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Loi Mayotte : Les désidératas des citoyens passés au crible

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Ce mercredi 5 mai s’est déroulé le premier forum citoyen à Dembéni dans le cadre de la concertation préparatoire au projet de loi « Mayotte ». Les habitants ont répondu en masse à l’appel de la préfecture et ont pu partager, sans filtre, leurs idées. Tous y sont allés de leurs revendications plus ou moins loufoques. Pêle-mêle.

Papier entre les mains, Hamadi Mroudjae parcourt une dernière fois ses quelques mots avant de se lancer dans le grand bain. Le passage en revue des cinq grands thèmes (l’égalité en matière de droits sociaux, le renforcement de l’État régalien, l’accélération du développement, le renforcement du conseil départemental, la jeunesse et l’insertion) annonce l’ouverture ce mercredi 5 mai de la première concertation à la Maison pour tous de Dembéni en vue de la préparation du projet loi « Mayotte ». « C’est maintenant à vous de vous exprimer, c’est votre moment. Tout ce que vous direz sera noté et synthétisé et remontera au ministre des Outre-mer », précise le préfet, Jean-François Colombet, en guise de coup d’envoi. Kofia sur la tête et veston trop large sur les épaules, le président des agriculteurs de la commune se lance dans un one man show endiablé. Son aura et sa gesticulation détonnent et réveillent même une assemblée, tantôt piquante, tantôt somnolente.

« Il manque des centres de formation professionnelle pour les déscolarisés. Il en faut rapidement, nous sommes pris à la gorge. C’est une catastrophe, nous sommes dépassés par les événements », pointe du doigt le notable de Tsararano, qui milite pour juger les délinquants dans leur pays d’origine et construire un centre éducatif fermé sur l’île aux parfums. Tout naturellement, l’immigration clandestine est au cœur de toutes les interventions. « Il faut demander l’aide de l’Europe pour surveiller les frontières », insiste Hamadi Mroudjae. Un souhait partagé par Issa Issa Abdou, le 4ème vice-président du Département, toujours à l’affût pour réclamer publiquement la venue de Frontex, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes.

 

Reconduire les mères et leurs enfants

 

Casquette vissée sur le caillou, un habitant – qui n’a pas souhaité décliner son identité – propose pour sa part des mesures drastiques dans l’espoir de lutter contre l’explosion des naissances issues de mères étrangères. « Pour décourager ces arrivées massives, il faudrait que les femmes en situation irrégulière qui accouchent au CHM fassent l’objet d’une reconduite systématique avec leur bébé », préconise-t-il, sans sourciller. Autre nécessité à ses yeux : les deux parents doivent justifier dix ans de séjour sur le territoire. Dans le cas contraire, « aucun développement ne sera possible, nous passerons notre temps à construire des salles de classe ». Une hypothèse acclamée par une grande partie des 150 convives du jour.

D’autres sujets animent particulièrement le débat. À l’instar de la convergence rapide des droits sociaux, prônée par Zouhoura Attoumani, éducatrice spécialisée. Une manière selon elle d’enterrer la hache de guerre avec La Réunion. D’ailleurs, Taendhum Anassa, DGA ressource au sein de la mairie hôte, veut voir le délai de ce rattrapage, initialement prévu pour 2036, divisé « par trois au minimum ». Et en profite pour exiger « une cotisation retraite pour tous ». Sur ce volet-là, le député LR Mansour Kamardine ne cache pas non plus son exaspération. « Nous ne voulons pas une énième ordonnance, mais une extension des codes du travail, de la santé et de la sécurité sociale dès le 1er janvier », résume le parlementaire. Selon lui, il s’agit ni plus ni moins d’un gage de respect à l’égard de la population du 101ème département. « Si nous ne convergeons pas, les Mahorais vont continuer à fuir le territoire… Et ça, c’est triste ! », déplore-t-il au terme de son allocution.

Si la concertation permet de donner successivement la parole aux élus et aux citoyens, Bacar Kassime ne l’entend pas de cette oreille. « Il y a deux débats : celui des officiels à l’avant et le nôtre à l’arrière », se désole-t-il, déçu par la même occasion de l’absence de représentants de l’institution judiciaire. Car à ses yeux, il faut « durcir les sanctions à l’encontre des mineurs ». Au point de remonter dans le temps pour exposer l’état de la violence sur l’île. « Il y a 15 ans, nous nous faisions agresser à coup de marteaux, de machettes, de pierres et de tournevis. Aujourd’hui, nous parlons de ciseaux, de matériel pédagogique scolaire… Si nous laissons faire, il sera banni du milieu éducatif », avance-t-il, avec une pointe d’humour. Avant de lancer un coup d’œil vigilant vers les assesseurs, pour s’assurer qu’ils prennent scrupuleusement ses idées en note, comme on lui avait promis une heure plus tôt. Croix de bras, croix de fer !

“Soutenez-nous” : l’appel à l’aide des sages-femmes de Mayotte

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Mercredi 5 mai, à l’occasion de leur journée internationale, les sages-femmes de Mayotte ont décidé de se mettre en grève. Qu’elles soient libérales, dans le secteur territorial (PMI), dans le milieu hospitalier, toutes souhaitaient mettre en lumière le déclin de leur profession et le manque de moyens. Elles étaient une quarantaine mobilisées depuis tôt dans la matinée.

En colère ! Dès six heures du matin, les sages-femmes se réunissent au rond-point en face de l’embarcadère, pour tenter de faire prendre conscience à la population mahoraise, la situation critique dans laquelle elles se trouvent. “Un klaxon pour les sage-femmes”, peut-on entendre d’une sortie à l’autre. “Soutenez-nous ! C’est pour vous que nous sommes là.” Les passants sourient, klaxonnent. Certains lèvent le poing et souhaitent du courage aux grévistes. “On aimerait que tout le monde réagisse aujourd’hui”, lance Anaïs, en poste à l’hôpital de Mamoudzou.

À l’arrivée de la barge de 6h30, les sages-femmes s’arment de leurs banderoles et attendent sur le quai. S’exprimant grâce à un micro et un amplificateur, elles peuvent faire passer leur message à tous les passagers. Pour des raisons de sécurité, le STM préfère ne pas débarquer et prendre la direction du quai Colas, situé à deux pas. Mais avant même d’y arriver, les sage-femmes sprintent de l’autre côté et attendent une nouvelle fois tout le monde de pied ferme. Une scène comparable au jeu du chat et de la souris qui provoque ni plus ni moins le renvoi de la barge en Petite-Terre… avec les mêmes clients ! Et si quelques travailleurs font grise mine, l’ambiance est plutôt aux applaudissements. “On vous soutient, bravo les sage-femmes”, s’égosille une dame vêtue d’un salouva bleu. Un élan de solidarité qui fait chaud au cœur, sachant que les professionnels de santé se sentent méprisées aussi bien par l’hôpital que par l’État.

 

Des conditions de travail qui se dégradent

 

C’est un épuisement global qui ressort des discours de la journée. Un ras-le-bol vis-à-vis de la situation presque insurmontable sur l’île. Si le CHM est bien connu pour être la plus grande maternité de France, les records ont atteint des sommets ces dernières semaines. « En avril, il y a eu 800 naissances. Idem en mars… Je n’ai jamais vu ça en six ans à Mayotte », raconte Anaïs entre deux slogans. L’effectif de sages-femmes sur le territoire est si réduit qu’elles ne peuvent pas s’occuper des naissances du début à la fin. Elles réclament que chaque femme puisse être correctement accompagnée, ce qui se traduit concrètement par une campagne de recrutement et un agrandissement de la maternité de Mamoudzou, réclamé depuis cinq ans. « Il y a une grande partie des futures mamans qui ne peuvent avoir qu’une échographie au lieu des trois normalement préconisées parce qu’il n’y a pas de créneau », continue Anaïs, très remontée.

Une partie des femmes mahoraises choisit donc d’aller accoucher à La Réunion ou en métropole. Pourtant, ce n’est pas l’envie qui manque de donner naissance dans son département, mais le manque de moyens inquiète. « Il faudrait doubler tous les effectifs de sages-femmes sur l’île », conclut Anaïs, clairement lassée par une situation qui stagne, voire qui régresse.

« Les conditions d’accueil se dégradent », se désole Alexia, en poste à Mayotte depuis huit ans maintenant. La jeune femme évoque le nombre de naissances qui ne fait qu’augmenter et la taille de la maternité qui ne bouge pas. « Il n’y a que sept salles d’accouchement à l’hôpital et il y a en ce moment 40 naissances par jour ! » Elle semble totalement désarmée face aux difficultés qu’elles ont à surmonter. « Pendant certaines gardes, je ne me sens pas en sécurité, je n’ai pas l’impression que je pourrais m’occuper de tout le monde », continue-t-elle, décrivant une réalité qui fait peur, mais que les sages-femmes vivent au quotidien. « On nous dit souvent qu’on fait le plus beau métier du monde, mais aujourd’hui j’en doute. »

Les filles soulignent un grand nombre de reconversion au sein de leur profession, qui en ont marre « de ne pas être reconnues ». « On est les grandes oubliées du médical », pourtant elles assurent des missions nécessaires au bon déroulement de la vie de chacun. En effet, « tout le monde a eu à faire à une sage-femme dans sa vie », encore plus à Mayotte où le manque de personnel rend leurs missions encore plus diversifiées, du travail des infirmières, à ceux d’assistantes puéricultrices.

 

Des demandes inchangées depuis 2016

 

« Depuis la grève de 2016, rien n’a bougé », commence Alexia, avant d’ajouter « ah si, ils ont ajouté un poste, mais on demandait déjà l’agrandissement de la maternité et aujourd’hui, on a toujours rien ». C’est un sentiment de frustration qui émane de ces jeunes femmes, exerçant ce métier par passion. Après une paire d’heures à bloquer le rond-point de la barge par à-coups, les sage-femmes entament une marche. D’abord vers le conseil départemental pour réclamer une augmentation des effectifs mais aussi et surtout de la reconnaissance. Des musiques remixées en l’honneur des sages-femmes attirent les oreilles et les regards des passants. Aucune réaction de la collectivité jusqu’à ce qu’un rendez-vous soit fixé, pour le lendemain matin. Après cette première promesse de dialogue, les sages-femmes continuent leur chemin jusqu’à l’hôpital. Là-bas, plusieurs médecins et infirmières les applaudissent, en gage de soutien. Avant que les jeunes femmes entrent finalement dans la cour de l’hôpital. Comme un dernier appel à l’aide.

Avec l’école ouverte au lycée de Sada, les élèves révisent et se défoulent

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Mercredi 5 mai, le recteur de l’académie de Mayotte, Gilles Halbout a rendu visite aux élèves du lycée de Sada, accompagné de Sophie Brocas, directrice générale des Outre-Mer. Au programme : découverte des activités en école ouverte proposées par l’établissement et présentation de la future classe préparatoire aux grandes écoles du lycée qui ouvrira ses portes à la rentrée 2021.

À l’occasion des vacances scolaires, les lycées mahorais accueillent les élèves volontaires pour participer à des sessions de préparation aux examens. À Sada, entre 200 et 300 jeunes viennent chaque jour pour profiter du dispositif d’école ouverte. “Les terminales viennent se préparer au grand oral et choisir avec l’aide de leurs professeurs les deux problématiques qu’ils devront présenter lors de celui-ci. Des élèves en classe de première étaient également présents et participaient à des ateliers de révision afin de préparer leurs épreuves anticipées de français”, énumère Gilles Halbout, ravi d’avoir pu rencontrer les futurs étudiants du territoire.

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Étendu à l’ensemble des établissements de l’île, le dispositif d’école permet également aux élèves volontaires de participer à des sessions de préparation aux épreuves finales de BTS qui approchent à grand pas. Mais aussi de prendre part à des activités culturelles et sportives. “Les élèves sont répartis en différents groupes et peuvent choisir de participer à l’activité qu’ils désirent. Par ailleurs, un intervenant proposait aux lycéens des ateliers d’expression artistique tandis que d’autres volontaires préparaient une course d’orientation au Mont Combani avec leurs professeurs de sport.

 

Ouverture d’une classe préparatoire économique

 

Profitant de la venue de la directrice générale des Outre-mer, Sophie Brocas, le responsable de l’académie et les représentants du lycée de Sada ont présenté la future classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) économique qui ouvrira à la rentrée prochaine. Une première à Mayotte, qui ne dispose actuellement que d’une seule CPGE scientifique au lycée Younoussa Bamana de Mamoudzou.

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En milieu de matinée, le recteur a mis le cap sur le collège Marcel Henry situé à Tsimkoura, où il a rencontré le personnel et fait le tour des activités proposées par l’école ouverte. Les collégiens ont la possibilité durant les vacances de s’initier à des activités en lien avec la nature, le sport, le théâtre ou encore les arts plastiques. L’occasion pour eux de découvrir de nouvelles pratiques et allier “récréation et ouverture”.

Nadine Hafidou, jusqu’au plus haut sommet du monde de l’entreprise

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Fraichement nommée au conseil économique, social et environnemental (CESE), l’entrepreneure Nadine Hafidou est fière d’être la première Mahoraise à accéder à un poste aussi prestigieux. Cheffe d’entreprise, membre de la chambre de commerce et d’industrie de Mayotte, présidente de l’Acciom, la quadragénaire a gravi les échelons et voit toujours aussi grand.

nadine-hafidou-sommet-monde-entrepriseNeuvième ultramarine à siéger au conseil économique, social et environnemental, Nadine Hafidou est surtout la première Mahoraise à accéder à un tel poste et c’est ce qui fait toute sa différence. Si elle reconnaît avoir toujours eu des ambitions professionnelles, le CESE n’a jamais été dans sa ligne de mire. « CCI France m’a sollicitée pour que je candidate à ce mandat et faire partie des sept membres qui représentent les CCI de France. J’ai déposé ma candidature, mais je ne m’attendais pas à ce qu’elle passe », raconte-t-elle, avec un sourire en coin. Reconnue pour ses compétences et appréciée pour son curriculum vitae bien fourni, notamment grâce aux actions menées lors de sa présidence au sein de l’association des CCI d’Outre-mer (Acciom), la cheffe d’entreprise finit par être choisie.

Si ses origines mahoraises veulent qu’elle porte particulièrement la voix des entreprises du 101ème département, Nadine Hafidou voit bien au-delà. « Je suis la première Mahoraise nommée au CESE en dehors du groupe Outre-mer, alors mon objectif et ma priorité durant ce mandat de six ans sont de porter la voix de toutes les entreprises de France », prévient-elle. Affectée à la commission environnement, la professionnelle aura un droit de regard sur les lois et décrets qui lui seront présentés dans le but qu’aucune des propositions portées par les parlementaires ne soit une contrainte pour les entreprises. Alors oui, cette nomination la réjouit tout naturellement. Mais son entourage semble encore plus heureux. « Ils m’ont tous dit que c’était mérité compte tenu du travail que je fais. Mes parents m’ont toujours énormément poussée à aller plus haut et plus loin, donc pour eux c’est un honneur de me voir accéder à ces fonctions. »

 

Toujours viser plus haut

 

Si Nadine Hafidou affirme n’avoir jamais rêvé d’un siège au CESE, elle a cependant toujours visé l’excellence. Depuis 2008, elle est cogérante d’un cabinet d’ingénierie de bâtiment et d’aménagement urbain, et elle compte bien avoir un impact sur au moins une partie du globe. « Nous voulons développer notre activité au maximum, qu’elle soit leader du marché à Mayotte et même dans la zone du Canal de Mozambique et de l’Afrique de l’Est », soutient la quadragénaire. Ses ambitions professionnelles se conjuguent avec son implication dans le monde associatif.

Dès ses débuts dans le monde de l’entreprise, elle souhaite donner l’exemple et incite les femmes à fonder leurs sociétés. Elle crée alors « l’entrepreneuriat au féminin » à Mayotte et devient la présidente de l’association. Suite à cela, tout s’enchaîne : élue à la CCI Mayotte en 2016, bras droit du président actuel à la CCI France, présidente de l’association des CCI d’Outre-mer (Acciom)… « Mayotte n’avait jamais pris la présidence de l’Acciom, j’ai tout de même postulé et j’ai été retenue », sourit-elle. Mais après deux ans et demi de bons et loyaux services, elle passe vice-présidente et laisse sa place à une autre. Même si elle est consciente de la charge de travail qui l’attend, Nadine Hafidou accepte volontiers cette nomination au CESE, non seulement pour elle, mais aussi pour tous les entrepreneurs mahorais. « Le CESE valorise Mayotte à travers cette nomination, et je ferai mon travail avec plus de fierté », conclut-elle.

Dès la rentrée 2021, un campus connecté accueillera des étudiants pour des formations supérieures, à distance

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Alors que l’accès à l’enseignement supérieur reste limité dans le 101ème département, Mayotte vient de décrocher un plan d’investissements d’avenir de 250.000 euros et une labellisation du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour lancer son campus connecté. Les 15 premiers étudiants 2.0 sont attendus devant les écrans à la prochaine rentrée.

Décrocher son diplôme d’ingénieur Bac+5, le tout sans sortir un orteil de Mayotte ? C’est le pari qu’ont fait pour les étudiants le rectorat, le CUFR, le Département, la CCI et la Cadema, en répondant à un appel à projets afin de créer le premier “campus connecté” de l’île. Objectif : “favoriser l’accès à l’enseignement supérieur”, résume Aurélien Siri, le directeur du centre universitaire. “Vous connaissez l’histoire du CUFR, et la croissance que nous avons connue, mais malgré cela, nous n’arrivons pas à répondre à tous les besoins. Le campus connecté va apporter une offre complémentaire avec des formations certifiantes et diplômantes pour des métiers peu pourvus, et pour lesquels le CUFR ne forme pas”, développe-t-il.

Avec guère plus de 1.600 places, la petite université de Dembéni peine en effet à instruire les jeunes cerveaux de l’île, et nombreux sont ceux qui doivent poursuivre leurs études supérieures à La Réunion ou en métropole. Pour les plus chanceux… “Beaucoup d’étudiants ne peuvent pas se déplacer pour des raisons financières ou familiales, et nous avons souhaité participer à ce projet pour que ces jeunes puissent suivre un cursus universitaire tout en restant proches de leur famille”, expose Sarah Mouhoussoune, la 7ème vice-présidente de la communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou.

 

Des formations en lien avec les besoins des entreprises

 

Et c’est tout l’intérêt de ce “campus connecté”, qui accueillera dès la prochaine rentrée une première promotion d’une quinzaine d’élèves. Concrètement, les lycéens, invités à candidater via leur espace Parcoursup, pourront débuter leurs études supérieures à distance, en intégrant “une formation non présente sur le territoire et en lien avec les besoins des entreprises de Mayotte”. Une vision globale du développement du territoire, qui explique la participation de la chambre de commerce et d’industrie. “Mayotte bouge, et Mayotte avance, quoi qu’on en dise”, salue Mohamed Ali Hamid, le président de la CCI.

Droit, marketing, gestion… “Nous avons identifié beaucoup de formations à distance, qui vont jusqu’au niveau Master. Nous allons pouvoir diplômer nos jeunes jusqu’à Bac+5 ! Et quand on voit leur taux d’employabilité à Mayotte, c’est indispensable”, se gargarise Aurélien Siri. Plus précisément, des formations d’IAE (instituts d’administration des entreprises), d’écoles d’ingénieurs, ou encore dans le secteur du tourisme pourraient bien se retrouver en haut de la pile pour la première promotion. À noter que 20% des places pourront être dédiées aux actifs en reconversion, aux femmes et mères au foyer à la recherche d’une formation, ou encore aux demandeurs d’emploi.

 

Un PIA de 250.000 euros pour commencer

 

Pour les détails techniques, ce projet s’inscrit dans une démarche de labellisation, nationale, de 49 nouveaux campus connectés, entamée par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour une enveloppe totale de 25 millions d’euros, financés par le Plan d’investissements d’avenir (PIA). Mayotte, elle, a décroché un joli chèque de 250.000 euros pour le lancement du campus. “Toutes les académies n’ont pas été servies, et surtout pas toutes les académies d’Outre-mer. Il ne s’agit pas de se réjouir du malheur des autres, mais plus de mesurer notre chance”, se réjouit le recteur Gilles Halbout. Avant de glisser, sur une note plus grave au regard des récents événements qui ont endeuillé son institution : “Il y a des mauvaises nouvelles sur l’île, presque chaque semaine, et il y a aussi des très bonnes nouvelles et des très belles réussites collectives”.

Collectives, car tout le monde a mis la main à la patte, et en un temps record, une fois n’est pas coutume. Contactée en novembre, la Cadema “n’a pas hésité à participer”, souligne Sarah Mouhoussoune. Ni même à mouiller la chemise. En l’espèce, un budget de 300.000 euros voté d’emblée pour aménager un tiers-lieu, capable de recevoir ces étudiants 2.0. Pour l’instant, le local a élu domicile dans la Maison pour tous d’Hajangoua. Mais à terme, les partenaires espèrent bien voir le campus sortir de terre, non loin de là, sur un terrain déjà identifié à côté de l’école primaire. “Nous tablons sur deux ans”, mise l’élue communautaire. En tout, le budget du projet pour Mayotte se chiffre à à 1,7 million sur cinq ans, dont 700.000 euros pour la Cadema, 360.000 euros pour le conseil départemental, 60.000 euros pour la CCI, et près de 620.000 euros pour le CUFR et le rectorat. Et un ticket gagnant pour Mayotte, un !

Service social du rectorat : une prise en charge des jeunes, mais un manque de moyens humains

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Le service social du rectorat de Mayotte a publié un bilan de l’action sociale dans l’académie de Mayotte sur l’année scolaire 2019-2020. Malgré le confinement et la fermeture des écoles, les assistants sociaux ont tenté de continuer d’assurer leurs missions. Véronique Séjalon, conseillère technique supérieure de service social, revient sur le travail actif de ses collaborateurs sur un territoire compliqué et souligne le manque criant de suivi, une fois les signalements faits.

47.175 élèves. Voilà le nombre de jeunes scolarisés dans les 22 collèges et les 11 lycées de Mayotte. Un chiffre qui ne fait qu’augmenter, année après année. Et si cette hausse est un vrai défi au niveau de l’enseignement, elle l’est aussi du côté de l’aide sociale. Le service compte 24 assistants sociaux, couvrant chacun un ou deux établissements, en fonction de la taille de ces derniers. Extrêmement sollicités, ces agents du social ont pris en charge 13.622 élèves, soit 28,8% des élèves du second degré, sur l’année 2019/2020, malgré la fermeture des écoles pendant près de deux mois.

Mais comment s’organise toute cette équipe ? Les AS sont d’abord présentés à tous les élèves de la sixième à la seconde, afin qu’ils sachent vers qui se tourner et pourquoi. Ensuite, différentes interventions ont lieu dans les classes, ou dans des niveaux entiers, dans lesquelles les agents sociaux sont souvent accompagnés de l’infirmier ou du CPE de l’établissement. Pendant ces rencontres peuvent être abordés la vie affectueuse et sexuelle, le harcèlement, mais aussi l’accès au droit. Des moyens “de nous faire connaître et de libérer la parole ». « Ces ateliers aident certains jeunes à prendre conscience de leur situation et d’avoir le droit d’en parler.” Des actions de prévention sont aussi menées pour les parents, afin de faire du “soutien à la parentalité” en cas de difficulté, comme l’absentéisme. Souvent considérés comme une première prise de conscience de sa mise en danger, les ateliers sont très importants pour créer un lien de confiance avec les élèves. Dont le but est de les pousser à venir exposer leurs propres problématiques et obtenir un accompagnement adapté (pas moins de 21.502 entretiens ont pu être menés au cours de la période).

 

Une demande d’accompagnement diverse

 

Si la demande est grande, elle est aussi très large. On note tout d’abord que 74% des demandes émanent des collèges. Les problématiques des élèves concernent d’abord des difficultés sociales et économiques. 73% des sollicitations du SSFE sont de cet ordre. Selon Véronique Séjalon, il s’agit d’un phénomène qui était particulièrement criant pendant le confinement. Les élèves n’ayant pas accès directement aux AS dans leurs bureaux pour parler de leurs problèmes, “la majorité des sollicitations a essentiellement concerné des demandes de bons alimentaires”. L’équipe du pôle social du rectorat a toutefois aussi fait remonter des situations semblables aux années précédentes, comme les difficultés familiales et les violences intra-familiales, souvent précurseurs de comportements à risque chez les jeunes. Les assistants sociaux constatent un manque de communication dans les familles, qui engendre souvent une perte de repères.

D’autres problématiques sont frappantes sur l’île selon cette spécialiste du social, qui a déjà travaillé dans différents rectorats en métropole. “À Mayotte, nous comptons de nombreuses fugues, alors que d’habitude, cela reste à la marge. Il y aussi les grossesses précoces ou l’émergence de la prostitution.” Des problématiques qui nécessitent beaucoup d’attention, notamment au niveau des jeunes filles, qui finissent par venir chercher de l’aide auprès des agents sociaux. Elles sont 50 à avoir fait l’objet de suspicion de prostitution ou à déclarer elle-même qu’elles avaient monnayé leur corps pour un toit, un peu de nourriture ou quelques vêtements. Sans oublier l’accompagnement de nombreuses familles pour les aiguiller dans leur accès au droit, afin d’effectuer leurs démarches. Souvent, ce sont les jeunes eux-mêmes qui vont se renseigner. En effet, passé 18 ans, le manque de papier peut s’avérer être un problème pour poursuivre leur scolarité, notamment pour ceux souhaitant étudier à La Réunion ou dans l’Hexagone.

Les problèmes liés à la scolarité sont eux aussi nombreux. Les difficultés scolaires et le décrochage concernent de nombreux élèves, qui finissent par avoir “le syndrome de l’absentéisme (11.6% des signalements, ndlr), parfois même sans que les parents ne soient au courant”. Certains d’entre eux préfèrent même prendre le chemin de la violence, ne trouvant de réponses à leurs questions nulle part. Souvent pour ces jeunes, “l’école ne fait pas sens”, déroule Véronique Séjalon. “Il faut essayer de comprendre d’où cela vient. Ce sont des comportements souvent liés à d’autres choses comme l’accumulation de trop lourdes lacunes ou une situation familiale instable. Des instances de concertation ont été mises en place dans les établissements pour permettre aux équipes de faire remonter plus facilement les situations des élèves au service social pour qu’ils puissent être pris en charge. »

 

Beaucoup d’efforts mais un manque de personnel

 

Une fois les signalements faits par le service social, il existe deux niveaux de prise en charge. Si l’information préoccupante ou IP concerne la maltraitance ou des violences sexuelles, une aide judiciaire est mise en place. “Une mesure d’éloignement peut être prononcée le jour même, le temps d’une enquête sociale et/ou, de gendarmerie.” Le juge des enfants est aussi saisi lorsque le jeune se met en danger lui-même. Du côté judiciaire, le suivi est effectif selon Véronique Séjalon, même s’il est parfois un peu lent.

Du côté administratif cependant, des trous sont encore à combler. Dans certaines situations, lorsque la famille est d’accord, une aide éducative administrative peut être mise en place afin d’aider à recréer le contact dans les familles. Toutefois, l’île semble manquer d’éducateurs et nombreuses de ces demandes d’AED n’aboutissent pas. Selon le bilan de l’année passée, seuls quatre demandes sur 70 se sont couronnées de succès. “Les rapports sont faits, mais rien ne se passe et finalement, les situations se dégradent petit à petit. Cela manque de suivi, les éducateurs doivent être démultipliés”, se désole la conseillère technique supérieure de service social. “Nous manquons de personnel, mais il faudrait s’en donner les moyens !”, ajoute-t-elle. En effet, un développement du service social serait une manière de travailler plus efficacement et d’avoir moins de dossiers à gérer en même temps pour les AS et éviter “l’épuisement moral”. Si elle réclame plus de moyens humains, Véronique Séjalon ne se laisse toutefois pas abattre. “Je répète à mes équipes que si nous avons fait bouger la situation pour deux, trois jeunes, c’est déjà bien et il ne faut pas s’arrêter là.” Un message d’espoir malgré les complications liées aux réalités de l’île. Et pour soulager le secteur “très lourd” du sud, un nouveau poste sera créé à la rentrée à Sada.

Véronique Séjalon doit donc se lancer dans une nouvelle phase de recrutement, chose qui n’est pas facile sur le territoire où certains entrent par concours et d’autres par la voie de la contractualisation. Mayotte compte désormais une formation en assistance sociale, des AS formés sur l’île pourront donc bientôt entrer dans le service social du rectorat, s’ils le souhaitent.

« Air France fait demi tour et le rêve des Mahorais s’envole »

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La venue d’Air France avait donné un élan d’espoir à tous les habitants de Mayotte. Fin du monopole aérien, et des prix exorbitants, pensait-on. Mais ce rêve s’est envolé en ce début de semaine, lorsque l’annonce de la non venue de la compagnie a été divulguée. Les Mahorais ne comprennent pas cette décision et accusent Air Austral d’être la cause de tous leurs maux.

« Comment Air Austral a pu mettre la pression sur une compagnie de taille comme Air France ? » C’est la question que tout le monde se pose à Mayotte et sur les réseaux sociaux. La nouvelle de la non venue d’Air France à Mayotte est tombée en début de semaine et depuis les spéculations vont bon train. « Comment se fait-il qu’Air Austral prenne des décisions pour Mayotte ? », « De toute façon, c’était voué à l’échec », « Ils ont fait du chantage », autant d’accusations répertoriées sur la toile qui pointent du doigt la compagnie réunionnaise. Le député Mansour Kamardine a annoncé lundi qu’Air France ne volerait finalement pas dans le ciel mahorais, supposant qu’Air Austral en serait la cause.

Aussitôt dit, l’association des usagers des transports au départ et l’arrivée de Mayotte (Autam) est montée au créneau. « Ce projet n’est plus d’actualité à cause de la pression des autorités réunionnaises qui n’ont pas hésité à sacrifier les voyageurs mahorais sur l’autel de leurs intérêts économiques », fustige Cris Kordjee, présidente de la structure. Très en colère, elle met des mots sur ce que beaucoup de Mahorais ressentent depuis des années. « Par cette funeste victoire, elles (les autorités réunionnaises) démontrent une nouvelle fois que la solidarité des îles françaises de l’océan Indien invoquée par certains est une chimère. » Si Cris Kordjee nie la solidarité entre les deux départements, elle n’en veut finalement pas à Air Austral, mais à l’État qui semble avoir favorisé l’un de ses deux enfants. « Air Austral a plaidé sa cause au plus haut sommet de l’État et il a répondu en sa faveur. Cette nouvelle signifie que personne n’a défendu les intérêts de Mayotte et des Mahorais », regrette-t-elle. D’autres accusent les élus de l’île aux parfums de ne pas avoir réagi. « Où sont les représentants de cette île ? Quel est leur combat ? », s’interroge une internaute. « Les Mahorais sont mal représentés sur la scène politique nationale alors que les Réunionnais sont soudés », soulève un autre. Cette nouvelle semble avoir ravivé des rancoeurs enfouies auprès des Mahorais qui, encore une fois, ont l’impression d’être des sous-Français.

 

Trouver des solutions sur le long terme

 

La venue de nouvelles compagnies aérienne à Mayotte est un combat mené par l’Autam depuis plusieurs années. Mais après quelques lueurs d’espoir, l’association et les Mahorais ont à chaque fois été déçus. « On ne va pas se laisser démonter. On va se concentrer sur nos objectifs parce qu’il n’y a que nous-mêmes qui défendrons nos intérêts », se motive Cris Kordjee. Si le retour de Corsair est un bon début, elle sait qu’il faut trouver des solutions sur le long terme. La prolongation de la piste de l’aéroport de Mayotte est incontestablement l’une d’elles. « La demande d’une piste longue n’est pas un caprice des Mahorais. Personne ne veut venir ici parce qu’elle est trop courte et dangereuse. Et c’est ce qui permet à Air Austral d’avoir le monopole. Mais il y a un réel manque de volonté politique. C’est peut-être même ça, la cause de tous ces problèmes », souligne-t-elle.

L’installation d’une compagnie mahoraise est également fortement souhaitée. « Au moins, on est sûrs qu’elle ne nous quittera pas ! », ajoute-t-elle. Rien n’est sûr, mais cela améliorerait indéniablement le quotidien des Mahorais, tout en développant l’île. « Ici, beaucoup de gens ont des problèmes de santé et sont obligés de partir sans avoir les moyens parce que le prix du billet coûte trop cher », selon la présidente d’Autam. Le monde économique n’est pas non plus épargné, et très souvent, les plus petits sont les plus touchés. « Les commerçants sont obligés de voyager pour acheter leur marchandise. Et pour cela, ils doivent faire des économies pour pouvoir partir. Ce sont eux qui souffrent le plus. » Le cas d’Air France n’est pas une première chez nous. Jusqu’à présent, Air Austral semble avoir le bras assez long, mais jusqu’à quand ? Beaucoup de Mahorais estiment que la réponse se trouve désormais dans les urnes.

Licenciement « abusif » à la mairie de Tsingoni : un employé administratif fait un recours devant la justice

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Depuis son refus de soutenir le maire de Tsingoni, Mohamed Bacar, à l’occasion des élections municipales de 2020, Daoud Haoussidine, adjoint administratif en poste dans la commune depuis 2005, vit une véritable descente aux enfers. Au point de recevoir une lettre de radiation le 20 novembre pour abandon de poste. L’agent tente de faire lumière sur cette affaire et vient de saisir le tribunal administratif dans le but d’annuler cette décision.

Derrière son masque blanc et son imposante carrure, Daoud Haoussidine cache une tristesse profonde. Voire même encore quelques signes d’une dépression, stigmates de cette dernière année bouleversante. « Cette radiation est abusive… Pourquoi ? Parce que je n’ai pas voulu rentrer dans son jeu », indique-t-il, d’un air désabusé. Dans sa ligne de mire : les pratiques du maire Mohamed Bacar lors des élections municipales de l’an dernier.

Tout commence le 14 janvier 2020 avec la réception d’un courrier l’accusant d’absentéisme depuis décembre 2019, suivie du non-versement de ses primes. Ce à quoi s’ajoutent trois arrêtés en date du 12 mai, du 15 juillet et du 28 octobre : le premier pour l’affecter aux services techniques sans aucune procédure disciplinaire ; le second pour geler sa rémunération ; le troisième pour le virer, purement et simplement (un arrêté du 20 novembre officialise sa radiation à la préfecture pour abandon de poste). « Harcèlement, suspension de salaire, puis radiation », résume-t-il, la gorge nouée. Une véritable descente aux enfers qui s’explique pour une raison simple, selon Daoud Haoussidine. Dans son dossier adressé le 28 avril 2021 au président du tribunal administratif, l’ancien fonctionnaire relate des intimidations avant le premier tour ainsi que le 17 mars lors de réunions privées et la promesse d’une grosse somme d’argent (8.000 euros) en cas de révision de sa position. « Le DRH me mettait la pression : soit je servais la cause du maire sortant, soit j’étais mis à pied. »

 

Déçu par Mohamed Bacar

 

Soutien de poids de Mohamed Bacar lors de sa première élection en 2014, Daoud Haoussidine se rend compte au fur et à mesure du mandat « qu’il n’était pas à la hauteur » des responsabilités qu’exige une mairie. Entre un « déficit » abyssal, plusieurs fois pointé du doigt par la cour des comptes au cours des dernières années, et le recours à des « emplois fictifs », il décide de soutenir un autre projet politique en 2020. « Si des choses ne vont pas dans la commune, j’ai le droit de donner mon avis en tant qu’administré », fait-il valoir pour défendre sa position. Et, selon lui, d’autres personnes se trouvent dans le même cas que lui, à l’instar de l’ancien directeur du centre communal d’action sociale démis de ses fonctions car « sa femme était candidate dans une liste d’opposition ».

Aux yeux de Daoud Haoussidine, trop c’est trop. « Cette mentalité est inadmissible. Il faut changer cela, nous ne vivons pas dans une République bananière. Si nous n’allons pas dans leur sens, nous sommes pénalisés ! », s’insurge-t-il. Après avoir « seulement reçu sa lettre de décharge le 12 avril », le quadragénaire espère voir que la justice fera son travail. Et si le tribunal lui donne raison, il compte bien retourner travailler à la mairie, pour reprendre un train de vie normal. « Elle n’appartient pas à Mohamed Bacar », conclut-il. Prêt à en découdre !

Joint par téléphone, le maire de Tsingoni, Mohamed Bacar, n’a jamais donné suite à nos sollicitations.

“Un réseau ferroviaire à Mayotte : un projet sur les rails ?”

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* Photo d'illustration

Une centaine de personnes étaient réunies ce mardi 4 mai au Lycée des Lumières de Kawéni pour la première conférence portant sur le projet d’un réseau ferroviaire à Mayotte. Deux experts de Capgemini étaient présents afin de présenter l’étude préalable de treni bile ou train bleu.

Le treni bile n’est pas une simple annonce, mais un projet réfléchi.” affirme la vice-présidente, Fatima Souffou, chargée des infrastructures et des transports de Mayotte. L’entreprise Capgemini, géant du transport ferroviaire mondial, a réalisé à la demande du Département une étude préalable à l’implantation d’un réseau ferré sur l’île aux parfums. Afin de connaître et de concevoir un projet réalisable et viable à Mayotte, leurs experts ont travaillé sur différents domaines. “Nous avons d’abord étudié la demande, pour comprendre pourquoi et à quelles conditions l’insertion du train est possible à Mayotte. Nous avons ensuite mis en place une équipe pluridisciplinaire et intégré les équipes du CD dans les échanges techniques. Enfin, nous avons réalisé une synthèse technique ainsi qu’une maquette virtuelle pour évaluer la faisabilité du projet et projeter un chiffrage de celui-ci”.

 

Mais alors pourquoi un train à Mayotte ?

 

Les représentants de Capgemini ont détaillé comment le treni bile pourraient offrir aux Mahorais un nouveau moyen de transport “performant” qui offre “sécurité, rapidité et fiabilité« . “Si nous considérons l’aspect économique, le train est multi utilisateurs, petits et grands peuvent profiter de ce moyen de transport simple d’accès. De plus, il peut également permettre le transport des marchandises, notamment entre le port de Longoni et le reste du territoire mahorais”, explique Olivier Mériot, l’un des experts présents en visioconférence depuis Toulouse. Avant de continuer à énumérer les aspects positifs d’un réseau ferroviaire pour Mayotte. “Par ailleurs, la création d’une voie ferrée permettrait un rééquilibrage et une valorisation du territoire. Il desservirait à la fois les écoles et les lieux de vie des Mahorais qui n’auraient plus besoin de prendre leur voiture pour se déplacer”.

“Deux boucles pour parcourir Mayotte”

Le cabinet d’expertise de Capgemini a également présenté un premier tracé de ce qui pourrait être le futur réseau ferré mahorais. Deux grandes boucles devraient desservir le territoire d’Est en Ouest et deux plus petites donneraient accès au Nord et au Sud de l’île. Un tracé hypothétique pour l’heure qui permettra aux responsables du projet de décider de la nécessité de construire des ouvrages, tels que des viaducs ou des tunnels. Deux gares multimodales devraient également voir le jour et faire le lien entre les réseaux ferroviaire et maritime et les transports en commun.

“Les conclusions de l’étude préalable”

D’après l’étude préalable réalisée par Capgemini, la topographie du territoire mahorais ne comporte “pas d’obstacles techniques identifiés”. Selon David Pontal et Sébastien Nicolaut de chez Capgemini, “ce projet s’élèverait à 1,7 milliard d’euros selon la première estimation financière”. Un investissement important pour le 101ème département français mais qui permettrait un gain de temps considérable pour les Mahorais et un désengorgement pérenne des axes routiers.

Projet de loi Mayotte : “Nous ne pouvons plus être la sous-région de La Réunion”

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Ce lundi 3 mai au lycée des Lumières de Kawéni avait lieu le séminaire de lancement du projet de loi “Mayotte”. Les représentants institutionnels présents ce jour sont revenus tour à tour sur les problématiques inhérentes au territoire mahorais. Le député Mansour Kamardine n’a quant à lui pas caché sa lassitude concernant la dépendance de l’île aux parfums vis-à-vis de sa voisine réunionnaise.

Mayotte est aujourd’hui dos au mur, l’État n’a pas à choisir ce qui est bon pour nous. Il faut que les Mahorais saisissent cette opportunité d’être entendus et que les choses avancent.” À l’occasion du lancement de la consultation pour le projet de loi Mayotte, le parlementaire Mansour Kamardine a rappelé que “l’égalité sociale” demeure pour lui un enjeu central à Mayotte. Afin de travailler sur cette thématique deux délégués choisis par la préfecture seront chargés de recenser les propositions traitant de « l’égalité des droits sociaux”. Leur objectif ? Le rattrapage général des cotisations sociales avec un alignement de celles-ci avec la métropole à l’horizon 2036. Une promesse qui ne date pas d’hier. En effet, dix ans après la départementalisation du territoire, de nombreuses divergences subsistent encore entre les prestations sociales en métropole et celles à Mayotte.

 

Traduire ce projet en article de loi

 

Nous sommes le ministère qui connaît le mieux les spécificités des territoires ultramarins. Nous sommes ici pour jouer un rôle d’avocat et convaincre les autres ministères. À terme, notre mission sera de traduire ce projet en article de loi.” Par ces mots, la directrice générale des Outre-mer, Sophie Brocas, affiche sa volonté d’agir pour l’avenir de Mayotte et de défendre les intérêts des citoyens de l’île. Pour rappel, le projet de loi “Mayotte” s’articulera autour de quatre autres thématiques : la sécurité et l’immigration, le développement accéléré du territoire, la jeunesse et l’insertion et le renforcement du conseil départemental. “Tout remontera à Paris, il y aura un énorme travail de synthèse.” Jean-François Colombet, préfet de Mayotte, s’engage avec ses collaborateurs à prendre en compte chaque idée, chaque projet, chaque proposition formulée par les citoyens du 101ème département…

À la suite de la proposition minimaliste du gouvernement d’ouvrir un seul créneau par semaine à la compagnie aérienne Air France à destination de Mayotte, celle-ci rebrousse finalement chemin. Selon le député Mansour Kamardine, encore une fois, l’État se plie aux désidératas de La Réunion et condamne Mayotte à devenir le seul département français à ne pas être desservi par la compagnie nationale. “Il y en a marre. Nous ne pouvons plus être la sous-région de La Réunion.” Reste à savoir si les habitants s’exprimeront en masse au cours de la concertation qui doit s’étaler jusqu’au 21 mai.

Rétrospective : La doyenne de France serait Mahoraise

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Originaire de Passamaïnty, Tava Colo serait la doyenne des Français, à près de 115 ans. En effet, d’après sa carte d’identité, la « coco » est née le 22 décembre 1902. Elle détrônerait ainsi la dernière doyenne de France connue, Honorine Rondello, née en 1903.

Dans l’une des coquettes maisons à l’entrée du village de Passamaïnty réside celle qui serait la doyenne des Français à bientôt 115 ans, Tava Colo. À l’intérieur, une quinzaine de personnes, de toutes générations, grands-mères, jeunes femmes et enfants m’accueillent chaleureusement.

Quand je demande combien d’enfants, de petits-enfants, d’arrière-petits-enfants, d’arrière-arrière-petits-enfants Tava Colo a eu, les femmes de la famille se mettent à compter sur leurs doigts, s’interpellent, rient, rectifient des oublis. Nous finissons par sortir un carnet et un stylo et notons de complexes ramifications généalogiques. Le résultat en vaut la chandelle : 2 filles, 9 petits-enfants, 40 arrière-petits-enfants et 53 arrière-arrière-petits-enfants. Avant de m’emmener dans la chambre où Tava Colo se repose, sa famille brosse un rapide portrait de celle qui serait l’aînée des Français : originaire de Passamaïnty où elle a vécu toute sa vie, Tava Colo a eu deux filles, aujourd’hui décédées, de son premier mari. Elle a été mariée plusieurs fois et aurait congédié les époux qui ne s’entendaient pas avec ses enfants.

Mais c’est évidemment la principale intéressée qui raconte le mieux. De son lit médicalisé, la doyenne décrit sa vie passée aux champs, à la pêche, à faire la lessive dans la rivière et à s’occuper de sa famille. Quand on lui demande ses secrets de longévité, l’auguste dame répond simplement qu’il faut être respectueux de tous, petits et grands, et qu’il est important de prendre soin de soi, d’être toujours très propre. « Ah ça oui, quand elle pouvait encore bouger toute seule, elle passait des heures dans la salle de bains », taquine très gentiment l’une de ses petites-filles.

Son souvenir le plus marquant ? Ce jour où elle a été déchue de son rôle de chef de village pour être allée au mariage d’un de ses petits-fils qui épousait une « serrez-la-main ». Mais Tava Colo ne regrette rien car pour elle, la famille est sacrée, bien au-delà des clivages idéologiques.

De manière générale, Tava Colo trouve que Mayotte a changé. « Avant, il n’y avait pas toutes ces tensions et les gens vivaient du strict nécessaire », remarque-t-elle.

En attendant, la « coco » est la mémoire du foyer, du village, voire de l’île. « À chaque fois qu’une copine vient à la maison, Tava nous raconte qui c’est et quel lien de parenté on a avec elle ! On a ainsi découvert qu’on avait de la famille jusqu’à Choungui, par exemple », s’amuse l’une de ses petites-filles. Tava Colo est l’une des rares femmes de Mayotte à faire des liens là où plus personne n’en est capable. Une véritable mémoire de l’île dont Mayotte peut être fière.

À la suite de son décès ce samedi 1er mai 2021 à l’âge de 118 ans, nous vous partageons un article publié sur elle dans le Mayotte Hebdo du 20 octobre 2017.

Jusqu’à 12 ans de réclusion criminelle pour les auteurs d’un caillassage visant le second de la gendarmerie

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Quatre ans après l’attaque qui a bouleversé sa vie, le lieutenant-colonel Olivier Pech, atteint gravement au visage, a obtenu justice devant la cour d’assises pour mineurs. Les deux accusés considérés comme les auteurs principaux de son agression ont écopé de 12 et 10 ans de prison ferme.

Les nombreux gendarmes présents ce lundi soir, en service comme en soutien, arborent le même sourire satisfait. Après quatre jours de procès “très denses”, et surtout quatre ans de reconstruction, le lieutenant-colonel Olivier Pech, commandant en second de la gendarmerie de Mayotte en 2017, a enfin obtenu justice. La cour d’assises pour mineur a prononcé des peines sévères pour les individus impliqués dans un caillassage, qui avait gravement blessé le militaire au visage : entre quatre mois et 12 ans de réclusion criminelle. “Je confirme la dimension thérapeutique de cette étape, ce ne sont pas des paroles toutes faites : le procès participe à cette reconstruction”, a insisté le militaire à la sortie de l’audience, entouré par ses proches venus spécialement à Mayotte pour assister aux audiences, qui se déroulaient à huis clos.

Le n°2 de la gendarmerie ne cachait pas son appréhension à l’idée de reposer le pied sur le sol mahorais, quatre ans après cette nuit fatidique, où il avait été blessé lors d’un caillassage en Petite-Terre. L’attaque avait eu lieu dans la nuit du 13 au 14 mai 2017. Après ce qu’il appelle “un périple anti-gendarmes”, où des bandes de jeunes avaient visé plusieurs lieux symboliques des forces de l’ordre, le lieutenant-colonel Olivier Pech, appelé en renfort, est à son tour pris à partie alors que le calme semblait revenu. Ciblé par des jets de projectiles, le militaire reçoit un pavé de près d’un kilo au visage. Transporté en urgence au centre hospitalier de Mayotte avec un traumatisme crânien, il est par la suite évacué vers La Réunion. Aujourd’hui encore, l’officier n’a pas retrouvé l’usage complet de son œil droit, dont l’acuité visuelle a diminué de moitié.

“Il faut qu’ils voient cela comme une dernière chance”

Pour son avocate, Maître Pauline Ragot, “la justice a pris la mesure de l’extrême gravité des faits commis par les deux auteurs principaux dans ce dossier”. Le meneur présumé a écopé de 12 ans de réclusion criminelle et d’une interdiction définitive du territoire français. Son complice, dont on a retrouvé des traces ADN sur le projectile qui a atteint le visage du lieutenant-colonel, prend 10 ans. En tout, huit accusés figuraient initialement dans le dossier, mais deux n’ont pas pu être jugés par la cour d’assises des mineurs : l’un, âgé de 13 ans au moment des faits, a été renvoyé devant le tribunal pour enfants, l’autre n’était pas apte psychologiquement à comparaître. Les autres s’en sortent avec des peines de quatre mois et un an de réclusion. “Il faut qu’ils voient cela comme une dernière chance, et qu’ils ne se fassent pas guidés par des mecs comme Foras et Bonobo (les surnoms des deux leaders présumés, NDLR), qui sont des cancers”, a souligné Olivier Pech.

Si l’enquête avait initialement été ouverte par le parquet de Mayotte pour tentative de meurtre sur personnes dépositaires de l’autorité publique, c’est finalement le chef de “violences volontaires avec guet-apens ayant entraîné une ITT (incapacité temporaire de travail) supérieure à huit jours avec usage ou menace d’une arme sur personne dépositaire de l’autorité publique”, qui a été retenu. Les accusés risquaient jusqu’à 15 ans de prison. Après cette condamnation au pénal, reste désormais la partie civile, qui doit avoir lieu en juin pour statuer sur la réparation du préjudice. La famille du lieutenant-colonel Olivier Pech s’est constituée partie civile.

Mayotte, orpheline de son IRM pendant un mois

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À la suite d’un accident, l’image par résonance magnétique, plus connue sous l’acronyme IRM, est hors service depuis le 24 avril. Et cela pour une durée d’encore au moins deux semaines. Cette situation démontre la nécessité d’obtenir une seconde machine dans les plus brefs délais. Et pose aussi la question de la prise en charge des patients durant ce laps de temps.

Samedi 24 avril. Une procédure de désaimantation d’urgence a entraîné un « quench », ou plutôt un dégazage instantané de l’hélium liquide. Endommagée, l’IRM se retrouve depuis hors service, et ce pour une durée de quatre semaines, le temps de recharger le superfluide. « Ce sont des choses qui arrivent », relativise le docteur Saïd Soimihi Abdallah, le médecin radiologue gérant du centre d’imagerie médicale maorais, vacataire privé de la machine hébergée par l’hôpital depuis 2012. « Nous sommes en train de faire intervenir Philips pour le dépannage, mais cela prend du temps en raison de la distance qui nous sépare de l’Europe. » Pour une source proche du dossier, cet « accident » serait dû à « une erreur humaine lors de l’installation d’un patient de réanimation ». Plus de peur que de mal, aucune victime n’est à déplorer alors que le pousse-seringue magnétique attiré par l’aimant aurait pu causer un drame. « Nous avons évité un mort de justesse », poursuit-elle.

Se pose aujourd’hui la question de la prise en charge des patients d’oncologie. Quid alors de la recherche de métastases osseuses, de l’IRM cérébrale de contrôle, de tous les cancers du col utérin ou de l’ovaire qui nécessitent au diagnostic et lors de leur suivi une IRM pelvienne ? Sans compter les retards dans certaines pathologies et le manque de précision pour certains types d’accidents vasculaires cérébraux. Face à cet aveu d’impuissance, l’option la plus adéquate durant ce laps de temps serait d’avoir recours à des évacuations sanitaires vers La Réunion, qui détient 15 machines installées. Une nouvelle manière de mettre en exergue la différence de développement entre les deux territoires ultramarins.

 

Une deuxième IRM dans les cartons ?

 

En guise de réponse, le docteur Saïd Soimihi Abdallah dit actuellement constituer un dossier auprès de l’agence régionale de santé (ARS) pour « en obtenir une seconde dans le but d’éviter ce genre de désagrément ». Seul problème à ses yeux : « Nous n’avons pas beaucoup de personnes solvables sur le territoire pour l’entretenir ». Le cas échéant, l’idée sera probablement d’arrêter ce consortium privé-public, entre le centre hospitalier de Mayotte et le centre d’imagerie médicale maorais. De son côté, Thierry Pelourdeau, le chef du pôle médico-technique de l’hôpital, assure également travailler d’arrache-pied depuis près de dix ans avec la direction à cette possibilité pour faire face aux procédures longues et à l’accueil toujours plus massif de blessés. En vain pour le moment…

Le prix d’achat serait estimé entre un et deux millions d’euros. Une hérésie lorsque l’on sait que le CHM repose sur des dotations globales et bénéficie donc de davantage de marges de manœuvre que ses confrères métropolitains. « Encore faut-il que le projet soit porté efficacement par des administratifs, qui partent au bout de deux ans, et des élus locaux, qui jouent tout sauf la carte de l’unité… », déplore toujours cette même source. Hormis les maintenances d’une journée par an (la dernière en date remonte au 21 mars 2021), l’usure des pièces ou les casses, le pôle médico-technique vit sa première panne dite de longue durée depuis la mise en service de l’IRM en avril 2012. Toujours est-il que ce malencontreux incident coûte la bagatelle de 300.000 euros. Et quelques cheveux blancs au personnel soignant…

Police nationale : premier speed-recruiting pour les services civiques à Mayotte

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Ce lundi 3 mai était organisé pour la première fois à Mayotte et en France, un “speed-recruiting” entre plusieurs employeurs de l’île et les jeunes ayant fait un service civique au sein de la police nationale. Une manière efficace de chercher un emploi, ou de rencontrer des employeurs potentiels. Ils étaient tous réunis au lycée des Lumières.

Une quinzaine de tables, organisées comme dans un restaurant un jour de Saint-Valentin. Pourtant, ce ne sont pas des couples qui vont s’installer, mais des employeurs et des futurs employés. Ils sont 80, arborant fièrement leurs t-shirts “service civique – police nationale”, à avoir rejoint le réfectoire du lycée ce lundi matin, pour passer un ou plusieurs entretiens. Comma Ania*, ils viennent tout juste d’obtenir leur attestation, après un an de service dans les rangs des forces de l’ordre. “J’ai laissé mon CV à trois employeurs déjà, ils ont dit qu’ils me rappelleraient”, raconte timidement la jeune fille, pas peu fière d’avoir taper dans l’œil de certains recruteurs.

Ce speed-recruiting permet aux “jeunes services civiques de la police nationale de trouver un tremplin dans le monde du travail”, explique Thierry Lizola, responsable du bureau partenariat et prévention au sein de la police de Mayotte. Si une dizaine de jeunes a pu intégrer directement la police nationale en passant les concours, d’autres travaillent maintenant au rectorat. “Beaucoup de vocations se dessinent à travers ce service civique”, sourit Thierry Lizola. Mais certains se retrouvent aussi le bec dans l’eau, en raison du contexte sanitaire plutôt défavorable. D’où l’idée d’organiser cet événement et de créer des opportunités de premier choix pour ces jeunes mahorais.

 

Des employeurs dans tous les secteurs

 

Une trentaine d’employeurs, de Sodifram à Total en passant par Célio étaient présents. CV en main, les jeunes issus du service civique se sont armés de courage pour faire valoir leurs compétences. Pendant leur service, ils ont acquis rigueur, ponctualité mais aussi responsabilité ! Et comme la police a eu confiance en eux, les employeurs sont donc plus enclins à le faire eux aussi. Pour Adil*, le choix est vite fait. “Je suis passé à Douka Bé, à Sodifram et à Total. J’espère avoir Total !”, dit-il tout bas pendant qu’il fait la queue devant un nouveau bureau. Selon lui, c’est une chance d’être là : il n’aurait jamais eu accès à ces entretiens s’il n’avait pas, à la base, pu intégrer ce service civique.

Ania est elle aussi ravie. “C’est à toi de choisir qui tu veux aller voir, ensuite tu fais la queue et tu y vas”, déroule-t-elle. “Il va être 11h, je suis là depuis trois heures ! C’est long”, se plaint-elle en rigolant. Ils sont encore une trentaine d’attendre patiemment et ont tous bon espoir de ne pas repartir les mains vides. Plusieurs promesses d’apprentissage et d’alternance sont déjà avancées. Les masques ne cachent pas les yeux rieurs de ces anciens services civiques, profitant de leurs derniers instants tous ensemble. Thierry Lizola affiche lui aussi son plus grand sourire. Le dispositif sera reconduit l’année prochaine, il vient de l’apprendre de la bouche de Laurent Simonin, le directeur territorial de la police de Mayotte. Une nouvelle qui vient souligner le succès de l’opération, même si le nombre de jeunes qui auront un emploi n’est pas encore connu. “Mobiliser les employeurs, c’est déjà une réussite”, conclut Thierry Lizola.

Candidat à la présidence du Département, Issa Issa Abdou brigue la continuité

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Actuellement 4ème vice-président du conseil départemental, Issa Issa Abdou souhaite renouveler ses engagements avec le Département en montant d’un cran. Il vise cette fois-ci la présidence avec des projets ambitieux pour le développement du territoire. Autoproclamé candidat du parti MDM progressiste, il souhaite mettre de côté les divisions politiques et rassembler tout le monde autour d’un projet commun pour Mayotte.

Flash Infos : Vous êtes 4ème vice-président du Département, chargé de l’action sociale, de la solidarité et de la santé. Quel bilan faites-vous de votre mandature ?

Issa Issa Abdou : Que de chemin parcouru ! La lucidité commande de ne pas dire que nous avons tout réussi parce que nous ne réussissons pas complètement dans le social, les enjeux sont colossaux. Il y a beaucoup à faire, mais nous pouvons nous réjouir d’avoir mis en place tout ce que nous avons réussi à faire. S’agissant de l’aide sociale à l’enfance par exemple, nous avons renforcé les familles d’accueil, nous sommes passés d’une centaine au double aujourd’hui. Nous avons aussi crée des lieux de vie et d’accueil à travers les associations, nous avons créé les maisons d’enfants à caractère social (MECS) qui n’existaient pas jusque-là. En matière de PMI, nous av ons favorisé leur montée en puissance, et nous avons engagé la construction de 11 PMI et d’un centre médico-social. On nous reproche même de trop en faire, mais pour moi c’est un compliment. L’action sociale c’est aussi ce que nous avons fait pour les personnes âgées, à l’exemple des services d’aide à domicile et bien d’autres projets. Dans mon canton, nous avons fait des choses aussi, je pense aux deux routes agricoles de Mavigoni sous les hauteurs de Dembeni, au travail que nous avons fait en commun avec les maires, etc.

FI : Pour quelles raison avez-vous décidé de briguer la présidence du Département ?

I. I. A. : J’ai la naïveté de penser que nous pouvons continuer le travail commencé. Je considère qu’avec le président Soibahadine, en six ans, nous avons créé les conditions de développement de ce territoire. Il faut en finir avec le zapping politique permanent, il faut jouer la continuité lorsque nous le méritons. Il faut avoir le temps de poser les choses, en une mandature nous n’avons pas le temps de tout faire.

FI : Avec cette campagne, n’est-ce pas un moyen de tester votre popularité en vue des échéances électorales ?

I. I. A. : Croyez-moi, ce n’est pas une ambition personnelle. Je suis convaincu, avec des amis, qu’il faut préparer l’avenir. Nous avons un projet pour Mayotte, une vision pour ce territoire. Nous avons une vision de gouvernance qui va impliquer la population, les collectifs des citoyens, un conseil de sages, un conseil de jeunes, faire en sorte que ces outils de démocratie vivent. De la même manière, je pense qu’il faudra trouver un espace pour que l’ensemble des élus de ce territoire, les maires, les conseillers départementaux, se retrouvent lors des grandes décisions avec comme chef de file, le président du Département. Là nous pourrons parler au nom des Mahorais.

FI : Le Département consacre la plus grosse enveloppe de son budget au social. Allez-vous continuer dans cette lancée si vous êtes élu ?

I. I. A. : Nous avons mis un accent très fort sur le social, il faut continuer parce que tout n’est pas fait, notamment sur la question de la convergence et de l’alignement des droits sociaux. Nous ne sommes pas des sous-Français, nous ne sommes pas un sous-département français, donc la bataille doit continuer en ce sens. Mais la prochaine mandature sera surtout consacrée à tout ce que nous n’avons pas fait pendant les six ans qui viennent de s’écouler, c’est-à-dire le volet régional. La double loi de 2010 considère Mayotte comme un département mais aussi une région. L’autre volet région doit être développé, parce que nous exerçons les compétences, sans les moyens. C’est la région qui aménage le territoire et cela permettra de donner le coup de fouet au développement de Mayotte..

FI : Quels seront les projets qu’il faudrait développer en urgence au sein du Département ?

I. I. A. : La première urgence est d’en finir avec les embouteillages, je veux que cela soit un curseur important de la prochaine mandature. Ces embouteillages sont indignes d’un département français. Le contournement de Mamoudzou par le haut est une priorité absolue. Nous devons également faire la route entre Petite-terre et Grande-Terre. Les amoureux de la barge auront toujours la possibilité de la prendre, mais ceux qui veulent aller vite doivent avoir une autre alternative. La gare maritime d’Iloni est un projet qui me tient aussi à cœur et qui n’a pas vu le jour. Si nous voulons que ces projets aboutissent, il faut assurer une continuité.

Mayotte doit également intégrer l’espace Schengen pour en finir avec les séjours « made in Mayotte ». Ainsi, ceux qui ont un titre de séjour ici pourront circuler partout sur le territoire national et nous pourrons alors désengorger l’île. Sans oublier la circulaire Taubira : nous devons la faire jouer et permettre aux mineurs isolés d’être envoyés ailleurs. Mais nous ne pouvons pas oublier l’éducation et la formation, notre meilleur atout. J’adore l’idée des cordées de la réussite. Faire en sorte qu’un enfant de Mayotte, issu d’un milieu modeste, puisse viser les plus grandes écoles et lui garantir un emploi. C’est pour moi le rêve mahorais. Il faut aussi nous interroger sur les métiers de demain pour former utile et garantir un travail aux personnes formées.

Nous devons aussi aider les agriculteurs mahorais à produire plus, à écouler leurs produits, à les transformer, c’est ce qui nous permettra d’assurer une autonomie alimentaire. Il faut que le Département accompagne les agriculteurs et les pêcheurs pour que nous consommions local, tout en travaillant avec les pays de la région. Nous ne pouvons pas non plus passer à côté de l’insécurité. La question de la sécurité au sens stricte est une compétence de l’État, mais au sens large c’est la responsabilité de tout le monde. Beaucoup de caractéristiques entrent en jeu et nous pouvons développer un vrai pacte avec des partenaires. Je n’ai pas peur de dire que l’insécurité a un lien direct avec l’immigration clandestine.

FI : Vous considérez être membre du MDM progressiste alors que le MDM classique vous renie. Quelle est finalement votre couleur politique ?

I. I. A. : Je suis Mahorais, mon parti c’est Mayotte, c’est la meilleure couleur politique qui soit. Hassani Abdallah m’a investi, j’en suis honoré et heureux mais nous ne nous arrêtons pas à cela. Je veux rassembler le plus largement possible. Nous devons en finir avec les chapelles parce que c’est contre productif. J’appelle au rassemblement le plus large. C’est Mayotte qui doit être mis en avant.

Lycéen poignardé en Petite-Terre : les élèves crient leur colère devant les grilles

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Les lycéens et une partie des enseignants de l’établissement scolaire de Pamandzi ont à leur tour manifesté leur ras-le-bol vendredi, après l’agression, grave mais non fatale fort heureusement, d’un camarade de classe jeudi dernier, à la sortie des cours. Empêchés de sortir dans les rues de la commune, les élèves ont fait part de leur mécontentement devant les grilles.

Libérez, les élèves ! Libérez, les élèves !” Il est près de 10h ce vendredi en Petite-Terre et une foule se presse des deux côtés des grilles du lycée de Pamandzi. À l’intérieur, le gros des troupes patiente les bras croisés, l’air un peu las. Mais côté rue, les lycéens venus prêter mains fortes à leurs camarades entonnent des slogans au son du reconnaissable tamtam frappé sur le couvercle d’une poubelle. “Ils ne veulent pas les laisser sortir, alors que nous, on voulait aller manifester à la mairie de Labattoir et de Pamandzi”, explique Nazlie, une élève de seconde.

La raison de cette mobilisation, à la veille des vacances ? L’attaque, la veille, d’un des leurs, poignardé au thorax alors qu’il sortait de cours, jeudi vers 16h. “On en a marre, ce n’est pas la première fois… Leur discours, c’est juste de nous dire d’aller en cours et de trouver nous-mêmes des solutions. Mais quand on sort, on se fait tuer !”, déverse l’adolescente en colère, aussitôt approuvée par les hochements de tête énergiques de ses camarades.

 

Attendu à la sortie des cours

 

D’après la petite troupe, “Gaga”, élève en Terminale au lycée de Petite-Terre sortait tout juste de l’établissement quand il a été poursuivi par ses agresseurs. Lesquels l’attendaient visiblement à la sortie des cours. D’après le proviseur Didier Piolat, l’attaque s’est déroulée à une centaine de mètres du lycée. Lundi, le même jeune homme avait déjà reçu un coup de couteau, plus superficiel, dans le dos. Ce jeudi, il finira sa course au bloc, où il sera opéré en urgence. Son état était stable vendredi, d’après nos informations.

Reste que l’attaque a fait l’effet d’une goutte d’eau pour le lycée de Petite-Terre, après les décès de deux lycéens, Miki et Momix, à une semaine d’intervalle, les 9 et 15 avril dernier. “Ils viennent et ils attendent à la sortie du lycée. C’est ce qu’ils font tous les jours. On veut du changement !”, tambourine Maïssa, une élève de première. Dans son viseur : les forces de l’ordre, présentes “là, pour nous empêcher de sortir et faire semblant de faire la sécurité”, mais “jamais quand il y a des bagarres”.

 

Souvenir d’un weekend macabre

 

Sur ce petit morceau du département, ces agressions successives ont aussi ravivé le souvenir encore brûlant des violents affrontements entre La Vigie et Cetam, qui avaient provoqué la mort de trois personnes en janvier. “C’est pas que les gars qui sont dans des bandes qui se font tuer”, souligne Nazlie. “Quand il y a de la violence, soyez avec nous ! On a fait une minute de silence quand le jeune a été décapité”, renchérit avec une pointe d’amertume Maïssa, en référence au meurtre de Steven, tué d’un cou de couteau sur la gorge, lors de ce week-end sanglant.

 

Les enseignants débrayent, les élèves suivent le mouvement

 

Ce vendredi, “Bassi Ivo” était donc une fois de plus le maître mot, pour la quatrième fois au moins, en l’espace d’un petit mois. À l’origine, c’est un petit débrayage des enseignants, de 45 minutes, qui a donné le go de cette nouvelle matinée de mobilisation, à 7h. Une initiative suivie par une cinquantaine d’enseignants, confirme le proviseur Didier Piolat. “Moi, personnellement, en tant qu’enseignante, j’ai été choquée par cette agression, donc j’ai refusé de prendre mes élèves. En dix ans, c’est la première année où je ressens une telle tension”, explique une enseignante entre deux barreaux de fer.

Par la suite, des élèves, menés par leurs délégués, ont organisé un sit-in dans l’enceinte de l’établissement. “Certains se sont alors un peu agités, et ils ont fait pression pour sortir”, explique une autre professeure. C’est à ce moment-là que le principal a pris la décision de fermer les grilles. En tout, environ 400 élèves ont donc attendu patiemment la fin officielle des cours, à 11h05 pour s’échapper dans la nature. “En tant que responsable, je me dois d’assurer la sécurité des élèves, donc nous n’avions pas l’intention de les laisser sortir”, justifie le responsable, qui a proposé d’organiser une réunion avec les élèves, les parents, les enseignants et la gendarmerie, le mardi de la rentrée, à 16h.

Transport scolaire à Mayotte : « Nous ne partons pas au travail mais à la guerre »

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Vendredi dernier, les chauffeurs de bus scolaires ont une nouvelle fois usé de leur droit de retrait la veille des vacances scolaires. Leurs conditions de travail qui ne s’améliorent pas les ont poussés à prendre cette décision même si cela a un impact sur la scolarité des élèves. Beaucoup de jeunes n’étaient pas au courant du mouve-ment et se sont retrouvés démunis.

5h30, au point de ramassage scolaire de l’amphidrome à Mamoudzou, les élèves commencent à s’impatienter. Leurs bus ont quelques minutes de retard, et aucun ne se montre à l’horizon. « Ce n’est pas normal », dit un lycéen en secouant la tête. Les spéculations vont bon train, les jeunes s’interrogent entre eux et très vite, ils comprennent qu’aucun véhicule scolaire ne les emmènera jusqu’à leurs établissements scolaires respectifs ce vendredi 30 avril. Tous ignoraient l’information, une situation qui les exaspère particulièrement dans ce contexte tendu, où les élèves sont les cibles d’actes de barbarie. « Je ne comprends pas pourquoi nous n’avons pas été prévenus. Normalement, ils le di-sent partout dans les journaux et là, ce n’est pas le cas. Et si on se fait agresser dans la rue ? », s’agace Riziki, une lycéenne. Elle est particulièrement inquiète puisqu’elle est originaire de Doujani, une circonstance aggravante selon elle. « On sait tous ce qu’il se passe [là-bas] », ajoute-t-elle, sans en dire d’avantage. Riziki n’a pas voulu prendre de risque alors elle a pris un taxi depuis chez elle jusqu’au point de ramassage de Mamoudzou à côté des quais de la barge. Mais les quelques sous qu’il lui reste en poche ne lui permettent pas d’en prendre un deuxième. Elle décide donc de continuer son chemin à pieds jusqu’au lycée des Lumières.

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Un groupe d’une dizaine d’adolescents la suit, n’ayant pas d’autres alternatives. « Je marche jusqu’au lycée, parce que j’ai un examen aujourd’hui, alors je ne peux pas sécher les cours », explique Oumaya qui vient de Petite-Terre. « Je suis obligée d’aller à l’école, c’est pour cela que je marche, mais ça m’énerve un peu quand-même », ajoute l’une de ses camarades. S’ils longent le trottoir qui relie le centre de Mamoudzou à Kaweni, la marche semble moins pénible entre amis. Pour preuve, les jeunes rient entre eux et s’arrêtent même pour se prendre en photo.

Les élèves disent comprendre le droit de retrait des conducteurs de bus solaires, mais regrettent ne pas avoir été mis dans la confidence plus tôt. Alors si les plus déterminés vont à pieds jusqu’à leurs établissements scolaires respectifs, d’autres préfèrent tout simplement rebrousser chemin. À l’exemple d’Edanis qui habite à Kaweni et qui est scolarisé au lycée de Petite-Terre. « C’est en arrivant à Dzaoudzi que j’ai appris en même temps que les autres qu’il n’y avait pas de bus… Je préfère donc rentrer chez moi. » Le jeune homme est plutôt ravi d’être en vacances avant l’heure, comme les nombreux élèves qui manquent à l’appel dans les collèges et lycées ce jour-là. La valse des bus scolaires qui se joue tous les matins aux abords des établissements a laissé place au calme.

 

Des conditions de travail insupportables

 

Les bus tant attendus par les jeunes se trouvent aux remblais à M’tsapéré avec leurs chauffeurs. Pare-brises fissurés, vitres remplacées par du plexiglas, chacun est venu au point de rassemblement avec son engin caillassé pour prouver leur quotidien sur la route. Tous racontent leurs mésaventures, tous ont déjà reçu un jet de pierre alors qu’ils transportaient des élèves. « La question n’est pas de savoir si on a déjà été caillassés, la question est de savoir combien de fois on l’a été », relève l’un d’eux. Chacun y va de sa petite anecdote, certains plus touchés d’autres. Naouiroudine Maoulida, conducteur de bus scolaire depuis quatre ans, a vécu son premier caillassage il y a seulement quelques jours, et en est encore tout chamboulé. « Quand une vitre est cassée, les jeunes crient et ça perturbe beaucoup le chauffeur. Ce sont leurs cris qui m’ont déstabilisé, je ne savais pas quoi faire », raconte-t-il. Il s’en sort avec une simple vitre brisée à réparer et aucun blessé à déplorer.

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Mais les blessures psychologiques sont encore profondes. « Après ce qu’il m’est arrivé, j’étais désorienté. C’est un tel choc… », admet Naouiroudine Maoulida. Ces collègues auraient aimé être soutenus psychologiquement puisque le poids sur le moral est bien présent. Et toutes leurs familles en pâtissent. « Ma mère m’appelle tous les matins pour vérifier si tout va bien et si ma femme ne me voit pas à la maison à 7h30, elle s’inquiète », argumente un chauffeur. Les caillssages sont une chose, mais les professionnels redou-tent également les agressions à l’intérieur de leurs véhicules. « On ne peut pas fouiller les sacs alors que certains jeunes montent dans nos bus avec des armes », affirme l’un d’eux. « Nous ne partons pas au travail, mais à la guerre », lance un autre. Tous estiment être constamment en danger quand ils transportent les élèves, il est donc grand temps pour eux de mettre fin à ces conditions de travail insupportables.

 

Dernière mise en garde

 

L’année dernière, les chauffeurs de bus scolaires étaient déjà en grève pour dénoncer les mêmes problèmes. Différentes autorités avaient alors essayé de calmer le jeu. L’État, le Département, le rectorat, l’association des maires, et les entreprises de transports sco-laires avaient même signé un protocole de fin de conflit en novembre 2020 où chacun s’engage à des obligations pour assurer la sécurité des professionnels et des enfants. « Cinq mois plus tard, nous nous rendons compte que la plupart de ces mesures n’ont pas été respectées. À l’issue de la signature, il y a certaines choses qui ont été faites, par exemple la mobilisation des forces de l’ordre en zones police et gendarmerie, mais ça a été de la poudre de perlimpinpin, ça n’a duré que quelque temps », affirme Yasmina Ma-bouroukou, une membre du conseil syndical de l’UICFDT. Excédés de ne voir aucun changement au fil des mouvements, les organisations syndicales font une dernière mise en garde à travers ce droit de retrait. « Nous voulons mettre face à leurs responsabilités tous ceux qui ont signé ce protocole. Nous demandons juste qu’il soit respecté. Si nous n’avons pas de réponse d’ici deux semaines, la position de la CFDT est de ne pas effec-tuer le ramassage des élèves à la rentrée », prévient Yasmina Mabouroukou. Les autori-tés prendront-elles ces menaces au sérieux ? Réponse dans deux semaines.

Bijouterie de Mayotte : un trésor encore (trop) peu exploité

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La chambre des métiers et de l’artisanat, en partenariat avec son service de développement économique, a présenté en fin de semaine dernière un panorama du secteur de la bijouterie à Mayotte. Un constat clair en ressort : le secteur a besoin d’accompagnement pour se développer. Et pourrait ainsi devenir un secteur clé de l’île.

Bijoux en forme de fleur d’ylang, pendentifs représentant Mayotte, bagues fleuries, les bijoux dits de Mayotte sont très rapidement identifiés. Et si une grande partie des familles sur l’île en possède, il est difficile d’en trouver dans le commerce. Il existe en effet peu de vitrines où l’on peut retrouver le travail de l’or mahorais. Si le 101ème département compte pas moins de 25 entreprises de fabrication de joaillerie et de bijouterie, la majorité des bijoutiers n’ont pas de locaux. Les artisans travaillent de chez eux et n’ont pour la plupart pas les moyens d’exposer leurs créations. Cette absence de présentation fait que les touristes représentent une faible part des acheteurs de bijoux sur l’île. Seuls 15% des bijoux produits sont achetés par des visiteurs. Le service de développement de la Chambre des métiers aimeraient donc inciter les bijoutiers à s’exporter à l’international.

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Mettre le secteur au goût du jour

 

Maintenant que les bijoutiers et leurs problématiques ont été identifiés, un accompagnement adapté peut être mis en place. Pour se développer, ces professionnels ont besoin de se moderniser. Par exemple, peu d’artisans de l’île se trouvent sur les réseaux alors que ce moyen de communication pourrait leur permettre de les mettre en lumière à Mayotte et ailleurs… D’abord grâce à la diaspora mahoraise en métropole et ensuite pourquoi pas, au quatre coins du monde. Le développement du secteur passe aussi par une mise en commun du travail des bijoutiers de l’île. Une coopérative a déjà été instaurée pour permettre aux artisans de faire venir l’or, l’argent, et les pierres précieuses en gros, pour en réduire le prix. L’idée serait aussi d’investir dans des machines, notamment pour les finitions, pour baisser encore une fois les coûts.

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Un manque criant de formation

 

L’art des métaux précieux est culturel à Mayotte, c’est un métier qui se transmet de père en fils depuis des générations. Les techniques, les outils, les motifs, tout se répète au fil des décennies. Mais la profession est vieillissante : 95% des artisans ont plus de 40 ans et presque 40% ont plus de 60 ans. Pour ne pas perdre cet aspect de la culture mahoraise, la formation de jeunes bijoutiers doit être encadrée aussi bien par l’Éducation nationale que les professionnels du secteur. Ainsi, la CMA aimerait instaurer un CAP bijoutier sur le territoire, dans l’espoir d’éviter de perdre ce savoir-faire. “Si ce métier meurt, il y a une partie de Mayotte qui meurt”, utilise Ismael, chargé de projet à la CMA, pour traduire l’importance de la continuité du métier sur l’île. Le travail des bijoux sur l’île fait partie intégrante du patrimoine. Il est donc primordial de le conserver mais aussi de le consolider pour en faciliter le rayonnement et le développement. Bientôt, les parures d’or ne seront peut-être plus réservées qu’aux mariées et les fleurs d’ylang seront portées partout sur terre… Qui sait ?

“Réglez vos factures au plus près de chez vous” avec les nouvelles bornes de paiement EDM

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Trois nouvelles bornes “Paiement Express” d’EDM devraient voir le jour à Dembéni, Koungou et M’tsamboro d’ici la fin de l’année 2021. Vendredi matin, le directeur général d’Electricité de Mayotte, Claude Hartmann, a accueilli les maires de ces différentes communes afin de signer les conventions de partenariat pour l’implantation de bornes de paiement dans leurs localités.

L’enjeu d’EDM c’est d’être au plus près de son territoire”, affirme Nassim Saïd, chef de projet en charge de l’implantation des bornes EDM dans le 101ème département français. Depuis 2019, le fournisseur d’électricité a signé cinq conventions de partenariat pour la création de bornes à Chirongui, Combani, Dzoumogné, Mamoudzou et Pamandzi. À terme, l’entreprise espère en installer dix autres sur l’ensemble du territoire mahorais.

Parmis nos 48.000 clients, un particulier sur quatre paie en espèce au guichet. Le temps d’attente moyen aux caisses est de 66 minutes. Ce sont 66 minutes de trop !”, affirme Nassim Saïd. Avant de revenir sur les bienfaits de ce nouveau dispositif, dont le but consiste à offrir un gain de temps non négligeable à ses usagers. “Suite à notre expérimentation avec la première borne automatique mise en place sur notre site de Kawéni, nous observons aujourd’hui une baisse de fréquentation des caisses de Kawéni de -67% entre 2018 et 2020. La fréquentation de la borne quant à elle a connu une augmentation de +134% durant la même période”, se félicite-t-il au moment de détailler ces statistiques.

“Décentraliser les moyens de paiement pour nos clients”

Concernant l’installation de ces bornes, rien n’a été laissé au hasard. L’objectif ? Répondre aux besoins des Mahorais en limitant les files d’attente et les déplacements et ainsi faciliter le paiement des factures. Bientôt, tous les usagers d’EDM pourront se rendre à la borne la plus proche de chez eux pour régler leur redevance en électricité. Ils éviteront alors les frais de relance et les risques de coupures électriques dans leur logement en cas d’impayé ou de retard de paiement.

Et c’est au tour de Dembéni, Koungou et M’tsamboro de passer ce pas d’ici la fin de l’année 2021. “Nous avons choisi l’emplacement des bornes en fonction du bassin de population mais aussi des axes stratégiques (commerces, services publics, circulation…). Enfin, nous avons analysé l’origine des paiements des caisses et de la borne de Kawéni pour adapter au mieux les nouvelles bornes aux attentes de nos clients”, annonce Nassim Saïd, très fier de l’innovation portée par la compagnie et soutenue par les municipalités.

Au total, les huit bornes représentent un investissement de 640.000 euros d’achat et d’aménagement en dehors des frais d’exploitation et de maintenance. Les communes partenaires du projet s’engagent à “mettre à disposition du foncier” et à assurer la “construction du local”. L’entreprise EDM prend en charge quant à elle “la fourniture de la borne de paiement ainsi que des éléments de sécurisation de celle-ci, l’aménagement intérieur du local, l’installation et l’alimentation électrique, la fourniture et la pose de la signalétique, l’entretien de la borne et la gestion quotidienne de celle-ci.” Par ce projet, Électricité De Mayotte espère également participer à “l’effort environnemental du territoire” en limitant les déplacements, notamment vers son siège situé en plein cœur de Kawéni.

Au quartier M’Barazi, le temps venu des premiers logements moins chers mais décents

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Vendredi dernier, la communauté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou a organisé une visite de projection pour évoquer le futur quartier M’Barazi à Cavani Sud. Un projet qui a pour but de lutter contre l’habitat insalubre. Les habitants ont pu découvrir les travaux qui les attendent dans six mois et imaginer leur avenir.

Vendredi. 9h. Le soleil fracasse la terre ocre du quartier M’Barazi à Cavani Sud. Assises sur un coin d’ombre devant des friandises et des boissons frelatées, de vieilles dames tendent péniblement l’oreille pour entendre les propos d’un agent de la communauté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou, venu présenter les contours de l’opération de résorption de l’habitat insalubre. Le brouahah des allées et venues des deux roues saccadent la tenue des échanges. Au loin, les cris stridents des élèves de l’école maternelle résonnent sur les morceaux de tôle. Discrètement, la maman d’une petite fille s’approche alors de Jérémy et d’Alban, les représentants du bureau d’études ATU. « Ici, on ne touche pas hein Messieurs ?! », les alpague-t-elle, plan à l’appui entre les mains, histoire de s’assurer que son habitation ne s’écroulera pas comme un château de cartes lors des premiers coups de pelleteuse. Un balbutiement leur échappe, signe d’une réponse hasardeuse. Mais positive, semble-t-il, du moins sur le papier.

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Après la concertation, place à la visite de projection. La troupe, entourée des habitants, s’enfonce en plein cœur de ce « village » dans la ville. À quelques encablures de la mosquée où un homme passe la serpillère, un nouvel arrêt s’opère pour montrer l’emplacement des dix logements tiroirs. « Ce sera confortable, mais cela ne ressemblera pas à la SIM », souligne d’emblée Julien Beller, l’architecte gérant de la société à son nom. Avec un budget limité de 50.000 euros pour construire un T4 d’une superficie de près de 70 mètres carrés, il faut savoir réduire les coûts de manière drastique. « Il n’y aura pas de fenêtres mais des ouvertures en façade et des volets », précise-t-il, en observant les grands yeux de son auditoire. Le but de la manœuvre : instaurer une ventilation naturelle, tout en apportant un gage d’intimité pour les foyers. « Le gros enjeu est de bien définir les critères d’essences. »

 

Six mois de travaux à partir de septembre

 

Les travaux doivent commencer à partir de septembre pour une durée de six mois. Le temps nécessaire pour ériger ce premier bloc, mais aussi pour enfouir tous les réseaux nécessaires (électricité, eau potable, eaux usées, téléphone) et refaire un chemin d’accès digne de ce nom. « Pour avoir une route bien stable, cela va quelque peu déranger le voisinage », prévient Julien Beller, au détour d’une conversation avec quelques curieux. D’ici un an, viendra l’heure de la seconde phase, avec au total pas moins de 162 nouveaux logements collectifs sur deux ou trois étages, ainsi qu’une aire de jeux, un équipement petite enfance et des commerces.

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Si le projet global a de quoi faire saliver, plusieurs préoccupations occupent les pensées des uns et des autres. L’une d’elles revient couramment : « Y aurai-je droit ? » Une équation à plusieurs inconnues puisque tout dépend de la situation administrative de chacun. « Mes démarches sont en cours… Certains de mes enfants sont Français, d’autres non », s’inquiète un père de famille, effrayé à l’idée de se retrouver à la rue avec toute sa tribu. Seule certitude à l’heure actuelle : une équipe d’assistantes sociales doit procéder à un recensement pour déterminer leur devenir au sein de ce quartier. « Ce n’est pas la loi Elan, nous ne viendrons pas tout détruire du jour au lendemain », tend à rassurer Cathy Planty, de la Cadema.

Perché sur des pneus, Omar Abdallah écoute attentivement les annonces transmises au cours de la matinée et ne cache pas ses doutes. « On a tout compris ce que vous dites, mais on n’est pas tranquilles, on a peur », dit-il d’une voix tremblante. Avant que l’espoir d’un avenir plus radieux prenne le dessus sur ses craintes. « Ma mère est vieille, elle ne peut plus se déplacer… Ce serait merveilleux si on arrive à obtenir un logement », s’enthousiasme finalement le jeune homme. L’air songeur, il dévale la route à toute vitesse pour partager la (bonne) nouvelle entre deux sautillements.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes