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Outre-mer : Face à la vie chère et aux inégalités, des politiques publiques encore inadaptées, note le CESE

Passengers wearing protective face masks get off a boat upon their arrival in Mamoudzou, on the French Indian Ocean island of Mayotte on June 5, 2020, as measures to curb the spread of the COVID-19 (novel coronavirus) are maintained on Mayotte over concerns about the continued spread of the virus there and a fragile health system. (Photo by Ali AL-DAHER / AFP)

La Délégation à l’Outre-mer a dressé un nouveau tableau au vitriol de la situation sociale des Outre-mer. Pour les rapporteurs, le fruit de ces inégalités trouve son origine dans une crise du pouvoir d’achat. Mais des solutions existent.

Comme un disque rayé. Une nouvelle étude du Conseil économique, social et environnemental brosse un portrait exhaustif bien que par trop connu des inégalités sociales dans les Outre-mer, sources de fractures toujours plus profondes de la société et “d’atteintes au Pacte Républicain”. Et la crise Covid ne risque pas d’adoucir le trait : “le choc économique et social suite à la crise sanitaire s’annonce extrêmement brutal et ses conséquences seront de grande ampleur”, prédisent les rapporteurs. À Mayotte, cette pandémie “a fait ressurgir aux yeux de tous, les conditions de vie misérables d’une grande partie de la population”, de même que dans certaines des communes de La Réunion ou dans les îles isolées de Polynésie française.

Pour autant, les racines de ces inégalités sociales et économiques sont plus profondes. La Délégation à l’Outre-mer du CESE s’est d’ailleurs saisie du sujet dès le mois de janvier 2020. Objectif, alors : étudier les liens entre pouvoir d’achat et cohésion sociale dans les Outre-mer, dans le contexte particulier de la “vie chère”, l’une des principales causes de mécontentement des populations ultramarines. “C’est le sens des revendications de pouvoir d’achat et de justice sociale exprimées lors de mouvements sociaux répétés depuis de nombreuses années, signes d’un mal-être qui perdure”, écrit le bureau du CESE dans sa note de saisine du 28 janvier dernier. Le premier du genre ? La grève contre la “vie chère” en 2011 à Mayotte, qui avait duré 46 jours et causé un décès, retracent les rapporteurs en introduction de leur rapport.

Un avis consultatif

Certes, le CESE, une assemblée constitutionnelle composée des représentants sociaux, émet des avis purement consultatifs. Reste que ce nouveau tableau sur la situation des Outre-mer a le mérite de faire une piqûre de rappel. Et pourrait, qui sait, orienter les futures politiques publiques. Car “il est indispensable d’aller au-delà des réactions d’urgence et d’apporter des réponses de long terme. Les Outre-mer présentent des sociétés fracturées par une pauvreté qui ne cesse d’augmenter. Il y a urgence à s’attaquer à cette grave difficulté qui mine le pacte social et la cohésion républicaine”.

Un constat qui résonne tout particulièrement à Mayotte, où les récents déferlements de violence peuvent aussi s’analyser au prisme de ces inégalités qui se creusent. À ce sujet, l’avis insiste sur le taux de pauvreté du département le plus mal noté, avec 84% de la population sous le seuil national. Certes, ce taux est passé à 77% en 2018 d’après les dernières statistiques de l’INSEE, mais cette évolution apparente cache des inégalités qui se sont accentuées en parallèle. En 2018, les 10 % les plus aisés avaient ainsi un niveau de vie plancher 6,8 fois supérieur au niveau de vie médian de la population. Soit quatre fois de plus qu’en 2011 !

2,50 euros une baguette à Mayotte

Premier facteur d’inégalités, une crise du pouvoir d’achat, fruit d’une faiblesse des revenus et d’un niveau des prix élevé. “Le pouvoir d’achat et la cohésion sociale sont fortement liés en Outre-mer” et “le fait de payer les mêmes produits bien plus chers que dans l’hexagone, révolte profondément les consommateurs qui se sentent pris au piège”, poursuit le rapport. Et là encore, le 101ème département n’est pas en reste : récemment, le prix d’une baguette de pain à 2,50 euros avait provoqué un tollé sur les réseaux sociaux.

L’échec des politiques publiques sur les prix

Situation de monopole, éloignement dû à l’insularité, octroi de mer… Les facteurs de cette “vie chère” sont multiples mais les rapporteurs soulignent que “la régulation des prix par les autorités publiques (État, Autorité de la concurrence, délégué interministériel à la concurrence en Outre-mer…) peine à faire baisser les prix significativement et durablement”. Le fameux “Bouclier qualité-prix” (BQP) instauré grâce à la loi Lurel du 20 novembre 2012 montre ainsi des signes d’essoufflement. Non seulement, les consommateurs ne connaissent pas suffisamment les produits inclus dans le panier, mais les distributeurs ont pu, de leur côté, adapter leurs marges… Sans parler des inégalités de revenus, les paniers des classes les plus aisées tirant les prix des produits de grande consommation vers le haut.

Pas de couverture sociale pour 70.000 personnes

De leur côté, “les plus fragiles sont particulièrement vulnérables à l’augmentation des prix des denrées alimentaires”. Les revenus des ménages sont alors fortement dépendants des aides sociales. Or, à Mayotte, l’alignement des prestations sur celles de l’hexagone n’est toujours pas achevé : 70.000 personnes ne seraient pas couvertes par la protection sociale, d’après des données de la Caisse de sécurité sociale croisées avec le recensement de l’INSEE de 2017. Qui dénombre 256.518 habitants, un chiffre que beaucoup accusent d’être en deçà des réalités. Dans le viseur du CESE, justement : les biais des analyses statistiques qui “conduisent systématiquement à minorer les difficultés rencontrées par la population. Il en résulte des politiques publiques qui ne tiennent pas compte de la pauvreté extrême à laquelle est confrontée plus de la moitié de la population, et jusqu’à 84,5% à Mayotte”.

Les leviers de l’économie régionale et locale

Dans les solutions pour vaincre ce cycle infernal qui lie vie chère et inégalités sociales, le CESE évoque pêle-mêle l’alignement des prestations sociales sur le droit commun mais aussi une adaptation des normes commerciales européennes aux réalités des territoires, ce qui permettrait une meilleure coopération régionale. En effet, à Mayotte comme dans la plupart des territoires ultramarins, la dépendance à la métropole et le manque de relations commerciales avec les pays voisins constitue un frein à la compétitivité des prix. Enfin, le soutien d’une économie locale durable et diversifiée est un levier indispensable pour créer de l’emploi et améliorer le pouvoir d’achat. L’exemple de la coopérative de commerçants indépendants “Macodis” à Mayotte en est la preuve. Ces treize commerçants indépendants, regroupant seize magasins ont “donné l’opportunité aux fournisseurs locaux d’accéder aux canaux de distributions.” À la clé, une réduction des coûts d’achat de 15 à 30% ! Comme quoi, Mayotte aussi peut avoir le bon rôle…

 

M. Kamardine : 43 questions au gouvernement pour ne plus dire « On ne savait pas »

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Entre le 18 août et le 6 octobre, le député LR Mansour Kamardine a posé une ribambelle de questions aux 43 membres du gouvernement Castex. Par cette action, le parlementaire met les ministres et les secrétaires d’État devant leurs responsabilités. Tous seront amenés à se pencher sur la situation de Mayotte, puisque tous les sujets sont abordés : social, travail, santé, éducation, enseignement supérieur, écologie, économie, développement, infrastructures, justice, armée, culture, famille, enfance, agriculture, collectivités, eau, Europe, entreprises, relations internationales, sécurité, immigration, port, logement… Débriefing. 

Flash Infos : En un mois et demi, vous avez interpellé les 43 membres du gouvernement. Cela ressemble à une véritable prouesse parlementaire, même si à ce jour, seul le ministre de la transition écologique vous a répondu… Pourquoi les avoir tous sollicités ?  

Mansour Kamardine : D’abord, il faut savoir qu’en tant que député, nous avons un quota de questions à poser chaque année. J’ai donc utilisé ma liberté de parlementaire ! Les sujets posés sont extrêmement importants et participent à l’édification de Mayotte dans la France. Je souhaitais réaliser cette démarche pour sensibiliser chaque ministère à l’existence de Mayotte. Contrairement à ce que nous pensons, Mayotte n’est pas très connue à Paris, certains ministres oublient l’existence du 101ème département par moment… C’est une action de sensibilisation. L’esprit général qui a justifié le dépôt de ces 43 questions était de faire en sorte qu’aucun membre du gouvernement ne puisse dire : « Ah, je ne savais pas ». J’ai horreur de cette expression !

Après, bien sûr que j’aurais aimé que les réponses viennent assez vite. Autant le député a la liberté de poser les questions, autant le gouvernement a la liberté de répondre dans un certain délai… Souvent, les sujets de notre territoire sont méconnus, donc le gouvernement cherche à comprendre et à instruire la question pour apporter des réponses concrètes. Je ne peux pas encore crier au loup alors qu’ils sont dans les délais.

FI : Certaines de vos questions reviennent régulièrement sur le devant de la scène, à l’instar de la construction des écoles et du dimensionnement de la base navale à Mayotte. N’avez-vous pas le sentiment de parler dans le vide lorsque vous évoquez l’île aux parfums ? N’y a-t-il pas la possibilité de fédérer davantage votre groupe parlementaire pour appuyer vos revendications ?

M. K. : Si j’étais fatigué, je ne me serais pas engagé dans cette bataille. Si je me suis présenté, c’est pour continuer l’action de nos aïeux. Mayotte est française parce qu’elle est perspicace et qu’elle a des convictions. Je ne suis que le prolongement des revendications de mes prédécesseurs. Je suis totalement engagé et déterminé pour faire entendre la voix de Mayotte, j’ai été élu pour cela. Et j’assume cette charge jusqu’en juin 2022 !

Je ne suis pas dupe, quand nous regardons ce qui a été fait, il est des questions où le gouvernement répond tardivement, expliquant que telle ou telle chose n’est pas envisageable chez nous. Mais à force de conviction et de détermination, nous arrivons à nos fins. Quand j’ai interrogé le gouvernement sur le rectorat de plein exercice, il a été décidé de sa création trois mois plus tard. Idem pour l’Agence régionale de santé et la piste longue. Aujourd’hui, le gouvernement nous demande de réfléchir sur le bilan de la départementalisation. Je ne désespère pas qu’avec cette réflexion, la priorité sera mise sur les chantiers structurels que nous connaissons tous ! Il ne faut pas se désarmer au premier rejet, il faut toujours remettre le pied à l’étrier.

Concernant mon groupe parlementaire, vous n’avez pas été sans remarquer que des collègues ont pris la parole en mon nom lorsque j’ai été testé positif au Covid-19. J’ai cette fierté d’appartenir à un groupe qui soutient Mayotte dans sa quête vers une intégration plus importante.

FI : Selon vous, quels ministres peuvent réellement faire bouger les choses et avoir un impact concret et immédiat sur le territoire ? 

M. K. : Le ministre participe à une action gouvernementale, mais il est vrai que nous pouvons en avoir certains plus engagés et qui ont un poids plus important que d’autres. Je pense, par exemple, aux ministres de l’Intérieur et des Outre-mer. Ils ont une sensibilité politique un peu plus prononcée que leurs précédesseurs. Il y a un espoir, en espérant qu’il ne soit pas déçu… Après, est-ce que le gouvernement entendra les appels unanimes des élus, notamment sur l’affectation de la dotation de fonds européens qui nous est due, à savoir 850 millions d’euros, pour les investissements de Mayotte ? Si le gouvernement accepte de remettre l’autorité de gestion au conseil départemental, nous sentirons une volonté de sa part d’associer les Mahorais dans un esprit de co-construction. Et à ce moment-là, nous placerons les élus devant leurs responsabilités et leurs électeurs. Si l’État accepte de mettre la même somme, nous financerons assez largement ces infrastructures qui permettront de nous asseoir dans le positionnement géographique qui est le nôtre et qui est envié par tout le monde. Nous avons un certain nombre d’hommes politiques au gouvernement qui peuvent nous appuyer. Nous verrons à l’acte parce qu’il n’est pas question de donner un chèque en blanc !

FI : L’attaque du commissariat de Champigny a fait la Une de tous les journaux nationaux. Dans le même temps, de nouveaux affrontements entre bandes rivales se déroulaient à Passamaïnty et Doujani, provoquant des blessés graves et des évacuations sanitaires. N’est-ce pas un aveu de l’abandon de l’État à Mayotte ? 

M. K. : Complètement ! En réalité, Mayotte est devenue française par réfraction. Donc nous n’avons pas senti de 2012 à aujourd’hui une véritable volonté de prendre en compte l’effet départemental à Mayotte. Nous ne pouvons pas imaginer que tous ces actes de violence ne soient pas portés à la connaissance des ministres… Quand la métropole subit un dixième des violences que nous connaissons ici, un ministre se déplace immédiatement ! Peut-être faudra-t-il attendre des morts pour les faire réagir… En attendant, des Français, qui sont des citoyens sur un territoire de la République, sont victimes chaque jour. Nous sommes en droit de nous poser beaucoup de questions ! Ils peuvent ignorer ces faits de violences pour nous décourager. Mais les Mahorais continueront à s’accrocher, comme une moule à son rocher, à la France, notre patrie et notre Nation, car nous avons fait ce choix multiséculaire. Nous considérons être Français, nous ne sommes pas de ceux qui ont deux nationalités.

L’exemple de la tenue des Assises de la sécurité au mois de novembre montre qu’il y a une espèce d’évolution des rapports entre l’État à Mayotte et les élus mahorais. Après son élection, Ambdilwahedou Soumaïla, le nouveau maire de Mamoudzou, a repris à son compte cette proposition que j’ai défendu pendant un an et demi et le préfet a reconnu sa pertinence. Nous pouvons aussi pointer son courage pour interdire la vente à la sauvette. Hier, c’était une mesure inimaginable. Aujourd’hui, tout le monde la salue ! Il faut absoluement que les élus acceptent d’assumer leurs responsabilités aux côtés de l’État pour voir si celui-ci nous accompagne derrière…

FI : Le Garde des Sceaux a par ailleurs annoncé sa volonté de visiter le 101ème département avant la fin de l’année. Celui-ci a proposé que les délinquants soient pris en charge par l’armée. Serait-ce une bonne nouvelle pour lutter contre la recrudescence de la violence selon vous ?

M. K. : Il nous faut un vrai plan de développement de la justice à Mayotte, avec la création d’une cour d’appel et d’un véritable palais de justice. Mais aussi la nomination de magistrats suffisamment expérimentés. Je n’ai pas reçu d’information concernant son éventuelle venue. Plusieurs signaux forts ont été envoyés ces derniers jours, avec la condamnation à six ans de prison ferme du patron de la brigade anti-bac et l’arrestation de trois individus en réponse aux affrontements du week-end dernier. Il faut persister dans cette direction ! Voire même aller encore plus loin et les envoyer à la prison de Koki pour exécuter leurs peines. Cela ferait réfléchir leurs pairs qui ne craignent pas de se faire incarcérer au centre pénitencier de Majicavo…

Quand je repense à Mayotte il y a une cinquantaine d’années, nous n’avions rien. Pourtant, nous n’avons pas versé dans la délinquance car nous avions des parents responsables. Quand nous commettions une faute, tout le village pouvait nous le reprocher. Aujourd’hui, il faut que les parents assument leurs responsabilités. Nous ne pouvons pas imaginer un gamin de 13 ans errer dans les rues à 22h… Le préfet a crié sur tous les toits qu’il allait reconduire aux frontières les parents dont les enfants ont commis des violences. Je n’en ai pas encore vu les résultats ! Il faut arrêter avec les discours et agir. Nous avons besoin d’un centre d’éducation pour mineur. Il faut réfléchir au développement de la capacité d’accueil du RSMA. Mais nous ne réglerons jamais le problème de la délinquance tant que nous n’aurons pas résolu le problème des flux migratoires. Dans l’accord-cadre de juillet 2019 signé avec l’Union des Comores, il est prévu un dispositif de reconduite des mineurs auprès de leurs familles. Il faut que cette action se mette en place très rapidement.

 

 

Génération Ayiti – Volume 7, histoire d’un dérapage incontrôlé à Mayotte

Leur clip a fait couler beaucoup d’encre. Et est désormais source de nombreux regrets, en premier lieu de la part du collectif Génération Ayiti qui l’a porté. Si les jeunes rappeurs reconnaissent un dérapage, ils se désolent aussi du manque d’accompagnement qui aurait pu leur permettre de l’éviter. 

La peine est lourde. Et le résultat des nombreuses condamnations qu’a suscité la diffusion de leur dernier clip, Génération Ayiti – Volume 7. Ils s’appellent Citron, Kibama Djack, Kiss, Darmi ou encore Jeune Riche et sur le parking du Koropa, ils se désolent du procès qui leur est fait. “Je ne comprends pas, on a juste voulu copier ce qui se faisait ailleurs, frapper un grand coup pour faire le buzz. C’était rien d’autre qu’un gros délire”, plaide Citron, l’aîné du collectif de jeunes rappeurs de Majikavo. Un “gros délire” qui ne passe pas au vu du contexte actuel : la présence d’armes en tout genre et les propos peu amènes, voire carrément menaçants ont notamment poussé le Collectif des citoyens de Mayotte à porter plainte pour “menaces de mort, port illégal d’armes, incitation à la haine, incitation à la violence et atteinte à l’ordre public”. Rien que ça.

“Les images mettent en scène des jeunes menaçant et brandissant des armes à feu avec des paroles menaçant clairement la population mahoraise et les forces de l’ordre. Dans le contexte de violences contre les personnes qui terrorisent Mayotte avec des émeutes sanglantes, des agressions par les coupeurs de route, des incendies volontaires et des barrages installés par les bandes de délinquants comoriens en situation irrégulière, cette vidéo vise à intimider davantage la population et alimenter les tensions communautaires. Sans action forte de l’État pour ramener l’ordre et punir les fauteurs de trouble qui se vantent sur les réseaux sociaux, Mayotte va basculer dans la guerre civile”, poursuit l’association politique dans sa lettre aux autorités.

Derrière la violence, la recherche d’unité 

Pourtant, du côté de Majikavo, on réfute toutes les – mauvaises – intentions qui sont prêtées à Génération Ayiti. “Partout, on voit des clips avec des armes et lorsque c’est nous, on porte plainte sans jamais essayer de venir comprendre notre démarche. Nous n’avons jamais voulu être menaçants, ce n’est pas du tout l’objectif”, répond Kiss, tout en admettant que le message véhiculé par leur clip ne joue pas vraiment en leur faveur. “Encore une fois, on copie, on fait comme dans les clips du monde entier où les gars font les gangsters mais tout le monde sait bien que ce n’est que de la musique et de l’image”, tente de justifier Darmi qui officie en parallèle comme médiateur. “C’est vrai que l’on n’a pas été conscients de l’effet que ça pouvait avoir sur le territoire, surtout en ce moment, mais nous on est complètement détachés de ça, on n’est pas du tout des voyous. Je crois qu’on a fait une connerie en voulant faire le buzz”, poursuit-il, avant d’expliquer les réelles motivations de ce tournage.

“En fait, on tourne un clip tous les ans, l’idée c’est de rassembler tous les quartiers de Majikavo, d’oublier les bandes et s’amuser tous ensemble à travers le clip. Ça fait des journées où les grands comme les petits s’investissent, oublient leurs différences et ne sont pas à trainer. L’objectif c’est vraiment ça, de rassembler tout le monde, d’être unis au moins une fois dans l’année”, développe Darmi. Une démarche bien lointaine donc, du message qui semble être véhiculé. “C’est vrai… Et c’est vraiment dommage parce que si on avait été accompagnés avant, plutôt que d’être jugés après, tout aurait été différent. Mais personne est là pour nous guider, ici il n’y a rien. On se cotise avec nos petits salaires pour payer le tournage et les sessions studio alors forcément quand on est dedans, on veut juste être dans le délire.”

Le manque d’accompagnement pointé du doigt

Et l’on copie à outrance des images tournées en métropole ou ailleurs dans la course au buzz. À la différence près que ces dernières paraissent pour leur public de l’évidente fiction et qu’ici, les chombos et les machettes courent les rues. “Je n’avais pas vu ça comme ça… C’est vrai… Après, on explique quand même aux petits que ce n’est qu’un clip, pas la réalité mais bon, il y a aussi tous les autres… Bon mais voilà aussi, nous on essaye de faire notre truc pour kiffer et personne est là pour nous accompagner. On vient nous juger après, alors que c’est avant qu’il faut venir nous donner des conseils s’ils ne veulent pas que l’on dérape. Nous, on ne demande que ça franchement ! Mais personne veut nous voir aller de l’avant”, reprend l’aîné de la bande.

De tous bords, c’est l’incompréhension. Et l’illustration d’un dialogue au point mort qui, pour certains, ne demanderait qu’à être rétabli. “On serait capable de faire plein de choses, oui on serait capables de faire de la musique avec des jeunes de Kawéni, de porter des messages positifs, mais pour cela il faut que l’on soit accompagnés, qu’on puisse se retrouver à l’extérieur”, assure le collectif tout en promettant de “se rattraper avec le prochain clip”. Sans oublier une dernière pique. “Ils profitent du moindre faux pas pour nous stigmatiser, mais s’ils voulaient vraiment que ça fonctionne, on aurait des structures, un encadrement qui nous aurait fait réaliser qu’on allait trop loin”, considère l’un des chanteurs visé. Balle au centre.

 

 

Au collège de Doujani, police et rectorat donnent une autre réponse à la délinquance

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Après un week-end marqué par les affrontements entre bandes rivales de Passamaïnty et de Doujani, les vacances scolaires ont pris un autre départ cette semaine, avec la signature d’une nouvelle convention pour le Centre de Loisirs Jeunes, une association de la police nationale qui veut prévenir la délinquance.

“Qui parmi vous est à Doujani au collège ?”, lance le recteur Gilles Halbout à la trentaine d’enfants qui lui font face sous le préau de cet établissement scolaire, en ce premier mardi de vacances. Au milieu de la flopée de jeunes bouilles, seules quelques petites mains timides s’élèvent. Les autres ? Ils viennent de Passamaïnty, de Kwalé, ou des hauteurs de Doujani. “L’idée c’est d’accueillir tous les jeunes des quartiers environnants. Depuis lundi, on a des enfants de toutes les classes sociales, de la mairie, et même des jeunes qui ne sont pas scolarisés”, confie Thierry Lizola, policier responsable du bureau partenariat et prévention. Avec son président et chef du service territorial de la sécurité publique, Sébastien Halm, il pilote les actions du CLJ, le Centre de Loisirs Jeunes. Cette structure associative de la police nationale, dont l’antenne locale a été lancée en 2019, vise à prévenir et diminuer la délinquance juvénile et à favoriser l’insertion sociale des jeunes.

Après le collège K1 en 2019, c’est donc au tour de Doujani de se lancer dans l’aventure, aux côtés de la police nationale et du rectorat. Ce mardi, le recteur Gilles Halbout et le commissaire Sébastien Halm signaient une nouvelle convention aux côtés de Philippe Chatelard, principal du collège Nelson Mandela, et son homologue de Kawéni, Christophe Jacquet. Par ce gribouillis de bas de page, le représentant de l’Éducation nationale permet à l’association d’accueillir les mineurs de 9 à 17 ans, et d’utiliser les infrastructures des deux établissements dans le cadre de ce centre de loisirs. À terme, le CLJ entend bien s’implanter un peu partout sur l’île. “Aujourd’hui, le recteur nous prête ces locaux, mais nous avons vocation à en ouvrir sur tout le territoire. Pour le prochain, nous visons Kwalé”, développe Thierry Lizola.

700 jeunes sur deux semaines

Une façon de récupérer les jeunes dans les rues “avant qu’ils ne soient repris par des délinquants”. Le centre entend pour ce faire lutter contre l’oisiveté et proposer une action civique. Activités sportives, pédagogiques et aussi citoyennes doivent rythmer les deux semaines de vacances scolaires pour quelque 700 jeunes, soit environ cinquante par jour pour les deux établissements. Certains ont déjà pu participer à une virée sur le lagon en PMT (palmes, masque, tuba). Dans les prochains jours, séance cinéma, capoeira, et atelier tressage figurent aussi au menu.

Et pour en bénéficier, rien de plus simple : “on se poste devant les portes à partir de 7h30 et on accueille les enfants. Parfois, on doit même trier !”, décrit l’un des réservistes civils de l’association, qui encadre ces journées. Seule condition : l’âge des participants, entre 9 et 17 ans. Avec près de trente services civiques, ils sont une vingtaine de personnes issues de la société civile et recrutées par la police nationale, à animer ces centres de loisirs pendant les vacances. Le plus ? “Ces gens sont eux-mêmes issus de ces quartiers, d’où l’intérêt de leur participation à ce projet”, souligne Sébastien Halm, satisfait de voir le dispositif perdurer après avoir permis l’accueil de 2.000 mineurs pendant les mois de juillet et août.

Lutter contre les rivalités de quartier

L’enjeu, avec ce nouvel établissement partenaire, sera aussi que les groupes se croisent. “Dans le contexte que nous connaissons, avec ces rivalités entre villages, nous comptons aussi mettre l’accent sur la connaissance de l’autre. Des sorties seront organisées sur l’île, pour aller côtoyer les jeunes de Kawéni par exemple”, déroule le commissaire. De quoi, aussi, redorer l’image de la police auprès de ce jeune public. Une initiative qui ne sera pas de trop, au vu des récentes échauffourées qui ont à nouveau mis la commune chef-lieu à feu et à sang en fin de semaine dernière. “Les derniers jours ont été un peu tendus, cela fait du bien de souffler”, soupire Gilles Halbout avant d’aller trouver un peu de réconfort devant les enfants disposés en rang d’oignon devant leurs accompagnateurs. “On devine des sourires sous les masques, ça fait plaisir !”

 

 

ARS de Mayotte : La CFDT s’attaque à Dominique Voynet, qui rembarre toutes les allégations

La confédération française démocratique du travail a lancé un préavis de grève illimité au sein de l’agence régionale de santé (ARS) à partir de ce mercredi pour exiger un certain nombre de revendications, comme le départ du directeur de la Santé Publique, l’application d’un organigramme digne d’un établissement de plein exercice, la mise en place d’un nouveau programme régional de santé et d’un plan de formation individualisé. Toute une série de mesures que Dominique Voynet, la directrice générale, renvoie dans les cordes au cours d’une audioconférence « non prévue » lundi matin.

Sur le qui-vive depuis le début de l’année entre son émancipation de La Réunion le 1er janvier et la gestion de la crise sanitaire, l’agence régionale de santé (ARS) vit un nouvel épisode marquant dans sa récente histoire. Avec cette fois-ci un préavis de grève illimité lancé par la CFDT à partir de ce mercredi. Et leurs revendications sont multiples… « Il faut absolument arrêter l’hémorragie », plaide Kamalidine Dahalani, représentant syndical au sein du comité d’agence provisoire. « Elle fuit les discussions et fait croire que le dialogue est bon alors que nous faisons ce point presse sur le parking de la CSSM… » Une première missive qui annonce la couleur !

Parmi tous les points évoqués, l’un d’eux concerne le départ de l’actuel directeur de la Santé Publique. « Son maintien est incompatible car il était contre l’ARS Mayotte. » Et pour appuyer leurs propos, la quelque dizaine de colériques réunis ce lundi matin rappelle les 53 jours de grève en 2012 pour promouvoir l’égalité de traitement entre les deux départements d’Outre-mer de l’océan Indien ainsi que l’autonomie et le rééquilibrage des pouvoirs. « Il a contribué à la dégradation des conditions de travail des agents de la lutte anti-vectorielle. » Pas de quoi faire sourciller Dominique Voynet, la directrice générale, qui prône la prescription et qui se dit gênée de régler ce conflit après toutes ces années. « Nous voyons bien qu’il y a des problèmes personnels derrière [ce souhait]. »

« Nous ne sommes pas une armée mexicaine »

Mais les futurs grévistes n’en démordent pas. Au contraire. Aux yeux de Kamalidine Dahalani, l’ARS telle que nous la connaissons aujourd’hui ne rejoint en rien les espérances d’hier. « Nous nous sommes battus pour [en] avoir une de plein exercice, digne, de proximité, avec des valeurs humaines, pour mieux prendre en charge les besoins de santé de la population. » Selon eux, l’organigramme actuel fait défaut au bon fonctionnement de la structure, qui ressemble plus à du « bricolage » qu’à autre chose. Argument que réfute l’ancienne ministre, qui justifie « une organisation moderne, calquée sur celle du ministère de la Santé et des autres ARS », avec un secrétariat général – qui coordonne les ressources humaines, les finances, les marchés, les contrats, l’information – pour assurer « la solidité budgétaire et juridique des décisions qui sont prises dans tous les services ». « On me reproche la concentration des pouvoirs sous la houlette de la secrétaire générale, mais je ne l’ai pas mise en place puisqu’elle a été nommée par l’ancien directeur », se défend-elle. Avant de préciser qu’il apparaîtrait « un peu ridicule » de « créer neuf directions » et de « donner des postes à des gens qui ne relèvent pas de la direction ». « Nous ne sommes pas une armée mexicaine », ironise-t-elle.

Autre volet discordant : la formation. Là encore, la CFDT dénonce le mépris de Dominique Voynet, à l’égard des agents mahorais, qu’elle aurait qualifiés « d’incompétents ». Une attaque qui fait bondir la directrice générale. Cette dernière évoque un recrutement dédié à cette tâche et n’hésite pas à faire une piqûre de rappel. « Quand je suis arrivée, aucun Mahorais n’était chef de service. » Contre 5 aujourd’hui : Mayssoune Idaroussi au médico-social, Nassim Guy à la prévention, Alimo Mdjahila à la logistique, Kamal Dahalani à l’informatique et Anchya Bamana aux soins de premier recours. « Ils ont été tutorés par des pairs et ont suivi des formations. » Deux autres devraient suivre le même parcours dans un avenir proche. « Je ne suis pas là pour faire plaisir, mais je préfère nommer un candidat compétent et expérimenté qui a une vision sur le long terme à Mayotte. » En clair, que vous soyez un mzungu ou un natif de l’île, l’efficience prime sur les origines ! À l’instar du cas de Mouhoutar Salim, directeur général adjoint depuis le 1er août, dont le sort a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois. « Il incarne l’ARS auprès de la population et me représente dans beaucoup de réunions auxquelles je ne peux assister », justifie la directrice générale.

« L’arbitrage du ministère » pour le plan régional de santé

Enfin, Kamalidine Dahalani regrette l’absence de mise en place d’un plan régional de santé clair, net et précis. « Quand nous construisons une maison, la première des priorités sont les fondations. » Encore une fois, Dominique Voynet sort l’artillerie lourde pour contredire « le syndicaliste numéro 1, parti sur le chantier de guerre, [qui] est venu des dizaines de fois dans mon bureau [pour échanger] ». Sur ce dossier du PRS, la directrice générale clarifie le débat. « Il a été bâti à une époque où nous savions qu’il y aurait une scission avec La Réunion. Nous avons demandé l’arbitrage du ministère. » Et l’avis juridique devrait intervenir pour engager sa révision. La plus grande peur du syndicat ? Que la construction du second centre hospitalier n’y soit pas intégrée… « Nous l’intégrerons sans ouvrir la boîte de Pandore. Celui qui me convaincra de le réécrire pendant des mois n’est pas encore né », assure-t-elle, précisant au passage son déplacement à Paris en milieu de semaine pour évoquer les options du deuxième hôpital sur la façace ouest du territoire avec les ministres de la Santé et des Outre-mer.

Suffisant pour enterrer cette grève ? « Nous ne voulons pas lui mettre des bâtons dans les roues », mais « qu’elle se ressaisisse pour créer une vraie ARS », résume sobrement Kamalidine Dahalani. À l’heure actuelle, personne n’est en mesure de certifier sa tenue. Toujours est-il que Dominique Voynet semble avoir les reins assez solides pour atténuer ce brouhaha « d’un seul syndicat ». « Une partie des agents sont tombés de l’armoire en apprenant ce mouvement alors que nous organisons chaque mois une réunion de dialogue social depuis la création de l’ARS », confie-t-elle. D’autant plus que les élections syndicales, à la suite de la fusion des comités d’agence et des comités d’hygiène, sécurité et des conditions de travail, initialement prévues en mai ont été reportées à novembre… Hasard du calendrier ou véritables revendications ? Réponse ce mercredi.

Protection maternelle et infantile à Mayotte : trois jours pour établir le plan d’action 2021-2023

Le conseil départemental a invité les professionnels de la protection maternelle et infantile et les acteurs locaux à trois journées de réflexion pour définir les orientations stratégiques pour les trois prochaines années. Avec dans l’esprit de chacun, l’épineuse question des naissances, qui ont encore battu un record en 2019.

C’est ce qu’on appelle une session “brainstorming” ! Kakemonos hissés devant les portes de l’hémicycle, le conseil départemental de Mayotte s’est adonné à l’activité préférée de la nation “startup”, ce lundi, en conviant professionnels de la protection maternelle et infantile (PMI), acteurs locaux et associations pour un “atelier de réflexion stratégique”. Le but : définir un plan d’action pour la PMI sur le département, pour les trois prochaines années. “Je préfère avoir des objectifs réalistes que trop ambitieux, et trois ans me semblaient une durée raisonnable pour mettre en place un plan d’action”, explique le Dr Alain Prual, qui chapote les journées. “Ces trois jours doivent nous permettre de fixer les priorités en menant avec les professionnels et les parties prenantes une analyse approfondie de la situation… qui, si vous voulez mon avis, n’a jamais été faite avant cela”, glisse le nouveau médecin référent de la PMI, qui vient tout juste de prendre ses fonctions en juillet dernier.

À l’issue des trois jours, les participants seront amenés à formuler des “propositions concrètes qui engageront le Département dans la durée”, insiste quant à lui le vice-président en charge des affaires sociales, Issa Issa Abdou, venu lancer officiellement cette session d’ateliers. Une façon de rassurer l’assistance, alors que l’échéance électorale de 2021 approche. “Nous serons attentifs à vos travaux et nous mettrons en oeuvre vos propositions”, prend d’ailleurs le pas le Dr Abdoul-Karim Abaine, directeur général adjoint chargé du pôle santé, famille et enfance.

10.000 naissances et des défis multiples

Car il ne faudrait pas que le fruit de ce labeur finisse aux oubliettes à la prochaine mandature… surtout au vu des défis colossaux de la PMI dans un département abonné aux records, avec près de 10.000 naissances en 2019. Mais le manque de médecins, d’infrastructures, de matériel, rend la tâche des personnels en charge de l’accueil des familles et des enfants particulièrement ardue. “À M’tsangamoudji, on accueille presque tout le nord de l’île, et nos patients attendent en plein soleil. Ne serait-ce que pour demander un paravent, cela prend trop de temps !”, tance une femme dans l’auditoire.

Sans parler de l’enjeu migratoire : d’après les derniers chiffres de l’INSEE, les mères de nationalité étrangère, comorienne pour la plupart, donnent naissance aux trois quarts des bébés nés en 2019… “Comment toucher cette catégorie de femmes avec des campagnes comme “1, 2, 3, Bass” ?”, demande alors un autre participant, en référence à cette campagne des années 1990 qui avait permis de contenir les naissances. Et une autre de renchérir : “Il faut penser à l’autonomisation des femmes : on leur demande de prendre la pilule alors qu’elles ont d’autres préoccupations comme nourrir leurs enfants, et ça, ça ne passe pas par une pilule”, témoigne une infirmière. Ils auront l’occasion de répondre à ces enjeux au cours des quatre ateliers qui leur sont proposés, sur des thèmes allant de la santé de la reproduction, au suivi post-natal, à la prise en charge des mineurs, entre 0 et 6 ans.

L’argent ne manque pas

Car les problèmes de la PMI ne sont pas que financiers, bien au contraire. Alors que l’État a transféré cette compétence de l’aide sociale à l’enfance au Département depuis 2006, ce dernier hérite chaque année d’une enveloppe compensatoire, avec au moins 180 millions d’euros pour la PMI. De l’argent plutôt bien dépensé, puisque que quatre nouvelles structures, déjà financées, devront bientôt venir voir le jour, en plus des 17 PMI du territoire. “Celle d’Acoua est presque terminée, et d’autres sortent de terre à Bandrélé, Combani et Kani-Keli”, énumère Issa Issa Abdou.

Dans son dernier rapport, le Défenseur des Droits, qui alertait sur les défaillances du dispositif à Mayotte, notait ainsi, avis de la chambre régionale des comptes à l’appui, que “l’inertie du Département en la matière s’avère d’autant plus préoccupante que des financements supplémentaires lui ont été alloués par l’État”, et la collectivité dispose donc “des ressources pour assumer ses obligations”. Alors au remue-méninge !

Sdis 976 : Un mois après la grève, “on va de l’avant”

“Nous, nous ne sommes pas fatigués, s’il y a besoin d’un nouveau conflit social pour que les choses avancent, nous le ferons. Mais pour l’heure, ce n’est pas le sujet. On avance, il y a du positif.” Au pied du bâtiment abritant le quartier général du Sdis 976, Colo Bouchourani affûte son discours avant d’entrer en réunion avec les instances de direction du service départemental d’incendie et de secours. Car pour le porte-parole de l’intersyndicale des pompiers, pas question que ces réunions bimensuelles – comme le prévoit le protocole de fin de conflit – fassent l’impasse sur le ressenti des troupes.

Et ce jour, le porte-parole se devait d’alerter sur une question qui serait sur toutes les lèvres des hommes en bleu. Pourquoi avoir nommé un commandant “métro”, quand un commandant déjà sur place avait toutes les compétences requises pour le poste ? “Alors que nous attendons un directeur, nous avons fait venir au Sdis un commandant de métropole pour superviser et mettre en place le nouveau fonctionnement du service décidé à travers le protocole de fin de conflit. Pourtant, sur place, nous avons déjà un commandant qui est chef de site, chef de groupement, qui connaît le terrain et les hommes. Trois choses que n’a pas le commandant nommé. En plus de ça, on apprend que le Sdis 976 a payé à cette personne, avant qu’elle arrive, une formation que le commandant local a déjà. Forcément, on s’inquiète, on se pose des questions”, détaille Colo Bouchourani.

“Il est de notre devoir de demander des éclaircissements”

“Nous nous sommes rendus compte encore une fois que la direction ne faisait pas d’effort pour éviter ce sujet d’un éventuel conflit entre muzungus et mahorais. Pour nous c’est un sujet qui n’a évidemment pas lieu d’être. Le seul sujet qui compte, c’est celui des compétences et celui de vouloir travailler pour Mayotte. Mais dans ce cadre, on peut se poser des questions sur une éventuelle discrimination. Et là je parle pas forcément de discrimination envers les Mahorais puisque ce commandant local est Guyanais”, poursuit le porte-parole de l’intersyndicale avant d’entrer en réunion… Avec le commandant nommé en question et la présidente du Sdis. “Ce n’est pas clair et quand ce n’est pas clair, il est de notre devoir de demander des éclaircissements”, conclut le pompier.

Car pour lui, c’est une question de confiance qui se joue. “Oui les choses avancent dans le bon sens. Le dialogue a repris, on voit une présidente régulièrement alors qu’auparavant ces rencontres étaient trop rares, on voit que des travaux – même s’ils auraient dû être faits des années auparavants – sont en cours. Mais désormais, pour être en toute confiance, il faut que les choses, notamment les nominations, soient transparentes afin de ne pas alimenter d’éventuels conflits dont on ne veut pas.”

“Travailler pour Mayotte et non la voir comme un tremplin”

Voilà donc le message du jour à faire passer à la direction. Et à la sortie de l’entrevue, “on ne s’est pas empêchés de le souligner à la présidente et au commandant qui était présent”, explique avec une certaine satisfaction le syndicaliste. “Cette personne, à qui nous avons bien entendu précisé n’avoir rien contre elle, nous a entendus, elle s’est expliquée et nous a assuré qu’elle était là pour travailler pour Mayotte”, relate Colo Bouchourani, non sans un brin de scepticisme. Quoi qu’il en soit “le dialogue est là”, rappelle-t-il.

Et quid, dans ce cadre, des nominations à venir à la tête d’un Sdis désormais dépourvu de directeur et de sous-directeur ? “On sait que le poste a été publiée, mais pour l’instant nous n’en savons pas plus.” Les pompiers revendiqueront-ils d’avoir un directeur issu de leurs rangs ? “Pas du tout, ce n’est pas la question. En revanche, on revendique qu’il n’y ait pas de privilèges, juste des compétences. On s’en fiche d’où viendra notre prochain directeur, on veut simplement qu’il réponde au profil demandé, tant par ses compétences que sa volonté de travailler pour Mayotte, avec les Mahorais et non pas pour ses propres intérêts, en voyant le Sdis comme un tremplin comme on pu le faire certains”, développe le porte-parole. Et avec désormais ce même mot d’ordre des deux côtés : “On va de l’avant.” Sans toutefois oublier la devise des pompiers de Mayotte : Ra hachiri.

Trois gardes à vue, deux évacuations sanitaires : le lourd bilan des violences de vendredi à Mayotte

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Un règlement de compte entre des bandes de Doujani et de Passamaïnty a mis le feu aux poudres vendredi après-midi, provoquant de violents affrontements jusque tard dans la nuit.

Il est à peine 15h30 quand le bruit commence à circuler dans les rues, au sud de la commune chef-lieu. Vite, il faut fermer les grilles, rentrer chez soi, se barricader : des bandes de jeunes de Doujani et de Passamaïnty ont décidé d’en découdre ce vendredi après-midi. Déjà, on peut apercevoir des groupes dévaler la colline desséchée qui surplombe le collège de Passamainty. “Dans l’établissement, il n’y a rien eu, mais on pouvait les voir sur les crêtes. Les jeunes de Doujani ont commencé à faire tomber de grosses pierres et ceux de Passamainty montaient pour faire barrage. Puis les assaillants ont mis le feu à deux bangas, et les familles ont dû attendre devant, sur des matelas”, raconte le principal du collège, qui a dû interrompre la dernière heure de classe pour évacuer quelque 1.000 élèves à la hâte, sur les coups de 15h50. “La BAC est arrivée, mais ils nous ont dit qu’ils ne pouvaient pas rester, ils étaient appelés autre part, et que l’on ferait mieux de fermer”, poursuit le directeur d’établissement, dont le sang froid face à ces déferlements de violence a permis d’évacuer tout le monde sans encombre.

C’est que les heurts ne se sont pas concentrés uniquement sur les rond-points du collège, de Doujani et de Mtsapéré. À peu près au même moment, des individus armés de pierres et de couteaux déboulent depuis les rues de Cavani, poussant le supermarché Baobab à baisser les rideaux de fer pour mettre en sécurité les clients encore présents dans le bâtiment. Devant les yeux apeurés de quelques témoins qui ont pu filmer la scène, un jeune est alors pris à partie. La vidéo, qui a largement circulé sur les réseaux sociaux pendant le week-end, montre au moins cinq individus le mettre à terre, le rouer de coups et le laisser pour mort. Il sera évacué au CHM dans un état critique.

Trois victimes en réanimation

Au final, le bilan humain de cette soirée d’affrontements sera lourd. D’après nos informations, au moins quatre personnes auraient été hospitalisés, dont trois en réanimation. Une première victime a dû être évacuée le soir même à La Réunion, une deuxième le dimanche. Un policier a aussi été blessé légèrement alors qu’il tentait d’interpeller des individus au niveau du supermarché Baobab, et a pu être sécurisé grâce à l’intervention de ses collègues, dont l’un d’eux a dû sortir son arme de service. Tous les effectifs du commissariat, soit une trentaine d’agents, étaient mobilisés ce vendredi pour contenir ces violences d’une rare intensité, qui se sont étalées jusque tard dans la nuit. Entre 1h30 et 4h30 du matin, aucune ambulance, SMUR ou camion de pompiers ne partait en intervention, tant la situation était tendue.

Et ce jusqu’aux portes du CHM. “On a vécu au moins quarante-cinq minutes d’angoisse, quand une quinzaine de jeunes a fait irruption dans la soirée. Ils étaient assez excités, ils voulaient voir des amis à eux, mais nous refusions de les laisser entrer”, raconte un personnel soignant de garde cette nuit-là. Les deux agents de sécurité ne suffisaient pas pour contenir la bande, et il a fallu attendre l’intervention de la police pour les disperser. Entre les murs de l’hôpital, la nuit sera aussi longue… “En tout sur cette garde, on a dû recevoir une vingtaine de personnes avec des blessures plus ou moins graves, des jeunes mais aussi des victimes collatérales des affrontements, qui venaient d’un peu partout”, poursuit cette source.

 

La mairie de Mamoudzou partie civile

Alors que ces événements suscitent leur lot d’appels revanchards sur la toile, le préfet de Mayotte a réagi samedi en début d’après-midi par voie de communiqué. Le délégué du gouvernement a condamné “vigoureusement les violences entre bandes de jeunes survenues à Passamaïnty”. “Ces actes totalement imprévisibles sont absolument inacceptables. Ils ont mobilisé durant des heures les forces de la police nationale et les sapeurs-pompiers de Mayotte dans des conditions délicates”, a écrit le délégué du gouvernement en adressant ses remerciements à l’ensemble des forces engagées “pour rétablir l’ordre républicain face à des bandes de jeunes, quelquefois d’enfants de moins de 10 ans, lancés violemment dans des expéditions punitives entre villages qui relèvent d’un autre âge”.

De son côté, la mairie de Mamoudzou a aussi condamné ces agissements qui ont blessé au moins quatre personnes et qui ont causé des dégradations de plusieurs biens privés et publics. Appelant au calme et à ne pas diffuser des fausses rumeurs pour éviter d’attiser les tensions, la commune chef-lieu a annoncé se constituer partie civile et qu’elle déposera plainte en vertu de l’article 322-3 du code pénal disposant que : « est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende, la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien destiné à l’utilité publique et appartenant à une personne publique, et/ou lorsqu’elle est commise par plusieurs personnes, agissant en qualité d’auteur ou de complice. »

Deux enquêtes en cours

Confirmant des blessés “très graves”, le communiqué de la préfecture a assuré que des investigations seraient conduites “avec détermination pour identifier les auteurs et les remettre à l’autorité judiciaire”. Dimanche en fin de journée, au moins trois personnes étaient placées en garde à vue, dans des procédures distinctes : une dans le cadre d’une enquête pour les faits de Passamaïnty, les deux autres pour l’agression devant le supermarché Baobab.

Phénomène sismo-volcanique à Mayotte : 700 kg d’explosifs pour générer des ondes de choc

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Depuis vendredi, le bureau de recherches géologiques et minières procède à des tirs d’explosifs dans des forages de 25 mètres de profondeur pour générer une onde de choc dans le sol et permettre de relever des mesures sismiques grâce à 72 géophones placés entre M’Tsamboro et la plage de Moya. Des opérations qui requièrent la mise en place de dispositifs sous haute sécurité.

Samedi, 9h15. Passé le quartier de la maison du gouverneur, le véhicule du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) s’enfonce dans la malavoune. Les amortisseurs grincent au rythme des trous formés sur cette piste difficilement praticable. Un trajet de 15 minutes sous l’escorte d’un camion de gendarmerie qui mène jusqu’aux étincelles d’une meuleuse en action. Agenouillé et casque vissé sur la tête, un homme en découd painiblement avec un tube de ferraille, sortant du sol. Autour de lui, un autre s’emploie à baliser un périmètre inaccessible.

Pas moyen de pénétrer à l’intérieur de la zone délimitée. Même instruction pour les voitures tout terrain garées un peu plus loin dans une pente. La ribambelle d’ingénieurs s’apprêtent à tirer 70 kg d’explosifs dans ce forage de 25 mètres de profondeur, installé 2 mois plus tôt. « Nous veillons aux opérations de sécurité liées au minage et à l’environnement proche. Même si c’est un tir profond et très sécurisé, nous prenons le maximum de précaution pour qu’il n’y ait pas de promeneurs à proximité », souligne Jean-François Jaccard, directeur technique chez TitaNobel. D’où la présence quantitative de forces de l’ordre… « Dès que nous utilisons de l’explosif, que ce soit un tir de mine en carrière ou un usage pour une mission scientifique, les règles sont les mêmes ! » Mais un léger contretemps vient contrecarrer les plans de ces experts réunis pour l’occasion. La disqueuse en rade oblige l’un d’eux à terminer l’ouverture à l’aide d’une masse. En quelques minutes seulement, le cache se décolle.

Chaleur, gaz et énergie

Place alors à l’étape suivante : mesurer à quelle distance se trouve la source d’eau pour éviter que les émulsions fabriquées à Mayotte ne soient mouillées au moment de leur installation au fond du trou… Ceci explique donc le tas de gravier, dont l’utilité première « sert de bouchon au-dessus des explosifs pour que ces derniers génèrent une onde de choc dans le sol ». « Nous allons bourrer une quinzaine de mètres en granulat. Pour donner un ordre d’idée, 3-4 mètres suffisent sur des chantiers classiques », confie Jean-François Jaccard, qui rappelle que le principe de l’explosif est de se transformer en chaleur, en gaz et en énergie. « Pour vous donner une corrélation, l’énergie se disperse en fonction de la distance et du temps. Quand vous jetez un caillou dans l’eau, vous voyez une zone d’impact et des cercles concentriques », explique le directeur technique pour imager ses propos.

Peu avant midi, l’équipe finalise les préparatifs. « Nous essayons de maximiser l’effet de choc dans les configurations qui sont très particulières » sur le territoire. À savoir en plein milieu d’une forêt ce matin-là. L’évacuation des troupes est imminente ! Idem pour la mise à feu. Celle-ci s’active via un système radiophonique, contrôlé à distance. Pas de bruit assourdissant ni de tremblements sous les pieds en perspective. Ni même de résidus pour signaler la présence de scientifiques. « La partie explosive se détruit. Le bourrage descend et colmate le fond du trou. La tête sera ensuite retirée et bouchée. » Selon les dires, un simple « plouf » s’échappe lors de l’explosion. Pas sûr donc d’entendre quoi que ce soit lors des prochains tirs qui doivent se dérouler jusqu’à ce jeudi. Toujours est-il que pas moins de 700 kg d’explosifs auront, en tout et pour tout, été nécessaires à cette mission exceptionnelle, dont l’objectif consiste à mieux connaître la structure volcanique sous-marine et positionner les séismes.

Randoclean : “Nous voulons juste que Mayotte reste propre”

L’association Randoclean existe officiellement depuis début septembre, mais en réalité elle a commencé ses actions dès le mois de juillet. Son concept est très simple : faire de la randonnée tout en nettoyant sur son chemin. Ce samedi 17 octobre, pour sa cinquième excursion, la randoclean aura lieu au Mont Benara. Patrice Meresse, co-fondateur et trésorier de Randoclean, nous raconte leur motivation et leurs ambitions pour que l’île reste propre et attractive.

 Flash Infos : En quoi consiste le concept de randoclean et comment est-il né ?

Patrice Meresse : Je suis parti pendant 17 ans de Mayotte. Quand je suis revenu en vacances il y a deux ans, cela m’a blessé que mes anciens collègues militaires disent que mon territoire était beau mais sale. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas parler de tourisme ni de développement tant que Mayotte reste dans cet état d’insalubrité. Cela a été le déclic ! Alors avec les autres membres, nous avons voulu associer le sport à l’écocitoyenneté. Nous faisons des randonnées tout en nettoyant le parcours que nous empruntons.

 FI : Sur quels types de sites faites-vous les randonnées ?

P. M. : Nous choisissons surtout les sites touristiques de Mayotte comme le Mont Bénara, le lac Dziani, la pointe Mahabou, etc. Le but est de permettre aux parents d’emmener leurs enfants dans les randonnées afin que les petits prennent conscience de l’importance de nettoyer. Si nous leur apprennons dès le plus jeune âge, plus tard nous n’aurons presque plus besoin d’avoir des associations environnementales comme Randoclean car ils auront compris.

 FI : Vous choisissez délibérément des sites touristiques, mais pourquoi n’allez-vous pas dans les quartiers, dans les villages qui sont aussi très sales ?

P. M. : Notre objectif pour le moment est de faire connaître Randoclean. Le fait de choisir les sites touristiques nous permet d’avoir plus de monde. Par la suite, nous souhaiterions avoir des groupes de randoclean dans tout Mayotte, qui pourront nettoyer dans les villages. Et nous avons de plus en plus de monde. Lors de notre première randoclean en juillet au lac de Dziani, nous étions 26 et nous n’avons cessé d’augmenter. À la dernière randonnée, nous étions 150 personnes et à l’heure où je vous parle, nous avons 166 personnes inscrites pour le Mont Benara.

 FI : Cela fait beaucoup de monde. Comment est-ce que vous encadrez tout cela ? Partez-vous avec des guides touristiques et des agents de sécurité ?

P. M. : Nous sommes une association à but non lucratif donc nous n’avons pas de moyens. Nous sollicitions les communes pour leur demander un minimum de sécurité. Nous prévenons également la gendarmerie pour qu’elle sache que nous sommes sur un site et qu’il y a beaucoup de monde. Des fois, ils font des patrouilles et lors de la quatrième édition, la police municipale de Dembeni nous a accompagnés tout le long de la randonnée. Quant aux guides touristiques, leur présence n’est pas systématique, mais pour le Mont Benara samedi il y en aura un. Nous connaissons la montée, mais nous voulons qu’il nous explique l’histoire du site. Nous voulons que nos randonnées contribuent également à la culture de chacun.

 FI : Comment pouvons-nous faire pour vous accompagner ?

P. M. : Vous pouvez vous inscrire sur notre page Facebook Randoclean. Vous devez répondre à 5 questions : nous demandons si les personnes viennent accompagnées, si elles ont besoin de navette ou si elles peuvent aider les participants qui n’ont pas de véhicule en faisant du covoiturage. Mais nous avons aussi pleins de gens qui ne s’inscrivent pas sur le net et qui viennent marcher avec nous.

 FI : Cela vous est-il arrivé de retourner sur des sites que vous aviez nettoyé pour voir ce qu’il en était ?

P. M. : Oui, bien sûr. Certains sites sont restés propre, à l’exemple du lac Dziani. Et puis dans certaines zones, nous avons constaté que les poubelles n’étaient même pas ramassées après notre passage… Tous les jours, on nous dit que notre concept ne va jamais marcher. Mais au contraire, cela nous encourage encore plus, parce que si nous, natifs de Mayotte, baissons les bras, qu’allons-nous devenir ? C’est pour cela que nous voulons inciter les pouvoirs publics à faire de la propreté une priorité dans leurs politiques.

 FI : Avez-vous discuté de tout cela avec les autorités publiques ou les politiciens ?

P. M. : Nous commençons petit à petit. C’est la raison pour laquelle nous avons crée l’association Randoclean afin d’avoir plus de poids. Ainsi, nous pourrons leur dire la vérité. Nous nettoyons, maintenant c’est à eux de nous encourager en ramassant les poubelles quand nous avons fini. Nous ne sommes pas des politiciens, nous voulons juste que Mayotte reste propre. Que nous puissions aller dans des sites touristiques sans marcher sur des cannettes ou des bouteilles en plastique.

 FI : Quel l’objectif de l’association sur le long terme ?

P. M. : Notre objectif dans l’avenir est de donner la possibilité aux enfants qui n’ont pas beaucoup de moyens de venir faire la randoclean avec nous. Nous avons vu des enfants qui n’avaient même pas de tongues nous accompagner car ils aiment voir Mayotte propre. Donc il faut les encourager, les récompenser. Par exemple, lors de la 4ème édition, ils ont pu faire des ballades en poney, et ils ont adoré. Certains n’en n’avaient jamais fait. Nous aimerions aussi installer des poubelles dans les sites touristiques et dans les villes, parce que quand il n’y en a pas, nous incitons les gens à jeter par terre.

 

Brigade anti-bac à Mayotte : le chef de bande écope de 6 ans ferme en appel

En prison depuis un an, Ibrahim Azad, leader du gang qui avait terrorisé Passamaïnty en 2019, espérait réduire sa peine en faisant un recours de sa condamnation en première instance devant la chambre d’appel. Mauvaise pioche ! 

Il a l’oeil torve mais la dégaine aussi soignée qu’un rappeur des eighties. Bien droit dans son combo chaussettes blanches immaculées-claquettes et ses vêtements moûlants qui laissent deviner une imposante carrure, Ibrahim Azad se pointe à la barre avec défi. “J’étais assis et il s’est jeté sur moi. Il voulait me faire rentrer dans la voiture, mais je ne voulais pas parce que je sais ce qu’il se passe avec la BAC quand ils vous attrapent : ils vous emmènent dans la mangrove ou à Mahabou…”, assène le prévenu devant le président de la chambre d’appel.

Incarcéré depuis bientôt un an à Majicavo, celui qui est aussi connu comme le chef de la BAB, la Brigade anti-BAC, tentait en effet ce jeudi de réduire la peine prononcée à son encontre en octobre 2019 par le tribunal correctionnel. À l’époque, le leader de ce gang, qui avait semé la terreur à Passamaïnty, avait écopé de trentre-trois mois de prison pour des faits de violences aggravées sur personne dépositaire de l’autorité publique. Son compère, Ambdi Tadjiri, dit Le Boss, s’en tirait quant à lui avec deux ans de prison. Des peines déjà lourdes qui dépassaient les réquisitions du parquet en première instance.

Une interpellation vire à la scène de guerre

Il faut dire que les récits de cette journée d’émeutes font froid dans le dos. “C’était la guerre, voilà. Nous sommes des gardiens de la paix, dans un pays en paix, et nous nous sommes retrouvés dans une situation de guerre”, raconte avec toujours une vive émotion l’un des trois fonctionnaires de police pris à partie ce jour d’avril 2019. Tout commence par une interpellation. Une patrouille de la BAC, qui sillonne le secteur où sévit depuis plusieurs semaines la bande sanguinaire, identifie un suspect d’un récent caillassage. Alors que le policier tente de l’interpeller, Azad surgit pour s’interposer, permettant finalement au premier individu de s’enfuir, menottes au poignet. Coup de tête, morsures, main écrasée… la scène s’échauffe rapidement cependant que les deux autres agents identifient alors le nouveau venu, visé par un mandat d’arrêt. Mais les cris ameutent des jeunes aux alentours, venus prêter main forte au “Costaud”, bâtons, barres de fer ou pierres au poing.

“Tuez-les !”

“Là nous nous sommes retrouvés face à une bande très hostile, alors que nous tentions d’immobiliser Azad en chien enragé”, poursuit le policier. Puis les cailloux pleuvent, “pas en cloche comme à Paris pour impressionner les copains. Non ici, ils lancent pour tuer.” Un premier tir de LBD ne suffit pas et la situation dégénère. Tant et si bien que l’un des agents finit par sortir son arme létale, un 9mm brandi pour tirer en l’air. Nouveaux tirs de projectile, dont un “qui passe là, juste à côté de mon oreille”, mime le fonctionnaire. Qui sort lui aussi son arme de service, tout en réalisant la gravité de la situation, face à des jeunes de 14 à 20 ans. Il tire quelques balles, dont l’une va se perdre dans les bangas environnants. Mais Azad harangue ses troupes d’un “Tuez-les, ils ne sont que trois !”.

À l’issue des affrontements, les policiers ont reçu plusieurs blessures. L’un d’eux repart même avec soixante jours d’interruption totale de travail ! Mais le cauchemar ne s’arrête pas là. Même si en appel les juges statuent sur les pièces déjà versées en première instance, le fonctionnaire a profité de son temps de parole pour évoquer les menaces qu’il aurait reçu à la fin de l’audience correctionnelle qui mettait le holà aux activités d’Azad. Ainsi qu’un rapport de police selon lequel le chef de la BAB avait contacté des homologues de Kawéni pour leur proposer une alliance et de “s’armer pour s’en prendre aux fonctionnaires de la BAC”. Glaçant !

Un garçon dangereux

Et le prévenu n’arrange pas vraiment son cas. Face aux juges de la chambre d’appel, il ne montre aucune trace de repentir mais cherche plutôt à rejeter la faute. “Pourquoi c’est toujours moi, alors que j’ai rien demandé ?”, ânonne-t-il en guise de défense. “J’ai toujours été harcelé par la BAC, ils étaient toujours derrière moi, et ces violences c’était ma façon de dénoncer ces violences-là”, poursuit l’homme originaire d’Anjouan, qui a déjà fait l’objet d’une reconduite par le passé. Tantôt il tente de minimiser l’ampleur de la BAB et de son rôle de chef, “j’ai juste créé le nom”, tantôt il s’emporte contre “le tribunal médiatique” qui l’a déjà jugé selon lui. Un discours “mielleux”, pas du tout au goût de l’avocate de deux des fonctionnaires. “Il se pose en victime mais en réalité il s’agit d’un garçon dangereux, qui considère qu’il a droit de cité partout, qui crée un ennemi à un service de la police nationale, qui veut se créer un service de police à lui”, plaide Maître Mattoir.

L’avocate générale ne sera guère plus tendre. “Vous avez un individu qui se présente comme un ange et qui reconnaît à demi-mot être le chef d’une des bandes les plus violentes de Mayotte. Nous savons la pensée de ces groupes, c’est ‘‘nique la police’’, ‘‘nique la bac’’, et c’est ce qu’il essaie d’appliquer aussi aujourd’hui à la justice”, lâche sans détour Denise Lacroix qui réclame alors cinq ans de prison et une interdiction du territoire. Pour la deuxième fois, les juges trancheront plus sévèrement que le ministère public, en condamnant Azad à une peine de six ans d’emprisonnement et une interdiction définitive du territoire français. Quelques minutes plus tard, le caïd de Passamaïnty embarquait donc à nouveau dans le fourgon qui devait le ramener à Majicavo. Non sans un regard haineux à l’attention des policiers…qui risque bien de ne pas être le dernier : mis en examen pour tentative de meurtre, le prévenu pourrait bien avoir affaire à nouveau à la justice pour des faits criminels cette fois.

 

 

Le rectorat de Mayotte et la CCI s’engagent dans l’insertion professionnelle des jeunes

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La semaine école-entreprise se poursuit avec la signature d’une convention entre le rectorat et la chambre de commerce et de l’industrie de Mayotte ce jeudi 8 octobre. Par cette initiative, les deux instituions s’engagent à optimiser et à faciliter l’insertion professionnelle des élèves du second degré par le biais de différentes actions. 

“À travers ce partenariat, nous souhaitons mettre ensemble tous les moyens pour développer les relations entre les jeunes du second degré et pourvoir les formations.” Le ton est donné par le président de la chambre de commerce et de l’industrie (CCI) de Mayotte, Mohamed Ali Hamid. Selon lui, la formation professionnelle est l’avenir de la jeunesse mahoraise. Elle augmentera leurs chances d’obtenir un travail à la fin de leurs études, mais encore faudrait-il réussir à démocratiser le sujet… Si les filières générales sont les plus convoitées par les élèves, il n’y a pas de place pour tout le monde ! Actuellement, sur les 50.000 élèves du second degré, seulement 17.000 suivent une formation professionnelle. L’objectif de cette convention entre le rectorat et la CCI est donc d’impliquer d’avantage les 33.000 restants. “Nous allons accroître l’insertion professionnelle des jeunes par la découverte des métiers, l’immersion en entreprise, les stages et formations en alternance”, indique le président de la CCI. À travers ces actions, les deux signataires de la convention espèrent développer le goût d’entreprendre chez le public visé. Particulièrement chez les jeunes filles qui sont confrontées à certaines limites. “Nous devons mener un travail autour de l’égalité homme-femme. Les jeunes fille doivent voir qu’aujourd’hui tout est possible pour elles. Pour cela, il est important de montrer des exemples de femmes cheffes d’entreprise”, rappelle le recteur Gilles Halbout.

Inciter les entreprises à s’aligner

Les entreprises à Mayotte sont encore très réticentes à l’idée de signer des contrats à des alternants. Cela ne date pas d’aujourd’hui, mais la crise sanitaire a amplifié leurs doutes. Les charges seront-elles élevées ? Les élèves auront-ils les compétences nécessaires ? Le rectorat et la CCI essayent de rendre possible ces insertions professionnelles en facilitant le travail des entreprises. “Nous avons un dispositif qui permet d’accueillir les jeunes pendant 6 mois en formation avec un statut d’étudiant et ce jusqu’à la signature des contrats”, souligne Philippe Lefebre, délégué académique à la formation professionnelle initiale et continue au rectorat. Concernant les charges salariales, là aussi tout est fait pour inciter les entreprises à embaucher les jeunes alternants. “Durant la première année, le coût pour l’entreprise est quasiment nul puisqu’elle touche les aides de l’État. Pour la deuxième année, il y a un peu de charges salariales, mais c’est une stratégie de recrutement de leurs futurs collaborateurs”, rajoute Philippe Lefebre. Il y a encore beaucoup de retard à rattraper. La formation professionnelle est souvent considérée à Mayotte comme une voie secondaire, quand la filière générale n’est pas possible. Ces immersions en entreprises peuvent changer la donne à condition que tous les acteurs s’investissent réellement.

 

Réduire le budget agricole européen dans les Outre-mer, un scénario « non négociable »

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La possible réduction du budget du programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) pour la période 2021-2027 a créé un mouvement de panique chez certains députés du Parlement européen. Un scénario qui serait dramatique pour les agriculteurs et les éleveurs ultramarins. Pour Mayotte, cela aurait pour conséquence un manque à gagner de plus de 800.000 euros.

Mercredi 7 octobre, parvis du Parlement européen à Bruxelles. Plusieurs dizaines de députés européens de sensibilités politiques diverses se rassemblent devant une banderole « NO POSEI CUTS » pour clamer leur opposition aux coupes budgétaires envisagées en septembre par le commissaire en charge de l’agriculture, Janusz Wojciechowski. Une éventualité « non négociable » et surtout « innaceptable » pour le Réunionnais Stéphane Bijoux. Car le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité est la déclinaison dans les régions ultrapériphériques françaises, espagnoles et portugaises du premier pilier de la politique agricole commune. « Le moment n’est pas à la politique politicienne », s’époumone-t-il.

Cette baisse de l’ordre de 3.9% viendrait alors mettre à mal les finances ultramarines dans ce secteur… « Si nous laissons découler ce scénario catastrophe, les Outre-mer perdraient plus de 180 millions d’euros de 2021 à 2027. » Et Mayotte ne serait évidemment pas épargnée et verrait se volatiser 120.000 euros sur les 3 millions reçus chaque année. Soit un total de plus de 800.000 euros sur la période évoquée. « C’est inadmissible, cela aurait un impact immédiat sur les filières animales et celles des fruits et légumes, sans oublier les productions emblématiques, telles que l’ylang-ylang et la vanille », énumère-t-il pour appuyer ses propos. Une coup de poignard qui endommagerait tout simplement « la dynamique d’autonomie alimentaire » ainsi que « le modèle familial mahorais ». « Il faut préserver les efforts réalisés par nos producteurs » qui se plient en quatre « pour tenir les objectifs agroécologiques ».

Soutien du gouvernement français

Cette menace budgétaire, Stéphane Bijoux veut lui tordre le cou. Pour cela, l’élu rappelle les droits et les devoirs de l’institution à l’encontre de ces terres lointaines. En ligne de mire : l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui contribue à l’application du cadre dérogatoire au service d’un projet global de développement des RUP. « Il existe dans l’ADN de l’UE des territoires éloignés et fragiles qui doivent être accompagnés. Les Outre-mer sont une chance pour l’Europe ! », défend-il. « Le POSEI est l’opportunité de consolider [cette] relation de confiance », qui est « le socle d’un échange gagnant-gagnant ».

Et pour mener à bien son combat, l’eurodéputé peut compter sur l’appui du gouvernement français. « Les ministres de l’Agriculture, des Affaires européennes et des Outre-mer ont écrit [en début de semaine] à la commission pour dire que c’était hors de question. » Auquel s’ajoute la prise de position claire en juillet dernier du président de la République, Emmanuel Macron, qui a obtenu la hausse du budget français de la politique agricole commune et l’augmentation des enveloppes de la politique régionale pour les régions ultrapériphériques. « C’est un engagement politique puissant en soutien aux agriculteurs et éleveurs ultramarins. C’est un élément extrêmement important, surtout que nous sommes dans la dernière ligne droite des négociations », prévient Stéphane Bijoux. Pas de doute, le Réunionnais ne risque pas de baisser sa garde avant le vote en session plénière de la réforme de la PAC qui doit intervenir dans deux semaines. Idem pour son homologue Younous Omarjee, président de la commission du développement régional au Parlement européen, lui aussi monté au créneau pour défendre les intérêts des Outre-mer. « C’est ce qui anime notre bataille. »

 

 

Mayotte : Quand le monde de la formation rencontre le monde de l’entreprise

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À l’occasion de la semaine école-entreprise, le Medef Mayotte a organisé une ren-contre entre le monde du travail et celui de la formation au lycée Mamoudzou Nord. L’objectif : mettre en lumière les deux secteurs pour qu’ils apprennent à travailler ensemble.

Mettre en relation les entreprises avec les jeunes en formation est l’objectif que s’est fixé le Medef Mayotte. Pour cela, Carla Baltus, sa présidente, a crée un poste unique de coor-dinatrice régionale de la formation professionnelle, occupé par Samira Ait. Cette dernière est convaincue que l’insertion socio-professionnelle commence à l’école. Mais pour que cela fonctionne il est impératif de mettre en relation les deux mondes. “Le partenariat en-treprise et école est un partenariat gagnant des deux côtés. L’insertion socio-profession-nelle est une valeur sûre sur le territoire. Les entreprises ont besoin d’assurer une perfor-mance, avoir des résultats économiques. Mais sans le facteur humain, sans l’insertion so-ciale et la formation, quel avenir pouvons-nous attendre ? Donc ce lien entre les deux est évident”, explique Samira Ait. La rencontre entreprises et élèves a également permis aux jeunes de se faire connaître et en même temps de découvrir les opportunités disponibles à Mayotte, notamment en alternance. Le BTS commerce international est le parfait exemple. 16 étudiants l’ont intégré cette année, mais la mise en place de cette formation n’a pas été évidente. “Cela n’a pas été facile de travailler avec les entreprises. Nous avons pris beau-coup de temps pour les convaincre. Avec le contexte Covid-19, il y avait des incertitudes qui leur faisaient beaucoup hésiter. Mais nous leur avons expliqué que la première année leur coûte zéro euro et cela a aidé”, nous informe M. Boubila, le professeur référent du BTS commerce international. Le Medef Mayotte affirme de son côté qu’il y a une forte de-mande de la part des entreprises. Son rôle est de la repérer. “Nous sommes en train de faire des sondages en amont pour que dès lors qu’il y a un besoin, nous puissions y ré-pondre”, annonce Samira Ait.

Nous nous sommes intéressés aux parcours de 4 jeunes. Ils sont différents mais ont tous conscience que l’alternance est le meilleur moyen de s’insérer facilement et rapidement dans le monde du travail.

Zaher Malidé, 20 ans, sans formation

Son discours a impressionné le public présent à l’événement. Zaher est un jeune homme qui n’a pour le moment pas de formation. Il espère que son intervention poignante et pas-sionnée interpellera les entreprises. “L’avenir de ceux qui n’ont pas de formation est en train d’être bousillé. Alors j’espère que tous les acteurs économiques qui sont ici nous don-neront la chance d’essayer”, déclare-t-il dès le début de sa prise de parole. Zaher sait que les chefs d’entreprises ou leurs représentants qui étaient au lycée Mamoudzou Nord peu-vent être ses futurs employeurs. Il choisit donc judicieusement chaque mot qu’il prononce. “Nous devons honorer l’image de la jeunesse mahoraise. C’est à nous de faire des efforts, en respectant les entreprises et en étant ponctuel.” Un message qu’il adresse directement aux jeunes qui ont la chance d’avoir une formation. Zaher conclut son discours avec un rappel que beaucoup de personnes ont tendance à oublier. “Certains disent que les études en France sont gratuites, mais c’est faux. Il y a des gens qui payent les formations pour nous.” De quoi motiver les entreprises à embaucher un jeune homme. Zaher ne risque pas de rester sans formation bien longtemps puisqu’il va prochainement passer un entretien pour intégrer l’unique BTS commerce international de Mayotte.

Oumaya Ousseni, 19 ans, en BTS commerce international

Oumaya fait partie des 16 chanceux qui ont pu intégrer le BTS commerce international. Cette formation est une première sur l’île. La jeune fille a obtenu une alternance dans le groupe 3 M et fera ses débuts en tant qu’assistante du directeur dès le début des va-cances de Toussaint. “J’ai déjà travaillé, mais il s’agissait de jobs d’été. Cette alternance est un challenge pour moi parce que c’est une première. Nous sommes considérés et on doit se comporter comme de vrais salariés.” Contrairement à la grande majorité de ses ca-marades, Oumaya a démarché les entreprises par ses propres moyens. Elle est si fière de sa formation qu’elle en fait la promo. “J’incite les futurs bacheliers à choisir le BTS com-merce international parce que nous apprenons beaucoup de choses.”

Hamouza Samouri, 20 ans, stagiaire au RSMA

Discipline oblige, Hamouza est venu à l’événement avec sa tenue militaire. Il est en forma-tion au RSMA depuis maintenant 6 mois, et il est particulièrement fier d’une chose. “J’ai obtenu mon permis il y a un mois”, sourit-il. Hamouza est quelque peu stressé lors de son discours mais le jeune homme ne perd pas de vue son objectif qui est de taper dans l’oeil des entreprises. “En sortant du RSMA, je souhaite intégrer une formation de commerce en alternance. Cela me permettra d’apprendre la théorie et en même temps exercer un tra-vail.” Le passage du jeune homme au RSMA lui donne une longueur d’avance puisque se-lon ses dires “nous sommes disciplinés, nous avons de l’expérience et nous arrivons à vaincre nos peurs.”

Nayam Amar Adou, 18 ans, en BTS commerce international

Nayam Amar a un parcours exemplaire. Mention très bien à son bac STMG, il est rapide-ment retenu pour le BTS commerce international. Sa success story se poursuit lorsqu’il obtient son alternance dans le groupe Total. “J’aurai des missions dans l’import et c’est une bonne chose puisque je souhaite travailler plus tard en tant que commercial import”, indique-t-il. Nayam Amar a tout de même rencontré quelques difficultés pour obtenir cette alternance. Ce sont les responsables de sa formation qui ont contacté Total. “Je pense que les entreprises ne font pas assez confiance aux jeune parce que nous manquons d’expérience et de compétences”, explique-t-il. Il espère que son alternance lui ouvrira plus facilement les portes du monde du travail puisqu’il souhaite par la suite suivre une li-cence professionnelle.

Covid-19 : le centre hospitalier de Mayotte finalise son plan « rebond »

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Alors que Mayotte peut, semble-t-il, enfin regarder la crise sanitaire dans le rétroviseur, le centre hospitalier se prépare en coulisse en cas de deuxième vague. D’autant plus que les vacances scolaires approchent à grands pas et que les va-et-vient avec la métropole vont se multiplier. Entretien avec Christophe Caralp, chef de pôle URSEC (urgences, réanimation, Samu/Smur, Evasan, caisson hyperbare).

Flash infos : Après plus de 4 mois intense, le centre hospitalier de Mayotte semble avoir retrouvé son rythme de croisière d’avant crise. Comment analyseriez-vous l’activité aux urgences de ces dernières semaines ? Et comment anticipez-vous une éventuelle deuxième vague ?

Christophe Caralp : L’activité aux urgences est relativement calme. Nous ne sommes pas en période épidémique, ni de bronchiolite ni de gastroentérite. Nous recensons quelques cas de Covid-19 ou de suspicion. C’est la raison pour laquelle, nous maintenons un dispositif dans le service, avec ce que nous appelons la zone bleue. Nous avons entre 2 et 5 passages sur 24 heures. Aujourd’hui, nous comptabilisons 4 personnes en réanimation, dont la dernière est arrivée cette nuit [mercredi 7 octobre], pour 16 lits. Cela représente quand même un quart de nos capacités ! Mais cela reste relativement tranquille en termes d’impact et d’appels au 15 par rapport à des gens qui signaleraient des symptômes compatibles avec le Covid. La plupart d’entre eux se présentent instantanément dans les centres médicaux de référence ou au camion à côté du caisson.

Par contre, nous suivons de près l’évolution du virus et échangeons énormément avec La Réunion et la métropole, en coordination avec l’Agence régionale de santé et la direction du CHM. Pour répondre à la demande de la direction générale de la santé, nous finalisons un plan dit « rebond » si la crise devait repartir sur le territoire. Nous nous organisons en tenant compte de la première vague dans le but d’éviter les écueils. Nous augmenterions le taux de décrochés au Samu et nous réinstallerions la filière respiratoire à l’entrée. Si le nombre de cas explosait, nous délocaliserions les urgences pédiatriques à l’étage.

FI : Dans quelles circonstances déclencheriez-vous ce dispositif ?

C. C. : Cela dépendrait du taux d’incidence, c’est-à-dire le nombre de cas pour 100.000 habitants [sur la semaine du 26 septembre au 2 octobre, celui-ci était de 39.7]. Globalement, nous constatons que les chiffres repartent à la hausse, notamment le taux de positivité [qui était de 11.5% sur la même période]. Nous suivons également de très près les conséquences que cela peut avoir sur le nombre d’hospitalisations. En sachant, que le CHU de référence à La Réunion est actuellement touché par la crise, même si cela semble se calmer ces derniers jours… À Mayotte, l’idée est la même qu’en métropole : tout faire pour ne pas repasser en plan blanc ! Qui nous obligerait à arrêter des activités et à multiplier les déprogrammations, comme cela a pu être le cas entre mars et juin. Ce qui est très pénalisant pour tout ce qui est diabétologie, cancers, etc.

FI : En cas de rebond, en combien de temps seriez-vous capable de vous remettre en ordre de marche ?

C. C. : En quelques jours ! Aux urgences, toutes les structures physiques sont en place : la zone d’attente de Covid, la salle d’augmentation pour les décrochés du Samu… Nous avons appris de notre expérience avec les militaires à armer très rapidement des chambres supplémentaires de réanimation avec nos équipes et notre matériel. Par contre, nous devons bien préparer nos ressources humaines parce que nous vivons sur une île. Donc il faut prévoir le personnel nécessaire. C’est la raison pour laquelle nous remontons nos besoins respectifs dans tous les services à la direction pour anticiper avec la réserve sanitaire.

FI : La fin de semaine signe l’arrivée des vacances scolaires. Dans quelle mesure redoutez-vous l’aller-retour en métropole de personnels de la fonction publique ?

C. C. : Nous apporterons une attention toute particulière au centre d’appel. Si nous nous rendons compte qu’il y a un regain d’appels pour le Covid-19, il faudra rapidement avertir les autorités car il y a souvent une latence, un décalage… D’abord, nous recevons des appels pour des symptômes, puis des formes intermédiaires et enfin des formes graves. Nous allons bien évidemment suivre cette période.

FI : La crise sanitaire vous a permis de bénéficier d’un hélicoptère et d’un avion sanitaire. Ces moyens de locomotion sont-ils amenés à être prolongés ou à être pérennisés ? Quid des évacuations sanitaires vers La Réunion, alors que l’île voisine connaît sa « première » vague ?

C. C. : Les évacuations sanitaires pour les personnes non Covid sont maintenues. Nous n’avons pas de difficulté à l’heure actuelle pour les évacuer. Effectivement, nous aimerions que l’hélicoptère et l’avion restent à notre disposition. Nous sommes en train d’y travailler avec l’ARS et le CHM. Nous avons bon espoir que les deux dossiers aboutissent ! Nous rédigeons un cahier des charges dans ce sens pour que ces deux moyens de locomotion soient financés. On nous demande d’être en capacité d’evasaner en plus grand nombre sur La Réunion et pourquoi pas sur la métropole.

Mais si la crise sanitaire devait repartir avec l’arrivée de l’hiver dans l’hémisphère nord, probablement synonyme de pic épidémique, il faut que nous soyons capables de pouvoir dispatcher les gens, sans s’appuyer uniquement sur La Réunion.

FI : Il est prévu que le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, vienne en visite à Mayotte dans les prochaines semaines. Avez-vous des informations ou des desiderata à lui transmettre ?

C. C. : Pas vraiment, puisque nous travaillons en étroite collaboration avec l’ARS et la direction générale de la santé. Nous avons été relativement écoutés par rapport à nos besoins, à l’instar de l’avion et de l’hélicoptère. Entre mars et juin, nous avons été identifiés comme un territoire potentiellement fragile. Aujourd’hui, je n’ai rien de particulier à lui remonter… Je souhaite simplement que l’attention dont nous avons fait l’objet ces derniers mois persiste !

FI : Une autre crise se profile à Mayotte : celle de l’eau. Quels risques pourrait-elle engendrer dans la gestion du Covid-19 ? Mais aussi par rapport à d’autres épidémies qui en découleraient ?

C. C. : Pour le Covid, cela insinue une nouvelle difficulté pour se laver les mains, qui augmenterait la transmission manuportée. Même s’il ne faut pas oublier celle par gouttelettes et probablement aussi celle aérosolisée pendant quelques minutes.

Quand il y a eu la dernière crise de l’eau en 2016, nous avions noté une épidémie de diarrhées. Si cela se reproduisait, cela amènerait du travail supplémentaire aux services du CHM et des médecins libéraux. Actuellement, les coupures d’eau entre 16h et 8h n’ont pas trop d’incidences sur notre activité. En cas de majoration de la durée des coupures, il pourrait y avoir une recrudescence du nombre de cas de gastro. Il faudra réfléchir avec la direction de l’ARS à une stratégie. Mais pour l’instant ce n’est pas le cas. C’est calme, c’est très calme !

Entretien de mi-parcours avec Thani Mohamed Soilihi, qui cède la vice-présidence du sénat

Le parlementaire mahorais LREM a cédé sa place au sénateur guyanais George Patient à la vice-présidence du bureau après des élections sénatoriales qui ont maintenu le statu quo pour la République en marche. L’occasion pour Thani Mohamed Soilihi de revenir sur les ambitions du groupe et ses engagements pour le territoire.

Petit soupir de soulagement pour La République en marche. Après la débâcle des municipales, le parti présidentiel garde la tête hors de l’eau et conserve 23 sièges à l’issue des élections sénatoriales du 27 septembre dernier. “Pour ces élections partielles, nous nous maintenons, voire nous nous confortons un peu, c’est en décalage par rapport aux élections municipales”, commente le sénateur mahorais Thani Mohamed Soilihi, sous l’étiquette LREM depuis 2017. “C’est là tout le charme de la politique ! Mais il faudra en tirer les bonnes conclusions.”

Tous les trois ans, les quelque 87.000 grands électeurs – représentants des communes, des départements et régions – sont appelés à renouveler la moitié du Sénat à l’échelle des départements. Cette fois-ci, ce sont 172 sièges sur 348 qui ont été remis en ballotage, soit les élus d’une soixantaine de départements. La droite a conforté sa majorité, tandis que les verts ont réalisé une percée et que La République en marche a su se maintenir. Mais ce relatif statu quo confirme toutefois les difficultés du parti d’Emmanuel Macron à s’implanter au niveau local. Et ne risque pas à faire oublier la déroute des municipales de juin…

Le groupe se refait une beauté

Quelques jours après le scrutin, le groupe à la chambre haute décidait d’ailleurs de changer de nom. Désormais, les sénateurs de La République en marche présidés par le sénateur de Côte-d’Or François Patriat sont réunis sous la bannière Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants (RDPI). Un coup de poliche décidé “à l’unanimité”, pour “marquer l’élargissement et le rassemblement de la majorité présidentielle au Sénat”, expliquait-on par voie de communiqué le 1er octobre. Interrogé à ce sujet, Thani Mohamed Soilihi justifie cette nouvelle dénomination pour montrer “la liberté qui a toujours existé dans notre groupe, pour représenter les collectivités”. “Contre la légende urbaine, qui dit “marche ou crève”, nous souhaitions montrer notre ouverture. Tous ceux qui se retrouvent dans nos valeurs, dans ce progressisme, peuvent évidemment venir”, poursuit le sénateur, qui occupe le poste de président délégué du groupe aux côtés de Patricia Schillinger.

À l’occasion de ce renouvellement, le parlementaire mahorais a aussi cédé sa place de vice-président au Bureau du Sénat, où il siégeait depuis 2017. Une fonction qu’il a exercé avec “passion et sérieux”. “J’ai été très honoré d’occuper ce poste pendant ces trois années et j’espère avoir bien représenté Mayotte”, assure-t-il, tout en rappelant que “cette fonction vise à faire fonctionner cette formidable chambre. Ce n’est pas un raccourci pour faire passer des amendements, ou viser l’Elysée ou Matignon”.

Un combat phare sur le droit du sol

Après cette passation, le sénateur n’entend d’ailleurs pas lever le pied, lui qui avait en outre été classé parmi les 40 parlementaires les plus assidus en 2019. Un investissement que le parlementaire a souhaité mettre à profit pour “représenter mon territoire et faire voter des lois avec des applications directes à Mayotte. Cela a été ma façon de contribuer à l’épanouissement et le développement de l’île”, retrace-t-il. Sa plus grande fierté sur ces trois dernières années : la limitation du droit du sol à Mayotte, un amendement voté par les sénateurs contre l’avis du gouvernement à l’occasion de l’examen du projet de loi asile-immigration en juin 2018. Cette disposition adapte les conditions d’acquisition de la nationalité française par le droit du sol sur l’île aux parfums, en exigeant pour les enfants nés à Mayotte que l’un de ses parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière sur le territoire national depuis plus de trois mois.

Au tour du foncier !

Aujourd’hui, l’élu mahorais s’attaque une fois de plus à l’épineuse problématique du foncier dans le 101ème département, avec une proposition de loi sur la “prescription acquisitive”. Décidée par l’ordonnance du 28 juillet 2005, cette disposition du code civil visait à assainir la situation sur les titres de propriété. À Mayotte, les défauts de titrement engendrent des problématiques foncières complexes qui freinent les travaux de construction ou d’aménagement, et bloquent de fait le développement économique du territoire. Le projet de retenue collinaire d’Ouroveni en est un bien triste exemple… Or, avec la “prescription acquisitive”, le législateur entendait enfin mettre un coup de pied dans la fourmilière, en permettant à quiconque de prouver sa possession par une occupation continue de 30 ans sur les lieux.

Or, en travaillant avec les notaires de l’île et le CUF, la Commission d’Urgence Foncière, créée par la loi de programmation relative à l’égalité réelle Outre-mer de février 2017 sous l’impulsion de Thani Mohamed Soilihi qui avait notamment amené une commission sénatoriale à Mayotte en octobre 2016 -, le sénateur s’est rendu compte d’une imperfection dans l’application de cette ordonnance à Mayotte. L’acquisition de la propriété des biens immobiliers par prescription acquisitive au terme d’un délai de trente ans y est en effet possible à Mayotte, à l’exception des immeubles en cours d’immatriculation et les droits en cours d’inscription au 1er janvier 2008, date d’entrée en vigueur de ladite ordonnance. Conséquence, les possesseurs mahorais dans cette situation devraient attendre encore 18 années pour remplir le délai de la prescription acquisitive. Le parlementaire a donc déposé une proposition de loi pour prendre en compte, jusqu’au 31 décembre 2037, la période antérieure au 1er janvier 2008 pour établir le délai de prescription acquisitive de 30 ans. Une nouvelle pierre pour assainir le foncier sur le territoire. “Ce n’est pas la disposition miracle, mais c’est une disposition parmi tant d’autres qui devrait permettre de lever les verrous pour débloquer les difficultés foncières à Mayotte”, souligne-t-il. Reste à tous les faire sauter !

Élection contestée au SMEAM : avis défavorable du rapporteur contre Bavi

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Deux mois après une élection contestée, la plainte de l’ancien président du Syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte était jugée ce mardi au tribunal administratif.

C’est une guéguerre dont on ne voit plus le bout ! Après avoir été une première fois débouté par le juge des référés en août, le recours de l’ancien président du Syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte (SMEAM), Moussa Mouhamadi Bavi, est arrivé devant le Tribunal administratif ce mardi, réuni en audience collégiale. Et s’il faudra attendre encore deux semaines pour connaître le jugement de cette affaire, mise en délibéré, les conclusions du rapporteur public Simon Riou ne vont en tout cas pas dans le sens du demandeur.

Pour rappel, l’élection du nouveau comité du syndicat le 30 juillet dernier s’était déroulée dans une jolie cacophonie. Le doyen, qui présidait l’audience, était allé jusqu’à demander la levée de la séance face à l’absence de titulaires de certaines communes, représentés par leurs suppléants. Ce qui constituait pour les contestataires un manque de légalité de la procédure. Après une prise de bec véhémente entre le doyen et le maire de Pamandzi, Moussa Mouhamadi Bavi avait alors décidé de quitter les lieux avec ses quinze colistiers. Qu’à cela ne tienne ! Ce départ théâtral n’aura pas empêché les 18 délégués restants – sur les 34, soit 2 par commune qui composent le comité – d’élire à la majorité des voix Fahardine Ahamada, le maire de Bandraboua, nouveau président du SMEAM.

Mais le président sortant ne l’entendait pas de cette oreille et a donc saisi le tribunal administratif pour demander l’annulation de cette élection. “Il s’agit là d’un contentieux de passation de pouvoir”, a résumé le rapporteur en évoquant les fonctions du demandeur. Avant de débouter son argumentaire. D’abord, au sujet du délégué de Pamandzi qui n’était pas conseiller municipal et n’avait pas donc pas le droit de participer à cette délibération. “Cela s’est su avant la séance, et ce délégué n’a donc pas participé au vote”, a récusé Simon Riou.

La convocation pour l’élection envoyée par Bavi

Autre sujet de la plainte : les délégations de Dzaoudzi et de la Cadema avaient été informées seulement la veille de la tenue de la séance, a fait valoir le demandeur. “Mais la jurisprudence juge qu’il y a irrégularité dans la procédure, seulement si le retard de la convocation a empêché les personnes d’êtres présentes”, a noté le rapporteur. Ce qui n’était pas le cas cette fois-là. Pour couronner le tout, le demandeur est “par ailleurs bien malvenu d’invoquer ce contexte, dans la mesure où c’est lui-même qui a convoqué rapidement le comité en vue de l’élection du SMEAM, avant même que toutes les communes aient eu le temps de désigner leurs délégués…”, a aussi pris soin de rappeler le rapporteur. Quant au quorum nécessaire pour le vote, il était complet malgré le départ des 16 délégués derrière Bavi.

Reste maintenant aux magistrats de suivre ou non les propositions du rapporteur public, membre du conseil d’État dont le rôle est d’éclairer, en toute indépendance, le jugement lors des audiences publiques. Rendez-vous dans deux semaines, pour le délibéré… Et le fin mot de l’histoire ? “Nous déciderons de cela en groupe, une fois que nous aurons la réponse”, a simplement commenté l’ancien président du SMEAM.

Mayotte : Un documentaire sur les enfants de la Lune « pour faire bouger les lignes »

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Hier soir, Mayotte la 1ère diffusait un documentaire de 52 minutes sur « Les enfants de la Lune dans l’archipel des Comores ». Une immersion bouleversante dans le quotidien de ces jeunes, atteints d’une maladie génétique, mais aussi de l’association pour les déficients sensoriels de Mayotte (ADSM) qui les accompagne. Sa co-réalisatrice, Marion Thellier, espère que sa diffusion pourra faire évoluer les mentalités dans le bon sens.

Un documentaire à couper le souffle. Voire même qui vous interroge pendant de longues heures après son visionnage. « Nous espérons que les téléspectateurs seront aussi touchés que nous », confie sa co-réalisatrice, Marion Thellier, quelques heures avant la diffusion de « Les enfants de la Lune dans l’archipel des Comores » sur Mayotte la 1ère. Aucun doute là-dessus ! Le sujet est trop important et surtout trop peu évoqué pour laisser indifférent. L’idée de ce projet remonte à mars 2019 lors d’une rencontre avec le directeur de la Fédération Solidarité Communauté océan Indien (FSCOI) à La Réunion. « Il m’a expliqué la situation et la détresse à Anjouan mais aussi l’urgence de soigner et d’organiser l’évacuation sanitaire de deux adolescents à l’Île Maurice », rembobine l’ancienne journaliste, auparavant en poste à Kwézi. Contacté, Naftal-Dylan Soibri, gérant d’une société de production, accepte le challenge avec enthousiasme. « J’ai commencé à écrire de mon côté, c’était un véritable choc », se souvient la scénariste, au moment de se lancer dans la rédaction du script sur cette maladie génétique nommée Xeroderma Pigmentosum, qui se résume à un manque considérable de pigmentations et qui entraîne des microlésions sur la peau souvent cancéreuses. En d’autres termes, le soleil est leur pire ennemi !

« Une grosse claque dans la figure »

Le tournage débute alors en janvier, pour une durée de deux mois. Deux mois à sillonner l’île aux parfums et l’Union des Comores pour « mettre en lumière le courage et la joie de vivre de ces enfants ». À Anjouan, le duo rencontre le docteur Zahra Salim, l’unique dermatologue à s’occuper de ce public. « Elle a un plateau technique bien moindre par rapport à Mayotte, La Réunion ou Maurice. Elle ne peut agir que dans l’urgence, faute de soins préventifs », déplore Marion Thellier. Sur place, l’équipe partage le destin de ces familles laissées pour compte. « Nous avons été bouleversés ! Nous nous sommes pris une grosse claque dans la figure. Les enfants sont amenés à sortir rien que pour aller aux toilettes ou se doucher. La protection contre les rayons ultraviolets est minime. » Un constat sensiblement similaire à 70 kilomètres de là, dans le 101ème département. Les deux réalisateurs passent deux semaines aux côtés de l’association pour les déficients sensoriels de Mayotte (ADSM), auprès de qui ils emmagasinent bon nombre de renseignements sur les enfants de la Lune. « Notre but consiste à coordonner leur vie quotidienne avec la scolarité et les activités extrascolaires ainsi que leur prise en charge éducative et thérapeutique », souligne Marjolaine Ozoux, psychologue. La seule structure habilitée sur le territoire accueille les 0-5 ans dans son service d’accompagnement familial et d’éducation précoce (SAFEP) et les 6-21 dans son antenne lune. Ce qui représente une vingtaine d’enfants. « On a réalisé plusieurs séquences avec eux, comme les sorties pour leur éviter la réclusion, une visite médicale ou encore la rentrée scolaire d’un petit garçon », ajoute Marion Thellier.

Des filtres anti-UV pour enlever les scaphandres

L’école justement est le cheval de bataille de l’ADSM. Pour cela, l’association fait installer des filtres spéciaux anti-UV dans les classes « pour qu’ils puissent suivre les cours sans porter leur scaphandre », précise Marjolaine Ozoux. Suffisant pour leur assurer un suivi éducatif classique ? Pas vraiment ! « Très peu d’établissements existent pour eux malheureusement. Ce sont des enfants invisibles, qui sont souvent mis en marge et vivent en parallèle de la société mahoraise. » Tout l’inverse de la sphère privée, au sein de laquelle la maladie renforce les liens familiaux. Mais pour la co-réalisatrice, une autre problématique s’ajoute à ce parcours du combattant : les soins médicaux. Si les services pédiatriques et oncologiques du centre hospitalier de Mayotte jouent leur rôle, tous les enfants n’y auraient pas accès. « Ils ne peuvent pas prétendre à certaines prises en charge car des parents ne sont pas régularisés. » Un énième obstacle. À travers ce documentaire de 52 minutes, Marion Thellier espère donc « faire bouger les lignes politiques ». D’autant plus que le chiffre exact d’enfants de la Lune sur Mayotte reste encore obscur. Une chose est sure, « il y en a beaucoup plus qu’ailleurs » selon Marjolaine Ozoux. Voilà qui est dit !

Le vrai du faux sur l’affaire du soutien-gorge au lycée Younoussa Bamana

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On l’appelle désormais l’affaire du soutien-gorge au lycée Bamana. Le 29 sep-tembre, une lycéenne mineure crée le buzz sur les réseaux sociaux en affirmant qu’un membre de l’équipe pédagogique a touché sa poitrine avec un talkie-walkie. Depuis, l’affaire ne cesse de prendre de l’ampleur et le rectorat de Mayotte mène son enquête.

“Vos surveillants ou je ne sais pas quoi pédophiles à Bamana, il faut les virer. À quelle heure tu touches mes tétons avec ton talkie-walkie ?” Les mots sont forts mais lorsque Marie* publie ces propos sur son compte Twitter, elle ne pense pas qu’ils auraient un tel impact sur sa vie. Les faits remontent au mardi 29 septembre. Selon ses amis proches, la jeune fille porte un haut orange sans soutien-gorge. Le secrétaire du proviseur l’appelle alors et lui fait remarquer que sa tenue laissait deviner sa poitrine, et qu’elle doit porter un soutien-gorge. Toujours selon les amis de la principale concernée qui n’a pas souhaité s’exprimer directement, ce dernier accompagne ses paroles avec un geste qui sera fati-dique. “Il aurait touché ses seins avec le bout de son talkie-walkie”, affirment les lycéens. Ce geste révolte Marie qui dans un premier temps dénonce sur son compte Twitter. La nouvelle se répand rapidement et arrive aux oreilles du proviseur du lycée Younoussa Ba-mana qui la convoque. Suite à cette rencontre, Marie supprime ses tweets. “Le proviseur lui a peut-être demandé de supprimer sa publication parce qu’elle était insultante. Elle lais-sait entendre qu’il y a des pédophiles à Bamana”, affirme Gilles Halboult, le recteur.

De leur côté, les proches de la lycéenne dénoncent “une pression de la part de l’adminis-tration du lycée” sans citer de noms. “Elle se retrouve à pleurer seule chez elle. Elle a peur et c’est pour cela qu’elle ne veut plus réagir. Elle veut même changer de lycée”, expliquent ses amis. Ces derniers ne comprennent pas pourquoi le secrétaire en question a fait cette remarque puisque selon eux, la tenue de leur camarade n’était pas déplacée. “Elle se se-rait rendue au lycée avec une tenue présentée comme osée”, rétorque Gilles Halboult. L’affaire va désormais au-delà du non-port du soutien-gorge puisque les amis proches de la lycéenne parlent d’attouchement sexuel. Des accusations que réfute le rectorat. “Les propos et la méthode utilisée pour pointer la tenue étaient peut-être maladroits et ont pu choquer la jeune fille, mais dans les faits qu’on nous a transmis, il n’y a pas eu d’agression ni de volonté d’attouchement sexuel.” Marie n’a pour le moment pas porté plainte, mais une enquête interne est ouverte pour démêler le vrai du faux.

Un soutien tâché par des commentaires blessants

Depuis ces événements, les élèves du lycée Younoussa Bamana ont lancé une pétition pour soutenir leur camarade. Ils ont décidé de s’habiller en noir et blanc ce mardi 6 oc-tobre, et les filles avaient annoncé qu’elles ne porteraient pas de soutien-gorge. Le mou-vement a plutôt été bien suivi par les filles qui profitent de cette polémique pour s’affirmer. “Nous ne sommes pas obligées de mettre de sous-vêtement si on n’a pas envie. Ce n’est pas une obligation. On peut s’habiller comme on veut”, clame Farna, une lycéenne. “Même si elle n’avait pas mis de soutien-gorge, la personne en question n’avait pas le droit de la toucher”, ajoute son amie, Karima. Le recteur également montre son soutien. “On vit dans une société où tout le monde se préoccupe de ce que les filles doivent porter et ne pas porter. On doit arrêter de se focaliser sur ça parce que de l’autre côté ça en-traine des réactions extrêmes avec certaines qui se voilent beaucoup et d’autres qui se dévoilent beaucoup. On doit laisser les filles tranquilles.” Les propos sur les réseaux so-ciaux sont moins cléments envers la jeune fille. Les internautes prennent la défense de l’homme qui aurait pointé son talkie-walkie sur la poitrine de Marie et dénoncent les tenues vestimentaires parfois “légères” que peuvent porter les adolescentes au lycée. “On ne comprend pas que certaines personnes soutiennent cela. Les gens sur les réseaux so-ciaux ne sont pas informés et se mettent du côté de la personne accusée”, regrettent les amis de Marie. Gilles Halboult, lui, souhaite que les jeunes tirent une leçon de cette his-toire et apprennent à utiliser les réseaux sociaux avec prudence. Il évoque une sensibilisa-tion plus soutenue venant de l’Éducation nationale.

*Le prénom a été modifié pour préserver l’anonymat de la mineure

Salaires en retard des policiers mahorais : Alliance Police Nationale monte au créneau

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Si la situation devrait normalement être régularisée rapidement pour la dizaine de policiers concernés, le syndicat déplore un manque d’effectifs et de formation au sein du service en charge des salaires, qui serait la raison du couac.

Presque dix jours sans paye ? Le problème n’a pas tardé à remonter aux oreilles de Bacar Attoumani, le délégué départemental d’Alliance Police Nationale. Parmi la trentaine de fonctionnaires arrivés depuis la mi-août au commissariat, 12 n’ont pas reçu leur salaire de septembre, alors qu’ils auraient dû être payés autour du 25. Averti, le bureau national s’est immédiatement fendu d’un communiqué rageur, dénonçant une “situation inacceptable”, tandis que le délégué départemental prenait attache avec la préfecture et le DTPN pour trouver rapidement une solution.

Dès lundi dans la journée, une réponse était ainsi apportée aux policiers. En l’occurrence, c’est le centre des impôts qui avancera les salaires dans l’attente que leur situation soit régularisée. En théorie, les agents devraient donc avoir reçu le virement hier ou ce jour. Mais le problème de fond n’est pas réglé, juge Bacar Attoumani. “Nous demandons à ce que le SATPN (le service administratif et technique de la police nationale) soit renforcé”, explique-t-il. En effet, deux cadres de catégorie A ont été muté en dehors de Mayotte il y a quatre mois, sans être remplacés à ce jour. Il ne reste donc plus que deux agents pour traiter tous les dossiers. Et manque de pot, ce mois-ci l’un était absent… “Il manque une tête pensante pour coordonner tout ça ! Surtout qu’on est passé de 300 à 700 agents, la charge de travail n’est pas la même”, rappelle le représentant syndical. Sans ces recrutements, le même problème pourrait survenir à nouveau, car un autre renfort de 25 agents est attendu courant novembre.

L’autre problème, c’est la formation des agents. “Normalement, tout est automatisé aujourd’hui grâce au logiciel Dialogue 2. Mais ici, les agents utilisent encore un logiciel local, et ils doivent faire deux saisies”, fait valoir Bacar Attoumani. Une complication de plus qui explique aussi des retards fréquents dans le versement des primes comme le différentiel logement ou les 40%. “Il faut recruter d’abord et former pour mieux servir”, conclue-t-il.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes