La vitesse de croisière des évacuations sanitaires de Mayotte divisée par quatre

En 2018, le service des évacuations sanitaires a effectué 1.006 transports en direction de La Réunion. Sollicité par n’importe quelle unité de l’établissement public ou par des médecins libéraux, il organise les transferts des patients qui ne peuvent être pris en charge sur le territoire. Entre la propagation du virus, la fermeture des liaisons aériennes et la suspension d’une grande partie des consultations dans son ensemble, l’équipe en poste s’adapte au mieux pour répondre aux urgences vitales. Éléments de réponse avec Ludovic Iché, le responsable du service Evasan.

Flash Infos : Depuis l’annonce le 28 mars dernier de la suspension des vols commerciaux entre La Réunion et Mayotte, comment vous organisez-vous pour assurer la continuité des évacuations sanitaires ?

Ludovic Iché : Les autorités ont réquisitionné le Dreamliner d’Air Austral à raison de deux fois par semaine pour le mettre à disposition des évacuations sanitaires. Notre service envoie la liste de patients à l’agence régionale de santé et à la préfecture qui la valident. Comme nous travaillons en temps normal avec Air Austral, le processus n’a pas changé que ce soit pour les civières ou l’oxygène. Le seul problème est que les urgences vitales ne nous préviennent pas à l’avance… Si par exemple il y en a une qui tombe durant ces deux rotations, nous avons recours à deux autres solutions grâce aux forces armées. Il y a tout d’abord le vecteur aérien, avec le CASA qui est basé à La Réunion, dans lequel nous pouvons transporter deux patients sur civières médicalisées avec oxygène. Puis il y a la voie maritime que nous avons déjà utilisée trois fois. La contrainte de la navigation est son temps de réactivité : si je les appelle aujourd’hui, ils ne seront là que demain ! Mais ça nous permet tout de même d’avoir deux autres cordes à notre arc.

La plus grande difficulté à l’heure actuelle pour le service est l’adaptation en permanence. Comme il n’y a plus de billetterie, tous les processus administratifs sont à revoir pour avoir l’aval des différentes autorités. Le plus gros travail en ce moment est d’avoir les bons contacts en fonction du transporteur et les bons circuits d’information pour que tous nos patients puissent embarquer. Et surtout que tout ne tombe pas à l’eau pour des questions administratives. En sachant que nous devons toujours gérer nos contraintes comme l’oxygène, le matériel, les prises électriques si besoin… Cela rajoute une complication, d’autant plus que nous travaillons pour la première fois avec les militaires.

FI : En cette période de confinement, comment analyseriez-vous l’activité du service des évacuations sanitaires ? Et surtout, comment évaluez-vous les risques une fois que la liaison avec La Réunion sera rétablie ?

L. I. : Bien évidemment, notre activité a diminué puisque bon nombre de consultations sur rendez-vous sont suspendues durant le confinement. Mais il ne faut pas oublier que les urgences continuent de tourner ! Rien que mardi, nous avons fait partir une rotation de cinq patients. En temps normal, nous sommes à 100 evasan par mois. Durant la période de crise, nous allons plutôt osciller entre 20 et 25… Tout simplement parce que les dossiers non urgents, comme les chirurgies programmées, ont été annulés. Ils sont mis en stand-by et reportés à la reprise du pont sanitaire.

D’ailleurs, je suis déjà en train d’anticiper la levée de crise parce que cela va être très compliqué à plusieurs niveaux pour nous. Je pense à la gestion administrative de tous les patients, à la réservation des places dans les avions et à l’absorption de tout ce retard par La Réunion. Il va falloir que nous étalions au maximum dans le temps les envois et que nous réévaluions les dossiers médicaux, pour diagnostiquer ceux qui seront prioritaires. À l’instar de la cancérologie. Heureusement, certaines évacuations sanitaires peuvent être facilement déplacées de six mois.

FI : Chez certains habitants, les conditions sanitaires font craindre une crise de grande envergure. Pouvons-nous envisager que La Réunion nous ouvre ses portes en cas d’explosion du nombre de malades atteints du Covid -19 à Mayotte ?

L. I. : Tout va dépendre de l’évolution de l’épidémie dans les deux îles. Si notre service de réanimation dépasse ses capacités d’accueil et que ce n’est pas le cas de celui de La Réunion, il est fort probable que nous évacuerions des patients du Covid -19. C’est même quasiment certain ! Cela ne représenterait pas une contrainte particulière pour nous. Après, le débat se situerait davantage entre nos agences régionales de santé et nos hôpitaux respectifs. L’entente est très cordiale entre les personnels soignants d’ici et là-bas, il n’y aurait donc aucune difficulté de notre côté. Nous avons même déjà évoqué cette possibilité ensemble et bien souvent, nous résolvons les problèmes entre nous. C’est une force qui peut nous permettre d’appuyer nos jugements médicaux, face à cette potentielle rivalité médico-politique entre Mayotte et La Réunion.

 

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