scientifiques acquises depuis 2 ans concernant le phénomène sismo-volcanique. En quoi consistera-t-il ? Et selon vous, que doit faire Mayotte pour tirer profit de la plus grande éruption sous-marine jamais connue ?

C. M. : Ce que je peux dire à l’heure actuelle, c’est qu’il y a toujours cette volonté de tenir ce colloque mais celui-ci se déroulerait plutôt fin octobre. Mais je n’ai pas encore de dates précises. C’est en cours de montage, car il y a toujours quelques incertitudes par rapport aux risques sanitaires. Plusieurs questions restent encore en suspens pour définir qui pourra y participer.

Après, si cet observatoire marin, qui serait à la pointe, arrive à voir le jour, cela pourrait intéresser une communauté scientifique et apporter un regard positif sur Mayotte. L’autre point qui me paraît intéressant, c’est le développement de la géothermie sur lequel le BRGM est justement en train de travailler sur Petite-Terre : l’objectif est de finaliser sous 2 ans les études nécessaires pour définir les sites avec les meilleurs potentiels pour réaliser un ou plusieurs forages exploratoires de géothermie. Ce serait assez positif pour le territoire en termes de développement d’énergies durables, compte tenu des modalités de production d’électricité que nous avons aujourd’hui.

FI : Si le phénomène sismo-volcanique est au centre de toutes les discussions depuis son apparition en 2018, quels autres projets et travaux allez-vous mener au cours des prochains mois ? Et en termes d’éducation de la population, y a-t-il des pistes à creuser ?

C. M. : Il y a une bonne part de l’activité qui a trait au domaine de l’eau puisque nous recensons des problématiques par rapport à la capacité du territoire à produire de l’eau potable pour l’ensemble de sa population. Le BRGM a des compétences en hydrogéologie (eaux souterraines), donc nous assurons une expertise et un appui aux politiques publiques, aussi bien pour la DEAL que le SMEAM (syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte). Si je peux citer une action qui a commencé et qui prendra corps l’année prochaine, c’est la sixième campagne de forage pour trouver de nouveaux points de captage pour produire de l’eau potable. Nous avons un rôle d’assistant à maîtrise d’ouvrage auprès du SMEAM pour l’appuyer et assurer le suivi.

Il y a aussi d’autres risques naturels sur lesquels le BRGM est impliqué : sismiques, de mouvements de terrain et de submersions marines. Dans ce cadre-là, nous produisons un certain nombre de cartographies pour venir en appui aux politiques publiques. Nous sommes notamment en train de travailler sur une nouvelle cartographie de l’aléa sismique local qui permettra de préciser selon la morphologie du territoire et les types de sol, si certains secteurs sont sensibles à des amplifications des signaux sismiques. Et puis, à titre d’exemple nous suivons également l’évolution du grand glissement dans le quartier Foumbouni à M’TSamboro, qui est le plus connu à Mayotte.

Sans oublier le projet LESELAM 2 qui a tout d’abord été un projet de suivi de l’érosion des sols, pour une meilleure compréhension de ce phénomène et de l’envasement du lagon avec des modèles permettant de mieux comprendre les transferts hydrosédimentaires sur chaque bassin versant. Il est en train de se terminer. Nous travaillons à une suite, qui devrait débuter en 2021 qui consistera notamment en une mise en application des bonnes pratiques de conservation des sols acquises lors du LESELAM 2, à savoir, à priori, sur le projet de zone d’aménagement concerté à Doujani. L’idée serait d’en faire un projet vitrine pour montrer que nous pouvons limiter l’érosion des sols et l’envasement du lagon avec de bonnes pratiques.

Concernant le volet pédagogique, je pense qu’il faut aller vers le CUFR et le rectorat. L’effort ne me semble pas énorme à fournir car des partenariats existent déjà. Par exemple, au sujet des séismes, nous avons déjà mis en place avec le collège de Chiconi et la DEAL un sismomètre dans une salle dédiée pour faire de la pédagogie. Il reste encore quelques petits coups de pouce à donner pour favoriser ce genre d’initiatives. Le fait de mettre en lumière cette activité sismo-volcanique est aussi l’occasion d’essayer de développer des outils pour présenter les choses plus simplement car ce sont des concepts qui sont difficilement compréhensibles sans images. Même si malheureusement, cela arrive dans un deuxième temps parce que pressés par d’autres échéances.

4,2 tonnes de matériel médical pour les soignants libéraux de Mayotte

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Le Collectif des Citoyens de Mayotte a réussi après de longs mois de préparation, à acheminer des protections pour les professionnels libéraux de l’île, eux aussi en première ligne face à la Covid-19. Samedi soir, il célébrait cet “énorme succès”.

Opération réussie pour le Collectif des Citoyens de Mayotte. Vendredi et samedi, les professionnels soignants libéraux du département se sont vus offrir 4,2 tonnes de matériel médical gratuit, à venir récupérer dans un entrepôt de Longoni. Cette distribution, qui intervient alors que l’état d’urgence sanitaire lié à la crise du coronavirus est prolongé à Mayotte jusqu’au 30 octobre, a enfin pu avoir lieu après plusieurs mois d’organisation pour acheminer ces stocks jusqu’au 101ème département.

“C’était beaucoup de temps et d’énergie !”, souffle Christophe Youssouffa, le frère de la présidente du Collectif, encore sur le pont depuis jeudi matin pour réceptionner le container au port et préparer les paquets. “Elle a été rendue possible grâce à une chaîne de solidarité qui s’est mise en place au sein du collectif, avec la mobilisation d’infirmiers de Mayotte mais aussi grâce au soutien de plusieurs entreprises”, explique-t-il. Mayotte Channel Gateway pour le stockage, la Smart pour la logistique au port, le transitaire Tilt, mais aussi Air Austral et Aéroports de Paris… Tout le monde semble avoir mis la main à la patte. “On a même eu des ambulanciers qui sont venus ce matin après leur garde, pour nous aider à préparer les colis”, signale le membre du collectif.

Fournir les professionnels libéraux

L’objectif de tout ce petit monde : fournir les professionnels libéraux, infirmiers, kinésithérapeutes, sage-femmes, dentistes, pompes funèbres, ambulanciers, et le laboratoire privé de Mayotte, en matériel de protection. Un indispensable, alors que ces personnels soignants sont eux aussi en première ligne face à la Covid-19. Si l’épidémie semble marquer le pas à Mayotte, ce n’est pas le cas en métropole où la courbe des nouveaux cas suit une pente exponentielle depuis quelques jours. Agitant le spectre d’une possible seconde vague…

Un vrai coup de pouce

“Il est très important et très utile pour nous d’avoir ce matériel supplémentaire pour anticiper sur nos besoins futurs, même si l’épidémie est en baisse”, confirme Eric Roussel, le secrétaire général de l’URPS, qui ne se rappelle que trop bien les difficultés rencontrées pendant le confinement pour s’approvisionner en protections de base. Certes, l’ARS a su fournir les professionnels libéraux en masques et solutions hydroalcooliques. Mais “il a fallu attendre presque 15 jours trois semaines entre le moment du besoin et la distribution officielle, car il y a toujours un décalage entre le terrain et la réponse institutionnelle”, développe le professionnel. Et les stocks de visières, surblouses, surchaussures et autres matériels essentiels à la protection des soignants sont parfois venus à manquer. Le coup de pouce du collectif n’était donc pas de refus. “C’est un rendez-vous que l’on ne pouvait pas manquer”, poursuit l’infirmier libéral.

330 professionnels équipés

Les colis représentent l’équivalent d’un mois de protection par professionnel. Ils contiennent tous au moins 100 masques, 100 gants et du gel hydroalcoolique, et sont ensuite adaptés en fonction des professionnels. Les infirmiers y gagnent aussi un oxymètre par exemple, utile pour mesurer la tension, tandis que ambulanciers et pompes funèbres y trouveront aussi des surblouses. “Et ce matériel a une péremption longue, de deux années, ce qui nous permet vraiment d’anticiper si une autre épidémie venait à se présenter”, se réjouit Eric Roussel. En tout, 330 professionnels de santé listés au préalable par le collectif avec l’aide d’infirmiers libéraux se sont répartis un peu moins des 4.200 kilos de matériel sanitaire. “Le surplus, nous le donnons au conseil départemental”, ajoute Christophe Youssouffa.

Une histoire de longue haleine

Samedi en fin de journée, le Collectif saluait donc un “énorme succès” pour sa “musada sanitaire” sur sa page Facebook. Il faut dire que l’intersyndicale charbonne depuis le mois de mars pour mettre en place ce projet. Elle s’est d’abord rapprochée de #ProtegeTonSoignant, un collectif de métropole, né au plus fort de la crise. L’initiative lancée par des entrepreneurs de la Tech, des artistes, des médecins, des développeurs, des investisseurs et des citoyens, avait permis de récolter pas moins de 7,4 millions d’euros de donations, qui ont servi pour acheter du matériel médical, à répartir ensuite entre les agences régionales de santé et personnels soignants aux quatre coins de la France.

Mais pour en bénéficier à Mayotte, c’était une autre paire de manche et il a fallu beaucoup de coordination pour mettre en place le projet. Commerce ralenti pendant le confinement, listes de personnels soignants à établir, difficultés pour acheminer les lots jusqu’à Mayotte… Autant de contraintes qui expliquent l’arrivée du container en cette fin de mois d’août. “D’abord, nous voulions faire venir le matériel par avion, finalement cela n’a pas été possible. Il a donc ensuite fallu transporter le tout de Roissy jusqu’au Havre, et encore jusqu’à Mayotte en bateau…”, retrace Christophe Youssouffa. En bref, une histoire de longue haleine. “Et une immense fierté d’avoir pu mobiliser cette énergie. Pour faire avancer notre île, tous ensemble”, signe-t-il.

Un auteur mahorais dénonce les secrets de la politique locale

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Dans « Scrutin secret », son premier ouvrage aux airs d’autobiographie, Ousseni Djambaé dénonce le jeu de la politique mahoraise, marquée par le carriérisme des uns et l’immobilisme des autres. Des tréfonds que l’entrepreneur a découvert en se présentant aux élections sénatoriales de 2017.

« Et pourquoi pas moi ? » Tout part de cette question, en 2017, lorsque Ousseni Djambaé décide de se présenter aux élections sénatoriales à Mayotte. Pourtant, il reconnaît lui-même ne rien connaître en politique à l’époque. Mais passionné par les questions sociales et très engagé dans la vie associative de son village natif, Acoua, l’homme, alors trentenaire, décide de franchir le cap. À 36 ans, il est l’un des plus jeunes candidats de l’île.

« Mon but n’était pas de gagner, mais de découvrir ce qui se passe de l’intérieur », commente Ousseni Djambaé, qui revendique son « droit à l’échec ». Des découvertes, il en fera assurément, au gré des rencontres d’autres candidats, ou d’hommes et de femmes politiques déjà en place. Des découvertes, oui, mais surtout des secrets. « J’ai rapidement compris qu’à Mayotte, la plupart des citoyens qui se présentent à une élection ne le font pas parce qu’ils veulent faire avancer l’île, mais parce qu’ils veulent être mis en avant. Ils ne se soucient que de leur mandat, d’eux-même. Le reste ne compte pas », assure l’homme qui a aujourd’hui voulu raconter son expérience à travers son ouvrage « Scrutin secret ». Un titre qui se suffit à lui-même. « Il y a beaucoup de secrets que j’ai voulu raconter aux Mahorais. » Parmi eux, les raisons de l’immobilisme de certains élus, qui bien qu’éclairés sur la situation sociale et politique de l’île, ne font rien pour l’en sortir. Car vouloir changer le système, dénoncer les situations de favoritisme et les complaisances entretenues parfois au plus haut niveau, c’est prendre le risque de perdre son électorat. Et avec lui, sa carrière politique, son pouvoir.

« Pour moi, la départementalisation n’a pas changé grand chose », reconnaît l’auteur, sans pour autant remettre en cause le choix des Mahorais, bien évidemment. « Les manœuvres politiques couvrent tous les degrés : des communes, jusqu’aux parlementaires, en passant par les service de l’État. La préfecture ne cadre pas les élus, et finalement, aucun des deux ne bouge. » Preuve du désintérêt pour Mayotte des gouvernement successifs, selon Ousseni Djambaé, l’application trop partielle de la loi, notamment en matière de droit du travail ou du droit du sol, qui comportent à eux seuls de nombreuses « exceptions mahoraises ».

Pour autant, si l’entrepreneur estime que « deux ou trois maires impliqués sur les 17 de l’île » ne suffiront pas, il reste optimiste quand à l’avenir du 101ème département. « Même s’ils ne sont pas assez nombreux, certains Mahorais défendent une autre vision politique », assure-t-il pour expliquer avoir rejoint l’équipe de campagne de l’un des candidats à la marie d’Acoua. « Et j’envisage moi-même de retenter les prochaines sénatoriales. » Mais en attendant, Ousseni Djambaé planche déjà sur son prochain ouvrage, Kiyassi Ivo, cette fois dédié au « gaspillage » de l’argent public à Mayotte. « On nous envoie des fonds, mais on en fait rien, et on ne voit rien avancer… », regrette-t-il comme pour insinuer que chacun cherche à prendre sa part du gâteau, avant même de se demander dans quel camp la faim prédomine.

Mayotte : 65.500 visiteurs en 2019, un rebond historique

L’institut national de la statistique et des études économiques a publié ce jeudi une analyse relative à la fréquentation touristique à Mayotte en 2019. Portée par le tourisme affinitaire, elle avait atteint un niveau record avec 65.500 touristes. Une progression de 16% par rapport à l’année précédente.

Avec 65.500 visiteurs en 2019, la fréquentation touristique progresse de 16% à Mayotte, après une année 2018, marquée des mouvements sociaux d’importance, en net repli (-9%). Ce record atteint un niveau inédit portée par le tourisme affinitaire. « On l’associe fortement au désenclavement progressif du territoire. Le flux aérien entre Mayotte et le reste du monde a favorisé [son] essor », résume Jamel Mekkaoui, chef du service régional de l’institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

65.500. C’est le nombre de visiteurs sur l’année 2019. Sans grande surprise, le tourisme à Mayotte se caractérise par la prépondérance du tourisme affinitaire, dont la motivation principale du séjour est la visite à des parents ou des amis (42.900 touristes). Cela correspond ni plus ni moins aux deux tiers du nombre total de visiteurs. Ce chiffre progresse de 21%, après un recul de 17% en 2018. Ce regain s’explique pour une simple et bonne raison : l’augmentation de l’offre aérienne puisque 60% d’entre eux viennent de métropole et 38% de La Réunion. « Plus de trois quarts déclarent être originaires du territoire », stipule le communiqué de l’INSEE. Représentant 14% du total de la fréquentation touristique, le tourisme d’affaires progresse pour la troisième année consécutive (+6% après +7% en 2018 et +14% en 2017) et s’élève à 9.300 visiteurs. Avec 11.000 arrivées, le tourisme d’agrément, qui vise en premier lieu à découvrir l’île, évolue aussi en 2019 (+8%). Concernant le profil de ces voyageurs, il s’agit le plus souvent de cadres ou assimilés (43%) ou d’employés (28%).

17%. C’est le pourcentage des touristes qui logent dans un hôtel, un gîte ou une chambre d’hôtes. Ces hébergements n’attirent pas les foules en raison de l’importance du tourisme affinitaire qui vit chez des proches. Cette catégorie a évidemment « moins d’impact sur l’économie, c’est le revers de la médaille », précise Jamel Mekkaoui. Les touristes d’affaires demeurent donc la majorité de la clientèle de ces lieux. Comme en 2018, huit sur dix (soit 7.500 visiteurs) choisissent de résider dans un hébergement dit marchant. Pour les touristes d’agrément, 26% d’entre eux cochent cette option.

Juillet-septembre. C’est la période durant laquelle l’île enregistre son plus grand nombre de visiteurs, synonyme des grandes vacances scolaires. 40% des touristes viennent sur le territoire sur ces trois mois. Si les touristes d’affaires et d’agrément se concentrent respectivement au deuxième et au quatrième trimestre (35 et 36%), les touristes affinitaires arrivent pour la moitié d’entre eux durant la période estivale. « Malgré les problèmes techniques rencontrés par la principale compagnie aérienne desservant l’aéroport de Mayotte, la fréquentation en haute saison touristique augmente de 5% », se réjouit l’institut. Toutefois, le chef du service régional se montre d’ores et déjà pessimiste sur les chiffres de l’année 2020, Covid oblige : « On n’a pas vu beaucoup de vols cet été. Compte tenu de l’épisode sanitaire, il est très peu probable qu’on atteigne un niveau élevé. »

29. C’est en jours la durée moyenne d’un séjour dans le 101ème département. Les personnes motivées principalement par la visite des proches sont celles qui restent le plus longtemps : 34 jours, soit deux fois plus qu’un touriste lambda, qui ne reste que 17 « petits » jours. « Ils ont un lien assez fort avec le territoire grâce à leurs liens familiaux et amicaux. » Seul point noir par rapport à 2018 ? Leurs voyages ont respectivement diminué de trois et deux jours. À l’inverse des touristes d’affaires qui passent beaucoup plus de temps sur l’île (19 jours en moyenne contre 12 un an auparavant). « Cet allongement est dû à des séjours nettement plus longs de ceux qui font un long séjour (au-delà de 21 jours) : ils restent en moyenne deux mois et demi tandis que les autres restent 9 jours », ajoute l’INSEE. Par ailleurs, le mode d’hébergement influe bien évidemment sur leur passage à Mayotte : 31 jours chez un proche contre 15 jours à l’hôtel ou autres.

44. C’est en millions d’euros la recette des dépenses touristiques. « C’est un chiffre modéré qui reste toutefois élevé », souligne Jamel Mekkaoui. Et encore une fois, le fossé est grand entre les touristes d’affaires et les autres. En moyenne, les « businessman » déboursent 65 euros par jour (20 euros de moins qu’en 2018… qui peut s’expliquer par le développement des chambres à louer chez l’habitant), tandis que les touristes affinitaires et les touristes d’agrément consomment 18 et 32 euros quotidiennement. « Dans le détail, un touriste ne dépense que 24 euros par jour, ce n’est pas énorme », ajoute-t-il. Important à noter tout de même, le loisir représente une part importante du portefeuille des visiteurs : sur 100 euros déboursés, 29 euros y sont consacrés.

Colonel Terrien : « On ne peut pas paralyser tout le système pour obtenir 100% des demandes »

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Le conflit entre les sapeurs-pompiers et leur direction ne cesse de prendre de l’ampleur tel un feu de forêt en période de canicule. Raison principale du problème ? Le départ du colonel Fabrice Terrien, directeur du SDIS de Mayotte. Les grévistes refusent de négocier s’il reste en poste, mais la présidente du SDIS 976 n’entend pas céder à ce coup de pression.

Depuis le lundi 24 août, tous les sapeurs-pompiers de Mayotte ont débuté une grève illimitée. Leur mécontentement se concrétise en 23 revendications parmi lesquelles l’insécurité, les conditions de vie et de casernement mais surtout la gouvernance. Les soldats du feu veulent à tout prix le départ de leur directeur qui selon eux « travaille sans les Mahorais ». S’il ne part pas, ils ne négocieront pas. Revendication à laquelle la présidente du SDIS de Mayotte ne compte pas apporter de réponse positive. Le principal concerné, le colonel Fabrice Terrien, ne comprend pas cette hostilité puisqu’il estime qu’il a toujours eu de bonnes relations avec les syndicats des pompiers de l’île. Selon lui, la date fatidique serait le 10 mai dernier lorsque des individus se sont introduits dans la caserne de Kahani, ont dégradé le matériel et terrorisé les professionnels. Depuis ce jour, la colère des sapeurs-pompiers n’a cessé de croître et a fini par une grève illimitée qui mobilise 100% des agents du SDIS de Mayotte (hors cadres hauts placés). « Ils ont provoqué le bras de fer dans lequel on est aujourd’hui. Mais on ne peut pas paralyser tout le système pour obtenir 100% des demandes », déclare le colonel Terrien. Il affirme que la présidente et lui ont tout fait pour éviter d’arriver au point de non-retour dans lequel ils se trouvent en ce moment. Après le 10 mai, la direction a convoqué à deux reprises un CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). La première n’a pas lieu car les organisations syndicales ont refusé d’y siéger. La deuxième fois, les participants émettent « un avis favorable » à toutes les propositions faites par la direction. Mais quelques jours plus tard, elle reçoit un préavis de grève de la part des sapeurs-pompiers de Kahani où ils rajoutent de nouveaux éléments. « La présidente valide à nouveau tout sauf l’électrisation du portail de la caserne de Kahani et la question des effectifs car c’est la compétence de la préfecture », précise le colonel Terrien. Ce portail deviendra alors la principale source de discorde. Les sapeurs-pompiers veulent un portail électrique alors que la direction propose un portail anti-escalade qui se ferme manuellement. L’électrisation ferait tripler le prix selon le directeur du SDIS Mayotte. La direction essaye à deux reprises d’installer le portail mais les pompiers font barrage. « De mon point de vue, ils avaient déjà décidé qu’il y aurait un blocage », révèle le colonel Fabrice Terrien. Le 3 août, une grève commence à la caserne de Kahani puis se généralise dans toutes les casernes de l’île. Selon leur directeur, les grévistes « font la grève en dehors des règles de la grève. Ils procèdent à des entraves à la liberté du travail ».

Des propos diffamatoires ?

La tension entre les grévistes et leur directeur n’est pas au beau fixe et visiblement elle n’est pas prête de s’arranger. Les slogans que l’on peut lire sur les pancartes durant les manifestations sont sans appel. Le colonel Terrien est traité de dictateur, de menteur et d’harceleur. Des « propos diffamatoires », selon l’accusé. Il ne compte pas rester les bras croisés et a l’intention de porter plainte. « Ce sont des mots très forts repris par un nombre très important de personnes mais ça n’en fait pas une réalité. Quand vous voulez vous débarrasser de quelqu’un, vous finissez par construire des arguments ou des défauts inacceptables et vous les lui reprochez. Mais ça ne suffit pas de reprocher, ils doivent démontrer, porter plainte et la justice se chargera de moi. Je suis prêt à collaborer s’il le faut », déclare le colonel Fabrice Terrien. Ce dernier portera également plainte pour plusieurs dégradations du matériel, même si les grévistes affirment ne pas en être les auteurs. Malgré tout cela, le directeur du SDIS de Mayotte reconnaît les conditions de vie et de travail dans lesquelles se trouvent les sapeurs-pompiers de l’île. « C’est une réalité que les casernes sont en mauvais état, et il y a tout un tas de demandes sociales qui sont en suspens depuis longtemps. On le regrette, mais on dépense 800.000 euros pour renouveler le matériel et on va proposer de rajouter sur 5 ans quasiment 6 millions d’euros. » Un projet de rénovation et de reconstruction de la caserne de Kahani est également sur les rails. Un centre de formation sera aussi construit à côté. Mais cela suffira-t-il à calmer la colère des pompiers ? Affaire à suivre.

Des transporteurs mahorais toujours en grève pour une rentrée bis

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La situation reste bloquée entre le conseil départemental et les salariés de Matis, qui manifestaient aujourd’hui dans les locaux de la société à Kangani. En attendant, il y a urgence à trouver un cadre juridique pour lier la collectivité et les transporteurs, alors que le dernier avenant a pris fin au 31 juillet…

Bis repetita. Alors qu’une dizaine d’établissements, dont la rentrée avait été repoussée d’une semaine à cause des derniers travaux, vont enfin accueillir à nouveau leurs élèves ce lundi, ces derniers risquent fort de devoir y aller à pied. Ou tout du moins, par leurs propres moyens. En effet, les transporteurs entendent bien poursuivre la grève, et l’imbroglio autour du marché des transports semble toujours aussi inextricable. “Les élèves ne seront sûrement pas transportés dans de bonnes conditions, et que cela n’interpelle pas les élus devrait nous inquiéter”, raille Anli Djoumoi Siaka, secrétaire général de FO Transport.

C’est que la balle semble en effet dans le camp du conseil départemental. Pour rappel, ce noeud gordien a pour origine la fin de la délégation de service public qui lie la collectivité à deux sociétés titulaires, “Tama ya leo na meso” et Matis, depuis 2015. Ce marché qui devait se terminer en 2018, a déjà fait l’objet de deux avenants, alors que la loi n’en autorise normalement qu’un. Le dernier a pris fin le 31 juillet. Or, le Département n’a pas lancé à temps le nouvel appel d’offres, reporté donc pour 2021. Les candidats ont jusqu’au 1er septembre pour participer.

Les salariés de Matis restent en grève

Le hic ? C’est que les salariés de Matis voient rouge depuis que le conseil départemental a rédigé son nouvel appel d’offre le 25 juin dernier. Source du conflit : une petite clause indiquant que les salariés sont susceptibles d’être repris par la nouvelle entreprise délégataire. Les syndicats réclament que le transfert des salariés soit automatique et aussi de conserver leurs acquis, comme le treizième mois ou la prime d’ancienneté.

“Qu’allons-nous faire en août prochain ? C’est notre avenir qui se joue !”, tambourine le représentant de Force Ouvrière, qui craint de voir la prochaine DSP tailler à vif dans les effectifs. De son côté, le conseil départemental assure que la reprise des personnels fera partie des critères de sélection des offres. Que nenni !, rétorquent les as du champignon qui ont lancé un préavis de grève le 15 juillet dernier. Alors que les discussions avec le Département patinent, les 85 chauffeurs de Matis ne roulent plus depuis le 18 août. Une réunion jeudi dernier, à quelques jours de la rentrée, n’avait pas permis de les rassurer. “Aucune nouvelle rencontre n’a pour l’instant été prévue”, nous informe Anli Djoumoi Siaka.

Matis déboutée

Nouveau rebondissement ce mardi, avec la décision du tribunal administratif, qui a rejeté la demande de la société Matis. L’actuel délégataire avait en effet déposé un référé pour annuler la procédure de passation de marché public. “Un geste de solidarité avec leurs personnels”, salue le chauffeur syndicaliste. Surtout une façon de contester l’appel d’offres du conseil départemental, qu’elle accuse d’avoir manqué à son obligation de publicité et de mise en concurrence, notamment parce que “les documents de consultation comportent des informations sur l’organisation du service et le personnel qui y est affecté”. Des détails qui révèleraient “implicitement mais nécessairement une partie de son offre”, peut-on lire dans le jugement. “Le tribunal n’a pas statué sur le fonds du dossier, ni sur notre priorité à nous, les chauffeurs de bus”, précise le représentant syndical. Façon de lancer un “Ra Hachiri” à la tête de la collectivité.

Vide juridique

Mais ce n’est pas là le seul doute qui plane sur cette deuxième vague de rentrée scolaire. En effet, en l’absence d’avenant pour prolonger le marché actuel des transports, le conseil départemental a dû sortir de son chapeau une petite astuce pour poursuivre le lien avec les sociétés de transport : la “convention de gestion provisoire”. Un troisième avenant, en somme. Sans cela, depuis le 31 juillet, c’est le vide juridique entre le Département et les chauffeurs de bus dont certains ont quand même accepté de circuler lundi, assurant un service minimum pour la rentrée. La signature de ce bout de papier, déjà reportée dimanche dernier, doit avoir lieu ce samedi au conseil départemental lors de la commission permanente. Si tout se passe comme prévu…

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Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes