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A la rencontre de… Tanchiki Maoré

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La vie en rose

« Il est venu tout seul, avec un projet. Nous lui avons apporté une aide financière pour le soutenir. Il est allé en métropole acheter un camion. Lorsqu’il est revenu… il avait un camion bon pour la casse. On s’est dit que ça n’allait jamais marcher, qu’il n’allait pas tenir. Aujourd’hui il dirige la compagnie aux camions roses qui vide les fosses septiques. Il emploie plusieurs salariés, son entreprise fonctionne bien ! Ce sont des exemples comme celui-là qui me font penser que l’île a un énorme potentiel et que les choses vont s’améliorer ». Ce sont les mots de Maymounati Ahamadi, la présidente de la Boutique de Gestion, pour décrire Tanchiki Maoré. Érigé en modèle par tous, l’entrepreneur préfère quant à lui rester modeste. Il n’aime pas parler de lui. Il accepte notre invitation parce qu’il espère donner l’envie d’entreprendre aux nouvelles générations dans le contexte de crise que traverse l’île.

L’histoire du camion rose

L’histoire de Tanchiki, c’est l’histoire de son camion rose, une épave ramenée de métropole devenue le symbole de son succès. Après avoir passé dix ans dans l’Hexagone, l’entrepreneur débarque à Mayotte avec le projet de se lancer dans la construction industrielle. En arrivant, il revoit ses projets : « J’ai vu qu’il y avait beaucoup à faire dans l’environnement et dans l’hygiène », explique-t-il. « Il y avait un retour d’au moins 30 ans par rapport à La Réunion, de 50 ans par rapport à la métropole. Je me suis dit que si l’on continue comme ça, notre grande richesse qu’est le lagon va mourir. Il avait déjà commencé à mourir. C’est pour ça que j’ai eu l’idée de faire de l’assainissement ». Le Mahorais retourne alors en métropole pour faire des formations dans le domaine des vidanges de fosses septiques et le ramassage d’ordure. Mais pour se lancer, il faut du matériel. Un camion d’assainissement coûte 100 000 euros, d’occasion. Tanchiki n’a pas les moyens, mais il entend parler d’un vieux camion, de plus de trente ans, mis aux enchères par la ville d’Évreux. « J’avais 40 000 euros. Le prix de base aux enchères était 38 000 euros, si quelqu’un surenchérissait, c’était mort. C’était un vieux Berliet. J’ai levé la main, tout le monde dans la salle m’a regardé. Quand ils ont vu que j’étais noir ils se sont dit:  » De toute façon ça va aller en Afrique, c’est normal ». Ils sont venus me voir après pour me demander dans quel pays j’envoyais le camion. Il était classé en collection, il ne pouvait plus être utilisé en France. Mais moi je l’amenais ici, en France », s’amuse Tanchiki Maoré. Il éclate de rire en se remémorant les visages moqueurs des autres acheteurs. Puis c’est l’arrivée à Mayotte, là aussi, on se moque de lui : « Quand le camion est arrivé au port, je suis allé le chercher. Je demande au gars du port où il se trouve et on me répond qu’il n’y a pas de véhicule dans le bateau. Je leur montre les papiers, ils me disent « ah, c’est le truc pourri ! Dégage-moi ça ». Ça puait, ils l’avaient mis dans un coin et personne n’osait s’en approcher. Ils m’ont fait partir tellement vite qu’on n’a même pas eu le temps de signer les papiers. J’ai dû revenir le lendemain pour les formalités ».

Les employés au complet

La Dieccte et la BGE qui avaient aidé financièrement Tanchiki à se lancer s’inquiètent également.  » Ce camion faisait peur à tout le monde. Le président de la GBE est sorti de son bureau, il a regardé le camion et m’a demandé s’il démarrait vraiment. La responsable de la Dieccte m’appelait toutes les deux semaines pour me demander: « Le camion est encore debout ? ». Certes, l’engin roule, mais difficilement. Une fois plein, il peine à gravir les côtes mahoraises. Plus d’une fois, l’entrepreneur doit faire venir un 4×4 pour tracter le véhicule. « Je faisais pitié aux gens. Une fois, des touristes ont vu ça, les mecs sont venus. C’était dans la montée de Chirongui. Je transpirais, j’essayais de tirer le camion avec mon 4×4. Je leur ai expliqué que je venais de commencer. Ils venaient de métropole, ils n’avaient jamais vu ça !”

« Mon père avait honte »

Derrière les rires et les anecdotes amusantes, se cache une autre histoire, celle de débuts difficiles et des moqueries. Avec une épave comme seule richesse, personne ne croyait vraiment en la réussite du projet de Tanchiki Maoré. Ce dernier a dû déployer une énergie et une volonté de fer pour en arriver là. « Tout le monde me traitait de Kamikaze. Mon père avait honte, il ne m’a pas parlé pendant six mois. Je suis parti en métropole et je reviens avec un vieux camion pour ramasser le caca des autres. Dans la mentalité locale, ton fils qui revient de métropole après 10 ans d’absence il faut qu’il ait un poste au Conseil Général, à la préfecture ou dans une mairie. Mais ton fils qui arrive dans un camion pourri pour ramasser le caca des autres, il a échoué. Pour les 60 ans de mon père, je lui ai offert un cadeau, il a toujours rêvé d’un 4×4 pour aller à la campagne. Je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire que c’était l’argent du caca qui avait payé ça ». Avez-vous eu peur d’échouer, lui demande-t-on. « Je n’avais pas le droit à l’erreur », répond l’entrepreneur. Il poursuit coûte de coûte, certain de sa réussite : « Dans le village on m’appelait « monsieur caca » quand je m’asseyais, les gens à côté de moi se levaient pour changer de place, car ils ne voulaient pas être assis à côté de quelqu’un qui a ramassé du caca toute la journée. Il fallait que je montre que j’avais raison, car j’étais tout seul contre tout le monde, même mes parents. Du coup, je me suis battu. Aujourd’hui tous ces jeunes qui se moquaient de moi, ils se sont excusés et ils veulent travailler pour moi. Je ne suis pas rancunier parce que je suis fier, j’ai réussi à leur montrer qu’ils avaient tort. Il n’y a pas de sot métier, il ne faut pas se moquer des autres ».

Situation économique difficile

Pourtant, encore aujourd’hui Tanchiki Maoré n’est pas au bout de ses peines. Primé au niveau local comme au niveau national, il est inquiet pour l’avenir de l’économie mahoraise : « Les profs, les infirmiers ne renouvellent pas leurs contrats. Avec la mauvaise publicité de Mayotte, on va avoir du mal à remplacer ces gens-là. Il y a 3 000 fonctionnaires qui ne vont pas venir à Mayotte en 2017. Ce sont autant de personnes qui ne prendront pas l’avion, qui n’iront pas au restaurant, qui n’auront pas à se loger, il va y avoir beaucoup de logements vides. Et dans ce cas c’est 3 000 personnes qui n’iront pas aux toilettes… et donc des clients en moins. Tout cela va créer du chômage. Le chômage mène à la crise et à la délinquance », s’inquiète le dirigeant.

L’insécurité lui pèse, les responsabilités aussi, parfois. Chaque jour il doit refuser les candidatures de dizaines de jeunes. Parfois il envisage de tout vendre pour partir vivre « peinard » en métropole ou à La Réunion, mais son attachement à Mayotte l’en empêche : « Des fois je suis faible, je m’enferme tout seul et je chiale comme un bébé. Mais je suis obligé de montrer que je suis fort pour Mayotte. Quand je suis à bout, pour garder le moral je me dis qu’il y a des Français qui ont perdu la vie pour la liberté et le peu de sécurité que nous avons aujourd’hui. Moi, on me demande seulement de donner de l’énergie ».


 

Portrait Chinois

Si vous étiez…

Une couleur : Rose, comme mon camion. La couleur rose c’était tout un travail pour que les gens s’intéressent à ce que je fais. Lorsque mon camion pourri passait, même s’il étanche, qu’il ne sentait pas, tout le monde s’écartait. Maintenant, tout le monde le regarde. Il transporte la même chose que le camion pourri, mais la couleur donne envie de regarder.

Un lieu : La Bretagne. J’y ai vécu. Pour moi, c’est le plus beau coin du monde. Les gens sont accueillants, les paysages. On retrouve des éléments de Mayotte : la mer, la nature.

Un plat : Je suis mahorais : Riz poulet. C’est le premier plat dont je me souviens de ma mère. Il y a un côté affectif, ça a été cuisiné avec amour par ma mère. J’ai voyagé partout dans le monde, mais je ne peux pas passer une semaine sans manger du riz et du poulet. Heureusement ce sont des aliments qu’on peut retrouver presque partout.


 

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte hebdo n°1085

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