Pour éviter que les grands navires ne s’échouent ou heurtent le quai en accostant au port de Longoni, principale porte d’entrée des marchandises à Mayotte, Gilles Perzo a pour mission de guider les commandants dans leur manœuvre. Nous avons embarqué avec ce pilote chevronné pendant l’une d’elles.
« Quand on arrivera au porte-conteneurs, il faudra bien prendre l’échelle sur les côtés au niveau des bouts », nous explique Gilles Perzo, inquiet de voir nos doigts se retrouver écrasés contre la coque du bateau. Encore dans le canal du Mozambique, l’Adelina D attend patiemment un des pilotes de la station de pilotage du port de Longoni pour pouvoir entrer dans le lagon, après avoir navigué pendant deux jours depuis Mombasa, au Kenya. Car pour pouvoir amarrer dans le port mahorais, le commandant du porte-conteneurs doit être assisté par un pilote maritime. Ce jour-là, c’est Gilles Perzo qui s’en occupe. Ce dernier connaît le lagon par cœur et est une des rares personnes à savoir manœuvrer un navire de plus de cinquante mètres de long dans les eaux de Mayotte en évitant les coraux et les récifs. « Là il n’y a que cinquante centimètres de profondeur à ce niveau », dit-il en désignant une bouée à plusieurs mètres.
Un expert en manœuvres
En France, dans chaque port, il y a des pilotes qui sont des experts en manœuvres pour les navires à partir d’une certaine taille. « On ne peut pas prendre le risque qu’un navire de commerce, qui vient une fois tous les trente ans, casse le quai ou s’échoue sur un récif », explique-t-il. Si en général, cela concerne les embarcations de plus de cinquante mètres de long, à Mayotte, les commandants des bateaux mesurant trente mètres de long et plus doivent être guidés par un pilote. « Dans le lagon on peut passer de 40 mètres de profondeur à 50 centimètres en moins d’une longueur de navire », avance le pilote pour justifier cette particularité mahoraise. Devant connaître les eaux dans lesquelles ils doivent aider à naviguer comme leur poche, les pilotes sont soumis à un concours particulièrement sélectif et valable uniquement pour le port concerné. Gille Perzo, par exemple, a passé le concours pour remplir cette fonction à Mayotte il y a dix-huit ans.
Le porte-conteneurs grossit à vue d’œil au fur et à mesure que la pilotine sur laquelle lui et deux des quatre marins de la station de pilotage ont embarqué s’en approche. La fameuse échelle de pilotage nous attend. Une fois hissé sur le pont de l’Adelina D, il faut monter les escaliers jusqu’à la cabine de pilotage, où un commandant à l’accent russe accueille Gilles Perzo en anglais. Pendant ce temps, la pilotine repart.
« Il faut être extrêmement prudent »
La manœuvre commence. « Babord deux », indique-t-il. « Babord deux », répète le marin à la barre. Une fois celle-ci à deux degrés à gauche, il l’indique : « La barre est à gauche ». « Bien », répond Gilles Perzo. Ce protocole de communication est important, car il permet d’être sûr que tout est bien entendu et compris. Ils utilisent d’ailleurs un anglais simplifié. « Il faut être extrêmement prudent. Il y a une relation de confiance qui s’installe. Le commandant nous confie son navire et sa carrière, car il reste responsable », confie le pilote.
Ce dernier ne changerait de métier pour rien au monde. « J’ai décidé d’être marin à l’âge de 7 ans », se souvient-il. La mer coule dans ses veines. « Mon grand-père était amiral et a commandé les navires les plus rapides du monde », affirme-t-il. Lui-même a été commandant dans la marine marchande, a assuré le remorquage à Sète (Hérault) et a même déjà commandé le Belem, un des plus anciens trois-mâts en Europe en état de navigation.