L'ACTUALITÉ DE MAYOTTE 100 % NUMÉRIQUE

Les infos de Mayotte depuis plus de 20 ans !

« J’ai mis du temps à réaliser que je devenais une prostituée »

À lire également

Amour, sexe & séduction

Un salouva pour souligner les formes, une danse pour être sexy, des regards et des senteurs, ou encore des soins du corps : à Mayotte, la séduction est un art. Mais comme tout dans cette société en constante évolution, cette séduction change et s'adapte, tout en gardant ses caractéristiques. Une séduction qui s'encanaille aussi, car aujourd'hui le sexe est de moins en moins tabou sur l'île aux parfums. Et si la pudeur est encore de mise, on hésite de moins en moins à se faire plaisir avec des jouets coquins. À l'occasion de la Saint-Valentin, Mayotte Hebdo s'est penchée sur les petits secrets des unes et des autres. Croustillant !

Tradition : la circoncision, ça se fête ! 1/3

On entend un peu tout sur la circoncision, affolant parfois certains et heurtant d'autres cultures. Les anciens sont pour, les nouvelles générations aussi, mais à condition que la pratique soit fiable et exercée par un professionnel de la santé, loin de ce qui se faisait jadis. D'autres plus réticents s'interrogent : Est-ce dangereux ? Pourquoi le jeune garçon doit être circoncis ? Comment se déroule l'acte ? Et de l'autre côté, qu'en est-il des événements religieux et culturels en lien ? Mais en fait, tout simplement, la circoncision, quésaco ? Quelle place tient-elle dans notre société mahoraise ? Autant de questions qui subsistent. Réponses dans notre série de la semaine.

 

Le voulé: toute une histoire

Amical, politique, pédagogique, sportif ou encore électoral, mais toujours festif : à mayotte, le voulé se consomme à toutes les sauces. mais si l'évènement est courant, pour ne pas dire obligatoire, peu savent à quand il remonte et quelles sont ses racines.

Fines gâchettes et dents broyeuses : les balistes

La saison des pluies est aussi celle de la reproduction des poissons-baliste, craints des plongeurs pour le zèle qu’ils mettent à protéger leurs œufs le temps de l’incubation. Penchons-nous sur ces étonnants poissons anguleux aux motifs déconcertants qu’on dit peints par Picasso… 

À 25 ans, Naima* est maman d’un garçon de dix ans. Ayant arrêté l’école au collège après sa grossesse, l’habitante de Trévani, originaire de Koungou, n’a jamais travaillé. Les écueils de la vie l’ont mené petit à petit à se prostituer durant quelques années pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Depuis un peu plus d’un an, Naima a pris un nouveau tournant : elle ne fréquente plus ses clients et suit une formation professionnalisante dans l’espoir de trouver rapidement un emploi. 

 Mayotte Hebdo : Dans quel environnement social avez-vous évolué ? 

Naima : Je suis née dans une famille modeste de cinq enfants. Nous avons toujours vécu avec très peu de moyens, mais mon père qui travaillait dans les champs a toujours pu nous nourrir. J’ai toujours aidé mes parents. J’allais à la campagne avec mon père et au marché avec ma mère pour revendre les fruits et les légumes. Je n’ai pas vraiment eu d’éducation religieuse. Ma grand-mère faisait la prière, ma mère aussi, mais pas mon père. Moi je crois en Dieu, mais ne suis pas pratiquante. 

MH : Comment en êtes-vous arrivée à la prostitution ? 

N : J’ai mis du temps à réaliser que je devenais une prostituée. Pour moi, ce que je faisais n’était pas de la prostitution. J’étais plus une maîtresse. Je ne pensais pas en arriver là. J’étais dans une période triste de ma vie. J’avais arrêté l’école, je venais d’avoir un enfant. Avec ma famille on vivait difficilement. Mon père, qui est vieux, n’allait plus à la campagne. Avec un bébé c’était encore plus compliqué. Un enfant rend heureux, mais il faut s’en occuper. Des fois je n’avais pas de couches. Je donnais à manger à mon enfant et préférais me sacrifier. Mon grand-frère travaille, mais ne peut pas nourrir toute la famille. Je voulais trouver une solution et ne pas embêter mes parents. La plus facile c’était celle-là. C’est des amies à moi qui me disaient que de temps en temps des hommes leur donnaient des sous en échange de « quelques caresses ». Je pensais que ce n’était rien. 

MH : Quelle est la définition d’une « prostituée » selon vous ? 

N : Pour moi, une prostituée c’est une fille qui « fait la pute ». Elle vend son corps. C’est ce qu’on dit aussi dans nos villages. Dans notre tradition c’est ça. Les filles qui font ça sont très mal vues et c’est humiliant pour les familles. Ici, tu ne peux pas faire la pute ouvertement. Ça ne passe pas. 

MH: Qui étaient vos clients ? 

N : C’était tout le monde. Tous ceux qui pouvaient me donner de l’argent. Une fois, j’ai même eu un jeune homme qui voulait être dépucelé. « Faire de lui un homme », il m’avait dit en shimaoré. C’est une amie qui l’avait dirigé vers moi. Il m’avait donné 100 euros. C’est sa famille qui l’avait envoyé pour le préparer à une vie « d’homme », ne le voyant jamais avec une fille. Des fois c’était des relations rapides avec un homme de passage, je pouvais avoir 50 euros, des fois 20. Je prenais vraiment ce que je pouvais avoir. Je n’avais pas de clients tous les jours, alors je ne pouvais pas me permettre de ne rien prendre du tout. 

MH : Pourquoi ne jamais avoir fixé de tarifs ? 

N : Je n’ai jamais donné de tarifs aux hommes qui venaient me voir parce que je sais qu’on ne m’aurait jamais donné le montant exact. Je prenais ce qu’on me donnait parce que j’avais besoin d’argent, c’est tout. Une fois que tu commences, tu es embarquée dans ce monde. Tu ne peux plus t’arrêter, c’est de l’argent facile et il faut nourrir ton enfant et aussi aider ta famille. Même si ce n’était pas beaucoup, 50 euros en une journée me permettait d’acheter à manger pour la semaine. Je n’étais pas régulière. J’avais des clients de temps en temps. C’est peut-être pour ça aussi que je ne me considérais pas comme une prostituée. 

MH : Où et comment se déroulait la prise de rendez-vous ? 

N : Ça pouvait être n’importe où, surtout dans les coins de Koungou et Trévani. Dans un buisson au milieu de la nuit, à l’intérieur ou derrière une voiture en soirée. Je n’ai jamais été chez le client. C’était toujours la nuit, car la journée je me faisais discrète et j’étais avec mon fils. Il y a toujours quelqu’un qui te prévient quand il y a un client. Généralement, c’était des amis ou la famille des clients. On nous mettait en contact. Les hommes mariés m’appelaient sur mon téléphone, les autres, eux, n’avaient pas de formalités particulières. Je recevais un appel et sortais de chez moi pour retrouver le client. 

MH : Avez-vous songé à trouver une aide financière de manière différente ? 

N : Aujourd’hui, j’ai honte de dire ça, mais je n’ai pas cherché loin. Je n’ai pas voulu continuer à aller dans les champs, à galérer. Les gens t’aident des fois en te donnant quelques trucs, mais ils ne peuvent pas t’aider toute ta vie. Je voulais de l’argent sur le moment. Se former, tout ça, ça prend beaucoup de temps. Après, il faut espérer trouver un boulot. Je n’avais pas le temps pour tout ça moi. 

MH : Avez-vous déjà été en danger ? 

N : Non. Mes clients ne m’ont jamais frappée. Je faisais ce qu’on me disait de faire sans réfléchir. Ils étaient juste là pour s’amuser avec moi et repartir. J’ai souvent eu les mêmes clients. Je les connaissais. Ma seule peur était d’attraper des maladies. Durant mes cinq années de prostitution, il m’est arrivé d’avoir des rapports non protégés. Sur les conseils d’une amie, j’allais voir une gynécologue à l’hôpital de temps en temps pour être sûre que tout allait bien. 

MH : Votre famille est-elle au courant de votre ancienne activité ? 

N : Non et je ne veux pas qu’elle sache ce que j’ai fait. J’ai des grandes sœurs, mariées et avec des enfants. Mon grand-frère serait déçu aussi. Peut-être qu’on ne voudrait plus de moi à la maison. Je serai la honte de la famille si ça se savait. 

MH : Comment vivre avec ce lourd secret au quotidien ? 

N : Le plus dur c’était de faire comme si je ne connaissais pas les hommes quand je les croisais dans la rue. Je mentais aussi à ma famille, en leur disant que j’avais eu des sous en allant vendre des fruits aux marchands, ou bien que j’avais aidé une amie dans des travaux. Je n’étais pas la même à la maison que le soir avec les clients. Une fois à la maison avec ma famille, j’oubliais tout de ce que je faisais la nuit. J’étais une autre personne. 

MH : Quel a été le déclic pour mettre fin à votre activité ? 

N : La seule fois où je me suis absentée avec un client dans la journée, c’était pour un rapport de 10 minutes, j’ai retrouvé mon fils blessé en revenant. Il était encore petit et venait de se réveiller de sa sieste. Il s’est blessé en tombant et avait la bouche en sang. J’ai eu très peur quand j’ai vu tout ça. Je me suis dit que je ne laisserai plus jamais seul. J’ai pris les sous que j’avais et l’ai emmené à l’hôpital. On lui a recousu la lèvre. 

MH : Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ? 

N : J’ai honte. Parce que j’étais perdue. Je ne me rendais pas compte et j’ai mis du temps à réaliser ce que je faisais. Je regrette parce que je n’ai pas écouté ce que nous disent nos aînés, de vivre avec sa famille et de s’accrocher à nos traditions. Ça fait bientôt un an, que je n’ai plus personne qui vient me voir pour des faveurs sexuelles. J’ai encore des fois quelques difficultés, mais je ne veux plus d’argent sale. 

MH: Comment vous reconstruisez-vous ? 

N : Pour aller mieux, il faudrait que je déménage. Que je quitte Mayotte. La maison, le village, tout me rappelle de mauvais souvenirs. Je veux partir d’ici et construire une nouvelle vie avec mon fils. 

Aller dans un village où personne ne me connaît et où je pourrai travailler loyalement. En attendant ce jour, si Dieu le veut, je reste avec ma famille. Je les aide comme je peux et passe beaucoup de temps avec mon fils. J’ai commencé une formation, j’espère que la suite se passera bien. 

MH : Avez-vous consulté une association, un psychologue ou même parlé à quelqu’un pour un suivi, pour vous aider ? 

N : Non, je n’ai jamais pensé à aller voir un psychologue. Quand ça ne va pas, chez nous on passe d’abord par des cérémonies au village. Les plus croyants demandent de l’aide à Dieu. Les autres, les membres de ta famille, te diront qu’on « t’a fait quelque chose », c’est à dire jeter un mauvais sort pour que je devienne une prostituée. Je préfère m’en sortir seule. Parler avec vous, dans le journal, c’est déjà beaucoup pour moi. 

MH : Quel conseil donneriez-vous pour lutter contre la prostitution ? 

N : Je dirais aux jeunes, aux jeunes femmes surtout, de ne jamais faire ce que moi j’ai fait. J’ai beaucoup souffert psychologiquement et souffre encore aujourd’hui. J’ai très honte. Peut-être que j’en souffrirai toute ma vie. Je regrette et ne souhaite à personne de vivre ça. Il faut qu’elles aillent à l’école et qu’elles finissent leurs études pour trouver un travail et s’en sortir. Ne jamais jouer avec son corps. Après, on ne se reconnaît plus, on est détruites. 

 

Article précédentDéni de racolage
Article suivantLa police mahoraise sur le podium

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte hebdo n°1085

Le journal des jeunes

À la Une

Un marchand de sommeil de Pamandzi condamné à un an de prison

Un propriétaire de Pamandzi qui louait 17 logements insalubres à une cinquantaine de personnes a été condamné à un an de prison ce mercredi....

Des commerçants de Cavani proches de mettre la clé sous la porte

Plusieurs acteurs économiques proches du stade de Cavani ont adressé, ce mercredi, un courrier au Département de Mayotte, la préfecture et la mairie de...

TME 2024 : Catégorie Manager de l’année

Dans la dernière catégorie présentée, ce jeudi, Nadjima Ahmed, Emmanuel Clerc, Mouhamadi Andjilani, Aress Saïd Ali et Nadjlat Attoumani concourent au titre de Manager...

Parc naturel marin : « Déterminer la politique globale pour les quinze prochaines années »

Reportée en début d'année pour cause de mouvements sociaux, la réunion du conseil de gestion du Parc naturel marin de Mayotte a pu se...

Un premier degré qui se prépare aussi au « choc des savoirs »

Devant les directeurs d’école, le rectorat de Mayotte a fait le bilan de cette année et présenté les nouveautés à venir. Parmi ces dernières,...