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François Tomczyk : l’hypnose comme pansement à Mayotte

« Hypnose ». Le mot est désormais connu du plus grand nombre mais la pratique, elle, nourrit encore de nombreux fantasmes chez les non initiés. Loin des scènes de spectacle et de l’ésotérisme qu’on lui prête parfois, elle permet pourtant de guérir de nombreux maux du quotidien et les traumatismes du passé. Depuis deux ans, François Tomczyk est l’un des rares hypnothérapeute certifiés de l’île. Il démystifie la discipline qui permet de contourner « cette petite voix qu’on a dans la tête ».

Flash Infos : Concrètement, en quoi consiste l’hypnose ?

François Tomczyk : L’hypnose permet de rentrer dans un état hypnotique, c’est-à-dire un état modifié de conscience, un état particulier d’attention, qu’on traverse tous plusieurs fois par jour de façon tout à fait naturelle. C’est le cas, par exemple, lorsqu’on regarde un film pendant deux heures, alors qu’à la fin, on a l’impression que ça n’a duré que vingt minutes. Cela se manifeste aussi lorsqu’on se surprend à fixer un point des yeux sans pouvoir s’en défaire, et sans même savoir vraiment pourquoi. Mon travail consiste donc à mettre les gens dans cet état pour leur faire passer des suggestions. Sous hypnose, l’inconscient est plus réceptif, ce qui permet de contourner le facteur de jugement, cette petite voix qu’on a dans la tête et qui nous dit ce qu’on est capables de faire, ce qu’on doit faire ou non. C’est pour ça que l’hypnose peut être très efficace pour arrêter le tabac ou toute autre addiction, et également aider dans la perte de poids notamment.

FI : Tout le monde peut-il y être sensible ?

T. : Il y a plusieurs types d’état hypnotique et ils diffèrent selon les individus. C’est vrai que des gens seront plus susceptibles d’y être sensibles que d’autres, et ce sont notamment ceux-là qui sont choisis par les hypnotiseurs lors des spectacles. Mais la transe dont on a besoin en thérapie est beaucoup moins forte. En fait, on travaille exclusivement avec les ressources des patients : si les personnes sont elles-mêmes réellement motivées, elles seront plus susceptibles de réussir, à arrêter le tabac par exemple. Il y a souvent des gens qui viennent me voir en pensant qu’avec l’hypnose, cela sera aussi simple que d’allumer une lumière et dans ce cas-là, ça ne fonctionnera pas. Alors si on s’est soi-même convaincu que c’était le bon moment, la bonne date, ça sera plus susceptible de fonctionner. Je m’explique : si vous allez chez le dentiste mais que vous refusez d’ouvrir la bouche, il ne pourra rien faire pour vous ! L’hypnose permet en fait de dépasser les croyances personnelles et les émotions qui sont souvent les plus gros obstacles. Imaginons quelqu’un qui a la phobie des oiseaux : il n’y a aucune raison objective à cela, et la raison elle-même n’intervient plus. Mais via l’hypnose, on peut travailler sur tout ce qui est émotionnel, ce qui est relié aux parties profondes du cerveau. Intellectuellement, on arrive à conscientiser les choses, mais les émotions, elles, ne suivent pas toujours. C’est aussi pour ça que les soldats ou des victimes d’agression en état de choc post-traumatique ont recours à l’hypnose.

FI : Comment se déroule une séance d’hypnothérapie ?

T. : Il y a autant de façon de pratiquer qu’il y a de praticiens ! Dans mon cas, la première séance inclut d’abord une quarantaine de minutes d’entretien, pour comprendre les causes et les motivations qui poussent la personne à solliciter un hypnothérapeute. Moi, j’explique ce qu’est l’hypnose et ce qu’elle n’est pas. Ce qu’elle peut faire et ne pas faire, car je ne peux pas rentrer dans la tête des gens. On fait ensuite une demie-heure d’hypnose. La personne est installée confortablement, les yeux d’abord ouverts, puis fermés, pendant que le thérapeute lui parle à travers des métaphores, c’est le nom que l’on donne aux messages qu’on essaie de faire passer au cerveau. Ce premier entretien est très important pour aller au-delà des superstitions, des secrets ou des croyances, notamment religieuses, qui font que parfois, les gens ont du mal à partager leurs expériences, leurs émotions. Mais si la personne souhaite vraiment les partager, cela fonctionne. Une consultation m’avait ainsi beaucoup marqué : une personne voulait me consulter parce qu’elle avait des difficultés à parler en public. Nous faisons le point ensemble en s’interrogeant sur les différents événements marquants de son enfance, car c’est souvent entre zéro et sept ans que les traumatismes sont les plus marquants. Et finalement, au bout de 45 minutes, cette personne pour qui tout allait bien s’est avérée être victime de viol et de plusieurs autres tentatives d’agression…

Pour consulter

François Tomczyk propose une découverte de l’hypnose dès 30 à 40 euros la séance, dans ses cabinets de  Dzaoudzi, Kani-Kéli et Chiconi. Comptez  entre 70 et 90 euros les séances classiques, dont les consultations pour l’arrêt du tabac. Vous pouvez-prendre rendez-vous par téléphone au 06.39.29.96.40, ou par mail à l’adresse françoistomczyk@hypnose-mayotte.fr. Découvrez son travail dès à présent sur le site hypnose-mayotte.fr ou sur sa chaîne YouTube François Tomczyk, dédiée au développement personnel par l’hypnose.

Contre la famine au sud de Madagascar, la solidarité s’organise à Mayotte

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Une journée de collecte pour les régions du sud de Madagascar en proie à une grave crise humanitaire était organisée ce samedi par la Fédération des associations malgaches de Mayotte. Une action de plus dans la solidarité régionale qui se met en branle, de La Réunion à Mayotte.

Impossible de passer à côté sans s’en apercevoir, tant une musique entraînante fait vibrer le béton de la place de la République au bar le 5/5, ce samedi après-midi. Ces notes dansantes qui sortent des baffes posées devant le marché couvert viennent tout droit du sud de Madagascar. Mais derrière l’air entraînant et l’apparente bonne humeur des bénévoles réunis ce jour-là sous un soleil de plomb, l’enjeu est crucial. Car de l’autre côté du lagon, l’île voisine vit sous le joug d’une sécheresse exceptionnelle. Conséquence de cette pénurie d’eau qui a asséché la terre et réduit les récoltes à peau de chagrin, la famine menace plus d’un million de personnes dans le sud du pays, dont 500.000 en situation d’urgence. Le “kéré” aurait déjà fait au moins neuf victimes.

Alors de La Réunion à Mayotte, les petites mains s’organisent. Du côté de nos voisins, les élus ont déjà débloqué une aide d’urgence de 150.000 euros tandis que les initiatives se multiplient via les associations et les réseaux sociaux, comme la plateforme agirpourmada.org, un site qui vise à encourager la collecte de fonds en toute transparence. Dans le 101ème département, c’est la Fédération des associations malgaches de Mayotte qui a décidé de prendre le taureau par les cornes. La structure, qui fédère plusieurs organisations malgaches depuis 2015, s’est lancée dans une vaste opération de collecte, en partenariat avec la Croix Rouge de la région Androy.

“Animé par la solidarité”

Ce samedi, de 9h à 17h, ils étaient ainsi au moins une dizaine sur le pont pour accueillir les âmes charitables de Mayotte. Sous un chapiteau gracieusement prêté par la mairie de Mamoudzou, quelques bénévoles notent ainsi sans relâche le montant des dons déposés au compte-goutte pendant toute la journée. “On est là depuis ce matin, mais on ne sent même pas la fatigue, car on est animé par la solidarité”, sourit une membre de la fédération, stylo et carnet à la main. Depuis 9h tapante, cette femme, qui a elle-même de la famille à Madagascar, se tient prête à inscrire chaque nouvelle pièce de monnaie qui passe par la fente de l’urne posée non loin de là.

8.000 euros en une journée

Et à la mi-journée, le bilan des courses est déjà plutôt satisfaisant. Un coup d’oeil sous le tissu qui cache le précieux sésame suffit à montrer qu’un élan de générosité est à l’oeuvre ce samedi. “Plusieurs personnes sont venues déposer des dons depuis ce matin, et pas que des gens issus de la communauté malgache”, souligne Afani Andriantsoly, le secrétaire général de la Fédération. Les coupures de 10 ou 20 euros s’entassent derrière les parois vitrées. Sans compter les dons par virement qui peuvent s’effectuer via le RIB placardé sur des affiches accrochées ici et là sur les barrières qui entourent le chapiteau. L’organisation a en effet ouvert un compte spécifique à la Bred pour réunir les fonds à destination de Madagascar. “On a déjà reçu pas mal de dons oui, même si on aimerait toujours plus !”, confirme une bénévole. En tout, la FAMM aura réuni quelque 8.000 euros sur la journée de samedi.

Des dons financiers auxquels viennent s’ajouter plusieurs paquets de vêtements ou de nourriture, posés à quelques mètres de là à l’ombre du marché couvert. “On a déjà ramené au moins trois fois ça !”, s’exclame avec un air satisfait Thany Omar, le secrétaire général de l’association Malagasy Mitambatra, en désignant les nombreux cabas Baobab et autres cartons de vêtements ou sacs de riz qui attendent d’être transportés par camion jusqu’à un containeur. Avant d’embarquer, par avion ou bateau, jusqu’à Madagascar. “On va les entreposer avant de savoir quand nous pouvons expédier les colis, et il faudra pour cela voir avec l’État malgache, à cause de la crise sanitaire”, explique Afany Andriantsoly.

Solutions de long terme

D’ici là, la FAMM ne compte pas réduire ses efforts. De nouvelles collectes doivent avoir lieu dans d’autres coins de l’île, au centre, au nord et au sud, pour permettre à ceux qui habitent loin de la commune chef-lieu de participer (l’organisation communiquera au fur et à mesure sur sa page Facebook). À terme, l’organisation entend bien participer aux travaux de forages ou de puits, pour apporter des solutions de long terme à la Grande Île, régulièrement victime de ces épisodes de sécheresse. Et le conseil départemental lui a accordé une subvention exceptionnelle de 15.000 euros, qui s’ajoute à une autre aide de 30.000 euros pour l’ONG Défi et de 55.000 euros pour Boniva. Une façon de “participer à l’aide alimentaire à destination des régions les plus touchées par la famine (Anosy et Atsimo-Atsinanana)”, a écrit la collectivité sur son compte Facebook. “Pour nous, il s’agit de montrer à nos compatriotes que, même si on est loin, on ne les oublie pas”, signe Afani Andriantsoly.

 

 

Cancers du sein et du col de l’utérus : sensibiliser et prévenir à Mayotte pour sauver des vies

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Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez les femmes en France. On peut en guérir, à condition d’être dépistée très tôt. Même son de cloche pour le cancer du col de l’utérus. Il est moins fréquent mais tout aussi dévastateur.  Pour mieux sensibiliser la population, il ne suffit pas de porter un ruban rose pendant un mois. Les initiatives se multiplient, à l’image de l’association Amalca et du réseau de santé Rédéca Mayotte qui luttent pour sensibiliser et prévenir ces deux types de cancer. Mercredi 14 octobre, des professionnels étaient à Koungou pour faire passer des messages qui peuvent sauver des vies.

Entourée de ses amies, vêtue de l’intemporel châle qui couvre le haut de son corps et de son salouva, Kaouthara se rapproche d’un pas nonchalant, du stand installé place de la Poste à Koungou, sous un ciel gris. Il est vrai que le buste en silicone posé sur la table attire le regard et titille la curiosité des passants. C’était l’objectif recherché par le réseau de santé Rédéca Mayotte et l’association Amalca. Les deux organismes ont collaboré et se sont déplacés à Koungou pour faire de la prévention et de la sensibilisation autour du cancer du sein et celui du col de l’utérus.

Les médiateurs présents ce jour-là accueillent le groupe de Kaouthara avec grand enthousiasme. « Venez mesdames, n’ayez pas peur ! Venez discuter avec nous ! » Elles s’approchent en fronçant les sourcils. « Qu’est-ce que c’est ? » demande Kaouthara en désignant la poitrine artificielle. L’une des médiatrices explique l’objet de cette journée de sensibilisation et sans plus attendre, le groupe de femmes passe à la pratique. Kaouthara est la première à se lancer. Elle palpe les seins dans lesquels les professionnels ont volontairement inséré de petites boules similaires aux anomalies qui se trouvent sur un vrai sein malade. Après quelques secondes, la quadragénaire retire ses mains, et son visage s’assombrit. « J’ai senti une boule dans le buste que j’ai palpé. Et bizarrement, quand je touche ma poitrine je sens la même chose. Cela signifie peut-être que j’ai un problème… Je vais donc rapidement voir un médecin », s’inquiète-t-elle.

Jusqu’à présent, Kaouthara n’avait jamais effectué de palpation de sa poitrine. Elle a pourtant rencontré tous types de professionnels de santé, notamment lors de ses grossesses, mais selon elle, aucun n’a évoqué le sujet avec elle. Cette habitante de Koungou n’est pas un cas isolé à Mayotte, bien au contraire. Les associations regrettent le manque de prévention et de sensibilisation auprès de la population, particulièrement auprès des femmes qui ont moins de 50 ans. « Il n’y a pas d’âge minimum. On peut avoir la vingtaine et avoir ce cancer. Un dépistage peut sauver une vie. Plus les femmes sont dépistées tôt, plus les chances de guérison sont élevées », explique Nadjlat Attoumani, présidente de l’association Amalca. Cette ancienne malade a fait du cancer du sein son principal combat. Elle est donc particulièrement motivée à attirer du monde sur son stand, et ça marche.

En l’espace d’une demi-heure, les femmes affluent. Mariame Mahamoud, médiatrice au Rédéca, est quant à elle chargée de diffuser les messages importants sur le cancer du col de l’utérus. À l’aide de son schéma imprimé sur une feuille, elle explique très simplement la maladie. Contrairement au cancer du sein, les femmes sont plus informées sur celui du col de l’utérus. « Quand j’ai accouché de mon dernier enfant, on m’a fait faire le frotti », indique une des mamans présentes. « La plupart des femmes qu’on a vues ont déjà fait leur premier frotti, elles savent déjà un peu ce que c’est. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde », informe Mariame Mahamoud. Elles connaissent la maladie, mais ne s’en préviennent pas assez. Pour rappel, le premier frotti doit être fait à 25 ans, et il est nécessaire de faire le deuxième un an plus tard, puis un rappel tous les trois ans jusqu’à 65 ans. Ce jour-là, pas de consultation médicale, contrairement à ce qui avait été annoncé. Mais la médiatrice du Rédéca établit une liste de noms. Celles qui se sont inscrites pourront effectuer un frotti gratuitement dans 15 jours lorsque l’antenne mobile de Rédéca reviendra dans le village avec une sage-femme.

Les hommes tout aussi concernés

Les femmes ne sont pas les seules à avoir été attirées par le stand installé dans leur quartier à Koungou. À la surprise générale, les hommes sont tout aussi curieux. Ils se dirigent vers la table discrètement. Nourdine, un père de famille d’une cinquantaine d’années, reste en retrait, tapi dans l’ombre. D’un œil curieux, il observe ce que font les femmes postées devant lui. Lorsque les médiateurs lui demandent de s’approcher, il avance d’un pas timide. Les professionnels expliquent la raison de leur présence et incite Nourdine à passer à la pratique. Dans son boubou de prière, il s’attèle consciencieusement à palper le buste artificiel et détecte rapidement la boule placée dans l’un des seins. L’image en fait sourire plus d’un, mais qu’importe, Nourdine prend les choses très au sérieux. « Aujourd’hui, j’ai appris ce qu’est le cancer du sein, et j’ai surtout appris à le détecter. Il est important que les hommes soient aussi informés. Ainsi, nous serons plus vigilants à la santé de nos femmes, nos filles, nos sœurs, etc. » Les plus jeunes sont également au rendez-vous. Mohamed, âgé d’une vingtaine d’années arrive sur place avec l’un de ses amis. Son assurance éclipse la timidité de Nourdine. Sans hésiter, il palpe lui aussi les seins en question, sous les instructions de la présidente de l’association Amalca. « C’est la première fois que je fais ça. Je ne connaissais rien sur le cancer du sein jusqu’à aujourd’hui. Maintenant, je peux en parler autour de moi pour informer mon entourage parce que ça peut toucher n’importe qui », dit-il. Malgré la pluie qui menace de tomber d’un moment à l’autre, les habitants du quartier place de la Poste à Koungou sont nombreux à venir se renseigner. Les médiateurs n’ont aucun moment de répit, leur mission est donc réussie.

Pompiers de l’aéroport de Mayotte : du ras-le-bol au « sabotage », il n’y a qu’un (faux) pas

Trois pompiers ont été entendus, ce jeudi, par le procureur de la République puis le juge des libertés et de la détention dans le cadre du déroutement du Paris-Dzaoudzi du 1er octobre. Ils sont ressortis du tribunal judiciaire en liberté conditionnelle avec une audience prévue le 9 décembre. Chez les pompiers du département, l’heure est à la solidarité. Et à aiguiser une défense déjà bien rodée « après deux ans de mépris ».

 L’affaire avait fait grand bruit. Le 1er octobre au matin, l’avion en provenance de Paris est contraint de changer de cap pour aller se poser à La Réunion. Il ne pourra pas, comme prévu, se poser sur le sol mahorais. En cause, la dégradation de matériels nécessaires à la sécurité des atterrissages. Très vite, il est entendu qu’à l’origine de ces actes se trouvent des pompiers grévistes de l’aéroport. « Un acte de sabotage », a dans la foulée réagi le préfet de Mayotte, « condamnant avec la plus grande fermeté ces actes d’une extrême gravité et formant le souhait que leurs auteurs soient très durement sanctionnés ». « Des plaintes seront déposées dès ce matin pour identifier et poursuivre les auteurs de cette action insensée et criminelle qui aurait pu entraîner des conséquences dramatiques », a alors insisté le délégué du gouvernement par voie de communiqué.

« C’est la manifestation d’un ras-le-bol »

Pas question, donc, d’en rester là pour les autorités. Alors, dans la journée de jeudi, trois pompiers ont été déférés au tribunal judiciaire de Mamoudzou après plusieurs heures de garde à vue. Résultat de la rencontre avec le procureur de la République : une mise en examen pour « entrave à la navigation ou à la circulation d’un aéronef », une infraction du Code des transports prévoyant une peine allant jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 18.000 euros d’amende. Est également reproché aux trois pompiers la dégradation de véhicules de secours et la subtilisation de matériel de sécurité. À l’issue de leur présentation devant le juge des libertés et de la détention, les soldats du feu n’auront pas été placés en détention provisoire et bénéficieront d’une liberté conditionnelle toutefois bien encadrée. Dans l’attente d’un jugement programmé pour le 9 décembre.

Un court laps de temps pour préparer la défense des trois pompiers mais qui bénéficient du profond soutien de leurs collègues. « Le plus important était qu’ils soient libérés, maintenant, il va falloir beaucoup travailler avec les avocats. Dans le même temps, nous allons informer au mieux les collègues pour que l’on soit tous ensemble dans le même bateau, envoyer un très fort message de soutien même si l’on ne cautionne pas certaines dérives », confie Colo Bouchourani, le porte-parole de l’intersyndicale des pompiers de Mayotte. Qui n’a pas tout à fait la même lecture des évènements que l’hôte de la Case Rocher. Un « sabotage » ? « Je pense avant tout que ce qu’il s’est passé est la manifestation d’un ras-le-bol. Depuis deux ans, les pompiers de l’aéroport ne font que réclamer de meilleures conditions matérielles et de travail dans un seul objectif : la sécurité des passagers qui dans l’état actuel du service est compromise. Je ne donne pas raison à la méthode, mais je comprends la frustration qui a pu les animer », plaide déjà le porte-parole de l’intersyndicale. En mode contre-attaque.

« On vit dans un monde qui est loin de la grande France »

« On les accuse d’avois mis des passagers en danger, mais ce sont les responsables qui ne veulent rien entendre depuis deux ans et qui refusent de mettre à niveau le service qui font courir le danger de manière quotidienne », lance le pompier. La solidarité est donc de mise chez les hommes en bleu. « Je sais que pour ces collègues c’est très difficile, ils sont abattus et empreints d’une grande tristesse. Mais il nous appartient à tous de les soutenir. La vie est un combat et seuls gagnent ceux qui ne baissent pas les bras et je compte sur eux pour ne pas le faire. Ce qui est sûr, c’est qu’il ne faut que personne n’en vienne à regretter d’être gréviste, ce n’est pas la question. La cause est bonne, la colère a ses raisons, le problème, là, c’est la manière, qui a dépassé le cadre de la grève », livre Colo Bouchourani dans un discours parsemé de saillies philosophiques bien à lui. « On n’est jamais battu, on reçoit des leçons », lâche-t-il ainsi à la volée.

Mais des leçons, le syndicaliste aimerait que les pompiers ne soient pas les seuls à en recevoir. Et à en tirer. « Mon plus grand souhait avec tout cela, c’est que ça permette enfin d’ouvrir le dialogue. Malheureusement, je suis assez pessimiste quant à cela, on vit ici dans un monde qui est loin de celui de la grande France. Le droit y est bafoué, le mépris est omniprésent. Forcément, ça crée de la colère. J’espère qu’un jour, ceux qui s’appellent responsables ouvriront les yeux là-dessus. » En attendant, lui, continuera à porter la voix.

Comment l’île de Mayotte se prépare à la montée des eaux

Accentué par le phénomène de subsidence que connaît l’île depuis la naissance du volcan et la montée des eaux due au réchauffement climatique, le phénomène naturel de grandes marées poussent les différents acteurs à se mobiliser.

15 cm. En un an, voilà ce que Mayotte a perdu de hauteur face à la mer. Contre un millimètre en moyenne les autres années. En cause, la naissance du volcan sous-marin au large de l’île, qui implique un phénomène dit de « subsidence » ou plus vulgairement d’enfoncement de l’île. En 2019, « c’est comme si l’île avait fait un bond de huit cents ans en avant dans le rythme global de la montée des eaux », décryptait l’année dernière Saïd Hachim, géographe et coauteur de l’Atlas des risques naturels et des vulnérabilités territoriales de Mayotte. Une subsidence accentuée par le réchauffement climatique auquel les territoires ultramarins sont particulièrement exposés. Pour la géographe Virginie Duvat, contributrice du rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) consacré à l’océan, Mayotte s’inscrit dans « ces territoires en première ligne des impacts de l’élévation du niveau de la mer ». Laquelle implique « la submersion graduelle et définitive des côtes basses qui n’ont pas la capacité de s’ajuster à l’élévation du niveau marin, ce qui va se traduire par une perte de territoire, nécessairement critique pour les îles », poursuit la chercheuse, qui a vécu dix ans dans l’océan Indien.

Des lieux d’évacuation prévus « dans le pire des cas »

Voilà pour les détails scientifiques. Dans ce cadre, les grandes marées prévues entre vendredi et mardi risquent bien de faire se réveiller les habitants du littoral les pieds dans l’eau. Car au plus fort de cet épisode, dimanche à 4h46, l’eau devrait se hisser jusqu’à 4m44. À la même période, l’année dernière, la menace était prise très au sérieux. Et avait poussé Étienne Guillet, le directeur de cabinet du préfet d’alors, à arpenter l’île pour alerter la population face aux différents risques qu’implique cette montée des eaux. « Dans le pire des cas, des lieux d’évacuation sont prévus par les communes dans le cadre de leurs plans communaux de sauvegarde », expliquait-il alors, prônant de mettre les différents appareils électriques en hauteur, d’installer des batards d’eau devant les portes les plus proches de la mer ou encore de couper l’électricité et le gaz en cas d’approche de l’eau.

Et cette année, si une telle opération de prévention n’est pas mise en œuvre, différents services se mettent toutefois en branle pour préserver l’île de la baignade. Au niveau de la préfecture, on alerte par communiqué. « Le préfet de Mayotte rappelle que d’éventuelles dégradation des conditions météorologiques sont susceptibles d’accentuer l’impact du phénomène et d’entraîner une détérioration des conditions de navigation ou de circulation en bord de mer. Ces données pourront être fournies dans les 24 heures qui précéderont l’événement », précise-t-on avant de rappeler les consignes de sécurité (voir encadré). Du côté du STM, on prévient que le service de la barge pourra être perturbé en fonction de la météo, et l’on indique d’ores et déjà que le premier départ de lundi 19, quai Issoufali est supprimé. Pour mardi, « pas de suppression mais fort risque de retard sur les départs de 6h », prévient le STM.

Quid des mesures à long terme ?

Côté routes, la Deal se prépare également aux perturbations à venir. « Afin d’y remédier des mesures de sécurisation du réseau routier vont être entreprises par l’unité du service Infrastructures, Sécurité et Transport, chargée de l’entretien et de l’exploitation des routes nationales et départementales », indique-t-elle ainsi. « En Grande-Terre, la Deal s’est préparée à intervenir à Ironi Bé, route nationale 2. Un exercice de mise en place de déviation (par Combani et Coconi) a donc été réalisé à Ironi Be en cas de submersion. Cet exercice a permis d’identifier les difficultés de mise en œuvre de la déviation qui sera effective à la prochaine montée des eaux, si l’eau venait à submerger la chaussée. Du côté de la Petite-Terre, les agents de la DEAL sont intervenus sur la route nationale 4, au boulevard des crabes. Après avoir placé des sacs de sable dans le caniveau et réalisé un talus de terre pour empêcher l’eau de submerger la chaussée, la circulation sera faite en alternance à l’aide de feux tricolores », détaillent les services de l’État. Et sur le long de ce même boulevard des crabes, submergé l’année dernière, la Deal prévoit d’ériger d’ici la fin de l’année un muret de 100 mètres de long pour 70 centimètres de hauteur.

Des mesures de circonstance donc, mais quid du long terme ? « On a là un territoire très vulnérable pour lequel il va falloir prendre des décisions rapidement, et parfois des décisions radicales, comme celle de devoir déplacer la population, activités et infrastructures », prévient Virginie Duvat. « Il est urgent de repenser l’aménagement des côtes qui concentrent la majeure partie des foyers de peuplement, des activités humaines et des infrastructures critiques comme les aéroports, les ports et les routes majeures », insiste la géographe, soulignant la nécessité de faire reculer l’activité humaine sur les terres. À bon entendeur…

Les consignes de sécurité en cas de montée des eaux

  • Tenez-vous au courant du niveau des marées et de l’évolution de la situation météorologique.
  • Limitez vos déplacements en bord de mer et circulez avec précaution en limitant votre vitesse et en respectant les consignes des forces de l’ordre et des services gestionnaires des routes.
  • Ne vous engagez pas sur une route fermée à la circulation.
  • Sur le littoral ou sur les plages, surveillez attentivement les enfants.
  • Si vous habitez en bord de mer :
  1. protégez vos biens face à la montée des eaux (installer des batards d’eau, relever les mobiliers),
  2. coupez l’électricité, l’eau et fermez les bouteilles de gaz,
  3. préparez votre kit d’urgence (médicaments, vêtements, alimentation, etc.),
  4. si nécessaire, évacuez vos habitations et gagnez les lieux d’accueil prévus par votre mairie.
  • Écoutez les consignes de sécurité.

“Bébés en danger” : un service néonatologie à bout de souffle réclame plus d’effectifs à Mayotte

Les infirmiers, aide-soignants, et auxiliaires de puériculture du service néonatologie du centre hospitalier de Mayotte ont manifesté ce jeudi devant l’hôpital. En sous-effectifs, ils déplorent des retards de recrutements et un risque pour la sécurité des patients.

Court débrayage, ce jeudi matin au centre hospitalier de Mayotte. Mais non moins critique. À l’appel du syndicat CFDT, les soignants du service néonatologie ont protesté quelques heures devant les portes de l’établissement pour dénoncer leurs conditions de travail, dans un service “en surcharge”.

Infirmiers, aide-soignants, et auxiliaires de puériculture souffrent du manque d’effectifs dans cette aile de l’hôpital, qui les conduit à effectuer des horaires à rallonge. Pire, certains n’ont pas posé de congés depuis plusieurs mois. “On est tous épuisés, certains n’ont pas pu prendre de vacances pendant toute l’année”, souffle une infirmière puéricultrice, en poste depuis déjà cinq ans. “Les chiffres sont importants, on tourne à 150%, voire 200% d’occupation.”

Un risque pour la santé des nouveaux-nés

Si la situation ne date pas d’hier, la crise sanitaire a porté un nouveau coup dur pour ces soignants en souffrance. Difficile, en effet, de recruter par temps de Covid-19, alors que plusieurs membres du service ont quitté leurs postes ces derniers mois. Le personnel restant se retrouve donc avec encore plus de bébés sur les bras. Littéralement.

“On a des ratios de patients par soignant qui dépassent le cadre légal. Entre un à deux de plus pour les soint intensifs et la réa, et peut-être trois ou quatre en médecine”, décrit cette soignante. Principale source de préoccupation pour le personnel, les impacts que cette surchauffe risque d’avoir sur les nouveaux-nés à leur charge. D’où leurs slogans tapageurs brandis sur le trottoir ce jeudi : “bébés en danger”, “soignants en danger = votre santé sacrifiée”, peut-on lire sur leurs banderoles. “On aime faire notre travail comme il faut”, résume sans faux semblant cette employée.

Perte de talents

Parmi leurs revendications, une plus grande flexibilité dans les contrats proposés. La politique du CHM, de ne proposer que des contrats d’un an, en aurait poussés plus d’un vers la sortie. “Des gens déjà formés et qui souhaitent rester seulement trois ou six mois de plus finissent par s’en aller. Derrière, soit les recrutements tardent, soit il faut reformer des gens”, déplore l’infirmière.

Contrats d’intérim relancés, recrutement en renforts d’auxiliaires de puériculture pour libérer le travail infirmier… Après une première réunion il y a trois jours avec la direction, quelques solutions ont déjà pu être proposées et de nouvelles recrues doivent arriver en renfort d’ici quelques semaines. Et le CHM planche sur des pistes pour rendre les contrats plus attractifs. Reste à savoir si tout cela suffira pour faire face à l’urgence. Et soulager enfin ces personnels à bout de souffle.

Retour à la compétition pour la ligue mahoraise de football

Plus de sept mois après l’interruption de la saison 2020 liée à la crise sanitaire de la Covid-19, les footballeurs mahorais retrouvent le chemin des terrains en compétitions officielles ce week-end. Leurs dirigeants sont partagés entre enthousiasme et inquiétude.

Quelle reprise pour le football mahorais en cas de levée de l’état d’urgence sanitaire sur l’île avant la fin de l’année ? C’est la principale question qui a animé ses acteurs et spectateurs durant la longue période de pause, entre mars et septembre derniers. Durant ces sept mois d’attente, d’innombrables scénarios ont fleuri, notamment sur les réseaux sociaux. Et le 27 septembre en réunion de comité directeur, la Ligue mahoraise de football (LMF) a fini par trancher. « Réuni en urgence suite à la levée de l’état d’urgence sanitaire qui pesait sur notre département, [et] après avoir recueilli les avis des clubs sur les suites à donner à la saison 2020, le Comité de direction décide de ne faire jouer que les matchs de coupes de Mayotte et de France pour finir la saison 2020. » Exit les championnats de Mayotte 2020 ! À l’issue de la saison, la LMF n’attribuera aucun titre de champion, aucune promotion, et ne procèdera à aucune relégation.

Les championnats 2020 avaient été lancés début mars et pour les plus chanceux, deux matchs avaient pu être disputés avant la suspension des activités sportives et la mise en place du confinement sur le territoire. Deux journées de jouées sur une vingtaine de programmées : bien trop peu pour tirer des conclusions. Bien trop peu, pour couronner les différents clubs ou à l’inverser les évincer de leur championnat selon leur place dans le classement. Mais 2020 ne sera pas pour autant une saison blanche. Ce samedi à 14h30, les clubs entament le deuxième tour de la Coupe régionale de France. Sans les pensionnaires de Régional 1, la première division mahoraise, qui entreront en lice au troisième tour le samedi 24 octobre. Mais avec les équipes de R2, R3 et R4 tirés au sort vendredi dernier à la LMF.

« Nos licenciés avaient envie de rejouer »

« Les tirages au sort des huitièmes et quarts de finale de la Coupe régionale de France auront lieu le mardi 27 octobre à 14h. Toutes les rencontres des huitièmes seront jouées le samedi 31 octobre, tous les quarts de finale seront jouées le samedi 7 novembre. Le tirage au sort des demi-finales de la Coupe régionale de France aura lieu le lundi 9 novembre à 14h et les rencontres seront jouées le mercredi 11 novembre à 14h », informe la commission régionale sportive et des terrains de la ligue dans son procès-verbal. La finale de la CRF est prévue le samedi 21 novembre. Et désormais, le vainqueur de la Coupe régionale de France se qualifiera, non plus pour le septième mais pour le huitième tour de la Coupe de France ! « Le président Mohamed Boinariziki et l’ensemble du Comité de direction remercient le président de la Fédération française de football et l’ensemble du Comex pour cette décision tant attendue par le football, et pour laquelle nous avons beaucoup œuvré », note le comité de direction de la LMF.

En parallèle de la CRF se jouera la Coupe de Mayotte senior, avec des rencontres programmées les dimanche 18 et mercredi 21 octobre pour le premier tour, les samedi 14 et dimanche 15 novembre pour le deuxième tour, ou encore les samedis 5 et 12, et dimanches 6 et 13 décembre pour les différentes finales – Coupes de Mayotte senior, féminine, jeunes et entreprise confondues. Autrement dit, malgré l’absence de championnats, les matchs vont s’enchaîner pour les seniors. La reprise sur ce modèle est en tout cas une excellente nouvelle pour beaucoup de dirigeants de clubs, à l’instar de Rabrunot Randriamahanina, président du FC Chiconi. « En jouant le championnat, nous aurions empiété sur la saison 2021 : ça aurait été compliqué. C’est une bonne chose que la ligue ait pris cette décision, c’est plus judicieux et raisonnable de ne faire jouer que les coupes. Et nos licenciés sont contents parce qu’ils avaient envie de rejouer et ils vont pouvoir rejouer. »

« Aucun club ne serait en mesure de faire respecter les conditions de reprise »

Mais tous ne portent pas le même jugement. C’est le cas de Djamil Abdallah, qui était à la base favorable, lui aussi, à « oublier les championnats et ne jouer que les rencontres de coupes », pour notamment permettre à Mayotte d’être représenté en Coupe de France. Mais face à toutes les problématiques qu’ont provoqué et que continuent de provoquer la crise sanitaire, l’éducateur des équipes de jeunes à l’USCJ Koungou est aujourd’hui bien plus sceptique. Relevant, dans une lettre ouverte, l’ensemble des modalités de reprise imposées par la Jeunesse et sports État pour lutter contre un retour en force du virus, et soulignant par exemple l’impossibilité pour les clubs de contrôler la gestion du public, le bon respect par les spectateurs du port du masque et de la distanciation sociale, le dirigeant est persuadé qu’ « aucun club à Mayotte ne serait en mesure de faire respecter les conditions de reprise » fixées à la suite de l’arrêté de la préfecture ayant annoncé la levée de l’état d’urgence sanitaire.

Djamil Abdallah va plus loin, en déplorant de nombreuses décisions prises par la LMF dans le cadre de la reprise de ses activités. Il s’indigne par exemple de l’organisation des rencontres de jeunes les mercredis à 16h, « alors que nos gamins sont censés être en classe et que les éducateurs responsables des équipes de jeunes et les dirigeants accompagnateurs sont au travail ». Ou regrette l’organisation de rencontres seniors à 19h en semaine… « Les rencontres finiront tard dans la nuit : il y a un risque d’agression sur les routes au retour de nos licenciés, avec le phénomène de coupeurs de route que nous vivons ici. […] Nous sommes d’accord pour une reprise des compétitions mais pas au détriment de l’éducation de nos jeunes et à l’intégrité physique de ces derniers », ajoute-t-il, avant de trancher. « J’invite la ligue de Mayotte à la vigilance et demande au comité directeur d’annuler tout simplement cette reprise de compétitions officielles si les conditions ne sont pas réunies, et de préparer les clubs pour une reprise des compétitions en 2021. »

À la veille de la suite et fin de la saison 2020, il apparaît peu probable que les propositions de l’éducateur soient suivies. À moins d’un improbable rebondissement, joueurs et dirigeants des clubs de football mahorais honoreront leur convocation ce week-end et les semaines suivantes, avec la Covid-19 dans un coin de la tête pour les uns, et l’excitation de revivre de nouvelles émotions sportives pour les autres.

Mayotte : Participez à la course de pneus… depuis votre canapé

Crise Covid oblige, la 37ème édition de la course de pneus ne s’est pas déroulée comme à l’accoutumée. Mais l’agence Angalia, organisatrice de l’événement, et son partenaire Orange ont lancé ce mercredi une solution alternative avec une application de jeu mobile pour permettre aux participants d’en découdre via un tournoi en ligne. Les 8 meilleurs « coureurs » s’affronteront lors d’une grande finale le 26 novembre. Et le projet risque bien d’évoluer aux côtés des acteurs locaux de l’écosystème digital dans les prochains mois pour proposer une version encore plus proche de la réalité.

Véritable institution sur l’île aux parfums, la course de pneus vient de subir deux revers consécutifs : le décès de son créateur Jack Passe et l’annulation de sa 37ème édition en raison de la crise sanitaire… Un coup dur pour l’agence Angalia qui pilote et coordonne ce rendez-vous annuel depuis 2008. Comment alors se relever de cet affront ? « Nous avons réfléchi à ce que nous pouvions proposer à ce public friand et aux 1.500 élèves », rembobine Laurent Mounier, le gérant de la structure spécialisée dans l’événementiel. Une idée émerge avec le développement d’un jeu mobile. Deux mois et demi plus tard, le résultat est enfin disponible. « Quand nous avons commencé à en parler, nous avions du mal à y croire », concède-t-il, le sourire aux lèvres. Pas peu fier, ce merdredi, de dévoiler cette grande première sur le territoire. « Nous sommes au départ d’une formidable aventure », poursuit-il en se tournant vers Jérôme Fromager, directeur communication chez Orange La Réunion, partenaire privilégié de cette « expérience immersive depuis son téléphone ou sa tablette ».

« Carte de visite technologique et culturelle »

Mais concrètement, comment se matérialise cette aventure ? Rien de plus simple : il suffit de télécharger gratuitement l’application sur Google Play* ou sur Appel Store**. « Partout dans le monde, que vous soyez ici, à Londres ou à New-York, vous pouvez y jouer ! » Êtes-vous prêt à relever le défi ? Munissez-vous d’un pneu et de deux bâtons en choisissant votre avatar parmi les 6 proposés (garçon, fille, homme, femme, colosse, mama). Vous voilà propulsé sur la ligne de départ pour une course effrenée dans les rues de Mamoudzou. « Sur la rocade, si vous tournez la tête, vous apercevez la barge. Le parcours reflète le plus possible la réalité », s’émerveille fièrement Laurent Mounier, pendant une démonstration. « Nous voulions concevoir le jeu de Mayotte et non pas pour Mayotte », rajoute Jérôme Fromager. Mais revenons à nos moutons ! Pour franchir la ligne d’arrivée avec le maximum de points, il va falloir faire preuve de dextérité pour collecter les bonus sur votre route : broches de jasmin (+5pts), tongs (+2pts), bouteilles d’eau (+10pts). Ces dernières sont une denrée précieuse puisqu’elles vous permettent de bénéficier d’un boost et donc d’accélérer plus vite que la normale pour « déposer » vos concurrents. Attention toutefois aux plaques de bouche d’égoût (-10pts) et aux barrières (-5pts), susceptibles de vous faire perdre du temps et des points. En somme, « c’est un jeu ludique, simple et familial pour le plus grand nombre », résume le directeur communication chez Orange, qui voit en cette « carte de visite technologique et culturelle » une occasion en or de « travailler au rayonnement de Mayotte, aussi bien dans l’océan Indien qu’en métropole ».

Indépendamment de l’aspect festif, vous pouvez aussi prendre part au concours organisé sous la forme d’un tournoi à partir du 19 octobre. Seule condition pour y participer ? Être résident à Mayotte. Pour s’inscrire, rendez-vous sur http://mayesport.yt. D’où l’importance des points car ce sont eux qui vont vous permettre de gravir les échelons et peut-être de vous hisser parmi les 32 meilleurs joueurs au soir du 9 novembre. Et pourquoi pas de faire partie des 8 finalistes le 26 novembre au 5/5. Soirée spéciale en perspective pour déterminer le grand gagnant sur un écran géant. Une manière de renouer avec l’ambiance bon enfant propre à la Course de pneus.

Rassembler les acteurs locaux de l’écosystème digital

Ne reste plus qu’à espérer que l’engouement suive ! Et sur ce point-là, les deux partenaires sont relativement confiants. « Nous estimons entre 45.000 et 50.000 personnes en capacité de pouvoir télécharger le jeu sur Mayotte », dévoile Jérôme Fromager, qui espère en toucher 10%… Et pour cela, il précise qu’Orange met à disposition « des équipements de qualité à moindre prix », à savoir des téléphones mobiles, et « une offre pour se connecter de l’ordre d’1 ou 2 euros ». Toutefois, pour que ce pari porte ses fruits, seuls les nombres de téléchargements et de participants au tournoi comptent. « Nous serons jugés sur ces deux critères. Le succès de demain est la réussite d’aujourd’hui. »

En tout cas, les idées ne manquent pas pour aller encore plus loin. « Montez à bord avec nous pour développer ce projet », adresse-t-il aux acteurs locaux de l’écosystème digital. « Aujourd’hui, nous, vous donnons un moyen d’expression » dans le monde du gaming. D’autres versions plus élaborées sont déjà dans les starting-blocks tandis que des projets de partenariat avec les communes et le rectorat sont en cours de réflexion. « Nous imaginons déjà des circuits sur Dzoumogné, Sada et Kani-Kéli », glisse Laurent Mounier, qui souhaite continuer à développer une image positive et touristique de son île. Son rêve le plus enfoui ? Relancer le championnat et la phase finale de la Course de pneus « dès que possible » et y associer cette application évolutive. « Nous pourrions faire les deux, en installant des chapiteaux sur le parcours avec des écrans pour jouer en simultané. » À vos marques, téléchargez… roulez !

*https://play.google.com/store/apps/details?id=com.darie.coursedepneus

** https://apps.apple.com/fr/app/course-de-pneus/id1532034043


Des prix qui font rêver pour les 8 premiers

Des suites de cette journée de compétition inédite, les 8 participants de la phase finale recevront une récompense en fonction de leur classement. Les prix sont un vélo électrique (1er), un aller-retour entre Mayotte et Paris(2ème), un mobile (3ème), une tablette (4ème) et une sélection de parfums (du 5ème au 8ème). Un livre sur la Course de pneus sera également remis aux 32 premiers joueurs.


 

Manque d’eau à Mayotte : “Nous ne sommes pas encore tirés d’affaire”

Ces trois jours de pluie intense marquent-ils l’arrivée de la saison des pluies et nous permettent-ils, de fait, d’être rassurés quant à une éventuelle pénurie d’eau ? Pas tout à fait, nous répond Laureynt Floch, le directeur de l’antenne locale de Météo France. Si plusieurs signaux tendent vers une entrée dans les normes, “ce n’est pas pour autant que nous allons pouvoir rattraper notre retard”, explique-t-il.

Flash Infos : Avec les épisodes de fortes pluies que nous avons pu observer ces derniers jours, peut-on enfin dire que la saison des pluies tant attendue a signé son arrivée ?

Laurent Floch : La saison des pluies débute de manière plutôt arbitraire. Nous pouvons grossièrement dire qu’elle commence en octobre et se termine en avril. Mais en réalité, nous ne pouvons pas vraiment dire qu’il y a exactement deux saisons à Mayotte. Il y a un effet de seuil et donc une intersaison. Chez Météo France, nous considérons que la véritable saison de recharge court plutôt sur les trois mois de janvier, février et mars. Et ces trois mois là sont encadrés par deux intersaisons. En ce moment, nous nous inscrivons donc dans l’intersaison du printemps austral. Et nous ne pouvons pas dire que nous soyons entrés dans la saison des pluies malgré l’épisode de précipitations relativement intéressant que nous avons connu ces derniers jours.

FI : Ces pluies ne seraient donc pas un épisode qui aurait tendance à s’inscrire dans la durée et qui permettrait d’éloigner le spectre de la pénurie d’eau ?

L. F. : Il s’agissait véritablement d’un épisode. Ce sont près de 100 millimètres qui sont tombés sur l’île ces derniers jours, ce qui correspond à la moyenne annuelle de ce mois. Il est donc tombé en trois jours ce qu’il pleut en moyenne sur le mois d’octobre. Mais c’est un épisode orageux, il y a certaines années où cet épisode passe à côté de l’île et d’autres, comme celle-ci, où il vient s’abattre sur cette petite terre dans ce bassin de l’océan Indien qu’est Mayotte. Nous avons eu de la chance mais les prochains jours seront beaucoup plus secs. Nous nous trouvons dans la période de la pluie des mangues pendant laquelle il n’y a rien d’étonnant à voir des petits épisodes pluvieux mais a priori, nous n’observerons rien de comparable avec ce que nous avons connu ces derniers jours. Nous ne sommes pas du tout dans le Kashkazi installé comme nous pourrons vraisemblement l’être au mois de janvier.

FI : L’inquiétude est donc toujours de mise quant aux réserves d’eau ?

L. F. : Nous attendons tout de même une saison beaucoup moins sèche que ce que nous craignions il y a encore quelques semaines. Certains paramètres sur lesquelles nous nous appuyons, comme le dipôle de l’océan Indien – qui était alors dans une tendance fortement négative, ont tendance à revenir vers la normale. Ce qui concorde avec nos prévisions saisonnières qui donnent les trois derniers mois de l’année plutôt vers la normale. Nous ne devrions donc pas être sur une année exceptionnellement sèche, mais nous ne sommes pas pour autant tirés d’affaire. La terre est sèche, les végétaux ont soif et ces deux éléments vont d’abord se servir au passage. Nous avons eu de la chance d’avoir une centaine de milimètres, néanmoins, pour que les pluies soient efficaces, il faut que les sols aient été préparés par des pluies comme celles-ci. Il faut attendre trois à quatre semaines pour que les sols soient prêts à accueillir des pluies efficaces.

FI : L’inquiétude est moins prégnante mais nous ne sommes pas encore tirés d’affaire, c’est en substance le message que vous livrez aux autorités qui supervisent la gestion de l’eau ?

L. F. : Tout à fait. Ce n’est pas parce que nous sommes dans une saison normale que nous allons pouvoir rattraper notre retard. C’est la première chose. La seconde c’est que l’efficacité des pluies est moins grande sur un sol qui est assoiffé comme c’est encore le cas. Ils boivent donc une grande partie de ce qui tombe et les bassins versants ne vont alors pas tout rendre au niveau des différentes retenues. C’est normal mais cela veut dire que nous ne pouvons pas nous appuyer sur ces premières pluies. Il ne faut donc pas crier victoire, loin de là. Et je ne crois pas du tout que ce soit le message de la préfecture.

FI : Il y a un mois de cela, l’inquiétude était grande du fait de la tendance négative que prenait le dipôle de l’océan Indien mais aussi par so association aux effets du réchauffement climatique. Si cette première donnée semble se stabiliser, qu’en est-il de la seconde ?

L. F. : La saison ne sera pas obligatoirement différente cette année, mais cela n’empêche pas que les signaux du réchauffement climatique soient bien là. Nous allons, de manière générale, vers un assèchement du dernier trimestre de l’année. Comme il y a une variabilité interannuelle très forte, il n’est pas étonnant de voir de la pluie cette année comme nous pouvons grandement en manquer d’autres années. C’est une moyenne qui montre une tendance vers l’assèchement. Il faut faire une différence entre les moyennes et les observations sur une saison, c’est d’ailleurs la différence entre la climatologie et la météorologie

Le Cam Mamoudzou primé au concours national des Trophées Club+

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Mayotte s’est distinguée à la Maison du sport français grâce à l’un de ses clubs d’athlétisme. Pour avoir ouvert et facilité l’accès à une activité sportive aux femmes des villages reculés de son club, le Cam Mamoudzou a été primé lors de la première édition des Trophées Club+. À la clé : un joli chèque et une belle reconnaissance nationale.

859 candidatures venant de toute la France, pour seulement une vingtaine de lauréats… Parmi lesquels figure le Club d’athlétisme de Mamoudzou (Cam). L’association sportive de la commune chef-lieu de Mayotte a participé au premier concours Trophées Club+ organisé par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), représentant du mouvement sportif français auprès des pouvoirs publics. Un événement ayant pour objectif de « mettre en lumière les très nombreuses actions des clubs sportifs contribuant directement à l’équilibre de la société », résume le Comité national olympique sur son site internet. Cette première édition était composée de six catégories (Excellence environnementale, Initiatives de la santé, Accompagnement éducatif, Valeurs et citoyenneté, Intégration, Cohésion sociale) plus un Prix spécial du jury. Chacune des catégories récompensait trois clubs amateurs – à hauteur de 10.000 euros, 8.000 euros et 6.000 euros selon leur classement – et un club professionnel.

Le concours lancé en octobre 2019, les dossiers de candidatures devaient se porter sur des actions mises en place lors de la saison 2018/2019. La remise des trophées, quant à elle, devait initialement se tenir en mars dernier. Le jury des Trophées Club+ a bien clôturé le dépôt des dossiers au soir du 29 février 2020. Mais entre temps, la progression de la Covid-19 n’a pas permis aux jurés d’étudier les dossiers, départager les clubs et attribuer les différents prix. Sept mois plus tard, ces mêmes jurés ont enfin pu délibérer. Et ont donc, après examen des 161 dossiers reçus dans la catégorie Initiatives de la santé, attribué le troisième prix de cette catégorie au CAM Mamoudzou, d’une valeur de 6.000 euros.

« Inciter un plus grand nombre de femmes » à la marche sportive

Voilà deux ans que l’association a ajouté la section Santé dans ses activités. Section au sein de laquelle les cadres du club mènent plusieurs actions dans le but de favoriser la pratique d’une activité physique et sportive chez les personnes qui en sont généralement éloignées. Une initiative récompensée aux derniers Trophées du Sportif de l’année organisés par la Somapresse, le CAM y ayant remporté le prix Sport santé. C’est l’une de ses actions sport santé qui a tapé dans l’œil du jury des Trophées Club+. « Tous les dimanches matin, nous organisons une marche sportive d’une ou deux heures autour de la commune de Mamoudzou, au départ et à l’arrivée de Passamaïnty. Et environs toutes les six semaines, nous organisons une grande randonnée, souvent hors Mamoudzou, comme la retenue de Combani à l’ouest, Saziley au sud de l’île ou le lac Dziani en Petite-Terre. Il peut toutefois nous arriver de rester dans la commune, en parcourant les sites comme la maison du gouverneur ou la carrière de Doujani… Cette action concerne les adhérents de la section santé : majoritairement des femmes âgées entre 20 et 55 ans », présente Michel Latour, président du CAM. « Certaines n’ont pas la possibilité ou les moyens de se rendre sur le lieu de départ : c’est pour cela que le club loue un bus de 15 places qui les récupère dans leur village et les redépose chez elles à l’issue de la marche », poursuit le dirigeant. « Nous avions comme projet d’étendre notre action en incitant un plus grand nombre de femmes à participer à nos marches sportives et randonnées, en louant un plus grand bus et en allant les chercher plus loin encore. Cette prime va nous permettre d’envisager notre projet plus facilement et plus rapidement », finit-il par se réjouir.

« Être assis aux côtés de Stéphane Diagana et Marie-José Pérec était un grand honneur »

Michel Latour était invité à la Maison du sport français à Paris le week-end dernier, afin de participer à la cérémonie de remise des prix. Une cérémonie en comité restreint, avec néanmoins de nombreuses personnalités. À commencer par le président du CNOSF, Denis Masseglia, et la ministre des sports, Roxana Maracineanu. Avaient également honoré de leur présence l’ancien champion du monde du 400 mètres haies, Stéphane Diagana, président du jury de ces premiers Trophées Club+, mais aussi la triple championne olympique Marie-José Pérec, ou encore la vice-présidente de la Fédération française d’athlétisme, Anne Tournier-Lasserve, représentant la fédération du CAM Mamoudzou.

« Être assis aux côtés de Stéphane Diagana et Marie-José Pérec, échanger avec la ministre qui m’a par ailleurs confié vouloir venir à Mayotte… pour moi c’était un grand honneur », retient Michel Latour, qui conclut : « La remise de ce prix national par le CNOSF est l’occasion pour notre association de remercier ceux qui nous soutiennent de près ou de loin : la maison de la santé pluridisciplinaire du lagon, la MGEN, Rédiab’Ylang, le conseil départemental de Mayotte, la mairie de Mamoudzou, l’Agence nationale du sport, l’Agence régionale de santé, Ho Hio Hen, le Cros Mayotte et le Crib, le CDAM et la CSSM. Et bien sûr, c’est l’occasion d’adresser mes félicitations à tous les bénévoles du club ainsi qu’aux adhérents, car ce prix leur revient. Que cela nous encourage tous à poursuivre nos actions en faveur du développement de l’athlétisme à Mayotte sous toutes ses formes : compétitions, enfants, santé. »

Le Club d’Athlétisme de Mamoudzou dispose de quatre sections : la section Running incluant principalement les trails et les cross, la section Piste intégrant le sprint, le demi-fond et le fond, la section Enfants et la section Santé. Avant l’arrêt de la saison 2019/2020 en mars dernier, le CAM comptait 224 licenciés dans ses rangs.

 

Outre-mer : Face à la vie chère et aux inégalités, des politiques publiques encore inadaptées, note le CESE

Passengers wearing protective face masks get off a boat upon their arrival in Mamoudzou, on the French Indian Ocean island of Mayotte on June 5, 2020, as measures to curb the spread of the COVID-19 (novel coronavirus) are maintained on Mayotte over concerns about the continued spread of the virus there and a fragile health system. (Photo by Ali AL-DAHER / AFP)

La Délégation à l’Outre-mer a dressé un nouveau tableau au vitriol de la situation sociale des Outre-mer. Pour les rapporteurs, le fruit de ces inégalités trouve son origine dans une crise du pouvoir d’achat. Mais des solutions existent.

Comme un disque rayé. Une nouvelle étude du Conseil économique, social et environnemental brosse un portrait exhaustif bien que par trop connu des inégalités sociales dans les Outre-mer, sources de fractures toujours plus profondes de la société et “d’atteintes au Pacte Républicain”. Et la crise Covid ne risque pas d’adoucir le trait : “le choc économique et social suite à la crise sanitaire s’annonce extrêmement brutal et ses conséquences seront de grande ampleur”, prédisent les rapporteurs. À Mayotte, cette pandémie “a fait ressurgir aux yeux de tous, les conditions de vie misérables d’une grande partie de la population”, de même que dans certaines des communes de La Réunion ou dans les îles isolées de Polynésie française.

Pour autant, les racines de ces inégalités sociales et économiques sont plus profondes. La Délégation à l’Outre-mer du CESE s’est d’ailleurs saisie du sujet dès le mois de janvier 2020. Objectif, alors : étudier les liens entre pouvoir d’achat et cohésion sociale dans les Outre-mer, dans le contexte particulier de la “vie chère”, l’une des principales causes de mécontentement des populations ultramarines. “C’est le sens des revendications de pouvoir d’achat et de justice sociale exprimées lors de mouvements sociaux répétés depuis de nombreuses années, signes d’un mal-être qui perdure”, écrit le bureau du CESE dans sa note de saisine du 28 janvier dernier. Le premier du genre ? La grève contre la “vie chère” en 2011 à Mayotte, qui avait duré 46 jours et causé un décès, retracent les rapporteurs en introduction de leur rapport.

Un avis consultatif

Certes, le CESE, une assemblée constitutionnelle composée des représentants sociaux, émet des avis purement consultatifs. Reste que ce nouveau tableau sur la situation des Outre-mer a le mérite de faire une piqûre de rappel. Et pourrait, qui sait, orienter les futures politiques publiques. Car “il est indispensable d’aller au-delà des réactions d’urgence et d’apporter des réponses de long terme. Les Outre-mer présentent des sociétés fracturées par une pauvreté qui ne cesse d’augmenter. Il y a urgence à s’attaquer à cette grave difficulté qui mine le pacte social et la cohésion républicaine”.

Un constat qui résonne tout particulièrement à Mayotte, où les récents déferlements de violence peuvent aussi s’analyser au prisme de ces inégalités qui se creusent. À ce sujet, l’avis insiste sur le taux de pauvreté du département le plus mal noté, avec 84% de la population sous le seuil national. Certes, ce taux est passé à 77% en 2018 d’après les dernières statistiques de l’INSEE, mais cette évolution apparente cache des inégalités qui se sont accentuées en parallèle. En 2018, les 10 % les plus aisés avaient ainsi un niveau de vie plancher 6,8 fois supérieur au niveau de vie médian de la population. Soit quatre fois de plus qu’en 2011 !

2,50 euros une baguette à Mayotte

Premier facteur d’inégalités, une crise du pouvoir d’achat, fruit d’une faiblesse des revenus et d’un niveau des prix élevé. “Le pouvoir d’achat et la cohésion sociale sont fortement liés en Outre-mer” et “le fait de payer les mêmes produits bien plus chers que dans l’hexagone, révolte profondément les consommateurs qui se sentent pris au piège”, poursuit le rapport. Et là encore, le 101ème département n’est pas en reste : récemment, le prix d’une baguette de pain à 2,50 euros avait provoqué un tollé sur les réseaux sociaux.

L’échec des politiques publiques sur les prix

Situation de monopole, éloignement dû à l’insularité, octroi de mer… Les facteurs de cette “vie chère” sont multiples mais les rapporteurs soulignent que “la régulation des prix par les autorités publiques (État, Autorité de la concurrence, délégué interministériel à la concurrence en Outre-mer…) peine à faire baisser les prix significativement et durablement”. Le fameux “Bouclier qualité-prix” (BQP) instauré grâce à la loi Lurel du 20 novembre 2012 montre ainsi des signes d’essoufflement. Non seulement, les consommateurs ne connaissent pas suffisamment les produits inclus dans le panier, mais les distributeurs ont pu, de leur côté, adapter leurs marges… Sans parler des inégalités de revenus, les paniers des classes les plus aisées tirant les prix des produits de grande consommation vers le haut.

Pas de couverture sociale pour 70.000 personnes

De leur côté, “les plus fragiles sont particulièrement vulnérables à l’augmentation des prix des denrées alimentaires”. Les revenus des ménages sont alors fortement dépendants des aides sociales. Or, à Mayotte, l’alignement des prestations sur celles de l’hexagone n’est toujours pas achevé : 70.000 personnes ne seraient pas couvertes par la protection sociale, d’après des données de la Caisse de sécurité sociale croisées avec le recensement de l’INSEE de 2017. Qui dénombre 256.518 habitants, un chiffre que beaucoup accusent d’être en deçà des réalités. Dans le viseur du CESE, justement : les biais des analyses statistiques qui “conduisent systématiquement à minorer les difficultés rencontrées par la population. Il en résulte des politiques publiques qui ne tiennent pas compte de la pauvreté extrême à laquelle est confrontée plus de la moitié de la population, et jusqu’à 84,5% à Mayotte”.

Les leviers de l’économie régionale et locale

Dans les solutions pour vaincre ce cycle infernal qui lie vie chère et inégalités sociales, le CESE évoque pêle-mêle l’alignement des prestations sociales sur le droit commun mais aussi une adaptation des normes commerciales européennes aux réalités des territoires, ce qui permettrait une meilleure coopération régionale. En effet, à Mayotte comme dans la plupart des territoires ultramarins, la dépendance à la métropole et le manque de relations commerciales avec les pays voisins constitue un frein à la compétitivité des prix. Enfin, le soutien d’une économie locale durable et diversifiée est un levier indispensable pour créer de l’emploi et améliorer le pouvoir d’achat. L’exemple de la coopérative de commerçants indépendants “Macodis” à Mayotte en est la preuve. Ces treize commerçants indépendants, regroupant seize magasins ont “donné l’opportunité aux fournisseurs locaux d’accéder aux canaux de distributions.” À la clé, une réduction des coûts d’achat de 15 à 30% ! Comme quoi, Mayotte aussi peut avoir le bon rôle…

 

M. Kamardine : 43 questions au gouvernement pour ne plus dire « On ne savait pas »

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Entre le 18 août et le 6 octobre, le député LR Mansour Kamardine a posé une ribambelle de questions aux 43 membres du gouvernement Castex. Par cette action, le parlementaire met les ministres et les secrétaires d’État devant leurs responsabilités. Tous seront amenés à se pencher sur la situation de Mayotte, puisque tous les sujets sont abordés : social, travail, santé, éducation, enseignement supérieur, écologie, économie, développement, infrastructures, justice, armée, culture, famille, enfance, agriculture, collectivités, eau, Europe, entreprises, relations internationales, sécurité, immigration, port, logement… Débriefing. 

Flash Infos : En un mois et demi, vous avez interpellé les 43 membres du gouvernement. Cela ressemble à une véritable prouesse parlementaire, même si à ce jour, seul le ministre de la transition écologique vous a répondu… Pourquoi les avoir tous sollicités ?  

Mansour Kamardine : D’abord, il faut savoir qu’en tant que député, nous avons un quota de questions à poser chaque année. J’ai donc utilisé ma liberté de parlementaire ! Les sujets posés sont extrêmement importants et participent à l’édification de Mayotte dans la France. Je souhaitais réaliser cette démarche pour sensibiliser chaque ministère à l’existence de Mayotte. Contrairement à ce que nous pensons, Mayotte n’est pas très connue à Paris, certains ministres oublient l’existence du 101ème département par moment… C’est une action de sensibilisation. L’esprit général qui a justifié le dépôt de ces 43 questions était de faire en sorte qu’aucun membre du gouvernement ne puisse dire : « Ah, je ne savais pas ». J’ai horreur de cette expression !

Après, bien sûr que j’aurais aimé que les réponses viennent assez vite. Autant le député a la liberté de poser les questions, autant le gouvernement a la liberté de répondre dans un certain délai… Souvent, les sujets de notre territoire sont méconnus, donc le gouvernement cherche à comprendre et à instruire la question pour apporter des réponses concrètes. Je ne peux pas encore crier au loup alors qu’ils sont dans les délais.

FI : Certaines de vos questions reviennent régulièrement sur le devant de la scène, à l’instar de la construction des écoles et du dimensionnement de la base navale à Mayotte. N’avez-vous pas le sentiment de parler dans le vide lorsque vous évoquez l’île aux parfums ? N’y a-t-il pas la possibilité de fédérer davantage votre groupe parlementaire pour appuyer vos revendications ?

M. K. : Si j’étais fatigué, je ne me serais pas engagé dans cette bataille. Si je me suis présenté, c’est pour continuer l’action de nos aïeux. Mayotte est française parce qu’elle est perspicace et qu’elle a des convictions. Je ne suis que le prolongement des revendications de mes prédécesseurs. Je suis totalement engagé et déterminé pour faire entendre la voix de Mayotte, j’ai été élu pour cela. Et j’assume cette charge jusqu’en juin 2022 !

Je ne suis pas dupe, quand nous regardons ce qui a été fait, il est des questions où le gouvernement répond tardivement, expliquant que telle ou telle chose n’est pas envisageable chez nous. Mais à force de conviction et de détermination, nous arrivons à nos fins. Quand j’ai interrogé le gouvernement sur le rectorat de plein exercice, il a été décidé de sa création trois mois plus tard. Idem pour l’Agence régionale de santé et la piste longue. Aujourd’hui, le gouvernement nous demande de réfléchir sur le bilan de la départementalisation. Je ne désespère pas qu’avec cette réflexion, la priorité sera mise sur les chantiers structurels que nous connaissons tous ! Il ne faut pas se désarmer au premier rejet, il faut toujours remettre le pied à l’étrier.

Concernant mon groupe parlementaire, vous n’avez pas été sans remarquer que des collègues ont pris la parole en mon nom lorsque j’ai été testé positif au Covid-19. J’ai cette fierté d’appartenir à un groupe qui soutient Mayotte dans sa quête vers une intégration plus importante.

FI : Selon vous, quels ministres peuvent réellement faire bouger les choses et avoir un impact concret et immédiat sur le territoire ? 

M. K. : Le ministre participe à une action gouvernementale, mais il est vrai que nous pouvons en avoir certains plus engagés et qui ont un poids plus important que d’autres. Je pense, par exemple, aux ministres de l’Intérieur et des Outre-mer. Ils ont une sensibilité politique un peu plus prononcée que leurs précédesseurs. Il y a un espoir, en espérant qu’il ne soit pas déçu… Après, est-ce que le gouvernement entendra les appels unanimes des élus, notamment sur l’affectation de la dotation de fonds européens qui nous est due, à savoir 850 millions d’euros, pour les investissements de Mayotte ? Si le gouvernement accepte de remettre l’autorité de gestion au conseil départemental, nous sentirons une volonté de sa part d’associer les Mahorais dans un esprit de co-construction. Et à ce moment-là, nous placerons les élus devant leurs responsabilités et leurs électeurs. Si l’État accepte de mettre la même somme, nous financerons assez largement ces infrastructures qui permettront de nous asseoir dans le positionnement géographique qui est le nôtre et qui est envié par tout le monde. Nous avons un certain nombre d’hommes politiques au gouvernement qui peuvent nous appuyer. Nous verrons à l’acte parce qu’il n’est pas question de donner un chèque en blanc !

FI : L’attaque du commissariat de Champigny a fait la Une de tous les journaux nationaux. Dans le même temps, de nouveaux affrontements entre bandes rivales se déroulaient à Passamaïnty et Doujani, provoquant des blessés graves et des évacuations sanitaires. N’est-ce pas un aveu de l’abandon de l’État à Mayotte ? 

M. K. : Complètement ! En réalité, Mayotte est devenue française par réfraction. Donc nous n’avons pas senti de 2012 à aujourd’hui une véritable volonté de prendre en compte l’effet départemental à Mayotte. Nous ne pouvons pas imaginer que tous ces actes de violence ne soient pas portés à la connaissance des ministres… Quand la métropole subit un dixième des violences que nous connaissons ici, un ministre se déplace immédiatement ! Peut-être faudra-t-il attendre des morts pour les faire réagir… En attendant, des Français, qui sont des citoyens sur un territoire de la République, sont victimes chaque jour. Nous sommes en droit de nous poser beaucoup de questions ! Ils peuvent ignorer ces faits de violences pour nous décourager. Mais les Mahorais continueront à s’accrocher, comme une moule à son rocher, à la France, notre patrie et notre Nation, car nous avons fait ce choix multiséculaire. Nous considérons être Français, nous ne sommes pas de ceux qui ont deux nationalités.

L’exemple de la tenue des Assises de la sécurité au mois de novembre montre qu’il y a une espèce d’évolution des rapports entre l’État à Mayotte et les élus mahorais. Après son élection, Ambdilwahedou Soumaïla, le nouveau maire de Mamoudzou, a repris à son compte cette proposition que j’ai défendu pendant un an et demi et le préfet a reconnu sa pertinence. Nous pouvons aussi pointer son courage pour interdire la vente à la sauvette. Hier, c’était une mesure inimaginable. Aujourd’hui, tout le monde la salue ! Il faut absoluement que les élus acceptent d’assumer leurs responsabilités aux côtés de l’État pour voir si celui-ci nous accompagne derrière…

FI : Le Garde des Sceaux a par ailleurs annoncé sa volonté de visiter le 101ème département avant la fin de l’année. Celui-ci a proposé que les délinquants soient pris en charge par l’armée. Serait-ce une bonne nouvelle pour lutter contre la recrudescence de la violence selon vous ?

M. K. : Il nous faut un vrai plan de développement de la justice à Mayotte, avec la création d’une cour d’appel et d’un véritable palais de justice. Mais aussi la nomination de magistrats suffisamment expérimentés. Je n’ai pas reçu d’information concernant son éventuelle venue. Plusieurs signaux forts ont été envoyés ces derniers jours, avec la condamnation à six ans de prison ferme du patron de la brigade anti-bac et l’arrestation de trois individus en réponse aux affrontements du week-end dernier. Il faut persister dans cette direction ! Voire même aller encore plus loin et les envoyer à la prison de Koki pour exécuter leurs peines. Cela ferait réfléchir leurs pairs qui ne craignent pas de se faire incarcérer au centre pénitencier de Majicavo…

Quand je repense à Mayotte il y a une cinquantaine d’années, nous n’avions rien. Pourtant, nous n’avons pas versé dans la délinquance car nous avions des parents responsables. Quand nous commettions une faute, tout le village pouvait nous le reprocher. Aujourd’hui, il faut que les parents assument leurs responsabilités. Nous ne pouvons pas imaginer un gamin de 13 ans errer dans les rues à 22h… Le préfet a crié sur tous les toits qu’il allait reconduire aux frontières les parents dont les enfants ont commis des violences. Je n’en ai pas encore vu les résultats ! Il faut arrêter avec les discours et agir. Nous avons besoin d’un centre d’éducation pour mineur. Il faut réfléchir au développement de la capacité d’accueil du RSMA. Mais nous ne réglerons jamais le problème de la délinquance tant que nous n’aurons pas résolu le problème des flux migratoires. Dans l’accord-cadre de juillet 2019 signé avec l’Union des Comores, il est prévu un dispositif de reconduite des mineurs auprès de leurs familles. Il faut que cette action se mette en place très rapidement.

 

 

Génération Ayiti – Volume 7, histoire d’un dérapage incontrôlé à Mayotte

Leur clip a fait couler beaucoup d’encre. Et est désormais source de nombreux regrets, en premier lieu de la part du collectif Génération Ayiti qui l’a porté. Si les jeunes rappeurs reconnaissent un dérapage, ils se désolent aussi du manque d’accompagnement qui aurait pu leur permettre de l’éviter. 

La peine est lourde. Et le résultat des nombreuses condamnations qu’a suscité la diffusion de leur dernier clip, Génération Ayiti – Volume 7. Ils s’appellent Citron, Kibama Djack, Kiss, Darmi ou encore Jeune Riche et sur le parking du Koropa, ils se désolent du procès qui leur est fait. “Je ne comprends pas, on a juste voulu copier ce qui se faisait ailleurs, frapper un grand coup pour faire le buzz. C’était rien d’autre qu’un gros délire”, plaide Citron, l’aîné du collectif de jeunes rappeurs de Majikavo. Un “gros délire” qui ne passe pas au vu du contexte actuel : la présence d’armes en tout genre et les propos peu amènes, voire carrément menaçants ont notamment poussé le Collectif des citoyens de Mayotte à porter plainte pour “menaces de mort, port illégal d’armes, incitation à la haine, incitation à la violence et atteinte à l’ordre public”. Rien que ça.

“Les images mettent en scène des jeunes menaçant et brandissant des armes à feu avec des paroles menaçant clairement la population mahoraise et les forces de l’ordre. Dans le contexte de violences contre les personnes qui terrorisent Mayotte avec des émeutes sanglantes, des agressions par les coupeurs de route, des incendies volontaires et des barrages installés par les bandes de délinquants comoriens en situation irrégulière, cette vidéo vise à intimider davantage la population et alimenter les tensions communautaires. Sans action forte de l’État pour ramener l’ordre et punir les fauteurs de trouble qui se vantent sur les réseaux sociaux, Mayotte va basculer dans la guerre civile”, poursuit l’association politique dans sa lettre aux autorités.

Derrière la violence, la recherche d’unité 

Pourtant, du côté de Majikavo, on réfute toutes les – mauvaises – intentions qui sont prêtées à Génération Ayiti. “Partout, on voit des clips avec des armes et lorsque c’est nous, on porte plainte sans jamais essayer de venir comprendre notre démarche. Nous n’avons jamais voulu être menaçants, ce n’est pas du tout l’objectif”, répond Kiss, tout en admettant que le message véhiculé par leur clip ne joue pas vraiment en leur faveur. “Encore une fois, on copie, on fait comme dans les clips du monde entier où les gars font les gangsters mais tout le monde sait bien que ce n’est que de la musique et de l’image”, tente de justifier Darmi qui officie en parallèle comme médiateur. “C’est vrai que l’on n’a pas été conscients de l’effet que ça pouvait avoir sur le territoire, surtout en ce moment, mais nous on est complètement détachés de ça, on n’est pas du tout des voyous. Je crois qu’on a fait une connerie en voulant faire le buzz”, poursuit-il, avant d’expliquer les réelles motivations de ce tournage.

“En fait, on tourne un clip tous les ans, l’idée c’est de rassembler tous les quartiers de Majikavo, d’oublier les bandes et s’amuser tous ensemble à travers le clip. Ça fait des journées où les grands comme les petits s’investissent, oublient leurs différences et ne sont pas à trainer. L’objectif c’est vraiment ça, de rassembler tout le monde, d’être unis au moins une fois dans l’année”, développe Darmi. Une démarche bien lointaine donc, du message qui semble être véhiculé. “C’est vrai… Et c’est vraiment dommage parce que si on avait été accompagnés avant, plutôt que d’être jugés après, tout aurait été différent. Mais personne est là pour nous guider, ici il n’y a rien. On se cotise avec nos petits salaires pour payer le tournage et les sessions studio alors forcément quand on est dedans, on veut juste être dans le délire.”

Le manque d’accompagnement pointé du doigt

Et l’on copie à outrance des images tournées en métropole ou ailleurs dans la course au buzz. À la différence près que ces dernières paraissent pour leur public de l’évidente fiction et qu’ici, les chombos et les machettes courent les rues. “Je n’avais pas vu ça comme ça… C’est vrai… Après, on explique quand même aux petits que ce n’est qu’un clip, pas la réalité mais bon, il y a aussi tous les autres… Bon mais voilà aussi, nous on essaye de faire notre truc pour kiffer et personne est là pour nous accompagner. On vient nous juger après, alors que c’est avant qu’il faut venir nous donner des conseils s’ils ne veulent pas que l’on dérape. Nous, on ne demande que ça franchement ! Mais personne veut nous voir aller de l’avant”, reprend l’aîné de la bande.

De tous bords, c’est l’incompréhension. Et l’illustration d’un dialogue au point mort qui, pour certains, ne demanderait qu’à être rétabli. “On serait capable de faire plein de choses, oui on serait capables de faire de la musique avec des jeunes de Kawéni, de porter des messages positifs, mais pour cela il faut que l’on soit accompagnés, qu’on puisse se retrouver à l’extérieur”, assure le collectif tout en promettant de “se rattraper avec le prochain clip”. Sans oublier une dernière pique. “Ils profitent du moindre faux pas pour nous stigmatiser, mais s’ils voulaient vraiment que ça fonctionne, on aurait des structures, un encadrement qui nous aurait fait réaliser qu’on allait trop loin”, considère l’un des chanteurs visé. Balle au centre.

 

 

Au collège de Doujani, police et rectorat donnent une autre réponse à la délinquance

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Après un week-end marqué par les affrontements entre bandes rivales de Passamaïnty et de Doujani, les vacances scolaires ont pris un autre départ cette semaine, avec la signature d’une nouvelle convention pour le Centre de Loisirs Jeunes, une association de la police nationale qui veut prévenir la délinquance.

“Qui parmi vous est à Doujani au collège ?”, lance le recteur Gilles Halbout à la trentaine d’enfants qui lui font face sous le préau de cet établissement scolaire, en ce premier mardi de vacances. Au milieu de la flopée de jeunes bouilles, seules quelques petites mains timides s’élèvent. Les autres ? Ils viennent de Passamaïnty, de Kwalé, ou des hauteurs de Doujani. “L’idée c’est d’accueillir tous les jeunes des quartiers environnants. Depuis lundi, on a des enfants de toutes les classes sociales, de la mairie, et même des jeunes qui ne sont pas scolarisés”, confie Thierry Lizola, policier responsable du bureau partenariat et prévention. Avec son président et chef du service territorial de la sécurité publique, Sébastien Halm, il pilote les actions du CLJ, le Centre de Loisirs Jeunes. Cette structure associative de la police nationale, dont l’antenne locale a été lancée en 2019, vise à prévenir et diminuer la délinquance juvénile et à favoriser l’insertion sociale des jeunes.

Après le collège K1 en 2019, c’est donc au tour de Doujani de se lancer dans l’aventure, aux côtés de la police nationale et du rectorat. Ce mardi, le recteur Gilles Halbout et le commissaire Sébastien Halm signaient une nouvelle convention aux côtés de Philippe Chatelard, principal du collège Nelson Mandela, et son homologue de Kawéni, Christophe Jacquet. Par ce gribouillis de bas de page, le représentant de l’Éducation nationale permet à l’association d’accueillir les mineurs de 9 à 17 ans, et d’utiliser les infrastructures des deux établissements dans le cadre de ce centre de loisirs. À terme, le CLJ entend bien s’implanter un peu partout sur l’île. “Aujourd’hui, le recteur nous prête ces locaux, mais nous avons vocation à en ouvrir sur tout le territoire. Pour le prochain, nous visons Kwalé”, développe Thierry Lizola.

700 jeunes sur deux semaines

Une façon de récupérer les jeunes dans les rues “avant qu’ils ne soient repris par des délinquants”. Le centre entend pour ce faire lutter contre l’oisiveté et proposer une action civique. Activités sportives, pédagogiques et aussi citoyennes doivent rythmer les deux semaines de vacances scolaires pour quelque 700 jeunes, soit environ cinquante par jour pour les deux établissements. Certains ont déjà pu participer à une virée sur le lagon en PMT (palmes, masque, tuba). Dans les prochains jours, séance cinéma, capoeira, et atelier tressage figurent aussi au menu.

Et pour en bénéficier, rien de plus simple : “on se poste devant les portes à partir de 7h30 et on accueille les enfants. Parfois, on doit même trier !”, décrit l’un des réservistes civils de l’association, qui encadre ces journées. Seule condition : l’âge des participants, entre 9 et 17 ans. Avec près de trente services civiques, ils sont une vingtaine de personnes issues de la société civile et recrutées par la police nationale, à animer ces centres de loisirs pendant les vacances. Le plus ? “Ces gens sont eux-mêmes issus de ces quartiers, d’où l’intérêt de leur participation à ce projet”, souligne Sébastien Halm, satisfait de voir le dispositif perdurer après avoir permis l’accueil de 2.000 mineurs pendant les mois de juillet et août.

Lutter contre les rivalités de quartier

L’enjeu, avec ce nouvel établissement partenaire, sera aussi que les groupes se croisent. “Dans le contexte que nous connaissons, avec ces rivalités entre villages, nous comptons aussi mettre l’accent sur la connaissance de l’autre. Des sorties seront organisées sur l’île, pour aller côtoyer les jeunes de Kawéni par exemple”, déroule le commissaire. De quoi, aussi, redorer l’image de la police auprès de ce jeune public. Une initiative qui ne sera pas de trop, au vu des récentes échauffourées qui ont à nouveau mis la commune chef-lieu à feu et à sang en fin de semaine dernière. “Les derniers jours ont été un peu tendus, cela fait du bien de souffler”, soupire Gilles Halbout avant d’aller trouver un peu de réconfort devant les enfants disposés en rang d’oignon devant leurs accompagnateurs. “On devine des sourires sous les masques, ça fait plaisir !”

 

 

ARS de Mayotte : La CFDT s’attaque à Dominique Voynet, qui rembarre toutes les allégations

La confédération française démocratique du travail a lancé un préavis de grève illimité au sein de l’agence régionale de santé (ARS) à partir de ce mercredi pour exiger un certain nombre de revendications, comme le départ du directeur de la Santé Publique, l’application d’un organigramme digne d’un établissement de plein exercice, la mise en place d’un nouveau programme régional de santé et d’un plan de formation individualisé. Toute une série de mesures que Dominique Voynet, la directrice générale, renvoie dans les cordes au cours d’une audioconférence « non prévue » lundi matin.

Sur le qui-vive depuis le début de l’année entre son émancipation de La Réunion le 1er janvier et la gestion de la crise sanitaire, l’agence régionale de santé (ARS) vit un nouvel épisode marquant dans sa récente histoire. Avec cette fois-ci un préavis de grève illimité lancé par la CFDT à partir de ce mercredi. Et leurs revendications sont multiples… « Il faut absolument arrêter l’hémorragie », plaide Kamalidine Dahalani, représentant syndical au sein du comité d’agence provisoire. « Elle fuit les discussions et fait croire que le dialogue est bon alors que nous faisons ce point presse sur le parking de la CSSM… » Une première missive qui annonce la couleur !

Parmi tous les points évoqués, l’un d’eux concerne le départ de l’actuel directeur de la Santé Publique. « Son maintien est incompatible car il était contre l’ARS Mayotte. » Et pour appuyer leurs propos, la quelque dizaine de colériques réunis ce lundi matin rappelle les 53 jours de grève en 2012 pour promouvoir l’égalité de traitement entre les deux départements d’Outre-mer de l’océan Indien ainsi que l’autonomie et le rééquilibrage des pouvoirs. « Il a contribué à la dégradation des conditions de travail des agents de la lutte anti-vectorielle. » Pas de quoi faire sourciller Dominique Voynet, la directrice générale, qui prône la prescription et qui se dit gênée de régler ce conflit après toutes ces années. « Nous voyons bien qu’il y a des problèmes personnels derrière [ce souhait]. »

« Nous ne sommes pas une armée mexicaine »

Mais les futurs grévistes n’en démordent pas. Au contraire. Aux yeux de Kamalidine Dahalani, l’ARS telle que nous la connaissons aujourd’hui ne rejoint en rien les espérances d’hier. « Nous nous sommes battus pour [en] avoir une de plein exercice, digne, de proximité, avec des valeurs humaines, pour mieux prendre en charge les besoins de santé de la population. » Selon eux, l’organigramme actuel fait défaut au bon fonctionnement de la structure, qui ressemble plus à du « bricolage » qu’à autre chose. Argument que réfute l’ancienne ministre, qui justifie « une organisation moderne, calquée sur celle du ministère de la Santé et des autres ARS », avec un secrétariat général – qui coordonne les ressources humaines, les finances, les marchés, les contrats, l’information – pour assurer « la solidité budgétaire et juridique des décisions qui sont prises dans tous les services ». « On me reproche la concentration des pouvoirs sous la houlette de la secrétaire générale, mais je ne l’ai pas mise en place puisqu’elle a été nommée par l’ancien directeur », se défend-elle. Avant de préciser qu’il apparaîtrait « un peu ridicule » de « créer neuf directions » et de « donner des postes à des gens qui ne relèvent pas de la direction ». « Nous ne sommes pas une armée mexicaine », ironise-t-elle.

Autre volet discordant : la formation. Là encore, la CFDT dénonce le mépris de Dominique Voynet, à l’égard des agents mahorais, qu’elle aurait qualifiés « d’incompétents ». Une attaque qui fait bondir la directrice générale. Cette dernière évoque un recrutement dédié à cette tâche et n’hésite pas à faire une piqûre de rappel. « Quand je suis arrivée, aucun Mahorais n’était chef de service. » Contre 5 aujourd’hui : Mayssoune Idaroussi au médico-social, Nassim Guy à la prévention, Alimo Mdjahila à la logistique, Kamal Dahalani à l’informatique et Anchya Bamana aux soins de premier recours. « Ils ont été tutorés par des pairs et ont suivi des formations. » Deux autres devraient suivre le même parcours dans un avenir proche. « Je ne suis pas là pour faire plaisir, mais je préfère nommer un candidat compétent et expérimenté qui a une vision sur le long terme à Mayotte. » En clair, que vous soyez un mzungu ou un natif de l’île, l’efficience prime sur les origines ! À l’instar du cas de Mouhoutar Salim, directeur général adjoint depuis le 1er août, dont le sort a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois. « Il incarne l’ARS auprès de la population et me représente dans beaucoup de réunions auxquelles je ne peux assister », justifie la directrice générale.

« L’arbitrage du ministère » pour le plan régional de santé

Enfin, Kamalidine Dahalani regrette l’absence de mise en place d’un plan régional de santé clair, net et précis. « Quand nous construisons une maison, la première des priorités sont les fondations. » Encore une fois, Dominique Voynet sort l’artillerie lourde pour contredire « le syndicaliste numéro 1, parti sur le chantier de guerre, [qui] est venu des dizaines de fois dans mon bureau [pour échanger] ». Sur ce dossier du PRS, la directrice générale clarifie le débat. « Il a été bâti à une époque où nous savions qu’il y aurait une scission avec La Réunion. Nous avons demandé l’arbitrage du ministère. » Et l’avis juridique devrait intervenir pour engager sa révision. La plus grande peur du syndicat ? Que la construction du second centre hospitalier n’y soit pas intégrée… « Nous l’intégrerons sans ouvrir la boîte de Pandore. Celui qui me convaincra de le réécrire pendant des mois n’est pas encore né », assure-t-elle, précisant au passage son déplacement à Paris en milieu de semaine pour évoquer les options du deuxième hôpital sur la façace ouest du territoire avec les ministres de la Santé et des Outre-mer.

Suffisant pour enterrer cette grève ? « Nous ne voulons pas lui mettre des bâtons dans les roues », mais « qu’elle se ressaisisse pour créer une vraie ARS », résume sobrement Kamalidine Dahalani. À l’heure actuelle, personne n’est en mesure de certifier sa tenue. Toujours est-il que Dominique Voynet semble avoir les reins assez solides pour atténuer ce brouhaha « d’un seul syndicat ». « Une partie des agents sont tombés de l’armoire en apprenant ce mouvement alors que nous organisons chaque mois une réunion de dialogue social depuis la création de l’ARS », confie-t-elle. D’autant plus que les élections syndicales, à la suite de la fusion des comités d’agence et des comités d’hygiène, sécurité et des conditions de travail, initialement prévues en mai ont été reportées à novembre… Hasard du calendrier ou véritables revendications ? Réponse ce mercredi.

Protection maternelle et infantile à Mayotte : trois jours pour établir le plan d’action 2021-2023

Le conseil départemental a invité les professionnels de la protection maternelle et infantile et les acteurs locaux à trois journées de réflexion pour définir les orientations stratégiques pour les trois prochaines années. Avec dans l’esprit de chacun, l’épineuse question des naissances, qui ont encore battu un record en 2019.

C’est ce qu’on appelle une session “brainstorming” ! Kakemonos hissés devant les portes de l’hémicycle, le conseil départemental de Mayotte s’est adonné à l’activité préférée de la nation “startup”, ce lundi, en conviant professionnels de la protection maternelle et infantile (PMI), acteurs locaux et associations pour un “atelier de réflexion stratégique”. Le but : définir un plan d’action pour la PMI sur le département, pour les trois prochaines années. “Je préfère avoir des objectifs réalistes que trop ambitieux, et trois ans me semblaient une durée raisonnable pour mettre en place un plan d’action”, explique le Dr Alain Prual, qui chapote les journées. “Ces trois jours doivent nous permettre de fixer les priorités en menant avec les professionnels et les parties prenantes une analyse approfondie de la situation… qui, si vous voulez mon avis, n’a jamais été faite avant cela”, glisse le nouveau médecin référent de la PMI, qui vient tout juste de prendre ses fonctions en juillet dernier.

À l’issue des trois jours, les participants seront amenés à formuler des “propositions concrètes qui engageront le Département dans la durée”, insiste quant à lui le vice-président en charge des affaires sociales, Issa Issa Abdou, venu lancer officiellement cette session d’ateliers. Une façon de rassurer l’assistance, alors que l’échéance électorale de 2021 approche. “Nous serons attentifs à vos travaux et nous mettrons en oeuvre vos propositions”, prend d’ailleurs le pas le Dr Abdoul-Karim Abaine, directeur général adjoint chargé du pôle santé, famille et enfance.

10.000 naissances et des défis multiples

Car il ne faudrait pas que le fruit de ce labeur finisse aux oubliettes à la prochaine mandature… surtout au vu des défis colossaux de la PMI dans un département abonné aux records, avec près de 10.000 naissances en 2019. Mais le manque de médecins, d’infrastructures, de matériel, rend la tâche des personnels en charge de l’accueil des familles et des enfants particulièrement ardue. “À M’tsangamoudji, on accueille presque tout le nord de l’île, et nos patients attendent en plein soleil. Ne serait-ce que pour demander un paravent, cela prend trop de temps !”, tance une femme dans l’auditoire.

Sans parler de l’enjeu migratoire : d’après les derniers chiffres de l’INSEE, les mères de nationalité étrangère, comorienne pour la plupart, donnent naissance aux trois quarts des bébés nés en 2019… “Comment toucher cette catégorie de femmes avec des campagnes comme “1, 2, 3, Bass” ?”, demande alors un autre participant, en référence à cette campagne des années 1990 qui avait permis de contenir les naissances. Et une autre de renchérir : “Il faut penser à l’autonomisation des femmes : on leur demande de prendre la pilule alors qu’elles ont d’autres préoccupations comme nourrir leurs enfants, et ça, ça ne passe pas par une pilule”, témoigne une infirmière. Ils auront l’occasion de répondre à ces enjeux au cours des quatre ateliers qui leur sont proposés, sur des thèmes allant de la santé de la reproduction, au suivi post-natal, à la prise en charge des mineurs, entre 0 et 6 ans.

L’argent ne manque pas

Car les problèmes de la PMI ne sont pas que financiers, bien au contraire. Alors que l’État a transféré cette compétence de l’aide sociale à l’enfance au Département depuis 2006, ce dernier hérite chaque année d’une enveloppe compensatoire, avec au moins 180 millions d’euros pour la PMI. De l’argent plutôt bien dépensé, puisque que quatre nouvelles structures, déjà financées, devront bientôt venir voir le jour, en plus des 17 PMI du territoire. “Celle d’Acoua est presque terminée, et d’autres sortent de terre à Bandrélé, Combani et Kani-Keli”, énumère Issa Issa Abdou.

Dans son dernier rapport, le Défenseur des Droits, qui alertait sur les défaillances du dispositif à Mayotte, notait ainsi, avis de la chambre régionale des comptes à l’appui, que “l’inertie du Département en la matière s’avère d’autant plus préoccupante que des financements supplémentaires lui ont été alloués par l’État”, et la collectivité dispose donc “des ressources pour assumer ses obligations”. Alors au remue-méninge !

Sdis 976 : Un mois après la grève, “on va de l’avant”

“Nous, nous ne sommes pas fatigués, s’il y a besoin d’un nouveau conflit social pour que les choses avancent, nous le ferons. Mais pour l’heure, ce n’est pas le sujet. On avance, il y a du positif.” Au pied du bâtiment abritant le quartier général du Sdis 976, Colo Bouchourani affûte son discours avant d’entrer en réunion avec les instances de direction du service départemental d’incendie et de secours. Car pour le porte-parole de l’intersyndicale des pompiers, pas question que ces réunions bimensuelles – comme le prévoit le protocole de fin de conflit – fassent l’impasse sur le ressenti des troupes.

Et ce jour, le porte-parole se devait d’alerter sur une question qui serait sur toutes les lèvres des hommes en bleu. Pourquoi avoir nommé un commandant “métro”, quand un commandant déjà sur place avait toutes les compétences requises pour le poste ? “Alors que nous attendons un directeur, nous avons fait venir au Sdis un commandant de métropole pour superviser et mettre en place le nouveau fonctionnement du service décidé à travers le protocole de fin de conflit. Pourtant, sur place, nous avons déjà un commandant qui est chef de site, chef de groupement, qui connaît le terrain et les hommes. Trois choses que n’a pas le commandant nommé. En plus de ça, on apprend que le Sdis 976 a payé à cette personne, avant qu’elle arrive, une formation que le commandant local a déjà. Forcément, on s’inquiète, on se pose des questions”, détaille Colo Bouchourani.

“Il est de notre devoir de demander des éclaircissements”

“Nous nous sommes rendus compte encore une fois que la direction ne faisait pas d’effort pour éviter ce sujet d’un éventuel conflit entre muzungus et mahorais. Pour nous c’est un sujet qui n’a évidemment pas lieu d’être. Le seul sujet qui compte, c’est celui des compétences et celui de vouloir travailler pour Mayotte. Mais dans ce cadre, on peut se poser des questions sur une éventuelle discrimination. Et là je parle pas forcément de discrimination envers les Mahorais puisque ce commandant local est Guyanais”, poursuit le porte-parole de l’intersyndicale avant d’entrer en réunion… Avec le commandant nommé en question et la présidente du Sdis. “Ce n’est pas clair et quand ce n’est pas clair, il est de notre devoir de demander des éclaircissements”, conclut le pompier.

Car pour lui, c’est une question de confiance qui se joue. “Oui les choses avancent dans le bon sens. Le dialogue a repris, on voit une présidente régulièrement alors qu’auparavant ces rencontres étaient trop rares, on voit que des travaux – même s’ils auraient dû être faits des années auparavants – sont en cours. Mais désormais, pour être en toute confiance, il faut que les choses, notamment les nominations, soient transparentes afin de ne pas alimenter d’éventuels conflits dont on ne veut pas.”

“Travailler pour Mayotte et non la voir comme un tremplin”

Voilà donc le message du jour à faire passer à la direction. Et à la sortie de l’entrevue, “on ne s’est pas empêchés de le souligner à la présidente et au commandant qui était présent”, explique avec une certaine satisfaction le syndicaliste. “Cette personne, à qui nous avons bien entendu précisé n’avoir rien contre elle, nous a entendus, elle s’est expliquée et nous a assuré qu’elle était là pour travailler pour Mayotte”, relate Colo Bouchourani, non sans un brin de scepticisme. Quoi qu’il en soit “le dialogue est là”, rappelle-t-il.

Et quid, dans ce cadre, des nominations à venir à la tête d’un Sdis désormais dépourvu de directeur et de sous-directeur ? “On sait que le poste a été publiée, mais pour l’instant nous n’en savons pas plus.” Les pompiers revendiqueront-ils d’avoir un directeur issu de leurs rangs ? “Pas du tout, ce n’est pas la question. En revanche, on revendique qu’il n’y ait pas de privilèges, juste des compétences. On s’en fiche d’où viendra notre prochain directeur, on veut simplement qu’il réponde au profil demandé, tant par ses compétences que sa volonté de travailler pour Mayotte, avec les Mahorais et non pas pour ses propres intérêts, en voyant le Sdis comme un tremplin comme on pu le faire certains”, développe le porte-parole. Et avec désormais ce même mot d’ordre des deux côtés : “On va de l’avant.” Sans toutefois oublier la devise des pompiers de Mayotte : Ra hachiri.

Trois gardes à vue, deux évacuations sanitaires : le lourd bilan des violences de vendredi à Mayotte

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Un règlement de compte entre des bandes de Doujani et de Passamaïnty a mis le feu aux poudres vendredi après-midi, provoquant de violents affrontements jusque tard dans la nuit.

Il est à peine 15h30 quand le bruit commence à circuler dans les rues, au sud de la commune chef-lieu. Vite, il faut fermer les grilles, rentrer chez soi, se barricader : des bandes de jeunes de Doujani et de Passamaïnty ont décidé d’en découdre ce vendredi après-midi. Déjà, on peut apercevoir des groupes dévaler la colline desséchée qui surplombe le collège de Passamainty. “Dans l’établissement, il n’y a rien eu, mais on pouvait les voir sur les crêtes. Les jeunes de Doujani ont commencé à faire tomber de grosses pierres et ceux de Passamainty montaient pour faire barrage. Puis les assaillants ont mis le feu à deux bangas, et les familles ont dû attendre devant, sur des matelas”, raconte le principal du collège, qui a dû interrompre la dernière heure de classe pour évacuer quelque 1.000 élèves à la hâte, sur les coups de 15h50. “La BAC est arrivée, mais ils nous ont dit qu’ils ne pouvaient pas rester, ils étaient appelés autre part, et que l’on ferait mieux de fermer”, poursuit le directeur d’établissement, dont le sang froid face à ces déferlements de violence a permis d’évacuer tout le monde sans encombre.

C’est que les heurts ne se sont pas concentrés uniquement sur les rond-points du collège, de Doujani et de Mtsapéré. À peu près au même moment, des individus armés de pierres et de couteaux déboulent depuis les rues de Cavani, poussant le supermarché Baobab à baisser les rideaux de fer pour mettre en sécurité les clients encore présents dans le bâtiment. Devant les yeux apeurés de quelques témoins qui ont pu filmer la scène, un jeune est alors pris à partie. La vidéo, qui a largement circulé sur les réseaux sociaux pendant le week-end, montre au moins cinq individus le mettre à terre, le rouer de coups et le laisser pour mort. Il sera évacué au CHM dans un état critique.

Trois victimes en réanimation

Au final, le bilan humain de cette soirée d’affrontements sera lourd. D’après nos informations, au moins quatre personnes auraient été hospitalisés, dont trois en réanimation. Une première victime a dû être évacuée le soir même à La Réunion, une deuxième le dimanche. Un policier a aussi été blessé légèrement alors qu’il tentait d’interpeller des individus au niveau du supermarché Baobab, et a pu être sécurisé grâce à l’intervention de ses collègues, dont l’un d’eux a dû sortir son arme de service. Tous les effectifs du commissariat, soit une trentaine d’agents, étaient mobilisés ce vendredi pour contenir ces violences d’une rare intensité, qui se sont étalées jusque tard dans la nuit. Entre 1h30 et 4h30 du matin, aucune ambulance, SMUR ou camion de pompiers ne partait en intervention, tant la situation était tendue.

Et ce jusqu’aux portes du CHM. “On a vécu au moins quarante-cinq minutes d’angoisse, quand une quinzaine de jeunes a fait irruption dans la soirée. Ils étaient assez excités, ils voulaient voir des amis à eux, mais nous refusions de les laisser entrer”, raconte un personnel soignant de garde cette nuit-là. Les deux agents de sécurité ne suffisaient pas pour contenir la bande, et il a fallu attendre l’intervention de la police pour les disperser. Entre les murs de l’hôpital, la nuit sera aussi longue… “En tout sur cette garde, on a dû recevoir une vingtaine de personnes avec des blessures plus ou moins graves, des jeunes mais aussi des victimes collatérales des affrontements, qui venaient d’un peu partout”, poursuit cette source.

 

La mairie de Mamoudzou partie civile

Alors que ces événements suscitent leur lot d’appels revanchards sur la toile, le préfet de Mayotte a réagi samedi en début d’après-midi par voie de communiqué. Le délégué du gouvernement a condamné “vigoureusement les violences entre bandes de jeunes survenues à Passamaïnty”. “Ces actes totalement imprévisibles sont absolument inacceptables. Ils ont mobilisé durant des heures les forces de la police nationale et les sapeurs-pompiers de Mayotte dans des conditions délicates”, a écrit le délégué du gouvernement en adressant ses remerciements à l’ensemble des forces engagées “pour rétablir l’ordre républicain face à des bandes de jeunes, quelquefois d’enfants de moins de 10 ans, lancés violemment dans des expéditions punitives entre villages qui relèvent d’un autre âge”.

De son côté, la mairie de Mamoudzou a aussi condamné ces agissements qui ont blessé au moins quatre personnes et qui ont causé des dégradations de plusieurs biens privés et publics. Appelant au calme et à ne pas diffuser des fausses rumeurs pour éviter d’attiser les tensions, la commune chef-lieu a annoncé se constituer partie civile et qu’elle déposera plainte en vertu de l’article 322-3 du code pénal disposant que : « est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende, la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien destiné à l’utilité publique et appartenant à une personne publique, et/ou lorsqu’elle est commise par plusieurs personnes, agissant en qualité d’auteur ou de complice. »

Deux enquêtes en cours

Confirmant des blessés “très graves”, le communiqué de la préfecture a assuré que des investigations seraient conduites “avec détermination pour identifier les auteurs et les remettre à l’autorité judiciaire”. Dimanche en fin de journée, au moins trois personnes étaient placées en garde à vue, dans des procédures distinctes : une dans le cadre d’une enquête pour les faits de Passamaïnty, les deux autres pour l’agression devant le supermarché Baobab.

Phénomène sismo-volcanique à Mayotte : 700 kg d’explosifs pour générer des ondes de choc

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Depuis vendredi, le bureau de recherches géologiques et minières procède à des tirs d’explosifs dans des forages de 25 mètres de profondeur pour générer une onde de choc dans le sol et permettre de relever des mesures sismiques grâce à 72 géophones placés entre M’Tsamboro et la plage de Moya. Des opérations qui requièrent la mise en place de dispositifs sous haute sécurité.

Samedi, 9h15. Passé le quartier de la maison du gouverneur, le véhicule du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) s’enfonce dans la malavoune. Les amortisseurs grincent au rythme des trous formés sur cette piste difficilement praticable. Un trajet de 15 minutes sous l’escorte d’un camion de gendarmerie qui mène jusqu’aux étincelles d’une meuleuse en action. Agenouillé et casque vissé sur la tête, un homme en découd painiblement avec un tube de ferraille, sortant du sol. Autour de lui, un autre s’emploie à baliser un périmètre inaccessible.

Pas moyen de pénétrer à l’intérieur de la zone délimitée. Même instruction pour les voitures tout terrain garées un peu plus loin dans une pente. La ribambelle d’ingénieurs s’apprêtent à tirer 70 kg d’explosifs dans ce forage de 25 mètres de profondeur, installé 2 mois plus tôt. « Nous veillons aux opérations de sécurité liées au minage et à l’environnement proche. Même si c’est un tir profond et très sécurisé, nous prenons le maximum de précaution pour qu’il n’y ait pas de promeneurs à proximité », souligne Jean-François Jaccard, directeur technique chez TitaNobel. D’où la présence quantitative de forces de l’ordre… « Dès que nous utilisons de l’explosif, que ce soit un tir de mine en carrière ou un usage pour une mission scientifique, les règles sont les mêmes ! » Mais un léger contretemps vient contrecarrer les plans de ces experts réunis pour l’occasion. La disqueuse en rade oblige l’un d’eux à terminer l’ouverture à l’aide d’une masse. En quelques minutes seulement, le cache se décolle.

Chaleur, gaz et énergie

Place alors à l’étape suivante : mesurer à quelle distance se trouve la source d’eau pour éviter que les émulsions fabriquées à Mayotte ne soient mouillées au moment de leur installation au fond du trou… Ceci explique donc le tas de gravier, dont l’utilité première « sert de bouchon au-dessus des explosifs pour que ces derniers génèrent une onde de choc dans le sol ». « Nous allons bourrer une quinzaine de mètres en granulat. Pour donner un ordre d’idée, 3-4 mètres suffisent sur des chantiers classiques », confie Jean-François Jaccard, qui rappelle que le principe de l’explosif est de se transformer en chaleur, en gaz et en énergie. « Pour vous donner une corrélation, l’énergie se disperse en fonction de la distance et du temps. Quand vous jetez un caillou dans l’eau, vous voyez une zone d’impact et des cercles concentriques », explique le directeur technique pour imager ses propos.

Peu avant midi, l’équipe finalise les préparatifs. « Nous essayons de maximiser l’effet de choc dans les configurations qui sont très particulières » sur le territoire. À savoir en plein milieu d’une forêt ce matin-là. L’évacuation des troupes est imminente ! Idem pour la mise à feu. Celle-ci s’active via un système radiophonique, contrôlé à distance. Pas de bruit assourdissant ni de tremblements sous les pieds en perspective. Ni même de résidus pour signaler la présence de scientifiques. « La partie explosive se détruit. Le bourrage descend et colmate le fond du trou. La tête sera ensuite retirée et bouchée. » Selon les dires, un simple « plouf » s’échappe lors de l’explosion. Pas sûr donc d’entendre quoi que ce soit lors des prochains tirs qui doivent se dérouler jusqu’à ce jeudi. Toujours est-il que pas moins de 700 kg d’explosifs auront, en tout et pour tout, été nécessaires à cette mission exceptionnelle, dont l’objectif consiste à mieux connaître la structure volcanique sous-marine et positionner les séismes.

Randoclean : “Nous voulons juste que Mayotte reste propre”

L’association Randoclean existe officiellement depuis début septembre, mais en réalité elle a commencé ses actions dès le mois de juillet. Son concept est très simple : faire de la randonnée tout en nettoyant sur son chemin. Ce samedi 17 octobre, pour sa cinquième excursion, la randoclean aura lieu au Mont Benara. Patrice Meresse, co-fondateur et trésorier de Randoclean, nous raconte leur motivation et leurs ambitions pour que l’île reste propre et attractive.

 Flash Infos : En quoi consiste le concept de randoclean et comment est-il né ?

Patrice Meresse : Je suis parti pendant 17 ans de Mayotte. Quand je suis revenu en vacances il y a deux ans, cela m’a blessé que mes anciens collègues militaires disent que mon territoire était beau mais sale. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas parler de tourisme ni de développement tant que Mayotte reste dans cet état d’insalubrité. Cela a été le déclic ! Alors avec les autres membres, nous avons voulu associer le sport à l’écocitoyenneté. Nous faisons des randonnées tout en nettoyant le parcours que nous empruntons.

 FI : Sur quels types de sites faites-vous les randonnées ?

P. M. : Nous choisissons surtout les sites touristiques de Mayotte comme le Mont Bénara, le lac Dziani, la pointe Mahabou, etc. Le but est de permettre aux parents d’emmener leurs enfants dans les randonnées afin que les petits prennent conscience de l’importance de nettoyer. Si nous leur apprennons dès le plus jeune âge, plus tard nous n’aurons presque plus besoin d’avoir des associations environnementales comme Randoclean car ils auront compris.

 FI : Vous choisissez délibérément des sites touristiques, mais pourquoi n’allez-vous pas dans les quartiers, dans les villages qui sont aussi très sales ?

P. M. : Notre objectif pour le moment est de faire connaître Randoclean. Le fait de choisir les sites touristiques nous permet d’avoir plus de monde. Par la suite, nous souhaiterions avoir des groupes de randoclean dans tout Mayotte, qui pourront nettoyer dans les villages. Et nous avons de plus en plus de monde. Lors de notre première randoclean en juillet au lac de Dziani, nous étions 26 et nous n’avons cessé d’augmenter. À la dernière randonnée, nous étions 150 personnes et à l’heure où je vous parle, nous avons 166 personnes inscrites pour le Mont Benara.

 FI : Cela fait beaucoup de monde. Comment est-ce que vous encadrez tout cela ? Partez-vous avec des guides touristiques et des agents de sécurité ?

P. M. : Nous sommes une association à but non lucratif donc nous n’avons pas de moyens. Nous sollicitions les communes pour leur demander un minimum de sécurité. Nous prévenons également la gendarmerie pour qu’elle sache que nous sommes sur un site et qu’il y a beaucoup de monde. Des fois, ils font des patrouilles et lors de la quatrième édition, la police municipale de Dembeni nous a accompagnés tout le long de la randonnée. Quant aux guides touristiques, leur présence n’est pas systématique, mais pour le Mont Benara samedi il y en aura un. Nous connaissons la montée, mais nous voulons qu’il nous explique l’histoire du site. Nous voulons que nos randonnées contribuent également à la culture de chacun.

 FI : Comment pouvons-nous faire pour vous accompagner ?

P. M. : Vous pouvez vous inscrire sur notre page Facebook Randoclean. Vous devez répondre à 5 questions : nous demandons si les personnes viennent accompagnées, si elles ont besoin de navette ou si elles peuvent aider les participants qui n’ont pas de véhicule en faisant du covoiturage. Mais nous avons aussi pleins de gens qui ne s’inscrivent pas sur le net et qui viennent marcher avec nous.

 FI : Cela vous est-il arrivé de retourner sur des sites que vous aviez nettoyé pour voir ce qu’il en était ?

P. M. : Oui, bien sûr. Certains sites sont restés propre, à l’exemple du lac Dziani. Et puis dans certaines zones, nous avons constaté que les poubelles n’étaient même pas ramassées après notre passage… Tous les jours, on nous dit que notre concept ne va jamais marcher. Mais au contraire, cela nous encourage encore plus, parce que si nous, natifs de Mayotte, baissons les bras, qu’allons-nous devenir ? C’est pour cela que nous voulons inciter les pouvoirs publics à faire de la propreté une priorité dans leurs politiques.

 FI : Avez-vous discuté de tout cela avec les autorités publiques ou les politiciens ?

P. M. : Nous commençons petit à petit. C’est la raison pour laquelle nous avons crée l’association Randoclean afin d’avoir plus de poids. Ainsi, nous pourrons leur dire la vérité. Nous nettoyons, maintenant c’est à eux de nous encourager en ramassant les poubelles quand nous avons fini. Nous ne sommes pas des politiciens, nous voulons juste que Mayotte reste propre. Que nous puissions aller dans des sites touristiques sans marcher sur des cannettes ou des bouteilles en plastique.

 FI : Quel l’objectif de l’association sur le long terme ?

P. M. : Notre objectif dans l’avenir est de donner la possibilité aux enfants qui n’ont pas beaucoup de moyens de venir faire la randoclean avec nous. Nous avons vu des enfants qui n’avaient même pas de tongues nous accompagner car ils aiment voir Mayotte propre. Donc il faut les encourager, les récompenser. Par exemple, lors de la 4ème édition, ils ont pu faire des ballades en poney, et ils ont adoré. Certains n’en n’avaient jamais fait. Nous aimerions aussi installer des poubelles dans les sites touristiques et dans les villes, parce que quand il n’y en a pas, nous incitons les gens à jeter par terre.

 

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes