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Les solutions économiques, sociales et sanitaires apportées à Mayotte

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Jeudi dernier, quatre membres du gouvernement ont répondu aux questions de nos confrères de France O et Outre-mer la 1ère. L’objectif était d’éclaircir certains aspects du déconfinement dans les territoires ultramarins. Mayotte a de très nombreuses fois été évoquée tant la situation est préoccupante. La ministre des Outre-mer, qui était en tête de front, affirme qu’il existe trois zones avec des évolutions distinctes et notre île fait partie de celle qui inquiète le plus le gouvernement.

La date du déconfinement encore incertaine

Lorsque l’on demande à Annick Giradin si Mayotte devra rester confinée plus longtemps que les autres territoires français, la ministre ne répond pas vraiment à la question et nous laisse dans le doute. “Si pour le confinement on avait des spécificités, c’est exactement la même chose pour le déconfinement. Les préfets, avec les élus des territoires et les acteurs sociaux-professionnels feront les choix qui seront les mieux pour chaque territoire”, indique-t-elle. Mais depuis, la directrice de l’ARS Mayotte, Dominique Voynet, a annoncé que l’île restera en confinement au moins jusqu’au 18 mai. Un prolongement est même possible jusqu’au 25 mai.

Le système sanitaire en bonne santé

“Le système de santé n’est pas saturé, mais nous savons que la situation est très évolutive d’autant plus que nous avons un décalage de 15 jours entre la métropole et Mayotte”, selon Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des Solidarités et de la Santé. En effet, pour le moment les moyens sanitaires mis à disposition semblent être suffisants, mais il serait inconscient de prendre cela pour acquis. De fait, l’ARS a sollicité des renforts au niveau national pour apporter plus de lits en réanimation. “Nous travaillons également pour la mise en place d’un hôpital de campagne militaire pour venir renforcer le nombre de lits en réanimation”, précise la secrétaire d’État.

Les tests de dépistage en hausse

Actuellement, la capacité de dépistage à Mayotte est de 300 tests par jour. Le gouvernement doublera ce chiffre. “Nous nous adaptons en fonction de l’évolution de l’épidémie”, affirme Christelle Dubos.

La multiplication des aides

Un plan d’urgence d’aides alimentaires de 25 millions d’euros a été mis en place pour les associations. Pour l’Outre-mer, le gouvernement a attribué les PARS (prestations d’aides à la restauration scolaire, initialement versée aux établissements scolaires) aux familles dans le besoin. Enfin, “nous avons apporté une réponse spécifique de 4 millions d’euros dans le cadre du plan d’urgence au soutien alimentaire pour les territoires de Mayotte, Guyane et Saint-Martin”, complète Christelle Dubos. À Mayotte, cela se caractérise par des chèques d’urgence alimentaire. Ceux qui bénéficient du RSA, du RSO ou de l’allocation de solidarité spécifique “recevront 150 euros plus 100 euros par enfant à charge. Et les familles les plus modestes qui touchent l’aide au logement percevront 100 euros par enfant”. Cette aide sera versée en une seule fois le 15 mai et de façon automatique.

Le non-respect des mesures de confinement

Interpellée par le non-respect du confinement chez nous, la ministre des Outre-mer a essayé de relativiser la situation. “Il ne faut pas dire que le confinement ne fonctionne pas. Il y a des conditions locales qui peuvent expliquer que ce ne soit pas si facile que ça. Quand on vit dans un banga et qu’il fait 30 degrés, rester en permanence dans son logement c’est quelque chose de difficile.” Selon elle, le problème n’est pas d’ordre public puisque les forces de l’ordre sont “présentes sur les territoires et elles agissent de manière pédagogique sur ces questions de respect du confinement.”

Un retour à l’école nécessaire

Annick Girardin est catégorique en ce qui concerne la réouverture des établissements scolaires. “Je souhaite que les écoles soient rouvertes le plus vite possible tout en tenant compte des réalités de chaque territoire.” Les maires et les recteurs sont donc mis à contribution plus que jamais. Cependant, la continuité pédagogique tant souhaitée par le gouvernement n’est pas la principale motivation de la réouverture des écoles. Ce retour est nécessaire afin de lutter contre les inégalités. “La cantine scolaire est le seul repas de certains enfants dans certains territoires ultramarins”, évoque la ministre. Et Mayotte fait partie de ces territoires sans l’ombre d’un doute.

Mis en place d’un suivi psychologique pour les enfants

Si le confinement est difficile à assimiler pour les adultes, il l’est encore plus pour les enfants. C’est la raison pour laquelle le gouvernement réfléchit à l’organisation d’un soutien psychologique dans les écoles. Cela permettra surtout de détecter les enfants qui ont subi des violences pendant le confinement. Une réelle crainte pour Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance. “Au 119 nous avons comptabilisé 90 appels pour tout l’Outre-mer. Je n’arrive pas à me satisfaire à la stabilité de ce chiffre, ce n’est pas normal. On s’attend à ce qu’il y ait une hausse des violences à la sortie du confinement.” Le ministère de la Protection de l’enfance a alors lancé une campagne de communication pour que chacun ait le réflexe d’appeler le 119 dans le moindre doute.

 

À Tsoundzou, “c’était la guerre”

C’est un déferlement de violence auquel ont fait face les forces de l’ordre durant la nuit de samedi à dimanche. Des centaines de jeunes rassemblés autour de quatre mourengué ont convergé, principalement à Tsoundzou pour mener une véritable “guerre” selon les mots de policiers.

“Ils veulent tuer un flic, c’est ça l’objectif et ils n’arrêteront pas de sitôt.” Bacar est abasourdi. Devant un Somaco dévasté, le policier municipal observe le ballet de tractopelles et autres souffleuses appelés pour redonner un semblant de propre à la route nationale qui traverse Tsoundzou 1. Rien à faire cependant ; le goudron encore fumant portera longtemps les stigmates de la veille. “C’était la guerre, vraiment, c’était un déferlement de violence inouïe”, se souvient un policier présent durant les quelques sept heures qu’ont duré les émeutes. Mais ce samedi soir, les forces de l’ordre savaient à quoi s’attendre. Enfin plus ou moins.

“On a eu une information dans la journée selon laquelle il y aurait quatre mourengué différents et simultanés dans la soirée sur Mamoudzou avec la possibilité que les différents groupes se retrouvent”, explique ce même policier. “Nous avons alors décidé de monter une opération dans la plus grande discrétion”, expose-t-il encore, considérant que le préfet, le général de gendarmerie et le directeur territorial de la police nationale “avaient la volonté de frapper fort, de garder le terrain et d’empêcher de rentrer dans une démarche instaurée de bocage de l’île”. Envoyer un message aussi, aux organisateurs de mourengué qui virent désormais quasi systématiquement à l’émeute.

Tenir le terrain, à tout prix

Samedi soir n’a donc, comme prévu, pas dérogé à la règle. Rond-point Baobab, Doujani, mais surtout Tsoundzou, marqué par le pillage acharné du Somaco, ont ainsi été le théâtre d’affrontements menés par des centaines de jeunes. Une présence massive d’émeutiers qui n’aura cependant pas fait reculer les quelques trois escadrons de gendarmes mobilisés pour l’opération, assistés par des policiers privés pour certains de leur jour de repos. “Nous avons fait face”, martèle l’un d’eux, non moins choqué par les évènements qui lui rappellent ceux auxquels il a pu assister sur l’île en 2011. “Nous avons répondu, mais ça n’a pas plus”, ajoute-t-il. Il faut dire que les forces de l’ordre, avec quelque 400 grenades tirées, ont eu la main lourde dans la riposte. Tenir le terrain, à tout prix, l’ordre était clair et le directeur de la police nationale sur le territoire en a fait les frais. Une pierre est venue le blesser à la jambe ce qui lui a valu un aller pour les urgences afin de se faire recoudre. Neuf gendarmes ont également été légèrement blessés. Dans le camp d’en face, le bilan médical n’est évidemment pas connu, mais une interpellation est à noter. “D’autres doivent suivre, les investigations sont en cours”, assure la police. Devant le magasin saccagé de Tsoundzou, ce dimanche, ils étaient peu à croire que le cycle de violence aurait pris fin avec le pic de la veille. “C’est comme un virus”, marmonnait ainsi Bacar derrière son masque.

 

40 tortues braconnées en Petite-Terre depuis le début du confinement

La semaine dernière, deux hommes, pris sur le fait, avouaient avoir massacré une tortue en Petite-Terre pour revendre sa chair. Pourtant, ils ont tous les deux étés relâchés pour vice de procédure. Pendant ce temps-là, le nombre de tortues tuées ne cesse de grimper depuis le début du confinement.

Regrettable retournement de situation. Mercredi matin, deux hommes comparaissaient devant le tribunal de Mamoudzou pour braconnage d’espèce protégée. La veille, ils avaient été interpellés à leur descente de la barge, après que plusieurs agents du STM aient remarqué l’odeur de putréfaction qui se dégageait de leurs lourds sacs. En cause : la soixantaine de kilos de chair de tortue qu’ils transportaient avec eux, découverts plus tard par les policiers de l’office de la biodiversité. À raison de cinquante à soixante euros le kilo vendu dans les circuits clandestins, cette viande aurait pu leur rapporter plus de trois mille euros.

Immédiatement placés en garde à vue, les deux suspects reconnaissent avoir massacré, la veille, une tortue verte venue pondre sur la plage de Papani, en Petite-Terre. Dépecée sur place, la dépouille de l’animal a ensuite passé la nuit dans un sac dissimulé dans un champs, afin d’être récupéré le lendemain. Alors que les enquêteurs soupçonnent l’existence de deux complices, les braconniers assurent avoir agi seuls et sont appelés à comparaître quelques heures plus tard. Une bonne nouvelle pour les associations environnementales qui se sont constituées partie civile, alors que depuis le début du confinement, les audiences ont été limitées.

Les témoignages sont là, les preuves aussi, pourtant, les deux braconniers présumés seront relaxés pour vice de procédure. En cause, l’absence d’un avocat pendant leur garde à vue. Un “quiproquo” selon Camille Miansoni, procureur de la République, qui pointe du doigt la suspension des activités du barreau pendant la crise sanitaire. En effet, il y a encore une dizaine de jours, “les avocats avaient suspendu toute participation à l’activité judiciaire”, rappelle le magistrat. “Or, vendredi 24 avril, la bâtonnière nous a indiqué qu’à compter de cette semaine, le barreau envisageait de reprendre.” Problème : le tableau des permanences avait été diffusé la veille, avec la mention de la suspension des activités des avocats. En conséquence, l’enquêteur en charge n’a pas reçu l’information à temps, l’officier de police judiciaire n’a pas fait la démarche de contacter l’avocat une fois les deux individus placés en garde à vue.

“On ne s’est en aperçu qu’à la fin de la garde à vue, mais entre-temps, les deux intéressés avaient reconnu les faits”, retrace encore le procureur. “La question de la garde à vue a été soulevée lors de l’audience, elle a donc été annulée”, et avec elle, toutes les auditions faites précédemment. Les aveux ne valent plus rien, le tribunal ne peut plus les utiliser. Sur conseil de leurs avocats, les jugés gardent le silence tout au long de l’audience. Dès lors, plus rien ne peut leur être reproché. Le parquet décide de faire appel, pendant que l’avocat de la partie civile suggère de nouvelles poursuites pour recel. “Ce n’est pas sans complication juridique”, répond Camille Mianosni. “Il faudrait déduire le délai de la garde à vue déjà effectuée, et vu qu’elles sont limitées à deux fois 24 heures, ça serait un peu hasardeux. Mais nous sommes aussi désolés que les associations face à l’issue de cette affaire.”

“Un permis de braconner en toute impunité”

Au sortir du tribunal, les Naturalistes de Mayotte, l’organisation Oulanga Na Nyamba et Mayotte Nature Environnement dénoncent “un permis de braconner en toute impunité”, alors que chaque condamnation pour des faits similaires dissuade, au moins pendant quelques mois, les autres braconniers d’agir. D’autant plus que depuis le début du confinement et donc la désertion des plages, la recrudescence des massacres de tortues s’observe à l’échelle de tout le département. Uniquement sur Petite-Terre, 40 de ces animaux ont été braconnés en seulement cinq semaines, dont 28 à Moya. Une plage qui, habituellement, ne compte “que” trois ou quatre braconnages à l’année, a confirmé le Remat, réseau d’échouage mahorais de mammifères marins et de tortues marines, chargé de recenser les cadavres. Et si les dépouilles qui se dévoilent à ciel ouvert sont particulièrement nombreuses sur cette plage de Petite-Terre, c’est en partie dû au retrait des agents départementaux chargés des patrouilles depuis la crise sanitaire. Mais face aux récents chiffres, la collectivité territoriale les a redéployées sur certains sites de pontes depuis le 24 avril. Ils étaient d’ailleurs présents la nuit du braconnage, mais sur une autre plage. “Il y a une vraie difficulté à couvrir l’ensemble des sites”, reconnaît le monde associatif. Pour l’heure, seules Moya et Saziley font l’objet d’une surveillance institutionnelle, pendant que les associations environnementales sont tenues de suspendre leur activité

 

24 heures avec… Zarianti, infirmière libérale : “Il ne suffit pas de donner du Dafalgan, il faut aussi rassurer”

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Le quotidien des infirmiers libéraux a, lui aussi, été chamboulé par le confinement. Entre rappel des gestes barrières, suivi des patients à domicile, et crainte d’être elle-même contaminée, Zarianti, infirmière sur la commune de Mamoudzou, témoigne de sa vie en temps de pandémie.

Le rituel est maintenant bien ancré. Chaque fois qu’elle rentre de l’une de ses longues journées de travail, Zarianti commence par prendre une douche, mais à l’extérieur de sa maison. Principe de précaution oblige, elle lave ensuite ses vêtements à part, en veillant bien à séparer son linge de celui de son mari et de ses deux enfants. “Ce n’est pas tant que je m’inquiète pour moi, mais plutôt pour ma famille. J’ai un enfant en bas âge”, déroule l’infirmière libérale. La source de ses tracas ? Le Covid-19 bien sûr. Alors que le stade 3 de l’épidémie a été dépassé dans le 101ème département, et que le confinement s’étalera au moins, on le sait désormais, jusqu’au 18 mai, tout a changé pour cette mère de famille depuis le 17 mars.

Pourtant en apparence, l’on pourrait croire que c’est tout le contraire. Tous les matins, Zarianti étrenne comme à l’accoutumée sac à main et clés de voiture, et file aux aurores voir certains de ses quelque vingt patients. De 5h du matin à midi, puis de 14h à 19h, cette soignante qui consulte surtout à domicile continue en effet à se rendre chez les malades. Avec désormais cette crainte inédite de ramener le virus chez elle. “Je préfère me déplacer. Je leur avais dit de se préparer et d’aller demander leurs traitements avant le confinement, et donc maintenant je me charge de prendre leurs ordonnances. Je vais à la pharmacie et je les livre”, décrit-elle. Résultat, ses journées sont sensiblement les mêmes qu’avant le confinement. Voire un peu plus chargées. Car Zarianti passe d’autant plus de temps avec les malades, pour leur rappeler les gestes barrières et aussi pour les rassurer. “Certains diraient que je suis lente, mais cela fait neuf ans que je fais ce métier, et je sais bien qu’il ne suffit pas de donner un Dafalgan et puis s’en va”, poursuit la mère de famille, qui a aussi travaillé quinze ans comme commerciale. “Les gens, c’est mon dada”.

“Je peux faire le gendarme”

Alors Zarianti n’hésite pas à faire des heures sup”, surtout s’il est question de la santé de ses patients. Beaucoup souffrent d’hypertension ou de diabète, des pathologies pour lesquelles il faut éviter toute rupture de soins… Or, “tout le monde a peur d’aller à l’hôpital”, confirme l’infirmière. Quelques fois, elle a dû appeler le 15, face à une mauvaise fièvre. Mais pour l’instant, aucun cas de Covid-19 parmi ses patients, heureusement. Zarianti aime à se dire qu’ils appliquent ses consignes. Mais parfois, c’est leur entourage qui peut être facteur de transmission. Alors l’infirmière sait être stricte pour rappeler les règles de distanciation sociale, même en dehors de ses heures de travail. “Je peux faire le gendarme, si je repasse vers chez eux et que j’en vois dehors”, souligne l’infirmière, que l’on imagine bien, sourcils froncés et doigt réprobateur, derrière son volant alors qu’elle sillonne les routes entre Kawéni et Tsoundzou 2.

Moisissures et manque de protections

Mais Zarianti vit non loin du plus grand bidonville de France, et malgré toutes ces précautions, elle sait bien que ses recommandations ne peuvent pas être suivies par tout le monde. “Il y a le confinement, certes, mais beaucoup vivent dans des taudis”, soupire-t-elle. “Cela fait mal au cœur, quand je vois ces attroupements vers 20h, 21h, les gens ici sont complètement dans le déni de la maladie”. Alors pour protéger au mieux ses patients, l’infirmière donne parfois quelques masques à leurs proches, quand elle sait pertinemment qu’ils iront dehors, pour fuir la chaleur d’un “taudis” ou se réapprovisionner. Pourtant, Zarianti ne roule pas sur les protections, denrées rares en ces mois de confinement. “J’ai l’impression que nous, les infirmiers libéraux, on est un peu les grands oubliés”, déplore-t-elle. “Au début, on avait été convié à une réunion d’information de l’ARS, je me souviens avoir beaucoup entendu parler de l’hôpital, un peu moins de nous”. Même si elle reconnaît certains efforts dans la livraison de masques, Zarianti regrette les difficultés pour s’approvisionner en blouses, surblouses, ou couvre-chaussures. Et rapporte, comme d’autres avant elle, la présence de moisissures sur certains FFP2 livrés au début du confinement. “Dans cette crise, moi je suis perdue. C’est comme les masques, au début on nous disait que cela ne protégeait pas, maintenant il faut tous en avoir. Et je me rappelle bien de mes cours d’infirmière, sur l’utilisation des masques et sur le respect des dates de péremption…” À bon entendeur.

 

Pas de déconfinement pour Mayotte avant le 18 ma

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Passage officiel au stade 3 de l’épidémie, déconfinement possible le 18 mai et prévisions épidémiologiques : jeudi 30, l’ARS tenait une conférence de presse pour présenter les évolutions du Covid-19 à Mayotte.

C’était un peu la précision que tout le monde attendait, sans toutefois avoir trop de doutes sur la réponse : non, il n’y aura pas de déconfinement le 11 mai pour Mayotte. Toutefois, celui-ci est envisagé à partir de la semaine suivante : le lundi 18 « au minimum et progressivement. » Une semaine de plus « pour se préparer au mieux. » Toutefois, la situation sera réévaluée dans les jours précédents pour valider la date envisagée, et vérifier « si c’est raisonnable ou s’il faut attendre une semaine de plus », a expliqué la directrice de l’Agence régionale de santé (ARS), Dominique Voynet, lors d’une conférence de presse, jeudi 30.

En cause : le département ne rentre pour le moment dans aucun des critères annoncés par les autorités, a-t-elle constaté. Sans surprise : le nombre de cas journaliers a été doublé en 15 jours. Jeudi, en 48h, 79 nouveaux cas avaient ainsi été confirmés. « On fait plus de tests, donc on détecte plus de personnes asymptomatiques », précise-t-elle toutefois, ajoutant que « cela fait partie de la stratégie nouvelle : détecter le plus de monde possible pour informer, isoler et casser la transmission. » Une stratégie qui s’adapte au passage récent en phase 3. Pour autant, « nous allons continuer à faire le travail que l’on faisait en phase 2, en identifiant les cas contacts des personnes dépistées positives. » Peu de changements sur le fond, donc, si ce n’est un risque désormais plus présent encore dans l’esprit de la population et surtout un objectif de 400 tests par jour. Un objectif qui suppose « que l’on dispose de biologistes, d’une organisation permettant de monter en puissance, d’appareillage et de consommables. » Une bataille au quotidien compte tenu de la situation sanitaire nationale, mais pour laquelle « nous avons été partiellement entendus. » Notamment sur la possibilité de faire analyser des prélèvements par le laboratoire privé à raison d’une centaine de tests par jour, en complément des 300 que peut mener le CHM. Pour autant, « on ne prescrit pas en vrac pour faire du chiffre mais sur la base d’indications claires. »

Plus de patients Covid-19 en médecine qu’en réanimation

Comme prévu par les modèles épidémiologiques, l’augmentation des patients positifs au Covid-19 démarre en décalage par rapport à la métropole. Avec toutefois une « curiosité » : s’il y a plus de personnes hospitalisées à cause du virus, ce n’est pas forcément en réanimation qu’on les trouve : seulement quatre lits y sont occupés, dont deux par des patients qui ont été présents dans le service durant un mois, les deux autres étant occupés de manière provisoire. La directrice de l’ARS le constate : « Nous avons très peu de cas graves, mais en revanche beaucoup de patients en médecine, des gens dont l’état est précaire ou qui ont juste besoin d’une assistance durant quelques jours. Nous allons donc aussi réexaminer la situation du service médecine en plus de celui de réanimation que nous avons déjà adapté. » Ce dernier peut ainsi disposer de 38 lits équipés, et peut monter « facilement » jusqu’à 15 de plus. Il faut désormais libérer de la place dans celui de médecine. Une hypothèse envisagée pour y parvenir : évasaner vers le CHU de La Réunion des patients non-Covid.

Sur les modèles présentés, le pic de l’épidémie – sur la base d’un confinement maintenu et respecté de manière « intermédiaire » – devrait avoir lieu à la fin du mois de mai, suivi d’une chute brutale du nombre de porteurs, jusqu’à une diminution d’environ 2/3du nombre de porteurs actifs à peu près un mois après le pic. Des modèles qui sont toutefois à prendre avec des pincettes et qui sont régulièrement réajustés en fonction des évolutions.

 

À Mayotte, l’hospitalisation en médecine commence à montrer des signes de saturation

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À la différence de la métropole, où le nombre de cas de Covid-19 semble diminuer, Mayotte connaît une évolution inverse, avec une augmentation significative au cours de ces derniers jours. Le chef du pôle URSEC (urgences, réanimation, SAMU-SMUR, Evasan, caisson hyperbare), Christophe Caralp revient pour Flash Infos sur un éventuel déconfinement le 11 mai et annonce que le département ne sera pas en capacité de procéder à un dépistage massif. Seule solution à ses yeux : le lavage régulier des mains, le port du masque et le respect des mesures barrières.

Flash Infos : Lundi, Mayotte est devenue le territoire d’Outre-mer le plus contaminé. Alors que la propagation du virus semble ralentir en métropole comme ailleurs, le 101ème département connaît au contraire une envolée du nombre de cas. Comment analysez-vous cette situation ?

Christophe Caralp : À Mayotte, comme en Guyane et en Guadeloupe, le tissu sanitaire est faible, avec une immigration clandestine galopante et une grande insécurité alimentaire et médicale. Depuis quinze jours, tout le monde a constaté qu’une bonne partie de la population ne se confinait plus chez elle pour différentes raisons. Alors que nous relations une dizaine de nouveaux cas quotidiens au cours de deux-trois premières du confinement, les chiffres repartent à la hausse. Si nous avons la chance de ne pas recenser de formes graves du Covid-19, la filière intermédiaire, qui est l’hospitalisation en médecine, commence à montrer des signes de saturation. Réunie lundi, la cellule de crise du CHM envisage l’ouverture de six nouveaux lits dédiés médecine et travaille avec l’agence régionale de santé sur la prise en charge de personnes guéries du Coronavirus, qui nécessitent encore des soins de kinésithérapie et d’oxygénothérapie à domicile. Parmi eux, certains se retrouvent avec des droits sociaux qui ne sont pas arrêtés et qui les empêchent de rentrer chez eux pour libérer des lits pour d’autres qui ont besoin de soins plus lourds.

Ce mercredi en réanimation, sur les quatre patients atteints du Coronavirus, trois sont officiellement guéris. Mais ils présentent encore des séquelles liées à la sédation de trois semaines ayant entraîné une fonte musculaire. Il faut donc rééduquer les muscles et leur réapprendre les gestes de la vie quotidienne. À noter que l’un de nos premiers patients Covid+ est sorti vivant de réanimation hier [mardi 28 avril] après 37 jours dans ce service. Il vient d’être transféré en médecine.

FI : Jeudi dernier, la directrice de l’ARS, Dominique Voynet, expliquait que le pic de l’épidémie risquait d’arriver vers le 20 mai en cas de déconfinement le 11 mai. En tant que professionnel de santé, qu’est-ce qui vous paraît le plus raisonnable ?

C. P. : Tout d’abord, l’ARS ne nous a pas présenté son algorithme prédictif. Donc je n’ai pas les éléments en mains pour comprendre l’augmentation significative entre le 15 et le 25 mai en cas de déconfinement quelques jours plus tôt. Tout l’enjeu est que celle-ci soit la plus étalée possible dans le temps. Ensuite, nous sommes actuellement confrontés à une population qui a faim. Employons le mot ! Il est nécessaire que toutes les autorités – le rectorat, l’ARS, le CHM et la préfecture – jouent leur partition. Et face à ce constat, il faut que nous leur donnions les moyens de respecter les mesures barrières et de se laver les mains avec du savon, notamment dans les bidonvilles de Kawéni et d’ailleurs, pour permettre d’aplanir ce pic éventuel. Même si nous sommes dans une situation sérieuse, la réalité sur le terrain n’est pas encore si catastrophique. La majorité des habitants prélevés se portent bien et rentrent chez eux à la suite du dépistage. Après il ne faut pas se mentir, une partie de ceux qui viennent aux urgences sont des gens très pauvres qui n’ont aucun moyen de respecter les mesures barrières chez eux. Donc on crée forcément des foyers de dissémination intrafamiliaux lorsqu’ils sont positifs. D’un point de vue personnel, je pense que le confinement

devient improductif à un certain moment. Pour preuve, la filière pédiatrique des urgences constate une recrudescence d’enfants malnutris et de violences intrafamiliales, telles que des relations incestueuses et des viols, qui est probablement liée à la situation actuelle…

FI : Mardi après-midi, le premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé un objectif de 700.000 tests par semaine. Qu’en est-il de Mayotte où le laboratoire du CHM n’effectue qu’environ 200 tests par jour ?

C. P. : Une réflexion était menée pour recevoir une troisième machine, mais la réalité a repris le dessus : il n’y en a plus de disponible sur le marché mondial. Deux solutions sont toujours d’actualité : fournir le laboratoire de Mayotte en réactifs et augmenter la rotation de tests PCR au CHM. Mais il faut aussi prendre en compte la dengue et trouver un juste équilibre. En termes de volume, c’est cette épidémie qui nous pose des soucis… Et il ne faut pas oublier que les employés ne peuvent pas travailler 24 heures sur 24. C’est la raison pour laquelle le CHM a demandé à l’ARS de cibler des renforts de biologistes.

FI : Justement, en parlant de renforts, la réserve sanitaire est venue prêter main forte au CHM il y a quelques semaines. Une bonne nouvelle sachant que le nombre de personnels soignants contaminés est considérable…

C. P. : Il faut dire que le gouvernement a été relativement réactif à ce sujet-là. Nous avons notamment reçu des renforts de médecins et d’infirmiers aux urgences, qui sont de grande qualité. Nous sommes très contents de leur aide, qui nous a permis de soulager les équipes. Nous sentons que Paris a une oreille attentive aux spécificités de Mayotte. Il faut le dire, il y a également une certaine lassitude qui s’est installée chez les personnels soignants qui sont sur le pont depuis la fin du mois de février. Nous espérons pouvoir continuer en ce sens. D’ailleurs, une nouvelle rotation est déjà prévue.

FI : En prenant un peu de hauteur, nous avons l’impression que le 101ème département se situe dans un trou sans fond… Quelle serait la meilleure solution pour sortir de cette crise et voir enfin le bout du tunnel : un dépistage massif ou une immunité collective ?

C. P. : Déjà, l’immunité collective est une réponse théorique… Après, est-ce qu’à Mayotte nous pouvons augmenter les tests de manière massive ? Personnellement, je ne le pense pas, nous ne sommes ni l’Allemagne ni la Corée du Sud ! Comme je vous le disais, nous n’avons pas le matériel et les infrastructures nécessaires sur l’île. Nous allons vraisemblablement passer par un port généralisé du masque. Je le dis et le répète, seules les mesures barrières feront chuter efficacement le nombre de cas. Et lorsque nous passerons en phase 3, nous redirigerons en partie nos tests pour éviter la création de nouveaux clusters dans les familles, les villages et certaines catégories de métier comme l’Éducation nationale, les forces de l’ordre et la santé. Cette semaine, nous allons recevoir un test rapide, dénommé Qi-stat, qui permet d’avoir les résultats en une heure. Par contre, il est extrêmement cher et il est très limité en nombre. Mais il pourra nous permettre d’améliorer nos rotations dans les lits, notamment aux urgences et en médecine, pour savoir qui est positif et négatif et ainsi ne pas avoir d’inertie. Seule contrainte, ce n’est pas quelque chose que nous aurons de manière courante…

 

Ramadan : les petits commerçants mahorais sur la paille

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La CCI veut venir en aide aux petits commerçants de l’île, grâce à une équipe dédiée qui se chargera de leurs démarches pour obtenir les aides de l’État ou du département. En attendant, beaucoup se retrouvent avec des stocks prévus pour le ramadan, et qu’ils ne peuvent plus écouler à cause du confinement.

“Des soucis ? Ça oui, on en a !”, s’exclame Jean Barege au bout du fil. Quand il décroche, le commerçant vient d’arriver au marché couvert de Mamoudzou. Mais pas vraiment pour installer son stand. Même s’il ne peut pas ouvrir la boutique, celui qui est aussi un élu à la chambre de commerce et d’industrie de Mayotte a toutefois une longue journée devant lui. Il va s’atteler à appeler les quelque 320 commerçants qui, comme lui, vendent d’ordinaire leurs produits entre ces murs. Objectif : les informer qu’une cellule d’urgence leur est spécialement dédiée à la Chambre, pour les aider à constituer leurs dossiers et ainsi obtenir des aides cruciales en ces temps de crise. À partir de cette semaine, une petite équipe de la CCI se chargera de les accueillir par groupe de 15 ou 20 personnes dans la halle, pour recueillir les pièces nécessaires et gérer elle-même leur dossier en ligne. “Nous avons voulu aller plus loin que juste les aider, car nous savons que beaucoup ne sont pas habitués aux démarches en ligne, certains n’ont même pas d’adresse e-mail”, explique Zoubair Alonzo, le directeur général.

Depuis le 17 mars, le marché couvert de Mamoudzou n’a accueilli ni clientèle ni vendeurs, confinement oblige. Et les conséquences pour les commerçants se font d’autant plus sentir avec le ramadan, qui se caractérise d’habitude par une forte demande. “Ils sont tous à la maison, personne ne vend, et nous ne savons pas si et comment le marché couvert va pouvoir rouvrir”, témoigne Jean Barege. En effet, si, depuis quelques jours, des marchés de producteurs ont pu se tenir ça et là, à différents points de l’île, celui de Mamoudzou, lui, n’est pas encore concerné par cette autorisation. Et les annonces d’Édouard Philippe hier sur la stratégie de déconfinement, conditionné à l’évolution de l’épidémie sur les territoires, laissent planer plusieurs zones d’ombre quant à la relance des activités à Mayotte. Si déconfinement il y a, les règles de distanciation sociale, entre autres contraintes, ne permettront de toute façon pas de rattraper l’énorme manque à gagner des dernières semaines.

Des stocks sur les bras

Pour Jean Barege, ce manque, ce sont au moins cinq sacs de près de 50 kilos de vêtements et deux sacs de 30 à 40 kilos remplis de rouges à lèvres et autres objets fantaisies, qui attendent prestement le jour où ils pourront sortir de chez lui pour s’écouler sur son stand. Ces marchandises, commandées à Bangkok et en Inde avec “au moins trois mois d’avance” auraient dû se vendre comme des petits pains, surtout à cette période de l’année. “D’habitude, j’ai beaucoup de demandes même avant le ramadan, car les gens consomment, il y a des mariages, donc j’avais naturellement prévu du stock déjà pour le mois de mars”, décrit-il. “Puis le reste était prévu pour la fin du ramadan, où là encore, les gens ont besoin de vêtements et de plein de petites choses.” Résultat, le vendeur se retrouve désormais dans la pire des situations, avec “des stocks sur les bras”.

Un mois de mai dans le flou

Et il n’est malheureusement pas le seul. Nombreux sont les commerçants qui, comme lui, anticipent chaque année cette période d’ordinaire si faste. Les plus prévoyants s’étaient ainsi rendus en Chine, dès la fin 2019, ou encore à Dubaï ou Dar es Salam dès janvier, à en croire Adan, le gérant de Adam

Transit. Ce transporteur local rapatrie les commandes de cette clientèle mahoraise de petits commerçants. Chargées dans des conteneurs, elles mettent entre trois semaines et un mois à accoster au port de Longoni. “Tous les conteneurs sont arrivés pour ceux qui ont fait leurs commandes en avance”, affirme-t-il. Même constat chez Transit Ylang 4D : “a priori, il n’y a pas de grande difficulté sur les transports, car la plupart des commerçants étaient partis bien avant le confinement”, souligne Daniel Hadhurami, le patron de cette société de transit. Ces entreprises peuvent toutefois elles aussi être des victimes collatérales de la crise. Car les commandes plus tardives, qui doivent d’habitude permettre de remplir les étals pour les derniers jours du ramadan, risquent de ne pas voir le jour. “On réalise quasiment 50 % de notre chiffre d’affaires sur la période autour du ramadan. Et nous allons perdre une partie de ces recettes au mois de mai”, s’alarme Adan.

 

À Mayotte, deux mourengué dégénèrent en simultané

Comme un goût de déjà-vu. Dans la nuit de mardi à mercredi, à M’tsapéré, les forces de l’ordre qui tentaient de disperser les participants d’un mourengué ont finalement été attaquées sur le remblai. Quelques heures plus tôt, la même scène se jouait à Combani.

Il est minuit et demi, dans la nuit de mardi à mercredi, lorsque les appels fusent au commissariat de Mamoudzou. Au bout du fil, des habitants du quartier de Bonovo, inquiets d’entendre, malgré le confinement et l’heure tardive, des détonations ou d’autres signes d’agitation à quelques dizaines de mètres de chez eux. Rapidement, un premier escadron arrive sur place et découvre effectivement une centaine de jeunes en plein mourengué. Une scène qui se répète chaque soir depuis samedi, premier jour du ramadan.

Comme à l’accoutumée, les premiers policiers tentent de disperser le groupe. Mais alors que certains quittent les lieux, d’autres rejoignent la route nationale pour y ériger des barrages de poubelles en feu. Visées par des jets de pierre, la douzaine d’hommes ripostent au moyen de gaz lacrymogènes et grenades de désencerclement. Mais les munitions ne tardent pas à manquer, et une équipe doit dès lors, aller se réapprovisionner au commissariat. Pendant ce temps, les affrontements continuent, allant jusqu’à faire quelques blessés légers dans les rangs des policiers.

Une bonne heure plus tard, le calme revient sur le tronçon de la route, marquée, encore le lendemain, par des traces d’incendie. Mais heureusement, le pire a été évité, ce soir-là. “Heureusement, il n’y a rien eu de bien méchant”, soufflait le commandant Cosseron. Si quelques riverains ont été pris à partie lors des échanges de tirs et que quelques véhicules ont été dégradés, aucune plainte n’avait encore été déposée mercredi.

Côté suspect, aucune interpellation n’a encore eu lieu, les jeunes ayant fini par prendre la fuite, comme bien souvent, dans des quartiers non éclairés et difficiles d’accès pour les véhicules de police, dont le commandant avoue tout de même avoir déjà “quelques pistes”, sans dévoiler lesquelles afin de ne pas compromettre l’enquête en cours. “C’est un secteur dans lequel nous avons nos habitués”, admet-il toutefois. En effet, au début du mois de mars, plusieurs automobilistes avaient été agressés à hauteur du rond-point de Doujani. L’un d’entre eux, blessé par des bris de verres, avait été conduit au CHM par les sapeurs-pompiers. “Maintenant, on s’attend à une riposte”, concède encore une source policière.

À Combani aussi

Deux heures plus tôt, Combani connaissait le même scénario. Sur les coups de 22 heures, une brigade de gendarmes en intervention tombe nez à nez avec une centaine d’individus, là encore regroupés autour d’un mourengué. La patrouille est alors immédiatement ciblée par des jets de pierre. “C’est devenu très très chaud”, reconnaît le lieutenant-colonel Fhima. Quatre équipes supplémentaires sont appelées en renfort. Mais le temps qu’elles arrivent, les jeunes érigent des barrages en feu sur la route.

Si les obstacles sont rapidement dégagés, les affrontements dureront, au total, une quarantaine de minutes. “On a tiré beaucoup de grenades, beaucoup de LBD…”, se remémore encore le gendarme. Finalement, les hommes décident de se retirer, alors qu’encore, en face d’eux, des dizaines et des dizaines de jeunes font face. “C’était est une façon de ne pas rajouter du trouble au trouble, et le calme est rapidement revenu ensuite”, témoigne le lieutenant-colonel Fhima. “Si nous étions restés sur place, cela aurait encore duré deux heures.” Cette fois, aucun blessé n’est à déplorer, et tous les assaillants ont réussi à prendre la fuite sans être interpellés.

 

L’association mahoraise Horizon s’adapte aux temps qui changent

Depuis le début de la crise sanitaire, l’association Horizon a su se réinventer pour faire de son jeune pôle de santé communautaire la figure de proue de son action auprès des habitants de Tsingoni et des environs. Un processus parfois difficile, mais qui prouve chaque jour sa pertinence.

“On ne dort plus”, s’amuse Samy Boutouaba, le coordinateur du projet de santé communautaire au sein de l’association Horizon. “Cela faisait six mois que l’on travaillait sur ce projet, mais le contexte a fait que les choses se sont fortement accélérées”, reprend Marie-Angéline Reynaud, la directrice et fondatrice de l’association qui compte désormais deux années de service. Car si les pôles enfance jeunesse et formation d’Horizon formaient, notamment à travers “l’école démocratique de Mayotte” ou des stages en immersion, les piliers de l’association, les temps qui changent ont poussé le volet sanitaire à sortir de ses cartons. À travers un “fort soutien” de l’agence régionale de santé ou le centre communal d’action sociale de Tsingoni et plus récemment d’acteurs tels que la Croix-Rouge, “tout est allé très vite”, témoigne ainsi Samy Boutouaba aux manettes opérationnelles.

L’action phare de ce pôle santé communautaire a été de créer une “mise en réseau tant au niveau de la population qu’au niveau des institutions”, explique le responsable. ”Très vite, nous avons réussi à constituer ce réseau, notamment autour de petites associations locales et c’est ça qui nous a permis de procéder à un diagnostic et d’affiner notre action en fonction des besoins directs de la communauté”, poursuit-il, soulignant toujours l’importance d’être à l’écoute tant de l’individu que des acteurs institutionnels.

Depuis, ce réseau qui évolue constamment autour de l’association a pu mettre de nombreuses actions en place. Avec toujours, un objectif de sensibilisation. Horizon a ainsi mis en service deux bornes-fontaines – bientôt trois – et profité de ces emplacements pour rappeler les bons gestes barrières au premier rang desquels le lavage de main, “mais sans infantiliser la population”, souligne Samy Boutouaba. L’association a également procédé à des distributions alimentaires, fruits de caddies solidaires. “Ça a super bien marché, il y a eu une vraie solidarité”, se félicite Marie-Angéline Reynaud, qui voudrait toujours faire plus.

Bons gestes et mots justes

Autre action phare d’Horizon : la mise en place de dispositifs de lavage de main. S’il a fallu se creuser la tête pour trouver la bonne formule, force est désormais de constater que le système élaboré fonctionne puisque “plusieurs pharmacies nous ont contactés pour que l’on en installe devant leurs officines”, témoigne la directrice. Des dispositifs également présents devant différents magasins comme le Douka Bé de Tsingoni où, en présence des bénévoles, un taux de 97 % de mains lavées a pu être enregistré. “La bonne surprise c’est que même en l’absence de bénévoles pour rappeler l’importance du geste, nous avons pu comptabiliser 70 % des clients qui se lavaient les mains”, souligne le coordinateur du pôle santé communautaire. Des bons gestes, donc, auxquels s’ajoute le dialogue permanent auprès des habitants, notamment pour “assurer un lien psychologique, comprendre comment les gens vivent cette période, ce qui nous permet ensuite de mettre en relation toutes les informations que nous pouvons collecter pour adapter nos actions”, ajoute Marie-Angéline Reynaud.

Car les temps changent, encore. Et si les bons gestes comme la distanciation sociale étaient il y encore une dizaine de jours bien intégrée, “il faut bien se rendre à l’évidence, il y a un vrai relâchement”, pointe Samy Boutouaba. “On ne perd pas espoir, on va continuer à rappeler l’importance des précautions même si c’est compliqué”, plaide-t-il, concédant que chez Horizon, “on pense déjà à l’après, à la sortie du confinement et comment se réinventer, s’adapter pour rappeler que tout cela n’est pas du passé”. S’adapter, toujours donc. Sans oublier le trépied de valeurs sur lequel repose l’association : respect, égalité et confiance.

 

Pas de rentrée avant août à Mayotte pour la CGT Éduc’action

Suite au plan de déconfinement présenté par le premier ministre ce mardi, la CGT Éduc’action a décidé de taper du poing sur la table pour que la rentrée mahoraise ne se calque pas sur les modèles métropolitains. Celle-ci est en effet jugée, au regard des moyens comme de l’avancée épidémique tout simplement inenvisageable avant fin août.

Pas de rentrée magnéné pour la CGT. Le message est clair du côté du syndicat, il n’est pour l’heure pas envisageable de faire revenir les élèves dans leurs établissements. “Soyons sérieux, arrêtons de tergiverser et mettons-nous plutôt au boulot pour essayer de préparer une rentrée en août dans les meilleures conditions, ce qui sera déjà compliqué parce que nous attendons quelque 2.000 lycéens de plus sans que les nouvelles salles de classe ne soient là”, plaide ainsi Quentin Sèdes, le secrétaire général de la CGT Éduc’action Mayotte.

Pour le représentant syndical, le compte n’y est en effet absolument pas pour envisager de procéder à un retour à l’école sur le même rythme qu’en métropole. “Est-ce que l’on aura des masques ? Je ne pense pas. Est-ce que l’on aura du gel ? Je ne pense pas. Est-ce qu’il y aura des blocs sanitaires en nombre suffisant ? On sait bien que non ! Tout comme on sait qu’il n’y aura sûrement pas assez de salles de classe pour espérer respecter la distanciation. On sait aussi qu’il sera impossible de désinfecter les établissements et les écoles comme c’est recommandé. Transport scolaire, collation, etc. tout cela est actuellement impossible à mettre en œuvre dans le respect des gestes barrières. Le problème de la climatisation aussi, qui est à prendre en compte dans la propagation du virus ne doit pas être éludé alors qu’elle est indispensable dans les algécos que l’on a empilés dans les lycées pour faire face à l’afflux d’élève”, souligne encore le syndicaliste, avec une conclusion sans appel : “les conditions n’y sont pas, surtout que nous nous trouvons actuellement dans une période d’enflammement de l’épidémie et non pas d’accalmie comme ailleurs”.

Médiation par l’ARS

Pour faire valoir ses positions, le syndicat continue de discuter avec le rectorat, même si le désaccord est profond. Raison pour laquelle il demande à ce que la prochaine réunion se fasse en présence d’un tiers de poids : Dominique Voynet. “La question de la reprise de l’école va bien au-delà du simple cadre scolaire, il nous faut un point de vue plus global de santé publique en lien avec l’évolution de l’épidémie. On ne peut pas prendre ce genre de décisions dans le dos des experts”, fait ainsi valoir Quentin Sèdes.

Quoi qu’il en soit, si une reprise avant août est actée, il est fort à parier que peu d’enseignants sensibles à la parole du syndicat se rendent en classe. “Nous soutiendrons tous ceux qui feront valoir leur droit de retrait qui est une initiative individuelle, mais nous envisageons surtout de déposer un préavis de grève”, déclare le syndicaliste pour qui il ne faut pas transiger “sur la protection des élèves, des professeurs, et donc à plus forte échelle de l’ensemble de la population. Et prévient d’office que le bras de fer ne fait que commencer : “s’ils veulent s’entêter à faire la rentrée avant août, ça va être très compliqué”.

 

Thani Mohamed Soilihi, sénateur mahorais : “On ne peut pas commencer à multiplier les dérogations”

Au lendemain des annonces du premier ministre sur les mesures du déconfinement à venir, nous avons interrogé le sénateur LREM Thani Mohamed Soilihi. L’élu nous a répondu masque sur le nez depuis les rues de Paris, où il était en route vers le Sénat.

Flash Infos : Le premier ministre a annoncé mardi soir son plan de déconfinement. Ce dernier ne sera pas général, mais progressif, et surtout différencié. Les départements qui pourront être déconfinés le 11 mai devront répondre à trois critères. Qu’en retenez-vous ?

Thani Mohamed Soilihi : Déjà, je suis soulagé que ces annonces aient eu lieu, car, avant même que cela soit le cas, elles étaient commentées. Comme à l’accoutumée, il y a eu de nombreux commentaires venus de là ou là, dans tous les sens. Là, la précision de ces premières annonces permet de fixer les choses clairement.

S’agissant de Mayotte, on ne peut, de la même manière, qu’être soulagé que les choses puissent désormais s’organiser presque à la carte. Maintenant, place à la concertation entre les autorités de l’État – préfecture, ARS, CHM, et rectorat – et les exécutifs locaux que sont le conseil départemental, les municipalités et les intercommunalités. À nous, sur place, de nous réunir pour voir ce qui peut être fait ou non à partir du 11 mai.

FI : Mayotte connaît un fort accroissement du nombre de cas de Covid-19 depuis plusieurs jours. Une situation qui s’ajoute à un confinement de moins en moins respecté par la population. Disons-le clairement, dans ces conditions, il est bien peu probable que Mayotte soit déconfinée le 11 mai…

T. M. S. : Le premier ministre l’a bien dit : il n’est pas question d’envisager quoi que ce soit dans les régions où le virus continue à circuler fortement. Si nous nous trouvons alors dans cette situation à Mayotte, nous avons la réponse. Bien évidemment, et comme tous les responsables, je crois, je pense beaucoup à nos enfants qui sont privés d’école. Cela serait bien qu’ils puissent reprendre le chemin de l’instruction, mais jamais au détriment de leur santé ou de la santé publique.

FI : Le premier ministre a annoncé que même dans les départements déconfinés, les déplacements ne pourront excéder les 100 km. Or, en Outre-mer, les problématiques sont quelque peu différentes, avec notamment des étudiants qui vivent en métropole et rentrent à l’issue de l’année scolaire, ou encore des familles qui reviennent traditionnellement sur l’île pour leurs congés. Une dérogation est-elle envisageable ?

T. M. S. : S’agissant des étudiants, s’il est encore trop tôt pour donner plus de précisions, l’année scolaire est terminée pour l’immense majorité d’entre eux et un dispositif de récolte de renseignements les concernant pour les faire rapatrier à Mayotte est en cours. Ceux qui choisiront de rester dans l’Hexagone pourront être soutenus avec des aides. La situation des étudiants est différente, car leur isolement est lié à leur statut.

En revanche, s’agissant des autres catégories de la population, les familles notamment, il faudra peut-être prendre son mal en patience selon la situation de Mayotte à échéance, notamment cet été, selon si l’on peut se déplacer ou pas. Si ce n’est pas le cas, alors je suis désolé pour les familles qui voulaient se retrouver, mais compte tenu de la situation et du risque, on ne peut pas commencer à multiplier les dérogations. La métropole n’est tout de même pas l’endroit où l’on souffre le plus dans

le monde, et collectivement, on peut prendre sur soi pour ne pas risquer de créer une vague de contamination supplémentaire à Mayotte.

 

Au marché de Kawéni, la distanciation sociale est plus que respectée

Pour son premier jour, difficile de dire que le petit marché de Kawéni qui a vu le jour dans cette période de ramadan a fait le plein. Si la pluie a certes joué les troubles-fêtes, force est de constater que la population ne s’est pas déplacée place du Sénat. Alors que partout autour, le quartier grouille de vie.

Comme une île. Alors que Kawéni a retrouvé l’activité qui la caractérise, en témoignent les embouteillages et des rues pleines de passants, le marché qui s’est dressé place du Sénat, au bout de la rue de la Poste, a de quoi dénoter. Car là où on espérait que les consommateurs se pressent – dans le respect des gestes barrières – il semble bien que la placette soit désertée en ce mardi matin. Banderoles, barrières métalliques, police municipale et société de sécurité et bien sûr masques sont pourtant là pour accueillir en ce mois de ramadan les familles afin qu’elles puissent se fournir en fruits et légumes locaux en minimisant les risques sanitaires. Mais force est de constater que l’on préfère s’entasser dans les Doukas ou se fournir en bord de route. “Il y a quand même eu quelques clients, et puis la pluie n’a pas aidé”, tempère toutefois une commerçante derrière son masque bleu avant de concéder : “C’est vrai que c’est quand même compliqué, j’espère qu’il y aura plus de monde les autres jours [les mardis, jeudis et samedis matin jusqu’à la fin du ramadan], parce que là ce n’est pas vraiment viable”.

En partenariat avec la Capam, la Cadema et l’association des maraîchers de Kawéni, le petit marché a vu le jour autour de cinq producteurs locaux. Si les étales ne sont pas franchement pleines à craquer, on trouve un peu de tout, du citron vert à la salade en passant par les papayes, les courges et les caramboles. Si l’offre paraît faible, elle reste cependant bien supérieure à la demande… Comment expliquer, alors, que les visiteurs soient si peu nombreux ? “Je pense que tout ça, les barrières, les masques, etc. fait un peu peur aux gens. D’une certaine manière, ils préfèrent se voiler la face et garder leurs habitudes comme si la maladie n’existait pas”, analyse Mohamed, un habitué de la place du Sénat, délocalisé le temps du marché du kiosque à un banc ancré quelques mètres plus loin. “Les gens ont peur de cette maladie et ils ne veulent pas voir qu’elle est là alors quand ils voient tout cet attirail, plutôt que de se dire que c’est une protection, c’est pour eux suspect”, poursuit le sage quarantenaire, confirmant n’avoir “pas vu grand monde ce matin”. S’est-il mué, le temps d’un achat, de spectateur à consommateur ? “Non… J’ai mon propre circuit”, lance-t-il malicieusement.

Sans information, “on entretient l’irrationnel”

Alors les tables blanches font face au vide. Il y a bien, sous le kiosque, des hommes qui discutent tandis que les femmes attendent le chaland. Il y a bien, aussi, des représentants de la Cadéma ou encore la police municipale qui papotent dans une certaine proximité, mais la bonne parole ne passe pas auprès des habitants. Ou pas encore. “Il faudrait que tout le monde s’y mette pour expliquer ce qu’il se passe et rassurer les gens avec les bons messages. Autour de moi ça se fait un peu, mais je sais aussi qu’on a plus les moyens de s’informer correctement que d’autres. Il faut vraiment arriver à toucher tout le monde pour expliquer ce qu’il se passe, sinon on entretient l’irrationnel”, soutient Mohamed. L’irrationnel fait pourtant, à Kawéni comme à Kwalé force de généralité. Les marchés informels font le plein quand ceux protégés font le vide. Les rues, aussi, font le plein quand l’épidémie fait des bonds.

 

À Nyambadao aussi, l’aide sociale se structure

Bandrélé n’est pas en reste. Depuis deux semaines, les distributions alimentaires vont bon train dans la commune. Dans le quartier de Nyambadao, ce sont même 600 masques en tissu qui ont été distribués à chaque habitant. D’ici les prochains jours, une borne à eau devrait également y être installée.

Son nom avait été cité parmi les premiers foyers connus du Covid-19 à Mayotte. En réponse, l’agence régionale de santé organise, depuis deux semaines, l’assistance alimentaire et sanitaire de la commune de Bandrélé. En première ligne, l’association pour le développement du sauvetage et du secourisme (ADSF) sillonne quotidiennement la ville pour y distribuer quelque 80 bons alimentaires par jour, de Hamouro à Dapani, aux publics identifiés par le centre communal d’action sociale. Mais l’action des 16 bénévoles mobilisés est loin de s’arrêter là.

En début de semaine, les habitants de Nyambadao se sont vus personnellement remettre deux masques en tissu cousus artisanalement à Mayotte. Au total, 600 protections réutilisables ont ainsi été distribuées afin d’équiper l’ensemble des villageois recensés dans ce quartier prioritaire de la ville. Parmi les autres priorités, justement, l’approvisionnement en eau. Pour faciliter l’accès gratuit à la ressource du plus grand nombre d’habitants, une borne devrait y être installée dans le courant de la semaine. “On restera autour de la borne pour faire de la pédagogie sur les gestes barrières”, explique Ali Abdou, président de l’ADSF. “Ici, beaucoup de gens n’ont pas d’eau chez eux, donc on sait déjà qu’il y aura pas mal de monde.” Et puisque qui dit eau, dit moustique, une sensibilisation devrait également être faite concernant la dengue et l’élimination des potentiels gîtes larvaires.

Attendre les directives de la préfecture

Pour l’heure, l’association de sécurité civile spécialisée dans les premiers secours, déjà mobilisée lors du passage du cyclone Kenneth, ne s’est pas encore vue attribuer d’autres missions par l’agence régionale de santé ou la préfecture. Toutefois, “on peut aussi faire les courses des personnes âgées ou à mobilité réduite, et livrer des vivres”, détaille encore Ali Abdou. Mais contrairement aux initiatives citoyennes qui germent ça-et-là depuis une quarantaine de jours, l’ADSF, missionnée par l’État, est obligée d’attendre les directives de la préfecture, avant de pouvoir agir.

Mais alors, comment chacun peut-il contribuer à cet effort ? “Pour des questions d’assurance notamment, l’association ne peut pas recruter de bénévoles qui ne sont pas licenciés de la fédération du sauvetage et du secourisme”, répond d’emblée le président de l’association. Autrement dit, impossible de participer aux distributions qui dureront au moins aussi longtemps que le confinement. Néanmoins, chacun demeure libre de s’inscrire à la réserve citoyenne afin d’être appelé près de chez lui quand nécessaire. D’autres associations acceptent aujourd’hui encore les dons de denrées non périssables, comme Yes We Can Nette, Mila Istawi ou le mouvement pour une alternative non violente dans l’océan Indien, pour ne citer qu’elles. Chaque habitant, désireux de donner de son temps aux structures mobilisées près de chez lui, a par ailleurs la possibilité d’appeler le centre communal d’action sociale (CCAS) de sa ville pour être aiguillé.

 

Progressif, différencié… mais pas encore acquis

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Hier après-midi, le gouvernement présentait son plan de déconfinement à travers la voix du premier ministre, Édouard Philippe. Un déconfinement qui se veut progressif et différencié, mais également soumis aux chiffres de la contamination d’ici là. Autant dire qu’à Mayotte, rien n’est encore joué. Résumé.

“Un régime de liberté dans lequel nous devons fixer des exceptions” : voilà comment le premier ministre, Édouard Philippe, a résumé le plan de déconfinement qu’il présentait devant l’Assemblée nationale. Un confinement qualifié de “nécessité”, mais qui “pourrait avoir des effets délétères s’il durait trop longtemps.” Si “délétères” que le 1er ministre n’a pas hésité à parler de “risques d’écroulement.” Le déconfinement “aussi attendu que risqué” annoncé pour le 11 mai prochain aura donc bien lieu, mais de manière progressive et différenciée puisqu’il faudra “apprendre à vivre avec le virus et apprendre à nous en protéger”, sous peine de “voir repartir l’épidémie.”

Concrètement donc, le déconfinement tiendra d’abord compte de la situation épidémiologique de chaque département, y compris en Outre-mer. Pour cela, trois ensembles de critères ont été déterminés pour identifier les départements où le déconfinement devra prendre une forme “plus stricte” : le taux de cas nouveaux sur une période de sept jours, le niveau de tension des capacités hospitalières régionales en service de réanimation, et les capacités du système local de tests et de détection des chaînes de contamination. Trois indicateurs qui seront figés le 7 mai afin de dire si, oui ou non, tel ou tel département peut être déconfiné.

Rien d’acquis donc, ledit déconfinement restant soumis à de bons résultats. Qu’en sera-t-il pour Mayotte, qui connait une augmentation du nombre de cas de Covid-19 et où le confinement s’est particulièrement relâché ses derniers jours ? Point de précision pour le moment, si ce n’est la règle en vigueur ailleurs : “Si les indicateurs ne sont pas au rendez-vous, alors nous ne déconfinerons pas.” Une chose est sûre, en revanche : “Les autorités locales, maires ou préfets, auront la possibilité d’adapter la stratégie nationale en fonction de la situation des territoires.”

Des masques et des tests

Mais, même pour les départements qui pourront, dès le 11 mai prochain, être déconfinés, la vie ne reprendra pas son cours tout à fait normal. Les mesures de distanciation sociale et les gestes barrières devront continuer à être appliqués, accompagnées du port du masque. Mais y en aura-t-il pour tout le monde ? “Nous recevons près de 100 millions de masques chirurgicaux par semaine”, a assuré le premier ministre, ajoutant que “nous recevrons près de 20 millions de masques grand public lavables à compter du mois de mai.” Des chiffres qui s’ajoutent aux masques déjà acquis par certaines entreprises et collectivités locales. Ces dernières seront d’ailleurs soutenues par l’État, “qui prendra en charge 50 % du coût des masques dans la limite d’un prix de référence.” Collectivités, commerces, entreprises, mais aussi distribution via les CCAS pour les publics les plus fragiles : “Il y aura assez de masques dans le pays pour faire face aux besoins à partir du 11 mai”, a confirmé Édouard Philippe.

Et ce n’est pas tout puisque, au-delà du port du masque obligatoire dès lors que les mesures de distanciation sociale ne peuvent être respectées, il s’agira également de tester. Objectif : “700.000 tests par semaine”, comprenant l’identification des cas contacts, et qui seront pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie.

Par ailleurs, les déplacements d’un département à l’autre demeureront soumis à des raisons familiales ou professionnelles, les pratiques de sports collectifs, de contact ou en salle fermée seront interdits, les plages demeureront inaccessibles, tout comme les salles de concert, polyvalentes, les cinémas, etc. Les lieux de cultes devraient pouvoir rouvrir dès le 11 mai, sans toutefois pouvoir organiser de cérémonies avant le 2 juin, les rassemblements demeurant proscrits.

Bar et restaurants : pas avant le 2 juin

Quant aux commerces, s’ils pourront rouvrir dans les départements autorisés dès le 11 mai – en respectant toutefois une limitation de nombre de clients présents simultanément –, cela ne sera pas le cas des bars, cafés et restaurants. Le cas de ces derniers sera ainsi fixé à la fin du mois de mai pour une possible réouverture à partir du 2 juin.

Pour les autres entreprises, “le télétravail doit être maintenu partout où c’est possible au moins pour les 3 prochaines semaines afin de limiter les contacts”, a expliqué Édouard Philippe, assurant que “les dispositifs d’activité partielle seront maintenus jusqu’au 1er juin et qu’ils pourront ensuite être adaptés.

 

À la lingerie du centre hospitalier de Mayotte, 1.2 tonne de linge sale passe entre leurs mains

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Chaque matin, les agents de la lingerie récupèrent le linge sale dans tout le centre hospitalier pour l’envoyer à la Blanchisserie de Mayotte. Une mission indispensable qui n’est pas sans risque et qui requiert une certaine rigueur. Malgré l’angoisse du virus, l’équipe se serre les coudes pour faire tourner son service.

7h30. D’imposants bacs métalliques remplis de linges sales reviennent des différents services de soins. Comme chaque jour à cette heure-là, les roues s’entrechoquent et patinent sur le bitume pour se placer en file indienne, dans le chemin qui mène à l’entrée de la lingerie. L’apparition du soleil bouillant au-dessus du bâtiment réfléchit délicatement sur le matériau grisâtre. Tour à tour, les “caisses” pénètrent dans un petit local pour la pesée. À l’intérieur, Raoudhoiti, le dos apposé contre le mur, griffonne des chiffres sur un bout de papier. L’affichage de 109.20 kg lui fait momentanément relever la tête. À quelques mètres, charlotte verte vissée sur la tête, l’employé de la Blanchisserie de Mayotte, le prestataire du centre hospitalier, dépose alors tous les contenants dans un charriot pour les emmener vers son camion. “Nous avons trois couleurs : le bleu pour le linge plat (draps, champs, alèses, services de table ou de bain, taies, gants), le rouge pour le linge souillé, par l’urine et le vomi par exemple et le transparent pour le linge infecté, une pratique qui existait déjà précédemment”, développe Karima Abdourrahamane, la responsable du service, tout en précisant que des sacs solubles ont été reçus la semaine dernière spécialement pour le Coronavirus. Une précaution plus que souhaitable dans la lutte contre la propagation du virus, sachant que le linge n’est pas systématiquement bien trié. Ainsi, ces erreurs d’inattention peuvent provoquer des pénuries. À l’instar du linge de ménage qui s’est retrouvé mélangé et incinéré avec les déchets d’activités de soins à risques infectieux (dasri)… “En deux semaines, on n’avait plus rien !”, souligne-t-elle.

“Il fallait leur remonter le moral”

De retour à l’extérieur, Said, Mohamadi et Omar décrassent avec énergie les grosses boîtes. Bilan de l’opération : 1.2 tonne de linge sale récupérée au CHM. Auquel s’ajoutent 300 kilos provenant des hôpitaux périphériques et des centres de consultation. Ce qui représente ni plus ni moins un total de 5.500 pièces. La première partie de la journée s’achève. Direction la douche avant de se changer et de pénétrer dans la zone propre où Salama finalise les derniers préparatifs avant l’envoi du propre. “Au début de l’épidémie, mes agents avaient peur de se croiser. Il fallait systématiquement leur remonter le moral avant de les envoyer dans les services. Même si aujourd’hui le stress s’est quelque peu dissipé, on vit toujours avec la peur de l’attraper, surtout ici à Mayotte”, concède Karima Abdourrahamane, qui loue le professionnalisme et le sérieux de son équipe, notamment vis-à-vis du respect des règles d’hygiène et de sécurité. Pas de place au doute puisqu’il est déjà l’heure d’entamer les livraisons. À 9h, douze armoires sortent de la lingerie pour se rendre aux quatre coins de l’établissement. Celles-ci contiennent toutes les dotations fixes pour équiper les lits ainsi que les personnels soignants. Un travail d’orfèvre qui exige une minutie absolue. Toutefois, “il est possible que des services fassent quelques ajustements le matin même en fonction des entrées et des sorties”.

“Ils ont tous joué le jeu malgré la fatigue”

Si les agents de la lingerie se font discrets dans les couloirs, ils n’en restent pas moins indispensables au bon fonctionnement de l’hôpital. “On nous a mis en tête que le Covid circulait partout au CHM, donc il faut se prendre en charge soi-même, éviter de toucher tout et n’importe quoi et se protéger avant de sortir… Psychologiquement, on s’est adapté et on se sent plus à l’aise.” D’ailleurs, certains n’ont pas hésité à annuler leurs congés ou leurs jours de repos pour remplacer des collègues touchés par la dengue au cours des dernières semaines. “On a dû jongler avec le planning des uns et des autres, mais ils ont tous joué le jeu malgré la fatigue”, relate fièrement Karima Abdourrahamane. Et en supposant les sourires s’afficher derrière les masques de Salama, Raoudhoiti, Toiymina, Said, Mohamadi et Omar, cette solidarité ne risque pas de s’effondrer de sitôt.

 

Carla Baltus, président du MEDEF Mayotte : “Nous voulons éviter que des plans de licenciement viennent encore gonfler les chiffres du chômage”

Dans un courrier signé conjointement par plusieurs fédérations professionnelles, le monde économique de Mayotte interpelle le gouvernement sur des aides aux entreprises jugées encore très largement insuffisantes. La présidente du Medef à Mayotte, Carla Baltus, revient sur ces différents dispositifs, et sur les difficultés que risquent de rencontrer les entreprises mahoraises au moment de la relance. Si une telle “relance” est encore possible, vu les nombreuses inconnues qui planent encore sur le déconfinement du 101e département…

Flash Infos : Début 2020, Mayotte semblait connaître un nouveau souffle, deux ans après la crise de 2018 qui avait durement frappé les entreprises. Une note de l’INSEE illustrait ce dynamisme, avec plus de 1.000 entreprises créées en 2019. Malgré cette croissance apparente, l’économie mahoraise a-t-elle de quoi affronter une nouvelle crise, liée cette fois-ci au Covid-19 ?

Carla Baltus : Non, l’économie est encore trop fragile, c’est certain. D’autant plus que nous suivons à Mayotte un plan de convergence qui nous conduit naturellement à une augmentation régulière des charges. Sans parler du coût de la vie et donc des matériaux nécessaires au développement de nos entreprises. Nous sommes toujours à flux tendu à Mayotte, entre des charges que l’on tâche de maîtriser, et un chiffre d’affaires confronté à la concurrence. Ce contexte contribue à une fragilité naturelle de notre économie. Résultat, à la moindre crise, nous risquons la catastrophe. Mais cette crise que nous vivons aujourd’hui est inédite. Elle est arrivée brutalement, sans que nous puissions la voir venir, ou anticiper des solutions de repli. Heureusement, il y a des mesures d’urgence. Ces dispositifs sont les bienvenus, mais ils sont encore insuffisants. La grande majorité des entreprises a du mal à y accéder. Et plutôt que des mesures, les entreprises ont besoin d’activité. Certaines se retrouvent avec des stocks morts, d’autres, qui tentent tant bien que mal de poursuivre leur activité, ont besoin de pièces de maintenance, ont quand même une perte de chiffre d’affaires…

FI : Dans votre courrier, vous évoquez une meilleure adaptation des mesures d’aides aux entreprises au contexte local. Vous demandez notamment un étalement des dettes sociales et fiscales nées avant la crise du Covid-19. Pourquoi les dispositifs d’aides, comme les reports de charges, ou les prêts exceptionnels, ne vous semblent-ils pas suffisants pour permettre la relance des entreprises de Mayotte après le déconfinement ?

C. B. : Nous sommes obligés de demander le maximum, pour espérer obtenir quelque chose. À Mayotte, il y a des chiffres d’affaires que l’on ne retrouve jamais, et des dettes que l’on cumule depuis des années. Nous avons obtenu un report de charges, mais cela ne suffit pas. Beaucoup d’entreprises ont un échéancier à la CSSM pour certaines dettes qu’elles traînent depuis 2011. Cela constitue des mensualités très lourdes. Même chose pour le prêt garanti par l’État, le PGE. C’est un début de solution, mais elle est à double tranchant : il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une nouvelle dette, certains le redoutent. Surtout que nous manquons de visibilité sur l’avenir. Certes, le PGE constitue un prêt intéressant, avec un taux d’intérêt autour de 0,25 % pour la première année. Mais dès le 13e mois, il va falloir renégocier ces prêts sur les taux du marché et on ne sait pas quelles seront les conditions à ce moment-là. Les entreprises risquent donc d’en payer le prix sur les cinq prochaines années. Autre source d’inquiétude : le risque que ce PGE ne devienne un frein pour ceux qui souhaiteront investir dans les années à venir. En fonction de l’approche comptable, ce prêt pourrait en effet être vu par la banque comme une charge dans les bilans des entreprises, qui diminuerait leur capacité d’endettement. C’est ce que montrent certaines projections comptables…

FI : Il y a bien eu des mesures supplémentaires proposées par le conseil départemental, justement pour adapter les dispositifs d’aide au contexte particulier de Mayotte.

C. B. : C’est vrai ! Et l’on sent d’ailleurs une certaine bienveillance et une écoute de la part du conseil départemental. Mais notre rôle est de leur montrer qu’il faut aller plus loin. Certains freins demeurent dans l’accessibilité des aides pour les entreprises. Par exemple : le fonds de solidarité de 1.500 euros de l’État qui devait pouvoir être complété par un fonds complémentaire du département de 2.000 euros. Il s’avère que ce deuxième dispositif est assujetti au refus d’un PGE, ou un retard de dix jours dans la réponse de la banque. Or le processus pour accéder au PGE, ou pour justifier d’un refus est lourd pour les entreprises, dont beaucoup comptaient sur ces deux aides cumulées pour s’en sortir. Vu la difficulté d’accéder à ce deuxième fonds, il nous semble clair que l’enveloppe totale de 14 millions d’euros ne sera pas entièrement consommée. Nous préconisons donc que le conseil départemental cible plus concrètement les entreprises dans le besoin : nous avons l’exemple des centres de formation, qui peuvent proposer des cours à distance, mais dont les stagiaires ne sont pas forcément équipés en matériel informatique ; les restaurateurs ou les entreprises du secteur du tourisme, qui risquent de ne pas pouvoir redémarrer en même temps que tout le monde… C’est pourquoi il est nécessaire de faire l’inventaire de ces entreprises encore actives et leur apporter tout le soutien nécessaire.

FI : Une autre enveloppe mérite sans doute notre attention malgré la crise. Le plan de convergence qui était justement prévu pour redonner du souffle à l’économie mahoraise en injectant 1,6 milliard d’euros sur quatre ans pour des projets structurants pour l’île. Savez-vous si l’échéance de quatre ans pourra être repoussée au vu de la crise provoquée par le Covid-19 ? Ce plan pourra-t-il participer à relancer l’économie de Mayotte ?

C. B. : Il est vrai que l’heure tourne, et la question des échéances du plan de convergence devra, elle aussi, être débattue. Pour l’instant, nous ne l’avons pas évoquée, car nous sommes encore soumis à l’urgence de la situation actuelle. Mais, justement, il faut permettre aux entreprises de souffler et de se remettre de la crise. Même avec le déconfinement, certaines vont en ressentir les effets sur le long terme si elles n’obtiennent pas davantage d’allègement de leurs charges. Au moment de la reprise, elles ne pourront pas gérer les charges courantes, celles accumulées pendant le confinement, en plus d’une perte de chiffre d’affaires pour certaines à cause des règles de distanciation sociale et des dépenses supplémentaires liées au nettoyage et aux protections pour les employés ou les clients. C’est pour cela que nous demandons des solutions transitoires avec un véritable plan d’accompagnement pour Mayotte. Et nous ne perdons justement pas de vue le plan de convergence, important pour le développement du 101e département, et qui va demander de nombreux investissements, voire toute une batterie de mises aux normes coûteuses. Pour y parvenir, il faut à tout prix éviter que nos entreprises, dont certaines n’ont déjà plus trop le moral, il faut le dire, ne se découragent. Tout cela dans le but, aussi, d’éviter que des plans de licenciement ne viennent encore gonfler les chiffres du chômage. Mayotte n’a pas besoin de cela !

 

Mayotte TV Islam, la nouvelle web TV qui parle de l’Islam à Mayotte

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Le paysage audiovisuel mahorais compte désormais une nouvelle chaîne. Mayotte TV Islam fait son entrée en proposant un programme consacré entièrement à la pratique de l’Islam sur l’île. La chaîne est pour le moment une web TV, mais elle a l’ambition de se développer rapidement.

Le projet cogite depuis 5 ans dans la tête d’El Anis. Ce Mahorais de 29 ans est à l’origine du groupe Mayotte TV. Ce groupe rassemble trois chaînes de télé avec chacune une spécialité, mais Mayotte TV Islam est celle qui a abouti plus rapidement. “Les conditions se sont réunies plus facilement, alors que pour les autres je dois encore négocier les droits”, explique El Anis. La chaîne existe réellement depuis l’année dernière, mais elle était uniquement diffusée sur Facebook par tranche de sept heures. Cette année, son fondateur a profité du ramadan pour passer à un autre niveau. Désormais, la diffusion est en continu vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept.

Pour le moment, El Anis diffuse des programmes filmés les années précédentes, ou des émissions en collaboration avec une association religieuse de Mayotte. “Tous les sujets tournent autour de la pratique de l’Islam sur notre territoire. Pour ce mois-ci, on parle essentiellement du ramadan. À la fin du mois, on retrouvera autre chose tels que les lectures du Coran, des hadiths (paroles et actes du prophète Mahomet) etc. Tout ce qui peut permettre aux musulmans de pratiquer leur religion”, précise El Anis. Et afin de toucher un public plus large, les intervenants parlent en français et en mahorais.

Un grand projet pour la suite

El Anis ne vit pas de sa chaîne, mais il a l’intention de faire entrer Mayotte TV Islam dans la cour des grands. “Je suis dans une phase de prospection, c’est-à-dire que je construis la chaîne. Mais une fois qu’elle se développera, l’étape suivante sera de l’intégrer dans les bouquets des opérateurs présents à Mayotte.” Mais cela a un coût. Le gérant devra payer 5.000 euros mensuels à l’opérateur en question, alors ces mois-ci sont cruciaux. Il doit plus que jamais montrer ce dont il est capable. Dans une société où la quasi-totalité de la population est musulmane, son projet pourrait prendre un coup d’accélérateur.

Le jeune homme tient à rappeler qu’il n’est pas un foundi. “Je fais ça pour la religion”, clame-t-il. Il incite d’ailleurs tous ceux qui veulent apporter leur pierre à l’édifice à le contacter, même s’ils se trouvent en dehors de l’île. “Ça serait égoïste de ma part d’imposer ma vision de l’Islam. La chaîne est ouverte à tous ceux et celles qui veulent participer, qui ont des contenus et qui restent dans la lignée de l’Islam à Mayotte”, indique-t-il. La chaîne est d’ailleurs totalement gratuite pour le public. Il suffit d’aller sur le site www.mayottetv.fr. Avec 300 personnes connectées par jour, El Anis est pour le moment satisfait des chiffres. Il espère cependant augmenter son audience grâce à la prochaine étape, puisque le public qui pourrait s’intéresser à la chaîne n’a souvent pas de connexion Internet.

 

À « l’école de la brousse », « on a du mal à imaginer une rentrée dans deux semaines »

Depuis un mois, une quinzaine d’élèves bénéficient d’une continuité pédagogique pas comme les autres autour d’une maîtresse qui a décidé de prendre les choses en main le temps, au moins, du confinement. Mais la fin de ce dernier, à « l’école de la brousse », embarque avec elle bien des questions quant au retour à « l’école classique ».

« Allez allez, on file se laver les mains ». À 8h30 tapantes, tous les matins de la semaine connaissent désormais ce même rituel quand les quatre premiers élèves de Marguerite se rendent à l’école. En fait d’école il s’agit plutôt d’une maison perdue dans les hauteurs de Tsoundzou 2 où, depuis un mois, une quinzaine d’élève prennent quotidiennement place sur des tables dressées sur la terrasse ou le jardin. C’est elle que l’on appelle désormais « l’école de la brousse ».

« Au début, ce sont les petits voisins d’un banga qui sont venus nous trouver pour nous dire qu’ils avaient envie de travailler. La veille je les avait trouvés en train de chercher à manger dans les poubelles. On s’est dit qu’il fallait faire quelque chose qui permette à la fois de leur offrir un repas et de poursuivre leur scolarité », explique la jeune institutrice, promue le temps du confinement en directrice d’une école pas comme les autres.

Car s’ils n’étaient que quatre à venir suivre les cours le matin, ils sont désormais une quinzaine. « Le mot est vite passé dans les bangas, du coup je me suis retrouvé avec des élèves de la petite section à la seconde, ça commençait à devenir un peu compliqué à gérer toute seule », s’amuse la maîtresse. Heureusement, des renforts ne sont pas loin et les voisins de Marguerite, qui ont aussi un pied dans l’éducation lui prête volontiers main-forte. Jusqu’à s’investir pleinement dans cette petite école.

Une certaine idée de la continuité pédagogique

Depuis, toute une organisation s’est mise en place. Un premier groupe de 3 à 5 élèves arrive à 8h30 et quitte la classe-terrasse vers 10h pour laisser place à deux autres groupes séparés entre les petits et les grands. « On s’adapte en fonction de chaque élève et ça s’est vraiment super, on peut être derrière chacun et l’aider du mieux que l’on peut. Chacun avance à son rythme, ça change de l’école avec 30 enfants par classe », fait valoir l’institutrice qui est allée jusqu’à se fabriquer un tableau noir. Et si depuis quatre semaines, Marguerite est toujours aussi enthousiaste, c’est que les enfants le lui rendent bien. « Ils sont hyper contents, on le sent bien. Ils ont l’impression que l’on s’intéresse à eux – ce qui est vrai !- que l’on prend du temps pour eux et ils s’ouvrent vraiment. Ici, on ose dire que l’on ne comprend pas alors que bien souvent à l’école on fait semblant et on accumule des lacunes », explique la maîtresse.

« Motivés », « dynamiques », « intéressants », les qualificatifs ne manquent pas pour conter les mérites de ces enfants. « On sent qu’ils se sentent bien ici et ce n’est pas que pour manger, s’amuse celle qui officie en temps normal à Kawéni Poste. La preuve, ils viennent avec toujours autant d’entrain depuis le ramadan ! » Au rang des ravis, les mamans du village ne manquent pas non plus de venir remercier les bénévoles de l’école de la brousse. « Souvent elles ne sont pas capables d’aider leurs enfants et sont très reconnaissantes qu’on le fasse pour elles et puis elles sont heureuses aussi de voir que leurs enfants sont occupés, car avec le confinement, c’est vraiment l’ennui mortel dans les bangas », soutient encore la maitresse. De l’occupation, justement, on n’en manque pas ici et les après-midi prennent souvent des allures de centre aéré une fois l’école terminée. Parties de foot ou de badminton, séance de peinture ou atelier cuisine, confections de

voitures en boite de sardines prennent ainsi le relai des maths et de la lecture. Avec toujours le même entrain.

« Une rentrée mi-mai me paraît utopique »

« Bien sûr que ce n’est pas facile tous les jours, c’est normal, mais tout ça nous apprend à nous connaître, on crée des liens très forts », témoigne encore la jeune femme. Et le retour à la véritable école dans tout ça ? Un long silence s’installe avant que la professeure ne reprenne la parole. « Ça me paraît utopique d’imaginer une rentrée mi-mai », lâche-t-elle. « Ici, même en petits groupes c’est très difficile d’être constamment sur le qui-vive des gestes barrières. On fait vraiment du mieux qu’on peut avec des tables de maximum cinq élèves, des masques pour les profs, tout le monde se lave les mains. On fait aussi bien que possible, mais on est trois pour quinze élèves, à l’école classique on manque de tout pour mettre en oeuvre les bons gestes », se désole Marguerite. Et si la mise en pratique des gestes barrières l’interpelle, il en est de même pour le volet pédagogique. « Le masque est un gros frein, ça bloque les plus petits qui ont besoin d’un contact proche et rassurant, les expressions de visage c’est parfois aussi important que la parole. C’est aussi très compliqué pour la lecture, et autant pour l’écriture, cela veut dire qu’il ne faut pas aider un enfant à former ses premières lettres ? »

Une question parmi tant d’autres dans l’océan de doute que forme chez la professeure l’idée d’une rentrée. « Je ne sais pas si j’aurais le choix… Je pense que j’irai quand même, je le ferai pour mes élèves, car il faudra bien les accueillir, mais ça va être très compliqué », s’inquiète-t-elle avant de livrer le fond de sa pensée. « Ce qui est sûr, c’est que les enfants comme ceux que j’accueille seront les premiers à retourner à l’école alors qu’ils n’ont même pas de quoi se laver les mains. Quelque part, ce sont les plus défavorisés qui seront les premiers à rentrer à l’école, donc les moins protégés », s’attriste celle qui ne cache pas son penchant maternel envers ses élèves. « On a du mal à s’imaginer que dans deux semaines on retourne à l’école… », livre-t-elle dépité quoique consciente que le lien créé ne se distordra pas. Et si l’on en doutait, voilà qu’Aniss la hèle depuis le chemin de terre rouge, espérant bien récolter quelques échanges de badminton. « J’arrive ! », lui répond la maîtresse épanouie, justement, dans l’échange.

 

Discorde à la mairie de Mamoudzou

Rien ne va plus à la mairie de Mamoudzou. L’opposition sort les griffes via un courrier envoyé le 23 avril, demandant au maire de réunir les conseillers municipaux. Le courrier signé par neuf d’entre eux pointe du doigt la politique de la mairie pendant la crise sanitaire. L’équipe du maire Mohamed Majani dénonce un coup politique.

Neuf conseillers municipaux de la commune de Mamoudzou (Abdourahamane Soilihi, Bacar Ali Boto, Assane Mohamed, Arkaddine Abdoulwassion, Mariame Said, Ambdilwahedou Soumaila, Moina-Fatima Ibrahim, Ben Youssouf Chihaboudine et Djamila Harouna), demandent au maire du chef-lieu de leur rendre des comptes. Dans un courrier de trois pages, ils énumèrent les dysfonctionnements constatés depuis le début du confinement. L’équipe du maire est rapidement montée au créneau et affirme que ce courrier a une tout autre fin. “Nos adversaires ne pensent en aucun moment à la population ni à ce que Mamoudzou traverse. Ils sont purement dans des calculs politiques”, clame Nassuf Eddine Daroueche, adjoint au maire, délégué à la sécurité. “Nous sommes des responsables politiques il est donc normal que nous fassions de la politique. De quoi ont-ils peur ?”, riposte Ambdilwahedou Soumaila, conseiller municipal de l’opposition et signataire de la lettre. Les signataires reprochent au maire de Mamoudzou de ne jamais les tenir informés des décisions qu’il prend. Dans une ordonnance du 1er avril 2020, l’exécutif donne les pleins pouvoirs au maire. Il l’autorise à prendre des décisions sans consulter le conseil municipal pendant la période de crise. Mais selon l’opposition de Mohamed Majani, ce dernier n’appliquerait que la partie qui l’arrange. “Certes il n’est pas obligé de nous consulter avant de prendre une décision, mais la même ordonnance indique qu’il faut que le maire informe ses conseillers municipaux des décisions prises. Chose qu’il ne le fait. Je découvre les informations sur les réseaux sociaux”, s’indigne Ambdilwahedou Soumaila. Alors après avoir réuni suffisamment de personnes à leur cause, les membres de l’opposition ont décidé de riposter. La même ordonnance permet à 1/5ème des conseillers municipaux de saisir le maire, et leurs pouvoirs ne sont pas sans conséquence. L’assemblée délibérante peut mettre un terme à tout ou partie à la délégation du maire. Raison pour laquelle les conseillers municipaux demandent une réunion. L’équipe de Mohamed Majani n’ignore pas ce risque. “Ces gens sont machiavéliques. La finalité de cette réunion du conseil municipal est de retirer la délégation de pouvoir au maire et ainsi bloquer l’administration pendant un bon moment”, indique l’adjoint au maire délégué à la sécurité.

“Le maire a fait le choix d’être invisible, mais on a envie d’être présents pour la population”

“Nous constatons tous les jours que l’administration communale peine à faire respecter les mesures de confinement sur l’ensemble du territoire communal, en particulier le couvre-feu”, peut-on lire dans la lettre envoyée. Une accusation contestée par Nassuf Eddine Daroueche. “L’ensemble des agents de la police municipale sont mobilisés sur le terrain. Nous avons fait ce qui relève de notre compétence. Nous avons fait venir un drone pour sensibiliser la population dans des quartiers inaccessibles”, rappelle-t-il.

Confrontée aux dérives liées à la gestion de la crise, notamment des distributions de colis alimentaires qui ont provoqué des émeutes, la mairie de Mamoudzou se dédouane. “Nous avions en face de nous une opposition de circonstance qui veut simplement nous décrédibiliser. Les bons alimentaires sont ceux du CCAS, et les colis alimentaires n’ont pas été distribués par la mairie, mais par le CCAS”, indique l’adjoint au maire, délégué à la sécurité. L’opposition s’inquiète également des regroupements des jeunes le soir pour un mrengué par exemple, ou des marchés informels qui persistent. À cela l’adjoint au maire répond qu’ils “ne peuvent pas mettre un policier derrière chaque citoyen. Il faut que les gens se responsabilisent et se rendent compte que cette maladie peut toucher tout le monde.”

À l’approche de la date fatidique du 11 mai, la mairie de Mamoudzou affirme mettre tout en oeuvre pour que le déconfinement se passe dans les meilleures conditions. “La Cadema a commandé 20.000 masques. On donnera une partie aux écoles. Nous avons également commandé 1.500 litres de gels hydroalcooliques pour les écoles de Mamoudzou, uniquement pour la rentrée”, révèle Nassuf Eddine Daroueche. Les écoles seront également désinfectées et les points d’eau seront multipliés. “Tout cela a été financé par des fonds propres à la mairie”, précise-t-il. Malgré tout, l’opposition n’en démord pas, et a l’intention d’aller jusqu’au bout de leur procédure. “Le maire a fait le choix d’être invisible, mais nous, on a envie d’être présents pour la population”, conclut Ambdilwahedou Soumaila.

 

24 heures avec… Saïd Vitta, agriculteur : « Pour moi, ça ne change pas grand-chose »

Plus que le rythme du confinement, le Petit-Terrien vit selon celui de la terre. Car les cultures, elles, continuent de pousser et nombreuses sont, chaque semaine, les livraisons qu’il doit assurer auprès de la grande distribution ou des restaurateurs. Pour Saïd Vitta, pas le choix : pour maintenir ses revenus, il faut maintenir sa production.

Il vit au rythme de la terre. De ses terres. Depuis désormais 43 jours, Saïd Vitta ne connaît ni télétravail ni chômage partiel. Confinement ou pas, les journées de l’agriculteur de Labattoir restent bien rodées, et surtout, bien remplies. « C’est un métier où on ne peut pas prendre congé », souffle le Mahorais sans employé. Il est trois heures du matin lorsque son réveil sonne. À peine le pied posé au sol, l’homme de 67 ans rejoint ses parcelles de cultures en tous genres. Il ne les quittera qu’à la nuit tombée, après plus de 16 heures de travail. Mais pour l’heure, le jour n’est pas encore levé.

À raison de 10 000 mètres carrés cultivés, le labeur qui l’attend est d’ampleur. Dans la malavoune de la Petite-Terre, Saïd Vitta fait pousser à l’année une douzaine d’espèces : noix de coco, citron, chou chinois, basilic, papaye, mangue… Il n’a pas une minute à perdre s’il veut assurer ses livraisons bihebdomadaires auprès des restaurateurs restés ouverts ou de l’enseigne Score, à quelques kilomètres de là. « Je ne sors plus que pour ça », promet le maraîcher. Pour ça, oui, mais aussi pour confier les produits fraîchement récoltés aux mamas ou aux cocos des environs, qui, dans la plus grande discrétion, se chargeront de nettoyer les concombres parfois recouverts de pollen, et de constituer les petites bottes d’aromates avant leur mise en rayon.

Alors que la saison des pluies touche à sa fin, les premières heures du jour sont consacrées à l’arrosage des parcelles. Si l’artisan est récemment passé à l’irrigation automatisée, les canalisations et les pompes installées là doivent toutefois être fréquemment entretenues, et les puits nettoyés. Des tâches que le maraîcher assure seul. Comme toutes celles qui suivront dans la journée. Puis, il empoigne son motoculteur pour labourer le sol pendant plusieurs heures. Une fois la terre tournée, il dégage ses « planches », autrement dit, les lignes de terre cultivées, intercalées de petits chemins qu’il faudra régulièrement désherber. Déjà depuis longtemps, le soleil a quitté son zénith.

« Il faut vivre avec la terre », résume l’agriculteur. « On doit être opérationnel toutes les heures, tous les jours, tous les mois. » Et surtout, il faut multiplier les savoir-faire, puisqu’entre deux labours, l’homme rafistole ses petites serres artisanales, qui lui permettent notamment de produire 150 bottes de salades par semaine, ensuite vendues sur les étaux de la grande distribution. « En ce moment, il y a moins de choix dans les rayons, alors Score me demande parfois de livrer un peu plus », commente Saïd Vitta pendant que sonne son téléphone pour une énième commande de mafana. Ces temps-ci, « On m’appelle cinq, six ou même sept fois par jour pour le mafana ! » Une manne financière importante, puisque les récoltes, elles, ne connaissent pas de chômage partiel. « Le confinement ? Pour moi, ça ne change pas grand-chose », résume le Petit-Terrien, qui cite toutefois l’arrêt de ses livraisons sur l’île principale.

Et le confinement n’empêche pas non plus le musada, ou l’entraide. Chaque week-end, son neveu et d’autres proches bravent les restrictions de déplacement pour venir lui prêter main-forte en échange d’un peu de manioc et des rares invendus qui lui restent parfois. Une solidarité qui, bien qu’interdite en ces temps de crise sanitaire, lui permet de maintenir son activité.

 

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes