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Aller au plus près des jeunes en décrochage, l’ambition du directeur général d’Apprentis d’Auteuil à Mayotte

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Le directeur général d’Apprentis d’Auteuil, Nicolas Truelle, a une nouvelle fois posé ses valises à Mayotte depuis le dimanche 29 novembre. Pendant 4 jours, il a visité les différents dispositifs de formation et de prise en charge des jeunes de la fondation qui accueille entre 1.000 et 1.100 jeunes chaque année. Son dernier jour sur l’île est marqué par l’ouverture de 4 maisons de formation dans différentes communes. Une étape qui s’inscrit dans le nouveau dispositif d’Apprentis d’Auteuil Mayotte, intitulé Oumeya.

Flash Infos : Quel regard portez-vous sur l’évolution d’Apprentis d’Auteuil de Mayotte depuis sa création jusqu’à aujourd’hui ?

Nicolas Truelle : L’association a développé une activité de prévention spécialisée. Autrement dit, nous allons vers des jeunes dans leurs quartiers pour les aider à reprendre le chemin de l’école ou de la formation. Il existe plusieurs dispositifs désormais, à l’exemple M’Saidié basé à Mamoudzou ou le lycée professionnel privé. Les dispositifs de mobilisation et les passerelles vers la formation professionnelle se sont également enrichis avec Hima Shababi à Mamoudzou et Niya Moja à Tsoundzou 1 et 2 et Passamaïnty. Je suis émerveillé parce que les équipes ont une capacité de créativité pour faire fructifier tous ces nouveaux dispositifs et s’adapter à la situation des jeunes. Cela permet d’aller au plus près d’eux.

FI : Avez-vous d’autres projets qui vont en ce sens ?

N. T. : Nous ouvrons aujourd’hui [jeudi 3 décembre] 4 maisons de formation qui s’inscrivent dans un programme qui s’appelle Oumeya. Il est largement financé par les fonds sociaux européens qui sont gérés par l’État, à hauteur de 5,8 millions d’euros. Il a pour vocation d’aller au plus près des jeunes pour les aider à faire ce chemin vers la formation et l’emploi. Ces 4 maisons se situent à Dembéni, Chirongui, Ouangani et Dzoumogné. Il était important de s’implanter ailleurs qu’à Mamoudzou pour nous rapprocher des jeunes, physiquement, mais aussi dans notre méthode de travail avec eux. Nous voulons comprendre quels sont leurs problèmes et être capable de construire un projet professionnel avec eux.

FI : En quoi ce nouveau dispositif Oumeya se différencie des autres déjà existants ?

N. T. : La grande différence est la localisation. Nous avons constaté qu’en localisant tout à Mamoudzou les jeunes ont beaucoup de difficultés à se déplacer puisqu’ils n’ont pas le permis et le taxi coûte cher. Ensuite, ce programme va se développer en deux phases. Une première de mobilisation pour lever un certain nombre de freins, comme la sécurité sociale et l’ouverture d’un compte en banque, et une seconde d’accompagnement de la formation. Nous allons mettre en place de nouvelles formations pour ces jeunes, mais nous ne pourrons pas tout faire, alors certains d’entre eux seront accompagnés vers d’autres structures en dehors de l’association. Nous allons encore plus loin que les dispositifs déjà existants puisque nous allons continuer à les accompagner pendant ce temps de formation pour éviter le décrochage, car le risque de retomber est important. Il faut qu’ils aient quelqu’un à qui parler.

FI : De quelle manière va s’articuler le travail des professionnels dans le cadre de ce nouveau dispositif ? 

N. T. : Pour commencer, il y a une quarantaine de personnes qui sont prêtes à travailler dès aujourd’hui. Elles sont dans la phase de repérage des jeunes. Certains ont d’ailleurs déjà été repérés. Ensuite, 20 professionnels vont s’ajouter pour accompagner les principaux intéressés dans leurs formations. Nous allons commencer avec 60 jeunes, mais l’objectif est d’atteindre les 800 en deux ans.

FI : Quels difficultés rencontrent vos équipes à Mayotte dans le cadre de leurs missions ?

N. T. : Ils sont confrontés à des difficultés que nous rencontrons un peu partout sur le territoire national finalement. Ils doivent travailler avec des jeunes décrocheurs qui se rendent invisibles. Certains ont peur, d’autres sont dans des galères de vie qui font qu’ils n’ont plus aucune fierté, et risquent d’être attirés par des réseaux. Les professionnels doivent donc franchir ce faussée qui se creuse et la grande difficulté est d’arriver à créer la confiance. Ce n’est pas évident car les freins de ces jeunes leur font croire qu’ils ne peuvent pas. À cela s’ajoute la recherche d’emploi ou de formation qui n’est pas évidente car à Mayotte, il y a beaucoup de jeunes, mais l’offre d’activité est insuffisante. La deuxième grande difficulté est que chaque structure travaille un peu dans son coin. Nous n’osons pas nous ouvrir et dialoguer avec les autres, même si je constate une évolution. L’association à Mayotte travaille maintenant avec le rectorat, la préfecture et d’autres associations.

FI : Que faudrait-il améliorer au sein d’Apprentis d’Auteuil à Mayotte pour un meilleur accompagnement des jeunes repérés ?

N. T. : Lorsque nous accompagnons un jeune, nous faisons un travail multifactoriel. Nous faisons intervenir beaucoup de compétences différentes et par conséquent beaucoup de personnes. Le plus important est que ces personnes arrivent à travailler ensemble. Nous devons continuer dans cette direction pour que la qualité de la relation avec les jeunes soit la plus grande. Nous pouvons aussi aller vers des projets où ces jeunes participent à la conception du projet. Nous pourrons imaginer par exemple que certains créent leurs associations. Nous ne sommes pas là pour faire le bien des personnes sans eux, tout doit être conçu ensemble.

 

 

Les personnels du collège de Doujani nostalgiques de la communication de leur ancien principal

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À partir de ce jeudi 3 décembre, les personnels du collège Nelson Mandela à Doujani se mettent en grève reconductible. L’intersyndicale – SNES-FSU, SGEN-CFDT et SNEP-FSU – dénonce une dégradation alarmante des relations avec le nouveau principal en poste depuis la rentrée scolaire. Pour les représentants syndicaux, ce comportement pourrait saper tous les efforts entrepris ces dernières années pour redorer le blason de l’établissement scolaire. De son côté, le recteur Gilles Halbout leur demande de laisser un temps d’adaptation au successeur de Jean-Michel Baudoin. 

Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Depuis le départ de l’ancien principal du collège Nelson Mandela, Jean-Michel Baudoin, en fin d’année scolaire, les personnels de l’établissement scolaire vivent une passation plus que difficile avec son successeur, Philippe Chatelard. D’où le préavis de grève lancé jeudi dernier par l’intersyndicale (SNES-FSU, SGEN-CFDT et SNEP-FSU), qui doit débuter ce 3 décembre. « Nous lui avons donné un temps d’observation, mais il veut tout changer sans concertation et bousculer nos habitudes. Il n’en fait qu’à sa tête », peste Yacouba Galledou, représentant du personnel pour la SGEN-CFDT, le syndicat majoritaire au conseil d’administration avec 5 des 7 sièges. Pas question dans ces conditions de rester les bras croisés, malgré une ultime tentative de dialogue mardi en fin d’après-midi pour recoller les morceaux, en présence de deux tiers de l’équipe pédagogique. « Nous l’avons écouté, mais tout le monde en est sorti déçu ! Il a esquivé les problèmes de fonds. » Verdict : cette assemblée générale les conforte dans leur idée. « Ce ne sont pas les représentations syndicales mais l’ensemble des personnels qui ont voté à l’unanimité le maintien de ce mouvement », précise Philippe Destenay, le représentant syndical pour le SNES-FSU, qui espère marquer le coup et faire bouger les lignes avec cette mobilisation.

Car visiblement, l’ambiance se délite à tous les étages au sein de ce mastodonte qui abrite près de 2.000 élèves. Dans ce contexte glacial, le charismatique Jean-Michel Baudoin, en poste pendant 5 ans, doit vraisemblablement manquer à plus d’un. « Ce qui nous dérange le plus, c’est sa communication, notamment avec les contractuels. Soit elle est totalement inexistante, soit elle est assez brutale », regrette amérement le syndicaliste. « Des collègues reçoivent des e-mails avec des demandes hors de propos, comme de remonter leur état de service. Nous n’apprécions pas trop cette manière de procéder… » Indignation partagée par Yacouba Galledou qui compare cela à du « flicage ». Autre exemple de ce fossé hiérarchique avec la rencontre parents-profs de la semaine dernière. « Certains enseignants rentrent toutes les notes sur Pronote tandis que d’autres n’écrivent que la moyenne. Sans écouter les explications des uns et des autres, il a écrit à leurs inspecteurs en précisant que c’était inadmissible. »

Une communication plus écrite qu’orale

Du coin de l’oeil, le recteur Gilles Halbout suit ce crépage de chignon avec une certaine lassitude. Selon lui, les personnalités, diamétralement opposées, des deux derniers chefs d’établissement de Doujani, requièrent un temps d’adaptation. « Il passe plus par l’écrit », admet le responsable académique du 101ème département. « Mais nous sommes pas dans un climat insurrectionnel. Monsieur Chatelard va tenir compte des faits qui lui sont reprochés, il va faire un effort au niveau de sa communication. » D’ailleurs, du mieux semble se dessiner ces derniers jours. Puisque l’ancien principal adjoint du collège de Kawéni 1 vient de valider les projets éducatifs, après de nombreux mois de silence. À l’instar de la semaine culturelle qui se déroule en avril, de l’initiation au numérique, du plan sportif ou encore des ateliers théâtres. Hasard du calendrier ou prise de conscience ? Les deux parties se renvoient la balle ! Même constat concernant le respect du protocole sanitaire. « Ce matin [mercredi 2 décembre], des équipes d’entretien ont été dépêchées pour nettoyer les salles. Et des lingettes ont été mises à notre disposition dans nos casiers et dans les 4 salles de technologie équipées d’ordinateurs », relate le porte-parole du SGEN-CFDT, qui voit en ces gestes une réaction à la tenue de la grève. « Au moins, cette réunion aura servi à quelque chose… »

Aucun doute sur le dénouement de ce conflit, qui ne semble pas parti pour s’éterniser. En effet, les représentants syndicaux ne souhaitent pas mettre de l’huile sur le feu, au contraire. « Nous donnons rendez-vous aux personnels dans la salle tortue, qui est aérée et espacée, pour tenir un meeting. Nous ne bloquerons pas le collège, nous agirons pacifiquement », assure Yacouba Galledou. Dont l’unique objectif est de faire en sorte que l’établissement scolaire reste attractif. Une attractivité rendue possible grâce à la pugnacité de Jean-Michel Baudoin. « Depuis un an, les gens font des pieds et des mains pour y enseigner. » Comme en témoignent les 11 titulaires affectés en août dernier. « Nous craignons un retour en arrière, au détriment des élèves. »

 

 

Pour Ackeem Ahmed, « le tourisme à Mayotte doit se vivre, se sentir, se toucher »

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Pour mettre à l’honneur ses richesses et les faire découvrir au plus grand nombre, l’Office du tourisme du Centre Ouest organisait un éco-tour le dimanche 22 novembre. Agriculture, tradition, littoral… Toute la semaine, Thomas Lévy vous plonge dans les trésors cachés de cette partie du territoire. Carnet de route d’un habitant séduit, qui termine son expédition par un entretien avec Ackeem Ahmed, le directeur de la structure touristique. 

Flash Infos : Vous avez cette volonté de construire un tourisme local et de rendre la population actrice de son développement. Quelles sont les raisons de cette stratégie ?

Ackeem Ahmed : Les gens voudront toujours aller voir ailleurs, c’est dans la nature de chacun de rechercher l’inconnu. Mais le plus important consiste à nous tourner vers ceux qui vivent dans le 101ème département et qui ont tendance à oublier les facettes de leur territoire, à cause principalement de leur train-train quotidien. C’est la raison pour laquelle ils doivent rester une cible privilégiée. Ces différents centres d’attraction doivent peu à peu étoffer leurs habitudes. Avant toute chose, ce sont les premiers ambassadeurs du territoire. Il y a tant à faire ici… Il suffit de le vivre simplement pour diffuser par la suite toutes ces merveilles.

FI : Durant cet éco-tour, vous avez également convié un certain nombre d’élus des communes membres de l’intercommunalité du Centre Ouest. Pourquoi avoir fait ce choix ?

A. A. : À l’instar de nombreux habitants, les élus ne connaissent peut-être pas aussi bien qu’ils le disent la beauté, les perspectives et les changements du monde agricole mahorais ou le splendide platier que recèle la plage de Mutsumbatsu. Le tourisme doit se vivre, se sentir, se toucher ! C’est ce que nous essayons d’apporter. En vivant ces moments sur le terrain aujourd’hui, ils s’engageront demain dans des action concrètes. Ce qui n’auraient pas été forcèment le cas s’ils étaient restés assis derrière leur bureau. Un simple exemple : nous ne pourrons pas structurer le tourisme à Mayotte sans un minimum de sécurité et de propreté sur les plages.

FI : Tout au long de la journée, nous avons croisé divers prestataires en lien avec l’agriculture, la restauration, la culture, le littoral. Quel est le message porté par l’Office du tourisme à travers toutes ces rencontres ?

A. A. : Beaucoup disent qu’il n’y a pas d’offre touristique à Mayotte : c’est faux ! Il y en a des dizaines, mais aucune offre cohérente n’a jusqu’à maintenant été construite. Cela pour une simple et bonne raison : les acteurs, par manque de coordination, marchaient isolés. D’où cette volonté de proposer un panel diversifié et attractif sur le territoire.

FI : Quelle place accordez-vous à la formation dans votre nouvelle stratégie touristique ?

A. A. : Une grande importance (rires) ! Non seulement les acteurs doivent se connecter entre eux, mais il en va aussi de la technicité, notamment concernant les enjeux autour de la filière de la vanille. Il faut nous conformer aux attentes du marché : cela passe par la qualité du service aux normes sanitaires et environnementales, en passant par le développement durable. C’est dans ce cadre que nous accompagnons les acteurs. Il n’y a que comme cela que nous pourrons un jour avoir la fierté de bénéficier d’un label de qualité.

FI : Depuis plus de 10 ans, la politique touristique de l’île aux parfums a été de participer à des salons en métropole. Qu’en pensez-vous ?

A. A. : Dans tous les cas, nous serons toujours obligés de nous tourner vers l’extérieur, ne serait-ce qu’en termes de pouvoir d’achat. Même si cela prendra un peu plus de temps. Pour remettre le train en marche, le tourisme à Mayotte doit se faire ensemble ! C’est avec l’ensemble de la population, des élus et des acteurs des mondes nautiques, de l’hôtellerie et de la restauration que nous forgerons le tourisme et que nous serons à même de proposer des offres touristiques complètes demain.

Mon bilan de cet éco-tour

« Je finis cette journée en faisant le point sur ce que je connais des communes du Centre Ouest. Et je réalise que ces pépites d’or égrainées tout au long de cette aventure sont loin d’être les seules. Sous cette angle, Ackeem Ahmed dit vrai : comme ceux qui prétendent que la culture culinaire locale se résume en cartons de mabawas, qui dit qu’il n’y a pas d’offres à Mayotte ?! En y pensant, je me remémore des parties de paintball avec les collègues, des escapades de Chicona à Soha, pour trouver le sentier vanille et déboucher à Tsingoni où m’attendaient encore d’autre plages magnifiques jusqu’à la cascade de Soulou. Des balades forestières autour de Combani, les criques de Jimawéni ou la mosquée de Sada et son îlot de sable blanc. Des journées de détente à planifier pour réaliser qu’au-delà de nos soucis quotidiens, le paradis se trouve peut-être à nos pieds. Restant terre à terre, il y a beaucoup à faire, mais qui a dit un jour qu’un long voyage commence par un premier pas ? Ce premier pas, nous qui sommes ici, est notre quotidien… Bien plus vaste que la carte routinière ! »

 

Lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte : un naufrage coûte cinq ans à un passeur

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Alors que 26 personnes étaient interceptées en Petite-Terre ce mercredi, au même moment ou presque, un passeur comparaissait au tribunal judiciaire pour homicide involontaire. En 2019, le kwassa qu’il pilotait, intercepté par la PAF, avait chaviré, causant la mort de deux personnes.

Sur la photo, on pourrait croire qu’elle dort. Allongée, les yeux clos, presque paisible. “Cette petite fille, elle n’avait pas de gilet de sauvetage. Et elle est morte”, débite la juge avant de faire passer la pièce qu’elle vient de montrer à la salle aux deux assesseurs. Une deuxième feuille de papier circule entre les mains qui sortent de leurs robes noires. Il s’agit d’un homme plus âgé, les yeux fermés lui aussi. “Au moins une ou deux personnes de plus sont sans doute décédées dans cette opération”, lâche la présidente.

Appelé à comparaître devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou ce mercredi, un passeur a dû revivre pendant de longues minutes un drame de l’immigration clandestine qui a coûté la vie d’au moins deux personnes au large de Mayotte, un soir de mai 2019. Et dans la salle climatisée de Kawéni, l’audience a eu aussi, le temps d’un instant, les os glacés par le récit de cette soirée d’angoisse. Un événement pourtant courant dans le bras de mer qui sépare l’île au lagon de ses voisines comoriennes… Depuis 1995, plus de 10.000 personnes y ont perdu la vie. Un vrai cimetière.

1.200 kilos projetés par-dessus bord

Ce soir-là, vers 19h, la police aux frontières (PAF) repère un kwassa-kwassa à l’est de Petite-Terre. L’intercepteur fonce sur ces eaux noires. Rapidement, il tombe nez à nez avec l’embarcation de fortune. À son bord, une quinzaine d’étrangers en situation irrégulière se serre entre les bidons d’essence et autres paquets variés… Le tout pèse dans les 1.200 kilos, soit deux fois la capacité de la petite barque. Qui chavirera en quelques minutes à peine, projetant par-dessus bord tout son chargement.

À leur arrivée sur les lieux, les fonctionnaires de la PAF ont toutefois eu le temps d’identifier un pilote. Il s’agit vraisemblablement du prévenu. Mais celui qui se tient aujourd’hui face aux juges affirme le contraire. “Moi je n’ai pas piloté, j’étais un passager comme les autres, et j’avais payé 100 euros pour venir à Mayotte”, déroule ce jeune homme de 19 ans. Dans la confusion du moment, il s’est toutefois emparé de la barre, explique-t-il, car le pilote a pris la poudre d’escampette. D’après les témoignages de plusieurs passagers, deux personnes se seraient en réalité relayées près du moteur, à l’arrière du rafiot. L’un d’entre eux, présent ce mercredi et constitué partie civile, reconnaît bien l’homme qui se tient face à lui.

Un drame de plus de la LIC

Reste que les magistrats ont la lourde tâche d’évaluer la responsabilité du prévenu dans cet accident fatal. Outre l’aide à l’entrée d’étrangers en situation irrégulière, le chef d’homicide involontaire et le refus d’obtempérer sont en effet retenus contre lui. Car à la vue des policiers, le Comorien, qui avait déjà fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), aurait manifestement tenté le tout pour le tout, à coup de zigzags apeurés, pour rejoindre la terre ferme. Si près du but !

Mais une question reste en suspens. Si c’était l’approche de la vedette française qui avait provoqué le drame ? La peinture bleue du Makini a bien laissé une trace sur la coque de la barque. Et cela rappelle d’ailleurs un précédent : en 2007, une collision entre un intercepteur et un kwassa avait provoqué la mort de deux personnes. À l’époque, même Brice Hortefeux, alors ministre de l’immigration, s’en était ému et avait diligenté une enquête de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) pour faire “toute la lumière sur les circonstances du drame”. On notera que dix ans plus tard, c’est plutôt le taux d’interception qui intéresse Paris !

Cinq ans de prison

Autre détail : au moment des faits, le permis de navigation du Makini est expiré depuis février 2018 et les deux moteurs de 300 chevaux ne correspondent pas à ceux de 250 chevaux inscrits sur le document périmé. En quelques secondes, la vedette peut filer à toute berzingue ! “L’arrivée du Makini a pu provoquer une vague supplémentaire” alors que le bateau clandestin contient déjà de l’eau, explique la présidente en lisant le dossier. Un officier du poste de commandement en mer, entendu pendant l’enquête, signale aussi “qu’il y a pu y avoir une collision” sans que l’on puisse déterminer avec exactitude le responsable. “Depuis que je suis à Mayotte, je n’ai jamais connu de kwassas qui ont coulé sans collision”, ajoute ce témoin.

Suffisant pour relaxer le bougre ? Pas vraiment. “Ces faits sont dramatiques et sont un choc pour tout le monde, les victimes, les autres passagers, mais aussi les officiers de la PAF qui ont assisté au naufrage en sachant qu’ils ne pourraient pas sauver tout le monde”, lance la substitute du procureur au moment des réquisitions. “C’est aussi un choc pour le prévenu car il s’agit évidemment d’un accident.” Malgré cela, le parquet, au vu des pièces du dossier, juge les faits “caractérisés”. Les policiers ont fait leur travail en tentant d’intercepter le kwassa, et c’est bien le prévenu qui s’est rendu responsable de l’accident en refusant d’obtempérer, retrace en substance la parquetière avant de demander quatre ans de prison, et la révocation du sursis du prévenu. Les juges ne seront guère plus cléments : le jeune homme écope de cinq ans et d’une interdiction définitive du territoire français. Et qu’on ne l’y reprenne plus !

 

 

 

Pôle Emploi/CRESS de Mayotte : un partenariat pour formaliser l’entrepreneuriat social

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Ce mardi 1er décembre, Pôle Emploi et la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire ont signé une convention de partenariat pour formaliser le développement de l’entrepreneuriat social sur l’île aux parfums auprès des demandeurs d’emploi. Il s’agira de leur donner les moyens nécessaires pour créer leur propre emploi et ainsi lutter contre la précarité. Rencontre avec Jean-Christophe Baklouti, directeur régional de Pôle Emploi, et Kadafi Attoumani, président de la CRESS, pour évoquer leurs objectifs communs. 

Flash Infos : Si Mayotte se caractérise par le plus fort taux de chômage de France, qui s’élève à 35% de la population active, l’économie sociale et solidaire dans le 101ème département devient une référence à l’échelle nationale. Votre partenariat semble donc couler de source sur le papier. 

Kadafi Attoumani : La Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire s’attache à représenter tous les opérateurs et professionnels qui interviennent dans le champs de l’ESS. Dans ce cadre, nous avons mis en place ce laboratoire d’accompagnement appelé Fanya Lab à destination des porteurs de projet. Il nous semblait tout naturel de pouvoir travailler avec Pôle Emploi pour que les demandeurs d’emploi ayant des souhaits, des envies et des idées de création d’entreprises puissent tester leur projet et in fine, créer leur activité.

Jean-Christophe Baklouti : Au-delà de la signature de la convention, le but est de favoriser l’insertion professionnelle et la création d’entreprises, d’orienter les demandeurs d’emploi et d’être au plus près d’eux, mais aussi de formaliser ce partenariat auprès de nos équipes. De part la configuration du territoire, Mayotte favorise l’entrepreunariat : environ deux tiers des entreprises créées continuent à fonctionner trois ans plus tard. Il est aujourd’hui plus facile de créer sa propre structure que d’être embauché par un employeur. Il existe donc des opportunités.

FI : Comment expliquez-vous que ce partenariat n’intervienne qu’ajourd’hui alors que Mayotte a reçu le 2 octobre 2019 le label « Territoire French Impact » en présence de Christophe Itier, haut-commissaire à l’ESS ?

J-C. B. : L’établissement Pôle Emploi à Mayotte continue à se structurer puisqu’il est devenu une direction régionale le 30 mars 2019. À l’exception des services opérationnels qui existaient déjà, nous déployons au fur et à mesure toute l’offre métropolitaine. Pour cela, nous avons augmenté notre effectif de plus de 50% au cours des 18 derniers mois. Même si certains partenariats étaient déjà « officialisés », il faut continuer à aller dans ce sens. Nous sommes sur une bonne lancée : nous recensons des résultats plus qu’encourageants en termes de formation, de retour à l’emploi et de développement de compétences !

K. A. : Il ne s’agit ni plus ni moins que de formaliser tout le travail entrepris ! Sur les 168 personnes que nous accompagnons depuis le début de l’année, nombre d’entre eux sont des demandeurs d’emploi. C’est important d’utiliser les outils des uns et des autres et de s’appuyer sur les points relais de Pôle Emploi pour épauler un maximum d’habitants dans le but de les amener vers notre structure. L’objectif est de généraliser ce que nous faisions déjà ensemble de manière informelle.

FI : Dans le cadre de cette convention, il est prévu que vous fassiez un point d’étape dans six mois pour tirer les enseignements de ce partenariat. Quels objectifs vous êtes-vous fixés d’ici là ? Et comment êtes-vous amenés à évoluer par la suite ? 

J-C. B. : Le mot d’ordre est de ne laisser personne sur le bord de la route ! Après, il est toujours délicat de se fixer des objectifs chiffrés, car il faut aussi trouver les bons candidats. Nous allons peut-être accompagner 150 personnes sur les six premiers mois, puis seulement 100 l’année suivante… Mais cela ne voudra pas dire que les équipes n’ont pas bossé et qu’elles ne sont pas démenées.

K. A. : Nous démarrons, nous n’allons pas nous mettre la rate au court bouillon ! Nous verrons dans six mois ou dans un an, si nous fixons des chiffres derrière cette expérimentation afin d’aller encore plus loin.

J-C. B. : Nous sommes plutôt optimistes. Les conseillers de Pôle Emploi ont un portefeuille de demandeurs d’emploi et mettent leur cœur à l’ouvrage pour leur trouver un job ou une formation. Toutes les pistes sont bonnes à prendre. Ces partenariats, comme celui signé aujourd’hui, ont le mérite d’exister. Dorénavant, nous pouvons l’afficher publiquement. Tout cela aide à développer le territoire et à franchir les portes. Naturellement, l’idée est de trouver la voie la plus adaptée au profil de chacun pour qu’il soit le plus employable possible.

K. A. : Le dispositif Fanya Lab est financé par le fonds social européen. Tous les moyens sont mobilisés pour accompagner les salariés et les demandeurs d’emploi : l’Europe, les services de l’État et le Département nous soutiennent derrière notre dispositif !

 

 

Littoral de Mayotte : Kyrielle de plaisirs à loisirs entre plages et lagon

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Pour mettre à l’honneur ses richesses et les faire découvrir au plus grand nombre, l’Office du tourisme du Centre Ouest organisait un éco-tour le dimanche 22 novembre. Agriculture, tradition, littoral… Toute la semaine, Thomas Lévy vous plonge dans les trésors cachés de cette partie du territoire. Carnet de route d’un habitant séduit. 

Les arrivants qui parlent de brochettes de bœuf et de mabawas concernant la gastronomie à Mayotte ne savent définitivement pas ce qu’ils ratent ! Nous les laissons parler, en espérant qu’un jour, ils découvrent au hasard une vraie dégustation locale à l’occasion d’un mariage ou d’un foutari pour parler en connaissance de cause. Sambos mataba, trondro (bigorneaux) en sauce, poissons combava, subtiles différences entre le romasava malgache et celui local… Un univers encore à explorer pour les gourmands ! À la suite d’un voulé aussi simple en apparence que délicieux, nous voici transportés de la plage vers le lagon avec Happy Divers, logés depuis deux ans sur la plage de Milha, juste avant Ambato.

L’occasion rêvée de profiter de la tranquillité offerte sur la plage de Mutsumbatsu. Là où tout n’est qu’ordre, beauté, luxe, calme et volupté… Mais sans savoir qu’à quelques brasses du sable se trouve l’un des plus beaux spots de Mayotte ! Ackem, directeur de l’Office du tourisme du Centre Ouest, et deux élus présents ce jour-là s’y aventurent. Éric, l’un des trois skeepers, explique que Mayotte est plus ancienne que La Réunion. « C’est pourquoi après l’éruption initiale du volcan, cette île a eu plus de temps pour absorber complètement le basalte et produire ces platiers magnifiques. » Dans la clarté des eaux, mille poissons, poulpes ou murènes filent jusqu’au port de Longoni, où était implantée une entreprise de pisciculture. Pas sûr que les ports de Marseille ou du Havre puissent en dire autant !

Des touristes ? Peu. Beaucoup de Mzungus locaux, à l’instar des salariés du centre hospitalier, des enseignants, des militaires et autres employés de la fonction publique. Mais aussi quelques Mahorais, âgés de 20 à 40 ans, souvent issus de parents liés à la mer, qui viennent voir de leurs propres yeux cette lumière qu’ils ont vu dans ceux de leurs aïeux. Éric les appelle les « ambassadeurs du lagon », car revenus sur la terre ferme. Ce sont les premiers à diffuser autour d’eux cette richesse incomparable et cette conscience qui s’impose d’elle-même. Amis de la plage : autant que le terroir local ou la mosquée de Tsingoni, cette découverte vaut aussi tout l’or de l’île !

 

Yann Le Bris, nouveau procureur à Mayotte : “Je souhaite apporter ma pierre à l’édifice pour renforcer la sécurité”

Le successeur de Camille Miansoni au poste de procureur de la République a pris ses fonctions hier, au tribunal judiciaire de Mamoudzou. Portrait de Yann Le Bris, le nouveau Monsieur Justice du 101ème département.

 

C’est officiel. Depuis ce mardi 1er décembre, Mayotte accueille un nouveau procureur de la République. Yann Le Bris a pris ses fonctions hier matin au tribunal judiciaire à Kawéni, en présence des représentants des institutions de Mayotte, et du préfet Jean-François Colombet. Une cérémonie qui marque une nouvelle étape dans la carrière déjà fournie du magistrat, ex-procureur de la République à Brive, en Corrèze.

Après un passage dans les administrations, Yann Le Bris intègre la magistrature en 2004. À partir de 2006, il exerce ses fonctions au sein de huit parquets différents, essentiellement dans l’ouest de la France, à Dinan, Saint-Malo, Rennes ou encore Laval, avant d’atterrir à Brive-La Gaillarde en 2018. Autant d’expériences qui lui ont donné des billes pour exercer au mieux un métier “très riche”, qui “nous confronte à des partenariats multiples, que ce soit avec les autorités préfectorales, les collectivités locales, le tissu associatif”, décrit-il aujourd’hui.

Nouveaux défis à Mayotte

Lors de ses précédentes fonctions en Corrèze, Yann Le Bris avait fixé ses priorités en matière de lutte contre les stupéfiants, d’insécurité routière et de violences aux personnes. Il faut dire qu’en 2018, le nombre de conducteurs contrôlés comme positifs sous l’emprise de stupéfiants dans ce bout de pays du centre-ouest de la France avait augmenté de 320% en l’espace de quelques mois !

À Mayotte, ce sont d’autres défis qui attendent le parquetier. Mais le nouveau Monsieur Justice se garde bien, en ce jour 1 de sa prise de poste, de s’étaler sur une feuille de route qui serait “présomptueuse”. “Je pense qu’il faut surtout que je fasse preuve d’humilité et que je rencontre ceux qui travaillent et tâchent d’apporter des réponses au quotidien. Tout ce que je peux dire aujourd’hui, c’est que je suis là pour apporter ma pierre à l’édifice, le temps de mon passage ici, pour renforcer la sécurité.”

“On ne fait pas le métier de magistrat pour être aimé”

Une tâche ardue dans un territoire où la justice est souvent la cible des critiques d’une population lassée par une réponse pénale qu’elle juge insuffisante. Son prédécesseur, Camille Miansoni, en avait fait les frais. “Nous ne faisons pas le métier de magistrat pour être aimé mais pour donner une réponse à une situation de non-respect de la loi”, balaie Yann Le Bris. “Si la population est satisfaite de mon action, j’en serais ravi mais l’important reste de faire fonctionner au mieux cette juridiction.”

Ce discours ferme, les organes de presse locale s’en font faits le relais plus d’une fois lors de ses différentes prises de fonctions, tout en saluant également son humanisme, son ouverture et aussi son humour. C’est sans doute un peu de toutes ces qualités dont il devra faire preuve pour affronter les problématiques spécifiques du 101ème département, où la délinquance, notamment juvénile, occupe particulièrement les audiences du tribunal. Un sujet que le nouveau procureur semble prêt à saisir à bras le corps. “J’ai eu affaire à de nombreuses reprises dans le cadre de mes fonctions à des problématiques de délinquance des mineurs ou de criminalité. Certes, Brice est un endroit où il fait plutôt bon vivre… mais il y a à espérer que Mayotte le soit tout autant”, glisse-t-il. Un brin malicieux ?

 

Les jeunes de Dembéni s’engagent dans la prévention du Sida

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La semaine de sensibilisation et de prévention sur les IST et MST, notamment sur le Sida, continue. Ce mardi, les étudiants du BTS SP3S du lycée polyvalent de Dembéni ont dédié toute une matinée à cette cause. Ils ont convié les lycéens de l’établissement à des ateliers et à une pièce de théâtre entièrement consacrés à la maladie. Les élèves ont participé massivement, mais ils restent encore mal informés.

Effacer les idées reçues et mieux informer les adolescents. Voilà l’objectif des étudiants en BTS SP3S, service et prestation des secteurs sanitaires et sociales, du lycée de Dembéni. En cette journée mondiale de lutte contre le Sida, ils ne pouvaient pas passer à côté de cette mission qu’ils jugent cruciale. « On a remarqué qu’à Mayotte les jeunes sont mal informés ou pas du tout informés. On leur dit que la maladie n’existe pas chez nous, on veut combattre cela », explique Chamsia Boina Hassani, étudiante en BTS SP3S. La matinée a été rythmée par des ateliers questions-réponses qui a permis de constater que les élèves ont encore beaucoup à apprendre. Mais le moment tant attendu était la pièce de théâtre.

À travers cet art, les étudiants ont parlé ouvertement de dépistage, de relations sexuelles, de maladies et d’infections sexuellement transmissibles. Les comédiens en herbe ont reçu l’effet escompté puisque le public a été réceptif et a ri tout le long de la pièce. Message reçu 5 sur 5 ! « J’ai compris qu’il faut se protéger quand on a des relations sexuelles. Et si on prend des risques, il faut aller voir un médecin », indique Hachmiya Houmadi, élève en terminale au lycée de Dembéni. « Moi je ne pensais pas que le Sida pouvait avoir des conséquences aussi graves. J’ai saisi l’importance de se protéger maintenant », ajoute son voisin, Farel Mohamed, élève en seconde. Les jeunes ont pris la question très au sérieux et se sont montrés curieux. L’objectif principal est dont atteint pour les organisateurs de la matinée de prévention et de sensibilisation du Sida.

Un sujet encore tabou au sein des familles mahoraises

Si la grande majorité des jeunes sont dans l’ignorance, c’est également à cause de la société dans laquelle ils évoluent. À Mayotte, les questions liées à la sexualité sont complètement tabous. Parler de VIH, d’IST, ou encore de dépistage avec leurs familles est une chose inconcevable pour eux. « Nos parents n’osent pas aborder le sujet, et si je prends l’initiative de le faire, ma famille va penser que j’ai envie d’avoir des relations sexuelles. Alors je préfère ne pas en parler tout simplement », explique Hachmiya, l’élève de terminale. « Et puis de toute façon même si on a le courage d’en parler avec nos parents, ils passent rapidement à autre chose », raconte Oumaya, sa camarade.

Pourtant, ces jeunes ont des interrogations qui restent souvent sans réponses. Certains se tournent alors vers leurs amis, qui ont un peu plus d’expérience. « Je peux en parler uniquement avec mes amis. Ils me disent ce qu’ils ont appris à l’école ou par eux-mêmes », avoue Farel Mohamed. Malheureusement, c’est souvent ainsi que se transmettent les fausses ou les mauvaises informations qui peuvent être aussi fatales que la maladie en elle-même.

 

Après un an à la présidence des RUP, “les combats sont toujours difficiles à gagner” à Mayotte

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Jeudi 26 et vendredi 27 novembre se tenait la XXVème édition de la conférence des régions ultrapériphériques d’Europe. Mohamed Sidi, 6e vice-président chargé de la coopération décentralisée et des affaires européennes, revient sur les enjeux de la présence européenne à Mayotte, qui occupait la présidence des RUP depuis février 2020.

 Flash Infos : Mayotte a connu une présidence des RUP assez particulière cette année en raison de la crise sanitaire. Quel bilan faites-vous de cette année, et de cette XXVème édition de la conférence des RUP, qui signe le passage du flambeau aux Açores ?

Mohamed Sidi : Nous avons succédés à Saint-Martin il y a huit mois de cela. Pendant ces huit mois, nous n’avons pas chômé, crise Covid ou pas ! Tous les mois, le comité de suivi s’est réuni pour faire des propositions sur des questions essentielles. Car nous sommes dans une période très dense, notamment avec l’approche de la prochaine programmation des fonds européens pour 2021-2017. Les négociations sont en cours et nos équipes travaillent au quotidien pour faire émerger des propositions. Au niveau du bilan de cette présidence, il faut aussi mentionner les écrits que nous avons produits aux mois d’avril et de juin pour demander la solidarité de l’Europe face à cette pandémie et ses conséquences dévastatrices pour l’économie. Nous avons été entendus par la Commission qui a déployé le plan React-EU avec un volet spécifique pour les RUP. À Mayotte, par exemple, ce sont 150 millions d’euros que nous avons obtenus pour relancer les gros chantiers, l’innovation, bref l’économie. Nous avions aussi des inquiétudes quant au taux de cofinancement du FEDER et FSE+, puisqu’il a été question un temps de le ramener à 70%. Nous avons pu le maintenir à 85%, c’est une petite victoire. Pour chacune de ces enveloppes, il y des combats difficiles à mener, et à gagner.

FI : Justement, un combat a tenu en haleine les représentants des RUP et le Parlement européen : la réduction du POSEI, un sujet particulièrement sensible dans nos territoires, qui doivent structurer les filières agricoles. Contre toute attente, le Conseil européen et la Commission ont trouvé une solution pour maintenir le budget de la précédente programmation. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?

S. : Ce combat-là n’est pas terminé ! Certes, nous avons eu gain de cause par rapport à l’enveloppe initiale. Mais il faut savoir qu’à la base, nous demandions une augmentation, et seulement à défaut, le maintien de l’enveloppe dévolue aux RUP. Cette solution ne saurait s’inscrire dans la durée. Car l’enveloppe initiale avait été décidée avant même que Mayotte intègre les RUP, comme Saint-Martin d’ailleurs. Nous allons donc persévérer et nous espérons que les problématiques spécifiques de ces territoires seront mieux prises en compte. Pour Mayotte, par exemple, nous n’avons exploité qu’un seul des deux volets du POSEI, à savoir les aides dont les agriculteurs peuvent bénéficier en fonction des surfaces cultivées. L’autre volet concerne les animaux et nous sommes en train de poser les bases pour pouvoir en bénéficier. Car le manque d’abattoirs freine aussi le travail de nos agriculteurs. Bientôt, grâce au POSEI, nous pourrons faire sortir de terre l’abattoir de volaille de Kahani et aussi un abattoir de bovins avec la communauté de communes du Sud.

FI : Le Département vient de publier une vidéo réalisée par Naftal Dylan, pour vanter les projets nés à Mayotte grâce aux fonds européens. Pourquoi pensez-vous qu’une telle campagne de communication soit nécessaire ? Il est vrai qu’au quotidien, les Mahorais peinent à se sentir concernés par l’Europe…

S. : C’est parce qu’ils doivent voir les choses de leurs propres yeux ! Mais il faut un certain temps pour que les projets sortent de terre. À noter aussi que nous sommes sur la première période d’investissement des fonds européens à Mayotte. Certes, l’Europe a toujours été présente chez nous au travers du FED (fonds européen de développement), mais désormais, nous avons intégré le fonds structurel d’investissement de 2014. Il faudra quelques années pour que cela gagne en tangibilité pour les Mahorais. Mais je ne doute pas qu’au fur et à mesure, ils verront la patte de l’Europe sur le développement du territoire.

FI : Dans la vidéo se mélangent pêle-mêle plusieurs projets sortis de terre, d’autres en construction. Pouvez-vous citer quelques exemples concrets qui illustrent l’intérêt des fonds européens pour Mayotte ?

S. : Prenez les deux amphidromes acquis par le Département par exemple ! Un achat rendu possible grâce aux 12 millions d’euros financés par l’Europe. Il y a aussi l’hôpital de Petite-Terre, en train d’être construit, qui est abondé à hauteur de 17 millions d’euros. L’Europe à Mayotte, ce sont encore les voiries rurales en haut de Dembéni ou la filière agricole qui se structure grâce au FEADER, avec des bâtiments construits par Ekwali ou Avima Ovoma. Sans parler des PMI, de la formation et de l’insertion. L’Europe est très importante à Mayotte, surtout quand nous savons que les outils financiers au niveau national sont rares et compliqués. Il faut que les porteurs de projet se tournent de plus en plus vers les fonds européens.

FI : Le délai peut être long entre la programmation et la mise en paiement. Comment l’expliquez-vous ?

S. : C’est une question de savoir-faire et de technicité. Il faut pouvoir monter un dossier et après justifier de la bonne utilisation de ces fonds. Certains porteurs de projet n’étaient pas forcément préparés à répondre à tous les critères demandés. Beaucoup pensaient qu’il s’agissait de subventions classiques, alors qu’il faut en réalité avancer les fonds. Donc, il y avait un apprentissage à faire. Or, nous avons pris un peu de retard dans la certification de l’État comme autorité de gestion, qui est intervenue en août 2017 alors que la programmation débutait en 2014.

FI : L’État garde en effet la main sur ces fonds européens, alors que le conseil départemental en réclame l’autorité de gestion. Lors de sa venue, le député européen François-Xavier Bellamy soulignait qu’une enveloppe avait été particulièrement sous programmée, celle de l’assistance technique pour organiser la montée en compétence des agents. Cela explique-t-il les difficultés que Mayotte peut avoir à consommer ces enveloppes ?

 S. : Nos prédécesseurs avaient en effet choisi de transférer cette compétence à l’État. Le problème, c’est qu’il y a un important turn over au sein des services de la préfecture. Et ceux formés grâce à cette enveloppe de l’assistance technique partent au bout de quelques années. Je plains le SGAR (secrétaire général des affaires régionales), car c’est un gros effort à fournir pour former ces équipes ! Du côté du conseil départemental, nous souhaitons tout faire pour accompagner l’autorité de gestion. Nous avons mis à disposition des agents au SGAR ou à la DEAL pour qu’ils se sensibilisent à l’instruction complexe des dossiers de demande de fonds européens. De telle sorte que nous serons en mesure de récupérer l’autorité de gestion quand il le faudra, celle-ci étant une compétence régionale. En attendant, nous sommes en train de réfléchir à un organisme intermédiaire avec le SGAR pour que nos équipes travaillent main dans la main. Car ce sujet est avant tout celui du Département.

Tradition : La mosquée de Tsingoni, entre histoire et modernité

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Pour mettre à l’honneur ses richesses et les faire découvrir au plus grand nombre, l’Office du tourisme du Centre Ouest organisait un éco-tour le dimanche 22 novembre. Agriculture, tradition, littoral… Toute la semaine, Thomas Lévy vous plonge dans les trésors cachés de cette partie du territoire. Carnet de route d’un habitant séduit.

Cette mosquée surprend déjà, rien qu’à son approche. À côté d’un grand minaret des plus modernes, deux splendides mausolées extérieurs, issus d’un monde disparu, dont les splendeurs trônant à l’entrée imposent silencieusement le respect de l’histoire, comme une éternité restée vivante et palpable. Autour, enterrées sous les herbes, d’autres tombes sous les détritus, une toiture défraîchie. Où de simples parpaings çà et là en guise de murs, montrent le manque de moyens qui ont fait perdre à cette mosquée, la plus ancienne de France et classée au patrimoine de la nation, beaucoup de sa splendeur de jadis…

Mais comme le prônent bien des religions, la mosquée de Tsingoni rayonne plus en son intérieur qu’à l’extérieur ! Une fois parvenus à l’épicentre du mirhab, où prie l’imam face à ses croyants, les murs de corail fondu ont trois mètres d’épaisseur et les poutres qui les soutiennent paraissent démesuréese. Ce sont les commerçants swahilis qui dès le XIIIème siècle, ère de Philippe le Bel et début de la guerre de cent ans en métropole, l’auraient construite. Au XVIème siècle, le sultan Haïssa, fils du sultan Mohamed d’Anjouan, décide d’instaurer un nouveau sultanat à Mayotte dont la capitale sera Tsingoni et refait complètement la mosquée. Si les deux tombes à l’entrée sont celles de sa femme et de sa fille, la sienne, censée siéger face aux « tombes illustres » sur la photographie, aurait disparu. Et ce n’est pas tout : le minbar était à l’origine en bois précieux… Un vestige retrouvé plus tard à plusieurs kilomètres de là, dans la mosquée de Mutsamudu à Anjouan.

 Des découvertes surprenantes… Et à venir !

 Il y a quelques années, Vincent Liétard invite un architecte syrien à Mayotte pour qu’il juge de cet édifice hors du commun. Sa connaissance des mosquées shiraziennes le porte à prédire qu’en grattant les piliers du mihrab, il ne serait pas impossible qu’on y retrouve les textes sculptés par le sultan Haïssa pour l’inauguration de cette mosquée, qu’il avait fait intégralement reconstruire. Bingo ! Un peintre avait dû s’endormir sur son pinceau…

Et combien d’autres inconnues dorment en cette mosquée depuis des siècles, entre ces parpaings et cette histoire toujours vivantes ? Combien de découvertes et de merveilles pourraient se révéler par de simples analyses scientifiques en cette mosquée ? Une fois de plus et dans un domaine très différent de l’agriculture, les perspectives affluent.

Une mosquée ouverte au futur pour ses croyants

Cela fait rêver ! Si cette culture est bel et bien présente, elle n’a pas encore été scientifiquement explorée. La France a marqué son attention et les subsides du loto du patrimoine ont permis d’engager un bureau d’études pour analyser ce qu’il serait possible de concrétiser. À commencer par la toiture… Pour le reste, le primordial est d’ouvrir cet espace unique au plus grand nombre de croyants. Et de développer les salles de prière, car l’histoire, elle, n’a pas attendu et restera de toutes façons. Avec la foi que petit à petit, cette mosquée redevienne ce pourquoi elle fut bâtie jadis.

“Si on n’a pas les moyens de se procurer des préservatifs à Mayotte, on dit inshallah je n’aurai rien”

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Le 1er décembre marque la journée mondiale de lutte contre le Sida. À Mayotte, les actions de prévention et de sensibilisation se multiplient, mais il reste encore beaucoup à faire. Cependant, les efforts payent car la société mahoraise est de plus en plus sensibilisée à la cause.

C’est le nombre de personnes testées positives au VIH officiellement à Mayotte en 2019. Un chiffre à relativiser puisqu’il varie en fonction des arrivées et des départs sur le territoire. Chaque année, l’Agence régionale de santé Mayotte recense 50 nouveaux cas. Toutefois, en raison du manque de dépistages, les professionnels et les associations estiment qu’ils ne reflètent pas la réalité du terrain. Parmi ces malades, les femmes sont surreprésentées, non pas parce qu’elles prennent des risques mais plutôt parce qu’elles se font plus dépister. “On leur propose automatiquement de faire le dépistage pendant leurs grossesses. Pour l’heure, elles représentent 60% des personnes positives à Mayotte”, indique Flore Chauvin, chargée de mission en santé sexuelle au service prévention de l’ARS. Et comme derrière femme enceinte, il y a un homme, “on peut facilement considérer qu’ils sont tout aussi touchés. Malheureusement, on ne les voit pas”, regrette Flore Chauvin. Pourtant, les lieux de dépistages sont multiples sur l’île. Chaque individu, mineur ou majeur, peut se rendre au centre hospitalier de Mayotte au service Action de santé pour effectuer un dépistage complet de toutes les infections sexuellement transmissibles. Il s’agit d’un test anonyme et gratuit.

L’association Nariké M’sada, qui se trouve à Cavani, propose également des TROD, test rapide d’orientation et de diagnostique, gratuitement. Le résultat est disponible en quelques minutes, mais il est recommandé de le conforter avec des analyses biologiques. Enfin, il est toujours possible de se faire dépister au laboratoire privé, avec une ordonnance. Malgré cela, le dépistage se fait encore timide chez nous. “Le problème c’est que tout est centralisé à Mamoudzou. Le dépistage doit aller vers les gens et non le contraire”, estime Moncef Mouhoudhoire, directeur de la structure associative. Raison pour laquelle, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le Sida, l’ARS Mayotte et Nariké M’sada se déplacent dans 7 communes de l’île du dimanche 29 novembre au samedi 5 décembre.

Le difficile accès aux préservatifs

Les associations et l’ARS multiplient les campagnes de prévention, mais un problème majeur se pose sur l’île. Il est difficile pour une grande partie de la population de se protéger. Les plus concernés : les personnes en situation financière précaire et les adolescents. “Si on n’a pas les moyens de se procurer des préservatifs à Mayotte, on dit inshallah je n’aurai rien. Les pharmacies sont éloignées de beaucoup de villages et les lieux pour trouver des protections gratuites sont très limités”, affirme Moncef Mouhoudhoire. Pourtant, les acteurs concernés se sont investis pour faciliter l’accès aux préservatifs. “On a fait signer à toutes les communes la déclaration de Mayotte, le 30 novembre 2018. Elles se sont engagées à améliorer l’accès aux préservatifs de n’importe quelle manière. Depuis 2018 jusqu’à maintenant, personne n’a rien fait”, rappelle amèrement le directeur de Nariké M’sada. Une inaction qui ne concorde pas avec le travail quotidien des associations. En effet, il n’est pas cohérent d’inciter la population à porter des préservatifs, si elle ne peut s’en procurer facilement.

Les mentalités évoluent dans le bon sens

“Le VIH et le Sida restent tabou à Mayotte, car cela touche l’intimité, mais il faut noter une évolution des mentalités au fil des années. Les gens se font de plus en plus dépister”, constate Moncef Mouhoudhoire. Certaines personnes osent même s’afficher sur des panneaux publicitaires ou à l’écran. “Il y a quelques années, on avait du mal à trouver des gens pour poser pour les affiches de prévention, aujourd’hui c’est plus facile”, indique le directeur de Nariké M’sada. Les publicités ont également favorisé la démocratisation du débat autour des maladies et infections sexuellement transmissibles. Les couples n’hésitent pas à aller se faire dépister ensemble, en guise d’ultime preuve de confiance et d’amour. Selon Moncef Mouhoudhoire, “il faut inviter le sujet du dépistage au sein du couple parce qu’à Mayotte on est souvent dans des relations avec des partenaires multiples. On ne juge personne mais on demande juste aux gens de se protéger et de protéger leur entourage”. Alors on ne le répètera jamais assez, mais sortez couverts !

L’éclosion parfumée du pôle d’excellence rural de Coconi

À Mayotte, encore plus qu’ailleurs, il faut savoir prendre son mal en patience pour voir émerger un projet. Celui du pôle d’excellence rural à Coconi, un dispositif à destination des territoires ruraux, en est le parfait exemple : il remonte à 15 ans. Ce lundi 30 novembre, le Département a donc mis les petits plats dans les grands pour inaugurer ce nouvel outil de production et de recherche au service des 200 producteurs d’ylang-ylang de l’île aux parfums.

 L’aboutissement d’un processus vieux de 15 ans. Cette phrase résume parfaitement l’inauguration parfumée et tant attendue du pôle d’excellence rural à Coconi, qui s’est tenue ce lundi 30 novembre en présence de tout un contingent du conseil départemental. « Un moment important en lien avec le développement de l’agriculture mahoraise », souligne d’emblée le président de la collectivité, Soibahadine Ibrahim Ramadani, présent sur le site trois ans plus tôt pour poser la première pierre de ce chantier titanesque mais aussi pour planter un ylang-ylang, qui commence tout juste à produire ses effets parfumés. Pas anodin puisque cette nouvelle structure « performante et novatrice » sur l’île est au service des quelque 200 producteurs de cet arbre de la famille des Annocanées, bien connu pour son huile essentielle. Sauf que cette filière historique s’étiole depuis 40 ans, en étant passée de 1.000 à 102 hectares de plantation. Or, avec cette installation, l’idée consiste à « réunir ces acteurs » autour d’une ambition commune, à savoir la distillation unique et de qualité supérieure de plantes aromatiques à parfum et médicinales via une autorisation d’occupation temporaire (AOT) délivrée par le Département, et à « impulser une dynamique économique, pourvoyeuse d’emplois , notamment technique, commercial et touristique.

 Trois pôles répartis sur plus de 700m2

 Vu du ciel, l’infrastructure, et plus particulièrement la toiture en origami, offre des conditions de travail optimales. Les débords assurent l’ombrage des façades en position haute du soleil tandis que le traitement végétal au pied des élévations s’occupe de la protection en position rasante. La porosité par la systématisation des espaces traversants apporte un confort tandis que la hauteur des volumes participe au phénomène de stratification thermique. Sous la canopée, l’architecture organique propose des séquences rythmées entre activités et contemplations mais aussi des prolongements dans un schéma dedans/dehors permanent. Dans cet édifice, différentes zones s’identifient très clairement.

 À l’entrée, les visiteurs accèdent à un pôle éco-tourisme de 310m2 dans lequel se succèdent deux salles d’exposition, une temporaire de 50m2 et une permanente de 100m2, avec des jeux éducatifs axés sur l’ylang-ylang et le parfum, et un coin dégustation avec terrasse couverte. Un peu plus loin, les professionnels ont l’embarras du choix, avec un pôle recherche de 130m2 composé d’un laboratoire d’analyse et d’un atelier de distillation et un pôle économique de 290m2 constitué de bureaux pour les techniciens, d’un atelier de conditionnement pour la réception et la pesée des marchandises ou des épices, d’une salle de conditionnement pour la préparation à l’export et au détail et le stockage du matériel, et d’un autre atelier de distillation accessibles aux agriculteurs, qui comprend les alambics de plus de 1.000 litres et une zone pour étaler les fleurs. Le tout, sous le regard d’un chemin de découverte situé en plein cœur du jardin. « Avec ce PER, nous avons l’ambition de nourrir un agropole local par l’affichage de l’excellence et la spécificité mahoraise par rapport aux autres pays producteurs et de préparer aux formations dans le domaine des plantes remarquables », confie Soibahadine Ibrahim Ramadani, qui se souvient encore de son passage en 1956 et 1957 dans un bâtiment délabré à seulement quelques mètres. Où il lui arrivait peut-être de rêver à un tel projet…

 Valoriser la production et augmenter les revenus

Mais ce pôle d’excellence rural constitue une promesse pour l’ensemble du territoire. Surtout à l’égard des agriculteurs « qui vont trouver le moyen de valoriser leur production et d’augmenter leurs revenus », se réjouit Jean-François Colombet, le préfet de Mayotte. Un motif d’espoir sans précédent, sachant que « deux hectares de pieds d’ylang-ylang peuvent leur permettre de dégager un SMIC », précise Siti Frahati Said Hachim, responsable du service agriculture, pêche et programmation au Département. De bon augure face à la concurrence régionale très compétitive, notamment à Anjouan et à Madagascar. En attendant d’autres investissements, en plus des 4.6 millions déjà mis sur la table pour voir éclore cette construction (voir encadré). « L’État interviendra à nouveau, tout comme le PDR (programme de développement rural) pour financer la partie distillation industrielle et le POSEI (programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité) pour équilibrer le modèle économique et compenser les surcoûts propres à Mayotte », assure le délégué du gouvernement.

Une volonté à la fois nationale et européenne qui se marie à merveille avec celle de la collectivité locale. Cette dernière envisage l’émergence d’une troisième zone d’attractivité dans le centre pour désengorger Mamoudzou, comme en témoignent la prochaine livraison de l’abattoir de volailles peu avant l’entrée de Coconi et le pôle d’échange multimodal, en face du PER. Sans oublier la future cité administrative et la rénovation des bâtiments historiques qui font office de bureaux des ressources terrestres et maritimes à l’heure actuelle. « Cette zone est le grenier de Mayotte, mais aussi le château d’eau », admet Soibahadine Ibrahim Ramadani, en prenant pour exemple les parcs botanique et forestier, ainsi que la scierie départementale. En phase de reconstruction et de développement, l’île aux parfums démontre aussi que la préservation de son patrimoine et de son savoir-faire peut l’embaumer.

 

 Le Département et l’État valorisent l’ylang-ylang

Le pôle d’excellence rural a connu quatre conventions financières, dont la dernière datée du 23 février 2016 dans le but de réduire sensiblement la part d’autofinancement du conseil départemental qui, toutefois, s’élève à 2 millions d’euros, soit 42% du coût global. Quant aux 58% des aides publiques, l’État a fait appel à ses outils de financement suivant : 10.2% de fonds national d’aménagement et de développement du territoire, 26% de fonds ministériels mutualisés, 18,6% du contrat de projets État/région, 3.3% de l’office de développement et de l’économie agricole des Outre-mer.

 

 

 

 

Mayotte : Les transports scolaires reprennent la route… pour le moment

Les chauffeurs des bus scolaires se sont mis en grève illimitée le 25 novembre à la suite des affrontements de Dzoumogné la veille, qui ont conduit à la blessure de l’un des leurs. Ils ont donc appelé toutes les autorités de l’île à prendre leurs responsabilités. Après deux jours de conflit, un accord a été signé le 27 novembre.

Il aura fallu 4 heures de négociation pour que les syndicats des transports scolaires et les acteurs politiques du territoire trouvent un accord. Signé, le protocole met fin à la grève illimitée entamée le 25 novembre. “Nous avons fait ce qu’il fallait faire et presque tous les points que nous avons proposés ont été actés”, se réjouit Anli Djoumoi Siaka, secrétaire général FO Transport logistique UNCP Mayotte. La préfecture, le conseil départemental, le rectorat, l’association des maires, la société Matis et GIE Tama Ya Leo Na Messo prennent chacun des engagements pour assurer la sécurité des transporteurs et des élèves. “Le déploiement des effectifs de la gendarmerie et la police sur la zone de compétence et sur les tronçons de routes identifiés à risque” fait partie des grandes mesures prises par l’État. Les forces de l’ordre seront également autorisées à fouiller les sacs dans ces zones en question.

De son côté, le rectorat s’engage à “réactiver les évacuations d’urgence en cas d’atteintes graves” ou encore à contrôler les titres de transports, entre autres. L’académie se concentre particulièrement sur Dzoumogné, où des patrouilles des forces de l’ordre seront postées aux abords du collège et lycée. Deux nouveaux postes dAED (assistant d’éducation) et d’APS (assistant de prévention et de sécurité) ainsi que deux services civiques vont également renforcer l’équipe déjà présente sur les lieux. Attendu au tournant, le Département doit augmenter le “nombre de médiateurs à 50 en contrat précaire ». « Ils seront transférés dans l’accompagnement et 15 agents supplémentaires en temps complet. » Et si cela vient à ne pas suffire, il fera appel aux entreprises privées de sécurité.

Autre sujet de débat lors de la réunion : l’itinéraire des bus scolaires. Les deux sociétés de transports et le conseil départemental doivent proposer “un plan de transport” qui sera appliqué si les caillassages se répètent. Au total, ce ne sont pas moins de 23 mesures qui ont été prises et les autorités sont priées d’assurer leur mise en oeuvre car “quand nous parlons de sécurité, il ne s’agit pas de politique mais de vies en jeu”, souligne le syndicaliste.

“Satisfait n’est pas le mot adapté”

Une nouveauté est à souligner dans ce protocole. Conviée à la table des négociations, l’association des maires va mettre à disposition la police municipale ou les agents ASVP afin de sécuriser les arrêts de bus. Une participation indispensable selon Anli Djoumoi Siaka. “Les maires ont su prendre l’ampleur de la situation. Ces violences se produisent chez eux, ils ont donc leur part de responsabilité. Ils doivent sécuriser.”

Malgré cette fin de conflit sur le papier, les syndicats restent sur leur garde. “Je ne peux pas dire que nous sommes satisfaits, ce n’est pas le mot adapté. Nous sommes plutôt attentifs et vigilants. Parce que nous avions déjà signé un précédent accord, mais il n’a eu aucun effet”, rappelle le secrétaire général FO Transport logistique UNCP Mayotte. Les deux semaines restantes avant les vacances scolaires serviront à tester l’efficacité de ce protocole. En parallèle, des discussions pour préparer la rentrée et le reste de l’année seront entamées. Mais tous gardent en tête que tout peut basculer en quelques heures à Mayotte.

(Agri)culture : Mayotte, une île où le jardin d’Eden à un goût de vanille

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Pour mettre à l’honneur ses richesses et les faire découvrir au plus grand nombre, l’Office de tourisme du Centre Ouest organisait un éco-tour le dimanche 22 novembre. Agriculture, tradition, littoral… Toute la semaine, Thomas Lévy vous plonge dans les trésors cachés de cette partie du territoire. Carnet de route d’un habitant séduit.

Le programme de la journée promettant d’être chargé, nous montons dans un minibus qui nous mène à un kilomètre de la ville de Tsingoni. Et à quelques pas du sentier se trouve le domaine où, avec Foundi Madi et son équipe de Saveurs et Senteurs, nous découvrons une culture ancestrale et emblématique à Mayotte : celle de la vanille…

Une qualité qui tient toutes ses promesses

Après une demande d’analyse à des experts de la vanille ainsi qu’à des laboratoires en métropole, pour connaître la qualité ce cette filière à Mayotte et pouvoir la comparer aux espèces de La Réunion ou de Madagascar, les résultats sont édifiants : une qualité d’excellence avec des arômes de pruneau, de fruits secs et de cacao… Des experts qui sont prêts, dès cette année, à acheter ce produit local, pour le distribuer en métropole à sa juste valeur. Car si ce produit est encore inconnu en métropole et plus rare que les productions malgaches ou réunionnaises, il se caractérise indéniablement par sa qualité ; avec un soin tout particulier porté à la fraîcheur des récoltes pour Saveurs et Senteurs.

 Foundi Madi nous ouvre son jardin d’Eden

Foundi Madi nous initie à son savoir-faire et son jardin. Où pour la vanille, chaque étape a son importance et l’agriculteur de jouer sans cesse entre l’eau et le soleil ; de l’orientation pour la plantation, aux tuteurs ou d’autres arbres plantés autour pour protéger la récolte. Et de ce point de vue, entre avocats sauvages, citronniers, corossols, manguiers, bananiers, cocotiers, curcuma ou tubercules, ce jardin, qui aurait l’air, vu du sentier, d’une belle malavoune, s’avère receler un véritable garde-manger ! Un tout harmonieux qui protège les vanilles que Foundi féconde à la main, gousse par gousse.

 Une renaissance pour cette filière

 La difficulté est (ici aussi et plus qu’ailleurs !) l’eau. Tant par ses variations conséquentes chaque année, que par la régularité de sa distribution, ses infrastructures d’abduction comme d’électricité.
Autre problématique à laquelle les professionnels entendent remédier : sur les 85 producteurs déclarés, 80% ne parlent pas français (ce qui représente un sérieux problème pour l’exportation) et ont une moyenne d’âge de 60 ans environ. C’est pourquoi, au vu des perspectives que cette filière représente, il est temps de la moderniser et de lui donner un second souffle. Car si ce savoir-faire est ancestral, il manque un peu de technicité… C’est pourquoi le lycée agricole ouvrira une formation à la jeunesse dès l’année prochaine.

 Des filières solidaires qui s’organisent dès à présent.

Pour aller ensemble de l’avant et solliciter les fonds européens agricoles pour le développement rural, ces filières d’avenir s’organisent. C’est le cas de Banga Chocolat qui a planté durant la saison des pluies dernières 1.400 cacaotiers répartis chez différents producteurs. Ils ont aussi découvert un café sauvage déjà présent à Mayotte et de bonne qualité : 1.500 kg cette année ont été récoltés. Le but, bien sûr est de transformer café et cacao. Un projet de 260.000 euros avec un apport de 75% de la part du FEADER et du conseil départemental, avec un apport personnel de l’entreprise pour 25%. L’inauguration de l’atelier est prévue à Combani le mois prochain. Les premiers essais en chocolat sont, eux aussi, très prometteurs et je vous invite à goûter le subtil mélange entre café et cacao.

 

Opération reboisement à Passamaïnty : la citoyenneté en ordre de marche

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Dans le cadre de l’opération Urahafu na Unono organisée par la ville de Mamoudzou pour la propreté et la salubreté publique, l’association de quartier Adedupass a replanté une trentaine d’arbres ce dimanche dans le village. Reportage avec ces “soldats” de l’environnement.

“Et voilà, on a Passamaïnty sous les pieds !”, lance avec enthousiasme Sidi Moukou malgré la sueur qui perle déjà sur son front à cette heure matinale. Il est à peine 8h ce dimanche quand la troupe d’Adedupass, une association citoyenne du village, arrive en haut de cette côte terreuse et escarpée, le dos fourbu par les grandes plantes que chacun vient de porter à la force de ses bras. Au loin, les petits maillots jaunes ou bleus s’agitent sur la pelouse du stade tandis qu’à quelques mètres, bangas et constructions en tous genres s’élèvent vers le ciel. Plus proche encore, sous les pieds de ces planteurs du dimanche, justement, poussent sans contrôle apparent brèdes et manioc. “Ça dans quelques mois, on va l’acheter au bord de la route !”, déplore un membre du groupe, une pointe de lassitude dans la voix.

30 arbres plantés sur la colline

C’est que l’association travaille d’arrache-pied, on peut le dire, pour tenter de préserver un peu l’environnement de Passamaïnty. Ce week-end, dans le cadre de l’opération Urahafu na Unono organisée par la ville de Mamoudzou, Adedupass s’est donc naturellement mobilisée pour la salubrité urbaine. L’objectif du jour : reboiser quelques parcelles dénaturées par les plantations sauvages de bananiers ou de manioc, qui ont appauvri la terre. “Ici, avant, on ne voyait pas le sol. Mais aujourd’hui tout a été arraché, ou brûlé. Et même maintenant, il n’y a plus que du manioc, les bananiers ne poussent plus”, analyse celui que tout le monde surnomme “SD”.

Au moins deux fois par an, Sidi Moukou gravit les chemins autour du quartier pour lutter contre cette déforestation. En tout, ce sont une trentaine de fruits à pain, Aphloia theiformis, Erythroxylon, et autres plantes indigènes achetées dans une pépinière grâce aux subventions de la mairie que les jardiniers du jour entendent faire prospérer sur cette terre aride et caillouteuse. Sans oublier bien sûr un jeune baobab, qui trône désormais fièrement en haut de la colline, face au lagon. “Il n’est pas magnifique, ici, le baobab ?”, s’enquiert Estelle en posant ses mains sur ses hanches, la mine satisfaite.

Les conséquences de l’agriculture informelle

Encore faut-il qu’il survive. Son principal prédateur ? Les agriculteurs “improvisés” qui cultivent sur ces terrains du conseil départemental de quoi vendre sur le bitume en contrebas. Il n’est pas rare que l’association y perde quelques heures de travail à tenter de reboiser des parcelles du village. “On était déjà venus ici il y a deux ans, depuis la moitié a été arrachée”, soupire SD. Sans pour autant se décourager. Chez Adedupass, chacun met la main à la patte comme il peut. “Nous, on vient d’Hajangoua, mais on a adhéré à l’asso car on n’a pas encore trouvé dans notre village, un tel groupe, animé par un vrai élan citoyen, comme celui-ci”, salue Estelle, plantée à côté de son baobab.

Un meuglement sourd lui répond. Sapristi ! Sur le flanc de la colline, face au village, un enclos de zébus a justement échappé à la surveillance de SD et sa bande. Des branchages ont savamment été disposés pour recouvrir l’abri, et seul le bruit des animaux et un morceau de barrière entraperçu au milieu des feuillages a mis la puce à l’oreille du jardinier. Dans la boue et la bouse, plus aucune trace des grands arbres qui devaient jadis offrir un peu d’ombre sur ce morceau de crête exposé aux rayons du soleil. “On va retrouver le propriétaire, et lui donner deux semaines, puis on va l’enlever, ce n’est pas possible…”, souffle un bénévole. Toujours prêt, malgré cette déconvenue, à repartir bêcher la terre sous un cagnard brûlant. Façon colibri.

Les épisodes cycloniques à Mayotte, « des événements rares mais pas improbables »

Jeudi matin, Jean-François Colombet, le préfet de Mayotte, et Emmanuel Cloppet, le directeur de Météo France pour l’océan Indien, ont fait un point sur l’ouverture de la saison cyclonique qui s’écoule du 15 novembre au 30 avril. En l’espace de six ans, l’île aux parfums a vu trois systèmes dépressionnaires frôler ses côtes. Cette année, le sud-ouest de la région devrait connaître une activité légèrement supérieure à la normale.

Décembre 2019. Pendant de longues heures, la population de Mayotte retient son souffle et a pour ordre de se barricader chez elle, par peur d’être frappée de plein fouet par le cyclone Belna, qui passera finalement à 120 kilomètres à l’Est des côtés mahoraises pour se fracasser dans la région de Soalala à Madagascar. Et ainsi éviter au 101ème département le pire… « C’était un bon exercice pratique », introduit Jean-François Colombet, le délégué du gouvernement, qui se souvient avoir mis en place des liaisons radiophoniques avec les maires et les sous-préfets, disséminés aux quatre coins de l’île. « Nous avons eu de la chance, nous avons eu le « scénario du meilleur », avec un changement de cap soudain, plein sud, au moment de [son] approche finale », renchérit Emmanuel Cloppet, directeur de Météo France pour l’océan Indien. « Mais un jour ou l’autre, nous [en] aurons moins. »

Au cours des six dernières années, deux autres épisodes cycloniques marquent les esprits : Hellen et Kenneth. Le premier, le cyclone le plus intense jamais observé sur le Nord du canal avec des rafales maximales supérieures à 300 km/h, remonte à mars 2014. Un épisode marquant par les précipitations, 233 mm en 24 heures à M’Tsamboro et 220 mm à Combani, les coulées de boue et les inondations engendrées. Le second, en avril 2019, s’avère plus destructeur en Grande Comore et dans le Nord du Mozambique, qui comptabilise 45 décès, et pousse la plateforme d’intervention régionale de l’océan Indien à envoyer du matériel sur place. Si ce sont « des événements rares mais pas improbables », le risque cyclonique existe bel et bien à Mayotte, comme en témoignent les 16 passages à moins de 200 kilomètres du territoire au stade de cyclone tropical en 45 ans.

« L’histoire n’est jamais écrite à l’avance »

Que dire alors de la saison écoulée ? Son bilan est relativement dans la moyenne, avec dix tempêtes tropicales – un record malgré tout depuis le début de l’observation satellitaire – et six systèmes ayant atteint le stade de cyclone tropical. Deux particularités sont toutefois à noter : une activité cyclonique nettement inférieure à la normale, compte tenu de la durée de vie moyenne extrêmement réduite que les phénomènes ont passé à une intensité significative, et des trajectoires atypiques en direction de l’Est-Sud-Est que l’on peut définir comme inversées par rapport à la norme climatologique. « La prévision cyclonique opérationnelle reste délicate », rappelle Emmanuel Cloppet. « L’histoire n’est jamais écrite à l’avance… »

À quoi peut-on s’attendre pour la saison à venir ? Le contexte climatique de grande échelle suggère « des conditions plus propices à la formation cyclonique à l’Est du bassin » et « un retour à des trajectoires plus typiques orientées vers l’Ouest ou le Sud-Ouest ». En clair, Météo France s’attend à « un renversement des tendances par rapport à l’an dernier ». Et donc à des trajectoires d’Est en Ouest qui tendent à toucher plus durement les terres habitées. « Il est hors de mes propos de faire des prévisions sur un territoire aussi petit que Mayotte. Mais il y a un risque accru pour Madagascar et les pays situés à l’Est de l’Afrique. » En termes de chiffres, Emmanuel Cloppet envisage entre 9 et 12 tempêtes d’ici la fin du mois d’avril et entre 5 et 7 cyclones matures. « Chaque année, nous avons des systèmes dépressionnaires dans le Canal du Mozambique », souligne l’expert, qui précise le contour de sa pensée. « Nous n’avons pas besoin d’avoir un cyclone intense pour avoir des déluges. » Mais surtout, il faut garder en tête que toutes ces prévisions restent incertaines. « Il faut intégrer cette incertitude dans un système qui est un compte à rebours. Nous sommes incapables de connaître les conditions 72 heures à l’avance. »

15 à 20.000 personnes mises à l’abri pendant Belna

D’où la difficulté de gérer une crise cyclonique comme en 2019, notamment au niveau des alertes données à la population. « Je ne suis pas partisan de [les] galvauder, car après les gens n’y croient plus. Il faut les utiliser à bon escient », décrypte Jean-François Colombet. Alerte ou pas, Mayotte s’expose à un autre souci majeur, celui de ses habitats précaires et « le ravage des tôles qui sont des armes léthales ». Difficile dans ces conditions de se confiner… D’autant plus que le potentiel de mises à l’abri reste relativement modeste sur l’île, puisqu’il se limite principalement aux établissements scolaires. « À l’avenir, nous mobiliserons davantage les écoles pour la proximité », précise le préfet. Reste que bon nombre d’habitants, notamment ceux en situation irrégulière qui habitent dans les bidonvilles, ne veulent pas quitter leur logement, par peur de se faire dépouiller ou pire encore de se faire renvoyer à la frontière. Selon le locataire de la Case Rocher, entre 15 et 20.000 personnes ont rejoint un bâtiment public pour se protéger lors du dernier épisode. « C’est très suffisant. Belna ne va pas forcément nous aider à accélérer l’opinion publique. Or, la menace qui pèse sur Mayotte est grandissante. » Que faire alors pour inverser la tendance ? « Nous avons toujours coutume de penser que cela ne nous touchera pas », indique Madi Souf, le président de l’association des maires. « Nous sommes trop fatalistes ! À nos yeux, il suffit de se rendre à la mosquée et de prier pour éviter un drame. » S’en remettre au Tout-Puissant visiblement…

 

 

La filière cosmétique à Mayotte se refait une beauté réglementaire

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Les professionnels qui souhaitent s’investir dans les produits cosmétiques ont été conviés à une matinée de formation le 26 novembre à la Chambre de commerce et d’industrie de Mayotte. L’objectif sur le long terme est de structurer la filière. Il est donc impératif que les produits fabriqués sur l’île soient conformes aux normes françaises et européennes.

Une dizaine de professionnels ont répondu à l’appel de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) et de la Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Dieccte) pour la formation sur la réglementation des produits cosmétiques fabriqués et vendus à Mayotte. “Il y a de plus en plus d’acteurs qui s’y intéressent. Cependant, cette filière est soumise à une certaine réglementation. Nous avons donc souhaité les informer des normes françaises et européennes qui sont applicables aussi à Mayotte”, rappelle Latufa Youssouf, responsable de la filière cosmétique et pharmacopée à la CCI.

Mais force est de constater que celles-ci sont peu connues des professionnels mahorais. “Je connaissais certaines règles parce que je me suis renseigné sur internet, mais aujourd’hui je réalise que j’ignorais beaucoup d’entre elles”, avoue Soumaila Moeva, producteur et distillateur d’ylang-ylang de la marque Jardin d’Imany. “Je connaissais quelques-unes de ces règles parce que je suis issue d’un BTS qualité dans les industries pharmaceutiques et cosmétologiques. Mais c’est vrai que je n’y prêtais pas vraiment attention, car je suis dans la distribution et non dans la fabrication”, affirme Soalihat Tany, gérante du magasin So boutik. L’objectif sur le long terme pour la CCI est de structurer la filière cosmétique, car les produits fabriqués à Mayotte se font encore de manière artisanale.

 Une réglementation difficilement applicable à Mayotte

Étiquetage, composants, analyses… Tout doit être conforme aux normes et doit être validé par le centre antipoison et toxicovigilance. Néanmoins à Mayotte, les outils nécessaires à la conformité française et européenne ne sont pas réunis. Les fabricants doivent envoyer leurs produits cosmétiques en métropole pour les faire analyser avant de les mettre en vente. “Je pense que beaucoup ne vont pas respecter cette étape parce qu’elle est contraignante. Envoyer les échantillons, attendre les résultats nous fera perdre beaucoup de temps”, selon Soalihat Tany. Cette dernière souhaite commencer à fabriquer ses produits, mais la réglementation, qu’elle découvre dans les moindres détails, risque de lui faire changer d’avis. Ne pas la respecter peut entraîner des amendes qui s’élèvent à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Les règles sont certes très strictes, mais elles peuvent également être considérées comme source de motivation. “Si je veux un jour m’exporter aux Etats-Unis ou en Europe, je dois me plier aux règles qui sont à la hauteur du marché que je veux conquérir. Il est donc tout à fait normal de se plier à la réglementation”, indique Soumaila Moeva.

Afin de mener à bien le projet de structuration de la filière cosmétique, la CCI annonce la création d’un technopole à Dembéni. Celui-ci devrait faciliter le travail des fabricants mahorais. “Ce sera une plateforme qui va héberger plusieurs activités. Il y aura aussi un laboratoire que nous espérons pouvoir équiper afin d’effectuer quelques analyses à Mayotte”, espère Latufa Youssouf. Mais tout ne pourra pas être fait sur place, l’envoie de certains échantillons dans l’hexagone sera inévitable. Quoi qu’il en soit, les producteurs et vendeurs devront appliquer cette réglementation car la Dieccte prévoit déjà d’effectuer des contrôles dans quelques mois. Le temps de laisser les choses se mettre en place.

 

 

Une fillette de 3 ans sauvée de la noyade par un pompier de Mayotte

Une enfant a failli perdre la vie ce dimanche, sur une plage sans surveillance, à Iloni. Par chance, un pompier en repos se trouvait là et a pu lui prodiguer les premiers secours. Un événement qui rappelle l’urgence de surveiller les plages dans le 101ème département.

La scène se passe un dimanche, en fin d’après-midi, à Iloni. Il est environ 16h, quand Ayouba, qui profite de ce jour de repos avec quatre camarades, jette un œil par-dessus son épaule, en direction des vagues. À une trentaine de mètres de là, il aperçoit une fille en train de s’affairer péniblement au bord de l’eau. Très vite, le sapeur-pompier prend conscience qu’un événement dramatique est en train de se produire. “Elle tirait un petit corps, la tête en bas, dans la mer”, souffle-t-il la tête encore remplie des images du weekend dernier.

Sans hésiter, l’homme se précipite vers elle. “Je n’ai pas cherché à comprendre, j’ai couru vers la petite. On l’a étendue par terre, elle n’avait plus de pouls, son ventre ballonné…”, décrit-il en recollant les morceaux. La fillette, trois ans à peine, est en arrêt cardio-respiratoire. “Elle ne réagissait plus, donc j’ai commencé les gestes de secours”, poursuit cet ancien militaire. L’homme pratique un massage cardiaque, tout en criant à l’un de ses comparses d’appeler les secours.

10 minutes avant l’arrivée des secours

Une, deux minutes s’écoulent peut-être. Mais “ça ne passe pas. Ça ne revient pas”, répète-t-il, comme s’il revivait la scène. “Alors j’ai mis ma bouche, et j’ai soufflé, peu importe le Covid ! Là, l’eau est sortie de sa bouche”. Ouf ! La fillette reprend conscience, environ cinq minutes après le début de son intervention. Les secours, eux, mettront encore cinq minutes à arriver, pendant lesquelles Ayouba reste auprès de l’enfant, le téléphone vissé sur l’oreille pour ne pas perdre une miette des conseils prodigués par un médecin au bout du fil.

Chaque minute compte

En attendant, ce remue-ménage a alerté la mère de la fillette. “Elle a vu tout ce monde autour de son bébé, elle était désespérée, en larmes.” Installée un peu plus loin sur la plage, la femme n’avait pas vu son enfant s’éloigner… Heureusement pour elle, Ayouba et ses amis avaient choisi ce bout de plage pour profiter des derniers rayons du soleil ce jour-là. L’action de ce pompier, caporal-chef de la caserne de Pamandzi, formé très régulièrement aux premiers secours dans le cadre de son travail, a sans aucun doute sauvé la vie de sa progéniture. En situation d’arrêt respiratoire, chaque minute qui passe diminue de 10% les chances de survie. Et après huit ou 10 minutes sans réanimation, celles-ci sont nulles.

Le manque de maître-nageurs en question

Un événement qui n’est pas sans rappeler le drame survenu en août dernier à Trévani. Cette fois-là, une fillette de cinq ans, qui avait échappé à la surveillance de sa tante, avait perdu la vie, malgré l’intervention du SMUR. De quoi aussi remettre sur la table la question de la surveillance des plages à Mayotte. “Il y avait beaucoup de monde, mais sans surveillance. Il faut que nous ayons des maître-nageurs au bord de la plage, surtout un samedi et un dimanche, c’est vraiment très important”, insiste Ayouba, lui-même père de trois enfants.

Malgré ses kilomètres de plage, l’île au lagon ne compte aucun poste de surveillance sur ses aires de baignade, une compétence qui revient normalement aux communes. Et avec le manque de formation à la natation et aux premiers secours, les noyades sont malheureusement fréquentes dans le 101ème département. Au niveau national, avec 1.000 décès par an, la noyade est la première cause de mort par accident chez les moins de 25 ans, selon Santé publique France.

 

 

Une enveloppe de 80 millions d’euros du Département de Mayotte pour la piste longue

Mercredi, les élus du conseil départemental se sont rassemblés en assemblée plénière pour examiner plusieurs rapports. L’un d’entre eux sur le financement de la piste longue a particulièrement attiré l’attention. La collectivité a voté à l’unanimité une enveloppe de 80 millions d’euros pour la réalisation de ce projet structurant pour le territoire qui arrive dans sa phase de réalisation, dont le coût total est évalué à 250 millions d’euros. « Un rendez-vous historique » pour Soibahadine Ibrahim Ramadani.

2001. Le président du Département de l’époque, Younoussa Bamana, affiche son exaspération face au premier ministre, Lionel Jospin. Un échange célèbre dans lequel l’élu local affirme ne plus supporter, en revenant de Paris, de devoir survoler sur son île, aller se poser à La Réunion et changer d’avion pour atterrir à Mayotte. Près de 20 ans plus tard, l’allongement de la piste aérienne se fait toujours attendre… malgré les promesses des différents chefs de l’État, notamment celles de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy. François Hollande préférant renvoyer ce vœu à 2050. Autant dire aux calendes grecques !

Mais depuis la venue en octobre 2019 du président Emmanuel Macron, le ciel semble de nouveau s’éclaircir. Dégageant ainsi la zone d’ombre qui plane depuis des années au-dessus du territoire. Dans son discours, il promet à la population que les premiers coups de pioche interviendront avant la fin de son quinquennat. Simple effet d’annonce ou réelle volonté politique ? Selon Soibahadine Ibrahim Ramadani, ce rêve, « synonyme d’intégration plus poussée dans la République », est en passe de devenir une réalité. « Le projet arrive dans sa phase de réalisation », promet-il aux élus départementaux, réunis ce mercredi en assemblée plénière. « Les Mahorais aspirent à voyager en vol direct, à payer leur billet moins cher et à avoir le choix de leur compagnie aérienne. »

Des engagements forts de l’Europe et de l’État

Pour ne pas décevoir une fois de plus les attentes des habitants, le président du Département apporte quelques garanties. Et plus particulièrement des garanties financières. « Je vous propose de participer à hauteur de 80 millions d’euros », dévoile-t-il derrière son masque en tissu. Avant de détailler le plan de financement estimé à 250 millions d’euros : 50 millions pour l’Europe et 120 millions pour l’État. Des engagements « forts » à ses yeux. « Le temps est enfin venu de réaliser cette piste longue », qui permettrait à l’aéroport de bénéficier d’une infrastructure digne de ce nom pour multiplier le nombre de voyageurs et qui pourrait également faire rayonner l’île aux parfums sur l’ensemble du canal du Mozambique.

De bon augure donc. Pourtant, le chiffre évoqué peut donner le tournis, d’autant plus que Ben Issa Ousséni, en charge des finances de la collectivité, invite ses collègues à remettre à plus tard les dépenses « non indispensables » de leur champ de compétences respectif en raison des conséquences de la crise sanitaire et du plan de relance local de 6 millions d’euros récemment déployé. Certes. Toujours est-il que le conseil départemental semble avoir entre ses mains une capacité d’autofinancement de l’ordre de 40 millions d’euros. De quoi appréhender cet investissement colossal plus sereinement, qui ne date pas d’hier. « Dans le cadre de la sécurisation de la piste actuelle, nous avons déjà dépensé 500.000 euros. Et nous avons [débloqué] 900.000 euros pour le financement des études [de faisabilité] », rappelle Soibahadine Ibrahim Ramadani.

Rendez-vous le 11 décembre

Difficile dans ces conditions de faire machine arrière… Seul bémol, il est encore trop tôt pour connaître l’architecture de cette future réalisation. Au grand dam du conseiller d’opposition, Daniel Zaïdani. « Le scénario retenu sera présenté le 11 décembre par l’ensemble des acteurs de cette opération », lui répond alors le président du Département. Si l’on s’en tient toujours à l’étude menée en 2003 par la filiale ingénierie et architecture d’aéroports de Paris, trois hypothèses s’avèrent plausibles : allongement de la piste sur le récif corallien jusqu’à la longueur requise, création d’une nouvelle piste dans le lagon, convergente ou bien parallèle à la piste actuelle. « Une bonne partie va vers l’intérieur et une autre vers le dugong », ironise Soibahadine Ibrahim Ramadani, comme pour faire durer le suspense quelques jours de plus. Avant de terminer sur une note plus solennelle. « C’est un rendez-vous historique et je ne suis pas candidat à ma succession. Je veux vous associer à ce moment historique », conclut-il.

 

La violence économique à Mayotte : une violence plus invisible mais très présente

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Le combat dure toute l’année, mais le 25 novembre est la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. L’association départementale pour condition féminine et aide aux victimes (ACFAV) en a profité pour sensibiliser le grand public. Le thème de cette année est la violence économique. Elle est plus discrète, mais fait des ravages considérables.

Les membres de l’association départementale pour condition féminine et aide aux victimes ont su attirer l’attention des passagers de la barge. À l’occasion de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, ils ont installé leur stand et pancartes dans le sas de l’embarcadère à Mamoudzou, le temps d’une matinée. L’objectif est de sensibiliser le grand public aux violences faites aux femmes, et particulièrement les violences économiques. Les personnes présentes n’osent pas se diriger vers le stand, mais leurs regards curieux incitent les membres de l’association à aller à leur rencontre. La vision de certains, quant aux violences faites aux femmes, est déroutante. À l’image de celle d’Abdallah âgé d’une quarantaine d’années. “On a tous assisté à des scènes de violences. Mais personnellement je n’ai jamais appelé la police et ne le ferai jamais parce que j’estime que la femme qui les subit est adulte. Elle peut prendre ses responsabilités. C’est à elle de se prendre en charge”, estime le père de famille. Selon lui, le manque de réaction de la victime en dit long sur ses intentions. “Si elle ne dénonce pas son compagnon, cela veut dire qu’elle a de la compassion pour lui. Alors je n’ai pas à m’en mêler”, rajoute Abdallah, plein de conviction. Ses propos peuvent choquer plus d’un, mais ils ne surprennent pas Malika Bouti, conseillère conjugale à l’ACFAV. “Les gens ne sont pas vraiment sensibilisés à la cause. Et certains pensent même que si la femme est battue, c’est parce qu’elle le vaut bien”, dit-elle.

Un peu plus loin, deux femmes s’engagent dans une discussion qui attire l’attention de tout le monde. “C’est la peur de l’inconnu qui nous fait rester. On se dit qu’il est préférable de rester avec celui parce qu’on le connaît, plutôt que de le quitter et prendre le risque de tomber sur un homme pire que le précédent”, soutient Roufouanti. Sa voisine, secoue la tête pour marquer son désaccord. “Ah non, je ne suis pas d’accord ! Je préfère prendre ce risque plutôt que de rester et succomber aux coups de mon mari”, répond d’une voix ferme Djamila. Cette dernière pointe du doigt le comportement de certains hommes qui battent leurs femmes devant les enfants. “L’enfant qui voit sa mère se faire battre a des pensées obscures. Soit il n’aura aucun respect pour sa mère, soit il détestera son père. De plus, il risque de reproduire la même chose avec sa femme parce que c’est comme ça qu’il a grandi. Certains hommes ne se rendent pas compte des dégâts qu’ils causent.”

La question de la violence économique est assimilée par ces deux femmes qui disent savoir ce que c’est puisqu’elles ont été témoins de ce type de violence. “J’ai une voisine qui a 5 enfants. Son mari ne paye ni le loyer ni les factures ni la nourriture. Il ne paye rien. C’est lui qui perçoit les allocations et il ne lui donne rien du tout”, raconte Djamila. Roufouanti se souvient d’une situation qui lui a fait perdre espoir. “Dans mon entourage, une femme a osé aller à la police car son mari ne lui donnait pas les allocations ni rien du tout. Et on lui a répondu que c’est grâce à l‘homme qu’ils perçoivent ces allocations, il peut donc en faire ce qu’il veut.”

De la violence économique à la prostitution

La violence économique est discrète. On ne la voit pas, on ne l’entend pas, et pourtant elle est toute aussi dévastatrice que les autres types de violences. Contrairement à ce que l’on peut penser, elle ne touche pas uniquement les femmes en situation de précarité. “Une femme qui travaille, qui a un statut social, peut également en être victime. L’homme la domine totalement, il gère ses comptes bancaires, sa carte bleue et la pousse à faire des crédits”, explique Malika Bouti. Pour celles qui ne travaillent pas, la violence économique peut conduire à la prostitution. “Ces femmes sont tellement submergées et sous l’emprise de leurs maris… Elles finissent par se prostituer pour survivre et donner à manger à leurs enfants”, confirme la professionnelle. Cette violence est présente partout, mais particulièrement à Mayotte où beaucoup de femmes se trouvent dans des situations plus que précaires. La conseillère conjugale de l’ACFAV l’a constaté à la sortie du confinement. Elle a récolté les témoignages de femmes qui ont dû supporter les mots très durs de leurs conjoints ou de leurs ex. Elle a regroupé le tout dans un recueil, et certains propos font froid dans le dos. “Tu veux que je paye la pension alimentaire alors viens coucher avec moi”, peut-on lire. Ou encore : “Arrête de mendier, je ne te donnerai rien. Sers toi de ta c***** pour nourrir tes gosses.” Ces femmes, qui sont poussées à la prostitution par leurs partenaires ou par un besoin criant de subvenir aux besoins de leurs enfants, finissent par s’enfermer dans un cercle vicieux. Et il leur est souvent difficile d’en sortir.

 

 

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes