La crise sanitaire chez nos voisins réunionnais se complique de plus en plus. Les lits en réanimation arrivent à saturation, et cela pourrait avoir un impact sur la situation déjà très tendue au centre hospitalier de Mayotte. L’autorité sanitaire réunionnaise pourrait être amenée à refuser les patients évacués depuis le 101ème département. Éclaircissement avec Dominique Voynet, la directrice générale de l’agence régionale de santé sur l’île aux parfums.
Flash Infos : Est-ce que l’agence régionale de santé de La Réunion a réellement limité à 48 les patients mahorais évacués sur l’île ?
Dominique Voynet : J’en ai entendu parler, mais pour le moment la décision n’a été prise par qui que ce soit. Je dirais que l’agence régionale de santé a plutôt essayé d’évaluer ses capacités d’accueil compte tenu de ses propres besoins. L’épidémie est en train de se réveiller à La Réunion, qui recense de plus en plus de variants sud-africains. Au début, on entendait par-ci par-là que c’était à cause des Mahorais alors que ce n’est pas du tout le cas. Nous n’envoyons que des patients qui vont en réanimation, avec des conditions d’hygiène absolument parfaites !
Donc c’est plutôt les dizaines de milliers de personnes qui ont pendulé dans l’océan Indien pendant les vacances de Noël qui ont ramené le virus chez eux… Et maintenant, ils ont tous les types de variant. Si la situation se dégrade à La Réunion, il est clair qu’ils seront moins à l’aise pour prendre en charge nos patients. D’où l’idée d’avoir en complément un avion qui viendrait chercher des malades qui satureraient les services de réanimation de La Réunion et de Mayotte pour les emmener en métropole.
FI : À partir de quand cette évacuation sanitaire grandeur nature vers l’Hexagone pourrait-elle être mise en place ?
D. V. : Cela dépend de la dynamique. Les équipes du Samu de Paris coordonnent l’opération. Ils travaillent sur l’hypothèse d’un avion gros porteur pour chercher un nombre significatif de patients. Concernant ceux de Mayotte, ils ne viendraient pas directement d’ici, ils s’agiraient plutôt de malades qui occupent les lits de réanimation de La Réunion. Ils sont intubés, ils sont ventilés, et ils sont sous sédation, donc ils ne sauront même pas qu’ils ont été transférés… C’est plus sûr de transférer ces malades qui sont déjà mis en condition plutôt que d‘autres qui peuvent s’aggraver pendant le voyage.
FI : Au cours des dernières semaines, le nombre de cas du variant sud-africain a littéralement explosé. Il représente aujourd’hui plus de 70% des positifs au Covid-19. De nombreuses voix s’élèvent sur le lien de cause à effet avec l’immigration clandestine. Que répondez-vous à ces accusations ?
D. V. : Certains accusent les kwassas d’avoir ramené le variant sud-africain chez nous ? Ce n’est absolument pas vrai. Si c’était le cas, je vous le dirais ! La plupart des cas sud-africains que nous avons diagnostiqué viennent de personnes qui sont entrées sur le territoire par avion ou par bateau.
Le 48ème patient mahorais envoyé ce lundi à La Réunion
Si la réanimation tient encore debout à Mayotte, c’est en grande partie grâce aux transferts de patients vers La Réunion. « Sans les evasan, nous sommes saturés en 24 heures », indiquait vendredi dernier, Renaud Blondé, le chef de service. À la lecture des déclarations de la directrice générale de l’agence régionale de santé de l’île Bourbon, le 101ème département retient donc son souffle… D’autant plus que le territoire a envoyé son 48ème patient ce lundi après-midi. Réponse donc ce mardi pour savoir si de nouvelles entrées seront autorisés. Toutefois, ce chiffre reste à relativiser puisque depuis le début des évacuations sanitaires, certains malades sont sortis de l’hopital. « Cela m’étonnerait qu’ils stoppent, c’est toujours facile de mettre un chiffre en avant. Mais après, il faut l’assumer devant le facteur humain, et ça, c’est plus difficile… », confie une source proche du dossier. Toujours est-il, « aucune limitation écrite ne nous a été notifiée », précise Christophe Caralp, le chef du pôle Ursec au CHM, qui note une trentaine de patients actuellement en réanimation à La Réunion. De quoi gagner un peu de temps en attendant l’évacuation sanitaire massive vers la métropole.
Les caillassages des ambulances sur l’axe Dzoumogné-Mamoudzou semblent devenir monnaie courante. Samedi soir, le conducteur d’un de ces véhicules de secours a pris une pierre en pleine figure, poussant le personnel soignant à exercer un droit de retrait ce lundi.
Chamou a trente ans de métier dans les guiboles. Et ce lundi 21 février, l’ambulancier de Dzoumogné n’hésite pas à le dire : “Je veux changer de poste. Qu’ils me mettent à un autre poste dans l’hôpital, je sais pas, peu importe, jardinier, ou alors je peux ramasser les papiers par terre.” Tout sauf continuer à conduire les patients du centre médical de référence (CMR) à Mamoudzou en pleine nuit, la peur au ventre.
Difficile de lui en vouloir : samedi soir, Chamou a pris un caillou dans la figure alors qu’il transportait une sage-femme et une dame sur le point d’accoucher. Alors qu’il passe devant la pharmacie à Koungou, une pierre traverse le parebrise et l’atteint à la tempe. Le sang coule. L’homme met sa main et exerce une pression sur la blessure. De l’autre, il tapote sur son téléphone pour joindre le 15. “Personne n’est venu, donc j’ai continué tout seul jusqu’à l’hôpital de Mamoudzou”, souffle l’agent, encore sous le choc. “Aujourd’hui, ça ne saigne plus, mais j’ai mal, j’ai du mal à bloquer mes dents pour manger.”
Huit agressions à Dzoumogné
En tout, ils sont déjà quatre ambulanciers à avoir vécu des situations similaires depuis le début de l’année 2021. Des caillassages sans raison apparente qui prennent pour cible leur véhicule de secours, alors même qu’ils transportent des patients. “J’ai déjà deux collègues qui se sont mis en arrêt, parce que psychologiquement, ça ne va plus”, raconte Zarouki, lui-même victime d’un jet de pierre fin janvier, tandis qu’il filait vers la commune chef-lieu pour une urgence.
Résultat, ce lundi, le personnel soignant du centre médical de référence de Dzoumogné exerçait son droit de retrait à l’appel du syndicat SUD Santé Sociaux Mayotte, rejoint par la CFDT santé et Force ouvrière. Un peu plus d’une soixantaine d’agents dont une quinzaine d’ambulanciers ont rejoint le mouvement en solidarité avec les victimes, selon Mouayad Madjidi, délégué syndical SUD. “C’est la huitième agression faite aux agents de Dzoumogné depuis le début de l’année !”, tempête le représentant. En plus des ambulanciers, deux médecins et une sage-femme auraient eux aussi fait les frais des délinquants qui rôdent autour du CMR. Sans compter les locaux, eux-mêmes attaqués.
Un premier protocole à moitié réalisé
Or, si la situation semble s’exacerber ces dernières semaines, elle n’est en réalité pas nouvelle. Déjà, l’année dernière, le syndicat avait recensé cinq agressions, qui avaient poussé le personnel soignant du centre périphérique de Dzoumogné à exercer un premier droit de retrait. Et tous les points du protocole de sortie de crise n’ont, depuis, pas été remplis, fait valoir Mouayad Madjidi. La mise en conformité de l’éclairage à l’intérieur du site ? “Faite à moitié”. Le rehaussement des clôtures ? Pas terminé. Les caméras de surveillance ? “Elles ont bien été installées, mais impossible de savoir si elles enregistrent quelque chose”, déblatère-t-il.
Plus de moyens de protection
Alors le syndicaliste entend bien poursuivre le mouvement tant que la direction n’aura pas apporté de moyens suffisants pour garantir la sécurité des agents. La directrice du CHM s’est rendue sur les lieux ce lundi, pour écouter les propositions des personnels mobilisés. Parmi leurs revendications du jour : la sécurisation des ambulances avec des grilles, un casque de protection pour tous les passagers, une prime de risque comme pour les agents du SMUR, ou encore la garantie d’une escorte de la gendarmerie en cas d’intervention nocturne. Un accompagnement qui a visiblement fait défaut samedi soir, alors même que le conducteur rechignait à effectuer seul ce trajet dangereux, qui lui aurait été “imposé”. “J’ai dit que j’avais peur, j’avais déjà été caillassé une première fois sans blessure, et personne n’avait réagi…”, déplore Chamou, l’ambulancier attaqué samedi soir. “Nous attendons des réponses lors d’une prochaine réunion du CHSCT, qui pourrait se tenir demain [ce mardi NDLR ]”, met en garde Mouayad Madjidi.
Le pire, pour ces agents ? Même en portant plainte, rien ne change. “À la gendarmerie, on m’a dit qu’il fallait aussi que le CHM porte plainte, car il s’agissait de leur véhicule. J’en ai averti immédiatement le cadre d’astreinte. Quinze jours plus tard, je n’ai toujours pas de nouvelle !”, s’exclame Zarouki, lui-même habitant de Dzoumogné et qui était allé jusqu’à retrouver les jeunes responsables de son caillassage pour les dénoncer aux autorités. Sans succès. De quoi remettre en cause sa vocation ? Pas pour l’instant. Mais, “moi, demain, si je suis de garde, je mets mon casque de moto…”, lance l’ambulancier de 43 ans. Paré pour la bataille.
Les personnes ayant reçu les premières doses du vaccin Pfizer à Mayotte ont répondu à l’appel de la deuxième injection ce lundi à la MJC de M’gombani. Parmi elles, le docteur Martial Henry, un éternel convaincu des bienfaits de la vaccination.
Le 25 janvier dernier, on lui administrait sa première dose de vaccin, sous les regards curieux et quelques fois admiratifs des médias. Quatre semaines plus tard, le docteur Martial Henry est revenu tout sourire au centre de vaccination de M’Gombani à Mamoudzou pour recevoir la deuxième injection nécessaire au développement de la défense immunitaire contre le Covid-19. À 89 ans, il est encore en pleine forme et balaye du revers de la main toutes les spéculations autour du vaccin. “Il y a toujours des effets secondaires, mais ce n’est rien par rapport au bénéficie de l’immunité qui permettrait de vaincre la pandémie. Il n’y a pas plus d’effets que pour les vaccins contre la coqueluche, la rougeole ou le tétanos utilisés tous les jours dans nos PMI (protection maternelle et infantile).”
De son côté, il dit n’avoir souffert d’aucun effet secondaire, raison pour laquelle il se montre encore plus serein. Pis encore, il se moque même des rumeurs à son encontre affirmant qu’il était souffrant après s’être fait vacciner. Cependant, le docteur Martial Henry comprend les réticences de la population. “Tout nouveau traitement est craint, c’est normal. Et en plus, les rumeurs empirent les choses.” Il insiste donc sur le fait de sensibiliser davantage les personnes âgées qui sont susceptibles d’avoir des informations erronées. “Il ne faut pas se laisser entraîner dans la peur par les “je-sais-tout” des réseaux sociaux”, conseille-t-il.
“La campagne ne prend pas d’ampleur”
Si l’administration des deuxièmes doses du vaccin a débuté ce lundi, les personnes qui veulent recevoir les premières sont toujours accueillies dans les centres de vaccination. À M’Gombani, elles étaient nombreuses, même si très peu de personnes âgées ont fait le déplacement. “La campagne ne prend pas d’ampleur. Les habitants qui ont envie de se faire vacciner ne correspondent pas aux indications prioritaires de l’État”, admet Dominique Voynet, la directrice de l’agence régionale de santé à Mayotte. Pourtant les vaccins sont bien là. Le territoire devrait réceptionner 30.000 nouvelles doses en l’espace de plusieurs semaines. Cela multiplie par quatre les vaccins reçus par semaine.
Alors le profil de la personne prioritaire est quelque peu adaptée au territoire. “Souvent, les gens de 65 ans à Mayotte sont dans le même état que ceux de 75 ans en métropole, parce que sur le plan sanitaire, ils sont pris en charge beaucoup plus tard. D’où l’importance de vacciner des personnes un peu plus jeunes, ainsi que les professionnels de santé et les personnels d’entreprises stratégiques quelque soit leur âge”, indique l’ancienne ministre. À l’exemple des employés d’EDM, de la SMAE, des équipes de l’aéroport ou encore du port de Longoni. Cela permettrait d’assurer la continuité de ces services essentiels au bon fonctionnement de l’île. Elle pourrait également pousser une partie de la population à se faire vacciner. Pour le moment, selon la directrice de l’ARS Mayotte, toutes les “sottises colportées par les réseaux sociaux” polluent la stratégie de vaccination. Piqué !
En réanimation, la tension est à son comble. Avec une durée d’hospitalisation pouvant varier de 3 à 6 semaines, les patients atteints du Covid-19 concentrent à eux seuls la majeure partie des lits du service. À ce jour, les évacuations sanitaires quotidiennes sont l’unique moyen de garder la tête hors de l’eau. Pour combien de temps encore…
Bip… Bip… Bip… Vendredi. 10h. Dans le couloir principal de la réanimation, le fond sonore omniprésent des machines rythme les va-et-vient des personnels soignants en tunique bleue, presque toujours le regard tourné vers les écrans. Quelques minutes seulement après l’envoi de quatre nouveaux patients Covid vers La Réunion. Une petite bouffée d’oxygène, devenue quotidienne depuis quelques jours, qui permet, ce jour-là, de repasser à 27 lits occupés sur les 32 disponibles (contre 16 habituellement). « Nous sommes à flux tendu, nous avons l’impression d’être face à un mur », analyse Renaud Blondé, le chef de service, au moment de montrer l’évolution de la courbe épidémique. Pas de doute, la marge de manœuvre est infime. Et est surtout mise à rude épreuve depuis l’arrivée du variant sud-africain sur le territoire, après une accalmie au mois de janvier. « C’est une vague violente qui n’a rien à voir avec la première. »
Mono-défaillance respiratoire
Cette flambée du nombre de cas, conjuguée à des taux d’incidence et de positivité records, affole les esprits des autorités, qui craignent le pire pour le 101ème département, déjà soumis à une forte tension hospitalière en temps normal. D’où l’envoi par le gouvernement du service de santé des armées pour épauler les équipes mahoraises sur le qui-vive. « L’objectif est de nous occuper de 10 lits de manière autonome afin de décharger le CHM, qui nous fournit la pharmacie et des consommables médicaux », détaille Philippe, le médecin principal, dont la durée de la mission dépend de la “cinétique”.
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Une augmentation des capacités, à laquelle il faut ajouter 6 lits supplémentaires en lieu et place de la salle de réveil. Une transformation possible en raison de la déprogrammation d’une grande partie des opérations chirurgicales. « Les blocs sont réservés pour les urgences vitales », précise Renaud Blondé. Mais à cause d’un manque d’espace, ces deux unités temporaires ne suivent que des cas de mono-défaillance respiratoire et laissent par exemple à la charge du service polyvalent les 30% des positifs atteints en plus d’insuffisance rénale.
« Un petit miracle »
Si ce dispositif permet de garder la tête hors de l’eau, le recours aux évacuations sanitaires est indispensable pour ne pas sombrer dans le chaos. Mais là encore, la stratégie peut s’avérer périlleuse. « La place idéale d’un patient de réanimation est de ne pas quitter sa chambre. Si nous le transférons, c’est que nous n’avons pas le choix », martèle le chef de service, bien conscient du facteur risque que cela implique, entre la mise sur brancard, le transport en barge ou en hélicoptère, le décollage et l’atterrissage, la perte de 10 points de saturation en raison de l’altitude… « À chaque manipulation, le cathéter peut s’arracher. […] C’est un petit miracle que sur les 37 patients évasanés, il n’y ait pas eu de casse », poursuit Renaud Blondé, qui demande toujours l’accord des familles avant de donner le go pour un déplacement de 8 heures porte à porte.
Il faut dire que les critères d’éligibilités pour un départ sont des plus stricts. Ce sont des patients dits lourds, c’est-à-dire intubés-ventilés et sédatés, qui ont une stabilité respiratoire depuis au moins 24 heures et qui n’ont pas été mis sur le ventre au cours des 12 dernières heures. Autre précaution : le taux d’oxygène ne doit pas être supérieur à 60%. « Il peut se passer beaucoup de choses durant le trajet. Il faut anticiper une dégradation, c’est la raison pour laquelle nous avons changé une dizaine de fois les profils retenus. » En parallèle, des discussions sont toujours en cours pour tenter d’installer une troisième civière dans l’appareil. Tandis que des évacuations avec un Boeing 777 vers la métropole sont dans les petits papiers. Seul problème, un transfert sanitaire d’une telle distance « ne s’est jamais fait en moyen aéroporté ».
Une quatrième unité de réanimation
Toutes les options sont envisagées, car le temps presse ! Selon Renaud Blondé, de nombreux malades actuellement en médecine auraient déjà dû intégrer son service. « Nous les prenons malheureusement au dernier moment, mais nous allons contrôler leur état deux fois par jour pour voir s’il y a une aggravation… » D’autant plus que les conditions d’accès en réanimation ont été revues à la hausse : « Nous sommes passés d’un besoin de 6 litres d’oxygène par minute à 10-12 litres. » L’idée d’ouvrir une quatrième unité, située trois étages plus bas, est également sur la table. Mais cette éventualité serait à la fois « très dangereuse pour les patients et les infirmières ». « Nous n’aimerions pas arriver à cette extrémité mais nous nous y préparons. Ce serait vraiment du dégradé de chez dégradé… »
C’est la raison pour laquelle tout le personnel soignant attend impatiemment le pic épidémique, prévu pour le début du mois de mars. Dans le cas contraire, il faudrait « mettre des gens intubés ventilés aux urgences », prévient Alain, médecin chef du service de santé des armées. « Nous flirtons avec la rupture. » Si Renaud Blondé entrevoit un semblant de stabilisation, il reste très prudent sur la lecture des chiffres. « Heureusement qu’il y a les militaires, la réserve sanitaire et la solidarité avec La Réunion, sinon cela ferait déjà un mois qu’il y aurait des dizaines de morts », résume-t-il, pour faire comprendre de la gravité de la situation. « Sans les evasan, nous sommes saturés en 24 heures ! » Ne reste plus qu’à prier que la propagation du virus sur l’île Bourbon ne soit pas aussi brutale qu’à Mayotte…
Une semaine après l’opération de destruction de 120 cases en tôle lancée lundi par la préfecture, une trentaine de familles se retrouvaient sans abri. D’après elles, leurs maisons ne figuraient pas dans les plans délimités par l’arrêté. Explications.
À Mohogoni, quartier de Dzoumogné, les coups de marteau résonnent le long de la rivière. Derrière les murs d’enceinte érigés à la va-vite, une vingtaine d’hommes s’affairent ce dimanche autour des bouts de bois et des morceaux de tôle, pour tenter de remettre un toit au-dessus de leur tête. “Vendredi encore, certains dormaient autour d’un feu, sous la pluie”, témoigne un habitant du village. Cela fait bientôt une semaine que les camions de la Colas envoyés par la préfecture sont venus raser la parcelle et ses quelque 120 cases, sur la base d’un arrêté loi Élan pris le 6 janvier. Une opération dans les clous, donc, et annoncée de longue date, avec enquêtes sociales et propositions d’hébergement, comme le prévoit la loi. Problème : cette fois-ci, les tractopelles auraient râtissé un peu large… C’est du moins ce qu’affirment une trentaine de familles, photos et vidéos à l’appui.
Au milieu des débris et des chantiers, une seule maison, en dur celle-là, tient encore debout. “S’ils ne l’ont pas rasée, c’est parce que nous nous sommes mis en travers du bulldozer”, lâche avec amertume la mère de ce foyer, qui y a tout de même perdu quelques plumes. La maison de ses voisins, elle, n’a pas survécu. “Dedans, il y avait une pièce dans laquelle mes parents rangeaient des affaires, des marmites, des assiettes…”, témoigne Soumette, son fils de 21 ans. Et le compteur électrique a été arraché, montre-t-il d’un coup de menton. Son père, qui assure être le propriétaire du terrain, a bien l’intention de porter plainte.
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L’ASE et l’Acfav prévenues ce week-end
Comme Soumette et les siens, ils sont au moins 33 foyers à assurer n’avoir fait l’objet d’aucune enquête sociale ou proposition d’hébergement en amont de l’opération. La raison est simple : leurs habitations n’étaient en réalité pas prévues dans le plan délimité par l’agence régionale de santé et annexé à l’arrêté de la préfecture. Parmi ces familles, des femmes enceintes ou des mères avec enfants. L’une d’entre elles, parent de deux jumelles prématurées dont l’une tout juste sortie de couveuse jeudi, a finalement obtenu en urgence un hébergement, sous l’impulsion de l’aide sociale à l’enfance et de l’Acfav, dépêchées sur les lieux ce dimanche.
“J’ai appris hier [samedi] que d’autres destructions avaient eu lieu en plus de l’opération de la préfecture, et que les familles n’avaient donc pas été prévenues, et n’étaient pas préparées”, retrace Abdou-Lihariti Antoissi, le directeur de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) qui a immédiatement prévenu l’Acfav pour trouver des hébergements. Ce dimanche, il a recensé une cinquantaine d’enfants à reloger dans des familles d’accueil. De son côté, l’Acfav a listé, en plus de la mère des jumelles, une mère d’un enfant en bas âge et trois femmes enceintes à reloger dans des hébergements d’urgence (dès qu’une place se libère). Soit 21 jours dans un premier temps, puis six mois maximum en hébergement de stabilisation après évaluation sociale, si les personnes sont en situation régulière et correspondent aux critères de ressources.
L’État “pas responsable”
Mais comment diable a-t-on pu en arriver à un tel imbroglio ? D’après la préfecture, si l’opération s’est bien étalée sur deux jours et demi (jusqu’à mercredi, donc), toutes les cases détruites figuraient dans les plans. D’ailleurs, difficile de se tromper. “Nous marquons à la bombe celles qui doivent faire l’objet des destructions et nous faisons une reconnaissance du site avec l’entreprise missionnée”, décrit le sous-préfet, Jérôme Millet, présent sur les lieux les trois jours. Impossible, donc, que les engins, de la Colas en l’occurrence, aient pu détruire au-delà du périmètre. “S’il y a eu des destructions de cases en dehors, ce n’est pas du tout l’État qui en est responsable”, insiste-t-il.
Des maisons détruites par leurs propriétaires ?
Une version qui colle à peu près avec les témoignages recueillis sur place. D’après les habitants, c’est en réalité l’adjoint au maire en charge de la police municipale, Soudjaye Daoud, qui aurait décidé de raser au-delà de la parcelle initiale… et aurait menacé les plus récalcitrants. Joint par téléphone, le principal intéressé dément toute implication. “Tous les bangas démolis sur l’autre parcelle, cela ne nous concerne en rien, ni la Colas, ni la mairie, ni moi-même”, martèle-t-il.
D’après l’élu, les propriétaires des cases auraient eux-mêmes détruit leur maison pour les reconstruire plus loin, par crainte de voir les machines écraser la tôle. “Ils n’ont pas pris les bons renseignements, et viennent nous accuser ensuite !”, grogne Soudjaye Daoud. Sur le terrain, en tout cas le résultat est le même : rares sont les bangas à tenir encore debout. La différence ? À gauche de la route, les débris s’entassent tel un champ de ruines. Côté forage, et donc dans la zone “légale”, pas un bout de tôle ne dépasse. “C’est le désert, c’est comme s’il n’y avait rien eu”, résume un passant.
Le syndicat Jeunes agriculteurs existe en France depuis plus de 60 ans. Sa mission, à Mayotte comme ailleurs, est de renouveler les générations puisque la population agricole est de plus en plus vieillissante. Mais depuis le début du confinement sur l’île, le syndicat doit pallier aux pertes considérables qu’enregistrent les agriculteurs, en mettant à disposition leurs produits en ligne.
C’est un fait, la profession d’agriculteur n’attire plus. La jeune génération ne rêve plus de cultiver les terres ou d’élever des animaux. À Mayotte, “la moitié de la population agricole encore active aurait dû prendre sa retraite”, indique Guillaume Meric, coordinateur du syndicat Jeunes agriculteurs de Mayotte. Et pourtant, les plus jeunes ne se bousculent pas pour prendre la relève, alors le syndicat se démène pour les attirer.
Sa principale mission ? Faciliter la procédure d’implantation des nouveaux arrivants. “Les installations se font en moyenne autour de 28-30 ans. Nous accompagnons les adhérents dans leurs démarches administratives, notamment pour obtenir toutes les aides financières auxquelles ils ont droit”, explique Soulaimana Moeva, président du syndicat. Un accompagnement nécessaire puisque la procédure est souvent complexe et les principaux concernés ne savent pas toujours vers qui se tourner.
Malgré ce coup de pouce, les installations officielles ne sont pas nombreuses dans le 101ème département. Une situation qui s’explique par le manque de considération de la profession. “Ici, tout le monde a un champs et chacun devient agriculteur le week-end, donc le métier n’est pas assez pris au sérieux. Mais nous poussons les plus jeunes à se professionnaliser dans ce domaine”, souligne Guillaume Meric. Cela se concrétise par de la sensibilisation dans les établissements scolaires et par des journées portes ouvertes au sein des exploitations pour découvrir le métier. Dans le futur, le syndicat souhaite développer l’agrotourisme, qui peut être un atout majeur pour les professionnels.
De la vente en ligne au plus près des agriculteurs
Depuis le début de ce deuxième confinement à Mayotte, le syndicat s’est vu attribuer un nouvel objectif : aider les producteurs à écouler leurs marchandises qui ne trouvent plus preneur. “Nous avons mis en place les ventes en ligne. Nous mettons à disposition les produits disponibles chez les agriculteurs sur notre page Facebook et les clients peuvent passer leurs commandes. Nous constituons des paniers et chacun va retirer le sien au point de retrait à Cavani”, détaille Soulaimana Moeva, président des Jeunes agriculteurs de Mayotte. Le système semble porter ses fruits puisque les commandent se multiplient.
Le syndicat veut pérenniser ce dispositif en créant un site web où l’on pourra contacter directement les professionnels. Un dispositif qui permet également de lutter contre l’économie informelle. “Quand les marchés sont fermés, les gens ont encore plus tendance à aller vers les marchés informels. Nous voulons fidéliser les clients pour lutter contre cela. Ils connaîtront ainsi l’origine des produits et sauront ce qu’ils mangent”, selon Soulaimana Moeva.
Sur le long terme, le syndicat aimerait inciter les exploitants à recevoir les consommateurs dans leurs champs pour que ces derniers puissent cueillir et choisir eux-mêmes leurs produits. Mais le chemin sera long puisque les terrains sont difficile d’accès, particulièrement en saison de pluie où les routes sont sinueuses. Même si les exploitations manquent d’infrastructures, le syndicat ne perd pas espoir. La vente en ligne est une grande innovation pour la profession à Mayotte, alors tout le reste est également possible.
90% des victimes d’agression sexuelle prises en charge par les urgences du CHM sont féminines. Alors, différents chantiers ont été déployés pour mener des actions de prévention et de sensibilisation contre les violences faites aux femmes auprès d’un public toujours plus large. Entre tabou, méconnaissance du phénomène, et libération de la parole, Taslima Soulaimana, directrice régionale aux droits des femmes, fait le point. Et un pari sur l’avenir.
Mayotte Hebdo : Que savons-nous des violences sexuelles et de l’ampleur du phénomène à Mayotte ?
Taslima Soulaimana : Nous n’avons pas encore de données chiffrées globales et officielles sur les violences faites aux femmes à Mayotte. Pour y remédier et améliorer la connaissance du phénomène, je travaille en partenariat avec l’Observatoire régionale de santé de l’océan Indien (ORS OI) pour établir un tableau de bord sur les violences à partir des données recueillies auprès des différents partenaires tels que la police, la gendarmerie, les associations, les établissements de santé. L’objectif étant de déterminer des indicateurs communs, puisqu’aujourd’hui chaque partenaire tient des statistiques selon une méthodologie ou un outil qui leur sont propres, ce qui empêche de dégager une véritable vue d’ensemble à l’échelle de l’île. La détermination de ce tableau de bord par l’ORS permettra ainsi de rassembler toutes les données sous forme d’indicateurs qui pourront être actualisés tous les ans. Le projet final serait de mettre en place un observatoire des violences faites aux femmes, ce qui impliquera un recensement de toutes les formes de violences, y compris les violences sexuelles.
MH : Comment conduire une politique publique de lutte contre les violences sexuelles si l’on ne parvient pas à mesurer l’ampleur des agressions à l’échelle de l’île ?
T. S. : Effectivement, le fait de ne pas encore disposer de ces données globales invisibilise le phénomène des violences, ce qui n’est pas satisfaisant. Cependant, nous allons commencer cette année à communiquer sur les chiffres qui existent, comme ceux de la gendarmerie ou de l’ACFAV (Association pour la condition féminine et l’aide aux victimes), même si nous n’avons pas encore d’indicateurs définitifs. À noter, recueillir des données implique également, pour l’ORS, d’accompagner les structures (associations, collectivités, institutions, etc.) dans cette démarche en harmonisant les approches, pour une meilleure exploitation des données recueillies.
En attendant, nous continuons la sensibilisation en élargissant les champs d’actions. Jusqu’à maintenant, nous parlions de violences faites aux femmes de façon générale, or il est important d’adapter les approches selon le public cible. En effet, les violences sexistes ou sexuelles peuvent prendre différentes formes selon qu’elles ont lieu en famille, au travail ou dans une pratique sportive.
Pour répondre à cet enjeu, je travaille en partenariat avec l’Association profession sport et loisirs (APSL), depuis l’année dernière, sur un projet de lutte contre les violences faites aux femmes dans le milieu sportif. Ce projet a pour objectif de former et de sensibiliser les professionnels du sport sur les violences ainsi que les sportifs, à travers des formations à destination des coachs et dirigeants sportifs dans les différentes ligues ou des interventions dans des séquences sportives. Le Comité régional olympique et sportif (CROS) est ainsi mobilisé pour mener à bien le projet.
Pour le milieu professionnel, nous avons financé un projet de sensibilisation sur les violences sexistes et sexuelles au travail à l’ACFAV. Cette dernière a produit des brochures à destination des professionnels et entreprises, prêtes à être diffusées au plus grand nombre. Des ateliers sont également prévus en 2021 pour faire des animations autour de ces brochures.
Toujours dans cette optique d’élargir le champ, j’ai entamé une démarche de sensibilisation pour les personnes handicapées, souvent oubliées dans les campagnes. À ce titre, j’ai pris contact avec l’ADSM (Association pour les déficients sensoriels de Mayotte) l’année dernière pour une action de sensibilisation pour leur public et les parents, avec le concours de la Brigade de prévention de la délinquance juvénile (BPDJ) de la gendarmerie. L’intervention de cette dernière sera retranscrite en langage des signes par les interfaces de communication de l’association. Malheureusement, le projet n’a pas encore pu voir le jour en raison du contexte particulier de la crise sanitaire.
Pour le reste, nous continuons avec les différents partenaires, notamment le Conseil départemental de l’accès aux droits (CDAD), les actions de formation auprès des professionnels, de plus en plus nombreux à se mobiliser sur les questions des violences faites aux femmes. Il est donc important d’accompagner au mieux les professionnels qui sont en contact avec les victimes. Je pense en particulier aux sages-femmes et aux infirmiers, avec qui il est question d’insister sur l’importance de produire des attestations lorsqu’ils reçoivent des victimes. En effet, ces attestations sont des éléments de preuve essentiels dans le cadre d’une procédure judiciaire.
MH : La réponse peut aussi faire défaut du côté de l’entourage de la victime : à Mayotte particulièrement, une agression sexuelle peut être vue comme un déshonneur pour la famille de celui ou celle qui en a été la cible. Ces opérations de sensibilisation suffiront-elles à faire évoluer les mentalités ?
T. S. : Nous vivons dans une société très communautaire, où l’individualité n’a pas sa place. De ce fait, dénoncer son agresseur est difficile par peur du regard des autres. Cela peut aller très loin, au point qu’un homme qui commet des violences est parfois traité comme une victime, et la femme comme étant celle qui souhaite porter gratuitement préjudice à l’auteur. Autre paradoxe, le contexte d’insularité a pour conséquence que tout ce qui arrive est souvent su et connu par tout le monde, très rapidement. C’est le phénomène contraire qui se produit lorsqu’il est question de violences, considérant que c’est du domaine privé et que nous préférons garder les faits secrets. Or, tout acte, y compris de nature sexuelle, commis sans consentement est une violence, peu importe le lien entre les deux personnes, et doit être dénoncé.
Il est aujourd’hui encore difficile de changer les mentalités, mais nous continuons à y travailler avec les partenaires. Cela est d’autant plus important lorsqu’il s’agit de faits de violences commis sur des enfants. L’un des enjeux est donc de sensibiliser les parents pour mieux protéger leurs enfants, particulièrement en cas d’inceste. Sur ce sujet, un groupe de travail composé de plusieurs partenaires mène actuellement des réflexions. En attendant, les actions de sensibilisation continuent dans les établissements scolaires (collèges), avec l’ACFAV ou la BPDJ, pour faire comprendre aux enfants comment agir et se protéger en cas de violences.
MH : Il est aussi courant d’entendre, qu’en cas de viol, un mariage est parfois arrangé entre l’agresseur et la victime pour cacher la poussière sous le tapis et étouffer l’affaire…
T. S. : Tout à fait, c’est malheureusement une réalité encore aujourd’hui. Sur cette question, je me suis rapprochée du Grand cadi l’année dernière puisqu’il s’agit de mariages religieux contractés souvent devant les cadis. Ainsi, je lui ai demandé de travailler ensemble sur le sujet des violences faites aux femmes, mais aussi de ces mariages arrangés. En réponse, il a désigné le cadi d’Acoua, Mr Lihadji Yahaya, comme référent, pour travailler en partenariat. En faisant appel à cette autorité religieuse locale, j’espère pouvoir faire évoluer les choses, et surtout en veillant à ce que nos discours ne s’opposent pas. Reste maintenant à sensibiliser les 16 cadis de Mayotte restants sur ces questions avec l’aide du cadi référent, pour qu’ils refusent de sceller ces mariages et signalent les faits au Procureur.
MH : L’inceste est également une réalité à Mayotte, comme l’a rappelé, début février, le viol commis sur un nourrisson de onze mois à Kahani et dont l’agresseur serait son frère…
T. S. : L’inceste est effectivement un phénomène très présent à Mayotte, mais encore trop tabou. Là encore, nous n’avons pas encore de chiffres officiels. L’année dernière, une jeune Mahoraise victime d’inceste a ouvert une page Facebook, « Osons libérer la parole » pour témoigner sur le phénomène. Suite à cela et afin de capitaliser sur tous les témoignages reçus sur sa page, nous avons convenu qu’elle les recense. En un mois et demi, elle a reçu environ 70 témoignages de femmes, mais aussi de quelques hommes. C’est énorme ! Ce sont des victimes qui sont adultes aujourd’hui et évoquent des faits qui remontent à leur enfance. De ce fait, il y a un véritable travail à mener avec ces jeunes adultes, notamment de reconstruction. Mais nous devons aussi continuer de protéger les mineurs en sensibilisant leurs entourages familiales, scolaires…
MH : Avez-vous réellement le sentiment que la parole est en train de se libérer à Mayotte, que la honte change de camp ?
T. S. : Oui, j’ai le sentiment que les choses évoluent. De plus en plus de femmes dénoncent leur agresseur et entament des démarches. D’ailleurs, parfois elles m’interpellent pour me dire qu’elles ont osé dénoncer les violences subies et porter plainte, preuve que le message est en train de passer. Il n’empêche que le processus peut parfois être long, entre le moment où elle décide d’en parler et celui de déposer plainte, mais il est important de respecter leur temporalité. Et en tant qu’acteur dans ce combat, nous devons les accompagner selon leurs besoins, en les orientant vers les professionnels adaptés, comme les psychologues. Aujourd’hui, nous avons à Mayotte trois psychologues mahorais qui parlent notre langue et qui peuvent écouter les victimes qui ne savent pas parler français. J’espère que ce nombre évoluera parce que le recueil de la parole des victimes, dans leur reconstruction, nécessite une écoute par un professionnel.
Le chantier reste encore important pour que la parole se libère, particulièrement sur les violences sexuelles. Les actions de sensibilisation doivent continuer pour que la société prenne conscience que tout acte sexuelle commis sans consentement, peu importe la relation entre les personnes, est une violence. Ces violences peuvent toucher toutes les femmes, peu importe leurs origines sociales, riche ou pauvre.
Retrouvez l’intégralité de notre nouveau dossier consacré aux violences sexuelles sur notre site, www.mayottehebdo.com, ou en cliquant ici.
La communauté mahoraise est très présente sur l’île de La Réunion et son quotidien n’est pas tout rose. Les conflits entre Réunionnais et Mahorais sont bien réels, et les relations entre les deux communautés sont électriques. Bon nombre de Mahorais qui ont habité sur l’île ou qui y sont encore tiennent le même discours : ils ne sont pas les bienvenus chez nos voisins.
Amina Lihadji Djoumoi a quitté Mayotte, son île natale, alors qu’elle n’avait que 15 ans. Comme beaucoup de personnes de sa génération, ses parents l’ont envoyée à La Réunion afin qu’elle ait une meilleure scolarité. Presque 30 ans plus tard, Amina, n’est jamais rentrée définitivement chez elle. Elle passera toute sa vie d’adulte sur cette île qu’elle considère également comme chez elle. Elle y a eu ses enfants, y travaille et a tout fait pour s’intégrer… Mais la mère de famille est consciente que cela ne suffit pas. “On dit souvent que les Mahorais ne sont pas intégrés, alors que la plupart des gens de ma génération le sont parfaitement. Et malgré, cela il y a encore beaucoup de racisme contre nous. Tous les jours, quand je passe devant un bar, je me fais insulter”, dénonce-t-elle. Dans sa famille, Amina n’est pas la seule à subir de telles agressions. Sa fille a dû démissionner de son travail à La Poste car elle ne supportait plus la pression quotidienne. “C’est une jeune femme moderne, elle ne porte même pas le foulard et pourtant, elle se faisait insulter tous les jours parce qu’elle est Mahoraise. Elle me disait qu’il y avait trop de racistes”, affirme la mère.
La vidéo de la collégienne qui se fait agresser par un groupe de jeunes filles identifiées comme des Mahoraises n’a fait qu’empirer les choses. Conséquence : toute la communauté a été pointée du doigt. “Cet événement a été une occasion pour les Réunionnais de pouvoir exprimer toute la haine qu’ils ont envers les Mahorais”, selon Annabelle, une Mahoraise qui a vécu quelques années sur l’île où elle dit ne plus vouloir y retourner. Elle y a passé deux ans, lors de ses études supérieures, et en garde de terribles souvenirs… “C’était une mauvaise expérience pour moi. On ne m’a jamais agressée personnellement parce que physiquement je ressemble à une Réunionnaise, mais je ne peux pas supporter leur mentalité”, fait-elle savoir. Annabelle aurait assisté à des scènes qui l’ont choquée et qu’elle n’arrive toujours pas à comprendre. “À plusieurs reprises, des Réunionnais insultaient des Mahorais devant moi. Ça a été le cas par exemple avec la mère de mon ancien compagnon, ou même dans la rue.” La jeune femme a particulièrement mal vécu ses années à La Réunion car elle était également rejetée par les Mahorais qui la croyaient Réunionnaise. “C’était la double peine pour moi, et j’étais seule. Les étudiants mahorais ne voulaient pas me parler. J’ai dû montrer ma pièce d’identité pour qu’ils me fassent un peu plus confiance”, raconte-t-elle.
Les origines du malaise
Ce conflit entre Mahorais et Réunionnais n’est pas récent, et Amina Lihadji Djoumoi qui est également porte-parole du collectif Ré-MaA (Résistance Réunion/Mayotte en Action) explique cela par l’afflux de Mahorais qui se rendent chez nos voisins pour bénéficier des minima sociaux. “Ils disent que nous venons pour la CAF et autres avantages sociaux. Oui c’est vrai, parce qu’on n’a pas droit à tout cela chez nous. Mais ce n’est pas une raison pour nous traiter comme ils le font. On n’est pas des immigrés, on est aussi Français”, clame-t-elle. Le comportement des Mahorais serait également source de conflit. Ces derniers commettraient des délits, et ne respecteraient pas l’île dans laquelle ils sont accueillis. Baliverne, assure la porte-parole du collectif. “Tout ça, ce sont des faux débats parce que dans toutes les communautés, il y a des brebis galeuses et des gens bien élevés, y compris chez les Créoles.”
Selon Annabelle, le fait que les Mahorais ne s’adaptent pas à la culture réunionnaise joue également en leur défaveur. “Je voyais dans le bus, dans les rues, des femmes habillées avec un salouva et leur msindzano. Elles étaient les seules à être habillées de la sorte, donc forcément, tout le monde les regardaient mal. On a beau dire que c’est la France, mais on n’est pas chez nous là-bas.” Les conditions dans lesquelles vivent les Mahorais à La Réunion font étrangement penser à ce qu’il se passe à Mayotte. “Là-bas, les Mahorais se comportent comme les Comoriens d’ici”, constate Annabelle. Un point de vue partagé par Amina Lihadji Djoumoi. “Il est vrai qu’il y a des familles mahoraises qui laissent leurs enfants traîner dans les rues comme les Comoriens à Mayotte. Tout cela parce qu’elles vivent dans des situations précaires, dans des petits appartements qui ne sont pas adaptés à leurs familles nombreuses.” Malgré tout, Amina n’a pas l’intention de rentrer à Mayotte. “J’y retournerai si j’en ai réellement envie, pas parce que certains racistes me poussent à le faire !”, soutient-elle.
Une table ronde a réuni ce jeudi plusieurs acteurs clés du logement dans le 101ème département, confronté à de lourds défis en la matière. Alors que les besoins se chiffrent à plus de 80.000 habitats supplémentaires à l’horizon 2050, un deuxième bailleur pourrait apporter sa pierre. Une solution qui ne doit pas cacher les autres problèmes de la filière, juge la Société immobilière de Mayotte.
Une nouvelle tête à côté de la Société Immobilière de Mayotte ? La question n’est pas nouvelle, certes. Mais elle a à nouveau animé le débat lors d’une table ronde du Sénat ce jeudi. Dans le cadre de l’étude sur le logement dans les Outre-mer, les rapporteurs Guillaume Gontard (sénateur d’Isère), Micheline Jacques (Saint-Barthélémy) et Victorin Lurel (Guadeloupe) étaient amenés à poser leurs questions à plusieurs acteurs du logement et représentants politiques de Mayotte.
Parmi les VIP du jour, pour parler du cas du 101ème département, les sénateurs, Thani Mohamed Soilihi et Abdallah Hassani, la vice-présidente du conseil départemental en charge de l’aménagement et du développement durable, Raissa Andhum, le directeur général de la SIM, Ali Mondroha, ou encore des représentants de la Cadema, de l’Epfam, de la DEAL ou d’Action logement.
“Il ne faut pas créer une coquille vide”
“Est-ce qu’il nous faut un autre bailleur ? Oui, bien sûr, car nous n’arrivons pas à répondre aux besoins de la population mahoraise”, a tranché la vice-présidente du Département, Raissa Andhum, à cette question presque rhétorique. Déjà, en 2019, le Plan Logement Outre-mer pour la période 2019-2022, préconisait dans ses mesures de “favoriser l’arrivée d’un deuxième opérateur”. Mais là où le PLOM misait sur une “stimulation de la concurrence et une montée en puissance du nombre d’opérations conduites”, les discussions de cette table ronde ont plutôt fait émerger le besoin d’un opérateur complémentaire, pas nécessairement axé sur le logement social.
“Il ne faut pas juste créer une coquille vide, il faut préciser l’objet social de cet opérateur qui pourrait être de favoriser l’accession sociale à la propriété”, a signalé Nizar Assani Hanaffi, président du comité territorial d’Action Logement, en invitant à mieux définir la cible du nouvel entrant. Comme par exemple les jeunes actifs qui souhaitent devenir propriétaires.
Une solution qui ne lève pas tous les freins
“Un deuxième opérateur, certes, mais si nous ne réglons pas les problèmes en amont, cela ne règlera pas le problème”, a rétorqué le directeur général de la SIM, Ahmed Ali Mondroha. À savoir, le frein des ressources humaines d’une part – il ne faudrait pas que le nouvel arrivant sur le marché vienne “débaucher” les profils chassés avec pugnacité par son aîné ; et d’autre part, le manque d’entreprises structurées dans la filière BTP pour mener les plus gros chantiers.
Sans parler des coûts des construction, entre 10 et 20% plus élevés que ceux constatés à La Réunion, voire 30% pour la métropole… La relance de la filière de la brique de terre compressée, BTC, sur laquelle la SIM avait “définitivement levé le pied” depuis 2012 car aucun assureur sur place n’acceptait d’assurer ce produit, pourrait à ce propos apporter une première pierre à l’édifice.
80.000 logements supplémentaires au minimum d’ici 2050
De quoi se passer de la concurrence ? Pas sûr. Car il faut dire que les missions qui incombent à la seule Société immobilière de Mayotte sont de taille : alors que la croissance des bidonvilles ne faiblit pas – les cases en tôle représentent toujours quatre habitats sur dix -, la demande pourrait exploser dans les années à venir. À l’horizon 2050, ces besoins devraient atteindre 80.000 logements supplémentaires “auxquels il faut rajouter la résorption de l’habitat insalubre, 25.000 cases en tôles et 13.000 logements insalubres que nous avons pu recenser grâce à notre questionnaire”, a rappelé le directeur général de l’Epfam, Yves-Michel Daunar.
Et la politique dynamique de destruction de cases en tôle, menée par la préfecture sous l’impulsion volontariste de l’État, ne risque pas de faire baisser la jauge… Une actualité qui a d’ailleurs fait réagir la rapporteure Micheline Jacques. “Les solutions sont-elles satisfaisantes dans le cas des destructions, et au-delà de l’urgence, quelles solutions pérennes peuvent être trouvées ?”, a-t-elle interrogé sans parvenir à obtenir une réponse claire dans les trois heures de temps dédiées à cette réunion. Un constat toutefois : certaines familles pourraient rentrer dans du logement social classique, selon Ali Mondroha. “Mais le gros du contingent, la plupart de ceux qui sortent de ces opérations de décasement, sont soit des clandestins soit ceux qui ont des titres de séjours qui ne permettent pas de rentrer dans les dispositifs qui existent actuellement”, a-t-il admis.
Quoi qu’il en soit, la réponse ne pourra pas venir du seul planning de construction de la SIM, qui a d’ailleurs accusé une baisse dans ses livraisons en 2019. “Comment remédier à cette baisse préoccupante alors que les besoins sont estimés à 1.200 logements sociaux par an ?”, a demandé le co-rapporteur Victorin Lurel. L’objectif du premier bailleur de l’île de livrer 500 logements par an dès l’année prochaine peut être une première réponse… Mais qui reste ténue au vu des projections pour 2050 !
Les conditions de vie des Mahorais chez nos voisins sont connues de tous, et particulièrement de la délégation de Mayotte à La Réunion, un service instauré par le 101ème département à l’île Bourbon pour accompagner les Mahorais dans tous types de démarches. Mohamed Elanrif Bamcolo, le délégué, reconnaît et déplore le conflit entre les Réunionnais et les Mahorais. La situation ne date pas d’aujourd’hui, mais des solutions sont envisageables.
Flash Infos : La délégation de Mayotte à La Réunion accompagne les familles mahoraises dans leurs démarches administratives, mais également dans leur processus d’intégration sociale. De quelles manières vivent les Mahorais qui s’installent à La Réunion ?
Mohamed Elanrif Bamcolo : À La Réunion, 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté et 116.000 personnes son illettrées. Dans ces statistiques, il y a des beaucoup de Mahorais, c’est une réalité, mais également des gens d’autres communautés. Il y a des quartiers prioritaires, les habitants qui y vivent sont dans la précarité, dans des logements insalubres et là encore, nous retrouvons de nombreuses familles mahoraises. À cela s’ajoute la difficulté d’accéder à des équipements publics. Je pense que ce sont des réalités qui se justifient par le taux de chômage important à La réunion.
FI : Quelles solutions leur apportez-vous dans ces conditions ?
M. E. B. : En tant que représentation extérieure du département de La Réunion, nous n’avons pas de solution, nous n’avons pas la main sur ces problèmes-là. Cela étant, nous accompagnons ceux qui viennent chez nous, dans leurs démarches, peu importe leurs origines, qu’ils soient Mahorais ou pas. Nous travaillons de concert avec les associations pour qu’elles puissent s’organiser et mener à bien les missions. Nous sommes également présents pour les jeunes qui sont ici pour étudier.
FI : En parlant de jeunes, beaucoup racontent avoir du mal à trouver des stages. Ils seraient obligés de rentrer à Mayotte ou de faire des stages qui ne correspondent pas à ce qu’ils recherchent. Est-ce vrai ?
M. E. B. : C’est aussi une réalité effectivement ! Beaucoup d’étudiants mahorais ont des difficultés à trouver un stage. Malheureusement, ils ne sont pas les seuls à subir des discriminations. Cela existe aussi quand nous parlons d’accès au logement ou dans le monde du travail par exemple. Même ceux qui viennent se soigner à La Réunion en souffrent aussi. Souvent, ils ne peuvent pas accéder à certains soins parce que nous leur disons que la sécurité sociale de Mayotte paye les médecins par virements et beaucoup refusent cela. Ces malades doivent payer en espèces, autrement ils n’ont pas accès à certains soins du privé. Ce sont des situations réelles… C’est pour cela qu’il faut se battre avec la préfecture de La Réunion pour y remédier.
FI : Les Réunionnais sont souvent accusés d’être racistes envers les Mahorais. Ce débat est-il justifié selon vous ?
M. E. B. : Cette question ne date pas d’aujourd’hui. Les deux communautés ont toujours eu des difficultés relationnelles. Mais les instituions commencent à le réaliser. L’année dernière, le préfet de La Réunion disait “qu’on ne peut plus supporter ce genre de comportement envers nos concitoyens. Il faut que la parole se libère et ne plus avoir peur de porter plainte”. S’il le dit, c’est qu’il est conscient du problème. Maintenant, nous devons nous structurer et les associations doivent mener le même combat, ensemble, pour lutter contre le racisme et la discrimination. Ce n’est que de cette manière que nous avancerons.
FI : Des Mahorais se plaignent-ils auprès de vous des situations de racisme dont ils seraient victimes ?
M. E. B. : Je rencontre tous les jours des gens qui me racontent qu’ils en ont bavé. Et quand je leur dis qu’il faut en parler ailleurs, ils refusent. Mais les effort doivent se faire des deux côtés. Nous, Mahorais, devons aussi prendre conscience de ce que nous faisons. Nous devons gommer un certain nombre d’actes qui portent préjudice à l’ensemble de la communauté mahoraise à La Réunion. Nous ne pouvons pas continuer à perpétuer certains délits, fermer les yeux sur cela et toujours nous mettre en position de victime. Nous devons agir ensemble, notamment avec les enfants. Essayons de les canaliser en les mettant dans les clubs sportifs, les associations, les espaces culturelles, etc. Cette structuration est la clé de tout.
Avec le nouveau confinement, les établissements scolaires ont remis au goût du jour la continuité pédagogique dans des conditions pas forcément évidentes en raison du faible accès pour une majeure partie des jeunes à une connexion Internet. Au collège Ouvoimoja de Passamaïnty, les professeurs principaux appellent une fois par semaine leurs élèves pour garder le contact et prendre de leurs nouvelles avant de les convier pour récupérer leurs livrets de cours. Reportage.
« Jusqu’à 22h, j’étais encore au téléphone pour leur rappeler que la distribution des livrets se déroulait aujourd’hui [ce jeudi]. » Debout derrière la « borne » réservée aux élèves de sixième, Rachida, enseignante de mathématiques au collège Ouvoimoja de Passamaïnty, se remet de sa folle soirée accrochée à son combiné. Pas le temps de s’asseoir une minute qu’un élève se présente face à elle pour récupérer les exercices de la semaine.
À l’entrée de l’établissement scolaire, Linda, conseillère pédagogique d’éducation depuis sept ans à Mayotte, brasse le flux de jeunes qui débarque au compte-gouttes. Armée de son gel hydroalcoolique, elle pulvérise une lichette dans les mains avant d’envoyer les visiteurs du jour en haut des escaliers ou sur les chaises, disposées à plusieurs mètres de distance, le temps d’attendre leur tour.
Les livrets récupérés par 81% des élèves
Confinement oblige, il faut redoubler d’imagination pour assurer la continuité pédagogique. Mais le système mis en place semble réglé comme du papier à musique. « Les référents de chaque matière centralisent les cours, réalisent la mise en page et envoient le tout à l’impression », dévoile Magalie, professeure de français. Un travail abyssal puisque pas moins de 400 livrets sont édités par niveau la veille pour le lendemain. « La semaine dernière, nous avons dû en imprimer de nouveau le matin pour l’après-midi », se remémore Renaud, CPE fraîchement arrivé sur l’île aux parfums.
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Il faut dire que le collège de 1.750 âmes est victime de son succès : lors de la première distribution – le jeudi pour les sixièmes et les cinquièmes, le vendredi pour les quatrièmes et les troisièmes, « 81% des élèves ont récupérés leurs cours », se réjouit Véronique Fabre, la principale par intérim. Un taux élevé qui s’explique entre autres grâce au partenariat noué avec le Douka Bé de Vahibé pour ne pas obliger les collégiens du village à se dandiner jusqu’à Passamaïnty.
Une livraison en présentiel qui se justifie à cause d’un accès à Internet des plus délicats pour une grande majorité d’entre eux. « Nous avons tout de même recensé 8.000 connexions de la part des parents sur la plateforme NEO [un espace numérique de travail spécifique à l’Éducation nationale, ndlr.]. C’est le jour et la nuit par rapport au premier confinement », se satisfait toutefois la responsable de l’établissement scolaire, agréablement surprise par ce bon en avant.
Réactualisation des numéros de téléphone
Cette réussite du papier justement relève tout sauf du hasard. « Nous avons réactualisé, quelques jours avant le début du confinement, la base de données des numéros à joindre », glisse Hélène, enseignante d’EPS. Une stratégie payante ! Grâce à cette anticipation, tous les professeurs principaux sont en capacité d’appeler chacun de leurs protégés pour prendre de leurs nouvelles. « Nous nous assurons de la bonne réception du livret et nous demandons si tout se passe bien à la maison pour faire la passerelle avec les bons alimentaires. » Une initiative citoyenne des enseignants se met d’ailleurs en ordre de marche pour subvenir aux besoins de leurs élèves.
Et c’est aussi l’occasion d’échanger et de donner quelques consignes complémentaires en cas de blocage sur un exercice en particulier. Ou bien encore d’apporter un soutien moral, tant les conditions de vie précaires sont difficiles à supporter pour certains. « Une fille m’a contactée pour me dire que c’était dur de travailler toute seule dans son coin », ajoute Magalie. Qui revendique sa présence pour une seule et bonne raison : « S’ils voient que nous sommes motivés, cela va les rassurer. Nous ne les lâchons pas pour ne pas les retrouver largués. » Dans le but d’éviter de ressasser les mauvais souvenirs de l’an dernier.
Reste à déterminer le devenir de ces fameux livrets… En effet, il n’existe aucun moyen de contrôle puisque les corrections sont données la semaine suivante dans le nouveau feuillet. « S’ils prennent la peine de se déplacer, c’est qu’ils ont envie », soumet innocemment Rachida. Quoi qu’il en soit, cette nouvelle distribution est un franc succès, qui ne demande qu’à se réitérer. « Au revoir, à jeudi prochain », sourit Linda, au moment de laisser s’évaporer dans la nature un groupe de jeunes filles.
Après son faux départ le 11 février dernier, le FCM est sur la bonne voie pour rejoindre la métropole et disputer son 32ème de finale contre Romorantin…
Il devrait bien y avoir un représentant ultramarin aux 32ème de finale de la coupe de France. Ce mercredi, la Fédération française de football a décalé la rencontre Romorantin-M’tsapéré de quatre jours et l’ARS Mayotte a communiqué un nouveau plan de vol au club mahorais. Toutes les démarches sont entreprises pour permettre aux Diables rouges de poursuivre la compétition.
Ça sent bon pour le Football Club M’tsapéré ! Ce vendredi, la délégation de Mayotte pour la coupe de France, composée des joueurs, du staff du club et des officiels de la Ligue mahoraise de football, effectueront le dernier test RT-PCR avant leur nouveau déplacement en métropole prévu dimanche soir. Les deux tests effectués depuis leur retour anticipé à Mayotte la semaine dernière se sont avérés favorables à l’organisation d’un voyage. Le maintien de celui-ci repose désormais sur les tests de ce jour, dont les résultats seront attendus dans la journée de dimanche. Car le FCM est, nécessairement, toujours soumis au protocole sanitaire en vigueur et aux obligations liées au voyage.
…Mais le club devra faire sans son buteur providentiel, le Sportif de l’année 2019 Mouhtar Madi Ali alias Johnny (photo), absent du groupe m’tsapérois pour raisons extra-sportives.
Hormis ce fait, tout a été mis en œuvre autour du vainqueur de la coupe régionale de France pour qu’il puisse disputer son 32ème de finale de coupe de France face au Sologne Olympique Romorantin. Le 12 février dernier, le retour des Diables Rouges sur leur île après une escale à La Réunion avait fait couler beaucoup d’encre et provoqué l’indignation jusque dans les médias sportifs nationaux. Ni le club, ni la LMF, ni la Fédération française de football ne voulaient rester sur ce fiasco. Des efforts ont été consentis de part et d’autre. Ainsi, le FCM a donné pour consigne à ses joueurs de respecter strictement le confinement ou les gestes barrière en allant travailler, pour ne pas se retrouver avec de nouvelles contaminations au sein du groupe et risquer de compromettre le déplacement. De son côté, la FFF à travers sa Direction des compétitions nationales a décidé de décaler la rencontre de quelques jours.
« Prendre le FCM avec le plus grand sérieux »
Le 32ème de finale de coupe de France Romorantin-M’tsapéré n’est donc plus programmé ce dimanche 21 février, mais le jeudi 25 février à 14h heure métropolitaine (16h heure mahoraise), au stade Jules Ladoumègue de Romorantin, à huis clos. Ce jeudi dans le média régional Nouvelle République, l’entraîneur du SOR, Yann Lachuer, a fait part de sa satisfaction à ce que le match puisse être décalé et puisse se dérouler. « Ce n’est pas plus mal de disposer de quelques jours de récupération supplémentaires. Sur le plan éthique, c’est bien de disputer cette rencontre et puis cela va nous permettre de rester dans le rythme, car j’ai de bonnes raisons de croire que le championnat va reprendre début mars« , a indiqué le coach du club de National 2, avant d’évoquer son futur adversaire mahorais.
« Pas une équipe ne parvient en 32ème de finale par hasard. Si M’tsapéré est arrivé à ce stade, c’est mérité. Et puis, on va rencontrer des garçons qui vont jouer le match de leur vie. J’ai vu leurs précédentes rencontres en vidéo, c’est une équipe qui met beaucoup d’engagement et qui s’appuie sur plusieurs éléments très rapides. Autant dire qu’il faut prendre cet adversaire avec le plus grand sérieux. » Si les résultats des tests RT-PCR sont une nouvelle fois propices, les Diables Rouges arriveraient lundi à Paris où ils logeraient à Clairefontaine, basé à un peu plus de deux heures de Romorantin. Leur retour est programmé au 26 février, au lendemain de leur 32ème de finale… à moins que les M’tsapérois se qualifient pour les 16ème de finale.
Pour l’exploit à Romorantin, ce sera sans Johnny…
« En cas de qualification, la délégation de Mayotte ne prendra pas le vol retour du 26 février 2021. Une organisation sera faite par la Direction des compétitions nationales de la Fédération française de football, pour permettre de jouer les 16ème de finale avant de rentrer à Mayotte« , a fait savoir le directeur de la LMF, Aurélien Timba Elombo, aux dirigeants du FCM. Les 16ème de finale de la coupe de France sont prévus le week-end du 6 et 7 mars 2021. Le tirage au sort de ce tour se tiendra ce dimanche à 21h, heure mahoraise, sur Eurosport. Le FCM connaîtra ainsi son potentiel futur adversaire quatre jours avant sa rencontre contre le SOR. Les 16ème de finale réunissant les clubs amateurs et professionnels, au tirage au sort ce dimanche soir, les M’tsapérois ou les Romorantinais pourraient se retrouver face à un Paris-Saint-Germain, un Olympique Lyonnais ou un Olympique de Marseille : trois clubs historiques du football français à la renommée mondiale, encore en lice en coupe de France…
Le déplacement de M’tsapéré en métropole est encore incertain, bien qu’il soit sur la bonne voie. Une chose est sûre : si dimanche, tous les feux sont verts pour le champion de Mayotte 2019 et qu’il peut embarquer pour Paris, il devra composer sans son capitaine emblématique, Mouhtar Madi Ali, alias Johnny. Buteur décisif lors des tours de coupe régionale de France à Mayotte, notamment en demi-finale et en finale, décisif au 8ème tour de la coupe de France à La Réunion, le buteur providentiel du FCM ne figure pas sur la liste d’Abidi Massoundi et Chaquir Ibrahim. Et la raison de l’absence de Johnny n’est pas liée à la crise sanitaire… En effet, à ce jour, l’attaquant m’tsapérois, qui n’a porté qu’un seul maillot dans sa carrière, ne s’est pas engagé pour la saison 2021, ni en faveur de son club de cœur, ni en faveur d’un autre club. À deux jours du départ, il faudrait un miracle pour que l’homme clé de la qualification m’tsapéroise pour les 32ème de finale intègre le groupe. D’autant plus qu’il ne figure pas sur la liste des joueurs inscrits pour le dernier test RT-PCR ce vendredi. Il n’en demeure pas moins que le FCM dispose d’un groupe suffisamment solide et talentueux pour aller chercher un double exploit, le 25 février à Romorantin puis début mars en cas de qualification pour les 16ème de finale.
Quelques semaines après les violents affrontements qui ont provoqué la mort de trois personnes en Petite-Terre, le sénateur Thani Mohamed Soilihi lance une piqûre de rappel au gouvernement. Et demande plus de policiers mahorais pour apporter une solution pérenne aux problèmes de délinquance.
Dans un courrier adressé au ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, le sénateur Thani Mohamed Soilihi réitère sa demande pour permettre aux agents mahorais qui le souhaitent d’être mutés plus tôt que prévu pour revenir sur leur terre natale. Problème : aujourd’hui, la clause statutaire qui exige leur affectation pendant huit ou cinq ans dans une même région bloque leur éventuel retour. Chiffres à l’appui, le parlementaire rappelle la sous-représentation des effectifs originaires de l’île au sein de la police nationale : s’ils sont 46% dans la compagnie d’intervention, cette part tombe à 28% pour la brigade anti-criminalité, et 20% dans les rangs de la police aux frontières… Autoriser les policiers mahorais qui le souhaitent à rentrer permettrait non seulement d’augmenter les effectifs mais aussi d’apporter une solution plus pérenne “aux difficultés spécifiques du 101ème département, liées à une faible maîtrise de la langue française par ses habitants, à la culture et à l’environnement”, écrit Thani Mohamed Soilihi dans sa lettre. Entretien.
Flash Infos : Pouvez-vous expliquer les raisons qui vous poussent aujourd’hui à adresser ce courrier aux ministres des Outre-mer et de l’Intérieur ?
Thani Mohamed Soilihi : Cette demande ne date pas d’aujourd’hui ! Je la formule à tous les ministres de l’Intérieur depuis le précédent quinquennat. Je rencontre régulièrement les syndicats de la police que ce soit à Mayotte ou en métropole, et aussi les associations comme 101GPX, qui me font connaître leurs demandes et revendications par rapport à ce qui se passe dans le 101ème département. Cette association regroupe justement des policiers sous contrat en métropole, qui sont dans l’obligation de rester huit ans à leur poste avant de pouvoir obtenir une mutation. Or, beaucoup éprouvent le besoin de rentrer plus tôt. Je les soutiens souvent individuellement dans leurs démarches, mais force est de constater que cela fonctionne très peu… Tous s’en étonnent, étant donné les besoins à Mayotte, ils me disent : “Nous sommes des locaux, nous connaissons le terrain et nous pourrions aider !” Vu la situation d’insécurité actuelle, j’en ai donc profité, après avoir fait le tour des syndicats, pour envoyer ce courrier à Sébastien Lecornu avec en copie le ministre de l’Intérieur.
FI : Pourquoi cette demande n’aboutit pas selon vous ?
T. M. S. : Ce que le gouvernement oppose souvent, c’est la non-discrimination. À savoir que ces policiers ont signé des contrats et se sont engagés pour un temps déterminé ; déroger à la règle pour eux reviendrait à créer une situation de discrimination vis-à-vis des autres territoires. C’est un argument que j’entends ! Mais un syndicat me précisait justement que chez d’autres compatriotes ultramarins, le nombre de policiers locaux était plus important que chez nous, et le nombre de femmes aussi. Il ne s’agit donc aucunement d’un traitement de faveur ! Je ne veux aucunement que l’on viole la loi, et c’est pour cette raison que j’invoque l’article 25 du décret n°95-654 du 9 mai 1995. Ce texte permet le déplacement ou le changement d’emploi d’un fonctionnaire actif des services de la police nationale lorsque l’intérêt du service l’exige. Cela se pratique déjà en métropole pour répondre à des situations exceptionnelles. Et à Mayotte, la nécessité du service et la situation exceptionnelle sont bel et bien là…
Même si j’ai déjà essuyé trois refus, de Gérard Collomb, de Christophe Castaner, maintenant de Gérald Darmanin, je n’arrêterai donc pas d’insister sur ce sujet. D’autant que cela ne semble pas impossible ! C’est même une solution peu coûteuse si vous voulez mon avis, quand on voit la crise sécuritaire doublée à la crise sanitaire que nous traversons en ce moment. Ces gens tués en Petite-Terre, ce ne sont pas les premiers, ces caillassages de bus qui continuent… je n’accepterai pas de baisser les bras !
FI : À chaque nouvel épisode de violences, comme d’ailleurs celui de Petite-Terre que vous mentionnez dans votre courrier, le gouvernement communique sur l’envoi de renforts. Mais les sceptiques n’hésitent pas à pointer du doigt le fait que ces “renforts” sont en réalité des roulements habituels des effectifs. Est-ce selon vous l’une des raisons pour lesquelles l’insécurité ne semble pas diminuer à Mayotte ? Et si l’article 25 permet de répondre à une situation “exceptionnelle”, comme vous le dites, en quoi cette solution peut-elle être plus pérenne ?
T. M. S. : Je n’ai pas les chiffres pour prouver s’il s’agit ou non des roulements d’effectifs, mais je rejoins cette critique dans la mesure où l’on parle là de gendarmes mobiles. Ils portent bien leur nom ! Dès qu’ils ont le dos tourné, si je puis dire, les gamins peuvent recommencer à causer des problèmes… La solution que je propose est plus pérenne puisqu’un policier qui bénéficiera de cette mesure ne va pas venir pour repartir le lendemain. Or, le problème de l’insécurité à Mayotte n’est pas ponctuel, il nécessite ces mesures de long terme. Qui plus est, la logique voudrait que les collègues policiers et gendarmes en provenance de l’Hexagone viennent compléter un socle solide. Nous avons des officiers et des agents de police mahorais dont les qualités et les compétences sont reconnues, il faut s’appuyer sur cela. Enfin, permettez-moi de préciser que je ne fais pas que cette demande : je souhaite aussi voir arriver plus de renforts. Et j’ai récemment demandé que Koungou, qui est une commune de 30.000 habitants, puisse avoir son commissariat. Une requête qui n’a rien d’incroyable, puisque toutes les communes de plus de 10.000 habitants peuvent avoir une telle structure. Tout cela pour dire que ce sont des mesures qui peuvent sembler exceptionnelles, alors qu’il s’agit parfois du strict minimum…
La réforme de la justice pénale des mineurs définitivement adoptée au Sénat
Voilà qui devrait bousculer les choses au tribunal de Mamoudzou (comme ailleurs). La réforme de la justice pénale des mineurs, basée sur une ordonnance du gouvernement de septembre 2019, a enfin été adoptée par un vote à main levée au Sénat mardi 16 février. “Ce nouveau code a une importance majeure car il met en place une réforme historique modernisant la justice pénale des mineurs pour répondre aux enjeux de la délinquance dans notre pays, laquelle occupe le devant de l’actualité”, a salué le sénateur Thani Mohamed Soilihi lors de son intervention au Sénat. L’objectif de ce texte, qui a fait l’objet de nombreuses critiques du côté gauche de l’hémicycle et chez les syndicats de magistrats, est d’accélérer les jugements et de réduire le recours à la détention provisoire, qui concerne 80% des mineurs en prison. La procédure se déroulera désormais en deux temps : une première audience devra avoir lieu dans un délai de trois mois maximum à l’issue de l’enquête – contre 18 mois aujourd’hui selon les estimations du ministère de la Justice ; une seconde audience interviendra entre six et neuf mois plus tard, pour prononcer la sanction. Entre les deux, le mineur traversera une période de “mise à l’épreuve éducative”. Une “audience unique” restera de mise pour les faits les plus graves et pour les mineurs déjà impliqués dans de précédentes procédures. Du côté de ses détracteurs, et notamment des députés La France Insoumise (LFI), on s’insurge contre une réforme qui penche trop pour le “répressif”, tandis que les magistrats dénoncent “une carence budgétaire criante” à laquelle “s’ajoutent des politiques sociales et judiciaires toujours plus répressives empêchant une prise en charge spécifique nécessaire des mineurs”. De quoi faire mouliner à Mayotte, où les carences dans les dispositifs de réinsertion et les moyens de la justice sont justement criants… “La réussite de la présente refonte reposera sur les moyens alloués. La forte hausse des crédits de la justice pour 2021 démontre que la volonté politique est là, mais nous serons nombreux à nous montrer vigilants quant à leur mise à disposition effective”, a averti le sénateur Thani dans un message prudent envoyé au garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti. Crise sanitaire oblige, les parlementaires ont obtenu de reporter l’entrée en vigueur du texte du 31 mars au 30 septembre, pour permettre aux rouages de l’institution judiciaire de s’adapter à ce changement de taille. Un rendez-vous à ne pas manquer pour la prochaine rentrée scolaire !
Ils avaient passé à tabac un homme à Koungou, un soir de janvier 2018. Deux agresseurs présumés comparaissaient ce mercredi au tribunal pour répondre des faits de violence aggravée suivie d’incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours, commis en réunion, avec préméditation et usage d’une arme. Des circonstances aggravantes qui auraient pu leur coûter cher…
Deux plaies sur le crâne de sept centimètres, une à la jambe de trois centimètres, une autre de cinq centimètres pour le lobe gauche, une encore pour la main gauche, trois centimètres… “et ce n’est pas terminé”, énumère le juge en faisant passer d’un air las les clichés à ses assesseurs. Cette description sanglante, c’est celle des blessures infligées à F. K., la victime d’une agression violente à Koungou, survenue un soir de janvier 2018. Appelés à la barre trois ans plus tard, les deux agresseurs présumés devaient répondre face aux magistrats des faits de violence aggravée suivie d’incapacité temporaire de travail supérieure à huit jours, commis en réunion, avec préméditation et usage d’une arme.
Ce soir de janvier 2018, les gendarmes sont appelés au plateau sportif de Koungou. Quand ils arrivent sur les lieux, les pompiers s’affairent déjà autour du crâne tailladé de la victime. Entendue, celle-ci désigne rapidement un certain “Eli”, comme son agresseur. “Eli, c’est vous, c’est votre surnom ?”, demande la juge au premier prévenu, un habitant de Koungou âgé de 28 ans. Hochement de tête. D’après la victime, “Eli”, donc, se serait approché de lui alors qu’il regardait un film avec des amis sur son ordinateur. Effrayé, il aurait pris la fuite, mais aurait alors été rattrapé par le deuxième prévenu. Un homme d’une trentaine d’années lui aussi, qui s’avère être l’oncle d’Eli. Plusieurs coups de chumbo plus tard, le pauvre homme se serait ensuite évanoui, adossé à un pneu de voiture. Une sordide agression, comme Mayotte en collectionne…
Le poids des circonstances aggravantes
Le petit twist de cette audience ? Les juges devaient surtout déterminer si les faits et notamment les circonstances aggravantes étaient caractérisées. À savoir : la préméditation, la réunion, l’usage d’une arme. En effet, le code pénal punit de trois ans de prison et 45.000 euros d’amende les faits de violences aggravées suivies d’une interruption totale de travail supérieure à huit jours. Mais ajoutez-y ces trois circonstances aggravantes, et les peines maximales passent à dix ans d’emprisonnement et 150.000 euros d’amende…
Le cœur ouvert à l’inconnu
Premier dilemme : la réunion. L’oncle nie avoir participé aux violences. Selon lui, il se baladait simplement cette nuit-là à la recherche d’un coin d’oreiller, quand il aurait aperçu son neveu, visiblement en rogne. Et il serait intervenu dans le seul but de séparer les deux parties. Une version niée par la victime, qui l’a bien identifié comme l’un de ses agresseurs sur la planche photographique, mais partiellement confirmée par les trois témoins qui ont vu la scène de loin. Exit la réunion.
Et pour la préméditation ? Difficile à dire. Le conflit n’est pas sorti de nulle part. Tout remonte en réalité à quelques jours plus tôt, quand le premier agresseur présumé se serait rendu chez la victime. Après son passage, un téléphone manque à l’appel. Confronté, Eli aurait reçu un premier coup de chumbo “involontaire”. Puis le soir des faits, il aurait entendu la victime pérorer sur son compte. Un banal commérage qui l’aurait donc fait sortir de ses gonds ! Quant à l’arme, en l’espèce un chumbo, Eli confirme bien l’avoir eu en main ce soir-là, mais “pour aller désherber son champ« . Hum…
Oeil pour oeil, dent pour dent ?
Pas convaincu, le procureur requiert toutefois deux ans de prison chacun, que les deux prévenus ont en l’occurrence déjà effectué en détention provisoire, ainsi qu’une interdiction de porter une arme pendant cinq ans. “Comme c’est malheureusement souvent le cas à Mayotte, c’est oeil pour oeil, dent pour dent. La préméditation elle est là, car il y a vengeance, mais la difficulté c’est la réunion”, souligne-t-il en amenant ses réquisitions. Pour le tribunal néanmoins, il n’y a pas assez d’éléments pour caractériser l’infraction pour le deuxième prévenu, ni la réunion ou la préméditation pour le premier. L’oncle obtient la relaxe “au bénéfice du doute”, tandis que le premier écope de deux ans d’emprisonnement et de l’interdiction de porter une arme pendant cinq ans.
Sur Facebook, Direct Trafic 976 publie de nombreux posts sur les embouteillages et les faits de violence au cours de la jounée. Une page suivie par des dizaines de milliers d’internautes qui est devenue un réflexe avant de prendre la route. Explications avec l’un de ses trois administrateurs, Saifa Hamada, qui se plie en quatre pour offrir toujours plus de réactivité et de véracité dans l’intérêt général de tous.
À Mayotte, les pages d’informations pullulent sur les réseaux sociaux. Délinquance, embouteillages, petites annonces… Le lot de publications affole la toile quotidiennement. Parmi les lanceurs d’alerte, Direct Trafic 976 apporte sa pierre à l’édifice depuis le 3 décembre 2017. À sa tête : Saifi Hamada, Said Yasmine et Brahim Nabil dont le leitmotiv consiste à diffuser les aggressions et les bouchons en cours « pour rendre gratuitement service à la population ».
Policier municipal dans la commune de Chirongui, le premier des trois n’abuse pas pour autant de sa position. « Je fais la part des choses quand je suis au boulot pour préserver le secret professionnel. » Pas question donc de jouer sur deux tableaux dans l’optique de faire le buzz. Par contre, une fois sa tenue de civile sur les épaules, il se met en branle et sillonne personnellement les routes, du Nord au Sud, « 3h ou 5h le soir », voire même « des demi-journées entières ». Commence alors un long travail de fourmis, qui peut s’avérer parfois dangereux, notamment lorsqu’il se retrouve en plein milieu d’un caillassage. « J’avise la police ou la gendarmerie du secteur qui n’est pas forcément au courant pour les renseigner sur le degré des affrontements et leur permettre d’intervenir en conséquence. »
La réactivité, le maître mot
Mais Saifi Hamada n’est pas le seul à mouiller la chemise, puisque le groupe recense plus de 32.000 membres, plus ou moins actifs. « N’importe qui peut poster un message. La réactivité est le maître mot. S’il se passe quelque chose à 7h et qu’il faut attendre 2h pour partager l’information, ce n’est plus d’actualité. » Toutefois, l’ancien militaire du 8ème régiment de parachutistes d’infanterie de marine à Castres joue la carte de la prudence et fait appel à ses contacts dans les communes concernées pour confirmer ou infirmer les dires. « Nous faisons notre possible pour ne pas relayer de fausses rumeurs. Sinon, cela peut donner une mauvaise image ! »
Car le Combanien d’origine le sait, leur mission à tous les trois répond largement à l’intérêt général. « La page est devenue indispensable aux yeux des Mahorais. Nous recevons énormément de témoignages de soutien et de félicitation. À chaque fois qu’un habitant quitte son habitation, il consulte automatiquement les conditions sur les routes. Nous pouvons dire qu’à notre niveau, nous sauvons des vies », dit-il en toute humilité. Heureusement, Saifi Hamada concède que ce n’est pas non plus continuellement l’anarchie aux quatre coins de l’île. « Il y a des jours plus tranquilles que d’autres », sourit-il. « Quand c’est calme, nous faisons des rappels sur la sécurité routière ! » Comme cela devrait être le cas ces derniers jours, confinement oblige… « La circulation a baissé sur Mamoudzou, cela se ressent sur Tsararano et Vahibé. Mais nous avons noté une multiplication des violences urbaines. »
Le pratico-pratique sur Mayotte
D’où l’idée aussi de « balancer » d’autres informations pratico-pratiques, comme l’installation de bornes EDM, les bulletins de l’agence régionale de santé en cette période de crise sanitaire ou encore les communiqués de la préfecture. Un job presque à plein temps qui demande des moyens humains toujours plus conséquents, comme en témoigne le « recrutement » de trois nouveaux modérateurs – Assani Abdallah, Batouli Omar et Zalia Bacar – pour « supprimer certains posts qui ne rentrent dans la ligne directrice et éviter des commentaires haineux ». Aux yeux de Saifi Hamada, un seul objectif prédomine : « Être toujours dans la vérité ! »
L’association Lire à Mayotte (ALIM), en collaboration avec la Direction du livre et de la lecture publique et la Direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité, lance la deuxième édition du concours d’écriture “Écrire au féminin”. Une compétition entièrement réservée aux femmes mahoraises qui sont très peu représentées dans le monde de la littérature.
Écrire pour exister. Écrire pour être plus visible. Voilà l’enjeu du concours “Écrire au féminin”. Les écrivaines mahoraises peuvent se compter sur les doigts d’une main. Pourtant, un certain nombre de femmes de l’île écrivent à leurs heures perdues, secrètement, sans jamais partager leurs histoires. “Nous voulons développer les ouvrages littéraires des femmes mahoraises parce que dans le monde du livre à Mayotte, les hommes sont surreprésentés”, affirme Kildat Abdou Kalame, présidente de l’association Lire à Mayotte.
Zaïna Djailani, en est le parfait exemple. “Aussi longtemps que je m’en souvienne, j’ai toujours aimé l’écriture. C’est comme une arme. Cela me permet de dire tout ce que je n’ose pas avouer à l’oral.” La femme de 26 ans s’était d’ailleurs inscrite lors de la première édition du concours en 2020, mais elle n’était pas allée jusqu’au bout. Son principal intérêt était les ateliers d’écriture avec un certain Nassur Attoumani qu’on ne présente plus. “Cette année, je suis motivée et déterminée. Je vais rendre un manuscrit”, dit-elle, confiante. Zaïna s’est inscrite dans les catégories recueil de poèmes et conte, mais son amour pour la poésie semble l’emporter. “Pour le recueil, j’ai déjà défini les thèmes et je m’inspire de ce que je vois tous les jours, de ce que j’apprends”, raconte-t-elle.
Et pour être certaine d’écrire, elle a programmé une alarme qui le lui rappellera tous les jours. Il est important pour Zaïna de finaliser son ouvrage, mais ça l’est tout autant pour les organisateurs du concours. “L’année dernière, nous avions 35 femmes inscrites, mais au bout du compte, nous avons reçu moins de 10 manuscrits”, déplore Kildat Abdou Kalame. Alors cette année, l’objectif est d’avoir au moins une candidate par commune, soit 17 manuscrits à lire. Et pour y arriver, l’association Lire à Mayotte a changé de stratégie.
La culture mahoraise au centre de tout
Si l’année dernière, les femmes pouvaient écrire sur n’importe quel sujet, cette année la principale condition est de parler de Mayotte. Le récit et les personnages doivent se référer à l’île afin de promouvoir sa culture. Celles qui veulent concourir seront également suivies dans leur travail d’écriture. “Nous leur demandons quel type d’accompagnement auront-elles besoin afin de mieux les accompagner”, souligne la présidente d’ALIM. Des ateliers d’écriture seront également mis en place, mais pour l’heure les modalités restent indéfinies en raison de la crise sanitaire.
Toutes les femmes et jeunes filles de tout âge peuvent participer, même les enfants qui sont réputés pour leur imagination débordante. De plus, elles peuvent écrire non seulement en français, mais également en shimaoré et en kibushi. “Nous ne voulons imposer aucune limite. Les femmes qui ne maîtrisent pas la langue française pourront écrire avec l’alphabet arabe parce que nos mères et nos grands-mères écrivent déjà de cette manière”, rappelle Kildat Abdou Kalame. Et cette année, les participantes ont plus de choix puisque quatre catégories ont été rajoutées aux trois déjà existantes, afin de palier au manque de manuscrits de l’année dernière.
Écrire pour se faire publier
Tous les premiers prix de chaque catégorie seront automatiquement publiés dans une maison d’édition. Une opportunité unique pour celles qui restent dans l’ombre, ou qui n’osent pas sauter le pas, à l’image de Delayde, 25 ans. Elle a commencé à écrire des histoires pour enfants lorsque son fils est né, et l’exercice lui a plu. Alors elle a décidé d’écrire un livre pour tous les enfants. “Quand j’ai appris l’existence du concours, je me suis lancée. Je veux gagner pour pouvoir publier mon roman”, clame-t-elle. Si elle a commencé par écrire un conte pour enfant, Delayde a rapidement dévié sur le roman pour adulte. “Je me rends compte que je peux écrire un peu plus de choses, et le concours va m’aider à améliorer ma plume, parce que je suis en train d’explorer d’autres types d’écriture.”
Delayde n’est sûrement pas la seule à vouloir éditer son livre, les organisateurs du concours le savent et font tout pour que les femmes aient plus de chances. “C’est l’une des raisons pour lesquelles il n’est consacré qu’aux femmes. Elles ont plus de mal à trouver un éditeur qui comprend leur créativité, la richesse de leur histoire. Nous serons plus à même de les comprendre”, assure Kildat Abdou Kalame. Ce concours peut également être une source d’inspiration pour les plus jeunes. C’est du moins ce qu’espère Delayde. “Je veux inspirer les petites-filles et les adolescentes qui écrivent des histoires dans leur coin comme ma petite soeur. Je veux qu’elles sachent qu’elles aussi peuvent être publiées et pourquoi pas en faire leur métier.” Celles qui veulent tenter l’aventure ont encore quelques mois pour s’inscrire. Pour le moment, aucune date limite n’a été fixée pour les inscriptions, mais les organisateurs espèrent décerner les prix lors du salon du livre de Mayotte prévu en octobre 2021, si la situation sanitaire le permet.
Actuellement formé au Creps de Saint Denis, Karim Bourahima a répondu à la convocation de la Fédération française de handball à Aix-en-Provence : une détection dans le cadre de la poursuite de sa formation au sport de haut niveau. Son partenaire du Creps, Hamil Maliki, lui se remet d’une fracture au poignet après un rendez-vous national manqué.
La Fédération française de handball et ses équipes de France, championnes d’Europe, championnes du Monde, championnes olympiques, est considérée comme l’une des plus grandes fédérations de handball. Elle axe une partie importante de son développement sur la formation de jeunes handballeurs pour les mener aux sommets du handball international et conserver ce niveau de performance dans les plus grandes compétitions. Pour atteindre cet objectif, la FFH, comme d’autres fédérations, s’appuie énormément sur les Centres de ressources, d’expertise et de performance sportive (Creps) et ses pôles Espoir, ayant pour objectif de répondre aux besoins des stratégies de haut niveau des fédérations sportives nationales.
Hamil Maliki (en blanc) et Karim Bourahima évoluent actuellement au pôle Espoir handball de Saint-Denis à La Réunion, considéré comme l’un des meilleurs pôles Espoir handball de France.
Karim Bourahima, gardien de but âgé de 16 ans, et Hamil Maliki, arrière gauche âgé de 15 ans, évoluent actuellement dans l’une de ses structures sportives : au pôle Espoir handball de Saint-Denis à La Réunion, considéré comme l’un des meilleurs pôles Espoir handball de France. Fin 2020, la FFH dépêchait une équipe à La Réunion et après détection, les deux jeunes mahorais étaient repérés par les cadres techniques fédéraux et conviés à des opérations de détection en métropole en janvier dernier. Seul Karim a pu honorer ce rendez-vous.
« Karim a fait bonne impression, mais ce n’est qu’un début de chemin »
« Le principe était qu’on puisse l’évaluer pour savoir s’il y avait lieu qu’il soit intégré sur des stages nationaux, sur des équipes nationales, voire même intégrer un site Excellence en métropole la saison prochaine« , explique Éric Quintin, cadre technique sportif et responsable du pôle Espoir handball de la région Provence Alpes Côte d’Azur, qui a reçu le jeune gardien.
« Karim a été un petit peu timide au début mais ensuite, ça s’est très bien passé. Il a été bien accueilli par les joueurs du pôle, il s’est intégré facilement et rapidement dans le groupe, et toute la semaine du stage, il a montré qu’il avait du potentiel. La réflexion est en cours pour savoir quel travail lui sera le plus utile pour aller au bout de son potentiel« , confie le technicien.
« Il a fait bonne impression mais ce n’est qu’un début de chemin. Il y a tellement d’énergies à mobiliser que ce serait prétentieux de dire qu’il va y arriver, qu’il sera professionnel un jour. Il a la matière, mais après ce sera l’énergie du travail que je ne connais pas assez encore« , complète-t-il. Ce stage, le gardien de but formé à l’AJH Tsimkoura devait l’effectuer sous l’encadrement d’un monument du handball français, l’ex-gardien international Daoud Karaboué, double champion olympique avec les Bleus et actuel entraineur des gardiens de but de l’équipe de France U19.
« Une nouvelle occasion pour nos jeunes handballeurs de briller »
Celui-ci a néanmoins dû renoncer à encadrer le stage et rejoindre la Côte d’Ivoire pour des raisons familiales. « Ce n’est que partie remise. Il y aura d’autres stages où Karim pourra rencontrer Daouda Karaboué« , estime Zarouki Ali Minihadji, responsable des sélections mahoraises masculines dans le cadre des interligues. Interligues organisées chaque année dans l’Hexagone et au cours desquels les jeunes handballeurs mahorais sont souvent détectés.
De son côté, Hamil Maliki, formé au HC Sélect 976 de Tsingoni, se remet doucement d’une fracture au poignet. « On lui a enlevé le plâtre : il porte une attèle en ce moment. Mais sa rééducation se passe bien et il devrait être opérationnel pour le prochain stage national« , rassure « Zak« . Hamil devait être du stage national à la maison du handball à Paris, fin janvier dernier, parmi les meilleurs handballeurs de France de sa génération. « Sa blessure ne remet pas en cause sa présence dans cette short-list fédéral, qui court sur toute l’année 2021« , précise le sélectionneur mahorais.
Ce dernier est déjà penché sur le prochain interligues qui se déroulera en métropole entre fin mai et début juin, si les conditions sanitaires le permettent. « J’ai déjà mon groupe en tête, les 14 joueurs. Ce sera une nouvelle occasion pour nos jeunes handballeurs de briller devant les techniciens de la fédération, pour pourquoi pas, suivre le chemin de Karim et Hamil« , espère Zarouki Ali Minihadji.
Alors que le confinement semble peu respecté et que la tension hospitalière atteint des records, la préfecture et l’agence régionale de santé ont signé une convention pour confier à l’association Mlezi Maoré le soin de former et coordonner des équipes de médiateurs sanitaires. En tout, une centaine de parcours emploi-compétences et services civiques vont être recrutés pour véhiculer les messages de prévention contre le Covid-19.
Au fond de la classe, une femme agite son affichette plastifiée dans le vain espoir d’obtenir un peu d’air frais. Difficile de respirer sous les masques que chacun porte bien ajusté sur son nez, en cette lourde après-midi de saison des pluies… Mais pas question de laisser dépasser une narine ! Dans quelques jours, il reviendra aux élèves attentifs de cette classe de donner l’exemple. Ce mardi à l’école de la deuxième chance – normalement fermée au public pour cause de confinement – l’association Mlézi Maoré accueillait sa toute première promotion de médiateurs sanitaires. Objectif : envoyer ces équipes sur le terrain, au plus près de la population, pour “passer les bons messages sur le Covid-19 et les gestes barrières”, explique Aurore Tersou, la coordinatrice des groupes de médiation à Mlézi Maoré.
À l’origine de cette mission, l’agence régionale de santé et la préfecture, qui ont signé ce mardi leur convention pour officialiser le dispositif. Et ainsi laisser le soin à l’association de mener à bien cette tâche “essentielle pour casser la diffusion du virus”, insiste la directrice de l’ARS. “Nous ne pouvons nous contenter d’envoyer des messages de “sachants”. L’idée est de déployer un réseau de partenaires présents sur le terrain, pour parler à cette population qui n’est pas toujours francophone, qui peut être loin de l’information ou qui peine à décoder les messages parfois tordus des réseaux sociaux”, développe Dominique Voynet à l’occasion de cette signature commune. Une nouvelle corde à leur arc en somme, face à un confinement peu respecté et qui tarde à lever la pression sur l’hôpital. Ce mardi, le CHM accueillait encore 185 personnes hospitalisées pour cause de Covid. Et quatre nouveaux décès étaient à déplorer…
140 médiateurs envoyés partout sur l’île
Le message du jour ? “Nous ne capitulons pas !”, martèle le préfet Jean-François Colombet. “Nous lançons d’autres idées, d’autres armes pour tenter de faire comprendre aux individus l’importance de se protéger et de protéger les autres”, revendique-t-il. “Cette convention, c’est cela : mettre ensemble les moyens pour que des jeunes gens au contact de la population puissent porter ce message”. Et en parlant de moyens, l’État n’a d’ailleurs pas lésiné ! Au moins un million d’euros sont prévus pour financer les quelque 140 médiateurs envoyés dans chaque commune et village de l’île. Plus précisément, douze encadrants seniors en CDD – qui devront par ailleurs être formés pour réaliser des tests antigéniques -, 50 parcours emploi-compétences et 50 services civiques. Soit, en posant la division, une belle enveloppe qui devrait permettre à Mlézi de dérouler le dispositif bien au-delà du confinement.
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Un “coup pour l’avenir de Mayotte”
“Ils ont mis les moyens ! Nous avons deux formatrices qui ont été formées par l’ARS et qui ont ensuite créé ces modules de formation d’une journée”, précise la coordinatrice de Mlézi Maoré. Si le choix s’est porté sur la plus grosse association de Mayotte, c’est avant tout pour répondre à l’urgence et “être opérationnels tout de suite”. Et justement, pour démarrer sur les chapeaux de roue, ce mardi, ce sont en réalité les groupes de médiation citoyenne – lancés en juin 2020 pour prévenir les conflits – qui ont été les premiers à bénéficier de la formation. “Ce n’est pas qu’un coup pour le Covid, nous semons aussi les graines pour l’avenir de Mayotte”, souligne Dominique Voynet, en rappelant son ambition de développer la prévention en créant des réseaux de surveillance sanitaire. Ces groupes de médiation pourraient donc être amenés à intervenir sur d’autres sujets.
La preuve en images, alors que la directrice de l’ARS et le préfet se sont prêtés au jeu de rôle avec la première fournée. “Le Covid ne s’attrape pas par le moustique, ça c’est la dengue”, explique un jeune médiateur, un peu stressé face à cet habitant imaginaire incarné avec brio par Jean-François Colombet. “Et moi, Monsieur, j’ai un problème avec ma mère malade, je dois m’en occuper, mais comment je fais avec ce virus, si je ne dois pas l’approcher ?”, surenchère Dominique Voynet. Mince, c’est la colle ! “Vous pouvez demander de l’aide à votre voisin…”, hésite le participant, visiblement embarrassé. Mauvaise pioche ! Pour sa défense, la recrue ne suit la formation que depuis 8h ce matin… “Bon il faudra peut-être repasser sur cette leçon-là !”, s’amuse le préfet. Tout le monde hoche la tête : “Oui, oui, pour certains il faut peut-être deux jours de formation.” Ou des anti-sèches ?
Passionné de jeux vidéos, Karim Abderemane vient de créer son entreprise individuelle dénommée KuléVR dont le but est de faire découvrir la réalité virtuelle à ses clients. Une technologie encore peu connue à Mayotte qui pourrait bien attirer l’attention des jeunes. Mais pour cela, il va falloir attendre la levée du confinement.
Non non, vous n’êtes pas en train de rêver, allongé tranquillement sur votre lit, au beau milieu de la nuit. Debout dans votre salon avec un casque vissé sur la tête, vous voilà transporté dans un autre univers. Bienvenue dans le monde fantastique de la réalité virtuelle ! Un plongeon possible grâce à une simple box mise à disposition par l’entreprise KuléVR, récemment immatriculée. Un nom tout sauf anodin puisque « kulé signifie là-bas, loin en swahili », précise Karim Abderemane, le fondateur de la société.
Passionné de jeux vidéos, le quadragénaire se lance dans cette aventure dans le but de proposer une occupation innovante aux jeunes de Mayotte. « Quand je suis arrivé sur le territoire en mai dernier, j’ai tout de suite trouvé que la jeunesse manquait d’activités accessibles. » D’où son idée de lier l’utile à l’agréable ou plutôt d’entremêler la technologie et le divertissement. Cerise sur le gâteau, l’entrepreneur se déplace même chez vous pour 40 euros de l’heure avec « sa tour de contrôle » pour que vous preniez part à cette expérience en famille ou entre amis. Seule condition : le nombre de joueurs est limité à 6 pour que chacun y goûte durant un temps relativement raisonnable.
Monter le cardio lors d’un combat de boxe
Mais concrètement, à quoi peuvent s’attendre les futurs joueurs ? « On est dans le monde, on est actif, ce n’est pas juste une manette devant un écran », souligne le Grand Comorien d’origine. Par exemple, « quand vous faites de la boxe, le rythme cardiaque augmente, c’est comme si vous faisiez du sport ». À l’instar de la Wii… Sauf que « c’est plus vivant », insiste-t-il. Et pour les moins sportifs, il y a la possibilité de faire une immersion dans les fonds marins au détour d’un film et de « nager » avec les tortues. « C’est comme si vous étiez en séance de plongée, c’est assez bluffant ! »
Seule ombre au tableau : le confinement l’empêche pour l’instant de se rendre chez ses clients, uniquement le week-end pour le moment, puisque Karim Abderemane est toujours employé dans la climatisation à l’heure actuelle. « Je me donne un an pour voir si la mayonnaise prend. Même si j’ai un travail à côté, je veux me donner le maximum de chance pour que ça marche. » Pour cela, il compte se rapprocher des mairies dans l’espoir d’organiser des rendez-vous avec la population. « La réalité virtuelle a aussi un volet pédagogique et peut être un moyen ludique d’apprendre, via plusieurs animations comme la visite du musée du Louvre. »
Des postes fixes et une salle dédiée ?
Et à l’avenir, il souhaite également acquérir d’autres machines pour entreposer des postes fixes, qui « offrent plus de sensations, car on est installés dans des fauteuils vibrants », dans des endroits stratégiques. Son regard se tourne alors tout naturellement vers le pôle culturel de Chirongui qui collerait parfaitement à son plan de déploiement. Avant de, pourquoi pas, bénéficier de sa propre salle dédiée à son activité professionnelle. Ambitieux, Karim Abderemane ne se pose aucune limite, à l’image de la base de données sur laquelle il peut télécharger régulièrement et sans compter de nouveaux jeux et films. « Il y en a une centaine de disponibles, je peux les renouveler à mon bon vouloir. » Prêt pour la simulation ? Il ne vous reste plus qu’à enfiler le casque !
Ce mercredi est le jour fatidique pour le Football Club M’tsapéré : le vainqueur de la coupe régionale de France saura s’il participera aux 32ème de finale de la coupe de France, dimanche en métropole. Tout repose sur les résultats du test RT-PCR effectués lundi. Chaquir Ibrahim, entraîneur du FCM nous raconte comment le groupe a vécu ces dernières heures…
Flash Infos : Chaquir Ibrahim, jeudi dernier la Fédération française de football a donné comme consigne au FC M’tsapéré de rentrer à Mayotte, alors que vous étiez en escale à La Réunion et que vous vous apprêtiez à embarquer pour la métropole pour participer à la coupe de France. Quasiment une semaine est passée depuis ce retournement de situation : que s’est-il passé au sein du groupe depuis votre retour anticipé ?
Chaquir Ibrahim : Depuis notre retour anticipé, l’ensemble des joueurs ont eu pour consigne de respecter strictement le confinement ou les gestes barrière s’ils doivent aller travailler. Ils ont eu également pour consigne de s’entretenir en allant courir une heure par jour, à défaut que nous puissions nous regrouper pour les entraînements collectifs, puisque l’arrêté préfectoral nous autorisant à nous entraîner a pris fin mercredi dernier. Concernant la situation sanitaire du groupe, notre président est en lien avec un agent de l’agence régionale de santé qui se charge de notre dossier. Nous sommes arrivés vendredi et depuis, nous nous sommes retrouvés deux fois : le samedi matin pour effectuer un test RT-PCR, et ce lundi pour effectuer un nouveau test. Le premier test s’est révélé négatif pour l’ensemble du groupe qui était à La Réunion. Nous attendons les résultats des tests de lundi qui doivent tomber ce mercredi dans la soirée.
« Nous espérons récupérer quatre joueurs sur les sept laissés à Mayotte la semaine dernière »
FI : À la base, vous partiez avec un groupe de 22 joueurs : qu’en est-il des sept joueurs qui n’avaient pas pu embarquer la semaine dernière ?
C. I. : Il était clair pour trois d’entre eux qu’ils ne partiraient pas puisqu’ils avaient reçu leur résultat la veille et que celui-ci s’était révélé positif. Il y avait un doute sur les quatre autres le jour du départ. Finalement, deux d’entre eux n’avaient pas embarqué parce qu’ils n’avaient pas reçu leur test à temps, alors que leur test était négatif. Pour ces deux joueurs, le test effectué samedi dernier s’est aussi révélé négatif donc à ce jour, ils réintègrent le groupe. Parmi les cinq autres joueurs testés positifs, le résultat de samedi s’est révélé « douteux » pour deux d’entre eux, autrement dit ils seraient sur la voie de la guérison. Nous espérons que leur test de lundi se révèlera négatif pour lever entièrement le doute, auquel cas nous récupérerions quatre joueurs sur les sept laissés à Mayotte la semaine dernière.
FI : Vous devez affronter Romorantin ce dimanche en 32ème de finale de la coupe de France : avez-vous toujours l’espoir de disputer cette rencontre ?
C. I. : Bien sûr ! La Fédération a remis les clés de notre destin à l’ARS Mayotte, qui, depuis notre retour s’est mobilisée pour que nous puissions nous faire tester samedi, puis à nouveau lundi. Ce n’est pas pour rien… Si comme les résultats de samedi, tous les tests de lundi s’avèrent négatifs, il y a de bons espoirs que l’ARS donne son feu vert à la Fédération pour nous permettre de participer aux 32ème de finale de la coupe de France.
« Nous restons positifs et optimistes »
FI : Dans le meilleur des cas, les résultats des tests RT-PCR sont négatifs et le FCM est autorisé à rejoindre la métropole. Vous arriveriez vendredi ou samedi dans l’hexagone selon le jour du départ, soit à quelques heures de la rencontre. Cela ne placerait pas votre groupe dans les meilleures dispositions avant le match…
C. I. : En effet. Initialement, nous devions arriver en métropole dix jours avant le match, ce qui nous aurait permis de le préparer sereinement, malgré un groupe réduit. Mais il s’est passé ce qu’il s’est passé… J’ai entendu des rumeurs sur un report du match, mais de ce que je sais, ce n’est pas à l’ordre du jour. Quoi qu’il en soit, nous nous adapterons à la situation. Cette rencontre est trop importante pour nos joueurs, pour nous le staff, pour le club et tous ses supporters, et d’une manière générale pour toute Mayotte ! Nous en avons tous conscience. Peu importe les dispositions dans lesquelles nous seront amenés à disputer les 32ème de finale de la coupe de France, nous sommes prêts physiquement et psychologiquement. Nous restons positifs et optimistes.
FI : Dans le pire des cas, ce mercredi certains résultats des tests RT-PCR effectués lundi se révèlent positifs. L’ARS met son véto et la Fédération ne vous permet pas d’effectuer le déplacement…
C. I. : Ce serait terrible ! Après 20 ans d’attente (20 ans que Mayotte avait accès directement au 7ème tour de la coupe de France, mais 32 ans que Mayotte participe à la compétition, ndlr), après qu’une équipe mahoraise parvient enfin à atteindre ce niveau. Nous sommes aux portes d’un match officiel contre des pros : c’est le rêve de tout joueur, de tout entraîneur, de tout dirigeant amateur ! Être éliminé de cette façon, par disqualification… Je ne peux même pas l’imaginer.