Un incident avec un véhicule du service de sauvetage et de lutte contre l’incendie des aéronefs (SSLIA) pendant un exercice a remis sur la table les revendications du syndicat des pompiers, qui critique la logique gestionnaire de l’entreprise Edeis.
Heureusement que les avions se font encore rares sur la piste de Pamandzi. Jeudi dernier, un accident sur l’un des véhicules des pompiers de l’aéroport a eu lieu en plein tarmac. “Nous avons fait un test de véhicule, dans ces cas-là on peut les faire rouler jusqu’à 100 km/h pour voir la performance”, relate Abdallah Bamana, responsable syndical des sapeurs-pompiers de l’aéroport. Tout à coup, le pneu explose. La roue est déchiquetée – et pas qu’un peu, d’après les photos publiées dans la foulée sur la page Facebook de la section syndicale. Il faut alors tracter le camion sur le bitume, et s’assurer qu’aucun débris n’a été oublié. “C’est un engin qui fait plus de 19 tonnes, nous sommes chanceux qu’il n’ait pas fait de tonneau, et qu’il n’y ait pas eu de blessés”, continue le sapeur-pompier.
Plus de peur que de mal, donc, pour les deux agents qui faisaient rouler le véhicule. N’empêche, pour la section syndicale, cette affaire de pneu, c’est un peu la goutte d’eau. Ou plutôt l’étincelle. Car ce pneu avait été signalé il y a trois mois au chef de service du service de sauvetage et de lutte contre l’incendie des aéronefs (SSLIA), en raison de sa surface trop lisse. Sans que rien ne soit fait, jusqu’à ce jour. Pour la section syndicale, c’est une preuve de plus à charge contre Edeis, le gestionnaire de l’aéroport, qu’elle accuse “de jouer sur la sécurité des agents juste pour se faire du profit”.
Réduction d’effectifs
Dans son post Facebook, le syndicat saisit la perche pour revenir sur la fin du détachement de quatre sapeurs-pompiers professionnels, renvoyés prochainement au SDIS, et qui devront être remplacés par trois sapeurs-pompiers volontaires. Une façon de réduire les effectifs et donc les coûts, car, écrivent-ils en citant la DGAC/DSAC : “Les SPP coûtent trop cher.” À la base, la convention qui lie le SDIS de Mayotte au gestionnaire de l’aéroport Edeis permet de détacher des sapeurs-pompiers professionnels pour assurer la sécurité de l’aéronef. En mettant fin à cette ancienne convention, le syndicat s’inquiète de voir débarquer des légions de nouveaux pompiers venus de métropole, à moindre coût. Il faut dire que la question de leur salaire, de 2.500 euros contre 1.500 euros dans le privé, avait déjà fait couler un peu d’encre il y a quelques mois. À ce moment-là, en décembre 2019, la présidente du SDIS avait obtenu un sursis pour prolonger l’ancienne convention jusqu’à fin juin. Mais le détachement des sapeurs-pompiers professionnels à Edeis est toujours sur la sellette. « Les discussions sont en cours pour établir une nouvelle convention, avec la volonté d’aboutir au 1er juillet. Elles devront acter un schéma de décroissance qui soit humainement acceptable », confie le colonel Fabrice Terrien au SDIS.
Mais ce n’est pas là le seul grief des pompiers. Dans leur viseur, aussi, le respect des normes en fonction du niveau de sécurité de l’aéroport. « Déjà, d’après l’arrêté du 18 janvier 2007, nous devrions avoir des moyens nautiques en tant qu’aéroport côtier. Ce n’est toujours pas le cas aujourd’hui, l’État ferme les yeux », dénonce Abdallah Bamana. Mais outre leurs effectifs réduits, ce sont aussi les véhicules qui commencent à manquer pour respecter le niveau de sécurité, minimum de 6, de l’aéroport. « Normalement, nous devons avoir quatre camions minimums, et deux sont HS », vitupère le responsable syndical. Qui n’hésitera pas à intenter une action en justice contre l’aéroport et le SDIS si un autre accident, plus grave, venait à survenir.
Chaque pneu compte
Contactée, l’entreprise Edeis a tenu à remettre les points sur les i. Sur le pneu, d’abord. « Il s’agit d’un incident regrettable, qui est dû en partie au fait que la période du Covid nous a fait prendre du retard sur le remplacement de ce pneu. Mais nous avons tout fait pour que le camion soit réparé, et nous avons un niveau de sécurité opérationnel aujourd’hui », détaille Cyril Godeaux, le directeur de la communication chez Edeis. Quant aux accusations sur la recherche effrénée de profit, elles sont inexactes, pour la simple et bonne raison que « les services des pompiers sont un service régalien. Même si ce sont des salariés de l’aéroport, ce sont des salariés pris en charge par l’État », explique-t-il. Les dépenses dans le cadre de ce service sont examinées à la loupe chaque année, pour déterminer le niveau de sécurité, en fonction des vols effectués sur l’année, et des prévisions pour l’année suivante. « Un camion représente un investissement minimum de 500.000 euros. Et la tendance globale au niveau de l’État ces derniers temps est plutôt à rester proche de ses sous », résume-t-il.
Vendredi 19, une antenne de la police aux frontières dédiée à la lutte contre le travail illégal était inaugurée en Grande-Terre. Implantée au cœur de Kawéni, celle-ci a vocation à rendre plus efficaces les investigations des policiers en charge de ce dossier déterminant contre l’immigration clandestine.
« Les reconduites aux frontières, la surveillance en mer ou sur terre sont la partie visible de la lutte contre l’immigration clandestine, mais il y a aussi un travail de l’ombre qui agit dans la durée. La lutte contre le travail illégal, c’est cela. Et je sais pouvoir compter aujourd’hui sur ce nouveau dispositif pour lequel les policiers sont chaque jour sur le terrain », affirmait Julien Kerdoncuf, sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine (LIC), vendredi, lors de l’inauguration des locaux de la nouvelle antenne de la police aux frontières en Grande-Terre, dédiée à la lutte contre le travail illégal. Car si ce dernier ne concerne pas que les personnes étrangères dans la clandestinité, il est l’une des motivations qui les poussent à s’installer sur le territoire.
Cette antenne, constituée de quatre policiers, est donc désormais présente à Kawéni. Un choix d’implantation qui ne doit rien au hasard. Le sous-préfet l’expliquait : « Nous sommes dans le poumon économique de Mayotte, le coffre-fort de l’île. En ayant notre antenne ici, nous sommes aussi au cœur du secteur informel. » Attention toutefois, leur secteur d’intervention reste départemental, comme celui de la brigade de Petite-Terre et sa huitaine d’effectifs.
Pour illustrer ce choix d’implantation, un exemple mis en exergue par Julien Kerdoncuf, qui avait accompagné sur le terrain, la veille, les hommes de l’Unité de lutte contre le travail illégale de la brigade mobile de recherche. « Sur les 11 entreprises contrôlées à Kawéni [ce jour-là], huit employaient des étrangers en situation irrégulière, » soulignait-il, en constatant lors de discussions avec eux, que « tous ont invoqué, sans aucune exception, des raisons économiques [à leur venue à Mayotte], car la situation est compliquée aux Comores. Ils sont venus à Mayotte pour travailler. Or, s’ils peuvent travailler ici, c’est parce que des gens les emploient. À leur manière donc, même sans le vouloir, ces employeurs favorisent l’immigration clandestine en tirant bénéfice de ces personnes en situation irrégulière. »
Et de l’affirmer : « La lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre de séjour est une priorité de l’année 2020. » En 2019, 1,6 million d’euros d’amendes administratives ont été dressées contre des employeurs, soit 15.000 euros d’amende par étranger en situation irrégulière employé. « Un chiffre record pour Mayotte et j’ai la certitude absolue qu’il sera très largement dépassé en fin d’année », a annoncé le sous-préfet.
Ce volet administratif n’est toutefois pas exclusif et complète le volet pénal, constitué « d’alternatives aux poursuites et de poursuites devant un tribunal », rappelait Tarik Belamiri, substitut du procureur en charge de la lutte contre le travail illégal. Un volet pénal sur lequel « nous essayons d’être le plus efficace possible, malgré le nombre de procédures qui retardent parfois les réponses. Mais il y en a toujours qui sont apportées à la fin. »
Soutenir le secteur formel
« L’économie informelle à Mayotte n’est pas une fatalité », affirmait également Julien Kerdoncuf, rappelant que la lutte contre le travail illégal était aussi « du soutien à l’économie formelle, car elle permet de lutter contre la concurrence déloyale ». Car si dans une enquête de 2018, l’Insee estimait le poids de l’économie informelle à 9% de la valeur ajoutée générée par les entreprises de l’île et à quelque 9.000 travailleurs concernés, « on voit aujourd’hui le travail illégal s’étendre à d’autres secteurs, notamment le commerce ». Un enjeu d’importance pour le soutien et la stabilisation économique du département, donc, qui devient urgent.
L’attente a été longue pour les habitués mais il est de retour. Le marché paysan de Coconi a repris du service depuis le 13 juin, et ce pour trois samedis consécutifs jusqu’à la fin du mois. Tout au long de cette période, 10 exposants alternent leurs places chaque samedi. L’objectif est de réduire la densité sur le site et ainsi faciliter le respect des gestes barrières.
Ce mois-ci, le marché paysan de Coconi a dérogé à l’un de ses principes fondamentaux. Habituellement, le marché est ouvert uniquement les premiers samedis de chaque mois. Covid-19 oblige, pour le mois de juin, le marché est ouvert sur trois samedis consécutifs. L’objectif est d’éviter une forte affluence et par conséquent les attroupements qui sont contraire aux gestes barrières. Pour cela, l’organisation du marché a totalement été modifiée. “Nous avons divisé le nombre d’exposants par trois. Chaque samedi est consacré à un groupe différent. L’idée est de permettre à chaque exposant de vendre au moins une fois par mois”, explique Laetitia Vannesson, responsable de l’exploitation du lycée agricole de Coconi. Cette nouvelle stratégie est payante puisqu’en effet, il n’y a presque pas eu de regroupements lors du marché de samedi dernier. À l’exception d’un stand de plats préparés très prisé, qui a eu plus de mal que les autres à faire respecter la distanciation physique. En temps normal, le marché paysan accueille jusqu’à 1.500 visiteurs en une seule matinée. Ils étaient à peine 500 les deux derniers samedis, selon les organisateurs. Si cela permet de respecter les mesures de sécurité, la situation n’est pas complètement avantageuse pour les exposants. “Les clients se font timides. Il y en a quelques-uns mais on pourrait mieux faire”, regrette Ismail Andaza, exposant et producteur.
De nouvelles règles à respecter
L’entrée du site est surveillée par un agent chargé d’appliquer du gel hydroalcoolique à tout le monde. Il doit également vérifier si chacun porte un masque et si la distance d’un mètre entre chaque personne est respectée. Le plus grand changement s’opère sur les stands. Les visiteurs n’ont pas le droit de toucher les produits, même s’ils ont l’intention de les acheter. Une règle pas toujours évidente à assimiler. “On leur explique qu’ils doivent juste nous montrer du doigt ce qu’ils veulent. La plupart des gens comprennent, mais il arrive tout de même que certains touchent par habitude”, indique Ismail Andaza, exposant et producteur. Malgré toutes ces nombreuses règles, les clients sont ravis de retrouver leur marché. “Je suis rassurée de voir que les gens respectent les gestes barrières. On peut même se laver les mains avec de l’eau et du savon à l’entrée, c’est parfait”, sourit une cliente. “Cela fait tellement longtemps que je ne suis pas sortie qu’aujourd’hui j’ai l’impression de renaître avec ce marché”, s’en émerveille une autre. Certains visiteurs ont traversé toute l’île pour venir au marché paysan de Coconi. “J’habite en Petite-Terre, et j’avais envie de venir car le marché a été fermé pendant trop longtemps”, selon un client.
Un système qui ne va pas durer
La prochaine ouverture du marché paysan de Coconi aura lieu samedi prochain, mais l’ancienne politique sera de rigueur à partir du mois prochain. Le marché ouvrira seulement le premier samedi du mois. Cependant, une petite nouveauté pourrait bien s’installer sur le long terme. “Le site est ouvert tous les mardis et jeudis pour le Banga des délices. Nous pouvons aussi inviter des producteurs pour qu’ils viennent vendre leurs produits comme cela a déjà été fait pendant le confinement”, annonce Laetitia Vannesson, responsable de l’exploitation du lycée agricole de Coconi. Cela permettra surtout aux producteurs locaux de vendre leurs invendus et ainsi éviter le gaspillage.
Alors que la fin de la saison cyclonique dans l’océan Indien est prévue, comme chaque année, pour la fin du mois de juin, la météo des dix prochains jours ne sera pas pour autant au beau fixe à Mayotte. En cause, un rare phénomène climatique actuellement en cours dans le canal du Mozambique. Un fait exceptionnel oui, mais pas inquiétant. Directeur territorial de Météo-France, Laurent Floch fait le point.
Flash Infos : Quel bilan dressez-vous de cette saison cyclonique, marquée en décembre par le passage de Belna ?
Laurent Floch : En terme de nombre de système tropicaux, elle a été dans la norme. En revanche, les 11 systèmes que nous avons eu cette année ont eu une durée de vie assez courte. D’habitude, quand il y en a une dizaine, la moitié d’entre eux se transforment en cyclones. Si on se base sur cette échelle, c’est même une saison inférieure à la normale. On s’aperçoit que depuis quelques années on a des cyclones qui naissent et grandissent rapidement jusqu’à une forte intensité, voire une très forte intensité, puis qui redescende aussi vite. Ce qui fait que la puissance du phénomène est répartie sur un temps plus court. C’est typiquement ce qu’on a vu avec Hellen en 2014, qui est devenu le plus gros cyclone tropical jamais observé dans le nord du canal du Mozambique, et qui est mort en deux jours. On l’a vu aussi plus récemment avec Belna, le 8 décembre, à une centaine de kilomètres de Mayotte. C’était la première alerte rouge depuis 1986, et c’est quelque chose d’important. Le cœur d’un cyclone ne fait qu’entre 60 et 100 km de diamètre, si on compare ça avec le faible nombre de cyclones dans la région et leur courte durée de vie, on se retrouve avec de très faibles probabilités d’être touchés. Mais une probabilité reste une probabilité, et potentiellement un jour ça frappera Mayotte, comme c’est arrivé en 1985 et en 1986.
FI : Quelles sont les prévisions pour la fin de la saison cyclonique, qui survient habituellement autour du 30 juin ?
L. F. : Il y a encore deux semaines, on était quasiment sûrs qu’il n’y aurait rien. Mais là, il y a une petite anomalie, ce qu’on appelle un thalweg proche équatorial (une importante circulation dépressionnaire proche de l’équateur, ndlr), qui s’est mis en place sur une conjonction d’ondes dont je tairais les noms, parce que c’est un peu compliqué. Pour faire simple, il y a en permanence des courants, des ondes de fréquence différentes qui circulent autour de la planète, particulièrement autour de l’équateur, et elle ne sont quasiment jamais en phase, c’est-à-dire qu’elles ne tombent jamais au même endroit au même moment. Et c’est pourtant ce qui se passe actuellement sur le nord du canal du Mozambique ! Certaines ondes se dirigent vers l’Est, d’autres vers l’Ouest. Normalement, on a des courants anticycloniques qui repoussent ces ondes, mais là la rotation des vents se fait dans l’autre sens. Mais ce n’est rien d’inquiétant !
FI : Comment cela devrait-il se traduire dans les prochains jours ?
L. F. : On aura peut-être quelques orages et quelques averses ce week-end, particulièrement dimanche. En ce moment, on a aussi un anticyclone très puissant au sud de Madagascar, et avec l’anomalie présente au Nord, ça devrait accélérer les alizés, avec des rafales jusqu’à 70 km/h. On est loin des valeurs de vigilance, mais ça n’empêche pas de conseiller la prudence aux personnes en mer, sur la plage ou dans le lagon, ça peut faire des vagues avec une mer forte, de l’ordre de trois mètres en dehors du lagon.
FI : L’anomalie en cours devrait-elle influencer les températures, qui sont, chaque saison, plus élevées que l’an passé ?
L. F. : Non, là on est sur un phénomène plus « classique ». Depuis 2017, on est dans une phase un peu particulière au niveau des températures de l’eau de mer, c’est le même phénomène qu’El Niño dans le Pacifique, mais rapporté à l’océan Indien, c’est ce qu’on appelle le dipôle de l’océan Indien. C’est juste une différence de température de l’eau entre l’est et l’ouest du bassin, parfois de l’ordre d’1,5 degré d’anomalie positive, et qui peut aussi influencer la température de l’air. C’est ce qu’on observe depuis plusieurs années, en été comme en hiver, et ça donne des records de température pour l’année, comme ce que nous avions eu en 2019. Et nous l’avons de nouveau observé cette année entre janvier et juin, avec là encore, 1 à 1,5 degré de différence positive. Mais ce n’est pas pour autant qu’on retrouvera ce phénomène l’année prochaine car ce dipôle de l’océan Indien a une fréquence de l’ordre de trois-quatre ans, donc on pourrait se retrouver, l’été prochain par exemple, avec une inversion de cette tendance. Mais en l’état, les chercheurs du monde entier sont incapables de prévoir la fin d’un phénomène de dipôle de l’océan Indien !
L’annonce d’une prolongation de l’état d’urgence sanitaire à Mayotte n’aura décidément pas convaincu le député Mansour Kamardine. Au contraire, le parlementaire voit plutôt là un écran de fumée aux effets délétères sur le plan économique et des libertés individuelles. Quand l’urgence serait, selon lui, de doter Mayotte de moyens sanitaires et d’un plan de rattrapage social. Entretien.
Flash Infos : Que vous inspire la prolongation de l’état d’urgence sanitaire sur le territoire ?
Mansour Kamardine : Je dois vous avouer que je suis profondément déçu. Ce n’est évidemment pas la première fois puisque s’agissant de Mayotte le gouvernement me semble toujours à côté du sujet mais ces derniers temps encore plus que par le passé. Je pense que cette mesure, à l’image d’autres montre bien que le gouvernement fait preuve d’une méconnaissance totale de la réalité du terrain puisque l’épidémie est en recul sérieux. Fort heureusement le virus ne circule plus comme il a pu le faire durant ces dernières semaines. Cette mesure me paraît donc en total décalage. Par ailleurs cette prolongation risque plutôt d’avoir un effet négatif sur le territoire. Je pense aux gens qui ont le regard tourné vers nous parce qu’ils auraient aimé participer au développement de l’île et qui se verront découragés par ce signal très négatif. Or il faut savoir que si l’épidémie a continué à circuler à Mayotte, cela est simplement dû à l’inanité des moyens, pour ne pas dire leur absence, qui ont été déployés ici. Nous avons déjà eu des moyens extrêmement limités et en décalage avec les besoins. Et les choses ne s’améliorent pas avec cette prolongation. Dans ce sens, prolonger pour prolonger, cela m’apparaît plus comme de la gesticulation, de l’affichage qui permet de dire que des mesures sont prises alors que les moyens ne suivent toujours pas. C’est tout simplement de la communication et ce n’est pas acceptable. La directrice de l’ARS le dit aujourd’hui ouvertement : les moyens ne sont pas là. Nous n’avons pas les automates, cantonnés à une capacité de 300 tests par jour etc. On pourra prolonger l’état d’urgence sanitaire aussi longtemps que l’on voudra, cela ne réglera pas le problème tant que les moyens ne seront pas là.
FI : Au-delà de l’effet de communication que vous dénoncez et d’un éventuel mauvais signal pour l’attractivité, quelles conséquences concrètes craignez-vous à travers cette prolongation ?
M. K. : La perception que l’on donne à l’extérieur n’est pas à minimiser, elle peut réellement impliquer un véritable découragement. De manière générale on pointe du doigt Mayotte sans concrètement l’aider. On cherche toujours à traiter Mayotte différemment des autres territoires alors qu’elle mérite d’être traitée sur un pied d’égalité. Par ailleurs le discours du gouvernement n’est pas audible, il souffre d’incohérences majeures lorsque, dans le même temps, il demande la réouverture des écoles, que les gens retournent au travail, que les élections se tiennent et prolonger l’état d’urgence sanitaire.
Par ailleurs, je vois dans cette prolongation une atteinte extrêmement grave à notre liberté de mouvement alors que rien ne le justifie plus. On tente de contraindre les gens à respecter une quarantaine alors même que le Conseil constitutionnel est venu rappeler que cela ne peut se faire sans leur accord. Cela pousse les gens à s’engager pour quelque chose qu’ils ne respecteront pas par la suite, parce qu’ils ne le peuvent pas forcément. Je trouve cela très peu moral.
Tout cela est donc grave de conséquence, d’un point de vue économique mais aussi sur nos libertés individuelles. Et pourtant rien ne justifie cela puisque l’épidémie recule et que les gens ont sur place repris une vie normale.
FI : Est-ce que l’on n’aurait pas tout de même là une sorte de soupape de sécurité si l’épidémie venait à reprendre ?
M. K. : Absolument pas. Les seules raisons pour lesquelles le virus a tant circulé est l’absence de moyens sanitaires comme le sous-développement chronique de Mayotte. L’état d’urgence
sanitaire n’a pas la capacité d’agir en tant que soupape de sécurité dès lors qu’il n’est pas accompagné de moyens d’action. Cela ne sert à rien. Le gouvernement arrive toujours après la bataille : quand je demande à ce que des contrôles stricts soient opérés à l’aéroport on me rit au nez pour finalement, une semaine plus tard, les mettre en oeuvre. Même chose avec les masques. Ce qui importe ce n’est donc pas l’état d’urgence sanitaire mais une prise de conscience de la réalité du terrain. Si l’on disait : prolongeons et testons massivement dans le même temps pour connaître avec certitude la circulation du virus, il y aurait de la cohérence mais force est de constater que cette dernière est aux abonnés absents.
Et cette incohérence est partout : comment faire pour se rendre à Paris ? Il faudrait un test au départ de Mayotte. Mais l’ARS ne cesse de le répéter, elle n’a pas les capacités pour tester tous les passagers. Ensuite, on nous dit qu’une fois à Paris, il faudra respecter une quarantaine. Mais qui peut se permettre de faire cela s’il a besoin d’effectuer un court voyage d’affaire par exemple ?
FI : Est-ce à dire que l’épidémie n’est plus la priorité dont devrait se préoccuper le gouvernement pour Mayotte ?
M. K. : La vraie priorité aujourd’hui, c’est de nous donner les moyens de notre développement économique et social. Le gouvernement ne veut pas l’entendre mais il faut que cela soit un sujet de premier plan. On ne peut pas accepter que 84% de notre population vive sous le seuil de pauvreté et que le gouvernement, lorsqu’il annonce un plan de rattrapage des droits sociaux qui devait voir le jour en décembre dernier, ne respecte pas son engagement. Nous avons pourtant bien vu les immenses difficultés causées et mises en exergue par ce coronavirus. Ce sont les conséquences du sous-développement chronique dans lequel nous stagnons. S’attaquer convenablement et durablement à cette épidémie se fait donc sur deux fronts : sanitaire mais aussi économique et social, c’est cela l’urgence ! Comment espérer lutter contre le virus quand une grande partie de la population ne peut pas s’acheter de savon ? Il nous faut en réalité un véritable plan de sortie de crise sanitaire d’urgence pour espérer s’échapper de la crise de manière durable et enclencher un développement.
FI : Vous évoquez un nouveau plan, c’est considérer que les efforts promis par le gouvernement, notamment à travers le contrat de convergence, ne suffiront selon vous pas ?
M. K. : Ils n’ont jamais suffi ! ce contrat de convergence, que je considère plus sous l’appellation de contrat de divergence n’a jamais répondu aux attentes des mahorais. Il ne répond pas à l’urgence sociale : on parle de construire des salles de classe, un deuxième hôpital et des logements sociaux mais tout cela à très long terme. Le seul aspect positif c’est qu’il peut fournir du travail à travers les chantiers, mais c’est tout. Au-delà d’une mesure que je conteste, les 500 millions d’euros prévus pour les salles de classe ne seront même pas consommés ! Partis comme nous le sommes, avec une telle centralisation des dossiers, c’est impossible. L’État a une défiance à l’égard des élus et se refuse ainsi à leur confier la responsabilité de ces constructions. Cela revient donc à la Deal, qui, de son côté, ne se donne pas les moyens de remplir les objectifs. Les 500 millions d’euros seront renvoyés à la fin de la convention et l’on tapera sur les élus alors même qu’on les aura empêchés de prendre en main le dossier. Je considère que ces créations de classe sont un appel d’air pour l’immigration clandestine et aurait donc préféré que l’on aide nos voisins à construire des écoles chez eux. Mais c’est l’option qui a été choisie alors pourquoi ne pas donner aux maires le pouvoir de la mettre en oeuvre ? J’ai l’impression que tout est fait pour que les choses ne se fassent pas.
Ce contrat n’est donc par l’urgence mais plutôt la mise sur pied d’un rééquilibrage social rapide. Il s’agit de permettre aux gens qui ont le droit de vivre ici de le faire dignement, tout simplement. Dans des conditions sociales acceptables. C’est plus que jamais le moment de le faire dans le sens où c’est un élément essentiel de la lutte contre l’épidémie. On ne lutte pas de manière durable contre le Covid dans la pauvreté généralisée. Un premier pas serait donc que le gouvernement respecte son engagement pris avec l’annonce d’un plan de rattrapage social. Il y a déjà six mois de retard dans le respect de cette parole. Seul un plan de développement durable permettra d’éviter une résurgence épidémique. En aucun cas le contrat de divergence qui ne comprend aucune mesure sociale pour les populations en grande difficulté ne le permettra.
Officiellement Mayotte n’est pas totalement déconfinée. Le virus continue à circuler activement sur le territoire. Si beaucoup semblent l’avoir oublié, cette information n’est pas passée inaperçue auprès d’un certain nombre de personnes qui préfèrent prolonger leur confinement par peur. Peur de contracter le virus, peur de contaminer leur entourage, peur des autres… Les raisons sont multiples, et leurs réactions sont naturelles selon les professionnels.
“Même si tout le monde a repris une vie normale, il ne faut pas oublier que le virus circule encore activement chez nous.” Nouria* ne cesse de répéter cela à qui veut bien l’entendre, en espérant que les gens prennent conscience du risque qu’ils encourent en s’exposant. Depuis le début de la crise sanitaire, elle vit constamment avec une boule au ventre car elle a peur de contracter le virus. “Je vis avec des personnes jugées à risque. Si je prends autant de précaution c’est surtout pour eux,” explique-t-elle. Après avoir été obligée de se rendre à son travail pendant les deux mois de confinement, elle a finalement demandé à être mise en retrait à la suite de la découverte d’un cas positif parmi son équipe. Cet incident n’a fait que conforter son envie de rester cloîtrée chez elle. “Les gens ne sont pas conscients. J’entends encore certains dire qu’il n’y a que les personnes âgées qui meurent du virus. Comment voulez-vous avoir confiance et sortir ?” La jeune femme reconnait cependant vouloir retrouver une vie sociale, mais elle sait d’ores et déjà qu’elle ne sera pas comme avant. “J’ai évidemment envie de sortir et retrouver mes amis, mais seulement en petit comité. Il est hors de question de me réunir à l’extérieur avec des inconnus. Je préfère éviter les restaurants et les bars pour le moment, on a toute la vie pour le faire, on peut très bien se restreindre quelques mois.”
Nouria est loin d’être un cas isolé. Lina, partage son avis et va encore plus loin. Depuis le début du confinement jusqu’à aujourd’hui, elle n’est sortie que trois fois. Chaque sortie a été source d’angoisse pour elle. “J’ai beaucoup appréhendé la première sortie. Je ne savais pas si j’allais pouvoir respecter correctement les gestes barrières. Porter un masque, s’appliquer constamment du gel, garder une certaine distance… Tout cela n’est pas évident car ce n’est pas naturel”, selon la jeune femme. Lina appréhende d’autant plus car elle est mère d’un bébé de 7 mois et vit avec une personne asthmatique. Elle reconnaît que son contexte familial accentue sa peur de fréquenter le monde extérieur. Le confinement était pour elle une sorte de refuge. “Contrairement à beaucoup d’entre nous, j’ai très bien vécu le confinement. Je ne suis pas sortie pendant plus de deux mois et je ne me suis pas sentie frustrée. Maintenant quand on me propose de sortir je refuse car j’ai peur du comportement des autres et ce n’est pas supportable”, admet-elle. La jeune mère a même refusé de reprendre le travail en présentiel et préfère prolonger le télétravail tant qu’elle le pourra. Lina ne voit pas le déconfinement comme une libération. “On nous octroie un semblant de liberté. On peut sortir mais il y a tellement de contraintes qu’on n’a plus l’impression de vivre”, regrette-t-elle. Lina est déterminée à ne pas sortir tant que la situation sanitaire n’évoluera pas positivement sur l’île.
“Le confinement était beaucoup plus simple à vivre que le déconfinement »
La peur que ressentent ces deux jeunes femmes peut paraître extrême, mais elle est totalement fondée si l’on croit les explications du psychologue clinicien Fayum Ambdi. “La peur a été largement médiatisée partout dans le monde. Elle a été rattachée à la mort. Dès lors que l’on parle de la mort l’être humain est angoissé. Le fait d’avoir répété que ce virus peut mener à la mort a fait peur tout le monde.” Avoir peur de fréquenter le monde extérieur peut-être donc considéré comme une réaction naturelle et normale. La sociologue Maria Mroivili pousse la réflexion encore plus loin et compare cela à la situation d’un prisonnier. “Quand quelqu’un passe un certain temps en prison, il a besoin de suivre une formation de réinsertion sociale car il a perdu tous ses repères. La même chose devrait s’appliquer chez nous car nous avons été confinés pendant des mois et on ne sait plus comment reprendre une vie normale.”
Afin d’avoir le courage de fréquenter le monde extérieur, il faut avant tout avoir confiance aux autres. Le non-respect du confinement était sanctionné par une amende et les gens le respectait plus ou moins par peur de se faire verbaliser. Alors que le bon déroulement du déconfinement dépend de la bonne volonté de chacun d’entre nous. “Le déconfinement n’est pas surveillé. On ne met pas d’amendes à une personne qui serait trop proche d’une autre par exemple. On fait appel à la responsabilité de chacun mais tout le monde n’est pas responsable, certains ont des comportements à risque. Ce qui fait que le confinement était beaucoup plus simple à vivre que le déconfinement”, déclare Maria Mroivili. Finalement, aucune règle n’oblige les gens à sortir. Il est d’ailleurs même conseillé de limiter les contacts. Ceux qui ressentent encore le besoin de prolonger leur confinement n’ont donc pas à s’excuser. “On a été enfermés pendant plusieurs mois alors il faut y aller en douceur. La crise a changé nos vies. Les habitudes reviendront naturellement, il est inutile de se brusquer pour reprendre une vie sociale”, conclut le psychologue Fayum Ambdi.
Deux mois de confinement : un coup dur pour l’économie mahoraise. Mais si presque tous les secteurs sont touchés, l’un d’entre eux parvient à tirer son épingle du jeu. Contexte sécuritaire oblige, la sécurité privée se développe de plus en plus, mais doit s’adapter à une délinquance de plus en plus violente.
La période de crise sanitaire et de confinement aura aussi été, pour Mayotte, une période de crise sécuritaire. Affrontements entre bandes rivales, vandalisme et pillages de magasins ont en effet fait partie de l’actualité du moment. De quoi renforcer le ras-le-bol des habitants et l’agacement des entreprises, cibles idéales des vandales. Pourtant, si l’économie mahoraise a pâti de ces deux mois de disette, un secteur a pu tirer son épingle du jeu, celui de la sécurité privée.
Éprouvé par la période avec plusieurs magasins vandalisés ou volés, le groupe Somaco confirme un « besoin de sécurité très présent », par la voix de son responsable de la sécurité, Manda Rakotoniaina. « Comme tous les autres groupes, nous avons été touchés par ces cambriolages. Cela nous a en effet conduit à renforcer nos systèmes de surveillance », explique-t-il. Le groupe, qui dispose de sa propre entreprise de sécurité, a ainsi procédé à de nouveaux recrutements de vigiles et a investi dans la mise en place de caméra dans ses boutiques ainsi que dans le développement de la télésurveillance.
« Un métier d’avenir »
Mohamed Ousseni est directeur de la société GSPM, pour « gardiennage sécurité privée Mayotte ». En 2014, après 15 ans d’expérience dans le secteur ici, en métropole et à La Réunion, l’homme flaire l’importance que prend la sécurité privée sur le département. Alors, après s’être formé à la direction de ce type d’entreprises auprès de l’École supérieure de la police nationale (ESPN), il lance sa structure en 2014, filiale d’un groupe bi-régional, soutenu par des associés de métropole. Le succès est au rendez-vous compte tenu des besoins immenses.
Aujourd’hui, GSPM assure la sécurité pour des entreprises comme Total, Ewa, le groupe BDM, etc. « Mayotte est un marché très important. Compte tenu de tout ce qu’il se passe sur le département, notre métier est un métier d’avenir », confirme-t-il, soulignant qu’il a reçu des demandes supplémentaires durant la crise sanitaire : « Nous avons eu énormément de demandes pendant cette période. Des grosses entreprises comme Colas ou Total, qui ont souhaité mettre des gardiens en plus. » Et ce n’est pas tout : celui qui emploie 80 salariés sur 21 sites à travers l’île crée actuellement aussi son centre de formation. La raison est simple : « Nos sociétés sont de plus en plus demandées, et elles ont besoin de vigiles et gardiens bien formés, mieux formés. » Mieux formés, car dans une délinquance de plus en plus violente, les agents de sécurité sont désormais aussi pris pour cible.
Patron d’Artemis Technologies, qui œuvre dans le gardiennage et la télésurveillance, Michel Taillefer confirme la tendance générale. Si la crise sanitaire n’a pas amené une hausse fulgurante des demandes en télésurveillance pour son entreprise – au contraire de quelques demandes pour des besoins en gardiennage –, les besoins en sécurité sur Mayotte sont évidemment de plus en plus présents. « La situation devient très inquiétante, constate-t-il. Il y a 40 ans, il y avait peut-être un vol de sous-vêtement sur une corde à linge de temps en temps, mais rien de comparable à aujourd’hui où les délinquants mettent le feu à des cases, brûlent des voitures, violent, etc. Cela va très loin. Autrefois, jamais un agent de sécurité n’était attaqué, ou cela avait peut-être dû arriver deux ou trois fois pour des raisons personnelles. Mais c’est régulièrement le cas aujourd’hui, avec des bandes qui n’hésitent plus à attaquer des dépôts, des édifices, etc., et les gardiens qui s’y trouvent. »
La question de l’équipement de ces hommes devient dès lors prégnante. « Plusieurs entreprises le demandent à poser le débat », reprend Mohamed Ousseni, dont certains agents ont déjà été menacés avec des chombos, attachés ou séquestrés. Il poursuit : « Pour ma part, j’étais mitigé au départ, mais à la vue de ce qu’il se passe sur le département, je pense que permettre aux agents d’être armés d’armes non-létales – sous condition d’avoir suivi une formation – est une bonne idée. »
Une façon de rayonner au régional ?
Au-delà de la question sécuritaire mahoraise, la région porte aussi un certain nombre d’opportunités pour le secteur. Avec des pays d’Afrique de l’Est en plein développement, un vaste projet gazier au Mozambique et une demande croissante à Madagascar et aux Comores, le secteur de la sécurité privée à Mayotte pourrait facilement s’étendre à d’autres horizons. Sans en dire trop, Mohamed Ousseni ne s’en cache pas : « Mes associés regardent en effet chez nos voisins et me demandent d’être de l’aventure. Nous sommes donc en réflexion pour, un jour, nous implanter aussi à Madagascar et en Union des Comores. »
Le conseil départemental et l’Etat ont signé ce jeudi la convention 2020 du pacte pluriannuel ultramarin d’investissement dans les compétences (PUIC). En tout, 5,9 millions d’euros seront consacrés cette année à la formation professionnelle, dont 2,2 millions sont délégués à Pôle emploi et 1,9 million au Carif oref et à la plateforme de lutte contre l’illettrisme (PLIA). Ce montant s’inscrit dans un plan global de 68,3 millions d’euros sur quatre ans (2019-2022), abondé à hauteur de 21,3 millions d’euros pour l’Etat, et de 47 millions d’euros pour le Département. En 2019, année de lancement du PUIC, les fonds ont permis 600 entrées supplémentaires en formation, mais aussi d’accompagner la certification de tous les organismes de formation de l’île, de favoriser l’accompagnement médico-social, l’emploi de 40 bénéficiaires en situation de handicap, la mise en place des plateformes distancielles de formation sur les savoirs de base, ou encore de lancer un appel à projet sur le développement des nouvelles formes d’accompagnement à l’entrepreneuriat. Cette année, un objectif fixé de 935 entrées supplémentaires vient s’ajouter aux ambitions générales du plan, que sont le développement de l’approche du parcours individualisé ; la réponse aux besoins en compétences des entreprises et de développement de filières stratégiques pour l’économie du territoire ; et la transformation et la modernisation du système de formation professionnelle. Le PUIC vise à accompagner vers l’emploi un million de jeunes et un million de personnes à la recherche d’un emploi peu ou pas qualifiées.
Autant d’actions qui doivent donc permettre de répondre aux enjeux du territoire en matière d’insertion professionnelle et de formation. Et ils sont multiples, comme l’a rappelé le président du Conseil départemental dans son discours, devant l’hémicycle. “Qu’il me soit permis de donner quelques éclairage liés au contexte dans lequel se tient cette signature. Mayotte est, dois-je le rappeler, un département aux enjeux très marqués en matière d’éducation et de formation, dans un contexte socioéconomique difficile”, a-t-il déroulé. Croissance démographique, formalisation récente du marché du travail, illettrisme et précarité d’une frange importante de la population font de Mayotte un département “sensible à la qualité de la relation entre la formation et l’emploi, entre l’école et l’entreprise”, comme le caractérise Soibahadine Ibrahim Ramadani. Et la crise engendrée par le Covid-19 risque bien de rendre cette relation d’autant plus primordiale, tant elle pourrait “encore fragiliser nos dispositifs de formation et d’insertion”.
Mis aux enchères, les Salama Djema I et II ainsi que le pont motorisé S 201 ont été vendues ce lundi. Les navires vogueront vers Madagascar où deux sociétés ont remporté les offres. Une plus-value de l’ordre de 583.000 euros pour le Département qui va permettre au service de transport maritime de poursuivre ses chantiers en cours.
Ce n’est qu’un au revoir… Bon nombre d’habitants rêvaient de voir ces monuments rester dans le giron mahorais, mais il n’en sera finalement rien ! Ce lundi était la date limite pour faire une enchère dans l’espoir de s’octroyer trois navires mis en service à la fin des années 80. Au total, pas moins de treize offres complètes ont été soumises au service de transport maritime. « Les investisseurs intéressés ont fait une proposition de prix sous pli fermé », souligne Jean-Luc Davatchi, le directeur technique. La commission d’attribution qui s’est tenue ce mercredi a décidé d’envoyer les bijoux de famille vers Madagascar. « Certaines personnes pensaient que le Département devait étudier des dossiers. » Que nenni. La collectivité pouvait simplement se réserver le droit de refuser la vente si le montant proposé était trop éloigné de la valeur réelle.
Et c’est une société mauricienne située à Majunga qui a raflé la mise pour la Salama Djema II, qui aura le loisir de sillonner la baie de Betsiboka pour se rendre jusqu’à Katsepy. « Elle va peut-être venir en soutien [des boutres] », nous souffle-t-on du côté du STM. Mais ce n’est pas tout, l’entreprise a également remporté le pont motorisé S 201, qui permet de transporter de la marchandise, des containers et des engins. « Il peut aller dans des zones où il n’y a pas de port. Avoir un bâtiment qui peut beacher est très utile. Ça correspondrait à ce que fait la Mahoraise III qui est déjà là-bas. » Prix de cette double opération : 502.000 euros. Concernant la Salama Djema I, son destin s’orientera plus au nord, vers Nosy Bé. Une société malgache se l’est approprié pour 81.000 euros. Avec vraisemblablement comme intention de réaliser des liaisons entre Hell-Ville et Ankify.
Une enchère qui va entraîner d’autres ?
Si le montant total perçu par le conseil départemental peut paraître insuffisant vu les estimations initiales, Jean-Luc Davatchi se montre relativement satisfait de la somme globale. « Ça reste un prix honnête pour la SD1, mais on a été assez épatés par la valeur atteinte pour les deux autres. » D’autant plus que ces deux transactions viennent clôturer un dossier vieux de trois ans… Une fois la facturation lancée par le trésorier payeur départemental, les acquéreurs ont une dizaine de jours pour s’acquitter puis un mois pour libérer l’emplacement à proximité d’Issoufali. Ce qui permettra alors à Polé et à Karihani de pouvoir mouiller en bonne et due forme.
Et à en croire le directeur technique, le service de transport maritime ne compte pas s’arrêter là. « L’idée est d’essayer aussi de se débarrasser des SD III et IV. Mais j’ai peur qu’il faille attendre deux ans de plus pour espérer cette deuxième vague. » En attendant cette possibilité, les habitants les plus nostalgiques pourront saluer une dernière fois ce patrimoine maritime, qui aura définitivement marqué les esprits, avant de le voir voguer vers de nouvelles aventures chez nos voisins malgaches.
Depuis près d’un mois, le service des évacuations sanitaires bénéficie d’un avion dédié pour réaliser cinq rotations par semaine jusqu’à La Réunion. Un dispositif dans lequel s’entremêlent anticipation et adaptation pour apporter une offre de soin de base aux patients du centre hospitalier. Flash Infos a pu suivre un transfert de Mayotte jusqu’à l’île Bourbon. Récit d’une journée épique.
Jeudi. 9h. Responsable des évacuations sanitaires, Ludovic réunit son équipe au pied levé pour préparer le vol du lendemain, comprenant treize patients dialysés, dont six ont besoin d’assistance. “C’est le plus important que l’on fait en termes d’effectif depuis qu’on a reçu l’avion le mois dernier”, souligne le médecin. Au total : pas moins de dix-neuf personnes à bord ! Raison de plus pour passer au peigne fin tout le dispositif – dossiers administratifs et médicaux — pour éviter une surprise de dernière minute. Le maître mot lorsqu’il s’agit d’un transfert vers La Réunion. Face à lui, un tableau blanc sur lequel il présente les spécificités de l’appareil. Velleda à la main, il pointe d’un rond bleu et vert les sièges des malades et ceux des personnels soignants, en respectant toujours les mesures barrières. “Les valides seront au fond. Les autres iront devant pour leur éviter de marcher.” Deuxième étape indispensable lors d’un tel déplacement, lister le matériel nécessaire (2 sacs adultes, 1 respirateur, 1 aspi, 5 PSE, 1 coquille, 1 DSA, 2 GSD, 2 kits d’oxygène, des draps, etc.) pour faire face aux imprévus. “On prévoit une civière si l’un d’eux est fatigué ou s’il ne se sent pas bien.” Autre point à ne pas oublier ? La collation préparée par la cuisine du CHM ainsi que les transports en ambulance jusqu’à l’aéroport de Mayotte et ceux jusqu’aux trois sites de prise en charge sur l’île voisine. “On décolle à 9h pour atterrir à 12h et on doit repartir à 16h max. En 4 heures, c’est largement faisable”, conclut Ludovic.
Vendredi. 6h. Alors que les premiers patients, entourés de leur famille pour certains, attendent déjà devant l’entrée des évacuations sanitaires, Fatima et Hadidja, deux assistantes sociales également du voyage, sortent à peine de la pénombre. Changées en deux temps trois mouvements, elles filent immédiatement dans le bureau pour un rapide briefing. Première surprise du jour avec la réduction du nombre de passagers : “on procède à un test obligatoire 24 à 48h avant le décollage. Trois d’entre eux, dont un qui s’était greffé au groupe, sont revenus positifs hier après-midi.” Les aléas de la crise sanitaire puisque le service préfère ne pas mélanger les Covid+ et les non-Covid… Ni une ni deux, tout le monde connaît son rôle en attendant le go. Clara et Antoine, deux internes en médecine générale débarqués dix jours plus tôt sur le territoire, ont pour mission de s’occuper du relevé des identités et des traitements des uns et des autres. Un recensement qui démontre toute son utilité au bout de quelques minutes. Deux malades n’ont en effet pas leur pièce d’identité avec eux. En charge de la logistique, Alan appelle en vain leurs proches pour les récupérer. “Tant pis, on tente avec les photocopies”, réagit immédiatement Ludovic, en pleine discussion avec les ambulanciers pour un dernier tour de chauffe.
Première tension avec la PAF à Mayotte
7h30. Heure du départ. Quatre véhicules décollent du CHM en direction de la barge. Puis, arrivés sur le tarmac, les patients valides grimpent fissa dans l’Embraer 145, suivis de près par deux dames assises sur une chaise portoir pour entrer dans l’habitacle, avant d’être allongées sur les civières homologuées. Et alors que l’avion s’apprête à refermer ses portes, un imbroglio administratif retarde quelque peu l’envol : le contrôle de la police aux frontières ! Soit il se réalise devant l’aéroport, pour des raisons pratiques comme l’exige l’officier un tantinet remonté, soit il se fait au pied de la piste, comme le recommande l’un de ses collègues par téléphone… Ce jour-là, aucune des options avancées ne se produit, en raison de cette incompréhension interne. Finalement, l’histoire se conclut par une vérification, sans accroc, à l’intérieur de l’appareil. À peine les roues hors de portée du sol, un vieil homme se penche tête la première sur le siège placé devant lui en serrant fermement le fauteuil de ses deux mains. Pris d’angoisse. Clara lui apporte son soutien psychologique. Une petite attention concluante.
9h. Dans les airs, Ludovic décompresse enfin, visiblement satisfait de la gestion des trois dernières heures. “Il y a toujours des petits couacs, mais ça fait partie de notre quotidien. On a bien géré”, précise-t-il. Un sang-froid qui s’explique grâce à la location de l’avion sanitaire par l’agence régionale de santé au groupe aéronautique Amelia. Qui lui offre de facto une certaine liberté dans les opérations. “On peut décaler les départs en cas de besoin. Et pour travailler, c’est plus confortable puisqu’on n’a plus de passagers qui circulent entre nous.” Et surtout, ce moyen de transport privé permet d’embarquer un nombre de patients bien plus conséquent que lors d’un vol commercial avec Air Austral. “On a été contacté dans la semaine pour emmener des dialysés qui doivent se faire poser une fistule artério-veineuse (une dérivation du sang de l’artère radiale dans une veine superficielle de l’avant-bras qui va s’hypertrophier, ndlr.). En prenant en compte le temps de la cicatrisation, on devrait les ramener d’ici une dizaine de jours.” Si le vol se passe sans encombre, le personnel soignant reste tout de même aux petits soins en raison des comorbidités lourdes (hypertension, diabète) des voyageurs. À l’instar de Clara et d’Antoine qui relèvent le taux de glucose dans le sang d’une personne âgée amputée et malvoyante. Verdict : elle se trouve en hyperglycémie.
Bis repetita à La Réunion
12h. Peu avant l’atterrissage, Alan revoit l’ensemble du dispositif avec ses collègues pour que le transfert jusqu’aux cliniques se déroule sans accroc. Une préparation et une anticipation mises à mal par le mille-feuille administratif propre aux évacuations sanitaires… En cause, cette fois-ci : un report par la PAF du contrôle d’identité initialement prévu à la descente de l’appareil, et un schmilblick avec le personnel de Réunion Air Assistance, qui fait preuve de mauvaise foi et d’irascibilité. Tandis que la situation se décante pour les valides qui empruntent le circuit dit classique pour sortir, c’est une autre paire de manches pour les trois autres malades, trimballés à droite à gauche, alors qu’ils présentent des difficultés pour se déplacer. La vérification pour deux d’entre eux se passe alors directement à l’intérieur de l’ambulance, le dernier étant tout simplement oublié par l’agent… “Il faut vraiment que je rencontre les directions de l’aéroport et de la sécurité pour fluidifier les démarches”, souffle Ludovic, relativement irrité par cette perte de temps.
13h30. Une fois les patients en route pour leurs établissements de santé respectifs, la mission du CHM s’arrête là. Ne reste plus qu’à recevoir le feu vert pour le renvoi vers l’île aux parfums. Mais avant cela, il faut tout d’abord attendre l’arrivée de Yannick, infirmier anesthésiste au SMUR, qui doit rapatrier deux jumeaux prématurés d’un mois, envoyés juste après leur naissance à La Réunion pour libérer de la place dans le service de néonatologie, et d’un dialysé évasané quelques semaines plus tôt pour les mêmes raisons que le transfert du jour. Quelques minutes de battement donc, le temps de souffler et de s’aérer l’esprit, avant de repartir dans le sens inverse aux alentours de 15h30. Un vol retour qui s’avère donc moins turbulent en termes de suivi, grâce au précieux conseil de celui qui a rejoint l’équipe en cours de route. “N’oublie pas les tétines pour que les bébés dépressurisent leurs oreilles”, confie-t-il à Clara, en bon père de famille. Noté ! À peine le temps de remarquer leurs yeux se plier que l’avion touche déjà le sol mahorais. 17h, timing parfait. Tout le cortège rentre alors tranquillement à bon port, exténué par ce voyage harassant, mais le sentiment du devoir accompli.
L’agence régionale de santé (ARS) veut un avion sanitaire pour Mayotte
En temps normal, le service des évacuations sanitaires passe par les vols commerciaux d’Air Austral pour envoyer des patients à La Réunion. Avec la fermeture du trafic aérien le 20 mars, toute l’organisation se voit complètement chamboulée. Devant bricoler en fonction de la disponibilité des vols mis en place dans le cadre du pont aérien, l’ARS de Mayotte réfléchit à une solution de repli pour maintenir ce dispositif dans le but de conserver la capacité d’hospitalisation du territoire. C’est alors qu’Amelia approche la structure pour proposer une offre de service de transport sanitaire, à un prix défiant toute concurrence. “On a pris attache avec le centre de ressources national en appui aux ARS ultramarines pour monter le dossier et passer un marché à bon de commande temporaire grâce à une certaine souplesse permise en période de crise sanitaire”, souligne Stéphanie Frechet, secrétaire générale de l’ARS. Le temps de formaliser le contrat et voilà qu’un avion Embraer 145 de la flotte d’Amelia, équipé de deux civières homologuées, débarque à Mayotte le 24 mai dernier. Coût de l’opération pour une collaboration de trois mois : 1.4 million d’euros, comprenant les frais de mise en place, les frais fixes (équipage, maintenance, hangar) et les frais variables qui correspondent à cinq rotations par semaine. Une dépense importante qui rentre dans les 23 millions d’euros de budget du fonds d’intervention régional de l’ARS pour l’année 2020. Étant aussi donneur d’ordre, l’établissement peut mobiliser l’appareil pour d’autres missions, comme pour récupérer des blouses lavables pour les professionnels de santé commandées à Madagascar.
Et visiblement, l’ARS ne compte pas rompre ce dispositif. Au contraire, elle veut lancer un appel d’offres en bonne et due forme, ouvert à la concurrence, dans le but de pérenniser ce moyen de transport. “Cette demande a été formulée au ministère de la Santé, on attend sa réponse”, confie Stéphanie Frechet, qui ne comprend pas qu’un tel outil ne soit pas encore opérationnel sur le territoire. “C’est de l’offre de soins de base d’avoir un avion sanitaire positionné à Mayotte. Je vois mal les arguments qui pourraient justifier un refus de Paris.” Prochaine étape en attendant l’aval : calibrer et ajuster l’offre en fonction des données engrangées au cours de ces dernières semaines pour savoir s’il est préférable de se doter d’un si gros appareil, “sachant qu’il est peut-être surdimensionné”, ou privilégier deux petits, “comme l’a fait la Guyane”.
Autre bonne nouvelle, la demande formulée auprès du ministère de la Santé concerne également l’hélicoptère, dont le montant du marché passé pendant la crise sanitaire s’élève à 440.000 euros.
Plusieurs semaines après la mort de Georges Floyd survenue aux États-Unis lors de son interpellation dans des conditions particulièrement violentes, Christophe Castaner a expliqué vouloir revoir les techniques de défense des forces de police. Une annonce qui a immédiatement fait monter au créneau tous les syndicats du secteur, parmi lesquels Alternative Police. À Mayotte, Aldric Jamey, gardien de la paix de la police nationale en poste à Mamoudzou depuis un an et demi, en est le porte-voix et le secrétaire départemental.
Flash Infos : Lundi, Christophe Castaner annonçait que la technique d’étranglement serait proscrite pour les forces de l’ordre lorsqu’une nouvelle méthode serait trouvée. Pourquoi Alternative Police défend, localement et nationalement, le maintien du recours à l’étranglement, pourtant très décrié ?
Aldric Jamey : Il faut savoir que c’est la technique la moins dangereuse et la plus efficace qu’on connaisse parce que ça permet d’éviter instantanément d’échanger des coups lors d’une interpellation, et ça permet aussi à l’interpellé de ne pas pouvoir atteindre son arme lorsqu’il en porte une. Aujourd’hui, il n’y a aucun fait de mort provoqué par la technique d’étranglement en elle-même lorsqu’elle est correctement pratiquée. Cette décision a été prise par des individus qui ne sont pas des policiers, qui ne sont pas de gens de terrain et qui ne connaissent pas la réalité d’une intervention avec un individu violent qui ne se laisse pas faire. Par exemple, lors de ma toute première opération de police, nous avons pu désarmer grâce à une clé d’étranglement un individu qui avait agressé plusieurs personnes au couteau. Il a pu être interpellé sans qu’il n’y ait eu de blessure. Le ministère de l’Intérieur explique ne plus vouloir faire enseigner la clé d’étranglement en école de police et envisage d’étudier d’autres techniques avec un groupe de travail sans même concerter ni les syndicats ni les formateurs de technique professionnels, qui sont les spécialistes en la matière… Il y a déjà beaucoup de gestes qu’on nous apprend à l’école de police et dont on ne se sert jamais sur le terrain. Certains sont presque irréalisables face à une personne forte, droguée ou alcoolisée, à moins de pratiquer des sports de combat depuis plusieurs années.
FI : Le remplacement de l’étranglement par l’usage du taser a été évoqué par le ministre de l’Intérieur. Pourquoi cette alternative inquiète-t-elle les syndicats de police ?
A. J. : L’étranglement est un geste technique, professionnel. Il permet de maîtriser un individu qui veut prendre la fuite ou tout simplement qui ne se laisse pas menotter et ça ne blesse personne. Le taser, c’est une arme que l’on doit employer en cas de légitime défense, car ça peut être dangereux, il y a un cadre légal, un protocole administratif à respecter, il faut faire intervenir les pompiers. Et surtout, ça coûte très cher. Je ne vois pas comment on pourrait équiper chaque fonctionnaire de police d’un taser.
FI : Dans ce contexte, Alternative Police, entre autres, a invité les policiers à ne plus intervenir sur des interpellations à risque. Le syndicat a également proposé aux agents de rédiger une main courante ou un rapport pour signaler leur incapacité à travailler en toute sécurité. Est-ce suivi à Mayotte ?
A. J. : En effet, nous avons proposé de ne plus interpeller un individu qui ne se laisse pas faire. L’idée c’est de dire que, puisqu’on veut nous retirer le droit d’utiliser des techniques qui ne blessent pas, on n’interpelle plus pour ne pas créer plus de problèmes. Aujourd’hui, les mouvements politiques
accordent beaucoup d’importance aux affaires comme celle de la mort d’Adama Traoré, même s’il s’agissait de gendarmes, et le ministère de l’Intérieur finit par nous stigmatiser. Notre ministre, qui est censé être le premier flic de France, ne nous protège pas, ne nous défend pas, mais pendant ce temps, le gouvernement ne fait rien dans les zones de non-droit où il y a régulièrement des actes de violence. Donc plusieurs collègues, partout en métropole, ont décidé que s’ils ne pouvaient pas interpeller un individu dans les bonnes conditions, ils rentreraient au service en laissant la personne partir. À Mayotte, où on est relativement peu touchés par le sujet du racisme et des violences dans la police, ça ne s’est pas encore fait pour l’instant parce que nous avons quand même une conscience professionnelle et que nous ne pouvons pas arrêter les interpellations.
FI : Justement, pour limiter les dérives et les violences lors des interpellations, Alternative Police milite pour que chaque policier soit équipé d’une caméra-piéton, à l’instar d’une poignée d’agents de la police municipale de Mamoudzou..
A. J. : Le problème aujourd’hui, c’est qu’on voit beaucoup de vidéos circuler sur Internet, mais elles sont tronquées. Oui, il y a des dérives et des violences. Concernant les États-Unis, je pense que comme tout le monde est armé, une personne qui ne se laisse pas interpeller peut devenir très dangereuse. En France, il y a aussi des fonctionnaires de police qui pètent des câbles et qui font n’importe quoi, ou simplement des mecs qui n’ont rien à faire dans la police, mais ça reste minime. Il y a plus de trois millions d’interventions de police en France par an, dont 1.400 signalements à l’IGPN chaque année. Si on équipait chaque agent de caméra-piéton, on pourrait garder une trace de chaque intervention. On pourrait voir du début à la fin le comportement de la personne interpellée, mais aussi celui du policier. Ça permettrait déjà d’empêcher certains comportements, d’un côté comme de l’autre, mais ça peut aussi permettre d’identifier plus facilement l’auteur de certains faits, notamment lorsqu’on arrive sur des barrages et que les jeunes prennent la fuite. À Mamoudzou, il y a sûrement déjà ce genre de caméras, mais je n’en ai jamais vu… Il faut dire que c’est de l’argent, du matériel à entretenir, alors que l’administration aujourd’hui regarde beaucoup les dépenses.
La cour d’Assises jugeait ce mercredi une affaire de 2016, ayant conduit à la mort d’un jeune père. Quatre ans après, les séquelles de ce drame sont encore bien visibles…
L’un avait dix-huit ans, l’autre une vingtaine d’années, et le dernier seulement quelques mois. Ce mercredi, seul le premier comparaissait devant la Cour d’Assises de Mayotte, pour avoir poignardé en novembre 2016 un jeune homme habitant à Vahibé. Le deuxième, sa victime, est décédé des suites de ses blessures, laissant derrière lui une famille aux abois, et son enfant unique, alors âgé d’à peine six mois. C’est une histoire singulière, tant elle cristallise à elle seule la somme des différentes violences, physiques ou symboliques que Mayotte connaît bien : vols, grande précarité, usages de stupéfiants, familles déchirées par les expulsions… Cette affaire criminelle a eu lieu six mois à peine après les actes répétés des coupeurs de route, qui avaient semé la terreur à Vahibé en 2016. Et est encore tristement d’actualité aujourd’hui.
Quatre ans plus tard, F. A. se dresse timidement derrière la vitre du box des accusés. Flanqué d’un sweat shirt “Je le ferai demain”, et de deux policiers pour le surveiller, l’accusé commence : “Bonjour, je m’appelle F. A., je suis né en 1998…”. Puis sa voix se brise, visiblement chamboulé. “Ce serait possible de reprendre tout à l’heure s’il vous plaît ?”. La cour appelle alors sa mère, mais sans beaucoup plus de succès, tant l’air s’est désormais chargé d’émotion. ”Je ne peux pas, car juste en le regardant comme ça, je suis trop émue…”, souffle la femme à l’interprète, les épaules tremblantes sous son salouva.
À force de questions, le juge parvient toutefois à retracer le parcours du jeune homme. Plutôt éduqué, issue d’une fratrie de sept frères et sœur, il souhaite d’abord s’orienter vers de la mécanique aérienne. Envoyé par sa mère en métropole pendant un an, puis à La Réunion, il envisage à son retour de rejoindre le RSMA et de partir à l’armée. Un projet mort dans l’œuf, quand il “perd le contrôle”, et poignarde la victime, une connaissance avec qui il a déjà eu une dispute légère quelques mois plus tôt.
Bagarres et stupéfiants
Pourquoi un tel crime ? L’usage de stupéfiants le jour du drame pourrait expliquer le passage à l’acte. Une expertise psychiatrique décrit d’ailleurs une personnalité instable, sujette à des interprétations fausses de la réalité, sans qu’il puisse être constaté d’états délirants. “Il a ce qu’on appelle un état limite, une maladie caractérisée par une instabilité de l’humeur et une montée des tensions pouvant entraîner un passage à l’acte”, décrit un des experts mandatés par l’instruction. Si la maladie se manifeste plutôt à l’âge adulte, elle a pu être encouragée chez l’accusé par la consommation de psychotropes. Pour F. A., ses premières pertes de contrôle débutent à l’adolescence, quand, lors d’une bagarre entre jeunes de Vahibé et de Passamaïnty, il est poursuivi et tabassé. Son entourage familial, jugé plutôt stable par le psychologue clinicien, ne suffit pas à apaiser ce jeune homme troublé. “Quand quelqu’un touche mes affaires, je pète un plomb, il y a trop de bruit, trop d’enfants, je pète un plomb…”, aurait-il confié au moment de l’expertise.
Enfants d’expulsées
Le moment où tout bascule, ce jour de novembre 2016, est de ce genre-là. L’accusé plante un poignard à proximité du cœur de la victime, sans avoir l’intention de donner la mort, assure-t-il. Mais l’homme, dont la rumeur locale – de l’aveu même de son père entendu à la barre – disait par ailleurs qu’il avait participé aux coupures de route à Vahibé, décède. Problème : il vient d’avoir un enfant. Lui-même n’a d’ailleurs pas eu une enfance bien rose. “Au moment où Sarkozy a été élu, sa mère a été reconduite à la frontière, j’ai été seul avec mon fils et je l’ai perdu, à 14 ans, quand il a arrêté d’aller à l’école”, témoigne son père. Sa mère, quant à elle, revenue à Mayotte aujourd’hui, ne peut que dire sa colère d’avoir perdu un fils si jeune. “Depuis sa mort, c’est comme si ma vie entière avait basculé”, murmure-t-elle devant la cour. Et l’enfant ? “Il ne parle pas bien, il est assez timide, et vit dans des conditions très précaires”, expose l’administrateur ad hoc de la Protection de l’enfance, entendue également ce mercredi. Orphelin de père, il vit chez ses grand-parents : sa mère aussi a connu une expulsion. Comme si ces destins accidentés pouvaient se transmettre de père en fils… Le verdict devrait tomber ce jour.
Dans un courrier, un collectif de six psychologues mahorais appelle les institutions locales et d’État à agir de manière collégiale pour prévenir la fragilité de certains étudiants natifs de l’île en métropole. Une fragilité qui conduit parfois à des situations dramatiques. Mohamed Zoubert, directeur de la délégation de Mayotte à Paris, explique ce qu’il en est.
Flash Infos : Dans un courrier envoyé aux autorités locales et étatiques de l’île, un collectif de six psychologues demande que celles-ci se réunissent et réfléchissent ensemble pour prévenir l’isolement que connaissent certains étudiants mahorais en métropole. À l’origine de cette initiative : le décès d’une jeune femme dans son appartement situé en résidence universitaire, la semaine dernière. Que pensez-vous de leur demande ?
Mohamed Zoubert : Une précision pour commencer : la jeune femme qui est malheureusement décédée ne s’est pas suicidée comme initialement envisagé, mais est décédée de mort naturelle. Cela a été confirmé par les résultats de l’autopsie en début de semaine. Des examens complémentaires sont faits pour déterminer si elle avait le Covid ou pas. Si ce n’est pas le cas, son corps pourra être rapatrié, sinon cela sera difficile. Par ailleurs, cette jeune femme avait de la famille dans la région, elle n’était pas si isolée. J’en profite d’ailleurs pour adresser mes condoléances à sa famille.
En ce qui concerne la lettre ouverte, ce collectif en avait déjà rédigé une. C’est une bonne chose que des citoyens prennent à bras le corps ce sujet qui émeut tout le monde et qui est évidemment bouleversant. Mais au-delà de l’émotion, nous sommes tous responsables de cette problématique d’isolement. Et les parents, la famille, le sont aussi d’une certaine manière. Il est donc bon d’interpeller les institutions et les associations, mais il est important d’interpeller aussi les parents.
FI : Cette question de l’isolement revient souvent. Qu’est-ce qui doit être amélioré pour limiter ce phénomène ?
M. Z. : En ce qui concerne le Département de Mayotte, il déploie énormément de moyens consacrés aux aides directes, mais aussi à d’autres soutiens financiers et en termes de ressources humaines dans l’Hexagone. Nous avons 20 à 25 agents ici, payés par le conseil départemental au service des étudiants, une dizaine de médiateurs académiques, deux autres postes qui vont être ouverts sous peu à Dijon et à Lille, ainsi que les agents de la délégation qui sont, eux aussi, au service des étudiants, dont des assistants sociaux.
Le Département s’appuie également sur le tissu associatif, et il subventionne la Fédération des associations mahoraises de métropole (FAMM). C’est une chance, car ce tissu est très actif et très bien organisé, même le ministère des Outre-mer l’a remarqué. Les associations participent à leur manière à accompagner l’ensemble de nos compatriotes mahorais, mais surtout nos étudiants.
Nous avons aussi d’autres relais institutionnels : les Crous, des établissements scolaires et d’autres organismes publics. Ce sont des moyens déjà existants et conséquents. Il ne faut donc pas faire de surenchère en les augmentant encore. Il faut désormais que l’on se pose, tous les acteurs comme le souligne le collectif – publics, associatifs, mais aussi la société civile –, afin que nous nous posions les bonnes questions pour trouver les bonnes solutions. Peut-être faut-il redéployer les moyens qui existent, les corriger, les adapter ? Oui, mais je ne pense pas, en ce qui me concerne, qu’il faille créer encore d’autres structures, il y en a déjà. Il faut s’appuyer sur ce qui existe et se poser, encore une fois, les bonnes questions : que se passe-t-il pour nos jeunes ? Il nous faut mener une réflexion pour comprendre ce phénomène nouveau.
FI : Pour améliorer, par exemple, l’organisation des services et du réseau déjà existants ?
M. Z. : Améliorer le réseau, oui, ainsi que la façon de travailler de l’ensemble des acteurs. Mutualiser nos informations et mieux coordonner nos actions pour être plus efficients et disposer d’un relai plus rapide dès qu’on a un signalement. Il faut mettre en place un process pour fluidifier notre action, car, je le répète, les moyens sont là. L’État dispose de services, le Conseil départemental s’investit aussi, les associations également.
D’ailleurs, je salue l’action de ces dernières dans le cadre du Covid. C’est un travail énorme, et elles se mobilisent bénévolement. Elles ont par exemple distribué plus de 2.000 paniers-repas aux étudiants, les ont accompagnés, etc.
FI : Comment peut agir la délégation ?
M. Z. : Les élus sont très conscients de cette problématique et sont demandeurs de solutions. En ce qui nous concerne, nous avons commencé depuis le début d’année à faire une enquête. Nous travaillons sur le terrain, avec les médiateurs académiques, les associations, etc. Pas plus tard que mardi, j’ai eu une longue réunion avec mes collègues de la FAMM et eux aussi sont en train de faire cet exercice. Nous devons nous revoir dans une dizaine de jours pour faire un premier état des lieux. Il nous faut comprendre ce phénomène d’isolement, assez nouveau, comprendre ce qu’il se passe.
Ensuite, il faudra associer tous les acteurs évidemment, ainsi que les parents et les familles. Le sujet est très complexe et implique diverses problématiques. Nous y travaillons déjà, et nous devons continuer à le faire à nous asseyant ensemble autour d’une table.
Il faut aussi sensibiliser les parents : beaucoup ne souhaitent pas que leurs enfants fréquentent des structures associatives mahoraises. C’est une erreur, car nous avons constaté que ceux qui le faisaient réussissaient plus que ceux qui s’isolent, et que le taux de réussite dans les villes où ces associations sont actives est plus important qu’ailleurs. J’en profite donc pour lancer cet appel aux parents et aux étudiants qui vont venir à partir de l’année prochaine : prenez contact avec ces associations. Elles vont vous accompagner, vous aider à vous insérer dans votre ville, à prendre des repères. J’ai rencontré des étudiants timides à leur arrivée, et parfaitement épanouis quelques mois plus tard. Et il ne faut pas hésiter non plus à les contacter à la moindre difficulté.
Il ne manquait plus qu’elles. Les salles de sport sont les dernières sur la liste à pouvoir reprendre leurs activités à Mayotte. Elles pourront rouvrir leurs portes à partir du 22 juin, mais avant, elles doivent opérer des changements radicaux afin de respecter les gestes barrière, et ce n’est pas de tout repos.
Le compte à rebours est lancé. Anli Fafi compte les jours jusqu’au 22 juin, date à laquelle il pourra ouvrir sa salle de sport. Voilà maintenant plus de trois mois qu’il ne peut accueillir le public. Il a donc eu le temps de repenser tout le système de la salle de sport en commençant par son agencement. “On a diminué le nombre de machines dans la salle pour libérer plus d’espace. Elles ne seront plus doublées ou triplées, il y aura seulement une machine pour chaque exercice”, explique Anli Fafi, le gérant de Maybody Form. Les adhérents devront prendre leur mal en patience et attendre leur tour. Ces derniers seront également contraints de changer leurs habitudes et peut-être même réorganiser leurs journées, car le nombre d’adhérents dans la salle sera limité à 10 personnes à la fois. Pour être certain d’avoir une place, le gérant de Maybody Form conseille d’éviter les heures de forte affluence et d’y aller pendant les heures creuses. “On fera le test durant la première semaine. Si ça ne fonctionne pas et qu’il y a beaucoup de monde pendant les heures de pointe alors on changera de méthode. Les adhérents devront prendre rendez-vous pour réserver une plage horaire d’une durée maximale d’une heure”, annonce Anli Fafi.
Du côté de la nouvelle salle de sport L’orange bleue qui ouvrira ses portes dans quelques semaines, le gérant a également dû revoir le fonctionnement de la salle. “Il y aura une entrée unique et une sortie unique. Ceux qui entrent et ceux qui sortent ne vont pas se croiser. On définira aussi un sens de circulation dans toute la salle”, annonce Julien Lalanne, le responsable.
La question du port du masque a été un casse-tête pour les gérants des salles de sport, car il est difficile d’en porter un pendant un effort physique. Les deux salles ont décidé de ne pas le rendre obligatoire pour des raisons de sécurité, mais il sera recommandé à ceux qui pourront le supporter.
Les gestes barrières obligeront les adhérents à respecter scrupuleusement les règles d’hygiène de base des salles de sport en général. “Les adhérents devront absolument changer de chaussures en arrivant à la salle. Ils seront également dans l’obligation de nettoyer les machines avant et après chaque utilisation”, indique le gérant de L’orange bleue. Même son de cloche chez Maybody Form. En temps normal, ces règles ne sont pas toujours observées, mais les gérants misent beaucoup sur la responsabilité des adhérents.
Coaching personnel avec distance
Les deux salles de sport proposent des séances personnelles avec un coach. Cependant, à la reprise tous devront apprendre à travailler autrement. Les coachs porteront des masques, ceux de L’orange bleue auront aussi une visière. Dans cette salle, les professionnels n’auront pas d’autre choix que d’être plus pédagogues. “Le coach n’aura pas le droit de corriger les postures en touchant la personne. Tout se fera par la parole pour respecter la distance d’un mètre”, précise Julien Lalanne. Chez Maybody Form, le nombre de personnes par cours particulier sera réduit.
“Nous sommes livrés à nous-mêmes”
Il est possible que vous ne rencontriez pas les mêmes règles dans toutes les salles de sport, car pour le moment, les professionnels n’ont reçu aucune directive. Un constat qui révolte Anli Fafi. “Nous n’avons aucune information. J’ai contacté la DRJSCS (direction régionale de la jeunesse, des sports, et de la cohésion sociale) pour en savoir plus, mais je n’ai pas eu de retour alors que nous sommes
censés ouvrir dans moins d’une semaine. Nous sommes livrés à nous-mêmes.” Par conséquent, chaque gérant, établit ses règles selon son bon vouloir. Le gérant de Maybody Form affirme demander conseil à ses collègues de métropole qui ont déjà ouvert leurs salles, en espérant pouvoir tirer profit de leur expérience.
La compagnie mahoraise détenue à 51% par Air Austral et qui compte aussi la Chambre de Commerce et d’Industrie de Mayotte parmi ses actionnaires, espère voir bientôt le bout du tunnel. Pour maintenir la flotte pendant le confinement, Ayub Ingar, son directeur général délégué, a tenté d’organiser quelques vols. Ce mardi, c’est ainsi un avion-cargo qu’il devait réceptionner à l’aéroport de Pamandzi. Il revient pour le Flash Infos sur cette opération, et sur l’activité d’Ewa Air depuis le début du confinement.
Flash Infos : Avec le confinement et la fermeture des aéroports, le secteur aérien traverse une crise sans précédent. Quelle a été l’activité d’Ewa Air au cours des trois derniers mois ?
Ayub Ingar : Avec cette pandémie et la fermeture des aéroports et des frontières, nous sommes cloués au sol depuis le 19 mars. Mais il faut savoir qu’un avion au sol coûte aussi cher qu’en vol. Surtout à Mayotte, avec la mer à proximité, cela demande beaucoup d’entretien pour éviter la corrosion par exemple. C’est pour cette raison que depuis deux mois, nous nous sommes débrouillés pour affréter quelques avions. D’abord en avril, nous avons effectué deux vols pour rapatrier des ressortissants mahorais, un depuis Majunga, et un autre depuis Anjouan. Nous avons ensuite participé aux évacuations sanitaires, ce qui a d’ailleurs demandé un certain travail pour équiper nos appareils, avec des civières notamment. Nous avons fait cinq vols de ce type vers La Réunion. Ensuite, il y a eu un vol pour le compte de la Banque centrale des Comores, pour transférer des fonds vers La Réunion ; puis un vol pour la Croix Rouge, destiné à apporter du matériel sanitaire à l’hôpital de Moroni. Enfin, nous avons deux vols de fret prévus cette semaine, celui d’aujourd’hui [mercredi 16 juin], et un autre qui doit arriver vendredi.
FI : En effet, vous êtes venu aujourd’hui à l’aéroport pour accueillir le vol d’Ewa Air qui transporte un fret depuis Madagascar. Quelle est la raison de ce voyage, et que rapporte l’avion-cargo ?
A. I. : Cet avion doit transporter 5,5 tonnes de fret depuis Tananarive. Ce sont des fruits et des légumes et aussi du gel hydroalcoolique, qui ont été commandés par une centrale d’achat privée, la MJM corporation. Je suis très fier d’ailleurs, car c’est un pilote mahorais qui doit atterrir dans quelques minutes, fraîchement embauché il y a trois mois. Il vient renforcer des équipes déjà majoritairement composées de Mahorais, à 100% en ce qui concerne les PNC (personnels navigants commerciaux), les stewards et les hôtesses. C’est un point qui me tient à cœur, et c’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons noué un partenariat avec le Rectorat de Mayotte qui a créé une cellule d’aéronautique en septembre 2019, au lycée de Petite-Terre, dans le but de former les élèves de Mayotte aux métiers de l’aérien. D’ici quelques années, et après la crise que nous traversons, j’ai bon espoir que ces jeunes viennent gonfler nos effectifs !
L’autre raison qui justifie ce vol est économique. Nous avons malheureusement été écarté du dispositif des Evasan, au prétexte que nos vols mettaient quarante minutes de plus à arriver jusqu’à bon port… Résultat, nous avons dû changer notre fusil d’épaule, ranger les civières au garage, et équiper différemment ces avions, pour qu’ils deviennent des avion-cargos. Nous avons ainsi recouvert tous les sièges de plastique, de telle sorte que les marchandises occupent la soute et la cabine. C’était essentiel de procéder ainsi pour maintenir un peu notre activité, et surtout faire voler nos avions comme je vous l’expliquais. D’autant qu’il s’agit d’une opération blanche, qui ne permet pas de dégager des recettes, juste d’amortir les frais, je tiens à le préciser.
FI : Justement, comment la compagnie parvient-elle à rester à flot ? Avez-vous pu bénéficier des aides de l’Etat ? Le gouvernement vient d’ailleurs d’annoncer un plan de soutien à l’aérien…
A. I. : Malheureusement, nous ne sommes pas vraiment concernés par ce plan, qui s’inscrit surtout dans un cadre de continuité territoriale, en France. Or, Ewa Air dessert principalement des destinations internationales. Pour nous, c’est un peu la double peine et nous naviguons en eaux troubles. Même si le président de la République Emmanuel Macron a annoncé une reprise des vols hors Europe à partir du 1er juillet, à condition qu’il n’y ait pas de circulation du virus, encore faut-il que les aéroports étrangers accueillent eux aussi des ressortissants français ! Or pour Madagascar, pour les Comores, je ne vois pas cela arriver de sitôt. Non, je mise plutôt sur Dar es Salam pour l’instant, car l’aéroport est déjà ouvert, et avec un peu de chance nous pourrons reprendre du service vers la fin du mois de juillet. Alors oui, en attendant, nous avons recours aux aides, notamment un prêt garanti par l’Etat qui ne devrait plus tarder à arriver, et bien sûr l’activité partielle, mise en place pour la plupart de nos 35 salariés. Le personnel naviguant est à 100% au chômage partiel, avec de courtes reprises quand ils effectuent un vol. L’équipe technique, elle est à 50%, car ils continuent d’entretenir les avions. Le reste, les équipes administratives et commerciales, sont toutes au chômage partiel.
FI : Malgré les 85 millions d’euros, mobilisés par la Région Réunion sous la forme d’avances remboursables et d’un prêt garanti par l’Etat, Air Austral a entamé une négociation avec son personnel sur un plan d’adaptation qui prévoit peut-être des départs volontaires. Un plan similaire est-il envisagé chez Ewa Air ?
A. I. : Non, il n’est pas prévu pour l’instant d’envisager des départs. Ce n’est pas tellement que notre trésorerie nous suffit à supporter la crise, mais surtout que nous sommes une petite compagnie, et j’aurai besoin de tous mes effectifs pour redémarrer. Bien sûr, rebondir ne sera pas chose facile, car nous avons été obligés de mettre tous nos projets en stand by. L’objectif aujourd’hui, c’est de redémarrer l’exploitation pour retrouver notre vitesse de croisière. Mais pour cela, il faudra sans doute compter au moins un an…
Le 11 juin, des ouvriers intervenant dans le cadre de travaux d’une résidence étudiante à Saint-Étienne, découvraient le corps sans vie d’une étudiante mahoraise. Âgée de 26 ans, la jeune femme, décédée de mort naturelle, se trouvait en situation d’isolement.
Le 11 juin dernier, une étudiante mahoraise de 26 ans était retrouvée morte dans son appartement d’une résidence étudiante de Saint-Étienne. Découverte par des ouvriers intervenant dans le cadre de travaux,la jeune femme était décédée plusieurs jours plus tôt, de mort naturelle*. Un drame qui met une fois de plus en avant l’isolement et la précarité psychologique de certains étudiants mahorais dans l’Hexagone.
Face à la situation, inquiétante et bien connue, six psychologues** réunis en collectif ont envoyé une missive aux différents acteurs concernés par la problématique : Conseil départemental, rectorat, Commission d’octroi des bourses et aides, Ladom, délégué de Mayotte à Paris, ou encore associations d’étudiants mahorais en métropole.« Cette année universitaire a été particulièrement traumatisante pour la communauté étudiante mahoraise en métropole. Nous comptons à ce jour sept décès dont certains sont survenus dans des circonstances encore inconnues. (…) En tant que psychologues et originaires de Mayotte, ces drames nous interpellent au plus haut point », y expliquent-ils en soulignant que ce nouveau décès « vient questionner une problématique qui est peu abordée car encore méconnue : la santé mentale des étudiants mahorais en France hexagonale. » Une « santé mentale qui serait fragile par manque de préparation au départ. « Les jeunes de Mayotte sont-ils mieux préparés au voyage et aux changements qui les attendent hors de leur île natale ? Ont-ils les outils pour trouver les bonnes ressources en cas de nécessité ? », questionnent-ils. Et d’apporter une réponse : « Nous savons tous que tout le monde n’est pas armé pour un tel voyage, un tel changement social en environnemental. Quitter son cocon familial n’est pas chose facile pour la majorité de ces jeunes qui voyagent pour la première fois et quittent leurs familles pour se retrouver seuls dans un territoire et dans une ville qu’ils connaissent à peine. À cela s’ajoutent les nombreuses responsabilités auxquelles les jeunes doivent faire face, à savoir se gérer soi-même, gérer son budget au quotidien, faire ses démarches administratives et surtout mener à bien son projet d’études. » Le tout dans un contexte bien différent de celui de leur île natale, « une perte de repères face à la confrontation à une autre société française et occidentale. Ensuite une perte de ses racines dans le sens où l’on se retrouve loin de sa terre natale, de sa communauté, de ses traditions. Et enfin une perte de contenance en ce sens où les parents ne sont plus là pour maintenir ce lien si réconfortant et imposer ce cadre de vie protecteur. » Conséquence : « Du jour ou lendemain, le jeune étudiant mahorais se retrouve seul face à lui-même. Une solitude qui s’agrandit au fil du temps surtout si le jeune ne retrouve pas des éléments qui vont l’aider à se reconstruire et à reconstruire progressivement des repères qui vont l’aider à tenir face à l’adversité. À la contenance parentale, il lui faut désormais une contenance groupale nécessaire pour créer du lien social et tendre vers un équilibre. Ces nouveaux repères vont de pair, bien évidemment, avec le maintien du lien avec la famille qui, elle, est restée à Mayotte. Malgré la contenance groupale matérialisée par les associations étudiantes, certains jeunes craquent. Et cela nous pousse à soulever la question de la personnalité de chacun. On a tous une sensibilité, différente d’une personne à l’autre, et l’apparition d’un évènement dans notre vie peut nous fragiliser et nous rendre vulnérable. » Les étudiants sont vulnérables, et il faut le dire ouvertement. Ils sont vulnérables socialement financièrement et psychologiquement. »La tribune poursuit : « C’est pour ces raisons essentielles que certains jeunes, démunis, s’isolent et font semblant de vivre comme les autres. Dans notre culture, il est très malvenu de parler ouvertement de nos problèmes. Nous le savons, l’isolement amène tôt ou tard à des comportements à risque, entre autres, le suicide. »
L’impossibilité d’évacuer les problèmes
Alors, comment agir ? L’objectif de la lettre est clair : alerter et encourager les autorités compétentes à se réunir de manière collégiales et pluridisciplinaires pour,qu’ensemble, elles trouvent des solutions. Une démarche de sensibilisation. « Nous ne travaillons pas au sein des structures ou institutions qui prennent en charge ces jeunes », commente en aparté l’un des professionnels, qui continue :« Ils doivent faire le nécessaire pour réfléchir ensemble, avec différents professionnels dont des professionnels de la santé psychique qui pourront leur donner leur expertise. Mais c’est bien un travail incluant plusieurs professions [qui est nécessaire] pour accompagner au mieux ces jeunes aussi bien au niveau social, financier et psychologique. Il ne faut négliger aucun aspect. »
Leur courrier donne tout de même des pistes de réflexion. « Les associations étudiantes et les médiateurs académiques font partie des forces vives sur lesquelles nous pouvons nous appuyer pour repérer les jeunes afin de les soutenir et les accompagner et ainsi répondre au mieux à leur bien-être psychique. En effet, dans le cadre de leur accompagnement, il est nécessaire de rajouter des outils comme la sensibilisation à la détresse psychique pour compléter l’évaluation du bien-être de l’étudiant. En amont, nous proposons de rajouter dans les rencontres déjà réalisées par la DPSU, le service des bourses du rectorat de Mayotte, Ladom et le CUFR, l’aspect psychologique pour qu’ils aient dans leur préparation avant le départ au moins des débuts d’idées pour mettre en place et entretenir une certaine hygiène de vie psychique dans cette vie inédite. Par la suite, et tout au long de la scolarité, il serait nécessaire que la DPSU ait une prise en charge davantage proximale afin de détecter et orienter les étudiants fragiles psychiquement. »
*Contrairement à la piste du suicide, d’abord privilégiée, les résultats de l’autopsie ont révélé qu’elle était décédée de mort naturelle.
Le juge des libertés et de la détention est venu ce dimanche, pour la première fois sur le territoire, donner raison à une justiciable contestant l’arrêté préfectorale de mise en quatorzaine pour les passagers provenant de métropole. Explications.
L’affaire n’est pas commune. À l’image des temps qui courent. Le juge des libertés et de la détention de Mayotte a en effet été amené pour la première fois, ce dimanche, à se prononcer sur la régularité du placement automatique en quatorzaine décidé par la préfecture à destination des voyageurs venant de métropole. Car c’est en effet la condition fixée par les autorités locales pour tous les passagers autorisés à pénétrer sur le territoire mahorais. Tous les passagers. Et c’est bien là que le bât blesse. « La loi dispose que l’arrêté du préfet portant placement en quatorzaine doit être individualisé et motivé alors que l’arrêté en question est d’ordre général pour tous les passagers », rappelle Maître Souhaïli qui a porté cette demande inédite ayant obtenu gain de cause.
En l’espèce, une femme jusqu’alors en métropole se devait de rentrer à Mayotte pour des raisons professionnelles. « Elle a donc fait sa demande sur le site de la préfecture, laquelle lui a ensuite notifié qu’elle pourrait bénéficier du vol du dimanche 7 juin », souligne son conseil. Avant le départ, la voyageuse doit cependant signer une attestation sur l’honneur stipulant notamment qu’elle respectera la quatorzaine exigée par les autorités.
Un contreseing « qui n‘empêche absolument pas par la suite de contester la décision administrative », précise Maître Souhaïli. Et c’est bien ce qu’elle se décide à faire une fois le pied en terre mahoraise. Car ladite quatorzaine empêche justement la voyageuse de remplir à bien les missions qui l’ont amené à rentrer dans le 101ème département. « Cette femme est revenue pour effectuer des permanences, or elle ne pouvait même pas sortir pour aller faire ses courses », pointe son avocat qui fait reposer là son second argument. « Il y avait clairement, à travers cet arrêté des conséquences disproportionnées sur la liberté de circulation, celui-ci était même plus restrictif que les mesures imposées au plus fort du confinement », soutient-il.
« On ne peut pas tout justifier par la crise sanitaire »
Autres moyens soulevés : « l’arrêté ne précise pas les délais et les modalités de contestation alors que toute décision administrative doit intégrer cela » ou encore : « la loi dispose que les arrêtés de mise en quatorzaine doivent être communiqués au procureur et nous n’avons pas la preuve que cela a été fait », détaille le conseil. Des arguments quasiment superfétatoires tant Maître Souhaïli en est convaincu : « le premier moyen a suffi à emporter la décision du juge car au-delà d’une décision générale alors qu’elle aurait dû être individuelle et motivée, la restriction de la liberté de circuler d’une personne doit être avalisée par un magistrat. » De quoi s’opposer à la décision préfectorale, laquelle n’aura pas été soutenue devant le juge.
« Malheureusement la préfecture ne s’est pas défendue, je ne peux donc pas préjuger des conséquences qu’elle va en tirer », indique l’avocat gagnant. Qui minimise toutefois la portée de la décision rendue par le JLD. « La disproportionnalité de la mesure a peut-être joué dans le cas d’espèce et ce jugement ne vaut pas forcément jurisprudence pour tout le monde. Cela sera toujours du cas par cas mais justement, cette décision vient rappeler que le placement automatique en quatorzaine sans individualisation ne passe pas devant le juge des libertés et de la détention. Quoi qu’il en soit, je pense que toute personne qui se sent lésée par ce type de décision ne doit pas hésiter à la contester devant le juge », soutient Yanis Souhaïli avant de se faire l’avocat des libertés fondamentales. « On ne peut pas tout justifier par la crise sanitaire et laisser le gouvernement et les administrations faire comme bon leur semble. Il y a eu beaucoup de dérives, le Conseil d’État, la Cour de cassation ou encore le Conseil constitutionnel ont été saisis à de nombreuses reprises pour rappeler que l’on ne touche pas comme cela aux libertés individuelles. Le gouvernement a fait passer nombre de textes attentatoires à ces libertés par ordonnance pendant cette crise et dans ce cadre, le contentieux devient nécessaire, même s’il ne donne pas toujours raison, pour protéger les droits fondamentaux des individus », plaide le ténor mahorais. Se refusant à voir les libertés confinées.
Rapt de Petite-Terre : décision le 23 juin quant à la détention provisoire
Maître Souahïli, décidément au cœur de l’actualité juridique, a accompagné ce mardi matin ses trois clients mis en examen dans l’affaire du rapt de Petite-Terre au tribunal judiciaire de Mamoudzou. Objet de la visite, une audience devant la chambre de l’instruction en visioconférence avec des magistrats réunionnais qui devront statuer de manière collégiale sur l’avenir des trois hommes dans l’attente de leur procès. Le ministère public avait en effet formé appel de la décision du juge des libertés et de la détention plaçant les trois hommes sous contrôle judiciaire quand il réclamait leur placement en détention provisoire. « La teneur des débats a été la même que devant le JLD mais devant des magistrats de La Réunion qui ne connaissent pas forcément la réalité du terrain », lâche l’avocat des mis en examen, trahissant ainsi un soupçon d’inquiétude quant à la liberté future de ses clients. Décision le 23 juin.
Depuis le début de la crise sanitaire, le centre hospitalier de Mayotte a mis en place des équipes mobiles de prélèvement pour réaliser des tests à domicile. Une mission qui demande une préparation relativement lourde en matériel et qui se cogne par moment au refus de quelques habitants, qui ont peur des conséquences du dépistage.
Samedi 14 mars. Le premier cas positif au Covid tombe officiellement. Le centre hospitalier de Mayotte se réorganise pour faire face à la propagation du virus. Si la plupart des dépistages se font à Mamoudzou et dans les quatre centres de soins et d’accouchements délocalisés de l’île (Dzaoudzi, Kahani, Mramadoudou et Dzoumogné), l’établissement décide de mettre en place des équipes mobiles de prélèvement pour se rendre directement au domicile de la population. Infirmière à la médecine du travail de l’hôpital, Dhatya Soilihi est la première à se voir confier cette mission. « Pendant une semaine, j’ai sillonné l’île toute seule », se remémore-t-elle, avant d’expliquer avoir été rejointe par plusieurs de ses collègues pour renforcer les rangs de cette brigade spécialement constituée pour gérer la crise sanitaire.
Une préparation relativement lourde
Trois mois plus tard, ce nouveau service fonctionne comme sur des roulettes, ou presque. Suspendu quelques jours par la cellule de crise pour renvoyer le personnel soignant vers son cœur de métier, la direction a finalement décidé de faire machine arrière. « Les habitants qui présentent des symptômes appellent le 15. Et c’est le médecin régulateur du Samu qui nous oriente vers eux », confie celle qui a été désignée par sa hiérarchie pour coordonner les effectifs, sur les routes de 7h à 15h. À ses côtés : 8 chauffeurs et 2 à 3 infirmières, en poste dans chaque centre médical de référence (CMR), et formées à l’habillage, au déshabillage et au geste technique du test nasopharyngé pour déterminer si une personne est porteuse du virus. Depuis son bureau, Dhatya Soilihi se charge de gérer les plannings des uns et des autres, de passer les commandes de matériels et de s’assurer que les kits de prélèvement et de protection soient complets. « Il faut que les voitures soient suffisamment chargées pour ne pas avoir de rupture de stocks une fois sur le terrain car les demandes tombent au fur et à mesure dans la journée. À moi de répéter les consignes et de vérifier, pour être sûre que ce genre de couac ne se produise pas », sourit-elle. Réparties sur cinq secteurs, les équipes peuvent réaliser jusqu’à une cinquantaine de tests par jour, avant que les bilans ne soient déposés au laboratoire en fin d’après-midi pour être analysés.
Des problèmes de stigmatisation
Toutefois, un phénomène propre à Mayotte rend leur quotidien quelque peu complexe. À savoir la stigmatisation du virus par la population. Provoquant quelques difficultés lorsqu’une équipe doit se rendre sur place… « Il arrive au moins une fois par jour que nous recevions un refus alors qu’il était prévu que nous procédions à un test. Quand nous les contactons pour demander leur adresse, certains nous disent qu’ils ne sont plus malades tandis que d’autres nous annoncent carrément qu’il s’agit d’un faux numéro », relate Dhatya Soilihi, qui s’inquiète de la recrudescence de ce type de comportement. Selon elle, il est nécessaire de leur « faire prendre conscience des risques pour eux et leur famille ». Alors quand ce genre d’événement se produit, l’infirmière le précise dans son récapitulatif envoyé quotidiennement au Samu, à l’agence régionale de santé (ARS) et à Santé Publique France. « Je rédige une annotation sur ceux qui ont refusé ou sur ceux qui ont montré des réticences pour faciliter le travail de l’équipe qui s’occupe du suivi des cas. » Une bonne manière de prévenir la formation de futurs clusters et de couper les éventuelles chaînes de transmission.
Cela peut en surprendre plus d’un mais Mayotte est capable de produire du cacao et du café de très bonne qualité et qui n’a rien à envier aux plus grandes productions internationales. Cependant, ces produits sont sous exploités ou laissés à l’abandon. L’association Café cacao maoré créée en mars 2019 s’est donnée pour mission de remédier à cela et de planter du café et du cacao sur l’île afin d’installer un véritable système de production.
Mayotte regorge de richesses encore méconnues du grand public. Le café et le cacao en font partie. Ces deux matières premières présentes sur l’île pourraient devenir emblématiques sur le territoire, mais encore faudrait-il les préserver et les valoriser. C’est la mission que s’est attribuée l’association Café cacao maoré qui regroupe 11 producteurs de Mayotte. Tous sont spécialisés dans différents domaines de l’agriculture, mais ils se sont réunis dans le seul objectif de sauver le café et le cacao de l’île. “L’idée nous est venue parce qu’on a remarqué qu’il y avait pas mal de café à l’état sauvage dans la commune de Tsingoni. Nous avons aussi trouvé d’anciens vestiges de plantations de cacao qui étaient entre Combani et Ouangani”, relate Valérie Ferrier, productrice et animatrice de l’association. Les plantations sont pratiquement toutes laissées à l’abandon. Un constat qui désole les membres de l’association car le café et le cacao de Mayotte ont un réel potentiel et ont chacun une particularité rare. “La variété de cacao d’ici est le criollo. Elle est très recherchée puisque c’est ce qui permet de faire du chocolat. On pourrait donc produire du chocolat à Mayotte. Le café est quant à lui très robuste, c’est-à-dire qu’il a un fort taux de caféine”, explique Valérie Ferrier. L’objectif de l’association est de relancer les exploitations de café et de cacao qui autrefois étaient très présentes sur l’île. Certains y voient un intérêt économique pour le territoire, mais la plupart des membres de l’associations sont des Mahorais qui veulent préserver le patrimoine local à travers ces filières qui sont en perte de vitesse et qui seront amenées à disparaître si la situation est laissée comme telle. Un premier jet d’essai a été lancé par l’association. Elle a présenté du chocolat fabriqué à Mayotte et du café au salon international de l’agriculture à Paris, au mois de février de cette année, pour faire connaître les produits. “Les gens étaient très agréablement surpris. Ils ne savaient pas qu’on pouvait produire du chocolat et du café à Mayotte. Ils ont adoré parce que ce sont des produits très recherchés”, rappelle la productrice.
Vers une production à plus grande échelle ?
L’association souhaite désormais passer à l’étape supérieure et ainsi produire le café et le cacao à plus grande échelle, même si les membres savent que cela prendra beaucoup de temps et d’argent. Ils ont demandé des subventions auprès des fonds européens et du conseil départemental. Leur projet de 260.000 euros est financé à 75% par ces aides. L’installation d’un atelier pour transformer les produits bruts est également en cours. Pour le moment, les exploitations sont quasi insignifiantes si l’on compare à d’autres territoires où la production est beaucoup plus développée. 1.400 plants de cacao ont été plantés l’année dernière et 300 kilos de cerises de café ont été récoltés. “L’idée est d’utiliser les pieds qui existent localement comme des pieds mères et de multiplier les variétés car l’île en a de très bonnes.” Avant de peut-être retrouver du café et du chocolat fabriqués à Mayotte dans les rayons des magasins, les exploitants se concentrent sur une petite production. Les produits seront vendus comme des souvenirs de Mayotte aux touristes. L’association est parfaitement consciente des retombées positives de ces filières, mais elle sait que le chemin sera semé d’embûches. “La production de cacao et de café n’est pas rentable sur le court terme car cela prend 4 ans pour faire pousser un cacaoyer par exemple. Les agriculteurs préfèrent planter un produit qui pousse rapidement et qui se vend plus facilement comme les bananes”, regrette Valérie Ferrier. Il leur est donc indispensable de préserver le peu qui reste. L’association prévoit de s’associer avec les propriétaires des parcelles qui longent la piste rurale de Maboungani (commune de Tsingoni) pour planter du café et du cacao et faire de cette zone un site touristique de ces deux produits. Peut-être qu’avec beaucoup de persévérance et de solidarité, le café et le cacao deviendront les nouveaux emblèmes de l’île aux parfums
Si la disparition de Khams a ému toute une île, elle n’aura pas épargné les sauveteurs en mer. Qui n’auront pu remplir leur mission, faute de bateau. « Un choc », au sein de l’antenne locale de la Société nationale du sauvetage en mer (SNSM) qui attend depuis près d’un an le renouvellement de son navire de secours.
« L’accident d’hier est pour nous, marins sauveteurs, un gros choc car nous sommes là, présents, compétents pour pouvoir intervenir dans les quinze minutes et une fois de plus nous n’avons pas pu le faire à cause d’un manque de moyen », s’indigne Frédéric Niewadowski, le président des sauveteurs en mer de Mayotte. « Ne pas pouvoir y aller pour une raison politico financière alors que nous sommes pleinement engagés au service des autres c’est très dur », déplore encore le marin. Cela fait en effet près d’un an que la SNSM locale est privée de moyen d’intervention en mer. En cause, le non-remplacement à temps de l’Haraka, le navire précédemment utilisé. « Nous avions lancé l’alerte il y a deux ans et demi pour anticiper le remplacement de ce bateau qui com-mençait à devenir vétuste et dangereux. Comme régulièrement ici, nous n’avons pas été écoutés et un jour les boudins [ semi-rigides, ndlr] ont explosé, le bateau s’est quasiment échoué. Il a alors fallu prendre une décision car nous ne pouvions pas continuer à mettre en jeu la sécurité des équi-piers », se souvient le président des sauveteurs.
Lequel n’a depuis cessé de taper du poing sur la table pour obtenir du Département qu’il réponde à ses obligations légales en finançant le nouveau navire à hauteur de 50%. L’autre moitié étant prise en charge par la SNSM. Mais sans ce premier financement, « impossible de commander », rappelle Frédéric Niewadowski. Si l’enveloppe a finalement été débloqué il y a quelques mois de cela, cette absence de prise en considération de l’importance des secours maritimes sur une île met le marin hors de lui. Et rappelle, à l’aune du drame que vient de connaître Mayotte avec la dis-parition de Khams, que des vies sont en jeu. « Si nous avions eu un moyen d’intervention, nous aurions pu être sur site dans les 15 minutes. Je ne dis pas que l’issue aurait forcément été diffé-rente mais nous serions restés sur zone toute la nuit, nous n’aurions pas quitté les lieux avant de l’avoir retrouvé. Forcément, nous aurions multiplié ses chances de survie », insiste celui qui est également maître de port après avoir servi 25 ans dans l’aéronautique navale.
De « véritables négligences » sur les dangers de la mer
« Ce qu’il s’est passé est malheureusement l’illustration concrète de ce que l’on crie haut et fort depuis trop longtemps, on ne fait qu’alerter et rappeler tout le monde à ses responsabilités », s’at-triste l’homme de mer. Dans le collimateur, différentes institutions mais aussi les maires. À Mayotte, aucune plage n’est surveillée alors que c’est une obligation pour les communes d’organi-ser la sécurité jusqu’à 300 mètres de leurs plages. C’est une obligation comme tant d’autres qui n’a jamais été prise en compte ici alors même que l’on parle de développer le tourisme », martèle le président des sauveteurs en mer. Avec qui les responsables, mais aussi les usagers du lagon en prennent pour leur grade. « Notre seul frein, c’est le financement et dans le même temps à peine 1% des utilisateurs du lagon font un don aux sauveteurs, il y a une vraie négligence de leur part alors que nous nous engageons pour assurer leur sécurité… Pas un seul prestateur ne cotise ! », tempête Frédéric Niewadowski.
Une situation « inédite que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. À La Réunion pour ne citer que cet exemple, il y a trois stations de la SNSM, les plages sont surveillées alors que nous ne parvenons même pas à boucler un budget de 45 000 euros… », dénonce-t-il alors que « même quand on prend la barge on peut avoir besoin de la SNSM ». Une situation financière qui a pendant près d’un an empêcher les sauveteurs en mer de faire don de leur dévouement. Et qui ampute bien des projets. « Il faudrait créer une ou deux stations supplémentaires, idéalement une au nord et une au sud de l’île, c’est un travail que nous voulons mener mais quand on voit le budget on ne peut mal-heureusement pas l’envisager. Alors que les moyens humains et les compétences sont là. »
Retour sur l’eau en octobre
Une quarantaine de bénévoles s’investissent en effet au sein de la SNSN locale. « Avec 25 per-sonnes immédiatement opérationnelles ce qui permet d’assurer un équipage et sa relève », pré-cise le président. Parmi eux, des patrons, des navigateurs, des plongeurs, des secouristes, des médecins, des infirmiers… « On se complète et c’est ça notre force, c’est cela qui nous permet d’aller secourir en mer, de mener ce combat. Et puis nous apportons tout un tas de qualifications, de formations, c’est aussi pour ça que j’encourage les jeunes à s’engager », complète Frédéric Niewadowski. De l’engagement, voilà le maître mot. Car « on travaille dans l’ombre, notre vocation est de sauver des gens, c’est tout. On fait ça parce que c’est dans nos tripes, on a ça au fond de nous et on ne demande pas de remerciements mais un peu de considération, de conscience des dangers de la mer et de l’importance de s’en protéger », plaide l’ancien militaire. Un engagement donc, qui a permis de secourir 180 personnes en 2017 dont huit réanimées sur un total de 71 in-terventions.
Mais il faudra attendre « avec un peu de chance » octobre pour retrouver les sauveteurs… en mer. Avec l’arrivée de leur nouveau navire, un semi-rigide semblable aux intercepteurs, de 9,30 mètres, équipé de deux moteurs de 300 chevaux et capable de recevoir jusqu’à 22 personnes. Un nou-veau moyen de projection qui permettra aux secouristes d’élargir encore leur champ d’intervention. « C’est un bateau capable d’aller jusqu’à 30 milles nautiques, ce qui correspond à la nouvelle flotte locale de pêche, il fallait absolument que nous puissions avoir au moins un navire capable de se-courir à cette distance », détaille le président de la SNSM locale. Car face aux dangers de l’océan, nous sommes tous dans le même bateau.