Le projet de loi pour Mayotte annoncé par le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu, fera ses premiers pas dès ce lundi 3 mai. Le calendrier s’étale sur un peu moins d’un mois. Toute la population de l’île aux parfums pourra contribuer à la concertation à travers différents forums. Cinq axes seront abordés, l’objectif pour le préfet est de rendre la copie le 1er juin.
« Le ministre souhaite que ce projet soit inspiré par les Mahorais pour qu’il corresponde aux attentes des Mahorais. » Le préfet Jean-François Colombet donne le la pour la fameuse loi programme annoncée par Sébastien Lecornu à l’occasion de la commémoration des dix ans de la départementalisation. La population de l’île est fortement conviée à prendre part aux échanges qui se dérouleront du 3 au 21 mai. Pour cela, la préfecture met en place des forums de concertation pour les citoyens lambda d’une part, et pour les institutions et les élus d’autre part.
Le premier sera un forum citoyen qui aura lieu ce lundi 3 mai à Dembéni. Le deuxième sera organisé à Sada le 14 mai et le troisième forum citoyen se tiendra à Tsingoni le 19 mai. Et pour s’assurer que chacun puisse réellement s’exprimer, il y aura des traducteurs de shimaoré et de kibushi. Plusieurs adresses mails seront également créees pour ceux qui ne pourront pas se déplacer. Les mairies et le lieu d’accueil de la préfecture à Mamoudzou seront également mis à contribution puisque les habitants pourront écrire leurs bonnes idées dans des cahiers installés dans ces différents lieux.
En parallèle, le délégué du gouvernement ira directement au contact de la population à travers cinq audiences libres dans différentes communes, où encore une fois chacun pourra faire part de ses ambitions pour Mayotte. L’objectif est de récolter toutes les bonnes idées, les regrouper afin d’en faire une synthèse. « Ce n’est pas un rendez-vous parisien en chambre, c’est Mayotte qui va se saisir et écrire ce projet de loi », martèle Jean-François Colombet. La dernière consultation aura lieu le 21 mai. Un gros travail de rédaction devra ensuite être effectué pour rendre le dossier des propositions le 1er juin au ministre des Outre-mer.
Un projet de loi qui s’articule autour de cinq axes
Si au départ, quatre thématiques avaient été évoquées pour ce projet de loi, le gouvernement a décidé d’en rajouter une cinquième. La consultation portera sur l’égalité des droits sociaux, le renforcement de l’état régalien, l’accélération du développement de Mayotte, le renforcement du conseil départemental, et la jeunesse et l’insertion. « Le ministre a parlé de projet sans tabou, inspiré, pensé et nourri par les forces vives de Mayotte », insiste le locataire de la Case Rocher. Et pour trouver cette force vive, le calendrier du préfet s’adapte à la réalité mahoraise. Pendant le mois de ramadan, toutes les réunions se dérouleront dans la matinée pour rassembler plus de monde.
Les projets visant à développer Mayotte ne manquent pas. Au fil des gouvernements, les Mahorais ont vu défiler plusieurs plans, mais peu de concret. Alors beaucoup de scepticisme rode autour de cette loi programme. Jean-François Colombet en est conscient et répond aux polémiques. « Ceux qui disent que ce projet de loi est de la poudre de perlimpinpin sont des gens qui ne connaissent pas la vie publique française, qui manquent de culture générale. » Il le sait, le calendrier parlementaire est saturé, le projet de loi ne sera jamais adopté avant la fin du quinquennat. « Ce qui nous intéresse est l’adoption au conseil des ministres. Parce que si un texte est adopté au conseil des ministres, il sera obligatoirement présenté au Parlement, même si ce gouvernement n’est pas reconduit », explique le haut fonctionnaire. Ce dernier espère un réel engouement autour de ce projet de loi qui est « une chance historique ». Attendons la concrétisation de cette loi pour l’affirmer.
Il est 7h30 ce vendredi matin lorsque débute le travail de la brigade bleue. Accompagnés des employés du service technique de la communauté de communes de Petite-Terre, les membres de la brigade commencent le nettoyage des plages.
Chaque jour, l’équipe de la brigade bleue sillonne le rivage de la plus petite des deux îles de Mayotte et le débarrasse des déchets ramenés par la marée durant la nuit. “Notre action s’étend sur une douzaine de plages de la Petite-Terre. Aujourd’hui, les brigades ont pour mission de nettoyer la plage du Faré de 7h30 à 11h”, prévient, quelques minutes après le lever du soleil, Ismael Hassanali, le directeur du service technique de la communauté de communes de Petite-Terre. Matinale, ma brigade bleue se compose de trois membres en poste depuis septembre 2020. Des emplois spécifique pensés et créés il y a moins d’un an dans le cadre d’un projet de valorisation du territoire et d’insertion professionnelle des Petits-Terriens.
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À la brigade bleue comme au service technique, les employés ont signé un contrat d’insertion d’un an renouvelable. L’intercommunalité s’engage également à offrir une formation professionnelle aux travailleurs qui le désirent. L’activité de valorisation des plages permet aux travailleurs de s’impliquer dans le développement économique de leur île en favorisant l’activité touristique. Cet emploi leur donne aussi une occasion de remettre le pied à l’étrier et d’accéder par la suite au monde du travail.
“Essentiel de valoriser les richesses naturelles du territoire”
Et les parcours de la bande de nettoyeurs varient du tout au tout. À l’instar de Karim Yasser, qui avait déjà connu une activité dans ce domaine par le passé. “J’ai postulé à la brigade bleue, car j’avais déjà occupé des postes similaires. J’ai travaillé en tant que volontaire en service civique. Je faisais des missions pour sensibiliser les administrés à la préservation de la nature et à la gestion des déchets.” Rien de bien nouveau pour ainsi dire, à l’exception qu’il met désormais davantage la main à la patte.
À l’inverse de son collègue Daniel Mkadara, qui a découvert ce métier sur le terrain en intégrant l’équipe. “J’ai pris conscience de l’importance de la sauvegarde des espaces naturels de Mayotte. Je souhaiterais continuer à travailler dans l’environnement, car c’est essentiel de valoriser les richesses naturelles pour développer le tourisme sur notre territoire. Lorsque les plages sont propres, on fidélise les gens. Ils reviennent aux mêmes endroits et profitent pleinement de la beauté de notre île”, argumente-t-il, visiblement satisfait de son expérience au sein de la collectivité.
Le tri des déchets, un enjeu fondamental à Mayotte
Mais ce n’est pas tout, la communauté de commune de Petite-Terre ne se contente pas seulement de redonner une seconde jeunesse aux plages. Elle peut également compter sur sa déchetterie à ciel ouvert, située non loin de l’aéroport et ouverte au public tous les derniers samedis du mois, pour que la population puisse venir y déposer ses encombrants, ses déchets verts et sa ferraille. L’entreprise Star se charge ensuite d’acheminer les déchets récoltées jusqu’à la déchetterie de Dzoumogné, sur Grande-Terre, afin de les recycler. Bientôt, les habitants pourront également venir déposer leurs huiles de vidanges et leurs batteries afin que celles-ci soient valorisées par le centre de tri des déchets.
La Convention nationale des associations de protection de l’enfant vient d’élire pour trois ans son premier délégué régional pour l’océan Indien, en la personne de Dahalani M’Houmadi, directeur général de Mlézi Maoré. Il aura pour mission de fédérer les acteurs de Mayotte et de La Réunion mais aussi de collaborer avec les institutions pour proposer un suivi et un accompagnement de la meilleure qualité possible.
Flash Infos : La semaine dernière, vous avez été élu pour une durée de trois ans aux fonctions de délégué régional de la CNAPE, la fédération des associations de protection de l’enfant pour l’océan Indien. Comment s’est actée cette nomination ?
Dahalani M’Houmadi : La CNAPE est une tête de réseau national, qui n’avait jusqu’alors pas encore de délégation dans l’océan Indien. Elle a rassemblée ses adhérents, qui interviennent dans la protection de l’enfance, le handicap, le pénal et la jeunesse, et a demandé de voter parmi eux un membre qui les représenterait devant les institutions. En tant que directeur général de Mlézi Maoré, j’ai décidé de me présenter car je suis très attaché à cette cause noble qui est la défense des enfants. Et pour une fois, ce n’est pas plus mal d’avoir une représentation régionale à Mayotte, alors que d’habitude, elle se situe toujours à La Réunion.
C’est une grande première ! Mercredi après-midi, j’étais encore en visioconférence avec la CNAPE nationale qui me disait que chaque entité régionale avait ses modalités de fonctionnement. Ce sera donc à nous de définir nos priorités et notre manière d’interagir.
FI : Concrètement, qu’est-ce que cette nouvelle corde à votre arc va changer dans votre emploi du temps ?
D. M. : Je vais, bien évidemment, devoir me dégager du temps chez Mlézi, peut-être une demi-journée ou une journée par semaine, pour m’occuper de mes nouvelles fonctions. Il y a déjà quatre rendez-vous annuels à Paris pour échanger avec l’ensemble des délégués régionaux sur nos pratiques respectives et redescendre ensuite à l’échelle locale les actualités nationales.
Dans l’océan Indien, j’ai en charge de réunir tous les acteurs de la protection de l’enfance. Une première réunion devrait se tenir au mois de juin pour indiquer les sujets prioritaires à porter sur les cinq prochaines années et la fréquence de nos rencontres. Au début, elles seront vraisemblablement soutenues pour trouver le bon rythme de croisière. L’autre élément important sera d’aller à la rencontre des différentes institutions, à Mayotte comme à La Réunion, telles que les conseils départementaux, les préfectures, les agences régionales de santé ou encore les protections judiciaires de la jeunesse, dans le but d’élaborer une politique publique locale.
Avant cette nomination, j’étais un simple gestionnaire dans le domaine du médico-social et je faisais ce que l’on me demandait. Avec cette nouvelle casquette de garant, j’aurai à cœur d’être force de propositions pour que les droits de l’enfant soient respectés dans ces deux territoires. En la jouant collectif, tout ce que nous arriverons à en tirer sera du bonus, aussi bien pour les associations compétentes que le public accompagné.
FI : Au cours de la dernière mandature, le Département de Mayotte a redoublé d’effort en matière d’action sociale. Alors que les élections approchent à grand pas, que comptez-vous faire pour que la prochaine majorité ne saborde pas tout le travail entrepris ?
D. M. : L’une des premières actions sera de rencontrer les candidats aux élections départementales et de leur présenter l’expertise du réseau de la CNAPE pour leur indiquer les points de priorité et les démarches à engager au profit des enfants. Je suis plutôt un homme de compromis et de dialogue. Par conséquent, je vais prendre mon bâton de pèlerin, faire des plaidoyers, défendre des principes forts, tout en considérant les contraintes du territoire. À Mayotte, nous partons de loin, nous ne pouvons pas tout changer du jour au lendemain…
Au cours des six dernières années, un important travail a été réalisé avec la construction de maisons d’enfants à caractère (MECS) et le développement de services d’action éducative en milieu ouvert (AEMO). Mais il en faut d’autres ! Mon souhait est que la prochaine équipe de la majorité s’inscrive dans la continuité et amplifie le processus déjà engagé.
FI : Selon vous, quelles sont les pistes de travail à mettre en lumière concernant l’aide sociale à l’enfance ?
D. M. : Si nous prenons l’exemple des mineurs non accompagnés, nous avons encore des milliers d’enfants sans aucune référence parentale sur le territoire. Il faut accentuer la politique à leur égard. Même constat pour l’errance des jeunes non scolarisés. Le Département doit pouvoir se saisir de ces sujets-là, car s’ils ne sont pas pris en charge et mis à l’abri, ils risquent de tomber dans la délinquance, de caillasser, voire même de commettre des actes irréparables.
Par ailleurs, de plus en plus d’enfants cumulent les difficultés, comme ceux qui souffrent d’un handicap (troubles du comportement, etc.). Il faut travailler avec l’ARS pour trouver des solutions pérennes à destination de ce public. Or, à Mayotte elles ne sont pas très développées… Il faut donc s’inscrire dans une logique de transversalité et de parcours. Toutes les structures compétentes doivent se réunir autour de la table pour permettre à ces jeunes de se retrouver et d’être dans une démarche de bien-être.
Entre les Cavaliers de Mayotte et le parc équestre d’Hajangua, les relations ne sont plus au beau fixe depuis plusieurs années. Après trois ans de collaboration entre 2014 et 2017, l’association ne voit “plus d’autre choix que d’aller devant la justice”. Selon l’une des bénévoles, le club hippique tenterait d’accaparer des biens et des subventions dues à la structure associative.
Remontée comme un coucou suisse, une bénévole, maman de cavalière, ne décolère lorsqu’il s’agit d’évoquer la tournure des événements qui se profile au club hippique d’Hajangua. D’un côté, l’association les Cavaliers de Mayotte en avait besoin pour pouvoir faire monter gratuitement la jeunesse mahoraise, n’y ayant pas vraiment d’accès. De l’autre, le centre équestre profitait de cette aubaine lorsqu’il était au plus bas, notamment financièrement, pour former aux métiers de l’éducation et payer la monitrice. Mais une volonté de vendre le parc aurait terni leurs relations… Pour les bénévoles, le gérant Alain Chartier tente de vendre des biens qu’ils ont pu acquérir en tant qu’association, c’est-à-dire avec de l’argent public. Tandis que le propriétaire clame haut et fort que tout est en règle et que l’ensemble du matériel ainsi que les chevaux ont été financé par lui, en toute légalité. “Nous avons tous les justificatifs de nos achats et j’ai confiance en la justice pour rétablir la vérité”, avance-t-il, sensiblement irrité face aux accusations portées.
Une ex-coquille vide ?
Selon la présidente des Cavaliers de Mayotte, qui souhaite garder l’anonymat, la vente au collège de Combani en 2017 n’aurait pas abouti car “ils n’ont plus de chevaux”. “C’est les subventions publiques qui ont permis d’apporter des poneys.” En d’autres termes selon elle, “c’est une coquille vide” sans l’appui de sa structure. Propriétaire du Parc équestre du Lagon depuis octobre 2018, Alain Chartier tient un tout autre discours. L’homme se serait arrangé pour faire venir des chevaux sur l’île, en payant lui-même, après le rachat du parc. Selon ses dires, les aides de l’association ne n’ont servi qu’à financer la venue des équidés jusqu’au 101ème département. « Ils ont eu des subventions pour le transport, du coup ils réclament la totalité du club. Mais tout leur appartient si on les écoute !” Pour résumer, chaque partie rejette la faute sur l’autre et s’accuse mutuellement d’être des voleurs.
Rendez-vous devant la justice
Ex-membre des Cavaliers de Mayotte, Alain Chartier regrette de se faire lyncher de la sorte après avoir mis toute son énergie et ses économies dans ce projet de reprise. “Je suis un professionnel du cheval et je suis entré dans l’association pour assurer la continuité de l’équitation à Mayotte”, rappelle-t-il. Aujourd’hui, l’homme de 74 ans compare les bénévoles à “des plaisantins, qui cherchent à s’accaparer des choses qui ne leur appartiennent pas” et laisse ses “avocats gérer l’affaire”. C’est la justice qui devra finalement mettre au clair cette affaire. Les avocats du centre et l’avocate de l’association seront reçus dès lundi au tribunal de grande instance pour trancher.
Accusés d’avoir grièvement blessé le lieutenant-colonel Pech, commandant en second de la gendarmerie de Mayotte, lors d’un caillassage en 2017, six accusés sur les huit impliqués dans l’affaire, étaient présentés ce mercredi devant la cour d’assises des mineurs. Leur procès, à huis clos, court du 28 avril au 3 mai. Venu depuis la métropole accompagné de sa famille, le gendarme doit revivre cette nuit de terreur qui a à jamais bouleversé sa vie.
Le sourire du lieutenant-colonel Olivier Pech est resté intact, mais il lui a fallu plusieurs mois de rééducation pour réussir à l’afficher. Il a frôlé la mort et aujourd’hui plus que jamais il veut vivre. Vivre pour sa famille, pour sa profession, mais surtout pour voir ses agresseurs payer pour avoir brisé sa vie. Ce mercredi, devant la salle d’audience du tribunal judiciaire de Mamoudzou, le gendarme est serein. Il est entouré de sa femme et de ses deux enfants qui ont tous fait le déplacement depuis l’Hexagone pour soutenir leur mari et père. L’enjeu est de taille puisque l’agression du commandant a bouleversé toute la famille.
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Dans la nuit du 13 au 14 mai 2017, il est chez lui en train de préparer des burgers lorsqu’il reçoit un coup de téléphone. « Mon fils avait invité des copains pour fêter son pot de départ parce que nous allions quitter Mayotte deux mois plus tard. Je suis derrière la plancha en train de cuire des steaks puis on m’appelle pour me dire qu’il y a des caillassages en Petite-Terre, que les véhicules de la gendarmerie ont été dégradés et qu’on monte un dispositif de contrôle de zone », se souvient le lieutenant-colonel Pech. Une opération qui ne sort pas de ses habitudes : durant ses trois ans à Mayotte, le gendarme en a effectué une centaine.
Destin ou malchance, le père de famille de 46 ans n’est pas censé se rendre sur les lieux. Mais il insiste pour remplacer un collègue qui avait déjà eu une longue nuit. Il décide alors de former des troupes et de patrouiller dans les coins où se rassemblent les jeunes. À leur arrivée sur les différentes zones, surprise : c’est étonnamment calme… Mais alors qu’ils débarquent sur la dernière, les forces de l’ordre sont prises au piège dans un guet-apens. « De mon point de vue, il y a vraiment eu un plan échafaudé pour nous mener jusqu’au lieu de l’embuscade », déroule le lieutenant-colonel. Alors que le véhicule dans lequel il se trouve est en circulation, un groupe d’individus lance un pavé de 700 grammes qui atteint sa cible au visage. « À ce moment-là, je ressens un flash et une immense douleur. Je crois au début que j’ai un problème neurologique, puis je sens du sang couler sur mon visage. Je m’écroule sur le conducteur du véhicule et je ne me souviens plus de rien », raconte-t-il.
Le commandant vient de perdre connaissance. Le conducteur de la voiture fonce vers le dispensaire de Dzaoudzi, avant d’être transféré au centre hospitalier de Mayotte puis évacué à La Réunion. Inconscient durant tout ce temps, il sait qu’il doit lutter pour sa survie. « Je me disais que je ne devais pas m’endormir. J’ai lutté intérieurement pour maintenir une activité cérébrale en fredonnant en permanence une chanson de Katy Perry que j’avais écouté une semaine avant. J’ai également réfléchi au mail que j’allais envoyer à tous les gendarmes de Mayotte pour leur dire que je ne pourrai pas faire de pot de départ », sourit-il aujourd’hui. Des petites astuces qui portent leurs fruits puisqu’il ne sombre pas dans un profond sommeil. Surtout, il reste en vie. Réveillé quelques jours plus tard à La Réunion, commence alors la lente descente aux enfers.
Une vie volée en l’espace de quelques secondes
Gravement blessé au visage, le gendarme a un hématome cérébral qui engage son pronostic vital ainsi que plusieurs fracas osseux. Il passe trois mois à l’hôpital, subit des opérations chirurgicales, enchaîne les séances de rééducation, toujours dans une profonde douleur physique. « Quand je me brossais les dents, j’en pleurais de souffrance. Je ne pouvais pas le faire avec [celles] pour adulte, j’avais alors acheté celles des bébés », mentionne-t-il entre autres astuces de convalescent. Déterminé à s’en sortir, le lieutenant-colonel Pech redouble de volonté. De son propre chef, il effectue des exercices à la maison afin de pouvoir ouvrir la mâchoire, en complément de ses séances chez la kinésithérapeute. Et pour réussir à passer cette épreuve, il se fixe un objectif bien précis. « Mon but était de pouvoir à nouveau croquer dans un Bigmac », lance-t-il, d’un air bonhomme.
Mais derrière ses traits d’esprit, les séquelles sont réelles : il s’en sort tout de même avec 74 agrafes sur le crâne, et perd la moitié de son acuité visuelle de l’œil droit. Durant les premiers mois après l’agression, il voit double. Aujourd’hui, le phénomène s’est estompé, il voit toujours double mais seulement sur le côté latéral droit. Même s’il ressent encore des douleurs, le commandant est toujours apte à travailler. Il a d’ailleurs repris ses fonctions dans l’Hexagone et sera promu lieutenant dans quelques mois. Il a réussi à se remettre de ses blessures physiques, mais la douleur psychologique est encore trop vive. « Je vis avec, parfois je survis », admet-il, amèrement. Au-delà des traumatismes subis, il pense surtout à son entourage. « J’en veux à mes agresseurs parce qu’ils ont volé quatre ans de ma vie. Quatre ans de ma vie de papa. » Touchée par cet incident, toute sa famille est alors au bord d’exploser selon lui. « Mes enfants entraient dans l’adolescence et on se dit qu’on peut faire plein de choses avec ses enfants quand ils sont ados. Mes agresseurs m’ont enlevé ces années », souffle-t-il. Sa femme et ses deux enfants se constituent d’ailleurs partie civile et espèrent être dédommagés.
Malgré tout cela, le lieutenant-colonel Pech refuse d’être considéré comme une victime. « Victime, c’est juste pour le statut juridique. Mais moi, je préfère dire ‘‘blessé en intervention’’. Je me suis blessé en faisant mon métier qui est de protéger les personnes et les biens. Ce qui m’est arrivé est une richesse, le parcours de ma carrière. J’ai donné mon sang pour ce pays… Je me dis modestement que mon sang a un peu participé à rougir le rouge du drapeau tricolore. » Il réussit à donner un sens à cette mésaventure et son amour pour Mayotte n’a pas changé. Dès son retour dimanche dernier, il a pris la voiture pour aller faire un tour. Les émotions étaient intenses, mais le retour sur l’île était nécessaire pour lui. « Je suis mort à Mayotte ce jour-là. Mais depuis que j’ai posé mes pieds sur le sol mahorais dimanche, je renais », conclut-il. Le cœur un peu plus apaisé.
Depuis le mois de septembre, les élèves de 3ème du collège de Dembéni travaillent à la confection d’œuvres engagées sous la forme de salouvas de carton et de papier. Ces travaux mettent en lumière la lutte des mahorais contre le Covid-19. Ce projet s’inscrit dans le cadre d’un enseignement pratique interdisciplinaire qui a pour thématique le coronavirus et qui mêle des cours de sciences de la vie et de la terre, de français et d’arts plastiques.
“Nous nous sommes inspirés des travaux de Mary Sibande, une artiste sud-africaine qui utilise le vêtement comme outil de dénonciation.” En prenant exemple sur des pièces déjà existantes, les collégiens de Dembéni abordent des notions artistiques et historiques afin de devenir eux-aussi des artistes engagés. “Je voulais leur montrer que l’art n’est pas seulement décoratif, mais qu’il peut aussi permettre de faire passer un message. Je voulais que ce projet puisse valoriser la culture mahoraise et le regard des élèves sur eux-mêmes. Leur montrer qu’à leur échelle, ils peuvent aider à lutter contre le coronavirus”, dévoile Nathalie Gyatso, enseignante d’arts plastiques, au moment d’expliquer l’objectif des travaux réalisés avec ses élèves.
Le salouva, une armure, une protection contre le Covid
Makis, hippocampes ou encore Ylang-Ylang, les salouvas des élèves de Dembéni mettent en lumière les richesses de Mayotte sur fond de Covid-19. “Le salouva, c’est un peu comme une armure, ça couvre notre corps et ça nous protège”, lâche fièrement l’un d’eux. Sur l’une de leurs œuvres exposées, une pieuvre retrace le combat mené depuis un an dans le 101ème département et ailleurs… “Elle entoure le corona, elle l’étouffe avec ses bras”, marmonne son voisin. Mais un autre détail, une écharpe sur laquelle est inscrit “Miss corona”, attire l’attention et a pour but de démontrer la force et le courage de toutes et ceux qui ont été touchés durant cette crise sanitaire sans précédent. “La banderole signale l’importance de la personne qui la porte. Ici, cette personne a su se battre contre le coronavirus, elle représente les citoyens de Mayotte qui luttent contre l’épidémie.”
Des travaux divers et une prise de conscience collective
Après avoir étudié le Covid sous toutes ses formes grâce à leurs différents professeurs, ces élèves de 3ème affirment aujourd’hui connaître les dangers du coronavirus. “Avant, on ne portait pas forcément le masque et on ne respectait pas les gestes barrières. Maintenant, on fait attention et on essaie de sensibiliser nos familles.” Grâce à leurs cours, les collégiens se sentent responsables de la santé de ceux qui les entourent. Au point de se confronter aux deux injections lorsque les centres de vaccination seront ouverts aux moins de 18 ans ? Un “oui” unanime résonne dans la pièce de l’établissement scolaire. La prévention des risques sanitaires autour du projet “Mayotte se bat contre le corona’- Art engagé” semble fonctionner et offre la possibilité aux jeunes mahorais de s’exprimer par le biais de réalisations artistiques.
Ce mercredi 28 avril, le comité de pilotage des Assises de la sécurité et de la citoyenneté s’est réuni à l’hôtel de ville de Mamoudzou pour valider le plan partenarial d’actions. L’occasion de peaufiner une dernière fois les 67 propositions recensées, avant d’envoyer le document au premier ministre. Si tous les acteurs veulent parler d’une seule et même voix, la décision finale revient au plus haut sommet de l’État.
« C’est l’ultime réunion de validation », annonce d’emblée le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla, co-président du comité de pilotage des Assises de la sécurité et de la citoyenneté, réuni ce mercredi 28 avril 2021. Une manière d’apercevoir le bout du tunnel après le lancement de la démarche commune en novembre dernier, dans le but de « prévenir et sécuriser notre territoire ».
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À ses côtés, la directrice de cabinet du préfet de Mayotte, Laurence Carval, évoque un « plan qui fait un consensus entre les différents participants ». Avant de prévenir les acteurs concernés. « Les mesures régaliennes sont souhaitables, mais je ne peux m’engager à leur mise en place. » En d’autres termes, la décision finale ne revient pas uniquement à la préfecture du 101ème département. « Votre appui pourra tout de même débloquer beaucoup de choses dans les administrations centrales », renchérit Mohamed Sidi, 6ème vice-président au conseil départemental. « Nous ne pouvons plus attendre que des jeunes s’entretuent pour avoir des réactions de la part de l’État. Les institutions doivent parler d’une seule et même voix ! »
Fini le temps de l’attentisme, place à celui de l’action. Comprendre : partir des réalités du terrain et être force de propositions, pour inciter le gouvernement à prendre des mesures drastiques. « L’urgence est maintenant », insiste Mohamed Moindjié, en tant que représentant de l’association des maires. Pour apporter des solutions rapides et pérennes, le comité de pilotage se base sur le recensement de 67 propositions et de 11 thématiques, déjà présentées le 15 décembre. L’idée de la rencontre du jour : débattre une dernière fois sur le plan partenarial dans le but que le dossier soit carré pour le remettre en mains propres au premier ministre.
Une évolution législative et une responsabilité des collectivités
Pêle-mêle. Le premier volet réunit des demandes au sujet des forces de l’ordre (prise en compte de la population réelle, pacte de sécurité), de l’administration judiciaire (cour d’appel, cité judiciaire, délinquance juvénile, TIG) ou encore de l’immigration (mineurs non accompagnés, interventions en mer), qui concernent directement les compétences de l’État. Un premier volet qui pourrait avoir peut-être comme conséquence « une évolution législative », selon Philippe Prudhomme, associé de la société Territoires Citoyens Conseils, en charge de la rédaction du document. Et qui rejoigne le projet de loi « Mayotte », annoncé par Sébastien Lecornu, le ministre des Outre-mer, à l’occasion des dix ans de la départementalisation. Suivi dans le même temps par l’envoi de deux missions sénatoriale et interministérielle à ce sujet.
Le deuxième volet concerne un plan d’actions dans lequel « les collectivités s’engagent à prendre leur responsabilité », rappelle-t-il. À l’instar de l’activation des CLSPD (conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance), que la ville chef-lieu a remis au goût du jour il y a de cela deux semaines, le développement de la médiation citoyenne (citoyens vigilants, comité des sages), l’éducation, l’insertion sociale, la parentalité, la culture et la religion (rôle des cadis, école coranique), la lutte contre la pauvreté et l’exclusion ou encore la politique d’aménagement de la ville (vidéoprotection, éclairage public).
Des actions mises en place, d’autres à revoir
Place ensuite aux réactions de l’assemblée. Avec en premier lieu, le député LR Mansour Kamardine qui débute sur une pointe d’humeur pour démontrer l’absence de stratégie de la part des gouvernements successifs au cours des dernières décennies : « Nous avons épuisé plus de 30 préfets. » Avant de souligner que « la délinquance à Paris n’est pas la même que celle à Mamoudzou ». Aussi plaide-t-il pour un renforcement des liens entre « les polices nationale et municipale pour apporter des résultats concrets ». Un souhait également valable « dans les zones gendarmerie ». En réponse à ces propos, le commissaire de police, Sébastien Halm, apporte quelques observations, notamment sur le fait que plusieurs actions sont déjà en ordre de marche, comme l’augmentation des effectifs au sein de la compagnie d’intervention ou l’accueil de 3.000 mineurs dans les centres de Kawéni et de Doujani pendant les vacances scolaires, qui « porte ses fruits ».
De son côté, le directeur de la chambre de commerce et d’industrie, Zoubair Alonzo, propose de mettre l’accent sur la coopération régionale à destination des jeunes sortis du système scolaire « pour les accompagner dans leur intégration ». Tandis qu’Ali Nizary, le président de l’union départementale des affaires familiales, s’attaque à la polémique des enfants placés et demande une révision du dispositif, mais aussi aux politiques publiques à l’égard de la prévention spécialisée. « Deux millions d’euros sont attribués à des structures auxquelles on ne demande pas de compte. » En ligne de mire : le Département. « Nous devons avoir une discussion franche avec les associations bénéficiaires », admet Mohamed Sidi. Qui tente de la jouer collectif. « Nous devons travailler en synergie et optimiser les moyens pour l’attribution des fonds européens. »
Attention à l’amnésie
En guise de conclusion, Ambdilwahedou Soumaïla prévient les acteurs présents : « Au-delà du nombre d’actions et de dispositifs déployés, à la fin, seule l’efficacité comptera », martèle-t-il. En ce sens, le comité de pilotage décide de se revoir le mardi 26 octobre prochain dans le but de dresser « un suivi et une évaluation pour veiller à nos engagements ». Alors au boulot, pour ne pas décevoir une fois de plus les habitants de l’île aux parfums ! Dernière mise en garde, signée l’écrivain Issihaka Abdillah : « À la fin de ces travaux, [en général], on est tous frappés d’amnésie et on recommence l’année suivante. » Du vrai Sisyphe !
Après plusieurs mois d’ateliers et d’échanges, les acteurs du numérique de Mayotte se sont réunis pour présenter leurs projets. Les Assises ont réuni plus de 200 participants, privés et publics, pour identifier les problématiques du territoire et engager une transition numérique sur l’île.
“Le numérique intéresse tout le monde, c’est même devenu une nécessité”, clame haut et fort Faiçoil Mouhoussoune, le directeur du Gemtic (groupement des entreprises mahoraises des technologies, de l’information et de la communication). Ce constat pousse les acteurs des Assises du numérique se projeter rapidement pour lutter contre la fracture digitale sur l’île. Parmi les cinq grands enjeux à mener sur le territoire : les infrastructures, le matériel et les services, la pédagogie, la formation et l’insertion et le financement.
À la base du futur cluster numérique mahorais « qui s’inscrit dans ces projets », le Gemtic est l’un des protagonistes majeurs des Assises. L’objectif de ce projet ? « Tout connecter, aller plus loin, être avant-gardiste et surtout produire sans être uniquement consommateur dans l’économie du numérique. » Dans la continuité de l’agenda déjà proposé, un portail numérique est en cours de création « pour centraliser toutes les informations », afin que toute personne lambda, issue de n’importe « branche professionnelle » ayant besoin d’un service, puisse y avoir « un accès facile ».
Clairement identifiées, d’autres solutions concrètes doivent voir prochainement le jour, comme l’installation de bornes Wifi gratuites ou encore le déploiement de la fibre optique sur l’ensemble de l’île. Deux manques mis en lumière au cours de la crise sanitaire, et plus particulièrement durant les périodes de confinement, qui ont grandement pénalisé les élèves ainsi que le suivi des formations. “La continuité pédagogique doit être assurée aussi à Mayotte”, persiste et signe Youssouf Moussa, le directeur du Carif-Oref dans le 101ème département. Pour ne pas revivre une telle situation, les Assises prévoient de travailler en étroite collaboration avec les établissements scolaires et de s’appuyer sur des formations à destination des médiateurs du numérique.
Une transition qui commence dès aujourd’hui
Si de nombreux projets sont à venir, certains sont déjà en place. L’île compte déjà 11 espaces numériques où les habitants peuvent venir accéder à une connexion ou demander de l’aide pour réaliser certaines démarches. Auxquelles il faut ajouter un bus mobile qui permet d’aller directement à la rencontre des populations les plus précaires et de les accompagner dans cette transition. “C’est un service de proximité qui nous aide à lutter contre la fracture numérique”, insiste Youssouf Moussa, convaincu de ces bienfaits, grâce notamment à la formation à ces nouveaux outils d’une quinzaine d’agents, dont la mission première consiste à épauler les utilisateurs. Qui sont, soit dit en passant, toujours plus nombreux : 8.000 en 2019, contre 15.000 en 2020. D’ici deux ou trois ans, le but du Carif-Oref est d’en accueillir 50.000 chaque année.
“On a pris conscience des enjeux du numérique sur un petit territoire comme le nôtre et de son importance pour la démocratie”, indique Faouzat Mli, directrice de la direction du numérique, des systèmes d’informations et des moyens au conseil départemental. Selon elle, les enjeux sont d’ordre économiques, tant pour les entreprises que les habitants, puisque de plus en plus de dossiers administratifs sont se retrouvent digitalisés, à l’instar de la prise de rendez-vous à la préfecture.
C’est un appel au secours que lance le personnel du centre pénitentiaire de Majicavo. Deux syndicats ont écrit des lettres ouvertes adressées à leur hiérarchie, dans les-quelles ils dénoncent leurs conditions de travail obligatoires. L’établissement est surpeuplé, les détenus se marchent les uns sur les autres. Une situation préoccupante puisque les employés redoutent une mutinerie imminente.
411. C’est le nombre actuel de personnes enfermées au centre pénitentiaire de Majicavo. Un chiffre bien trop élevé puisque l’établissement a une capacité de seulement 278 places. Conséquence : les prisonniers vivent à trois ou quatre dans une cellule de neuf mètres carrés… C’est cette surpopulation carcérale qui a poussé les syndicats FO et CGT à tirer la sonnette d’alarme à travers deux lettres ouvertes destinées à la directrice interrégionale de la mission des services pénitentiaire Outre-mer. « La gestion des détenus est devenue difficile puisqu’on doit jongler entre les mesures prises par la justice et notre réalité. On doit prendre en compte les séparations, ceux qui ne doivent pas communiquer en-semble, etc. Il faut constamment trouver des alternatives pour faire respecter les règles », s’inquiète Salimou Assani, trésorier de Force ouvrière centre pénitentiaire Majicavo.
Mais le respect des règles n’est pas toujours possible. La surpopulation pousse le centre pénitentiaire à les enfreindre pour accueillir plus de monde. L’exemple le plus inquiétant est celui du quartier des mineurs qui possède 30 places. Pourtant, 32 jeunes sont actuellement incarcérés. « On ne doit pas doubler les mineurs dans les cellules, sauf cas exceptionnel de tentative de suicide. Mais aujourd’hui, on a des cellules doublées chez les mi-neurs, on est donc hors la loi », pointe du doigt Salimou Assani. Également obligatoires, les promenades deviennent difficilement réalisables. Si chaque prisonnier a droit à une heure par jour, les conditions sont loin d’être optimales. « Les créneaux établis à la création de l’établissement sont caducs, on doit tout le temps rafistoler. Il y a des week-ends où les détenus se retrouvent entre 50 à 70 dans la cours de promenade, c’est dangereux parce que ce sont des cours qui font 20 à 30 mètres carrés », souligne le représentant de FO. Autant de paramètres qui laissent présager une mutinerie, selon les employés du centre pénitentiaire de Majicavo. La tension serait palpable dans l’enceinte et se serait même dégradée ces derniers mois avec l’arrivée de nouveaux profils de détenus.
« Tout ce qu’il se passe à l’extérieur se ressent au centre pénitentiaire »
La réalité sur l’insécurité grandissante à Mayotte a un impact sur la gestion du centre pénitentiaire. Ces derniers mois se caractérisent par une forte affluence des prisonniers, notamment depuis la fin de l’année dernière. « Tout ce qu’il se passe à l’extérieur se ressent au centre pénitentiaire », indique Salimou Assani. Les bandes rivales qui sèment la terreur sur l’île arrivent en prison et se reconstituent une nouvelle fois. « Pour l’instant, c’est calme mais cette situation est une cocotte minute qui peut exploser du jour au lendemain », prévient le trésorier de Force ouvrière à Mayotte. Une crainte justifiée par le pro-fil des délinquants qui a également changé : non seulement ils sont de plus en plus jeunes, mais les faits qui leur sont reprochés sont de plus en plus graves. « Il y a quelques années, plus de 70% des incarcérés relevaient des procédures correctionnelles, aujourd’hui on est à plus de 60% de procédures criminelles », rappelle Salimou Assani. En d’autres termes, des accusations ou des tentatives d’assassinat.
Et si à l’extérieur ces bandes ne portent que très peu d’intérêt au respect des lois et des personnes, la même chose se répète lorsqu’ils sont enfermés. À cela s’ajoutent les prisonniers qui ont des troubles psychiatriques. « On n’est pas formés pour nous occuper de ces personnes. Mais on le fait, on doit les surveiller, et nous assurer qu’ils prennent leurs médicaments », dévoile Salimou Assani, dont le son de la voix cri au ras-le-bol. Ce der-nier regrette presque ses débuts au centre pénitentiaire de Majicavo où les détenus étaient respectueux. Une période où il n’avait tout simplement pas peur de fréquenter les prisonniers.
Des pistes de solutions mais peu d’espoir
Force ouvrière CP Majicavo et la CGT Mayotte ont établi une liste de mesures à prendre rapidement pour améliorer les conditions de travail et de détention. La CGT demande par exemple la création d’une unité spécifique d’hospitalisation pour les cas psy, l’aménagement des chambres carcérales au centre hospitalier, l’aménagement sanitaire des cellules ou encore la formation des personnels. De son côté, FO exige l’extension du site avec la construction d’un bâtiment pour augmenter les capacités du centre pénitentiaire. « Un projet sur le long terme est plus que souhaitable, mais en attendant on leur donne des pistes qui ne demandent pas d’études. Le terrain est là, il faut juste construire maintenant », selon Salimou Assani.
Les deux organisations syndicales ont envoyé leurs lettres respectives à leur hiérarchie, mais ils semblent peu optimistes quant à la suite des évènements. Les agents disent n’avoir aucun retour malgré les alertes répétées au cours des dernières années. La dernière réponse qui leur avait été donnée date de 2018, et le site de Mayotte ne faisait pas partie du plan des nouvelles constructions. « On n’est pas sûrs d’avoir gain de cause cette fois-ci, mais on est obligés de tirer la sonnette d’alarme pour alerter. Un nouveau plan vient d’être établi, malheureusement aucun territoire d’Outre-mer n’est inclus », regrette Salimou Assani. Tout le personnel espère simplement que le fait d’avoir dépassé la barre fatidique des 400 détenus fera réagir la direction afin d’éviter une catastrophe qui semble inévitable pour eux.
Des habitants de l’île au parfum ont pris l’initiative de publier une pétition en ligne, afin de venir à bout des motifs impérieux qui contraignent les voyageurs au départ et à destination du 101ème département français. Par ailleurs, le collectif des citoyens de Mayotte a entamé une procédure contre le contrôle renforcé exercé par la préfecture six jours avant le déplacement.
“À ce jour, la situation sanitaire à Mayotte ne justifie plus le maintien de ces mesures liberticides. Notre département est celui où le taux d’incidence est le plus bas. 50 cas pour 100.000 habitants selon les derniers chiffres de Santé Publique France.” Le porte-parole du mouvement citoyen qui a vu le jour sur les réseaux sociaux avec la pétition “Motifs impérieux : Ras le bol !!” ne mâche pas ses mots quand il s’agit d’évoquer ces fameuses restrictions qui brident selon lui les “libertés fondamentales”. Et dont l’utilité reste pour lui à démontrer…
“Notre objectif premier est de mobiliser les gens à l’échelle locale pour pouvoir faire bouger les choses. On se rend compte que beaucoup de citoyens estiment que le dossier de motifs impérieux porte atteinte à leur vie privée. On n’a aucune garantie de la façon avec laquelle nos données sont traitées ou stockées.” Depuis sa publication sur Internet le 23 avril, la pétition a dépassé la barre des 3.000 signatures. Un chiffre qui ne cesse de croître. Les membres de ce mouvement citoyen espèrent aujourd’hui l’arrêt total des motifs impérieux, afin de rétablir la libre circulation des personnes entre Mayotte et les autres départements français.
“On va aller au tribunal”
Même optique, mais démarche différente. Le 16 avril, le collectif des citoyens de Mayotte a déposé une requête en référé-liberté devant le Conseil d’État pour obtenir la suspension d’une partie de l’article 57-2 du décret 2020-1262, publié le 16 octobre 2020 et modifié en février, qui permet au représentant de l’État, dans sa nouvelle version, d’exiger la transmission des pièces justificatives six jours avant le déplacement, contre récépissé. “Notre avocat nous a dit qu’une pétition n’aurait que peu d’impact, alors on va aller au tribunal”, expose Estelle Youssouffa, la présidente du collectif.
“Par ce référé, nous attaquons l’accès que nous estimons abusif et intrusif de la préfecture dans l’intimité des Mahorais et Mahoraises. L’envoi des pièces justificatives d’un motif impérieux par e-mail au service de la préfecture et non la présentation des motifs impérieux à l’aéroport comme cela se fait ailleurs nous paraît abusive et inégalitaire. Cette responsabilité revient aux services de douane et non à la préfecture. De plus, les données transmises par les voyageurs donnent à voir au gouvernement des informations qui peuvent être protégées par le secret médical. Enfin, ces informations ne sont transmissibles que par voie électronique alors que le territoire de Mayotte est un désert numérique, ce qui génère une rupture d’égalité”. À l’heure actuelle, la préfecture n’a pas souhaité répondre. Le Conseil d’État doit se prononcer dans les jours qui viennent.
Dans un courrier en date du 8 avril, le collectif du monde économique de Mayotte a interpellé la Défenseur des droits pour l’informer sur les manquements de l’Institut national de la statistique et des études économiques au niveau du recensement de la population totale. L’idée de la démarche : mobiliser le national pour prendre à bras le corps le sujet de l’insécurité dans le 101ème département. Entretien avec Marcel Rinaldy, le président de l’association.
Flash Infos : Face à l’insécurité ambiante à Mayotte, le collectif du monde économique de Mayotte que vous présidez a saisi la Défenseure des droits, Claire Hédon. Qu’espériez-vous de cette initiative et quelle réponse vous a-t-elle apporté ?
Marcel Rinaldy : Nous espérions surtout avoir un regard nouveau sur la situation de Mayotte. Nous considérons que les moyens de l’État, vis-à-vis d’une population qui n’est pas la bonne, ne sont pas à la hauteur. Si cette dernière était comptée avec sincérité, les services de l’État permettraient d’aller plus vite dans la résolution sécuritaire que nous traversons.
Nous avons reçu un retour de la Défenseure des droits qui se dit ne pas être compétente. C’est dommageable, elle botte en touche. Elle nous conseille d’attaquer les chiffres de l’Insee au tribunal administratif.
FI : Alors que vous pointiez du doigt les manquements de l’Insee, le directeur régional, Bertrand Aumand, a précisé début février à l’occasion du lancement du recensement son opinion sur la question : « Ce n’est pas possible qu’on ait 400.000 habitants sur le territoire, sinon on serait passé à côté de 150.000 personnes. C’est inimaginable, il faut se fier aux chiffres de l’Insee. » Que lui répondez-vous ?
M. R. : Au-delà du ressenti général, nous avons tous vu les constructions illégales montées dans tous les coins, que ce soit sur Mamoudzou ou dans les grands villages comme Combani. Il y a une installation pérenne sans règle d’urbanisme quelconque. Cela m’étonnerait que les recenseurs soient allés dans toutes ces zones… Mathématiquement, nous ne pouvons pas avoir consommé 13 millions de mètres cubes d’eau en 2016, soit l’équivalent de 150 litres d’eau par jour et par habitant, avec 230.000 habitants !
En revanche, comme la consommation alimentaire repart en direction de l’Union des Comores, cet indicateur n’est pas un argument probant. Il est malheureux que nous soyons obligés de reprendre des calculs scientifiques… Les maires vont également dans notre sens, il leur suffit d’évoquer le nombre d’enfants non scolarisés dans leurs collectivités respectives. Nous faisons un travail de fond avec d’autres structures qui travaillent avec les mineurs isolés. À titre d’exemple, rien que sur la ville chef-lieu, trois associations en ont recensés 1.200 sur seulement trois quartiers. Nous sommes loins de 600 annoncés sur l’ensemble du territoire par le ministre, Adrien Taquet.
FI : La Défenseure des droits vous a suggéré de vous rapprocher de la justice pour obtenir gain de cause.
M. R. : Nous sommes là pour être constructifs et au contraire, ne pas perdre de temps dans les tribunaux. Nous ne voulons pas nous positionner en ennemi de l’État, ce n’est pas le sujet. Nous voulons apporter des regards extérieurs et mobiliser à l’échelle nationale, car notre situation ne se réglera pas uniquement sur des positionnements départementaux. Nous sommes Français à part entière, nous avons le droit d’avoir la même action que n’importe quel autre territoire, à l’instar de la Creuse.
En minimisant de près de 100.000 personnes la population estimée, les renforts de forces de l’ordre et des fonctionnaires sont, par conséquent, en deçà de la réalité. Le recensement entre en ligne de compte sur les financements des administrations locales et de la dotation globale de fonctionnement que l’État verse aux différentes communes. Que la vérité soit dite et mettons-nous au travail. Nous voulons juste que Mayotte soit sécurisée. Point à la ligne.
Le 27 avril marque à Mayotte le jour de l’abolition de l’esclavage. Cette année, la date fatidique est aussi le dernier jour du festival des arts traditionnels de Mayotte. Une journée de commémoration a donc été organisée au conseil départemental, autour de personnalités publiques, de chercheurs ou encore de religieux.
« Nous sommes ici pour lutter contre l’invisibilité de notre histoire », soumet Soibahadine Ibrahim Ramadani, président du conseil départemental. En effet, si l’esclavage a bel et bien existé à Mayotte, c’est une période qui reste méconnue aux yeux du grand public. Un travail en ce sens est orchestré depuis trois ans, de la dépose de la stèle en 2018 à l’édition du livre retraçant l’histoire de l’esclavage sur l’île aux parfums commandé en avril 2019. Une volonté d’aller plus loin dans les recherches sur la traite négrière à Mayotte et de sensibiliser la population sur son histoire ressort des discours, qu’ils soient ceux des élus ou des conférenciers.
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Mzindano et mourengué
Le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla, la directrice de cabinet du préfet, Laurence Carval, et le Grand Cadi, Hamada Mahamoud Sanda, se sont exprimés sur la question devant une cinquantaine de personnes, venues pour commémorer l’abolition de l’esclavage, toujours dans le respect des règles sanitaires. Les sièges bleus et blancs sont espacés d’un mètre, les visages sont masqués. Mais la bonne humeur fait légion, les yeux se plissent au rythme des sourires. Mais ce mardi 27 avril est un jour où Mayotte raconte son évolution au cours des derniers siècles, à travers ses chercheurs, expliquant que le quotidien des habitants de l’île est aujourd’hui encore bercé par cette histoire, comme le mzindzano que les femmes portent sur le visage, symbole de l’ancienne croyance de la supériorité de la peau blanche ou le mourengué, sport de combat de l’océan Indien pratiqué à la base par les esclaves. Des éléments de vie actuels, qui donnent une dimension réelle à l’esclavage sur Mayotte. Des traces en quelque sorte, d’une réalité parfois oubliée.
Esclaves et esclavagistes
Beaucoup de sujets sont mis en avant par les conférenciers, comme le fait que les habitants du dernier département de France n’ont pas été seulement esclaves, mais aussi esclavagistes, via leurs sultans, ou la question de l’obsession de la couleur de peau. Des réalités qui permettent aujourd’hui de refaire le cours de l’histoire, d’expliquer d’où viennent les traditions locales et même d’identifier les Mahorais eux-mêmes. Cette commémoration s’inscrit dans une volonté du peuple de comprendre qui il est, pour choisir qui il veut être. Une commémoration qui mélange science, religion et ressenti. Anthropologues, religieux, chercheurs, tous ont choisi de venir dans le seul but de porter le même message. Commémorer l’abolition de l’esclavage sur l’ile est indispensable : il s’agit ni plus ni moins l’occasion de connaître son passé pour mieux préparer son futur.
Après la manifestation spontanée des lycéens de Younoussa Bamana lundi dernier, la marche blanche de samedi a connu à nouveau une forte mobilisation, avec le soutien des élèves de Kawéni, mais aussi d’enseignants et de parents des quatre coins de l’île. Si l’heure était plutôt à l’hommage, les revendications des jeunes cherchaient toujours des réponses, après la perte de deux de leurs camarades à la sortie des cours.
“Tirez fort ! C’est pas droit ! Les banderoles, bien haut !” Il est tout juste 8h30 et la voix qui sort du mégaphone joue les chefs d’orchestre en attendant les retardataires. Devant le lycée Younoussa Bamana, la foule toute en blanc est déjà bien dense, et une centaine d’élèves de Kawéni ne va pas tarder à venir grossir les rangs des manifestants du jour. En tout, ils seront près d’un millier à battre le pavé entre l’établissement scolaire endeuillé et la place de la République, ce samedi matin.
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Les plus matinaux en auront profité pour peinturlurer leurs pancartes, leur t-shirt et même leur front, de messages en hommage à leurs camarades décédés, en particulier Momix, élève en seconde à Mamoudzou. Le mot d’ordre ? La paix, qui semble pourtant bien fragile depuis son agression mortelle le 15 avril dernier, soit une semaine après celle de Miki, à Mtsangadoua, décédé le 9 avril. “Cette manifestation doit être un signe d’espoir qui fera que l’on sera écouté, et que l’on compte ! S’il-vous-plaît, pas de cri, c’est une marche pour la paix”, reprend une autre voix amplifiée dans les baffles.
“En un jour, ton ami peut devenir ton ennemi”
Mais ces appels répétés n’occultent en rien les franches revendications de justice et de sécurité qui s’étalent sur les cartons brandis ici et là tout comme dans les discours. “Je suis venu pour rendre hommage à mon ami qui est parti, il avait rien demandé. Et aussi pour qu’on puisse avancer, parce qu’on en a marre de cette violence, ça nous bloque dans nos études, en un jour, ton ami peut devenir ton ennemi”, déverse Abdillah, élève en Terminale au lycée Bamana.
Après la marche blanche dans le nord en honneur à Miki, et la manifestation des lycéens lundi, la mobilisation de ce samedi a continué de brasser large. “Aujourd’hui, il y a plus de monde, il y a même les profs qui nous soutiennent et les parents”, notent Yani, Ahmed et Youssouf, tous trois présents lundi dernier. L’autre pas de côté selon eux ? “On n’est pas là pour parler à des responsables politiques ou quoi. On est plus là pour montrer que la jeunesse est présente. Et aussi pour que notre île soit enfin reconnue pour autre chose que pour la violence, comme une île qui se développe”, soulignent-ils.
Des absences remarquées
Reste que les élèves attendent toujours des réponses à leurs revendications. Des doléances qui concernent l’ensemble des établissements scolaires de l’île, en proie à des violences chroniques qui s’invitent jusqu’aux portails. D’où la présence des élèves du LPO de Kawéni venus chanter “Bassi Ivo” aux côtés de leurs camarades de Mamoudzou. “Les élèves sont venus de leur propre initiative, pour montrer leur solidarité. Mais je pense qu’on n’est en effet pas à l’abri, on est tous concernés par cette problématique, même si heureusement, nous n’avons pas eu de mort”, souligne Delphine, enseignante au lycée professionnel présente elle aussi au milieu des t-shirts blancs.
Pour certains d’ailleurs, les absences de certains responsables, comme le maire de Mamoudzou, le préfet ou le recteur, font tâche. À la place, deux adjoints à la mairie de Mamoudzou, et un chanteur. La faute du souvenir un peu chahuté de lundi dernier, où le premier magistrat Ambdilwahedou Soumaïla avait été chahuté par la foule en colère ? “Le maire est en conseil municipal et il m’a demandé de le représenter. Moi-même j’ai été hué, et ce n’est pas un problème, la jeunesse vit une situation difficile et nous sommes tous responsables”, balaie Mohamed Saïd Djanfar. Au même moment ou presque, l’édile et le responsable d’académie inauguraient en réalité le nouveau nom du lycée des Lumières à quelques kilomètres de là…
Pendant ce temps, les rivalités perdurent
“On aurait bien aimé qu’ils viennent… Au lieu de ça, on a le chanteur de “Bassi Ivo”, bon, c’est un petit bonus”, soupirent d’une même voix Ouxim, Anane et Neil, tous les trois en Terminale au lycée Younoussa Bamana. “Nous, on aimerait bien partir en sachant qu’on laisse nos frères et soeurs entre de bonnes mains. Là toutes les réponses qu’on a eues, c’est qu’ils vont refaire la clôture du lycée… Mais les problèmes de fond, les rivalités de quartiers qu’on connaît depuis un bon moment, ces problématiques-là ne sont jamais traitées”, déplorent-ils.
Un discours qui résonne d’ailleurs avec celui du proviseur de l’établissement, qui assiste un peu en retrait aux prises de paroles des camarades de Momix, sur la place de la République. “On a parfois des propos ubuesques de parents, qui nous demandent presque de fermer des lycées pour ouvrir des prisons !”, rapporte Laurent Prévost. “Il faut une vraie prise de conscience de la population mahoraise dans son ensemble, et mettre fin à cette posture délétère vis-à-vis des étrangers qui amène à cette violence-là”, poursuit le proviseur. “Nous, nous en sommes les premières victimes, dans l’éducation. Et nous ne pouvons que le subir.”
Engagé en politique depuis l’âge de 24 ans, Mansour Kamardine a toujours soif d’engagement. Le groupe Les Républicains vient de le désigner chef de file du parti pour briguer la présidence de la prochaine mandature à partir de juin prochain. Le candidat revient pour Flash Infos sur son désir de mener la barque du Département ainsi que sur les projets de développement nécessaires au territoire.
Flash Infos : Actuellement député à l’Assemblée nationale, vous avez fait le choix de vous lancer dans la course aux élections départementales. Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre ce virage à 360 degrés ?
Mansour Kamardine : Plusieurs raisons ! Ces derniers temps, j’ai énormément écouté les collègues qui m’ont convaincu qu’une personnalité publique puisse faire l’interface entre la population et l’État et soit capable de fédérer pour construire ce projet de départementalisation. J’ai une expérience sur la gestion des collectivités et des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Je veux continuer en ce sens. Si les Mahorais de mon canton et au-delà acceptent de me confier ces responsabilités, je serai prêt à les assumer !
Vous avez raison de lier que je suis député. Je ne peux pas obtenir le poste de président de la collectivité et maintenir celui de parlementaire. Si les élus me choisissent, cela conduira de facto à ma démission. Mais selon moi, je serai plus utile au Département qu’à l’Assemblée nationale. Regardez, Édouard Philippe, l’ancien premier ministre, a fait le choix de revenir à la mairie du Havre… Nous comprenons bien que les enjeux sont davantage au niveau des exécutifs locaux qu’au Parlement.
FI : Avec cette campagne, n’est-ce pas une manière de tester votre popularité en vue de échéances électorales suivantes ?
M. K. : Je n’ai pas d’égo sur ce sujet-là. Ce n’est pas un test en particulier. Je n’ai pas de démonstration à faire : juste des coups à prendre et des missions à assumer ! Je ne personnalise pas les choses et je ne me focalise pas sur ma personne, qui a peu d’intérêt.
FI : Dans le budget actuel du Département, 94 millions d’euros reviennent au service de l’aménagement du territoire. Vous semblez aller dans la même direction en analysant votre projet de contournement du grand Mamoudzou…
M. K. : Dans le contrat de convergence et de transformation, il y a un budget spécifique pour la réalisation du contournement de Mamoudzou qui remonte à une quinzaine d’années. Sauf que comme nous ne sommes jamais sûrs de ce que nous faisons, cela a des conséquences énormes sur notre processus de développement. Autre exemple avec l’hôpital. Sur les 172 millions d’euros de dotation obtenus en 2017, aucun centime n’a été dépensé…
Que nous le voulions ou non, nous ne pourrons jamais nous passer des véhicules à Mayotte. Nous n’avons pas la capacité d’interdire aux fabricants d’en exporter chez nous et aux concessionnaires d’en importer. L’achat d’une voiture est le financement le plus aisé et le plus simple que les Mahorais connaissent. C’est un signe de richesse. L’amélioration du réseau routier est donc indispensable. Sinon, nous provoquons une thrombose qui risque de nous conduire vers des troubles sociaux majeurs.
Donc le contournement, il faudra le faire ! La réalité aujourd’hui est que les études ne sont pas encore parachevées. On nous balance des chiffres astronomiques pour ne pas le réaliser. Je reste persuadé que cette route se fera. Même si d’autres projets concernant la mobilité sont aussi sur la table, comme le téléphérique qui est inscrit dans le schéma d’aménagement régional (SAR), le train bleu ainsi que le transport maritime. Il n’existe pas une seule idée pour le désengorgement. À ce stade, continuons jusqu’au bout les études et voyons ce que cela donnera. Nous n’excluons rien !
Et si pour une raison X ou Y, le contournement n’aboutit pas, il faudra au moins penser à élargir l’axe entre Tsararano et Mamoudzou et celui entre Mamoudzou et Koungou pour répondre à l’urgence et ne pas nous retrouver dans une seringue, histoire de gagner du temps en attendant de dénicher des solutions plus durables. Comme le vieux projet entre Longoni et Chirongui, qui doit aussi être réalisé, pour détourner le trafic des camions qui veulent se rendre dans le Sud.
FI : Sur un autre volet, tout aussi important à Mayotte, le Département a mis les bouchées doubles au sujet de l’aide sociale à l’enfance. Continuerez-vous sur la même lancée ou bien déciderez-vous de prendre une toute autre direction ?
M. K. : L’action sociale est l’une des compétences majeures du Département. Continuer de nous intéresser à l’enfance est une obligation légale. Mais il n’y a pas que l’enfant délinquant à prendre en charge, nous pouvons aller encore plus loin et venir en aide aux Mahorais. Et nous attarder aux 77% de notre population qui vit sous le seuil de pauvreté. Je pense notamment aux retraités qui ne touchent que 200 euros par mois alors qu’ils ont eu une carrière professionnelle entière. À cela, je vais proposer d’examiner la possibilité de leur allouer une indemnité pour les placer au niveau du RSA national. Idem pour nos bacocos, il faudra que nous nous battions au niveau de l’ASPA (allocation de solidarité aux personnes âgées) nationale. Sans oublier de faire en sorte d’obtenir un accord salarial avec les syndicats qui opèrent au Département pour que les agents soient payés à hauteur du SMIC métropolitain, avec de vraies cotisations salariales et patronales. Le fil conducteur est de démontrer que nous pouvons être traités au même pied d’égalité que les autres. Nous nous engagerons sur ce rattrapage social qui est urgentissime.
FI : Toujours sur le thème de l’enfance, vous avez une idée bien précise de ce que vous voulez mettre en place dans le but d’offrir une chance à tous les jeunes.
M. K. : Tout à fait ! Nous devons construire un plan « un jeune, une formation, un diplôme », qui est en lien avec la formation professionnelle, qui dépend du conseil départemental. Mais aussi de développer un programme « un collégien, un lycéen, une tablette numérique ». Non pas pour le plaisir, mais parce que si nous voulons leur donner la chance de réussir, nous devons leur donner les outils d’apprentissage modernes d’aujourd’hui. Les enfants mahorais doivent pouvoir concourir avec les autres enfants de la Nation !
FI : Concernant le problème du foncier en général, vous avez également une ligne directrice. Aussi bien pour les propriétaires que pour les installations illégales.
M. K. : Plus de 90% des constructions privées sont faites sans permis. Conséquence, la propriété des terres n’est pas toujours garantie. D’où la proposition de créer un dispositif « une construction, un titre de propriété, un permis » pour enclencher les régularisations. Cela aura un impact sur le financement des communes puisqu’elles pourront localiser leurs administrés et leur réclamer le paiement de la taxe d’habitation. Et si celle-ci est supprimée l’année prochaine, cela permettra de calculer au plus près l’indemnisation demandée à l’État.
L’autre idée est de reconquérir les espaces fonciers ruraux et urbains perdus, qui appartiennent au Département. C’est une manière, à notre échelle, de lutter dans le même temps contre l’immigration clandestine aux côtés des services étatiques. Et d’envoyer un message clair aux personnes arrivées de pays tiers qui pensent toujours avoir un terrain pour s’installer à leur arrivée. Cette volonté forte se raccroche aussi à notre engagement environnemental qui consiste à replanter 10.000 arbres par an pour reboiser les forêts.
Nous n’avons pas le temps de dormir. Comme l’a dit le président sortant, Soibahadine Ibrahim Ramadani, pas un jour n’est passé pendant six ans sans qu’il ne pense à Mayotte. Nous devons faire de même et trouver des idées novatrices pour redresser la situation. Qui est soit dit en passant bien meilleure en 2021 qu’en 2015.
L’association Yes We Can Nette lance un projet d’épicerie éco-solidaire itinérante. Connue pour ses actions de lutte contre la prolifération des déchets sur le territoire de Mayotte, Yes We Can Nette souhaite étendre son action et s’adapter à l’enclavement de certains quartiers informels en créant une vente ambulante au service de la population.
Dans la petite rue de Boubouni se trouve le siège de Yes We Can Nette. Épicerie, laverie et centre de collecte de canettes usagées… L’association a différentes casquettes. Lieu bien connu des habitants du quartier, les locaux sont avant tout un lieu de vie et de partage. Aujourd’hui, la structure veut voir plus loin et créer une épicerie éco-solidaire itinérante. « L’objectif c’est de développer un processus qui a fait ses preuves à M’tsapéré et la Vigie. Celui de collecter des canettes en métal et bouteilles à recycler donnant droit à 40 % de réduction sur des produits alimentaires de première nécessité. » Pour assurer son action mobile, l’association prévoit d’acquérir un triporteur électrique solaire qui contiendra les denrées alimentaires et un vélo électrique équipé d’une remorque qui pourra permettre de stocker les canettes usagées.
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Les missions de l’épicerie mobile Yes We Can Nette seront assurées par deux volontaires en service civique. Ils stationneront à proximité des écoles afin d’être aisément identifiés. « En fonction des contraintes de capacité et de stockage, la tournée de vente ambulante pourra avoir une amplitude différente suivant les quartiers ». Lors de ces ventes mobiles, l’offre proposée par l’association sera réduite à des produits alimentaires secs ou en conserve. Les bénéficiaires pourront se rendre dans les locaux de l’association à M’tsapéré ou à la Vigie dans le but de pouvoir retrouver la totalité des denrées proposées mais aussi les objets créés à partir de matériaux recyclés par les bénévoles.
Le “compte canette”
Pour bénéficier des réductions appliquées par Yes We Can Nette sur les denrées alimentaires, les nouveaux bénéficiaires devront ouvrir auprès des responsables de l‘association un « compte canette ». Ensuite, les membres de l’association pourront comptabiliser le nombre de canettes vides ramenées passage après passage. Ils pourront ainsi avoir accès à des réductions sur les produits de l’épicerie.
Par son action l’association souhaite « favoriser l’émergence de nouveaux dispositifs innovants, écologiques et solidaires ». Les canettes récoltées sont ensuite collectées par l’organisme Star Mayotte et valorisée par Citeo. En 2020, l’association a récolté 3.4 tonnes de canettes, ce qui représente presque 10% du recyclage de ces produits usagés dans le 101ème département.
Le dernier dimanche d’avril est la journée nationale du souvenir de la déportation. Des commémorations sont organisées sur tout le territoire national pour rappeler cette partie sombre de l’histoire de la France pendant la Seconde guerre mondiale. Même si Mayotte n’a pas été touchée, il est important pour les représentants du gouvernement d’honorer la mémoire des déportés, notamment auprès des jeunes. Une cérémonie de commémoration a eu lieu ce dimanche à Pamandzi, mais Covid-19 oblige, le public n’a pas pu y assister.
8h30 précise, le son qui sort de la trompette résonne sur la place de la mairie à Pamandzi. Il marque le début de la cérémonie de commémoration en hommage aux déportés de la Seconde guerre mondiale. En temps normal, le lieu aurait été rempli d’élèves, d’anciens combattants, de différents élus, ou encore d’historiens. Mais le contexte sanitaire ne permet toujours pas l’organisation de cérémonie en présence de public. Alors celle-ci a lieu avec un nombre restreint de personnes. La directrice de cabinet du préfet de Mayotte et le maire de Pamandzi sont les principaux acteurs, entourés de quelques adjoints.
« Dans l’avenir, il est important que l’on puisse associer plus de personnes et notamment la jeune génération… Demain, elle doit pouvoir expliquer tout cela, mais il faut qu’elle ait été informée, formée et qu’on lui ait donné tous les éléments de compréhension », déclare Laurence Carval, la directrice de cabinet du préfet. Conscient de ce travail de préservation de mémoire, la commune de Pamandzi dit mettre en œuvre des actions pour instruire les plus jeunes. « On fait des animations, notamment au niveau de la bibliothèque qui était fermée depuis quatre-cinq ans et que j’ai rouvert. C’est un lieu de lecture qui permet aussi de réfléchir sur ce qu’il s’est passé. C’est d’autant plus important dans ce contexte de violence commis par des jeunes contre des jeunes. On est là pour les accompagner à ne pas faire ce genre de massacre », affirme Madi Souf, le première magistrat de la commune.
Mayotte épargnée, mais Mayotte solidaire
Selon les historiens, Mayotte n’a pas été touchée par cette période sombre de l’histoire, mais il est nécessaire de la rappeler. « C’est l’ensemble de la communauté nationale qui se recueille, qu’elle ait été atteinte dans sa chaire ou pas. Que l’on soit à Mayotte ou ailleurs, je pense qu’il est important que tout le monde puisse avoir cette vision de ce que peut donner une société dont les règles qui prévalent à son fonctionnement sont ceux d’une catégorisation des personnes et d’une non reconnaissance du statut d’être humain à une personne », souligne Laurence Carval.
Maintenir cette commémoration à Mayotte est un moyen de montrer notre solidarité au peuple massacré pendant la Seconde guerre mondiale. Elle change également les habitudes des Mahorais. « À chaque fois, on nous indexe d’être une société orale. Il faudrait donc garder au moins ces souvenirs qui nous restent. Un jour comme aujourd’hui sert à rappeler aux jeunes qu’il y a eu des horreurs pendant la deuxième guerre mondiale », selon Madi Souf. C’est donc ensemble, de manière solennelle, que la directrice de cabinet du préfet et le maire de Pamandzi ont déposé la gerbe sur le symbole patriotique de place de la mairie qui rend hommage aux enfants morts pour la France.
Les uns lèvent les barrages, les autres les banderoles. Deux semaines après la mort de Miki, le comité inter-villageois né à M’tsamboro a enfin obtenu des solutions pour garantir une meilleure sécurité des élèves. Mais c’est au tour du collège de M’tsamboro de réclamer sa part…
Il aura fallu deux morts, deux semaines de silence, une semaine de troncs d’arbres débités au milieu de la route. Après la mort de Miki à la sortie du lycée du Nord, le 9 avril, les habitants ont enfin obtenu mercredi matin une réunion avec le triumvirat des institutions : recteur, préfet, procureur. Plus ou moins en même temps, le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu sortait à son tour de sa torpeur par le biais d’un courrier adressé aux maires dans lequel il qualifie les deux meurtres d’ “inacceptables” et annonce une “mission pour la jeunesse”. Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, avait quant à lui attendu la mort de Momix, élève au lycée Younoussa Bamana, pour réagir par voie de communiqué…
Bref, il n’en fallait pas plus, ou moins, c’est selon, pour que les habitants montent au créneau. “Nous, nous n’étions pas partis pour barrer la route, mais qu’il n’y avait pas un mot du préfet, ni du ministre des Outre-mer, ni du ministre de l’Intérieur… C’est un silence total qui nous a choqués, et c’est par rapport à ce mépris que nous avons barré les routes”, dénonce Ahmed Zafera, le porte-parole du comité inter-villageois qui s’est constitué à la mort de Miki. “Sans les barrages, le silence serait resté total”, abonde celui qui est lui-même parent d’élève et qui connaissait le lycéen tué, via l’association les Abeilles, son club de foot.
La réunion, qui a duré trois heures trente – “et on a poussé le préfet à rester”, sourit le natif de M’tsamboro – a visiblement permis d’arrondir les angles. Finis les barrages dans le nord, au moins, tant que la feuille de route semble respectée. Un point étape doit s’en assurer à la mi-juin. Les solutions posées sur la table fourmillent d’idées, du micro au macro, de la sécurisation du parking du lycée de M’tsangadoua, à la lutte contre l’immigration clandestine.
Des solutions concrètes pour le lycée du Nord
Surtout, l’échange a d’ores et déjà posé des bases concrètes. “Les élèves ont une phobie scolaire. Depuis aujourd’hui, la cellule psychologique est digne de ce nom, puisque nous allons avoir une psychologue jusqu’aux prochaines vacances”, explique Ahmed Zafera. Concernant la clôture du parking, le comité a obtenu du conseil départemental, propriétaire du terrain, un engagement à cofinancer les travaux avec le rectorat. “Nous allons aussi faire en sorte que les professionnels de la restauration intègrent le parking et demander au proviseur de modifier le règlement intérieur pour que les élèves ne puissent pas sortir avant la fin des cours”, développe-t-il. Ont aussi été évoqués la vidéo-protection, l’augmentation des effectifs de sécurité, la sensibilisation des élèves au smartphone avec, “dès la semaine prochaine, une expérimentation au lycée du nord et au lycée Bamana”… et même une plaque commémorative en hommage à Miki.
À une autre échelle, la réunion a aussi permis d’aborder la surpopulation du lycée avec les constructions d’un lycée à M’tsangamouji et d’un collège à Bandraboua. Ou encore, la création d’une “classe relais”, pour les élèves les plus difficiles et qui ont déjà fait l’objet d’une expulsion de leur établissement d’origine. Enfin, “au sujet de l’immigration clandestine, le préfet nous a indiqué s’être rendu en métropole pour discuter de l’hélicoptère qui surveille la côte. Il avait aussi parlé de déchoir de leur nationalité les parents d’enfants délinquants, et il en est à 100 titres déchus”, retranscrit le porte-parole du comité.
Le collège de M’tsamboro réclame son dû
De quoi étouffer les départs de feu dans le nord ? Pas tous, apparemment. Car du côté du collège de M’tsamboro, c’est au tour du personnel éducatif et des parents d’élèves de voir rouge. En cause : un manque de surveillants, à en croire plusieurs membres du collectif mobilisés. Depuis lundi, l’établissement s’est donc recouvert de banderoles, “Stop aux violences” et “+ de surveillants”. “Le mouvement a débuté avec les parents qui ont bloqué le collège lundi, et nous nous sommes joints à eux”, retrace Léa Hugon, représentante des personnels au CA et élue paritaire pour la CGT Educ’action.
D’après l’enseignante, le collège manque d’AED (assistants d’éducation) pour encadrer ses quelque 1.700 élèves. “En métropole, on est à un personnel encadrant pour 89 élèves, et à Mayotte, c’est un pour 179. À M’Tsamboro, nous sommes à un pour 207 !”, souffle-t-elle. Un problème qui aurait déjà été remonté à plusieurs reprises, sans obtenir de solution. Et l’agression fatale de Miki a donc naturellement jeté de l’huile sur le feu. “Il y a eu un meurtre juste à côté, de quelqu’un du village, et nous n’avons pas de vraie cellule psychologique. En réalité, on partage notre psychologue avec la cité du Nord. Donc, en gros, on déshabille Pierre pour habiller Paul !”
L’ultimatum passe mal auprès du recteur
Le collectif demande donc un renfort immédiat des effectifs de la vie scolaire, le temps de recruter au moins 8 AED en équivalent temps plein à la rentrée prochaine, l’intervention de psychologues dans toutes les classes, et la présence d’une cellule psychologique et de soutien pour les élèves et les enseignants. Et après officiellement deux jours de mobilisation, les grévistes retournent en classe avec un ultimatum : “si nous n’avons pas l’engagement écrit et signé de Monsieur le Recteur concernant nos revendications au plus tard vendredi 30 avril, alors le mouvement reprendra dès lundi 17 mai”, écrivent-ils.
Mais le responsable de l’académie ne l’entend pas de cette oreille. “M’tsamboro c’est un des établissements les mieux dotés de l’île ! Il est REP + ! Moi je compte 22 personnes pour la vie scolaire. Et nous venons de faire des travaux pour améliorer le cadre de vie et la sécurisation”, s’insurge Gilles Halbout, qui ne comprend pas la revendication de huit AED. “Nous répartissons les moyens en fonction des besoins. Là, il y a un collectif qui joue de manière indécente sur les peurs des élèves, l’émoi et la tristesse des parents pour demander n’importe quoi. J’ai bien lu leur demande, nous allons l’évaluer avec la principale car c’est elle qui connaît les besoins. Et si il y a besoin de renforts, nous en donnerons”, lâche finalement le recteur. Décidément appelé sur tous les fronts.
Cela faisait dix ans que le centre hospitalier de Mayotte n’avait pas un comité de direction complet. Alors la directrice, Catherine Barbezieux, a voulu marquer le coup en invitant la presse à assister à leur séance de travail. L’occasion d’évoquer les dossiers brûlants et les am-bitions de l’hôpital.
C’est un travail de longue haleine qui se finalise enfin au centre hospitalier de Mayotte. Les postes de directions n’étaient pas au complet depuis plus de dix ans. Quelques recrutements plus tard, plus aucun n’est vacant. Les nouveaux profils sont « très diversifiés » fait savoir la directrice du centre hospitalier de Mayotte, Catherine Barbezieux, et tous sont prêts à mettre la main à la patte. En effet, de nombreux dossiers méritent une attention particulière. La dernière réunion du comité de direction a été l’occasion de rappeler les objectifs de chacun et les ambitions de l’hôpital.
L’hospitalisation à domicile
La crise sanitaire a apporté son lot de malheur, mais elle a aussi permis au CHM de dépasser ses limites. Ce qui fût le cas avec l’hospitalisation à domicile, qui a vu le jour lorsque les bâtiments de l’hôpital de Mamoudzou débordaient de malades atteints par le Covid-19. L’étape sui-vante? Continuer sur cette lancée et pérenniser ce service. « L’idée est de prendre en charge le maximum de patients, notamment ceux en réhabilitation, en obstétrique, et enfin les pathologies psychiatriques », explique Matthieu, directeur adjoint chargé des ressources humaines et de la formation. Une demande a été faite auprès de l’agence régionale de santé pour avoir les autorisations et pouvoir augmenter les capacités de l’hospitalisation à domicile. Pendant la crise sanitaire, 60 patients étaient hospitalisés chez eux, la direction de l’hôpital espère désormais atteindre 100 à 120 personnes.
Hôpital Martial Henry, source de désaccord
Le nouveau site hospitalier Martial Henry en Petite-Terre est source de conflits qui n’en finissent pas entre les syndicats et la direction de l’hôpital. Des « déclarations fantaisistes et récentes », lance Catherine Barbezieux sans citer de nom. En effet, certains agents hospitaliers et syndicats avaient campé devant la nouvelle infrastructure de Pamandzi dimanche dernier pour dénoncer le non transfert des lits de médecine de l’hôpital de Dzaoudzi. Mais selon la directrice, « il n’a jamais été question de lits de médecine sur ce site ». L’établissement en question correspond exactement à ce qui avait été élaboré en 2012 au début du projet. Aucune modification n’est possible puisqu’il est en grande partie financé par des fonds européens et dans ces conditions les contrôles sont plus stricts. « Nous sommes contrôlés tous les trois mois. S’il y a la moindre modification par rapport au projet initial, nous avons des pénalités financières, donc nous ne pouvons pas nous permettre de nous amuser à changer l’orientation en cours de route, parce que cela serait très pénalisant financièrement », assure Catherine Barbezieux pour sa défense. Que les organisations syndicales se rassurent : la dizaine de lits en médecine de l’hôpital de Dzaoudzi ne seront pas perdus, puis-qu’ils seront transférés sur le site de Mamoudzou.
Les syndicats réclament également la création d’une structure pour la balnéothérapie. Cette de-mande ne date pas d’hier, pourtant elle ne figure pas non plus dans les plans du nouvel hôpital. Cependant, la direction n’ignore pas son importance et est ouverte aux discussions. « La balnéothérapie fait l’objet d’une étude par le cabinet depuis deux ans pour entrer dans la structure », annonce la directrice de l’hôpital. Mais le dossier est pour l’instant en suspend car la priorité est l’ouverture rapide du site Martial Henry. Or, ce nouveau service risquerait de la retarder.
Objectif nouvel hôpital dans dix ans
Les murs des différents sites hospitaliers de l’île ne sont pas indéfiniment extensibles. La nécessité d’avoir un deuxième hôpital émerge depuis quelques années et les choses devraient prendre une nouvelle tournure. « L’objectif est d’aller vite. Il faut vraiment que nous déterminions le périmètre de ce qu’il va avoir dans les deux hôpitaux et faire en sorte de desserrer l’étau dans les dix ans intermédiaires », indique la directrice de l’hôpital. La crise sanitaire a plus que jamais mis en évidence les points faibles du CHM. En ligne de mire : les lits de réanimation qui ne sont pas suffisants. Pour l’heure les options pour ce deuxième hôpital ne sont pas choisies. Alors tout est fait pour désengorger les structures déjà existantes. À cela s’ajoute la volonté d’avoir un HéliSmur, comprenez un hélicoptère qui vole 24h/24. Celui que détient le CHM est déjà aux normes, mais l’héliport nécessite un changement. « Nous allons déplacer cette surface pour en avoir une qui permettra à l’hélicoptère de voler H24, même la nuit », se réjouit la directrice du CHM. Autant de projets qui prennent du temps à se réaliser, mais qui devraient s’accélérer grâce aux nouvelles recrues du comité de direction de l’hôpital. Du moins, nous l’espérons…
En marge de la commémoration de l’abolition de l’esclavage le 27 avril prochain, tous les élèves de quatrième du collège K2 se sensibilisent à cette thématique avec l’appui des archives départementales de Mayotte. L’occasion de traiter la partie historique mais aussi de réaliser un travail de mémoire local, avec l’enregistrement d’un podcast par les collégiens.
« Est-ce que vous avez déjà entendu parler de l’esclavagisme dans votre entourage ? » Timidement, quelques mains se lèvent dans le CDI du collège K2. À quelques jours de la commémoration de l’abolition de l’esclavage, la question suscite le débat dans l’établissement scolaire puisque tous les élèves de quatrième sont sollicités sur la question. L’idée : relater l’histoire bien sûr, mais aussi et surtout réaliser un travail de mémoire, propre au 101ème département.
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Quoi de mieux alors que de se plonger dans des documents originaux, du XVIème siècle pour certains, comme des tableaux d’artistes ou des témoignages oraux, pour retracer tout le chemin parcouru ? « Pour qu’il y ait une meilleure résonance, les archives départementales sont un précieux allié. Elles permettent aux élèves de se mettre dans la peau de l’historien », se réjouit Loetizia Fayolle, inspectrice pédagogique régionale en histoire-géographie, qui voit dans ce projet une manière de « s’approprier » le sujet, inscrit dans les programmes scolaires depuis la loi Taubira du 21 mai 2001, et de « dégager les principaux acteurs ».
« Il faut réveiller tout ça »
Mais ce n’est pas tout. Cette heure de sensibilisation permet aussi d’éveiller les esprits sur trois thématiques précises : la traite négrière, l’abolition de l’esclavage et la société esclavagiste à Mayotte. « Ils [en] connaissent quelques bribes, il faut juste réveiller tout ça », sourit Issa De Nguizijou des archives départementales. « Il suffit de lancer un mot pour créer l’engouement. » Le but de la manœuvre ? Donner des éclairages pour appréhender ce phénomène auquel le territoire n’a pas échappé et le recontextualiser dans le temps et dans l’espace pour en comprendre les enjeux d’hier et d’aujourd’hui.
Et les collégiens se prêtent au jeu. Tout comme les enseignants. « Demain [ce vendredi 23 avril], chacun des groupes va exposer ce qu’il a appris et retenu », se languit d’avance Sophie Moreau, professeur d’histoire-géographie. Avant de procéder à un enregistrement audio avec leurs impressions, disponible par la suite en podcast. « Cet exercice leur plaît beaucoup car il vient en complément de ce que nous avons étudié en début d’année », ajoute-t-elle, impatiente de découvrir le résultat final.
En attendant, celle qui enseigne depuis 2013 à K2 se satisfait des premiers retours. Notamment dans sa classe de petits lecteurs et scripteurs. « J’ai été agréablement surprise car quand nous avons fait le travail de restitution, ils étaient fascinés, surtout lorsqu’ils ont dû expliquer des termes intraduisibles en shimaoré ! » Mieux encore, selon elle, cela leur permet de déconstruire la culture mahoraise et d’assimiler l’impact des Arabes et de la religion. « Ils n’en avaient pas forcément conscience », décrit-elle. Pas de doute, le devoir de mémoire va s’imprégner dans toutes les têtes.
Face à la situation et au silence des structures du gouvernement, les six salles de sports de Mayotte ont lancé une pétition en ligne sur change.org à destination du délégué du gouvernement, Jean-François Colombet, pour tenter de faire entendre notre voix.
Fermées administrativement depuis le début du second confinement, les infrastructures n’ont pas pu rouvrir. « Nous sommes à ce jour sans nouvelle de la préfecture, lorsque nous arrivons à avoir quelqu’un, nous sommes automatiquement renvoyés dans nos cordes sans réponse », tempètent-ils.
« Par cette pétition, nous ne voulons pas oublier la situation sanitaire, loin de là. D’ailleurs, notre métier est avant tout de prendre soin du corps et donc de la santé de nos adhérents, nous y attachons une importance capitale. En ce sens, nous nous sommes tout de suite adaptés à la situation pour ne pas participer à la propagation du virus : appareils distants les uns des autres, parcours à sens unique, jauge maximale d’accueil du public, nettoyage des machines avant et après chaque utilisation. Tout est réuni pour assurer cette sécurité sanitaire, tout en permettant l’exercice d’une activité physique. »
Et alors que les taux d’incidence et de positivité ne cessent de baisser depuis le 15 mars, les responsables des salles de sports s’interrogent… « Pourquoi sommes-nous ignorés dans nos requêtes. Nos adhérents ont parfois un besoin vital de pratiquer une activité physique ! Nous participons à l’activité de l’île, au même titre qu’un commerce ou qu’un restaurant. Alors nous nous en remettons à vous chers amateurs, adhérents ou simples citoyens supporters : aidez-nous, partagez cette pétition et signez-là si vous aussi vous souhaitez pouvoir nous retrouver rapidement dans nos salles ! »