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Crise de l’eau, violences, école à l’hôpital, Covid-19… Gilles Halbout fait le point sur les dossiers chauds de la rentrée à Mayotte

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Entre la crise épidémique et les sujets d’actualité propres à Mayotte, comme la pénurie d’eau et les affrontements entre bandes rivales, le rectorat vit un début de rentrée pour le moins agité. Gilles Halbout revient pour Flash Infos sur les dossiers chauds qui alimentent le quotidien des 100.000 élèves de l’île.

Flash Infos : Les coupures d’eau ont débuté il y a maintenant une semaine. Vous aviez alors indiqué qu’une vingtaine des 188 écoles du territoire pourrait être plus impactée que les autres. Comment avez-vous adapté votre stratégie au cours de ces derniers jours ?

Gilles Halbout : Il est un peu tôt pour dresser une vision d’ensemble car nous sommes encore en période d’ajustement. La stratégie reste toujours la même : épargner les écoles en rotation, adapter le rythme scolaire, anticiper les coupures diurnes. Tant que nous subissons des coupures nocturnes, les écoles impactées décalent par exemple l’heure de rentrée, en lien avec les communes. Tout le monde a joué le jeu, à l’exception de Bandrélé qui a mis une semaine pour se mettre à la page. Après, nous devons faire face aux imprévus, comme ce matin [lundi 14 septembre, ndlr] à Kawéni qui n’avait pas d’eau… Concernant les collèges et les lycées, dont nous assurons directement la gestion, ils sont a priori épargnés. Mais dès que tout sera stabilisé, nous serons opérationnels pour que les enfants ne soient pas pénalisés. Nous avons évalué la dernière proposition du Smeam, nous vérifions, je le répète, qu’aucune école en rotation ne soit concernée. Si c’est le cas, c’est la catastrophe, donc il faut trouver une solution, qui est peut-être de changer d’établissements scolaires. Cette option ne semble pas réalisable pour les maternelles, à la différence des primaires. Une chose est sûre, il faudra que tout soit finalisé demain [ce mardi 15 septembre, ndlr].

En cas de coupures diurnes, nous envisageons deux pistes de réflexions. La première serait de passer en quatre journées complètes, contre trois actuellement auxquelles s’ajoutent deux demi-journées. La seconde serait de réaliser des provisions d’eau pour les toilettes et le lavage des mains. Si nous n’excluons aucune des deux solutions à l’heure actuelle, cette décision se fera dans le dialogue avec les représentants syndicaux.

FI : Toujours dans l’actualité récente, la commune de Tsingoni et plus particulièrement ses villages de Combani et de Miréréni, a été le théâtre d’affrontements d’une violence inouïe, poussant le maire de la ville a fermé ses écoles. Comment avez-vous géré la situation ?

G. H. : Les adjoints au maire ont bien réagi mais nous avons eu un petit retard de communication pour le collège. Mercredi, nous pensions de bonne foi pouvoir encore ouvrir l’établissement le lendemain, car nous n’étions pas au fait de toutes les informations. Il y a donc eu un mouvement de flottement. Mais nous avons demandé au personnel de direction d’être présent pour accueillir les élèves qui n’avaient pas pu être prévenus de la fermeture. Dans tous les cas, les jeunes sont toujours mieux dedans que dehors !

FI : Vendredi dernier, vous avez signé une convention avec le centre hospitalier de Mayotte pour créer une classe dans le service de pédiatrie à destination des enfants hospitalisés durant une longue durée. Comment va-t-elle se dérouler au quotidien ?

G. H. : Tout d’abord, il faut préciser qu’il s’agit d’un poste créé, ce n’est pas une opération ponctuelle. Concernant l’enseignante en question, elle a une formation pour ce type de pédagogie. Elle a par le passé déjà travaillé en milieu pénitentiaire mais aussi avec des enfants malades. Elle doit remplir cinq missions. La première d’entre elles est de récréer le climat de classe pour la sociabilisation et l’apprentissage ensemble des élèves. La seconde est que l’enseignante va également aller dans les chambres des enfants qui ont des pathologies lourdes pour leur faire du tutorat et de l’accompagnement personnalisé. La troisième consiste à faire le lien avec l’établissement d’origine et les élèves eux-mêmes. Elle fait le lien avec l’équipe pédagogique pour le programme de chacun. Ce n’est pas la classe hors sol car dès qu’ils le pourront, ils retrouveront leurs écoles. La quatrième est qu’il faut savoir que des enfants qui suivent des traitements de fond reviennent régulièrement au centre hospitalier. Pour eux, nous allons peut-être inverser les rôles et mettre en place un point fixe pour qu’ils aient leurs repères et des activités récurrentes au CHM. Enfin, la cinquième est que l’enseignante est complètement intégrée à l’équipe de pédiatrie. Elle travaille de facto avec l’élève sur le suivi de sa maladie, à l’instar des gestes à adopter une fois sorti du service.

FI : Ce week-end, Mayotte est de nouveau passée en rouge, après l’apparition de deux nouveaux clusters, dont l’un des deux foyers concernent des enseignants. Quelles sont les dernières décisions prises au niveau des établissements scolaires concernant la propagation du virus ?

G. H. : Il y a eu effectivement un cluster regroupant des professeurs d’éducation physique et sportive qui ont fait une soirée ensemble. Mais ce foyer ne s’est pas étendu en dehors de cette fête puisqu’ils étaient tous en colocation.

Par rapport au protocole à suivre, nous avons transmis un cadrage à tous nos cadres. En clair, nous fermons une classe si nous pensons qu’il y a eu une faille dans le respect des règles sanitaires. Cela nous est déjà arrivé ! Puis nous nous donnons comme objectif d’avoir une réaction dans les 24h. En lien avec nos équipes qui fournissent toutes les informations en leur possession, l’Agence régionale de santé nous livre alors un diagnostic pour savoir s’il faut fermer ou isoler plus de personnels. Mais il est possible aussi que nous rouvrions dès le lendemain, comme nous l’avons fait à Dapani. L’idée est d’être le plus réactif possible !

La raison qui pourrait nous pousser à fermer tout un établissement est si nous apprenons que deux collègues, qui ne se fréquentent pas en dehors de nos locaux, sont positifs à la Covid-19. Dans ce cas de figure, nous réfléchissons à une telle mesure puisque nous serions en capacité de penser qu’il y a une diffusion active. Le ministère de l’Éducation nationale dit qu’il faut trois cas distincts pour l’envisager. À l’heure actuelle, nous n’avons jamais eu le moindre doute d’une contamination depuis l’intérieur.

Grève des pompiers à Mayotte : les gouttes d’eau qui ont mis fin au conflit ?

Les sapeurs-pompiers, en grève depuis le 24 juillet, sont enfin parvenus à un accord avec leur direction. Une sortie de crise fulgurante alors que la colère des uns était montée d’un cran jeudi, quand certains manifestants avaient arrosé le conseil départemental.

16h45. Lumière de fin de journée sur le quai Issoufali en attendant la barge. La petite équipe de représentants syndicaux descend doucement depuis la Case Rocher. C’est là, après d’âpres négociations et plus d’un mois de grève que les pompiers ont enfin pu signer un protocole de sortie de crise, sous le regard avisé du préfet Jean-François Colombet, de la présidente du SDIS, Moinécha Soumaila, du président du conseil départemental représenté par Ali Debré Combo et du binôme d’experts venus spécialement depuis Paris pour calmer tout ce beau monde. Satisfaits ? “Oui…”, soufflent les soldats du feu avec un sourire. Mi-figue, mi-raisin.

Il faut dire que cette soudaine sortie de crise, à peine 24 heures après que des grévistes ont aspergé les façades du conseil départemental de quelques litres d’eau, avait de quoi surprendre. Soit que cette action, lances au poing, ait permis de décanter la situation, soit que certains se soient fait remonter les bretelles alors que la crise de l’eau pointe le bout de son nez, cette fin de semaine aura au moins eu le mérite de poser les bases d’un compromis.

Pas de départ du directeur

“Nous avons obtenu la totalité des points discutés”, s’est ainsi réjoui Colo Bouchourani, le président de la fédération autonome SPP/PATS de Mayotte, devant les caméras. Interrogé sur le départ du directeur, le colonel Fabrice Terrien, principal point de crispation de ce mouvement de grève, le représentant syndical a toutefois mis un peu d’eau dans son vin : “Je ne peux pas dire que nous avons gagné ou perdu, mais nous avons obtenu la poursuite du travail pour faire évoluer la gouvernance.” Côté présidence du SDIS, on nous confirme en tout cas que, pour l’instant, “rien n’a changé” à la tête du service. Pas de vol bleu pour le colonel donc.

Pour le reste, soit les 23 points de revendications exposés par les soldats du feu depuis un mois, le document apporte plusieurs garanties : d’abord, sur les conditions de travail, avec notamment la promesse de sécuriser toutes les casernes ; ensuite, sur la formation, pour permettre aux professionnels de progresser dans leurs métiers et leurs carrières, avec la possibilité envisagée d’être formés en métropole ; enfin, sur l’insécurité, avec l’objectif de faire davantage accompagner les pompiers en intervention par la police nationale et la gendarmerie. Et pour contrôler la réalisation complète de cet accord, un conseil de surveillance se réunira une fois tous les deux mois autour de la préfecture, du président du conseil départemental, de la présidente du SDIS et des représentants du personnel.

L’avenir du SDIS

“Cet accord pose l’avenir du SDIS de Mayotte”, a loué le préfet Jean-François Colombet, en introduction de cette séquence face aux médias. “Aujourd’hui, les conditions d’exercice de leurs missions ne sont pas totalement satisfaisantes, nous en sommes tous conscients, et ce document offre des garanties pour que les choses soient faites, et vite”, a-t-il poursuivi. Le délégué du gouvernement a salué le concours du SDIS, de la présidente de son conseil d’administration, Moinécha Soumaila, et du conseil départemental et a aussi remercié les deux experts arrivés de Paris ce mardi pour trouver un terrain d’entente. “Le dialogue était très difficile entre l’intersyndicale et la direction de l’administration, et nous avons servi d’intermédiaires, à la demande du préfet qui a sollicité la Direction générale de la sécurité civile, pour sortir de cette situation de blocage”, a réagi modestement le colonel Bertrand Vidot, accompagné du colonel hors classe Frédéric Tournay.

Clause de dernière minute

L’autre garantie apportée aux grévistes ? Celle de faire figurer une dernière clause dans le protocole pour qu’aucune sanction disciplinaire ne soit prise à l’égard des arroseurs de la veille. “Colonel, vous vous êtes engagés hier, et nous souhaitons que cette phrase figure noir sur blanc dans l’accord”, a insisté Colo Bouchourani. Petit moment de flottement quelques minutes plus tard, quand Ahmed Allaoui, président du SNSPP-PATS 976, signale l’absence de ladite clause à la fin des pages qui viennent d’être imprimées et posées sous son stylo. “Mais le préfet vous l’a dit, il n’y aura pas de sanction”, le rassure le colonel Vidot, penché au-dessus de son épaule. Une autre version du document, remise au propre, doit en effet être imprimée et la session du jour visait surtout à informer symboliquement la presse de la sortie du conflit, explique-t-on. “Je signe, mais il faut que ce soit mis”, répond timidement Ahmed Allaoui. En priant pour ne pas finir arroseur arrosé ?

Retrait des titres de séjours pour parents de “délinquants” : ce que dit la loi

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Après avoir renoncé au “politiquement correct” sur les antennes de Mayotte la 1ère, le 31 août dernier, en imputant directement la délinquance de ces dernières semaines à l’interruption des éloignements du fait de la crise sanitaire, le préfet a annoncé vouloir suspendre ou supprimer les titres de séjour pour les parents qui ne respectent pas le “contrat social”.

Décidément, Jean-François Colombet n’a pas prévu de faire dans la dentelle, ces jours-ci. Alors que Tsingoni était encore le théâtre de violents affrontements entre bandes rivales de Miréréni et Combani, détruisant sur leur passage plusieurs voitures et cases en tôle, le préfet s’était rendu jeudi à la rencontre des habitants et des élus de la commune, pour proposer des solutions. Son nouveau coup d’éclat ? Envisager la suspension et le retrait des titres de séjour pour les parents des fauteurs de trouble. « Je réunirai la Commission des titres de séjour, la loi m’y autorise, pour regarder si nous suspendons ou si nous supprimons les titres de séjour de ceux qui n’auront pas rempli leurs devoirs à l’égard de leurs enfants », a-t-il asséné devant les caméras de Mayotte la 1ère et les journalistes présents sur place.

Pouce ! L’annonce paraît suffisamment éloquente pour qu’on prenne le temps de s’y attarder un instant. Car si c’est bien la préfecture qui se charge de délivrer les précieux sésames aux étrangers souhaitant régulariser leur séjour sur le territoire, la loi encadre de façon assez précise les cas d’un retrait de titre. Plus précisément, c’est le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) qui fait ici office de texte de référence, comme le détaille d’ailleurs le site officiel de l’administration française service-public.fr.

Deux contre vérités

“En moins d’une minute, le préfet de Mayotte parvient à placer deux contre vérités”, s’étonne Maître Marjane Ghaem, ancienne avocate au barreau de Mayotte, spécialisée dans le droit des étrangers et de la nationalité et qui connaît bien les réalités du territoire. Premier point : les articles R.311-14 et suivants du CESEDA ne mentionnent jamais le retrait du titre d’un représentant légal. “Il est toujours question de l’étranger”, précise la spécialiste. Autre source d’étonnement : la mention de cette “commission des titres de séjour”. L’article L.312-3 du CESEDA précise en effet que les dispositions du chapitre consacrées à cette commission ne sont pas applicables à Mayotte. “Si le préfet envisage de procéder au retrait, qui sera nécessairement illégal puisque non prévu par un texte, il pourra le faire sans saisir la commission du titre de séjour”, déroule Maître Ghaem. Et c’est d’ailleurs “une des nombreuses dérogations dénoncées par les associations”.

Manquer au contrat social

Alors, simple effet d’annonce pour apaiser des habitants excédés par des jours et des nuits de violence ? Interrogé sur ses propos, le préfet Jean-François Colombet persiste et signe : “Cette commission n’existe pas encore à Mayotte, donc je l’institue. Je suis en train de voir avec les institutions, et elle sera faite d’ici deux ou trois semaines.” Quant au fait de poursuivre les parents des mineurs impliqués, le délégué du gouvernement s’explique : “On parle là d’un acte administratif délivré par la préfecture, et qui peut le retirer si les conditions n’en sont pas respectées par l’usager. Je considère que des parents qui laissent aller leurs enfants en pleine nuit pour projeter des cocktails molotov et des cailloux, manquent à leur contrat social.”

Certes, mais encore faudra-t-il prouver le motif qui justifie la suspension ou le retrait du titre. La loi précise en effet que le titre de séjour peut être retiré à l’étranger qui a commis des faits qui l’exposent à l’une des condamnations prévues aux articles 222-34 à 222-40,224-1-A à 224-1-C, 225-4-1 à 225-4-4,225-4-7,225-5 à 225-11,225-12-1 et 225-12-2,225-12-5 à 225-12-7,225-13 à 225-15, au 7° de l’article 311-4 et aux articles 312-12-1 et 321-6-1 du code pénal. Plus simplement, le site service-public.fr mentionne entre autres les cas de polygamie, de trafic de drogue, d’esclavage, de traite des êtres humains, de proxénétisme, de racolage, d’exploitation de la mendicité, de vol dans les transports en commun, de mendicité agressive ou encore de menace pour l’ordre public. Difficile donc pour l’instant de savoir dans quelle case rentreront les parents des jeunes délinquants.

Pas vraiment une solution

“Si le préfet décide malgré cela de procéder au retrait des titres de séjour, les parents devront impérativement saisir le tribunal administratif d’un recours pour excès de pouvoir doublé d’une requête en référé suspension afin d’annuler ou suspendre cette décision parfaitement illégale”, appuie Maître Ghaem. Un point que le préfet ne dément pas, puisqu’il confirme lui-même que “si l’usager considère cette décision comme abusive, il saisit le juge administratif”.

Il s’agira donc de surveiller de près dans les semaines à venir les suites de cette promesse. Tout comme son impact sur la réduction de la délinquance. “Je pense qu’il s’agit d’une déclaration pour calmer les esprits, qui n’est pas juridiquement possible, et qui n’est d’ailleurs pas vraiment la solution”, développe encore l’avocate. Un point de vue partagé par les associations. En réaction à cette annonce, la Cimade Mayotte a ainsi publié samedi 12 septembre sur sa page Facebook un post particulièrement acerbe : “Si la loi était enfreinte à Mayotte, ce qui ne serait pas une première, la recette pour un mieux-vivre sur l’île reste particulièrement étonnante pour calmer une jeunesse en colère : renvoyer les parents pour que ceux-ci prennent tous les risques et s’endettent pour revenir ; les passeurs se frottent déjà les mains ; augmenter le nombre de mineurs isolés ; augmenter le nombre de familles monoparentales ; faire vivre les parents terrés chez eux. On peut douter de l’amélioration de leur autorité parentale dans ce cas ; exclure les familles de leurs maigres droits sociaux ; laisser les parents sans possibilité de travailler légalement (les exploiteurs se frottent aussi les mains)”, liste l’association spécialisée dans les droits des personnes migrantes et réfugiées. Et de conclure : “Beau projet de société !”

Pourquoi Mayotte manque-t-elle (encore) d’eau ?

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En 2016, Mayotte connaissait une pénurie en eau historique. La gorge nouée, et sèche, les habitants du Sud et du Centre se rappellent encore des coupures qui, un jour sur deux, ont marqué leur quotidien pendant de longues semaines. C’était il y a quatre ans, et malgré les dizaines de millions d’euros investis dès l’année suivante dans le cadre d’un plan d’urgence, l’histoire semble doucement se répéter. Un coup d’épée dans l’eau ?

 

 

Il y a urgence, et le préfet l’a reconnu sans détour. « Si nous ne prenons aucune décision, nous n’aurons probablement plus aucune ressource en eau dès le début du mois de décembre », prévenait-il la semaine dernière. Depuis le mois d’août, les tours d’eau se rapprochent, s’allongent, s’intensifient. De quoi limiter les pertes, d’autant plus lorsque 26% de la consommation en eau à Mayotte passe dans les fuites du réseau. Mais ces petites économies suffiront-elles ? Si la situation ne s’arrange pas, des coupures de 24h consécutives pourraient être décidées d’ici la fin septembre. Seule alternative : l’arrivée d’une saison des pluies particulièrement précoce. Mais selon Météo France, cela ne sera sûrement pas le cas cette année – ni les suivantes. Les premières précipitations s’annoncent déjà inférieures à la moyenne sur les trois prochains mois. Voilà pour les bases.

 

Si cette crise de l’eau n’en est qu’à ses prémices, elle semble pourtant avoir déjà un goût amer de déjà vu. Fin 2016, une pénurie frappe le département pendant plusieurs mois. La moitié de l’île est alors privée d’eau un jour sur deux. Face à l’insuffisance des mesures restrictives et au manque de moyens de la préfecture, le ministère des Outre-mer intervient en février 2017. 68 millions d’euros sont débloqués dans le cadre d’un plan d’urgence exceptionnel. Par tous les moyens, il faut construire, rénover, augmenter les capacités de production et de stockage. « Plus jamais ça », prie la population et promettent les décideurs. Mais trois ans plus tard, les projets phares ne sont toujours pas là. L’eau tant attendue non plus.

 

Toujours pas de troisième retenue et le dessalement à la traîne

 

Préfecture, Smeam et Deal l’admettent : l’absence de troisième retenue collinaire et la défaillance de l’usine de Petite-Terre sont au cœur du problème. Pourtant, les deux sujets figuraient dans le plan eau de 2017. Mais la première n’est toujours pas sortie de terre, et la seconde, à peine refaite à neuf, ne peut fonctionner qu’en sous-régime. Contre les 5.300 mètres cubes qu’elle devait produire chaque jour pour assurer l’autonomie de toute la Petite-Terre, la station de dessalement n’en assure aujourd’hui que 2.300. Plus de 50% de déficit, comblé par les ressources de sa grande voisine.

 

Pourtant en 2018, année où un incendie abîmera deux des quatre lignes de traitement, 8 millions d’euros sont mobilisés pour enfin, mener les travaux d’extension de l’installation, vieille de 20 ans, et dont les pompes peinaient à acheminer l’eau à marée basse. Pressé par le plan eau dans lequel il figure, le chantier est lancé dans l’urgence. L’État, chargé de suivre l’exécution, confie la délégation de maîtrise d’ouvrage à Vinci, sans appel d’offre. Le site est trouvé, les travaux sont lancés. Mais par manque d’ingénierie, de compétence – ou de temps, comme le défend le préfet – aucun réservoir de stockage n’est prévu. Pis, le point de captage est installé au mauvais endroit. À tel point que si l’usine fonctionne à pleine capacité, les filtres se détérioreraient précipitamment en raison de la turbidité de l’eau, et toute l’installation flancherait. Résultat : Vinci est condamné à payer une indemnité pour défaut de production, pendant que rien n’avance. Mais le préfet, lui, se veut rassurant : « Il y aura un projet qui sera conduit au premier semestre 2021 afin de changer le mode de prélèvement de l’eau, puisque nous installerons des drains pour la capter. Et là on atteindra l’objectif initial. » Un objectif qui, rappelons-le, ne vise qu’à couvrir les besoins de Petite-Terre, à l’heure où Mayotte toute entière est touchée par le manque de ressources. D’où le projet d’une troisième retenue, les réserves collinaires étant la plus grande source d’approvisionnement en eau du territoire.

 

Entre la fin des années 80 et le début des 90’s, le site d’Ourovéni, à Tsingoni, est une première fois évoqué pour accueillir une retenue supplémentaire. Mais rien n’est fait. En 2009, le bureau d’étude géologique et minière (BRGM), dépoussière le dossier, estimant le chantier capital pour sécuriser l’approvisionnement en eau. Problème, le terrain appartient à la famille de feu Younoussa Bamana. « C’est le grand patron du pays, tout le monde le respecte alors personne n’a vraiment osé aller au-delà de tout ça », concède Moussa Mouhamadi Bavi, alors président du Smeam. Pour tenter de régler la problématique du foncier, des négociations sont initiées par le syndicat avec les différents héritiers, tous soucieux de collaborer. Un terrain d’échange est trouvé, difficilement, puisque couvrant plusieurs dizaines d’hectares. Mais une partie de celui-ci s’avère être domaniale. Retour à la case départ ; le dossier piétine. La préfecture suggère alors de recourir à une déclaration d’utilité publique, qui permet l’expropriation des terres en cas de blocage. Le Smeam lance le dossier, et les services de l’État le reçoive incomplet. « Il fallait le réétudier afin de mieux prouver l’utilité publique du projet, notamment au niveau des études hydrologiques, avec de vraies données perspectives », développe la Deal. Et rien n’a changé depuis, alors que le chantier d’Ourovéni était le plus conséquent du plan de 2017. « Il y a maintenant une nouvelle équipe au Smeam, on va voir comment cela se passe mais il faudra de toute façon constituer ce dossier qui mènera par la suite à une éventuelle expropriation suivie d’études, notamment sur la création d’une usine de potabilisation », complète encore la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement. « C’est un gros projet qui, même s’il avait été porté à bras le corps en 2017, ne serait pas aujourd’hui abouti. On est sur une mise en service dans les 7/8 ans à partir du montage du dossier. ».Après tout, le sujet ne dort dans les cartons que depuis… dix ans. « La crise de l’eau actuelle est le fruit de décennies d’inaction », concède Moussa Mouhamadi Bavi, président du Smeam jusqu’en juillet dernier, et signataire du plan d’urgence. « Pendant 30 ans, il n’y a eu aucun investissement. Jusqu’en 2017, personne ne se posait vraiment la question de la gestion de l’eau. Tout a été fait au jour le jour. » Depuis, tous les acteurs concernés se renvoient la responsabilité.

 

Quelles solutions ?

 

Certes, les travaux d’interconnexion entre les deux retenues ont été réalisés afin de faire en sorte que cette fois, la ressource soit équitablement répartie sur l’ensemble du territoire. La rehausse de la retenue de Combani a, après des mois de retard, elle aussi été achevée l’année dernière, au prix de milliers de mètres cubes d’eau évacués pour ne pas gêner le chantier. Et le volume gagné éponge à peine la hausse de la consommation en eau de Mayotte. Pour 240.000 à 360.000 mètres cubes supplémentaires chaque année, la rehausse n’a permis d’en gagner que 250.000. Pour éviter une nouvelle pénurie, il va falloir voir plus loin. Plus vite.

 

En ce sens, la piste d’une usine mobile de dessalement est déjà à l’étude. « Il y a un bateau français très performant, capable de capter, de filtrer, d’embouteiller à bord et de livrer un million à un million et demi de bouteilles en prélevant l’eau sur place », a dévoilé le préfet. Entièrement autonome, le navire est en effet capable de produire jusqu’à cinq millions de litre d’eau potable par mois. Mais si l’Odeep One pourrait rejoindre l’île en seulement quelques semaines, cette solution « coûte chère », Jean-François Colombet, qui n’a encore « rien signé pour l’instant ». Autre alternative, déjà suggérée – puis abandonnée – par le plan d’urgence en 2017, la rotation de tankers depuis La Réunion, qui devait, à l’époque, permettre d’apporter 500.000 mètres cubes supplémentaires.

 

Sur le long terme, et en attendant la troisième retenue, l’une des priorités devra être aux forages, d’autant plus que leur production n’est pas au niveau prévu par le plan de 2017, l’entreprise mandatée n’ayant pas été payée selon les dires du préfet. Mais une nouvelle campagne devrait être lancée d’ici octobre et permettre de produire, en théorie, environ 3.700 mètres cubes supplémentaires par jour. Ce qui sera tout de même bien insuffisant pour pallier la fin de l’ensemble des forages prévu par le plan eau, d’ici janvier prochain. Alors, c’est peut-être autour de nous que se trouve la réponse la plus adaptée, car en terre ultramarine, l’océan constitue le seul réservoir illimité. Raison, d’ailleurs, pour laquelle la construction d’une nouvelle usine de dessalement figurait au programme trois ans plus tôt. Deux sites étaient alors à l’étude, à Longoni et à Bandrélé, avant que le projet ne soit progressivement oublié… Jusqu’au début du mois. Jean-François Colombet ayant assuré considérer sérieusement cette piste, toutefois aussi coûteuse qu’énergivore. « La nouvelle usine devra donc être couplée avec une connexion énergétique solaire notamment », commentait le préfet. Nettement moins onéreuse et même vertueuse pour l’environnement, reste encore la solution d’un reboisement massif de l’île. Selon l’ONF, 100 hectares de forêt augmenteraient à eux-seuls de 400.000 mètres cubes la disponibilité d’eau dans les rivières en saison sèche. Mais dans le département français le plus touché par la déforestation – 300 hectares y étant détruits chaque année –, l’ampleur de la tâche est grande, puisque les Naturalistes estiment qu’il faudrait replanter localement 2.000 hectares sur la prochaine décennie. Pour rattraper le retard, la Deal et le Département disent travailler conjointement sur un projet de reboisement. Un semblant de bonne nouvelle, alors que Météo-France estime que dans les prochaines années, les saisons des pluies seront non seulement tardives, mais aussi de moins en moins abondantes. « On ne parlera sans doute plus de saison des pluies dans l’avenir comme on le faisait auparavant », résume Laurent Floch, directeur territoriale de l’établissement. De l’eau dans le gaz, vous dites ?

Retrouvez un dossier complet sur ce sujet dans le Mayotte Hebdo du vendredi 11 septembre.

L’ARS tire son chapeau au Cros Mayotte

Ce samedi, l’ARS Mayotte a organisé une réception en l’honneur des salariés du Cros, « le premier groupe à s’être manifesté et le dernier à être parti » lorsque les services de l’État sur l’île ont sollicité les associations mahoraises en pleine crise sanitaire.

Mars 2020 ; Après l’Asie, la crise de la Covid-19 atteint l’Europe. Les pays les plus touchés par la pandémie ferment leurs frontières et appliquent les premières quarantaines. La France en fait partie. « Protéger les plus vulnérables d’abord. C’est la priorité absolue », déclare le chef d’État Emmanuel Macron à la télévision. Pour mener cette mission à bien, le gouvernement veut notamment s’appuyer sur l’esprit de volontariat des Français.

Il lance ainsi la plateforme « Je veux aider – Réserve civique Covid-19 », accessible sur l’ensemble du territoire y compris Mayotte. « Le président de la République l’a annoncé, on est en état de guerre sanitaire. Nous devons y répondre par une mobilisation générale des solidarités », interpelle alors Rachid Djerari, référent régional de la Réserve civique.

« Plusieurs associations et clubs sportifs ont sollicité les services civiques et leurs membres pour aider à la mise en place d’une force de volontaires », indique de son côté Patrick Bonfils, directeur de la Jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (État) de Mayotte. Dès les premières alertes émanant du Service civique et de la Jeunesse et sports, le Comité régional olympique et sportif (Cros) de Mayotte prend ses responsabilités.

Il relaie à l’ensemble des associations sportives mahoraises le lien d’accès à la plateforme, incitant les bénévoles de ces associations à « faire part de (leur) disponibilité pour être volontaire afin de répondre aux différentes missions vitales. » Le Cros est, d’entrée, plongé dans le grand bain. Les associations sportives avisées, le Comité, lui-même association loi 1901, se porte volontaire pour les missions d’interventions.

« Nous avons répondu de façon spontané »

« Lorsqu’au niveau national il y a eu l’appel au bénévolat, sur une base de volontariat au sein de l’équipe du Cros, nous avons répondu de façon spontanée, se souvient Madi Vita. A la suite de quoi nos salariés et des représentants du mouvement sportif mahorais ont accompagné l’ARS dans un certain nombre de domaines, notamment la distribution de matériel de protection contre le virus. Ceci en mettant nos moyens propres à disposition de l’ARS, tels que nos véhicules par exemple », ajoute le président du Cros.

Loin de se résumer à un travail de petites mains, le rôle des agents du Cros est aussi précis que précieux. En effet, mission leur est confiée de coordonner la cellule logistique de l’ARS, en étroite collaboration avec la cellule logistique de la Préfecture. A eux revient ainsi le devoir de s’assurer que pharmaciens, médecins, sages-femmes, kinés, CCAS, soient bien approvisionnés en masques, gels hydro-alcooliques, gants et autres sur-blouses.

« Ensemble, on a assuré le fret aérien et une partie du fret maritime, atteste le sous-préfet chargé de l’appui au territoire, Hadrien Haddak. Concrètement, c’était de l’organisation logistique au quotidien, très opérationnel, porté vers la priorisation des différents envois venant de métropole ou de La Réunion. Il s’agissait d’assurer le chargement du matériel et des médicaments, leur bonne arrivée et leur dispatching à Mayotte. C’était de la logistique de détails, mais extrêmement concrète et extrêmement importante », précise-t-il. Ce samedi, l’ARS a tenu à marquer sa gratitude vis-à-vis du Cros.

« Missions accomplies avec beaucoup de rigueur et de bonne humeur »

« Nous sommes réunis ici car les équipes de l’ARS ont souhaité remercier les équipes du Cros avec qui elles ont travaillé pendant la crise Covid. Le Cros a été le premier groupe de bénévoles à s’être manifesté, et il a été le dernier à être parti, assure Dominique Voynet. On a eu des bénévoles qui sont venus un, deux ou trois jours, mais les bénévoles du Cros ont été présents pendant plusieurs mois ! Ils ont été présents tous les jours pendant toute la crise », salue la directrice de l’Agence régionale de santé Mayotte.

ARS, Cros et Préfecture se retrouvaient ainsi autour d’un cocktail, où les différentes équipes ont pu ressasser le travail accompli. « Les équipes du Cros ont été extrêmement énergiques : on a vraiment vu des volontaires qui se sont donnés corps et âmes à la tâche. C’était des métiers qu’ils ne connaissaient pas, ils ne sont pas logisticiens, mais ils ont su très rapidement monter en compétence parce qu’ils étaient motivés et qu’ils avaient pour le territoire un engagement remarquable », retient Hadrien Haddak.

Dominique Voynet, elle, note le sérieux de l’équipe du Cros. « Ils ont accompli leurs missions avec beaucoup de rigueur et beaucoup de bonne humeur. J’ai apprécié leur ténacité : être là tous les jours y compris les soirs et week-ends. J’ai apprécié aussi qu’on n’ait jamais parlé d’argent, que leur action ait été présentée comme un acte de citoyenneté et d’engagement militant de la part des jeunes du Cros. J’ai apprécié enfin la mixité de l’équipe : des jeunes et des moins jeunes, des mahorais et des métropolitains, tous unis pour faire la guerre au virus. »

Autant d’éloges, dont prend acte Madi Vita : « Dans le monde du bénévolat, ce genre d’initiatives est très rare. On a participé à notre humble niveau à cette situation de crise sanitaire, et on a en face l’organisme qu’on a soutenu, qui reconnait notre apport. Rien que le fait que ce soit reconnu, j’en suis ému. C’est important pour nous d’être là et de partager ce moment de convivialité », conclut le président du Cros Mayotte.

Les pompiers grévistes inondent le conseil départemental

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Nouvelle opération coup de poing des sapeurs-pompiers grévistes qui s’en sont pris cette fois-ci à leur employeur, le conseil départemental. Les soldats du feu ont aspergé d’eau le bâtiment de la collectivité et ont tenté de pénétrer à l’intérieur de l’hémicycle où se tenait une commission permanente entre élus. À ce jour, le dialogue reste compliqué entre les deux parties. Le statu quo est toujours de mise.

Scène surréaliste ce jeudi matin devant le conseil départemental. Lance à incendie entre les mains, plusieurs sapeurs-pompiers déversent des litres et des litres d’eau sur le bureau de la sécurité du Département, tandis que d’autres grimpent au-dessus du grillage. À leur pied, une ribambelle de policiers fait front pour que la situation ne dérape pas. Un peu plus bas, au niveau des escaliers de la porte d’entrée, le même scénario se joue. Cette fois-ci, de la mousse se déverse sur les forces de l’ordre et les grandes fenêtres du bâtiment, sous le regard à la fois médusé et amusé des agents de la collectivité. Entre les deux groupes en pleine action, une dizaine de véhicules se terre pour distribuer les tuyaux.

Plus accablant encore, les soldats du feu n’hésitent pas diriger leur « jouet » vers quiconque essaie d’immortaliser cette opération coup de poing. En première ligne : les journalistes des différents médias. Joutes verbales et agressions « aquatiques » s’enchaînent à notre vue, nous obligeant à nous réfugier derrière une voiture pour rester au sec… Sous le regard noir des grévistes, qui ne prennent visiblement pas conscience de leurs actes, rongés par la colère à l’égard de leur direction qu’ils jugent « méprisante ». « Ils donnent le bâton pour se faire battre », avoue le temps d’une accalmie l’un des officiers en charge du convoi des casquettes rouges depuis leur centre de Kawéni. Avant de dévoiler les délits à leur encontre, à savoir « abus de bien social » et « violence contre une personne dépositaire de l’autorité publique ».

« Cela fait la beauté de la mission »

Peu importe pour les sapeurs-pompiers qui affichent leur détermination. Profitant de la tenue d’une commission permanente entre les conseillers départementaux pour « venir leur dire bonjour et leur rappeler que nous étions toujours en grève », souligne d’un air malicieux, Colo Bouchrani, le porte-parole du mouvement contestataire. Mais, sur place, ils se retrouvent nez à nez face à « une barricade de policiers » qui les empêchent de pénétrer à l’intérieur de l’enceinte. « Il y a eu peu d’affrontements, ce n’est que l’eau. Cela fait la beauté de la mission », précise le syndicaliste. Selon nos informations, le responsable de la direction territoriale de la police nationale, Jean-Marie Cavier, se serait blessé au coude lors d’une charge et aurait terminé sa journée au centre hospitalier de Mayotte. Quid alors du message envoyé en pleine crise de l’eau ? « J’aurais bien aimé que vous parliez des difficultés auxquelles nous sommes confrontées. Nous ne construirons pas ce pays de cette manière-là. Si aujourd’hui, nous devons nous plaindre parce que quelques litres ont été déversés, je trouve cela scandaleux ! », répond du tac au tac, Colo Bouchrani, un tant soit peu remonté par ce commentaire.

Grève des interventions envisagée ?

Pour tenter d’apaiser les tensions, une délégation d’élus reçoit finalement un contingent de sapeurs-pompiers en fin de matinée pour de nouveau recueillir leurs doléances. « Doléances qui n’ont pas bougé », assure de son côté le conseil départemental. À sa sortie, pas de nouveauté majeure ! Le point de blocage reste toujours le même : l’éviction du colonel Terrien, avec qui le courant ne passe plus. Mais surtout, la collectivité rappelle que « la solution ne peut être que collective », puisque les négociations regroupent le service départemental d’incendie et de secours, l’État et le Département. Comment se sortir de cet entonnoir ? En favorisant le dialogue, « mais pour cela, il faut être au moins deux ». Or, Colo Bouchrani dénonce l’immobilisme de « ces élus de proximité que nous n’avons pas entendu depuis trois semaines ». Chacun se renvoie la balle donc. Alors pour renouer le contact, une mission de médiation vient d’être envoyée depuis Paris pour rencontrer toutes les parties prenantes dans ce conflit et faire des propositions rapides. « Peut-être que ça va aider », espère le Département. Dans le cas contraire, il est possible d’imaginer le préfet se saisir de ce dossier, même si « sa marche de manœuvre est limitée ». Dans tous les cas, il va rapidement falloir trouver un terrain d’entente, car il se murmure que les sapeurs-pompiers envisagent de durcir leur mouvement et de ne plus assurer les interventions…

Miréréni-Combani : Dans l’étau des barrages pour « nous protéger de leur guerre

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Mercredi, plusieurs barrages en marge de Miréréni ont empêché les automobilistes de pénétrer à Combani où sévit depuis jeudi dernier des affrontements entre bandes rivales. La violence est montée d’un cran ces dernières heures avec de véritables scènes de guerre, mettant à feu et à sang toute la commune. Le préfet s’est rendu sur place le lendemain pour rencontrer les élus et les habitants dans l’espoir d’atténuer les tensions.

Bras agités vers le ciel, les scootéristes et les piétons font signe, l’air affolé, à ceux allant en direction de Miréréni de rebrousser chemin. La fumée qui se dégage dans le ciel laisse penser à un mauvais présage. Quelques virages avant l’entrée du village, les barrages se succèdent. Sur le bas-côté, cet habitant de Chiconi regarde d’un air médusé la montagne d’arbres au sol. Au téléphone, il demande à sa femme de le rejoindre à pieds. « La journée, ils se caillassent, le soir, ils brûlent », souffle-t-il désespérément pour résumer les affrontements entre les bandes rivales de Miréréni et de Combani. « Il faut montrer qu’untel est plus viril que l’autre. Plus tu oses, plus l’adversaire aura peur. » Un leitmotiv d’une autre époque, qui ne semble plus s’appliquer dorénavant… Les cris toujours plus forts s’échappent de la vallée tandis que les tirs de gaz lacrymogène se multiplient.

Sirène allumée, un véhicule des sapeurs-pompiers dévale à toute vitesse, slalome entre les branchages et disparaît tant bien que mal au loin. Tentative rapidement avortée par un tronc étalé sur le bitume. Perché sur un muret, un jeune encagoulé d’un t-shirt bleu guette les va-et-vient. « Rolala, ils se tuent entre eux et ils ne veulent pas qu’on aille les sauver », soupire un soldat du feu, casque dans la main. Au bout de sa radio, une voix grésille : « Vous faites demi-tour et vous regagnez le centre ! » Ni une, ni deux, les trois agents repartent fissa au bercail. À la différence de certains automobilistes qui campent sur leur position, en attendant l’ouverture d’une brèche pour reprendre leur trajet. Mais celle-ci tarde à pointer le bout de son nez.

Face à face avec vingt jeunes prêts à en découdre

Partis un peu plus tôt pour tenter de récupérer du matériel dans les locaux de leur société, deux hommes remontent la pente pour regagner leur voiture. « Barres en fer, cocktails molotov, sabres… Ils sont armés jusqu’aux dents », s’inquiète l’un des collègues. Une déclaration lourde de sens, qui fait froid dans le dos. Assis sur son deux roues, un employé de chez Kalo se veut plus rassurant. « Je pense qu’ils ont bloqué la route pour nous protéger de leur guerre », défend-il quelques secondes avant qu’une horde d’une vingtaine de personnes se dirigent, en rang d’oignon, à l’image d’une armée disciplinée, vers le petit groupe attentiste. Les bruits métalliques ricochent par terre et appellent à l’affolement. Pris de panique, certains sautent dans leur voiture pour prendre la poudre d’escampette. « Ce sont les jeunes de Vahibé qui sont venus prêter main forte à ceux de Miréréni », s’époumone un conducteur pour rassurer. La pression redescend d’un cran malgré l’arsenal impressionnant dans leurs mains. Un échange bref en shimaoré s’installe entre les deux parties. Avant que la bande ne reparte au charbon et ne renforce le premier barrage pour rappeler l’interdiction d’outrepasser cette ligne. Peu importe. Quelques impatients s’essaient tout de même à déblayer la chaussée. Mais leurs efforts ne paient pas. Et pour s’assurer que les consignes soient bien respectées, trois gaillards, visiblement moins ouverts au dialogue, reviennent à la charge. Des gestes d’humeur prient les automobilistes de « dégager ». Et cette fois-ci, leur pas pressant apparaît plus menaçant que leurs prédécesseurs. Une manière de faire vrombir les moteurs et de définitivement quitter la zone…

 

« Tant qu’on n’aura pas une discussion, ça ne finira jamais »

Depuis plus d’une semaine, les habitants de Combani et de Miréréni vivent un enfer, au rythme des affrontements entre les jeunes des deux villages. Si la cause de ces violences reste pour l’heure inconnue, tout aurait commencé au quartier Badjoni, selon Moller, un habitant de Combani. Provoquant une montée en puissance des représailles : caillassages de voitures, pillages de magasins, incendies de cases en tôle… « Heureusement qu’il n’y a pas eu de perte humaine », confie l’enseignant, qui tente tant bien que mal de réunir les deux camps pour calmer les ardeurs des uns et des autres. En vain ! Mercredi matin sonne alors comme un point de non-retour : « Au réveil, c’était déjà trop tard alors qu’on avait convenu de se rencontrer à 16h… » Finalement, à la vue des événements de la matinée, un premier échange a lieu aux alentours de 12h. Celui-ci prévoit alors un autre rendez-vous quelques heures plus tard, qui n’arrivera jamais. « Tout a brûlé entre deux », se désole-t-il. Car pour lui, « tant qu’on n’aura pas une discussion, ça ne finira jamais ».

 

Le préfet part à la rencontre des habitants

Une semaine de carnage et de barrages. Depuis jeudi dernier, les jeunes de Miréréni et Combani s’adonnent à un jeu belliqueux qui pousse à bout tous les villages de la commune de Tsingoni. Une “guéguerre” de plus qui incitait déjà, mardi matin, un élu adjoint à la sécurité à interroger le colonel Capelle au sujet de la recrudescence des violences sur sa zone, à l’occasion du séminaire des maires. Lequel a avoué ne pas être favorable à « la sur-répression » et demandait aux associations et à la mairie d’avancer main dans la main. Toutefois, le commandant de la gendarmerie avait précisé qu’un escadron se positionnerait au RSMA pour intervenir rapidement. Sans grand succès… Ce jeudi, le préfet Jean-François Colombet s’est donc rendu sur place pour échanger avec les élus et les habitants. Une cinquantaine de personnes, dont des parents des deux villages, des élus, le 1er adjoint de la ville, et les équipes de la préfecture, s’étaient données rendez-vous à la mairie pour cette réunion de crise, qui a aussi été l’occasion d’entendre quelques témoignages. “Une mère a raconté qu’elle était dans la rue quand une centaine de jeunes cagoulés ont fait irruption pour attaquer toutes les voitures. Les forces de l’ordre étaient présentes mais n’ont pas bougé, la poussant à trouver refuge en allant frapper à la porte la plus proche”, relate une personne présente hier matin. La réponse en substance, du préfet : l’annonce de la signature prochaine du pacte de sécurité avec la commune, qui doit intervenir rapidement, d’ici deux semaines à un mois. Ce contrat sera l’occasion de définir les dispositifs de sécurité, voire d’envisager un renforcement des moyens de la police municipale, si les élus de Tsingoni l’estiment nécessaire. “Le préfet a aussi donné quelques garanties, notamment sur l’immigration clandestine, avec l’installation d’une commission sur les demandes de titres de séjour, qui pourrait faire sauter des titres”, déroule la même source. La réunion de crise s’est poursuivie avec une visite de terrain entre Combani et Miréréni pour constater les dégâts. Juste avant que les tensions ne reprennent entre les deux camps adverses…

Incendie mortel de Tsoundzou II : pour un détecteur, le propriétaire et l’Agence de l’île risquent gros

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Le 1er mai 2018, un terrible accident avait coûté la vie à deux hommes à Tsoundzou II. Un an et demi plus tard, le propriétaire du logement, l’agence immobilière et sa directrice étaient appelés à la barre pour justifier de l’absence d’un détecteur de fumée… qui aurait pu éviter le drame.

“Biiiiiiiip…” Le son strident perce les tympans de l’assistance. Debout devant les juges, Maître Hervé Renoux est en train de brandir un petit détecteur de fumée, le doigt posé sur son oreille. “Je l’ai acheté en grande distribution avant de venir. Il m’a coûté sept euros. La vie de ces deux hommes tient à sept euros”, lâche-t-il la voix grave en reposant le petit boitier en plastique. Ces deux hommes, ce sont Franck Foulon, 50 ans, et Nicolas Berot, 43 ans. Un “amoureux de l’océan Indien” et un enseignant au collège dont la mort tragique dans un incendie à La Palmeraie, à Tsoundzou II, le 1er mai 2018, avait suscité l’horreur et la sidération de tout un quartier.

27 minutes d’angoisse

Ce matin-là, les voisins sont alertés par les flammes qui ont pris le rez-de-chaussée de ce chalet en bois. À l’étage, Franck Foulon, qui ne peut déjà plus descendre, tente de s’échapper par la fenêtre. Avec l’aide des voisins montés sur une échelle, il essaie d’arracher les barreaux qui l’enferment dans cette prison en feu. Mais ceux-ci ont été soudés récemment, après une tentative de cambriolage. Pendant 25 minutes, des deux côtés, on s’acharne. Il en faudra 27 pour que les pompiers arrivent sur le lieu du sinistre. Un délai étonnant qui pousse d’ailleurs l’avocat de la défense Maître Nadjim Ahamada à pointer du doigt la nonchalance, voire la responsabilité des soldats du feu : “Ils mettent 27 minutes pour aller de Kawéni à Tsoundzou, un jour férié qui plus est, un matin, tôt, sans circulation. Quand ils arrivent, les voisins racontent qu’ils ont garé le camion en bas du chemin et qu’ils ont marché à allure lente. Puis ils arrivent enfin, sans échelle, sans disqueuse, sans pince coupante, sans hache et sans pompe, juste un camion et une petite citerne, qui au bout de 5 minutes n’avait plus d’eau.”

Loi sur les détecteurs de fumée

Pour autant, ce ne sont pas les férus de la lance à incendie qui seront au coeur de l’audience, ce mercredi, au tribunal correctionnel. Non, la pomme de la discorde, ce jour-là, tient à ce petit boîtier en plastique. Avec sa pile de 9 volt, dont on ne trouvera jamais la trace au milieu des débris calcinés. C’est lui qui amène la directrice de l’Agence de l’île devant les juges, un an et demi après le drame. Et c’est aussi lui qui pousse les uns et les autres à se renvoyer la balle dans cette affaire, où les magistrats devront déterminer les responsabilités de chacun, entre la directrice, l’Agence de l’île chargée du bien, et le propriétaire, installé à La Réunion. Car depuis 2010, tous les logements doivent être équipés d’un détecteur de fumée. La loi Alur de 2014 apporte une précision : ce sont les propriétaires qui doivent fournir l’équipement pour un logement loué.

Les négligences de l’agence

Le hic ? Le propriétaire avait contractualisé avec l’Agence de l’île depuis son départ de Mayotte en 2011. Moyennant finances, le mandat de gestion prévoyait que la société se charge du logement, et donc bien sûr, de sa mise en conformité. À la barre, la seule prévenue présente assure avoir joué son rôle en lançant une campagne à destination des propriétaires pour leur rappeler leur obligation. 50% des clients avaient laissé la charge à l’Agence de l’île d’installer le boîtier. Les autres ? Soit, ils s’en sont occupés eux-mêmes, soit, ils ont laissé le mail sans réponse. Or, concernant le chalet de Tsoundzou II, la directrice se trouve dans l’incapacité de prouver la présence ou l’absence de l’équipement. Des témoignages accablants d’anciens locataires pointent par ailleurs le manque de sécurisation de la maison. Une “accumulation de manquements et négligences” qui conduisent l’avocat de la partie civile à dénoncer “une responsabilité pénale qui ne fait pas de doute”. Et de demander 300.000 euros pour les proches des victimes. “L’objectif de ces familles, c’est que l’on prenne conscience que cet objet-là sauve des vies”, a-t-il insisté.

 Une histoire de cigarette

Côté défense, on sauve les meubles, en pointant l’autre du doigt. Et pendant que l’avocat du propriétaire, Maître Marius Rakotonirina insiste sur la délégation de pouvoir induite par le mandat de gestion signé avec l’Agence de l’île, Maître Ahamada fait sa leçon de droit. “Quel est le texte de loi qui oblige une agence à installer un détecteur de fumée ?”, lance-t-il face à l’audience. Et de rappeler le caractère délibéré de la violation qui doit être prouvé, en vertu de l’article 121-3 du Code Pénal selon lequel : “Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui.” Mais pour l’avocat de la défense, le nœud du problème est même ailleurs : “Ce n’est pas le fait d’avoir posé le détecteur ou non qui a causé le décès, c’est la fumée”, a-t-il rappelé. Et pas n’importe laquelle. D’après le rapport d’un expert, la mousse du canapé, en polyuréthane, un composant toxique et inflammable, ne donnait que peu de chance de survie à Nicolas Berot qui s’y était endormi, la cigarette allumée. “Monsieur Bérot, sans lui porter offense, avait un comportement dangereux pour lui-même et pour les autres. Il est revenu de soirée ce 1er mai fortement alcoolisé et il s’est endormi avec sa cigarette, qui est tombée. C’est elle qui est la cause de l’incendie”, a-t-il cru bon de rappeler.

Des arguments qui ne pèseront pas beaucoup pour le parquet. Face à la “négligence” du propriétaire comme de l’Agence, le substitut du procureur a ainsi requis 50.000 euros d’amende pour l’Agence de l’île, deux ans de prison avec sursis pour le propriétaire et un an de prison ferme pour la directrice. Le tribunal rendra son jugement le 23 septembre.

 

 

À Mayotte, Jean-François Colombet se pose en professeur des écoles

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En partenariat avec l’agence française de développement, la préfecture a organisé ce mardi le premier séminaire des maires à Mayotte au pôle culturel de Chirongui pour balayer les différents services de l’État et les sujets d’actualité, tels que la sécurité et l’immigration clandestine, et ainsi montrer aux nouveaux élus la nécessité de nouer des partenariats dans le but de promouvoir l’intérêt général.

Jour de rentrée des classes pour les 17 premiers magistrats de l’île aux parfums. Et en bon directeur d’établissement scolaire, c’est Jean-François Colombet qui siffle la fin de la récréation. Bien installés dans les fauteuils rouges du pôle culturel de Chirongui ce mardi, ils écoutent attentivement le déroulé du premier séminaire des maires à Mayotte. L’objectif selon le délégué du gouvernement ? Leur « ouvrir la boîte à outils » qui contient « tout un tas de dispositifs et de procédures publiques qui sont conduites sur ce territoire, dont beaucoup par les services de l’État ». Tour à tour, ces derniers se présentent sur scène pour dévoiler leur rôle et surtout leur apport dans la gestion quotidienne d’une municipalité. Car après les élections municipales, « il fallait porter à [leur] connaissance tout l’arsenal à leur dispositif pour leur venir en soutien dans l’exercice de leur mission ».

Mais pas seulement. L’occasion rêvé d’évoquer les sujets d’actualité comme la sécurité et l’immigration clandestine. Deux thématiques qui cristallisent les discussions et qui empêchent bon nombre d’habitants à dormir sur leurs deux oreilles. Alors pour retrouver un semblant de tranquillité, il est grand temps que « chacun apporte sa contribution » et que « chacun participe au portage et à la promotion de l’intérêt général ». À savoir la qualité de vie des Mahorais mais aussi la possibilité de développer le 101ème département et de retrouver cette sérénité qui lui fait tant défaut « depuis une vingtaine d’année ». Et à ce petit jeu-là, le préfet n’y va pas par quatre chemins pour montrer la marche à suivre. Si la signature d’un pacte de sécurité à la fin du mois avec les différentes communes intéressées est désormais un secret polichinelle, certains domaines d’intervention restent beaucoup plus flous, à l’instar de la lutte contre l’habitat illégal. Corrélation directe de l’arrivée massive de personnes en situation irrégulière sur le territoire, qui passent entre les mailles du filet de la police aux frontières.

Quels moyens juridiques contre l’habitat illégal ?

Se pose alors la question des moyens juridiques existants pour enrayer cette tendance. « Il y a trois façons de casser un banga, de réduire un bidonville », prévient Jean-François Colombet, tel un enseignant face ses élèves. La première est la voie judiciaire : le juge ordonne, le préfet exécute, à l’instar de la destruction emblématique sur le terrain Batrolo en décembre 2018. Un procédé long surtout réservé aux propriétaires du foncier. La deuxième se repose sur la loi Elan, bien connue à Mayotte et en Guyane, qui permet de détruire un habitat illégal implanté sur des zones présentant un risque naturel. D’ailleurs, le délégué du gouvernement doit s’attaquer très prochainement à ceux situés en bordure de mer. Seule contrainte législative : l’obligation de reloger les décasés. D’où la sortie de terre des villages relais à Doujani et Tsoundzou, livrés d’ici la fin de l’année. « C’est un programme sur le long-terme, je pense qu’il faudra une dizaine d’années minimum pour effacer les bidonvilles, à condition que le moteur qui nourrit l’immigration clandestine s’arrête. Pour que ce soit le cas, nous avons des dispositifs à notre portée. Nous les optimisons comme cela n’a jamais été le cas ! » La troisième, la plus efficace et surtout la plus rapide, reste la flagrance. « Si le maire nous prévient, je peux accorder et je le fais systématiquement, le concours de la force publique pour permettre l’arrêt de la construction. » Encore faut-il que l’information remonte jusqu’à son oreille…

Ouvrez grand les yeux et dénoncez

Toujours dans le même registre, Jean-François Colombet poursuit sa leçon avec la lutte contre le travail illégal. Là encore, le délégué du gouvernement griffonne ses derniers résultats sur son tableau noir. « Nous somme le premier département sur l’ensemble du territoire national en termes d’amendes administratives. Quelqu’un qui fait bâtir une maison à l’aide d’étrangers en situation irrégulière peut être frappé d’une amende de 15.000 euros. Nous n’étions pas ce niveau l’année dernière ou en 2018 », annonce-t-il, non sans une pointe de fierté. Et pour continuer sur cette lancée, il tend une perche à son assemblée. « Les maires peuvent faire beaucoup pour nous aider, car ce sont eux qui sont dans la proximité des gens, ce sont eux qui voient les chantiers qui ne sont pas obtenus par des entreprises qui paient leurs impôts, qui sont déclarées, qui emploient des salariés, à qui ils accordent des droits et des revenus décents. » En d’autres termes, ouvrez grand les yeux, la chasse aux sorcières reprend de plus belle !

Ne reste plus qu’à vérifier que les élèves aient bien saisi le cours du jour. Pour cela, Jean-François Colombet n’hésite pas à distribuer les bons points. « Je [leur] fais confiance. Après c’est un choix politique de leur part. Soit, ils viennent et construisent avec l’État un territoire plus serein. Soit, ils ne le souhaitent pas. » Ce qui serait dommageable à l’entendre, sachant que suivre les traces de la préfecture est synonyme de réélection presque assurée… « C’est la première fois à Mayotte qu’il y a autant de maires renouvelés que de maires battus. C’est dire le soutien que l’État a pu apporter dans la conduite de leurs politiques publiques puisqu’ils ont été en mesure de recueillir leurs suffrages une deuxième fois. » Allez dire ça à Roukia Lahadj, Mohamed Majani et Harouna Colo, trois édiles sortants, investis par la République en Marche, restés sur le carreau en juillet dernier. Oupsi !

Point FEDER : un “petit sprint à conduire” d’ici juin 2023

Ce lundi à la préfecture, le délégué du gouvernement dressait un portrait satisfaisant de la programmation des fonds européens à Mayotte. Une consommation quasi complète des crédits qui cache toutefois quelques difficultés à faire sortir les projets de terre.

Renvoi de balle ce lundi à la préfecture. À l’occasion de la présentation de rentrée à la Case Rocher, le préfet Jean-François Colombet a fait le point sur les fonds européens. L’occasion aussi de rappeler “à ceux qui disent ‘‘c’est la préfecture le FEDER’’, non, c’est plus subtil que cela. La préfecture instruit les programmes mais après ce sont les maîtres d’ouvrage qui les réalisent”.

Nonobstant, alors que le programme 2014-2020 touche à son terme, le délégué du gouvernement se félicite de l’avoir “bien traité”, avec un taux de programmation à 75%, à trois ans de la clôture. Pour atteindre les 100% de programmation, trois projets ont été retenus, en lien avec le conseil départemental : il s’agit des déchetteries communales, des travaux portuaires et de l’achat de deux nouveaux amphidromes, “qui devront fonctionner, je l’espère, non pas au gasoil mais avec une énergie plus propre et plus innovante, nous sommes en train de regarder cela”, a déroulé le préfet.

Paiements attendus avant juin 2023

D’ici à ce qu’ils voient le jour, c’est une autre paire de manches ! Et il va falloir mettre un sacré coup d’accélérateur pour espérer débloquer effectivement les paiements. Car ces subventions sont encadrées par une convention d’attribution, document juridique qui en précise l’objet, le montant et les obligations à remplir, notamment en termes de délais de réalisation et de justification de dépenses à présenter pour obtenir in fine son versement. Or, c’est là que le bât blesse. “Ces subventions, nous les attribuons à des collectivités, à des entreprises qui lèvent la main, or certaines lèvent la main et cinq ans après, il n’y a plus rien”, a expliqué Jean-François Colombet. Autant dire qu’à trois ans de la clôture, le temps presse. Ou, pour reprendre les mots du haut fonctionnaire : “Ces trois projets ont été programmés pour atteindre les 100% sur la fin de gestion, avec un paiement pour juin 2023 donc il y a un petit sprint à conduire.”

150 millions d’euros pour Mayotte

Pour rappel, le Fonds européen de développement régional (FEDER) a été créé en 1975 avec pour objectif de corriger les déséquilibres régionaux en finançant des investissements en faveur de l’emploi, des infrastructures, des télécommunications, de l’environnement, de l’énergie et du transport. Pour la période 2014/2020, le programme actuel représente pas moins de 148,9 millions d’euros à Mayotte – 9,5 milliards d’euros en France -, censés couvrir des projets qui vont du traitement des déchets, à l’eau potable, en passant par l’insertion professionnelle, l’amélioration de l’offre de soins, la consommation énergétique, la mobilité… En bref, autant d’enjeux sur lesquels le 101ème département cristallise bien des attentes. Au niveau des fonds européens, il est par ailleurs complété par le Fonds social européen (FSE), le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), pour une enveloppe totale de 300 millions d’euros pour Mayotte.

Retards au démarrage

Or, depuis son lancement sur l’île aux parfums, le FEDER 2014-2020 a régulièrement fait l’objet de critiques plus ou moins acérées. Fin 2018, un rapport de la Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) pointait les multiples défaillances du programme à Mayotte, entre la “gestion “de principe” partenariale entre les services de l’État et ceux du conseil départemental de Mayotte qui nécessite d’être réfléchie dans la durée” – la préfecture reste autorité de gestion dans le 101ème département contrairement aux autres régions de France à l’exception aussi de Saint-Martin – une situation des ressources humaines “délicate”, avec des conséquences sur les programmes opérationnels… Début 2020, le programme pêchait toujours, sans doute un peu, à cause de ces premières errances. Un bilan de la consommation des fonds européens en janvier dernier avait ainsi montré des écarts encore conséquents entre les projets programmés (69% à cette époque) et les paiements effectifs (27% seulement).

Voilà pour le programme actuel. Mais il est aussi déjà temps de regarder vers le FEDER 2021/2027, qui devrait s’inscrire dans la continuité et poursuivre les projets phares tels que la piste longue, la troisième retenue collinaire, ou encore le réseau de bus de la Cadema. Les infrastructures du port de Longoni, la rénovation des réseaux hydriques et de collecte des eaux, les stations d’épuration, les déchetteries et l’éclairage public font aussi partie des objectifs affichés du futur FEDER. “Nous ne connaissons pas encore l’enveloppe, mais nous savons déjà qu’elle sera au moins en progression de 110% à Mayotte alors qu’elle sera en retrait partout ailleurs”, s’est réjoui Jean-François Colombet. Bonne nouvelle ! À condition, bien sûr, de ne pas laisser filer la poule aux oeufs d’or…

Du marché couvert à la mangrove, les vendeurs à la sauvette à Mayotte cherchent leurs étals

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Les commerçants illégaux des trottoirs qui bordent le marché couvert de Mamoudzou se sont réunis ce mardi pour manifester leur mécontentement alors que l’arrêté du maire leur interdisant d’y écouler leurs marchandises est entré en vigueur lundi. Façon débrouille et face à l’absence de solution satisfaisante de la mairie, ils ont finalement posé bagages quelques mètres plus loin…

Elles tendent leur carte de séjour, comme elles alpagueraient, un autre jour, un client hésitant face à leurs étals chargés de marchandises. Comme si aussi, elles espèrent prouver leur bonne foi, leur droit à rester là. “On veut juste travailler, pour nourrir les enfants”, énoncent-elles les unes après les autres. Soifouane Salimata écoule ses sandwiches sur ce bout de bitume depuis 2015. Avec son mari, tous deux originaires des Comores, ils récoltent ainsi une cinquantaine d’euros par jour pour subvenir aux besoins de leurs sept enfants. Mais si le précieux titre leur autorise à demeurer sur le territoire de Mayotte, il ne suffit pas pour continuer à vendre sans autorisation sur les trottoirs bordant le marché couvert de Mamoudzou.

Le couperet est tombé ce lundi, avec l’entrée en vigueur d’un arrêté signé du nouveau maire de Mamoudzou Ambdilwahedou Soumaïla, qui s’est fixé comme objectif de lutter contre l’économie informelle. Samedi 29 août, l’édile recevait pourtant ces commerçants des bords de route, pour leur proposer des “espaces dédiés”, à condition de “payer des droits”. Force est de constater, ce mardi 8 septembre, que ce nouvel eldorado des vendeurs à la sauvette n’a pas vu le jour… Hier, ils étaient donc réunis pour manifester leur mécontentement à grands renforts de chants criés dans une sono, sur la place de la République. Dans le lot : des ressortissants comoriens, congolais, malgaches, avec ou sans papiers, et aussi des Mahorais. Sur trois pancartes, fabriquées à la hâte avec quelques morceaux de carton, leurs traits de feutre hésitants avaient inscrit une revendication simple : “On veut une place pour [être] payé”.

Deux cortèges et un cordon de sécurité

“Depuis lundi, nous n’avons plus le droit de vendre ici, le maire nous a dégagés et nous ne savons pas où nous allons pouvoir avoir un autre endroit”, soupire ainsi un vendeur d’oignons avant de rejoindre le cortège qui s’est mis en branle pour tourner en rond autour du marché couvert. Si la manifestation n’a réuni guère plus d’une centaine de personnes, elle était farouchement encadrée par au moins une trentaine d’agents des forces de l’ordre, police municipale et nationale comprises. Hors de question de voir un cheveu qui dépasse ! Les gardiens de la paix, solidement campés entre le parking et le marché, y veillaient au grain. Surtout à l’approche des pompiers toujours en grève, et eux aussi mobilisés ce mardi à Mamoudzou, dont les sirènes n’ont pas tardé à se mêler au tintamarre ambiant. Pendant quelques minutes, les camions rouges ont ainsi défilé à une trentaine de mètres des salouvas, bloquant légèrement la circulation sur l’axe principal de la commune chef-lieu.

Déclaration de guerre

Or, des membres du Collectif de défense des intérêts de Mayotte étaient venus apporter leur soutien aux soldats du feu, et la préfecture a visiblement jugé bon de garder tout ce beau monde à distance. Une bonne pioche, vu la réaction d’un membre du collectif, qui s’est fendu d’une vidéo postée sur son compte Facebook. Yazidou Maandhui, auteur et observateur de la société mahoraise connu pour ses coups de gueule, a ainsi dénoncé une “déclaration de guerre”. “J’espère que les autorités mesurent l’impact de cet acte de souillure qui s’est passé ce matin sur la place de la République. Je rappelle que c’est la place de la France, de Mayotte française et de ceux qui se sont battus pour Mayotte française”, a-t-il poursuivi en référence à Zakia Madi, figure des Chatouilleuses, dont une plaque honore la mémoire à l’entrée du marché couvert.

Délégation à la mairie

Sur les coups de 11h, les manifestants avaient déjà reposé leurs pancartes, assis comme pour un sit-in, en attendant le retour de certains de leurs porte-paroles. Ces derniers étaient en effet reçus dès 9h par la mairie. “Le maire nous a dit que cet endroit était le bijou de la ville de Mamoudzou et que nous devions le quitter immédiatement”, rapporte Bakidi Massamba, lui-même vendeur de sacs à main originaire du Congo, qui s’était fait le porte-voix de ses congénères à l’Hôtel de ville. “On lui a demandé comment nous pouvions tenir avec les enfants, et combien de temps on allait devoir attendre pour qu’ils trouvent un emplacement.”

Seule réponse du premier magistrat de la ville, faute de mieux pour l’instant : “Il nous a dit de nous installer là où nous habitons, à Kawéni, à Majicavo, à M’Tsapéré, à Cavani, là-bas il y a déjà des petits marchés”, rapporte encore le commerçant congolais. Tout en leur rappelant qu’il ne pouvait pas empêcher la police nationale de procéder à des contrôles… Une nouvelle réunion est par ailleurs prévue vendredi pour identifier un nouvel emplacement, avant un autre entretien avec les vendeurs le mercredi suivant. Des conclusions qui n’ont pas ravi grand monde. À peine ont-ils entendu ces mots que les éclats de voix des manifestants ont repris de plus belle. “Ce n’est pas une solution !”, s’indigne une jeune femme. Un autre s’époumone en shimaoré en montrant le sol devant le marché. Une petite troupe se met alors en ordre de marche, direction la mangrove de Kawéni. C’est là qu’ils se retrouveront, balayette à la main sur les coups de midi, pour improviser leur nouveau marché. Juste un peu plus loin, donc.

Deux agents de la mairie pris en grippe

En route pour rentrer au dépôt, deux agents des services techniques de la ville de Mamoudzou se retrouvent vers 14h dans un guet-apens à l’entrée de Kawéni. « On a subi des représailles par rapport à l’arrêté signé par le maire », annonce avec certitude depuis l’hôpital Chamsidine Boinali. Selon lui, un groupe d’une cinquantaine d’individus – « des hommes et des femmes d’origine comorienne mais aucun gamin » – les ont pris en grippe dans les bouchons en voyant le blason de la commune collé sur leur camion. Les insultes fusent (« Tiens, ils sont là les chiens ! »), les jets de pierre pleuvent. « Deux d’entre eux ont voulu ouvrir les portes. » Finalement descendus, Chamsidine Boinali et son collègue Moustradane Touré se font lyncher. Les coups s’enchaînent pendant près de cinq minutes. Des coups de bâton et des cailloux sur la tête et la lèvre supérieure pour le premier, à la hanche et aux jambes pour le second. Fort heureusement, des automobilistes et d’autres agents de la ville interviennent et dispersent l’attroupement. Une fois arrivés à la mairie annexe de Kawéni, les deux blessés sont pris en charge par les sapeurs-pompiers avant d’être envoyés au centre hospitalier de Mayotte. Passablement énervé par cet acharnement, Chamsidine Boinali ne mâche pas ses mots : « À un moment, il faut stopper cette mascarade sur cette île et arrêter de donner des excuses à ces gens-là. » Les deux hommes doivent encore déposer plainte dans le but que leurs agresseurs soient traînés devant la justice.

Environ 25 des 188 écoles mahoraises de l’île frappées par la crise de l’eau

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Alors que les écoles maternelles et primaires du territoire doivent adapter leur rentrée scolaire aux mesures sanitaires, la crise de l’eau renforce la difficile gestion quotidienne des établissements accueillant un public en bas âge. Face aux coupures annoncées par la préfecture le week-end dernier, le recteur, Gilles Halbout, assure que la vigilance est de mise pour éviter tout dysfonctionnement. De son côté, le SNUipp-FSU invite les enseignants à exercer leur droit de retrait.

Lundi, 6h30. Stéphanie* arrive dans son école située en Petite-Terre, quelques minutes seulement avant l’arrivée des élèves. Et là stupeur : plus d’eau dans les robinets. Passage obligatoire des enfants avant de se rendre en classe en cette période épidémique. « Avec d’autres collègues, nous avons convenu que ce n’était pas possible de les accueillir », lâche l’institutrice. Seul hic, l’inspectrice demande d’ouvrir « coûte que coûte ». Un échange et un contact « rudes » selon elle. « Elle n’a rien voulu entendre et n’a apporté aucune solution. Elle nous a dit d’écouter le directeur, qui n’est pas notre supérieur hiérarchique. » Trente minutes plus tard, plus de 300 frimousses déambulent dans la cour de récréation. Jusque 10h, heure de la remise en eau, impossible de boire, de se rendre aux toilettes et d’appliquer les mesures sanitaires. « C’est assez alarmant ce qu’il se passe », dénonce la jeune femme. Preuve en est avec ce garçon de 10 ans qui a connu un incident malencontreux. Ou plutôt une « humiliation » comme le décrit Stéphanie. Après cet événement fâcheux, « c’est sûr qu’il ne reviendra pas dans les jours qui suivent ». Et l’enseignante va encore plus loin sur les risques encourus : « Nous demandons aux élèves de se retenir, mais c’est pareil pour les profs. C’est bête à dire mais une cystite arrive comme cela… »

Les coupures annoncées vs les coupures intempestives

Alors qu’une crise de l’eau guette l’ensemble du territoire, l’instauration de coupures nocturnes, à raison d’une fois par semaine et par secteur, depuis ce lundi n’arrange pas la situation. Face à ce constat, Gilles Halbout dévoile la stratégie mise en place par le rectorat. S’agissant d’une coupure intempestive, la marche à suivre est claire comme de l’eau de roche. « Nous contactons Vinci, via sa filiale la SMAE, et nous faisons un point pour savoir si c’est ponctuel ou plus grave. S’il n’y a pas de retour dans l’heure, nous préparons l’évacuation des élèves lors de la récréation suivante. » Par contre, dans le cadre des restrictions annoncées il y a quelques jours, le plan s’avère moins fluide. Première information : pour 85% des établissements scolaires du premier degré, l’arrêt de la distribution doit se faire le week-end pour éviter les déconvenues. Quid alors des 15% restants ? « Nous avons demandé que cela concerne des écoles qui ne sont pas en rotation et que les coupures se déroulent lors des demi-journées de cours pour adopter un rythme différent. Nous allons faire du cas par cas. » Si sur le papier, la stratégie semble rouler, sur le terrain, elle en est encore à ses balbutiements. « Évidemment, il y aura sûrement des trous dans la raquette mais nous réagirons de manière réactive, comme nous le faisons toujours. Nous avons essayé d’appréhender et de travailler en amont. Mais le réseau d’adduction d’eau à Mayotte révélera sûrement des surprises », prévient le recteur. Au total, sur les 188 écoles de l’île aux parfums, environ 25 risquent de connaître quelques désagréments… Seule certitude ? « Si c’est une coupure prévue, nous accueillons les enfants. »

Pas d’eau, pas d’école !

Un discours que le secrétaire départemental du SNUipp-FSU, Rivomalala Rakotondravelo, prend avec des pincettes. Le syndicaliste se montre tout simplement catégorique sur la question. « Quand il n’y a pas d’eau, les écoles doivent fermer. C’est un problème sanitaire majeur. Le lavage obligatoire des mains par exemple est une recommandation ministérielle. En clair, il nous demande de ne pas la respecter », s’interroge le directeur d’école, qui pointe également du doigt la problématique de la désinfection des établissements scolaires durant les coupures. Un faux débat pour Gilles Halbout : « Nous anticipons les nettoyages la veille et nous faisons quelques provisions pour faire tourner les toilettes. Et nous avons du gel hydroalcoolique. » Mais pas en quantité suffisante à entendre Stéphanie, qui s’est vue remettre une simple « petite bouteille ». Pas de doute, l’adaptation est le mot d’ordre. Mais jusqu’à quand ? « Nous allons adresser un courrier au syndicat et à l’inspection de la circonscription pour demander des moyens supplémentaires », confie l’enseignante, qui se met à la place des parents. « Je n’aimerais pas que mon enfant subisse tout cela à l’école. » Pour celui qui se fait surnommer Rivo, des mesures drastiques s’imposent. Il invite tout simplement ses collègues à « exercer leur droit de retrait ». « Qu’on arrête de jouer avec la santé des gens ! » Sera-t-il entendu ? Réponse dans les prochains jours…

*nom d’emprunt

 

5 semaines après son arrivée à Mayotte, la nouvelle cheffe de la LIC donne sa feuille de route

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Négociations avec les Comores, reprise des éloignements, lutte contre le travail clandestin… Les défis qui reposent sur Nathalie Gimonet, la nouvelle sous-préfète en charge de la lutte contre l’immigration clandestine fraîchement débarquée sur le territoire, sont multiples. Elle fait le point sur ses premiers constats et ses ambitions pour sa nouvelle mission.

Flash Infos : Vous avez pris la suite de Julien Kerdoncuf à la mi-août, qui s’est envolé pour Paris après deux ans à ce poste clé, inexistant avant son arrivée et pourtant stratégique pour le territoire de Mayotte. Quel a été votre parcours avant d’atterrir sur l’île aux parfums, pourquoi avez-vous fait le choix de reprendre ce flambeau et quels premiers constats faites-vous depuis votre arrivée ?

Nathalie Gimonet : J’ai passé huit ans dans les services de l’État, d’abord comme contractuelle sur des thématiques liées à l’Union européenne. Puis j’ai passé le concours de l’ENA et je suis arrivée à l’Inspection générale de l’administration, un service qui dépend du ministère de l’Intérieur, et où j’ai découvert beaucoup de problématiques relatives aux territoires ultramarins. C’est là que j’ai fait mes premières billes avant de venir à Mayotte. Je suis venue ici en premier lieu car je voulais exercer un poste très opérationnel et qui a du sens. La LIC répondait à ces attentes. Bien sûr, je ne peux pas tout mener de front à moi toute seule, mais avec les moyens mis à disposition, je pense qu’il y a matière à faire beaucoup de choses. Aujourd’hui, je constate que beaucoup a déjà été fait sur la coordination et le renforcement des moyens. Mais les défis restent nombreux, car nous avons affaire à un phénomène qui se renouvelle et est très évolutif, nous le voyons par exemple avec les passeurs, qui s’adaptent très vite. Donc c’est vraiment un travail considérable et je mesure l’ampleur de la tâche. Et déjà depuis cinq semaines, ce qui me mobilise c’est d’améliorer et d’optimiser la détection en mer, avec notamment le projet d’avion qui apporterait un soutien considérable aux effectifs en mer. En effet, j’ai eu l’occasion de partir en mer avec la brigade maritime de la police aux frontières. Ils encaissent un travail impressionnant ! Il faut le voir pour le comprendre : ils naviguent des heures durant à bord de ce petit bateau qui prend toutes les vagues de plein fouet, avec tout juste une tonnelle pour s’abriter en cas d’intempéries. Ils doivent récupérer des gens sur des embarcations de fortune, parfois faire face à des naufrages… Vraiment j’insiste, ils font un travail remarquable. Et crucial pour Mayotte, car il faut éloigner les personnes le plus tôt possible pour éviter qu’elles ne se fixent sur le territoire. Qui plus est, en ce moment, pour des raisons sanitaires. À chaque fois, nous procédons à des tests PCR sur les étrangers en situation irrégulière en mer et à terre et c’est vrai que nous avons plus de positifs à bord des embarcations, il y a donc aussi un enjeu sanitaire à les éloigner rapidement. 

FI : Où en sommes-nous des moyens mis à disposition de la lutte contre l’immigration clandestine ?

N. G. : Nous allons recevoir ce nouvel intercepteur, ce qui portera à trois le nombre de bateaux en surveillance des frontières maritimes 24h sur 24 et sept jours sur sept. Moi-même j’ai plusieurs idées que j’aimerais mettre en place notamment pour la surveillance. Je vous évoquais déjà ce projet d’avion, déjà présent à Mayotte, et qui pourrait être équipé pour anticiper encore davantage sur l’arrivée des embarcations. C’est une piste qui est en train d’être étudiée. Au niveau des moyens humains, pour la LIC en mer, entre les brigades de la gendarmerie et celles de la PAF, nous avons un peu plus de 70 agents. Ce à quoi il faut ajouter le concours de la gendarmerie maritime, d’ailleurs équipée de plus gros bateaux, qui peuvent rester plusieurs jours sur l’eau et peuvent eux aussi intercepter des kwassas. Ils font aussi du contrôle de pêche, ce qui est important pour la LIC car il arrive que des pêcheurs fassent traverser des étrangers, voire parfois qu’ils en embauchent. Et à terre aussi les effectifs ont été rehaussés, avec deux groupes de 40 agents pour le GAO, qui a repris son activité. Même si bien sûr ils n’avaient pas cessé de travailler, puisqu’ils contribuaient aux dispositifs de maintien de l’ordre. Aujourd’hui encore, ils font le maintien de l’ordre le matin et les interpellations l’après-midi, ils sont sur le pont sans discontinuer. S’il y a une chose à dire, c’est bien que la LIC dépend de la niaque de ces gens-là !

FI : Vous dites qu’ils ont repris leur activité, mais il n’y a toujours pas eu de décision formelle de l’Union des Comores pour réadmettre ses ressortissants depuis le début du confinement et la fermeture de ses frontières. Où en est-on des éloignements ?

N. G. : Il y a eu 900 personnes éloignées depuis le 6 août. Cela a été rendu possible par le fruit de négociations très intenses entre le ministère des Affaires étrangères, celui des Outre-mer et même avec le concours de l’Élysée, le plus haut niveau de notre diplomatie a été mis à pied d’œuvre pour permettre la reprise des éloignements. Mais ces chiffres restent très en-deçà de ce que nous attendons. Avant mars cette année pour un mois complet, nous tournions à 2.600 éloignements, et là nous sommes tombés à 900 pour un peu plus d’un mois. Donc ce qui m’occupe le plus actuellement, c’est bien sûr la normalisation de la situation avec l’Union des Comores.

FI : Même sans cette normalisation, le centre de rétention administrative a rouvert ses portes et accueillent à nouveau des personnes en situation irrégulière. Quelle est la situation ?

N. G. : Le CRA a en effet dû s’adapter vu la situation sanitaire. Les capacités d’occupation ont été réduites à une centaine de places, ce qui est encore le cas aujourd’hui. Cet enjeu sanitaire n’est pas pris à la légère, dès l’interception en mer, nous fournissons aux personnes des masques et du gel hydroalcoolique, puis nous les transportons au tri sanitaire où l’infirmier fait le point sur leur état de santé, ce qui permet déjà de détecter les symptômes. Si la personne est en bonne santé, elle est envoyée au CRA où il y a à nouveau du gel hydroalcoolique, avant d’accéder au point d’eau. Nous leur rappelons aussi les règles de distanciation, les gestes barrières… même si bien sûr, nous ne pouvons pas mettre un gendarme derrière chaque étranger. J’oubliais de préciser aussi que les personnes en situation irrégulière sont bien évidemment testées dans les 72h avant leur éloignement. Quant à celles qui sont testées positives au CRA, nous les envoyons depuis le 15 août au centre Abdallah Mami à Cavani avec l’opérateur Mlézi Maoré et non plus à Tsararano avec la Croix Rouge. 

FI : Certains syndicats ont pourtant fait part de leurs doutes et de leurs inquiétudes, de voir le CRA se transformer en “cluster”, alors que comme vous le disiez, des cas positifs ont été détectés chez les personnes en situation irrégulière en route vers Mayotte. 

N. G. : C’est très minoritaire. De ce que j’ai vu, l’esprit général est beaucoup plus sur une idée de “nous faisons le maximum”, que de “nous faisons ce que nous pouvons”. Et j’ai moi-même assisté à un éloignement, et j’ai vu les personnels du CRA désinfecter les locaux, c’était assez impressionnant, ils ont la tenue intégrale, ils nettoient absolument tout… Non, malgré ce qu’on a pu lire dans certains articles de presse, il n’y a pas de problème sanitaire au CRA. 

FI : Mis à part les éloignements, quelles sont les autres défis de la LIC que vous identifiez ?

N. G. : Il y a aussi tout le travail sur les perspectives, et donc la lutte contre le travail clandestin. C’est un travail constant. La DTPN prend sa part avec sa brigade mobile de recherche, composée de deux groupes : un premier chargé des enquêtes sur les filières de passeurs, et un deuxième chargé de la lutte contre le travail illégal et l’emploi de personnes étrangères sans titre de séjour. En tout, cela représente une quinzaine de personnes principalement en Petite-Terre mais avec aussi une antenne de Grande-Terre. Je suis sortie avec eux à deux reprises, et il arrive très fréquemment de tomber sur des travailleurs sans papier dès que nous nous arrêtons sur un chantier. Nous les entendons, et puis nous voyons rapidement les gens fuir à l’approche des agents. C’est pourquoi, il y a un gros travail de terrain, les enquêteurs y sont au moins deux jours par semaine. Le reste du temps étant occupé par les suites à donner, à savoir traiter l’employeur, le maître d’œuvre, le propriétaire… à chaque fois ce sont des dossiers avec énormément de personnes mises en cause. Et tout cela est complété par le travail du Gelic (groupe d’enquête sur la lutte contre l’immigration clandestine) en charge des plus grosses enquêtes sur les réseaux structurels, sur saisie du parquet. Enfin, il y a encore beaucoup à faire sur les reconnaissances frauduleuses de paternité. Là encore, j’ai plusieurs pistes à mettre sur la table. Je veux travailler avec les mairies et proposer des formations pour lutter contre ces reconnaissances frauduleuses. C’est quelque chose d’assez simple à mettre en place et nous pouvons le faire à moyens constants.

 

 

 

Et si la réponse à la crise de l’eau à Mayotte se trouvait… dans les arbres ?

Retenues collinaires, usine de dessalement, restrictions d’eau… Autant de sujets qui inondent le débat public depuis plusieurs semaines alors qu’une nouvelle pénurie s’annonce. C’est dans ce contexte que l’association des Naturalistes a tenu à rappeler le rôle que joue la forêt dans la préservation des stocks d’eau. Problème : année après année, celle-ci est toujours un peu plus détruite. Et les moyens déployés pour sa préservation sont encore insuffisants.

L’arbre ne cache pas seulement la forêt, mais aussi de précieuses ressources en eau. Alors que semaine après semaine, la préfecture durcit les mesures restrictives afin d’éviter l’épuisement prématuré des stocks avant la prochaine saison des pluies, l’association des Naturalistes a tenu à rappeler que les solutions pérennes se trouvaient aussi dans la nature. « On sait que le couvert forestier agit comme une éponge pour stocker les eaux de pluie : une étude de l’ONF de 2017 a établi que la plantation de 100 hectares de forêt augmenterait de 400.000m3 la disponibilité d’eau dans les rivières en saison sèche. » Une piste encore peu prise en compte à l’échelle du département, puisque chaque année, 300 hectares de forêts y sont détruits en moyenne, principalement par les cultures illégales et les opérations d’urbanisme. Ainsi, entre 1987 et 2002, 6.000 hectares boisés ont été perdus sur l’île aux parfums. « Il faut replanter au minimum 2.000 hectares de forêt dans les dix ans à venir », jugent les Naturalistes. Un effort qui serait encore très loin de compenser la végétation déjà détruites, Mayotte étant le territoire français le plus touché par la déforestation. Et le phénomène aurait même pris plus d’ampleur pendant le confinement, les contrôles sur le terrain ayant été moins nombreux. « À ce rythme-là, dans cinquante ans, il n’y aura plus de forêt à Mayotte », s’inquiétait alors Cannelle Phillips, du service des ressources forestières du Département. 

Les bienfaits du reboisement

« On nous dira sans doute que l’opération de reboisement coûte cher », anticipe l’association. « Mais l’eau dessalinisée de Petite-Terre (qui ne produit que 2.200 m3/jour, en dépit d’une capacité près de deux fois plus élevée, ndlr) revient beaucoup plus cher que l’eau pompée dans les rivières, sans parler des projets de très court terme comme les navires tankers ou l’importation d’eau dessalinisée en bouteilles », comme envisagé par le préfet la semaine dernière. Certes, le reboisement nécessite bien plus de temps dans sa mise en œuvre, mais ses avantages sont multiples : lutte contre l’érosion des sols et l’envasement du lagon, protection des habitats naturels et de la biodiversité, stockage de carbone afin de mieux endiguer le réchauffement climatique, protection contre les inondations et les glissements de terrain, et même créations d’emplois dans les métiers de la nature. 

Un agent tous les 100 hectares

Le tableau semble presque idyllique et pourtant, en 2019, seule une centaine d’hectares auraient été reboisés selon les Naturalistes, contre 400 partis en fumée, illégalement dans la grande majorité des cas. Pour leur président, Michel Charpentier, il y a donc urgence à créer la réserve naturelle des forêts à Mayotte, en chantier depuis trois ans. Et en attendant, « les moyens n’y sont pas » pour mener une surveillance suffisante contre les actes de destruction de forêt. Actuellement, le territoire compte une vingtaine de personnes dédiées à la protection de ces parcelles : près d’une vingtaine employées par le Département, cinq par l’Office national des forêts et presque tout autant par la Daaf. Or, “que ce soit pour des actions de sensibilisation, ou pour encourager les bonnes volontés dans le sens de l’agroforesterie, il faudra des moyens techniques, financiers et humains », estime Grégoire Savourey, chargé de mission biodiversité, océan Indien au comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature. Selon lui, un agent serait nécessaire tous les 100 hectares. Mais pas sûr, alors qu’une nouvelle pénurie d’eau se profile, que cette piste soit jugée prioritaire par les autorités… 

Promesses et nouvelles têtes : la préfecture de Mayotte fait sa rentrée

Avec une nouvelle équipe au complet, le préfet Jean-François Colombet a fait le tour des sujets phares de cette rentrée 2020. Une rentrée chahutée, alors que les problématiques liées à la sécurité, à l’immigration, ou encore à l’eau, s’accumulent à Mayotte, dans un département en proie à de multiples crises.

De nouvelles têtes et une feuille de route pour les mois à venir. Ce lundi à la Case Rocher, la préfecture faisait elle aussi sa rentrée. Objectif : présenter les nouveaux venus et surtout définir les grands axes sur les sujets clés pour cette fin d’année. Sécurité, lutte contre l’immigration clandestine, habitat illégal, développement économique et bien sûr crise de l’eau, le préfet Jean-François Colombet a souhaité brasser large pour cette présentation devant la presse, censée apporter des réponses alors que Mayotte vit une rentrée chargée d’incertitudes.

En premier lieu desquelles, les violences, “ce fléau qui préoccupe à raison les Mahoraises et les Mahorais et face auquel nous devons faire face”, a introduit le délégué du gouvernement, en préambule. Les deux nouvelles figures de la sécurité, le colonel chef de la gendarmerie Olivier Capelle et le directeur de la police nationale Sébastien Halm n’auront en effet pas eu trop le temps de se tourner les pouces. Mayotte connaît un regain de violences ces dernières semaines, qui a atteint un pic mercredi dernier, alors que des jeunes ont bloqué les axes principaux de la commune chef-lieu pour protester contre l’absence de bus scolaires. Pour mener à bien leurs missions, ils pourront toutefois compter sur les 430 policiers et gendarmes de plus qui sont venus grossir les rangs des forces de l’ordre, “du jamais vu pour un département français”, a insisté le préfet. Pour faire face aux multiples défis sécuritaires de l’île, d’autres moyens supplémentaires sont aussi dans les cartons, comme le renforcement du PSIG ou la création d’une brigade de recherche.

Un pacte de sécurité avec les communes

Pour autant, “la reconquête de la sécurité ne doit pas reposer sur la seule responsabilité de l’État, nous devons la porter tous ensemble avec les maires et les associations”, a souligné Jean-François Colombet, qui assistait justement ce samedi à une assemblée générale de l’UDAF. Dans les projets de la rentrée, et qui incomberont plus particulièrement à Laurence Carval, la nouvelle directrice de cabinet : la proposition d’ici la fin du mois de septembre d’un Pacte de solidarité avec chaque commune de Mayotte “pour que les maires s’engagent aussi à obtenir concrètement des résultats”. Le but de ces contrats : discuter des moyens de la police municipale ; organiser la répartition des tâches avec la gendarmerie et la police nationale pour assurer “le plus souvent possible la présence de forces de l’ordre et prévenir ainsi les faits de délinquance” ; remettre en place les groupes de médiation citoyens, le fameux réplica des maillots jaunes, déjà évoqués avant le confinement mais dont l’application se fait attendre ; installer une vidéoprotection, grâce à une enveloppe de 800.000 euros ; et permettre aux associations de quartier qui le souhaitent d’être cosignataires du pacte pour se mobiliser elles aussi pour la sécurité. Autre promesse de cette rentrée : la mise en place de patrouilles sur les sites les plus fréquentés, comme les sites de voulé ou les sites touristiques, sur des jours et des horaires qui seront communiqués régulièrement par voie de presse.

La LIC reprend doucement du service

Cette rentrée a aussi été l’occasion de faire le point sur l’immigration clandestine, sujet crucial pour Mayotte et qui incombera désormais à la nouvelle sous-préfète en charge de la LIC, Nathalie Gimonet. Le préfet a annoncé l’arrivée d’un nouvel intercepteur en octobre, qui viendra en complément des deux bateaux déjà en service 24h/24 et 7 jours sur 7. En 2019, ils avaient permis d’intercepter 330 kwassas soit 3.850 personnes. Jean-François Colombet s’est félicité de la hausse du taux d’interception, passé de 55% en 2019 à 75% en 2020. Une efficacité de la LIC qui a permis en 2019 d’éloigner 27.000 personnes en situation irrégulière. Et si le confinement a brusquement mis un coup d’arrêt aux activités de la LIC, elles auraient dû, d’après la tendance des premiers mois de 2020, atteindre un record de 31.000 reconduites cette année. Si 900 personnes ont pu être éloignées depuis le 6 août, les discussions vont bon train avec l’Union des Comores pour qu’elles réadmettent à nouveau formellement leurs ressortissants. Dernière annonce au sujet de la LIC : la piste de l’aérien a été évoquée. “Il s’agit d’une piste sérieuse pour devrait déboucher sur la mise en service d’un avion qui est déjà présent à Mayotte et qui sera dédié à la surveillance de cette partie de la mer”, a déroulé le préfet.

30 logements pour familles délogées

Autre défi pour la nouvelle équipe préfectorale : la lutte contre l’habitat insalubre. 10 bangas ont été détruits sur fond de loi Élan en juillet 2019. “Nous avons défini des zones avec la Deal en fonction des terrains les plus exposés aux risques et dès que nous serons sortis de l’état d’urgence sanitaires nous reprendrons ce chantier”, a expliqué Jean-François Colombet. Une sortie de cette période restrictive qui pourrait d’ailleurs s’annoncer plus tôt que prévu, et devrait être sur la table des prochains conseils des ministres. Une centaine de bangas en front de mer ont donc été identifiés pour ces destructions avant la fin de l’année. Étant donné que la loi Elan impose de reloger, le premier village relai qui devait émerger en juillet, devrait voir le jour à la fin de l’année : 30 logements pourront accueillir les personnes délogées, issues de bangas de Tsoundzou.

Poursuite de la piste longue

Côté économie enfin, le préfet a confirmé la poursuite du projet de piste longue, avec un deuxième comité de pilotage prévu le 11 décembre 2020. Le contrat de convergence, cette enveloppe de 1,7 milliard d’euros qui a permis de lancer 459 projets depuis le début de l’année 2019, fera quant à lui l’objet d’un nouveau comité de programmation fin septembre pour acter de nouveaux crédits à hauteur de 110 millions d’euros.

Mayotte face à la crise de l’eau

Questionné sur le risque d’une nouvelle pénurie d’eau, le préfet a refait le point sur les dispositifs qui pourraient être mis en place d’ici la fin de l’année. Déjà ce lundi, des tours d’eau nocturnes débutent sur toute l’île, de 16h à 8h du matin une fois par semaine. Des restrictions nécessaires selon Jean-François Colombet car “l’état des deux retenues collinaires est tel que si nous ne décidons de rien maintenant nous n’aurons plus aucune eau au mois de décembre”. Fin septembre, si la situation continue de se dégrader, ces tours d’eau pourraient passer à 24h, une fois par semaine. Une nouvelle crise de l’eau se profile donc, qui tient surtout de l’augmentation de la consommation, liée bien davantage aux “4.000 emplois créés l’année dernière”, qu’aux étrangers, “la consommation aux rampes d’eau étant de 0,8%”, a-t-il rappelé. Et aussi, faut-il le mentionner, au plan urgence eau de 2017, qui, trois ans plus tard, n’est pas arrivé à son terme…

 

Masques gratuits : la bonne action de l’OSIPH pour les familles mahoraises démunies

L’association qui vient en aide aux personnes vulnérables organise des distributions de masques dans les écoles pour les familles les plus démunies. Vendredi, elle s’est rendue à Majicavo et à Cavani.

“Ceux-là, c’est moi qui les ai cousus, avec d’autres personnes bien sûr”, lance Sylvie en montrant un sac Comema où s’entassent plusieurs centaines de masques colorés. “J’ai un petit talent de couturière donc j’ai voulu apporter mon aide”, poursuit la jeune femme avec un sourire modeste, que l’on devine malgré son masque. Ce vendredi matin, la bénévole est aussi venue prêter main forte pour distribuer le fruit de son labeur dans deux écoles de Mayotte, à Majicavo Koropa 2 et à Cavani Sud 1.

En tout, ce sont quelque 2.000 masques que l’association OSIPH (organisation de solidarité internationale pour les personnes handicapées) a offert gracieusement aux élèves et aux enseignants. Et elle ne compte d’ailleurs pas s’arrêter là. « Nous avons fabriqué près de 20.000 masques depuis le début du confinement en mars », souligne Papy Luyeye, le secrétaire de l’association. « Donc nous allons continuer à démarcher les écoles, et aussi les entreprises pour les distribuer gratuitement », assure celui qui est aussi couturier professionnel.

À l’origine de cette bonne action ? Un constat : la crise sanitaire a rendu le port du masque obligatoire pour tous les adultes et les enfants à partir de 11 ans. Récemment, un collectif de médecins a même recommandé de porter le désormais incontournable dès l’âge de six ans, une disposition déjà effective en Espagne. Or, tous les parents n’ont pas les moyens d’équiper leurs enfants, de retour sur les bancs de l’école. Une situation d’autant plus marquée à Mayotte, où 77% de la population vit encore sous le seuil de pauvreté…

Des parents démunis

« J’ai du mal à obliger les parents qui vont déjà à Solidarité Mayotte pour avoir à manger, à aller acheter des masques à deux ou cinq euros », témoigne en effet un responsable administratif de l’école Cavani Sud 1. « Donc oui, cela va nous rendre un très très grand service », poursuit-il en récupérant avec moults remerciements le sac que lui tend un membre de l’association. D’autant plus que si l’école élémentaire Cavani Sud 1 n’est en théorie pas censée accueillir d’élèves de plus de 11 ans, la réalité est toute autre, nombre d’écoliers ayant déjà un ou deux ans de retard au moment de leur inscription.

Un travail collectif

« L’association a commencé par cibler quelques écoles où il y a des familles démunies », rapporte Sylvie, l’animatrice bénévole de l’OSIPH. Une bonne action qui fait un peu partie de l’ADN de la structure, nous explique son secrétaire Papy Luyeye. « Notre association vient en aide aux personnes handicapées, et aussi à toutes les personnes vulnérables. Et c’est devenu d’autant plus important avec cette crise de la Covid, qui a touché tout le monde. » C’est ainsi que dès le début du confinement, le couturier a voulu mettre son savoir-faire à profit. Mais il n’a pas été le seul à fabriquer les 20.000 masques, réalisés selon la norme Afnor, que l’association garde désormais dans ses cartons. Outre le travail patient des bénévoles et amateurs de couture, l’association a reçu l’aide de la boutique de tissus Comema et de la maison de couture Kitoko. C’est ainsi qu’elle a pu se fournir gratuitement, et coudre sans relâche sur une douzaine de machines mises à disposition des bénévoles. Un travail collectif donc, qui a permis de réussir cette opération, « venue tout droit du coeur », sourit Papy Luyeye.

Coup de balai dans le centre-ville de Mamoudzou

Vendredi, le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla, a annoncé son grand plan pour lutter contre l’économie informelle. Renforcement de la présence des forces de l’ordre, signature d’un pacte de sécurité avec la préfecture et création d’espaces dédiés à des activités sont les trois grands axes de travail. L’objectif : faire de la ville chef-lieu un territoire apaisé.

La fin d’une ère se profile-t-elle sur la place Zakia Madi de Mamoudzou ? C’est en tout cas le souhait de la nouvelle majorité et plus particulièrement de son maire, Ambdilwahedou Soumaïla, qui a paraphé ce vendredi un arrêté municipal, entrant en vigueur dès ce lundi, pour lutter contre l’économie informelle. En ligne de mire : les vendeurs à la sauvette qui font subir une concurrence déloyale aux commerçants du marché couvert, mais aussi ceux qui font prospérer les trafics de stupéfiants et de faux papiers, sans oublier les acteurs à l’origine d’incivilités, de délinquance routière et de prostitution. L’objectif ? « Préserver la tranquillité, la salubrité et l’emploi. » Une sorte de promesse qui résonne comme une bouffée d’oxygène en cette période troublée alors que la ville chef-lieu a connu une succession de caillassages et d’affrontements d’une violence inouïe entre jeunes désoeuvrés, automobilistes et forces de l’ordre. « Nous, services de l’État, justice, collectivités locales, parents, associations et société civile, devons agir. Chacun, à son niveau de responsabilité, doit être acteur. »

Pour ce faire, « on a changé de méthodes, de paradigmes ». Première décision avec l’ouverture 24 heures sur 24 d’un bureau annexe de la police municipale en plein cœur de la zone pour mettre en place « une surveillance dynamique dans le centre-ville », situé à quelques encablures de la barge, synonyme de porte-d’entrée sur Grande-Terre. Avec l’appui quotidiennement de la police nationale et périodiquement de la gendarmerie. « Ensemble, nous allons créer les conditions pour se sentir en sécurité. » Face à ce défi de taille, la municipalité prévoit l’installation d’une brigade canine d’intervention rapide ainsi que le renforcement des patrouilles d’agent de surveillance de la voie publique (ASVP) à pied ou à vélo. Preuve qu’Ambdilwahedou Soumaïla ne prend pas ces annonces à la légère, avec l’éclairage depuis jeudi soir du parking, « un espace sombre propice aux trafics ». Symbole d’une première pierre fondatrice !

« La confiance des échanges n’exclue pas les contrôles »

Quid alors du sort de ces femmes et de ces hommes priés de ne plus pointer le bout de leur nez ? À ce sujet, le maire de Mamoudzou explique les avoir reçus le samedi 29 août pour leur rappeler qu’ils se trouvent sur un territoire de droit et de devoir, et que par conséquent, ils doivent « respecter les règles qui nous régissent ». Ainsi, le premier magistrat envisage de leur proposer « des espaces dédiés » – sur un lieu encore inconnu pour le moment – à condition de « payer les droits ». Une manière de « soutenir ceux qui souhaitent créer de l’emploi ». Une main tendue dans un jargon politiquement correct. Mais il prévient que « la confiance des échanges n’exclue pas les contrôles », précisant que ces derniers ne relèvent pas de sa responsabilité. « Ce n’est pas notre vocation de vérifier s’ils sont en règle ! » En clair, il leur offre un semblant de régularisation et se dédouane en cas d’expulsion de l’île.

Cerise sur le gâteau, Ambilwahedou Soumaïla annonce également d’autres mesures étatiques pour accompagner les siennes. « Avec le préfet, nous allons signer fin septembre un pacte de sécurité pour la ville. » Si les contours de celui-ci restent encore flous à l’heure actuelle, il est question de lancer un message fort aux citoyens : « Désormais, vous pouvez venir tranquillement, Mamoudzou est un territoire apaisé. Vous êtes chez vous ! » Réponse lundi donc pour voir si les vendeurs à la sauvette respectent leur part du contrat ou si les courses poursuites avec les policiers repartent de plus belle…

Le Monsieur chiffres de Mayotte fait son bilan

Quand il est arrivé, la connaissance démographique du territoire n’en était qu’à ses balbutiements. Mais en sept ans passés à la tête de l’Insee à Mayotte, Jamel Mekkaoui a permis de livrer à la population et aux institutions des données économiques et sociales capitales à la compréhension de Mayotte, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’y construire une politique de développement. Aujourd’hui, le Monsieur chiffres de l’île s’envole pour La Réunion, où un nouveau poste de responsable de la division études l’attend. Entretien.

Flash Infos : Au moment de votre arrivée, il y a sept ans, presque aucune étude démographique, économique et sociale n’avait été menée à Mayotte. Pourquoi ces statistiques, qui permettent d’orienter les politiques publiques, sont-elles arrivées si tardivement ?

Jamel Mekkaoui : Quand nous sommes arrivés, le système n’était pas convergent et il était très éloigné de ce qu’on connaissait. Par exemple, on ne savait pas combien de personnes décédaient chaque année, c’était assez extraordinaire. Les premières statistiques sur les décès, on les a faites en 2016 ! Mais c’est aujourd’hui un système complètement équivalent à la métropole, et c’est aussi pour ça qu’on réussit à avoir des statistiques de décès sur le Covid-19. Mais on fait des recensements à Mayotte depuis les années 50, donc les chiffres du recensement par exemple, on en dispose depuis très longtemps. Nous, on s’est posé la question de l’ancrage de ces chiffres dans le territoire. Je crois qu’à une époque, on n’a pas su ou pas pu mettre en avant ces données-là. Mais la départementalisation a bien accéléré les choses et aujourd’hui l’Insee est au centre de l’échiquier du débat public, mais ça n’a pas été évident. Il a fallu être pertinent, être écouté, et c’est le fruit d’un travail minutieux. On a monté beaucoup de partenariats avec les acteurs locaux, malgré cette polémique éternelle du recensement.

FI : En effet, en 2017, l’Insee recensait 256.500 habitants sur l’île. Pourquoi ce chiffre est-il tant remis en question ?

J. M. : Pour moi, c’est un débat qui est clos. On entend souvent que le résultat n’est pas bon, mais tous les arguments techniques mis en avant en ce sens nous donnent plutôt raison. On nous disait souvent qu’il y avait forcément plus de monde du fait, par exemple, de la consommation de riz, nettement supérieure à la métropole. Sauf que cela corrobore nos résultats : si on divise la consommation ou l’importation de riz par la population de Mayotte, on arrive à 80 kilos par personne et par an, ce qui correspond exactement à ce qui est mesuré par l’ONU aux Comores. S’il y avait vraiment deux fois plus de population, ça se verrait dans les statistiques qui manqueraient de cohérence. Autre exemple, on se situe en moyenne entre quatre et cinq enfants par femme. S’il y avait beaucoup plus de population, forcément que les 10.000 naissances aboutiraient à un taux de fécondité inférieur, ce qui nous donnerait deux ou trois enfants par femme. Ce qui ne correspond pas du tout à la réalité du territoire. D’autre part, quand je suis arrivé il y avait déjà une polémique très forte autour du recensement, alors nous nous sommes attachés à associer très fortement les communes pour ne pas retomber dans les mêmes polémiques. Mais aujourd’hui, nous pouvons affirmer avec certitude que le chiffre est bon.

FI : Quelle méthode avait alors utilisé l’Insee pour procéder à ce recensement ?

J. M. : On a mis des moyens bien supérieurs à ce qui se fait en métropole, puisqu’on avait un budget d’1,7 million d’euros. C’est énorme pour ce genre de travail. Nous avons ratissé et cartographié tout le territoire et ses logements pendant six mois puis on a soumis notre expertise aux mairies pour qu’ils nous donnent leur avis. Après, on a embauché 600 agents (alors que l’Insee en compte une vingtaine au total en temps normal, ndlr) sur le terrain qui généralement étaient issus des quartiers ou des villages considérés par la collecte afin de recenser tous les logements : on estime à 2 ou 3 % ceux qui n’ont pas été recensés. En fait, je crois que la contestation de ce chiffre est si forte à Mayotte, que même si nous avions recensé 400.000 habitants, on nous aurait dit qu’il y en a en réalité 600.000… Derrière cela, ce qui est ennuyeux, c’est cette idée qu’on est une forme de cabinet noir qui sous-estimerait volontairement les chiffres pour défavoriser le territoire. À cela, je tiens à répondre que nous sommes totalement indépendants, et on n’est d’ailleurs pas toujours suivis par les services de l’État.

FI : Pourquoi entend-t-on fréquemment parler de 400.000 habitants à Mayotte ? Un chiffre qu’avance souvent le député Mansour Kamardine, pour ne citer que lui…

J. M. : C’est un consensus local, et un argument politique puisque le recensement sert aussi à adapter les politiques publiques aux réalités du territoire. Et aujourd’hui, quand on voit les investissements, ils n’arrivent pas à suivre puisqu’ils reposent sur des données qui ne tiennent pas compte de la croissance démographique, puisque la population a doublé en 20 ans… C’est aussi une façon de dire qu’on n’arrive pas à gérer la population parce qu’elle est mal comptée, ce qui n’est pas le cas.

FI : Le prochain recensement n’aura lieu qu’en 2026. Pourquoi ? À la vitesse où la population mahoraise grandit, les six ans de carence à venir ne risquent-ils pas justement d’influencer dans le mauvais sens les politiques publiques ?

J. M. : Jusque-là, nous procédions à un recensement exhaustif tous les cinq ans. Mais les élus ont souhaité que le dispositif converge vers la méthode nationale qui consiste elle à recenser une partie du territoire chaque année pour tout cumuler au bout de cinq ans pour avoir un recensement total. Or, il a fallu envisager une méthode adaptée à Mayotte. Une première campagne va débuter l’année prochaine, puis les autres les années suivantes. La conséquence inévitable, c’est en effet l’absence de données issues du recensement jusqu’en 2026. Mais on s’est assuré qu’il n’y ait pas de sous-estimation de la population d’ici là puisque c’est un enjeu très fort. Concernant la prochaine campagne, beaucoup de moyens techniques ont été mis en place, avec des ingénieurs de très haut niveau pour que la méthodologie puisse répondre aux exigences nationales, tout en prenant en compte les particularités de ce territoire, qui y compris au niveau des statistiques, ne ressemblent à aucun autre en France.

FI : L’une des particularités du territoire est son taux de pauvreté et d’insalubrité. D’ailleurs, les villages identifiés comme les plus précaires semblent être les plus marqués par les émeutes ou les agressions…

J. M. : Tsoundzou est l’un des villages les plus défavorisés de Mamoudzou, Kahani compte la part de logements en tole la plus importante de l’île. C’est difficile de faire une corrélation, mais cela ne semble pas être une coïncidence. On observe une spatialisation assez forte de la pauvreté. Cela est dû d’abord au fait que certains villages soient plus ou moins attractifs aux populations étrangères, et le lien entre pauvreté et flux migratoire me semble assez évident. On voit au cours des dernières années qu’il y a eu des arrivées nombreuses des populations étrangères, et dans le même temps, il y a un départ tout aussi massif des natifs de Mayotte qui vont s’installer en métropole ou à La Réunion. Donc assez mécaniquement, l’arrivée de populations pauvres et le départ de celles qui le sont moins conduisent au maintien du territoire dans une forme de paupérisation, majoritairement à Mamoudzou, Koungou et Dembéni. Parallèlement, on remarque qu’il n’y a « que » 15 % d’étrangers à M’tsamboro et Bouéni. Cela reste deux fois et demi plus grand que la moyenne nationale, mais pour Mayotte c’est très faible.

FI : Finalement en sept ans, dans quel domaine relevez-vous les évolutions statistiques les plus significatives ?

J. M. : Le constat qu’on fait de manière globale, c’est que les cinq dernières années sont marquées par assez peu de convergence dans le modèle économique et social, puisque les indicateurs sociaux et démographiques ont assez peu évolué : une personne sur deux étrangère, 40 % de logements en tôle, et 30 % sans eau, un taux de pauvreté qui même s’il a baissé reste assez important puisque 77 % de la population vit encore sous le seuil de pauvreté métropolitain. Et ça, on remarque que ça ne bouge pas, ou peu. L’élément qui a beaucoup changé en revanche, c’est qu’entre 2003 et 2014, on était entre 7.000 et 7.500 naissances par an à Mayotte. Depuis 2015, on est passé à 9.000 et ça continue de monter. Aujourd’hui, on est sur un territoire qui avoisine les 10.000 naissances, et ça, ça change beaucoup de choses. Ça veut dire qu’on est dans un territoire où les politiques de maîtrise de la fécondité ont été très efficaces dans les années passées, mais on voit qu’elles sont moins efficientes aujourd’hui. Mais tout ça, je vais continuer de l’observer depuis La Réunion, où j’aurais toujours la responsabilité de contribuer à la réalisation des études sur Mayotte. J’y suis très attentif, car c’est un territoire si particulier…

L’agriculture à Mayotte, entre méfiance institutionnelle et optimisme

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Mercredi, le Département a présenté les orientations stratégiques pour l’agriculture de Mayotte d’ici 2030, le premier document stratégique dans ce domaine. Si les trois grands axes ont fait l’unanimité sur le papier, les agriculteurs ont émis quelques doutes quant à sa réalisation sur le terrain, en raison de l’absence d’élu référent en charge du secteur et des prochaines élections départementales.

« Aucune majorité ne s’est intéressée à l’agriculture depuis Bamana », regrette Ishak Ibrahim, exploitant agricole depuis 5 ans à Ongoujou. Le triste constat porté par l’éleveur de bovins intervient à l’occasion de la présentation des orientations stratégiques pour l’agriculture (OPA) de Mayotte d’ici 2030. Si l’assemblée se montre satisfaite sur « la forme », elle pointe du doigt l’absence d’interlocuteurs dédiés du côté du conseil départemental. « Par moment, nous étions en contact avec le vice-président chargé de la culture ou du tourisme. Et aujourd’hui, nous sommes face à celui qui s’occupe des fonds européens », se désole celui qui a repris l’exploitation familiale, à la suite d’une reconversion professionnelle.

Pourtant, ce document inédit pose les bases pour permettre à la profession de se projeter dans un avenir agricole durable et pérenne sur l’île aux parfums. Un secteur d’activité qui représente ni plus ni moins 5% du produit intérieur brut mahorais. Le premier axe souhaite valoriser ce corps de métier auprès du grand public, tant sur le plan de la promotion des produits locaux que sur celui du renforcement de l’attractivité du métier d’agriculteur pour encourager l’installation des jeunes. L’objectif ? Renforcer la confiance de ces amoureux de la terre. Le deuxième point consiste à soutenir le développement d’une agriculture performante, pour renforcer la résilience du territoire. L’idée suppose de combiner professionnalisation et tradition mais aussi d’intensifier et de renforcer les actions de régulation du foncier agricole. Une denrée rare dans le 101ème département… Sans oublier d’accompagner la montée en compétences des « paysans » comme ils aiment se définir et les actions de mutualisation. Le troisième volet vise à organiser l’action du conseil départemental en faveur d’une agriculture durable et inclusive.

Un pessimisme ambiant

Malheureusement, cela ne semble pas suffisant à entendre Daouriou Siaka, éleveur de volailles et cultivateur de vanille depuis 2012 à Poroani. « Je ne pense pas du tout que cela va changer quoi que ce soit si derrière il n’y a pas d’enveloppe budgétaire pour nous soutenir. Je suis pessimiste ! », livre-t-il quelques minutes après n’avoir reçu aucune réponse à ses interrogations émises pendant la présentation concernant le devenir de l’agriculture traditionnelle. Pis encore, il se révolte contre les chambres consulaires, absentes ce mercredi, qui sont censées mettre en place les directives, et fustige en particulier la chambre d’agriculture, de pêche et d’aquaculture. « Il faudrait peut-être que la direction des ressources terrestres et maritimes du Département l’englobe car elle a la technicité pour améliorer les choses. » À l’inverse d’Ishak Ibrahim, qui exige la création d’un poste de vice-président en charge de l’agriculture, et donc d’une commission agricole, pour porter la voix du milieu au sein de l’assemblée. « Sinon ça ne bougera jamais ! C’est ce qui manque pour mettre en route ces OPA. Sans représentant de la collectivité dans les réunions, nous n’allons pas nous en sortir. » Mieux, il invite la majorité à le faire avant les prochaines élections départementales prévues au mois de mars, histoire de lancer un message fort. « Peut-être que les futurs élus prendraient alors en considération cette fonction », avance-t-il. Une proposition balayée immédiatement d’un revers de la main par Mohamed Sidi, prétextant un nombre maximal de vice-présidents… Soit ! Sauf que la mise en œuvre de ce document dépend de l’approbation et l’appropriation de ses propositions par toutes les acteurs, car il s’agit d’une approche partenariale. Et selon Magoume Gaye, chargé de mission des affaires agricoles et maritimes au secrétariat général pour les affaires maritimes (SGAR), « le préfet n’est pas très content des résultats pour l’agriculture et la mer ». Alors au boulot !

Au coeur de Kawéni, le MAN océan Indien répare bien plus que de vieilles cafetières

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Le mouvement pour une alternative non-violente de l’océan Indien ouvre les portes de son local pour donner une seconde vie aux appareils en panne. Et aussi aux plus démunis. Reportage.

Dans le petit local à l’entrée de Kawéni, les effluves de café se mêlent aux odeurs de sciure de bois. Comme pour changer des gaz lacrymogènes, qui n’ont eu de cesse, ces derniers jours, d’envahir la route principale à quelques mètres de là. Ici, pas de place pour la violence. En revanche, vos bricoles cassées ou amochées sont les bienvenues. Le mouvement pour une alternative non-violente de l’océan Indien (Man-OI) a lancé en février dernier le premier Repair Café de la région et des Outre-mer, rattaché à la fondation Repair Café d’Amsterdam. Stoppée en vol pendant le confinement, la petite structure reprend doucement du service.

“Excusez le bazar, on vient tout juste de faire quelques cendriers avec des palettes”, glisse Diane, la service civique secrétaire en charge de la communication, qui fait le tour du propriétaire. Dans l’atelier, les copeaux de bois jonchent en effet le sol et les tables, à côté des perceuses et des scies. Les cendriers en question sont gravés du sigle MAN et d’un petit dessin. Vendus cinq euros les petits et sept les grands, ils font surtout objets de récup’, avec une vieille canette glissée à l’intérieur. Le tout dans l’esprit même du Repair Café. “Le concept, c’est de recycler pour éviter que tout se retrouve dans la rue. L’atelier est né grâce à un appel à projet, en partant du constat qu’à Mayotte, beaucoup d’appareil électroniques étaient laissés à l’abandon et accentuaient la pollution”, déroule la jeune femme. Or, souvent, il suffit de bien peu pour leur donner une deuxième jeunesse : sur la cinquantaine d’objets passés sur le billard depuis le lancement, seuls trois ou quatre n’ont pas pu être réparés. “Une fois, on a même eu une lampe où on a juste eu à changer l’ampoule…”, se souvient-elle, le sourire en coin.

Tutos et partage de connaissances

Désormais, chacun peut donc venir réparer à peu près toutes ses babioles. Sauf, peut-être, le gros électroménager, par manque de place. Cordonnerie, menuiserie, informatique… le petit local est même équipé d’une machine à coudre, qui a permis de “fabriquer des masques pendant le confinement”, raconte Christine Raharijaona, la présidente de l’association. Ouvert du lundi au samedi, il accueille tout le monde, du cadre en entreprise aux enfants des bidonvilles, et tourne presque gratuitement. Pour venir réparer son ustensile, il suffit d’un petit coup de fil et d’une consommation – café ou jus de fruit -, pour les moins favorisés, et de cinq à dix euros, en fonction de l’objet à bricoler, pour les plus aisés.

Mais attention ! Chacun doit mettre la main à la patte. Si le Repair Café a su s’entourer de bénévoles professionnels du coin, qu’il mobilise à chaque réparation, le propriétaire de l’objet est lui aussi toujours mis à contribution. “Tout est basé sur le partage de connaissances, pour que chacun gagne en autonomie, et évite à l’avenir de jeter ses vieilles machines dans la rue ou les rivières”, souligne Pierre, un autre service civique de l’association. Avec Diane et Sarah, ses deux acolytes du jour, ils ont d’ailleurs tous appris sur le tas, grâce à des tutos diffusés sur un écran dans l’atelier et à l’aide des bénévoles professionnels.

Transmettre la non-violence

C’est d’ailleurs cet effort collectif qui a permis d’aménager le local, dans lequel l’association s’est installée depuis 2019. Juste à côté de l’atelier, un canapé, trois chaises, une table et des étagères fabriqués à partir de palettes constituent un petit salon cosy, idéal pour une pause lecture entre deux coups de tournevis. Les curieux peuvent y découvrir les écrits sur la non-violence, et bien sûr son texte fondateur, “La Communication non-violente au quotidien”, de Marshall B. Rosenberg. C’est aussi dans ce petit espace que le MAN accueille un samedi par mois des enfants pour une journée de contes et de yoga. “On fait le tour du quartier pour voir s’il y a des intéressés, et on se rend compte que ça leur fait du bien, certains ont même hâte de pouvoir revenir la fois suivante !”, se réjouissent les volontaires.

Car l’ambition du MAN-OI va plus loin que le recyclage. Engagé contre la violence, la pauvreté, la délinquance, les atteintes à l’environnement, le mouvement couvre un large panel d’activités. Pour la rentrée, tous les effectifs de l’association étaient ainsi sur le pont, au lycée des Lumières Mamoudzou Nord, pour des ateliers sur la non-violence. Une première cette année, puisque ce genre de prestations était d’ordinaire réservé au milieu carcéral. Formations à la parentalité, alphabétisation, lavage auto écologique… L’association organise aussi des maraudes les vendredis ou samedis tous les 15 jours dans les quartiers sensibles, pour proposer des jeux coopératifs aux jeunes ou juste discuter. “Le but, c’est de les accompagner et de leur montrer qu’ils ne sont pas délaissés et abandonnés, car quand ils s’ennuient, c’est là où ils font n’importe quoi”, analyse Diane. Leur prochaine virée est justement prévue aujourd’hui, à Majicavo Dubaï et M’Tsapéré. Et au vu des récentes échauffourées, leur action non-violente risque bien de ne pas être de trop.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes