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Christophe Castaner : « À Mayotte, on fait du sur-mesure »

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La visite du ministre de l’Intérieur, entamée dimanche, se poursuit. Au programme, passage en revue des nouveaux effectifs de la DDSP (Direction départementale de la sécurité publique) et du dispositif citoyen des « Maillots jaunes », contrôle routier avec la gendarmerie, rencontre avec les agents du Gelic (Groupement d’enquête et de lutte contre l’immigration clandestine) ou encore visite du Centre de rétention administrative, la journée de lundi a été chargée.

 

Après une nuit passée en patrouille aux côtés de la Brigade anti-criminalité (Bac), le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, à Mayotte pour trois jours, a rendu visite ce lundi matin aux effectifs du commissariat de Mamoudzou. Les nouvelles unités de la DDSP (Direction départementale de la sécurité publique), la brigade cynophile ainsi que le dispositif de sécurité citoyenne du bureau Partenariat et prévention de la police nationale – les Maillots jaunes – les jeunes du service civique (18 à 25 ans) et les réservistes de la réserve civile lui ont été présentés. La Compagnie départementale d’intervention (CDI) et ses trois missions principales (maintien de l’ordre, lutte contre l’immigration clandestine et police de sécurité du quotidien) lui ont également été détaillées.

Troisième ministre de l’Intérieur à faire le déplacement à Mayotte, Christophe Castaner a assuré être venu « voir la réalité de ce territoire si particulier, avec énormément de difficultés ». Venir dans le 101ème département, « c’est d’abord dire merci, à toutes celles et tous ceux qui au quotidien se mobilisent pour la paix civile, pour la protection, pour la sécurité, pour la lutte contre l’immigration clandestine« . Un travail « sur-mesure » qui s’accomplit « dans des conditions dont je sais qu’elles sont difficiles« , a assuré le ministre, saluant la rapidité, le volontarisme et l’esprit innovant des forces de l’ordre et de la DDSP. Il a également dénoncé la trop grande violence dans l’île, le nombre « anormalement élevé » de blessés parmi les policiers et gendarmes, et les trop nombreuses provocations et incivilités à leur encontre.  

 

6.000 véhicules et un nouveau commissariat

Après sa nuit passée dans une voiture de la Bac « usée« , selon ses termes, le ministre a promis de nouveaux moyens aux policiers, notamment concernant leur parc de véhicules : « Nous avons lancé un plan d’investissement de 900 millions d’euros d’ici 2020 pour justement faire en sorte que les conditions de travail de la police soient de meilleure qualité, car je ne supporte pas l’idée que le caïd du quartier ait de meilleures conditions de travail que mes hommes. Nous avons fait une politique d’investissements majeure en matière de voitures : près de 6.000 véhicules seront commandés cette année et évidemment je veillerai à ce que des véhicules neufs viennent ici renforcer vos moyens« . Autre chantier : si le commissariat a fait l’objet de travaux d’agrandissement récents, le ministre a assuré qu’il proposerait, en lien avec la ministre des Outre-mer Annick Girardin, de lancer le financement des études pour l’installation d’un nouveau commissariat à Mamoudzou, compte tenu de la croissance des effectifs. « Je souhaite pouvoir le lancer dès cette année pour que la programmation soit réalisée, le choix d’un maître d’œuvre lancé l’année prochaine et qu’on puisse rentrer dans la logique des marchés publics, dans la perspective de construire un équipement adapté à vos besoins« , a-t-il assuré. Estimant qu’il fallait un grand nombre d’acteurs pour « faire le rendez-vous de la sécurité« , il s’est adressé directement à ces citoyens engagés pour les remercier. « Je rajouterai devant vous, amis Maillots jaunes, il faut [aussi] de la citoyenneté [pour accompagner l’action du] ministère de l’Intérieur » a-t-il conclu.

 

Un contrôle routier pour identifier les ESI

Christophe Castaner s’est ensuite rendu sur une zone de contrôle routier vers le rond-point du collège de Majicavo ; contrôle ayant pour but principal « d’identifier des personnes en situation irrégulière« , a indiqué un gendarme présent sur les lieux. Le préfet Dominique Sorain, le général Philippe Leclercq ainsi qu’un lieutenant-colonel de la gendarmerie ont expliqué au ministre de l’Intérieur les différentes missions des gendarmes mobiles. Pendant cet entretien et durant la vingtaine de minutes de la visite, des agents ont poursuivi les contrôles des véhicules et des piétons. Ainsi, en marge de la discussion avec le ministre, deux personnes a priori en situation irrégulière étaient en train d’être interrogées.

Ce dispositif a plusieurs objectifs, a détaillé le lieutenant-colonel : « Faire de la prévention de proximité, (…) de la sécurité routière mais, surtout, (…) contrôler toutes les personnes qui peuvent nous sembler suspectes« . Les véhicules de chantier ainsi que les taxis sont particulièrement visés, notamment dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé. Outre cette opération à laquelle a assisté lundi matin le ministre, les 204 gendarmes mobiles actuellement présents sur le territoire ont d’autres missions. « On occupe (…) au moins une ou deux fois par semaine l’îlot M’tsamboro (…), passage obligé entre Grande-Terre et Anjouan« , a déclaré le lieutenant-colonel au ministre. Et, « lorsque le centre de rétention administrative est plein, on a également en charge la tenue des RA [rétentions administratives, ndlr]« . Cette dernière mission, « chronophage« , permet toutefois d’éloigner « dès le lendemain » les clandestins vers les Comores, a souligné le lieutenant-colonel.

Mais ce dernier a insisté sur les missions de sécurisation des transports scolaires : « Dès qu’on n’y est plus, ça arrive« , a-t-il déclaré, évoquant les caillassages de bus. « On a des caractéristiques de l’ordre public qui s’exercent sur l’environnement scolaire dans des proportions qui n’existent pas » ailleurs, a renchéri le général Leclercq. Entre 120 et 140 gendarmes sont mobilisés, « certains matins« , dans le cadre de ce plan départemental de sécurisation, la « première mesure symbolique » du Plan pour Mayotte ayant été mise en place en avril 2018 suite à la visite d’Annick Girardin, a complété le préfet. Le ministre de l’Intérieur s’est ensuite rendu à la brigade de Koungou.

 

Plus d’agents pour le Gelic ?

« En seulement quelques mois, le travail fait ici est remarquable« , a lâché Christophe Castaner alors qu’il quittait, plus tard dans la matinée et sans y avoir fait d’annonce, les locaux du récent Groupe d’enquête et de lutte contre l’immigration clandestine (Gelic), à Cavani. Il y a rencontré à huis clos les agents de cette structure inédite composée d’enquêteurs de la police aux frontières, de la police nationale, de la gendarmerie, des douanes, ainsi que des inspecteurs du travail et des finances publiques. Onze personnes au total, qui « travaillent collectivement en profondeur sur l’écosystème de l’immigration et tous les leviers économique qu’elle génère« , a résumé Julien Kerdoncuf, sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine (Lic). Pour pérenniser la jeune unité et multiplier les saisies d’avoirs criminels et financiers, le Gelic espère pouvoir être doté de nouveaux agents.

 

Lutte contre le travail clandestin

L’unité travaille exclusivement sur « des dossiers au long cours« , particulièrement dans la lutte contre le travail illégal, entretenu par des filières clandestines comoriennes, mais aussi africaines. « Il y a de nouvelles routes migratoires et c’est absolument astucieux. Le succès des programmes européens sur certaines zones d’Afrique bloque cette migration traditionnelle et fait de Mayotte une nouvelle voie d’accès« , a précisé le commandant Cocheril, concédant : « Il faut aussi que l’on soit présents sur des plus petits dossiers comme les vendeurs à la sauvette, les gens qui font venir des pleins conteneurs de marchandises… Mais on ne peut pas le faire« , faute d’effectifs.

Autre conséquence : le travail de l’unité se concentre en grande partie sur le secteur de Mamoudzou. Alors qu’à Mayotte, les « relais » qui organisent l’entrée des clandestins sur le territoire en leur promettant un travail, court sur toute l’île.

Mais le Gelic est confronté à un second problème, administratif cette fois. Du fait de son jeune âge, il n’est à ce jour régi par aucune réglementation officielle. En réponse, Christophe Castaner a promis un prochain « nouvel aménagement« , qui devrait se traduire par un décret d’application, qui donnerait à la structure une sécurité juridique. « Cela nous permettra d’accéder à un budget à part, une formation à part et à la reconnaissance du statut des fonctionnaires qui pour l’heure sont détachés administrativement », a expliqué le patron du groupe d’enquête. « On est un peu hors-sol au niveau réglementaire« .

 

Déjà 6.500 intégrations au CRA en 2019

Christophe Castaner a terminé cette journée marathon en se rendant au centre de rétention administrative (CRA), en Petite-Terre. Un passage d’autant plus obligé après l’imbroglio sur la loi Asile et immigration du 10 septembre 2018. En effet, au cours de la navette parlementaire, les élus avaient porté à deux jours le délai d’intervention du juge des libertés et de la détention concernant les rétentions administratives sur l’ensemble du territoire, sans tenir compte de la spécificité du 101ème département, dont les élus souhaitaient conserver le délai exceptionnel de cinq jours jusqu’alors en vigueur. La proposition de loi adoptée le 29 janvier, a finalement maintenu à cinq jours –  contre deux partout ailleurs – ce délai. Une exception justifiée par la pression migratoire et le manque de moyens.

Le ministre de l’Intérieur a donc visité les locaux qui accueillent les immigrés clandestins interpellés par la police aux frontières. « Nous les intégrons à n’importe quelle heure du jour et de la nuit« , a expliqué Pascal Molinier, adjoint au chef du CRA. Depuis le début de l’année 2019, ce dernier a dénombré « 6.500 intégrations pour 5.600 reconduites » dans les pays d’origine, sachant que près de 99 % des personnes passées le Centre viendraient des Comores voisines. En 2016, 19.753 personnes avaient été enfermées en rétention, dont 4.285 mineurs, soit 43 % du total des placements pour la France entière. Le rythme des intégrations serait en nette progression par rapport à l’an dernier, selon l’un des agents du CRA, en poste depuis 18 mois. Avant d’ajouter : « un jour, nous avons intégré 280 personnes… »

Christophe Castaner a pu découvrir, dans une chaleur étouffante, les locaux exigus du centre, de l’entrée jusqu’au poste de contrôle, qui veille sur l’ensemble du bâtiment, en plus des 84 caméras de surveillance qui quadrillent le site. « Les bagarres sont extrêmement rares« , selon un agent. La durée de rétention y est très faible : moins de 24 heures. Deux repas chauds sont servis par jour et les départs se font généralement en milieu de journée. Avant de quitter les lieux, le ministre de l’Intérieur a pu s’entretenir quelques minutes avec l’association Solidarité Mayotte, qui joue un rôle essentiel dans l’exercice des droits des personnes retenues.

FERNAND KEISLER, PREMIER MAHORAIS OFFICIER PILOTE DE LIGNE

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Originaire de Pamandzi en Petite-Terre, Fernand Keisler est le premier officier pilote de ligne mahorais. Un objectif qu’il a atteint en travaillant d’arrache-pied, faisant ainsi la fierté des siens mais aussi de tout Mayotte. L’embarquement est immédiat.

 

Du haut de ses 28 ans, Fernand Keisler comptabilise aujourd’hui 1500 heures de vol à son compteur. L’officier pilote de ligne (OPL) chez Ewa Air depuis deux ans, se délecte à survoler la région.Après son baccalauréat scientifique au lycée de Petite-Terre, Fernand Keisler s’envole pour l’Hexagone, où il entame une première année en faculté de physique chimie à Montpellier (34). L’année suivante, il réalise que ce cursus ne lui correspond pas. « C’était pas les études qui m’emmèneraient au métier de pilote de ligne », explique le passionné de l’aviation civile depuis son plus jeune âge. Plusieurs options s’offrent à lui dont l’intégration de l’École nationale de l’aviation civile (ENAC), sise à Toulouse, mais son choix ne portera pas sur celle-ci. « J’aurais beau être très bon, elle ne me garantissait pas de finir aux commandes d’un avion ». Fernand Keisler se tourne alors vers une autre formation dans le domaine, à sa charge. Avec sa copine de l’époque, devenue aujourd’hui son épouse, ils entament la formation de stewart et d’hôtesse de l’air à Montpellier. « On a très vite compris qu’il fallait améliorer notre niveau d’anglais », confie-t-il. À deux, ils sillonnent l’Europe et privilégient les pays anglophones comme l’Angleterre.

En 2013, le couple rentre à Mayotte. Attentif à l’aviation civile du côté de son île, Fernand Keisler propose à son épouse de postuler chez Ewa Air qui a vu le jour la même année. De son côté, il opte pour la Slovénie afin d’effectuer une formation EASA qui délivre une licence de pilote de ligne reconnue en Europe. La formation se déroule au sein de la compagnie nationale slovène, Adria Airways. « Le sérieux de la compagnie m’a fait faire la formation chez eux », souligne Fernand Keisler. Outre la pratique de la langue anglaise, le théâtre d’opération sur place s’avère être « fabuleux » dixit l’officier pilote de ligne. En effet, le temps de vol entre les différentes destinations voisines et la capitale slovène, Ljubljana, est relativement court : dix minutes de survol de l’Autriche et de l’Italie. « Survoler Venise était le quotidien de l’ensemble des élèves pilotes », se souvient le jeune officier pilote.

 

Premier officier pilote de ligne mahorais. À tout juste 28 ans, Fernand Keisler est le premier officier pilote de ligne mahorais. Après avoir silloné les quatre coins du monde, il prend désormais les commandes pour survoler son île.

« Mon objectif était de rejoindre la compagnie Ewa Air »

La formation obtenue en Slovénie délivre le titre de pilote de ligne – ATPL – mais ne qualifie pas le type d’avion. En effet, la formation comprend plusieurs licences à acquérir : la première licence de pilote de ligne permet un vol local autour de Mayotte, par exemple. « Pour partir plus loin, une validation en anglais est requise », souligne Fernand Keisler. Piloter un avion gros porteur requiert la licence multi-enging. Pour transporter des passagers, la licence des pilotes privés ATPL est nécessaire. « Chacune de ces formations sont indépendantes », indique-t-il avant d’ajouter : « Toutes les licences obtenues pour permettre de rejoindre l’aviation civile sont appelées Zéro to ATPL. Elles ne permettent pas de piloter tous les avions », met en garde l’officier pilote de ligne. Une qualification type est alors requise. Chose qu’il a effectué en sortant de l’école, se focalisant sur les avions ATR (Avions de Transport Régional). Un choix stratégique : « mon objectif était de rejoindre la compagnie Ewa Air qui disposait de cet appareil ». Fernand Keisler passera sa formation à Toulouse en 2016. Une formation réalisée dans des simulateurs de vol chez ATR, et qui est ensuite validée par des tours de piste avec l’avion réel, effectué cette fois à Copenhague. « Il faut comprendre qu’un pilote de Boeing 787 ne peut piloter un ATR à moins qu’il passe une qualification type et inversement », explique celui qui a regroupé tous les critères pour postuler chez Ewa Air.

Une chance pour le jeune officier pilote de ligne qui s’estime heureux d’être au service de son île et d’avoir atteint son objectif : intégrer la compagnie Ewa Air qui favorise un recrutement local.

« J’ai toujours les yeux rivés au niveau du lagon, à contempler le bleu turquoise »

Quid de la piste longue ?

Pour ou contre la piste longue ? L’avis d’un officier pilote de ligne intéresse davantage. « La piste n’est pas plus dangereuse qu’il y a dix ans », indique Fernand Keisler. « Il y a dix ans on accueillait des Boeing 777 qui sont beaucoup plus gros que les 787 ». La piste longue, oui il est pour. « Vous aurez beau avoir une piste de 5km de long, cela n’empêchera pas un avion d’interrompre son approche parce que la piste est mouillée par exemple. La piste longue serait intéressante à Mayotte pour que les avions puissent faire des vols directs. C’est une question de meilleure technologie ».

Une autre réalité de notre desserte aérienne est le « prix du pétrole très cher » explique Fernand Keisler qui fait parallèlement référence au directeur de la compagnie low cost French Bee, qui avait déclaré ne pas pouvoir rentabiliser ses vols avec son Airbus A330 à Mayotte. « Corsair a également abandonné », rappelle l’officier pilote de ligne. « La piste de Mayotte n’est pas dangereuse comme le laisse entendre beaucoup de gens. En revanche une piste plus longue permettrait d’arriver sur une piste plus confortable ». En effet, les pistes d’atterrissage sont classées par niveau de compétences de A à C, celle de Dzaoudzi est classée dans la catégorie B. Elle suscite une formation supplémentaire afin de pouvoir s’y poser.

Découvrir la région

Si tout au long de sa formation jusqu’à l’accession de son métier, Fernand Keisler a eu à sillonner les quatre coins du monde, il n’en demeure pas moins que Mayotte reste sa destination favorite. Dans la région il a déjà survolé les îles de La Réunion, la Grande Comore, Anjouan, Madagascar mais aussi les villes de Pemba, Dar es Salam et bien d’autres. Aucune ne remplace Dzaoudzi. « J’ai toujours les yeux rivés au niveau du lagon, à contempler le bleu turquoise », confie-t-il.

Actuellement en formation, à La Réunion, puis à Paris, Fernand Keisler sera bientôt de retour dans le ciel mahorais. De temps à autres, il aiguille la jeunesse quant à sa profession. « Ce que je leur explique avant tout, c’est que ce métier n’est pas inaccessible. Quand on veut on peut ».

Coupeurs de route, quelles méthodes ?

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Depuis quelques semaines, la population s’inquiète d’un retour des coupeurs de route, particulièrement actifs dans l’île les trois dernières années. Depuis le mois de janvier, quatre faits ont été recensés dans le département, indique la gendarmerie, dont deux au début du mois d’avril, contre 20 l’an passé. Les cibles et les méthodes semblent évoluer.

Après l’embuscade tendue à deux scootéristes le 2 avril entre Coconi et Ongojou, dans le centre de l’île, et une autre le lendemain soir à Tsingoni, le spectre des coupeurs de route ressurgit et avec lui les mauvais souvenirs des années passées. Ces deux attaques dont les victimes sont ressorties dépouillées dans le meilleur des cas et tabassées dans le pire, portent à quatre le nombre d’agressions de ce type recensées depuis le début de l’année, indique le chef d’escadron François Bisquert, en charge des unités territoriales à la gendarmerie de Mayotte, contre 20 sur l’ensemble de l’année 2018. Des agressions violentes et imprévisibles qui « sont restées très ancrées dans les esprits », selon le chef d’escadron. Encore faut-il savoir ce que l’on entend précisément par « coupeurs de route ».

« Nous faisons bien la différence avec les barrages qui sont érigés, par exemple, pour réclamer un abribus ou pour dénoncer des retards dans les tournées des bus scolaires* et ceux de nos coupeurs de route, l’équivalent des +brigands+ de grand chemin du Moyen-Âge, et qui ne représentent pas un phénomène à proprement parler », indique le militaire. Depuis le début de l’année, seuls des conducteurs de deux-roues ont été la cible de coupeurs de route (une moto et trois scooters), alors qu’en 2018, parmi les vingts faits recensés, six attaques visaient des scootéristes et quatorze des automobilistes. Et avec le profil des victimes, ce sont aussi les techniques d’embuscade qui semblent évoluer : les agresseurs, par petite équipe de 5 ou 6 personnes, font souvent usage de parpaings, bouts de bois ou autres projectiles pour déséquilibrer les conducteurs et les contraindre à s’arrêter, mais lors des deux dernières attaques, ils ont utilisé de puissantes lampes torches afin d’aveugler les conducteurs.

Alerter le plus tôt possible

Si de nombreux guet-apens ne peuvent pas être évités, certaines modifications dans le comportement de la population tendent à limiter les risques : « les gens font de plus en plus attention, ils évitent de s’arrêter en route, et ils évitent de plus en plus de sortir la nuit », relève ainsi le gendarme. Aussi n’y a-t-il pas eu depuis le début de l’année d’attaques de couples « illégitimes » dont l’agression aurait pu être facilitée parce qu’ils stationnaient dans un endroit isolé et mal éclairé. En outre, si certains coupeurs de route parmi les plus violents ont pu être interpellés, à l’instar du fugitif M’déré, au terme de deux ans de cavale en décembre dernier, les arrestations demeures complexes et nécessitent de longues investigations. D’autant plus dans la mesure où les victimes attendent souvent un certain temps avant de faire appel aux forces de l’ordre. Dépouillées de leur téléphone et laissées sur le bord de la route, elles ne peuvent souvent donner l’alerte que le lendemain ou le surlendemain des faits, ce qui laisse amplement le temps aux malfaiteurs d’aller se cacher. Il faut donc, dans la mesure du possible, appeler « au plus vite » la gendarmerie insiste François Bisquert, et ce, quelque soit l’heure du jour ou de la nuit, car « des équipes PAM (Premiers à marcher, désignés pour 24 heures, ndlr) sont toujours là pour intervenir ».

 

*En janvier dernier, une dizaine de lycéens avaient formé un barrage sur le rond-point de Tsararano pour réclamer un abribus. Ils dénonçaient notamment l’absence d’infrastructures en cette saison des pluies.

Castaner promet un renfort des moyens

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Accueilli dimanche au son du m’biwi, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner n’a pas fait de déclarations fracassantes mais a promis un renfort des moyens de lutte contre l’insécurité, sans préciser encore les contours de ces mesures.

 

Il fallait tendre l’oreille dimanche à l’aéroport pour entendre les promesses du ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, en raison du bruit sourd des claves des danseuses de m’biwi, en liesse. « Près de 300 femmes et hommes ont rejoint nos forces de sécurité ces derniers temps », a rappelé le ministre, le cou ceint de deux colliers de fleurs. « Il est nécessaire que nous maintenions un haut niveau de pression » sécuritaire et « nous renforcerons encore les moyens ». « J’aurai l’occasion de m’exprimer sur ce sujet pendant mon déplacement », a encore promis le ministre d’Etat.

Pour la première fois sur le territoire pour une visite de trois jours, Christophe Castaner a souhaité intégrer à son programme des séquences de « lutte contre la criminalité environnementale » et se rendra ainsi notamment à la plage de Moya mardi pour rencontrer les associations oeuvrant contre le braconnage des tortues marines. Ce type de criminalité « est un sujet sur lequel, avec mes collègues du G7, les ministres de l’Intérieur, nous avons décidé de nous battre », a-t-il encore déclaré à l’aéroport.

Après un accueil populaire aux côtés du préfet Dominique Sorain mais aussi de parlementaires (les députés Ramlati Ali (LREM) et Mansour Kamardine (LR) ainsi que le sénateur Thani Mohamed Soilihi (LREM), Christophe Castaner s’est rendu à La Vigie. Ce quartier de Petite-Terre, ciblé par le dispositif de « Reconquête républicaine », est « le premier en France piloté par la gendarmerie nationale », a rappelé le ministre de l’Intérieur qui venait d’être, encore, accueilli au sein de ce bidonville par des danses traditionnelles. Lors d’un point presse impromptu, Christophe Castaner a évidemment évoqué l’immigration clandestine : « C’est) une lutte que je veux extrêmement ferme (…) poussant au maximum les retours (…) dans les pays d’origine pour ceux qui n’ont pas à rester ici et qui n’ont pas à être accueillis par la France ».

« Les gens, jamais satisfaits »

Présent tout au long de la visite aux côtés du ministre, le maire de Dzaoudzi-Labattoir, Saïd Omar Oili, a formulé deux demandes : le renouvellement des médiateurs ainsi que des « efforts de l’Etat » pour accompagner la commune dans la mise en place d’un système de vidéosurveillance d’un montant de 1,7 million d’euros. Ramlati Ali, elle, s’est dite « heureuse » de la visite du ministre, tandis que le sénateur Thani Mohamed Soilihi a loué l' »oreille attentive » de Christophe Castaner venu, non pour délivrer « un satisfecit », mais pour faire un « point d’étape ».

Saïd Omar Oili a conclu par ces mots laudatifs : « Ce gouvernement, je le dis ici à qui veut l’entendre, tient ses promesses, parce que tout ce que vous dites, on le voit. Malheureusement, il y a des gens qui ne sont jamais satisfaits (…) mais il y a des réalités qui sont là. (…) Je voudrais rendre hommage aux services de l’Etat », a poursuivi le maire, félicitant en particulier Dominique Sorain : « Monsieur le Préfet, bravo, bravo, de tout ce que vous faites ici ».

Et à propos d’insatisfaction, le Collectif des Citoyens était très mécontent de n’avoir pu être de la fête, certains de ses membres – dont Fatihou Ibrahime et le syndicaliste Ousséni Balahachi, selon nos informations – ayant été écartés du parcours par les services de sécurité. Dans un communiqué, le collectif a regretté que les « renseignements généraux (leur) barrent le chemin ». « Nous portons la colère et l’exaspération de la grande majorité silencieuse des Mahoraises et des Mahorais qui ne se satisfont plus des beaux discours qui accompagnent le tourisme ministériel alors qu’ils subissent la violence banalisée sur notre île envahie par l’immigration clandestine », a estimé le collectif.

Retournement de situation au SIEAM

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Dans le Flash Infos du 12 avril, nous indiquions que sur décision du tribunal administratif, le SIEAM, Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte, était désormais libre de rompre son contrat d’affermage en cours de délégation de service public accordé à la SMAE, filiale du groupe Vinci. Imbroglio de notre part, puisque le tribunal a justement suspendu la rupture, qu’il a jugée « illégale », précise l’ordonnance. Pour mémoire, le 25 janvier, le président du SIEAM, Moussa Mohamed « Bavi », avait été autorisé par le comité syndical à reprendre les négociations avec la SMAE pour une durée de deux mois, afin de parvenir à un accord entre les deux sociétés concernant les avenants du contrat qui les lie. Le comité syndical du SIEAM précisait qu’en cas d’échec des négociations, la rupture du contrat serait prononcée. Les communes de Chirongui et Dzaoudzi-Labattoir avait alors déposé un recours auprès du tribunal administratif, craignant qu’en cas de rupture, « le montant du préjudice à verser à Vinci sera imputable aux communes, donc à la population ». Le 2 avril, Moussa Mohamed « Bavi » avait annoncé la résiliation du contrat, effective au 1er janvier 2020. Selon nos informations, les avocats des deux sociétés se sont entretenus vendredi matin.

« J’AI MIS DU TEMPS À RÉALISER QUE JE DEVENAIS UNE PROSTITUÉE »

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À 25 ans, Naima* est maman d’un garçon de dix ans. Ayant arrêté l’école au collège après sa grossesse, l’habitante de Trévani originaire de Koungou n’a jamais travaillé. Les écueils de la vie l’ont mené petit à petit à se prostituer durant quelques années pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Depuis un peu plus d’un an, Naima a pris un nouveau tournant : elle ne fréquente plus ses clients et suit une formation professionnalisante dans l’espoir de trouver rapidement un emploi.

 

Mayotte Hebdo : Dans quel environnement social avez-vous évolué ?

Naima : Je suis née dans une famille modeste de cinq enfants. Nous avons toujours vécu avec très peu de moyens, mais mon père qui travaillait dans les champs a toujours pu nous nourrir. J’ai toujours aidé mes parents. J’allais à la campagne avec mon père et au marché avec ma mère pour revendre les fruits et les légumes. Je n’ai pas vraiment eu d’éducation religieuse. Ma grand-mère faisait la prière, ma mère aussi, mais pas mon père. Moi je crois en Dieu, mais ne suis pas pratiquante.

MH: Comment êtes-vous arrivée à la prostitution ?

N : J’ai mis du temps à réaliser que je devenais une prostituée. Pour moi, ce que je faisais n’était pas de la prostitution. J’étais plus une maîtresse. Je ne pensais pas en arriver là. J’étais dans une période triste de ma vie. J’avais arrêté l’école, je venais d’avoir un enfant. Avec ma famille on vivait difficilement. Mon père, qui est vieux, n’allait plus à la campagne. Avec un bébé c’était encore plus compliqué. Un enfant rend heureux, mais il faut s’en occuper. Des fois je n’avais pas de couches. Je donnais à manger à mon enfant et préférais me sacrifier. Mon grand-frère travaille, mais ne peut pas nourrir toute la famille. Je voulais trouver une solution et ne pas embêter mes parents. La plus facile c’était celle-là. C’est des amies à moi qui me disaient que de temps en temps des hommes leur donnaient des sous en échange de « quelques caresses ». Je pensais que ce n’était rien.

MH : Quelle est la définition d’une « prostituée » selon vous ?

N : Pour moi, une prostituée c’est une fille qui « fait la pute ». Elle vend son corps. C’est ce qu’on dit aussi dans nos villages. Dans notre tradition c’est ça. Les filles qui font ça sont très mal vues et c’est humiliant pour les familles. Ici, tu ne peux pas faire la pute ouvertement. Ça ne passe pas.

MH: Qui étaient vos clients ?

N : C’était tout le monde. Tous ceux qui pouvaient me donner de l’argent. Une fois, j’ai même eu un jeune homme qui voulait être dépucelé. « Faire de lui un homme », il m’avait dit en shimaoré. C’est une amie qui l’avait dirigé vers moi. Il m’avait donné 100 euros. C’est sa famille qui l’avait envoyé pour le préparer à une vie « d’homme », ne le voyant jamais avec une fille. Des fois c’était des relations rapides avec un homme de passage, je pouvais avoir 50 euros, des fois 20. Je prenais vraiment ce que je pouvais avoir. Je n’avais pas de clients tous les jours, alors je ne pouvais pas me permettre de ne rien prendre du tout.

MH : Pourquoi ne jamais avoir fixé de tarifs ?

N : Je n’ai jamais donné de tarifs aux hommes qui venaient me voir parce que je sais qu’on ne m’aurait jamais donné le montant exact. Je prenais ce qu’on me donnait parce que j’avais besoin d’argent, c’est tout. Une fois que tu commences, tu es embarquée dans ce monde. Tu ne peux plus t’arrêter, c’est de l’argent facile et il faut nourrir ton enfant et aussi aider ta famille. Même si ce n’était pas beaucoup, 50 euros en une journée me permettait d’acheter à manger pour la semaine. Je n’étais pas régulière. J’avais des clients de temps en temps. C’est peut-être pour ça aussi que je ne me considérais pas comme une prostituée.

MH : Où et comment se déroulait la prise de rendez-vous ?

N : Ça pouvait être n’importe où, surtout dans les coins de Koungou et Trévani. Dans un buisson au milieu de la nuit, à l’intérieur ou derrière une voiture en soirée. Je n’ai jamais été chez le client. C’était toujours la nuit, car la journée je me faisais discrète et j’étais avec mon fils.

Il y a toujours quelqu’un qui te prévient quand il y a un client. Généralement, c’était des amis ou la famille des clients. On nous mettait en contact. Les hommes mariés m’appelaient sur mon téléphone, les autres, eux, n’avaient pas de formalités particulières. Je recevais un appel et sortais de chez moi pour retrouver le client.

MH : Avez-vous songé à trouver une aide financière de manière différente ?

N : Aujourd’hui, j’ai honte de dire ça, mais je n’ai pas cherché loin. Je n’ai pas voulu continuer à aller dans les champs, à galérer. Les gens t’aident des fois en te donnant quelques trucs, mais ils ne peuvent pas t’aider toute ta vie. Je voulais de l’argent sur le moment. Se former, tout ça, ça prend beaucoup de temps. Après, il faut espérer trouver un boulot. Je n’avais pas le temps pour tout ça moi.

MH : Avez-vous déjà été en danger ?

N : Non. Mes clients ne m’ont jamais frappée. Je faisais ce qu’on me disait de faire sans réfléchir. Ils étaient juste là pour s’amuser avec moi et repartir. J’ai souvent eu les mêmes clients. Je les connaissais. Ma seule peur était d’attraper des maladies. Durant mes cinq années de prostitution, il m’est arrivé d’avoir des rapports non protégés. Sur les conseils d’une amie, j’allais voir une gynécologue à l’hôpital de temps en temps pour être sûre que tout allait bien.

MH : Votre famille est-elle au courant de votre ancienne activité ?

N : Non et je ne veux pas qu’elle sache ce que j’ai fait. J’ai des grandes soeurs, mariées et avec des enfants. Mon grand-frère serait déçu aussi. Peut-être qu’on ne voudrait plus de moi à la maison. Je serai la honte de la famille si ça se savait.

MH : Comment vivre avec ce lourd secret au quotidien ?

N : Le plus dur c’était de faire comme si je ne connaissais pas les hommes quand je les croisais dans la rue. Je mentais aussi à ma famille, en leur disant que j’avais eu des sous en allant vendre des fruits aux marchands, ou bien que j’avais aidé une amie dans des travaux. Je n’étais pas la même à la maison que le soir avec les clients. Une fois à la maison avec ma famille, j’oubliais tout de ce que je faisais la nuit. J’étais une autre personne.

MH : Quel a été le déclic pour mettre fin à votre activité ?

N : La seule fois où je me suis absentée avec un client dans la journée, c’était pour un rapport de 10 minutes, j’ai retrouvé mon fils blessé en revenant. Il était encore petit et venait de se réveiller de sa sieste. Il s’est blessé en tombant et avait la bouche en sang.

J’ai eu très peur quand j’ai vu tout ça. Je me suis dit que je ne laisserai plus jamais seul. J’ai pris les sous que j’avais et l’ai emmené à l’hôpital. On lui a recousu la lèvre.

MH : Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ?

N : J’ai honte. Parce que j’étais perdue. Je ne me rendais pas compte et j’ai mis du temps à réaliser ce que je faisais. Je regrette parce que je n’ai pas écouté ce que nous disent nos aînés, de vivre avec sa famille et de s’accrocher à nos traditions. Ça fait bientôt un an, que je n’ai plus personne qui vient me voir pour des faveurs sexuelles. J’ai encore des fois quelques difficultés, mais je ne veux plus d’argent sale.

MH : Comment vous reconstruisez-vous ?

N : Pour aller mieux, il faudrait que je déménage. Que je quitte Mayotte. La maison, le village, tout me rappelle de mauvais souvenirs. Je veux partir d’ici et construire une nouvelle vie avec mon fils. Aller dans un village où personne ne me connaît et où je pourrai travailler loyalement. En attendant ce jour, si Dieu le veut, je reste avec ma famille. Je les aide comme je peux et passe beaucoup de temps avec mon fils. J’ai commencé une formation, j’espère que la suite se passera bien.

MH : Avez-vous consulté une association, un psychologue ou même parlé à quelqu’un pour un suivi, pour vous aider ?

N : Non, je n’ai jamais pensé à aller voir un psychologue. Quand ça ne va pas, chez nous on passe d’abord par des cérémonies au village. Les plus croyants demandent de l’aide à Dieu. Les autres, les membres de ta famille, te diront qu’on « t’a fait quelque chose », c’est à dire jeter un mauvais sort pour que je devienne une prostituée. Je préfère m’en sortir seule. Parler avec vous, dans le journal, c’est déjà beaucoup pour moi.

MH : Quel conseil donneriez-vous pour lutter contre la prostitution ?

N : Je dirais aux jeunes, aux jeunes femmes surtout, de ne jamais faire ce que moi j’ai fait. J’ai beaucoup souffert psychologiquement et souffre encore aujourd’hui. J’ai très honte. Peut-être que j’en souffrirai toute ma vie. Je regrette et ne souhaite à personne de vivre ça. Il faut qu’elles aillent à l’école et qu’elles finissent leurs études pour trouver un travail et s’en sortir. Ne jamais jouer avec son corps. Après, on ne se reconnaît plus, on est détruites.

Des besoins « immédiats » pour endiguer les rixes de Dembéni

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Jeudi matin, le personnel éducatif du collège de Dembéni a rencontré deux inspectrices du vice-rectorat et une délégation de la gendarmerie. L’objectif ? Recenser les besoins de l’établissement afin de résoudre les problèmes d’insécurité. Depuis plusieurs semaines, le collège est en proie aux règlements de comptes inter-villageois. Ces trois derniers jours, trois agents et un professeur ont été blessés.

 

Depuis quelques semaines, la commune de Dembéni est prise à partie par des groupes de jeunes, des bandes rivales. Des règlements de compte entre villages qui se passent « généralement » aux portes du collège ou au sein même de l’établissement. Mercredi, plusieurs rixes ont éclaté aux abords et dans l’enceinte du collège, dès 7h du matin. « Des jets de pierre ont été lancés par plusieurs jeunes devant les grilles du collège en direction des bâtiments« , indique le chef d’escadron François Bisquert, commandant de la gendarmerie de Mayotte. La gendarmerie, avertie vers 13h, a alors séparé trois groupes de jeunes (deux du collège de Dembéni et un troisième, extérieur à l’établissement).

« Un premier groupe est parti à l’intérieur d’un bus accompagné par les gendarmes jusqu’à Kahani. Un deuxième a été maintenu à l’intérieur de l’enceinte de l’établissement par le principal et le dernier groupe s’est réfugié sur les hauteurs de Dembéni. Ce groupe est resté sous la surveillance des gendarmes », explique le chef d’escadron. Ces trois derniers jours, les rixes ont entraîné des blessures corporelles à un enseignant, un agent d’entretien et deux membres de l’équipe mobile de sécurité. « Ils étaient armés d’un ceinturon clouté avec un mousqueton au bout. Un agent est ressorti avec quelques points de sutures« , déplore Henri-Pierre Deliou, délégué syndical SNES (Syndicat national des enseignants du second degré).

 

Accompagner les élèves dès leur sortie

Mercredi, une « grande majorité » du personnel éducatif du collège de Dembéni – soit 45 personnes – a alors décidé de faire valoir son droit de retrait « suite à une insécurité grave et présente dans l’établissement » afin de mettre en place des dispositifs « de prévention et de protection » dès jeudi matin.

Une matinée qui a également été marquée par une réunion « de crise » organisée en présence du personnel éducatif du collège de Dembéni, deux inspectrices du vice-rectorat et une délégation de la gendarmerie. « Des mesures sont à prendre dans l’immédiat. Il faut assurer la sécurité des élèves dès leur sortie du collège. Avoir un parcours sécurisé à l’intérieur de l’établissement. Ce parcours est aujourd’hui complexe en raison des zones en construction ou inaccessible« , indique Henri-Pierre Deliou. La première des décisions prise sera la fermeture, cet après-midi et mardi après-midi, du collège de Dembéni, afin de permettre à tous les personnels – y compris ceux de Chiconi et de Kwalé – de mettre en place des mesures de protection et de prévention contre ces violences. « Une réunion aura lieu à 14h [vendredi] pour discuter des propositions que nous avons déjà préparées jeudi matin« .

 

Le soutien des parents et de la gendarmerie demandé

Dans un premier temps, une série de mesures seront également prises au niveau de l’organisation de l’accueil des élèves, de l’extérieur à l’intérieur du collège, avec un personnel d’encadrement plus adapté. Dans un second temps, un travail sera effectué de la part du personnel enseignant sur l’application du règlement intérieur et la communication au sein de l’établissement. Le corps enseignant a aussi demandé le soutien des parents afin qu’ils puissent accompagner les enfants dans les bus et à proximité du collège. Enfin, le syndicat a revendiqué une présence « plus accrue » des gendarmes devant le collège, au moins jusqu’aux prochaines vacances (fin avril).

Actuellement, l’effectif des élèves du collège est réparti sur trois sites : les sixièmes sont à Kwalé et les cinquièmes à Chiconi. À la rentrée prochaine – en août –, toutes les classes devraient revenir à Dembéni, aggravant « fortement » les tensions qui existent déjà dans l’établissement. « Or, nous avons des problèmes de locaux et les nouveaux sont toujours en construction. Nous prévoyons soixante élèves de plus par rapport à l’effectif global de cette année [près de 900 élèves actuellement, ndlr]. Nous n’aurons pas la capacité d’accueillir tous les élèves dans de bonnes conditions, surtout sur un site complètement morcelé du fait des travaux et des séismes« , regrette le syndicaliste. Une réunion préparatoire devrait se tenir dans les prochains mois pour « réfléchir » à des solutions pérennes.

Les déclarations de revenus simplifiées

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Mercredi avait lieu le lancement de déclaration des revenus 2018 en lien avec le prélèvement à la source 2019 au centre des Finances publiques de Boboka à Mamoudzou. L’occasion pour le directeur régional, Jean-Marc Leleu, d’expliquer l’importance, pour les contribuables, de déclarer leurs revenus même si 2018 sera une année blanche.

 

« Il faut expliquer la campagne d’impôt sur le revenu 2018 car c’est une année un peu particulière« , déclare le directeur régional des Finances publiques, Jean-Marc Leleu, en préambule de sa présentation mercredi matin. Présent jusqu’en 2012, le prélèvement à la source est réapparu le 1er janvier dernier dans le 101ème département. « Nous sommes assez satisfais de la manière dont le prélèvement à la source fonctionne actuellement. Pour nous, c’est un motif de satisfaction« , assure le directeur. Cette réforme permet de supprimer le décalage d’un an entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt correspondant, sans en modifier le montant ni le calcul. « Si nous avions voulu aller jusqu’au bout de la logique, nous paierions, en 2019, des prélèvements de l’impôt sur les revenus 2019 de manière contemporaine [c’est-à-dire dès que l’usager touche son salaire, ndlr]. Les usagers auraient dû aussi être imposés sur les revenus de 2018 puisqu’ils n’ont jamais été imposés« , explique Jean-Marc Leleu. Or, ce système aurait abouti à ce que tout le monde paye deux fois l’impôt en 2019 : l’impôt sur 2019 et l’impôt sur 2018. Le gouvernement a donc choisi de neutraliser l’imposition de 2018 par une année blanche. « Il n’y aura pas d’impôt sur les revenus 2018« .

Néanmoins, l’usager devra obligatoirement faire une déclaration sur ses revenus 2018. Cette déclaration permettra d’actualiser le taux de prélèvement à la source de l’usager en septembre et de recevoir l’avis d’impôt, nécessaire pour de nombreuses démarches. L’objectif ? « Bien ajuster la situation fiscale de chaque usager pour tout changement (mariage, divorce, naissance d’un enfant, perte d’un conjoint, etc.)« . L’impôt relatif aux revenus non exceptionnels (ou récurrents) de 2018 sera annulé par un crédit d’impôt dit « exceptionnel » ajusté à la dernière situation de l’usager et appliqué au prélèvement à la source. « C’est un revenu qui revient année après année tel que le salaire ou le 13ème mois. Cela faisait deux ans que nous utilisions les revenus 2017« , annonce Arnold Mure, chargé de la communication de la Direction régionale des Finances publiques (DRFIP) de Mayotte.

 

Des déclarations 2.0

Toutefois, par exemple, une prime de départ à la retraite sera considérée comme un revenu exceptionnel. Ces sommes seront alors imposées sur les revenus 2018. Par cette démarche, les pouvoir publics ont voulu supprimer les « phénomènes d’optimisation fiscale« . « Pour l’année 2018, les usagers ne paierons pas d’impôt. Or, ce qui aurait pu se passer c’est qu’ils auraient pu mettre tous leurs revenus sur cette même année. L’État a voulu éviter ce système qui aurait pu permettre de massifier les revenus déclarés sur 2018 et non sur 2019. C’est un système de garde-fou budgétaire« , affirme Jean-Marc Leleu. Un dispositif sera donc incorporé dans les déclarations afin d’identifier, parmi ces revenus, ceux que l’État considère comme exceptionnels. « Nous faisons confiance à nos usagers pour le déterminer. Il y aura éventuellement des contrôles de notre part« .

Une autre nouveauté a également été mise en place : la télédéclaration. Cette année, les services des Finances publiques incitent « fortement » tous les contribuables à s’y mettre. Et en détaillent les avantages : estimation de l’impôt et avis de situation déclarative, accusé de réception assurant la bonne prise en compte de la déclaration, réduction des déplacements et rapidité de traitement.

Malgré les limites du réseau Internet sur le territoire, ce système semble fonctionné puisqu’en 2018, 43% de foyers fiscaux télédéclaraient leurs revenus contre 20% en 2016. « Il faut se rendre sur impôts.gouv.fr. Les différents supports de connexion sont les tablettes, smartphones grâce à l’application mobile et ordinateurs… avec le numéro fiscal de l’usager« , informe le chargé de communication à la DRFIP. Au niveau national, 57% des foyers fiscaux ont fait une télédéclaration l’année dernière. Toutefois, si l’usager estime ne pas être en mesure de le faire, il pourra continuer à utiliser une version papier. « Mais nous ne délivrons plus l’imprimé, il faudra imprimer directement depuis chez soi« , confirme Arnold Mure.

 

Un système de SMS pour répondre aux questions

Les contribuables de Mayotte auront jusqu’au 4 juin pour déclarer leurs revenus par Internet. Pour la déclaration papier, elle devra être envoyée ou déposée dans la boîte aux lettres du centre des Finances publiques au plus tard le jeudi 16 mai 2019 (date uniforme pour l’ensemble de la France). Sous réserve de validation de la déclaration, l’usager recevra son avis d’imposition entre fin juillet et début septembre 2019.

De plus, l’adressage s’améliore. Une majorité de communes a ainsi procédé à la mise à jour des adresses. « Chacun doit avoir un numéro et un nom de rue. L’usager devra indiquer son « changement » [mention fictive, c’est le changement du nom de l’adresse, ndlr] de rue avec une date de déménagement au 31/12/2018 en indiquant également l’ancienne adresse « , révèle le directeur de la DRFIP. Si l’usager ne connaît pas encore son adresse, il existe un plan cadastral officiel (cadastre.gouv.fr).

La DRFIP a aussi mis en place un système de SMS (06.39.29.29.95) pour conseiller les usagers. « Dans 80% des cas, les services réussissent à résoudre le problème par téléphone. Les 20% restants obtiennent un rendez-vous« . Un dispositif permettant de réduire considérablement l’affluence aux services financiers.

Actuellement, la salle téléphonique des Finances publiques – quatre à six agents – reçoit près de 150 SMS et une cinquantaine de mails par jour. Le service ira également au contact de la population avec une réunion d’information dans chaque commune. Dzaoudzi ouvrira le bal le 17 avril de 9h à 12h, suivi de Pamandzi l’après-midi. Des agents des centres communaux d’action sociale seront aussi à pied d’œuvre à partir du 17 avril prochain.

Les danses de couple à la conquête de Mayotte

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Depuis des siècles, la danse rythme, souvent plus qu’ailleurs, le quotidien de Mayotte et de ses habitants. Lors des manzaraka, des fêtes de village, des cérémonies religieuses et même pour accueillir une personnalité, le corps des mahorais(e)s s’animent sur des mélodies traditionnelles aux battements des m’biwi. Cette culture de la danse perdure aujourd’hui encore, mais s’ouvre petit à petit à des disciplines plus contemporaines, venues d’autres lieux, d’autres époques. En tête de file, les danses de couple sensuelles comme la salsa, la bachata et la kizomba, qui font de plus en plus d’adeptes sur l’île aux parfums, au point d’y être devenues parmi les plus plébiscitées.

Mayotte danse le m’godro, le wadaha, ou encore le m’biwi. Et désormais, elle danse aussi la salsa, la bachata et la kizomba, appelées « SBK » par leurs adeptes. Venues des États-Unis, de République dominicaine et d’Angola, rien ne prédestinait ces disciplines à prendre le large jusqu’à la petite île hippocampe. Mais aujourd’hui, pas deux jours ne passent sans que n’y soit dispensé un cours dédié. À La Croisette, la piscine Koropa, au restaurant Al-pajoe, au Nord, au Sud et en Petite-Terre, les danseurs affluent par dizaines, parfois chaque soir, laissant les couples se faire et se défaire au rythme des sonorités faussement latines, dont la popularité grandit partout ailleurs depuis plus d’une décennie. S’il y a peu de temps encore, presque aucun cours de SBK n’existait à Mayotte, une demi-douzaine de professeurs l’enseignent désormais.

« Quand je suis arrivé ici, il n’y avait rien du tout à part un professeur d’école (scolaire et non de danse, ndlr) qui donnait quelques cours », se souvient Soilihi Mohamed Ali, fondateur de Cordanse, la première entreprise locale dédiée à l’apprentissage de la SBK. Passionné de longue date, il décide de se lancer il y a trois ans. Seul, Soilihi sollicite les entreprises, les écoles, les restaurants, pour y dispenser des cours et organiser des soirées autour de sa pratique. « Beaucoup de gens disaient qu’il ne se passait rien à Mayotte, alors ça a plu », sourit-il.

Des curieux viennent, puis reviennent. Certains pour la pratique, d’autres pour les rencontres. Quoi qu’il en soit, l’histoire dure : Cordanse compte aujourd’hui près de 120 élèves à l’année répartis à travers tout Mayotte. Chaque semaine, Soilihi arpente l’île : les lundis et mardis, il reçoit ses danseurs au Koropa, à Majicavo ; les mercredis et jeudis, il se rend en Petite-Terre ; les vendredis à Bambo-Est et les samedis à M’tsamboro. Ce dynamisme, partagé par tous les ambassadeurs de la SBK à Mayotte, est l’une des raisons de son succès particulièrement marqué depuis un an.

« LES GENS ONT COMMENCÉ À SE PROJETER DANS CES DANSES-LÀ »

S’ajoute à cela une dimension générationnelle. « Nous sommes dans un contexte de mondialisation, d’échanges intenses, notamment à travers Internet », analyse Victor Randrianary, chercheur en procédé de modernisation et de popularisation des musiques traditionnelles. « Je vois beaucoup de danseurs de hip-hop, par exemple, qui apprennent à danser via leur téléphone portable ».

C’est ainsi qu’est née la passion de Mahery pour la kizomba, qu’il a d’abord découverte sur les réseaux sociaux. Sur une vidéo, « J’ai vu un couple danser du semba, l’ancêtre de la kiz (sic), et j’ai voulu m’y mettre ». Depuis La Réunion où il vivait alors, il commence à suivre des cours avant de rejoindre un collectif local. Arrivé à Mayotte, il participe à l’essor de sa discipline qu’il enseigne bénévolement en tant qu’indépendant. « Depuis quasiment deux ans non-stop, on (les professeurs, ndlr) essaie de mettre en avant la SBK. Lorsqu’on a eu de la visibilité, les gens ont commencé à se projeter dans ces danses-là », se réjouit Mahery, également bien connu sous son nom de scène MisterM Kiz Heart Dance. Chacun des cours qu’il dispense attire, chaque mardi à Koropa, une vingtaine d’élèves.

Des élèves, justement, aux profils variés, hétérogènes. Des étudiants, des salariés, de tous les milieux sociaux, de tous les âges. Mais tout de même une majorité de mzungus, et plus particulièrement de « mzunguettes ». « On voit peu de Mahorais dans les cours de salsa et bachata, un peu plus en kizomba », relèvent de concert Mahery et Soilihi de Cordanse, qui s’accordent également sur la raison : ses rythmes plus urbains aux percussions plus marquées font écho aux danses afro et à la musique traditionnelle locale. « Ici, les gens sont encore très attachés à cet aspect traditionnel », constate pour la kizomba, qu’il a d’abord découverte sur les réseaux sociaux. Sur une vidéo, « J’ai vu un couple danser du semba, l’ancêtre de la kiz (sic), et j’ai voulu m’y mettre ». Depuis La Réunion où il vivait alors, il commence à suivre des cours avant de rejoindre un collectif local. Arrivé à Mayotte, il participe à l’essor de sa discipline qu’il enseigne bénévolement en tant qu’indépendant. « Depuis quasiment deux ans non-stop, on (les professeurs, ndlr) essaie de mettre en avant la SBK. Lorsqu’on a eu de la visibilité, les gens ont commencé à se projeter dans ces danses-là », se réjouit Mahery, également bien connu sous son nom de scène MisterM Kiz Heart Dance. Chacun des cours qu’il dispense attire, chaque mardi à Koropa, une vingtaine d’élèves.

Des élèves, justement, aux profils variés, hétérogènes. Des étudiants, des salariés, de tous les milieux sociaux, de tous les âges. Mais tout de même une majorité de mzungus, et plus particulièrement de « mzunguettes ». « On voit peu de Mahorais dans les cours de salsa et bachata, un peu plus en kizomba », relèvent de concert Mahery et Soilihi de Cordanse, qui s’accordent également sur la raison : ses rythmes plus urbains aux percussions plus marquées font écho aux danses afro et à la musique traditionnelle locale. « Ici, les gens sont encore très attachés à cet aspect traditionnel », constate MisterM Kiz Heart Dance. Une tradition qui, toujours, s’est façonnée et perpétuée au gré de la danse.

UN BIAIS CULTUREL, SOCIAL ET PLUS SI AFFINITÉS…

À Mayotte particulièrement, la danse se fait en effet relai de la vie sociale. Elle l’incarne pour toutes les générations. Soilihi Mohamed Ali en sait quelque chose, puisqu’il enseigne la SBK dans les écoles primaires, les collèges, les lycées, et même au centre universitaire. « Je voulais que les nouvelles générations (mahoraises, ndlr) découvrent ces danses qu’elles ne connaissent pas puisqu’elles ne font pas partie de leur culture, et souvent, on a peur d’aller vers ce qu’on ne connaît pas », analyse-t-il en constatant : « Finalement, c’est un véritable biais social ».

Aujourd’hui, cet apprentissage en milieu scolaire n’a plus rien de marginal. Professeure d’espagnol au lycée de Petite-Terre, Lola y donne chaque mercredi des cours de kizomba aux élèves de terminale, avec qui elle prépare même un spectacle de fin d’année. Aussi vrai que cette danse de couple semble bien loin que celles pratiquées par leurs parents ultramarins, les jeunes sont réceptifs. Et pour cause : ce sont eux qui ont demandé à leur enseignante de leur donner des cours de danse. « Ils savaient que je donnais des cours pour adultes (les jeudis soir au restaurant le Tour du monde en Petite-Terre, nldr), alors ils m’ont demandé d’en faire au lycée », se souvient la gérante de Full Kiz Mayotte.

Depuis deux ans, elle observe, séance après séance, la rigueur et la concentration de ses élèves évoluer. Et pas seulement. « Des jeunes provenant de milieux et de filières différentes collaborent autour d’un projet de spectacle qui demande de la cohésion, de l’assiduité aux répétitions et une bonne dynamique de groupe. La danse de couple permet aussi de travailler son rapport à l’autre et au corps. Je remarque une plus grande confiance en soi chez les élèves et une complicité est née entre eux. »

La danse fédère… et elle séduit aussi. Entre Lola et la kizomba, c’est littéralement une grande histoire d’amour. « C’est avec cette danse que mon conjoint m’a conquise. J’ai donc eu envie de la maîtriser, c’est lui qui m’a tout appris », raconte-t-elle. Car la danse est un atout de séduction, particulièrement lorsqu’elle se pratique en couple. À 32 ans, Abdelrazak en sait quelque chose. Arrivé à Mayotte il y a un an, il s’essaie alors à la kiz. L’expérience lui plaît, les femmes aussi. Avec la danse, « Je pécho ! (sic) » lâche-t-il sans gêne dans un rire sonore.

Mais si la salsa, la bachatta et la kizomba transpirent la sensualité, les mains baladeuses semblent y demeurer rares. « On est là dans une ambiance sérieuse, c’est un peu comme à l’école », raconte Youssouf alors qu’il s’octroie une pause à l’air frais, pendant son cours au Koropa. « Et puis on devient comme une grande famille », lance le jeune homme qui a cofondé le groupe May’Danse pour partager sa passion dans une ambiance conviviale. Près de lui, ses camarades regagnent la salle, boissons et paquets de chips dans les bras.

Ce mardi-là en effet, c’est le dernier cours de la session de trois mois, débutée en janvier. Alors, tous les apprentis, à l’issue de leurs efforts, partageront ensemble un grand repas le soir même, avant de se retrouver le week-end suivant pour quatre heures de stage, avant une grande soirée afro-latino.

LA FEMME, CETTE OEUVRE D’ART

Un dernier soir pour lequel les danseurs de tous niveaux affluent. « Un, deux et trois », les passes s’enchaînent et « changez de partenaires ». Évidemment, la kiz, mélange de salsa et de tango, se danse en couple. « Lorsqu’on débute, le plus dur c’est de se laisser guider », explique Sarah, la partenaire du professeur. Ici, c’est l’homme qui dirige la femme. « Il ne faut surtout pas essayer d’apprendre les pas, au risque de ne pas se laisser faire ! », commente la danseuse qui a commencé la kizomba deux ans plus tôt à Mayotte. Son conseil : fermer les yeux pour se focaliser plus facilement sur l’impulsion de son partenaire. Sarah danse depuis quinze ans, mais avec cette discipline, elle a trouvé une « connexion plus forte » qu’avec les autres. Cette connexion, Ibrahim la retrouve également au fil de ses danses et de ses cavalières. Lui aussi, danse depuis longtemps. Hip-hop, break dance, danses africaines, etc. Pour lui, c’est incomparable. « Les autres danses que je pratiquais s’exécutent en solo, avec la SBK, il faut faire briller sa partenaire, la mettre en valeur. L’homme est le cadre et la femme l’oeuvre d’art », développe le jeune homme avec passion. « D’ailleurs, on voit souvent que les spectateurs ont le regard tourné vers la cavalière ! » Plusieurs fois déjà, Ibrahim s’est entraîné avec des femmes qui avaient quelques difficultés à se laisser guider. Mais finalement, « ça n’empêche pas le corps de s’exprimer ! Lorsqu’on ressent le bonheur de sa partenaire, le temps s’arrête. » 

UNE HISTOIRE PAS À PAS

Loin des danses traditionnelles mahoraises, majoritairement bantoues et issues de la tradition arabo-musulmane, les différentes disciplines de la SBK sont apparues bien plus récemment. La bachata est l’une premières à voir le jour. Dans les années 60, ce mélange de boléro, de merengue et de tango rythmé par des influences africaines, émerge et se répand parmi les classes populaires de la République dominicaine. Longtemps considérée comme vulgaire du fait de ses origines, elle finit par se démocratiser dans les années 80 à 90. Initialement jouée par trois instruments, sa musicalité s’étoffe. Côté paroles, les textes, eux aussi, évoluent. Exit les histoires d’amertume, de misère, de débauche et d’adultère, la place est maintenant faite à l’amour romantique. Plus moderne, elle se commercialise enfin, s’écoute sur les ondes et s’exporte à travers le monde. Si elle se décline aujourd’hui sous plusieurs formes (sensuelle, urbaine ou fusion), la base de cette danse reste la même : l’ondulation du bassin.

À l’aube des 60’s, naît la salsa à… New York, où s’exilent nombre d’artistes cubains et portoricains. Lors des « jam-sessions », rencontres entre musiciens, les artistes étrangers apportent leurs influences aux sonorités du jazz, alors très en vogue. Timbales, cuivres, piano et basse commencent à résonner et animent les corps. Si le nom « salsa » (traduction de « sauce » dans les langues hispaniques) avait déjà été utilisé à Cuba quelques décennies plus tôt, il est « dépoussiéré » pour permettre à ce nouveau genre musical d’être commercialisé. À la croisée du Mambo et du Cha-cha-cha notamment, la salsa gagne rapidement l’Europe, puis le reste du globe où elle s’impose encore aujourd’hui comme l’une des danses latines les plus connues.

Dans les années 80, la kizomba est la dernière à émerger. Celle-ci se danse en trois temps, contrairement à la salsa et à la bachata. Elle trouve ses racines en Angola, au sud-ouest du continent africain. Dans l’une des langues parlées localement, « kizomba » signifie « fête ». Là-bas, on danse le zouk et le traditionnel semba. Influencées par la colonisation occidentale, les rythmiques africaines voient naître une nouvelle conception de la danse qui se pratique désormais en couple. Langueur, lenteur et sensualité sont maintenant de mise, les mouvements puisés dans le samba se simplifient. Le tronc reste fixe, le bas du corps marque le rythme. Le phénomène s’étend rapidement à toute l’Afrique. Aujourd’hui, la « kiz » est enseignée à Paris comme aux États-Unis.

2 ans et demi de prison pour la jeune belge interpellée avec 13 kilos de cannabis dans ses bagages

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Une jeune femme a été interceptée vendredi, à l’aéroport Roland Garros. Elle transportait dans ses bagages 13 kilos de résine de cannabis. Jugée en comparution immédiate cet après-midi, elle a été condamnée à 2 ans et demi de prison.

Une jeune femme originaire de Belgique a été interpellée vendredi, à sa descente d’avion, par des officiers de la douane, à l’aéroport Roland Garros.

La passagère détenait 13 kilos de résine de cannabis dans ses valises, d’une valeur marchande de plus de 100 000 euros.

La jeune mule a quant à elle déférée au Parquet de Saint-Denis aujourd’hui, puis, jugée en comparution immédiate, en début d’après-midi. Elle encourt jusqu’à 10 ans de prison et une forte amende pour trafic de stupéfiant.

Le procès de la mule belge

“Je savais que je transportais quelque chose d’illégal mais je ne savais pas que c’était de la drogue”

A la barre, la jeune femme de 20 ans, affirme que la valise lui a été remise par une personne et que tout était empaqueté. Le deal de départ était qu’elle accepte ce transport contre une semaine tout frais payé à la Réunion et 2 000 euros de cash en rentrant.

3 ans de prison ferme ont été requis à son encontre. Elle écope finalement d’une peine 2 ans et demi de prison avec mandat de dépôt et une amende douanière de 60 000 euros.

Un même réseau ?

Les explications de la jeune femme coïncident étrangement avec un dossier précédent. En effet, récemment, deux Marseillaises ont été arrêtées et condamnées à 3 ans de prison ferme pour avoir transporté de la drogue. Il s’agit à chaque fois de primo délinquantes.

Budget 2019 : « Les grands équilibres sont préservés, mais… »

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Mardi, dans l’enceinte de l’hémicycle Younoussa Bamana, les élus du conseil départemental ont voté le budget prévisionnel de la collectivité pour 2019 après avoir entendu l’avis du Conseil économique et social de Mayotte (Cesem), qui leur reprochait notamment le « peu d’informations mis à [sa] disposition lui permettant de mener une analyse circonstanciée« .

 

Une fois n’est pas coutume, l’assemblée générale du conseil départemental a débuté par une prière, ce mardi. Son objet ? Souhaiter un prompt rétablissement à son président Soibahadine Ibrahim Ramadani, hospitalisé fin mars à la suite d’un malaise et évasané à La Réunion. Depuis l’île intense, celui-ci a fait parvenir aux conseillers départementaux un message rassurant sur son état de santé, indiquant qu’il était sorti de l’hôpital et qu’il les rejoindrait à Mayotte d’ici quelques jours, leur souhaitant de « bons travaux« .

En son absence, c’est le deuxième vice-président du conseil départemental Hadj Mokho Issoufi Ahamada qui a animé les débats et le vote qui portaient ce mardi sur l’adoption du budget prévisionnel de la collectivité pour 2019. Pour rappel, c’est cet acte, dit « primitif », qui permet de prévoir et d’autoriser les dépenses et recettes de l’année. À sa clôture, fin 2018, il était excédentaire de 61 millions d’euros concernant les résultats de fonctionnement et de 28 millions d’euros pour les investissements. Pourtant, « nous avons hérité d’un budget déficitaire, aujourd’hui il est excédentaire« , a souligné en préambule de son intervention le deuxième vice-président du conseil départemental.

Pour l’année 2019, en montants cumulés, le budget est ainsi estimé à 449 millions d’euros, toutes sections confondues, dont 284 millions en budget de fonctionnement et 165 en investissements. Aussi le budget adopté ce mardi apparaît-il « soutenable« , selon les termes du président de la commission des finances, Ben Issa Ousséni, pour qui les « efforts de gestion » ont payé. En plus de satisfaire à ces exigences, les principales orientations de ce plan d’action chiffré consistent à poursuivre les politiques de solidarité engagées à l’égard des populations les plus fragiles, l’accompagnement des entreprises, communes et associations par le biais d’aides directes, ou encore la relance de la politique d’investissement.

« Normaliser la présentation comptable »

Se félicitant d’une « stabilité des ressources financières depuis trois ans » et d’une « relative amélioration » des comptes, le Département a dû défendre son bilan face aux critiques portées par le Conseil économique et social de Mayotte (Cesem), en amont du vote. Dans son avis en date du 5 avril, lu dans l’hémicycle ce mardi et dirigé par la vice-présidente du Cesem, Nadine Hafidou, il est notamment reproché au conseil départemental d’avoir fourni une présentation incomplète de son budget prévisionnel.

Le Cesem regrette le « peu d’informations mis à [sa] disposition lui permettant de mener une analyse circonstanciée des enjeux de la collectivité. De surcroît, des engagements portant sur des sujets majeurs, tels que le contrat de convergence, la politique de soutien aux communes, ou encore l’acquisition immobilière à Paris [du bâtiment de la Délégation de Mayotte, ndlr] sont déjà entérinés, laissant peu de marges de corrections possibles« , regrette l’organisme. Le conseil départemental est invité à « normaliser la présentation comptable » afin de permettre la « bonne information aux citoyens de l’activité du conseil départemental« . Et de s’alarmer des créances non recouvrées « voire irrévocables à hauteur de 40 millions d’euros » et de leurs causes.

 

Risques financiers et charges de personnels

Dans sa présentation, ce mardi, le directeur des finances a d’ailleurs bien estimé que même si « les grands équilibres étaient préservés, des facteurs de risque » persistaient et continuaient de peser sur la gestion de la collectivité. Parmi ceux-ci : des créances non recouvrées à hauteur de 45 millions d’euros (avec une provision de 10 millions en 2015), des créances fiscales de 2013 restant à honorer (18 millions d’euros au titre de l’impôt sur les sociétés), des provisions à hauteur de 5 millions d’euros pour les redevances de la délégation de service public du port de Longoni, ou à la Chambre de commerce et d’industrie pour le même montant.

Le Cesem conclut son avis en estimant que pour « louable » que soit le redressement financier du Département par le biais d’une « rationalisation des dépenses de fonctionnement« , « une telle politique ne devrait pas être mise en place au détriment du bon fonctionnement des services départementaux, ni au mépris des droits des agents« . Le Cesem fait ici référence à la réduction des charges de personnels et frais assimilés de la masse salariale, qui sont passés de 112 millions d’euros en 2016 à 103 en 2018. Des chiffres à prendre « avec les plus grandes précautions » selon le Cesem, qui s’inquiète d’une possible dégradation du fonctionnement des services « privés la plupart du temps des moyens de fonctionnement basiques et conditions de travail » (gestion des déplacements professionnels des agents, moyens informatiques, gestion des locaux, etc.) et qui se demande si cette « baisse apparente » intègre ou non les charges de personnels employés au RSA, dont la compétence vient d’être retirée au Département au profit de l’État (- 4,5 millions d’euros).

Le directeur des finances a de son côté indiqué que cette réduction des dépenses avait été portée par plusieurs « éléments favorables« , dont « la baisse des effectifs des emplois aidés », citant également des départs en retraite non remplacés, le transfert du budget des agents de la PMI au budget annexe, ou encore un contrôle accru dans l’octroi du supplément familial de traitement des agents de la collectivité, que la Cour des comptes avait durement épinglé en septembre dernier.

Bandrélé : un sentier de randonnée connecté

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La mairie de Bandrélé a inauguré ce week-end son sentier des crêtes, un chemin de randonnée aménagé sur les hauteurs du village du Sud-ouest de Mayotte. Financé en grande partie par l’Union européenne, ce projet a vocation à permettre aux touristes, mais aussi aux habitants, de découvrir la faune et la flore locales.

Espèces endémiques de l’île aux parfums, vues plongeantes sur le lagon, forêts sèches et humides, padzas, etc. Le nouveau sentier des crêtes aménagé de Bandrélé devrait ravir les adeptes de balades en nature. Ce chemin de 7,4 kilomètres, ponctué de bornes jaunes (voir carte) et de codes QR* à télécharger pour entendre (et reconnaître) le chant des oiseaux, vient d’être inauguré, en fin de semaine, par la mairie de Bandrélé. Pourvu d’aménagements divers comme des tables de pique-nique ou des farés, il s’adresse « à un très large public grâce à de la signalétique en shimaoré et en français« , précise la mairie dans un communiqué.

La durée de la randonnée est estimée à environ trois heures. Le chemin traverse la réserve forestière des crêtes du Sud et permet ainsi d’observer quelques sites exceptionnels tels que les monts Bénara et Choungui, la pointe Saziley, l’îlot de sable blanc du Sud et plusieurs zones de padzas. Concernant la faune, un inventaire répertoriant les différentes espèces présentes dans la zone est à la disposition des randonneurs, grâce à une signalétique dédiée. « Vous rencontrerez un certain nombre d’espèces endémiques, c’est-à-dire qu’elles ne vivent qu’à Mayotte. Par conséquent, si elles disparaissent de l’île, elles disparaissent complètement de la planète« , alerte la commune à l’attention des futurs visiteurs. Et d’énumérer les risques qui menacent directement cette biodiversité, entre déforestation, dérangement, braconnage, implantation de cultures vivrières illégales, pollutions et prédations par les rats ou d’autres espèces envahissantes introduites (ou non) par l’homme. Dès lors, les visiteurs sont invités à respecter quelques consignes de base, comme rester sur le sentier, tenir son chien en laisse, ne pas pratiquer la cueillette, ne pas faire de feu, emporter avec soi ses déchets.

Ce projet d’un coût total de 236.000 euros a été financé à 75 % par l’Union européenne, dans le cadre de l’appel à projet du Feader (Fonds européen agricole pour le développement rural) concernant les « aménagements touristiques pour l’accueil du public en zones forestières ou autres zones naturelles » lancé en 2016 par le service Europe de la Daaf (Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt). La commune et le Département ont respectivement contribué à hauteur de 16% et 8% de la facture.

« Je trouve ici des points communs avec Mayotte »

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Ils sont bien peu nombreux à s’être expatriés en Scandinavie. C’est pourtant le cas de Fanindat Vita, native de Mamoudzou, qui vit aujourd’hui à Stockholm avec son compagnon, après un retour à Mayotte de deux ans. Un pays dont elle vente les mérites, et auquel elle trouve quelques points communs avec son île natale.

« Cela peut paraître étrange, mais j’adore la neige » : d’un ton enjoué et d’un rire communicatif, Fanindat Vita – « mais je préfère qu’on m’appelle Fani Mwéndrézi, qui veut dire « vagabonde » en shimaoré », précise-t-elle comme un clin d’oeil à ses voyages – sait faire passer toute l’affection qu’elle a pour son pays d’accueil. À 33 ans, la Mahoraise a en effet choisi, avec son compagnon, de s’installer à Stockholm, la capitale suédoise. Un pays dans lequel elle avait déjà vécu et qui trouve grâce à ses yeux.

C’est à 18 ans que Fani quitte Mayotte, comme beaucoup de jeunes qui, pour poursuivre leurs études, doivent s’envoler vers la métropole. À Nîmes, dans le sud du pays elle débutera un cursus en gestion et administration des entreprises, avant de finalement rejoindre… Edimbourg, en Écosse, où elle officie comme assistante de langue dans un établissement scolaire. De retour en France pour achever son cursus de management en alternance, en se spécialisant cette fois dans les ressources humaines, elle sait qu’elle repartira à terme à la découverte de nouveaux endroits. Ce qui se produit, malgré une proposition alléchante : « On me proposait un contrat de travail en CDD avec une perspective de CDI à la clé, un projet très confortable et intéressant. Mais j’ai préféré le refuser car cela me paraissait être une cage dorée. Je me suis dit que si j’acceptais, je ne partirai plus. » Dans ses rêves, trois destinations possibles : la Nouvelle-Zélande, San Francisco et la Suède. Souvent cité comme un modèle en matière de ressources humaines et de management, c’est ce dernier pays qui obtient les faveurs de la jeune femme. Elle en rigole : « J’avais 25 ans, je me suis dit aussi que j’étais encore assez forte pour supporter le froid, mais que ça ne serait peut-être plus le cas quelques années après ! » Bilingue en anglais, déterminée, elle part avec seulement son sac à dos mais avec confiance. « Mais j’ai été un peu présomptueuse, se rappelle-t-elle. Si tout le monde ici parle anglais, la langue d’usage est bel et bien le suédois. J’ai bien galéré les premiers temps surtout pour trouver du travail. » Cela finit toutefois par arriver au bout de huit mois. Assistante administrative, elle reste un an en Suède avant de prendre la mer avec son compagnon, rencontré en métropole. « Il avait ce projet de voyager en voilier et voulait que nous le fassions ensemble. Je savais désormais que j’étais capable de repartir de zéro toute seule, alors nous l’avons fait », se réjouit-elle. Ils parcourent d’abord le nord de la Norvège, puis reviennent un temps vivre à Mayotte, avant de repartir pour traverser l’Atlantique et arriver en Guyane où ils s’installent deux ans, le temps de « refaire la caisse de bord. » C’est là qu’une bonne nouvelle intervient : « Je suis tombée enceinte, et j’avais toujours dit que je retournerai en Suède pour élever un enfant. Tout y est fait pour, c’est très confortable. »

Un pays moderne, mais fier de ses traditions

Un confort de vie, certes, mais aussi un beau pays. « Le sud de la France était joli, c’est vrai, mais les paysages ne m’avaient pas ému. Arrivant de Mayotte à cette époque-là, je comparais à ce que j’avais connu. Ici, en Suède, rien n’est comparable », s’amuse Fani qui détaille : « J’aime avoir quatre saisons, être dépaysée, j’aime aussi la langue et le système du pays qui est très différent. » Une contrée différente oui, mais à entendre la Mahoraise, pas forcément toujours très éloignée de Mayotte. « Beaucoup de choses me font penser à mon île », explique-t-elle. Hormis le fait que Stockholm soit un archipel et que « comme à Mayotte, on peut voir l’eau quasiment tout le temps », « La famille compte beaucoup en Suède, et on retrouve une forme de vie en communauté. De même, le pays plonge dans la modernité, un peu comme Mayotte, mais en restant fier d’être ce qu’il est, avec ses traditions. Un peu comme nous ! » Même la cuisine lui rappelle les goûts locaux : « Du poisson, mais aussi des préparations à base de cannelle et de cardamome, des épices que l’on utilise beaucoup sur l’île. »

Sans oublier… un certain turn-over. « Les Français de Suède pensent que les Suédois sont peu accessibles, défend-elle. Mais ils voient ici beaucoup de gens venir et repartir. C’est difficile de s’attacher dans ce contexte, de s’investir dans des relations de passage. J’ai connu ça à Mayotte, alors je les comprends et me suis fait pour ma part de nombreux amis ainsi. » En somme : bien qu’à quelque 8 500 kilomètres du 101ème département, « Je ne me sens pas perdue ici. Paradoxalement, je me sens même assez proche, d’autant que les Suédois voyagent beaucoup et ont une vraie culture de l’accueil. Ils sont peu nombreux (10 millions pour 445 000 m2), et ont donc conscience d’avoir besoin d’autres personnes. »

Des Suédois curieux

Ce n’est pas pour autant que les Suédois connaissent l’île aux parfums. « Certains oui, remarque l’expatriée, mais ce n’est généralement pas le cas. En revanche, ils sont très curieux et vont souvent regarder où se trouve l’île. Et d’une manière générale, ils ne sont pas surpris de voir débarquer une Mahoraise en Suède. La seule chose qu’ils se demandent, c’est pourquoi nous avons voulu rester français, car ils s’imaginent que c’est un système colonial. »

D’ailleurs, la même interrogation se présentait déjà lorsque Fani exerçait en Écosse. « Mes élèves avaient du mal à comprendre comment je pouvais être à la fois Française et de Mayotte », s’amuse-t-elle. Pour y remédier et faire connaître le territoire, elle avait alors récupéré quelques-uns des livres grâce auxquels elle avait appris à lire, enfant, dont Bao, l’enfant heureux, « un manuel avec lequel presque tous les enfants de ma génération ont appris à lire. » Elle le confie : « Je me suis rendue compte que j’avais besoin de ce genre de choses avec moi. J’ai également des ouvrages de Nassur Attoumani et de nombreuses photos de Mayotte ! » Le début d’une nostalgie ? Pas vraiment, mais le besoin de garder un lien : « Je n’ai pas quitté Mayotte pour marquer une rupture avec le territoire, l’île est une part de moi. Elle représente la moitié de ma vie. »

Pour autant, si la petite famille vient régulièrement en vacances, il n’est pour l’heure pas envisagé de revenir s’y installer. Même si son compagnon est « tombé amoureux du 101ème département », Fani ne retrouve plus vraiment l’île qu’elle a laissée. « Ce avec quoi j’ai grandi change, constate-t-elle. Je ne retrouve plus la bienveillance qu’il pouvait y avoir autrefois entre les gens. Le respect de l’autre disparait aussi. Mayotte perd ses valeurs, préférant rouler avec de gros 4×4 et manger des produits importés que cultiver sa façon d’être. »

De toute façon, « En l’état actuel des choses, je ne vois pas comment je pourrais revenir. Structurellement, l’île est comme en crise d’adolescence, plongeant dans la modernité rapidement. Tout va trop vite, rien que d’y penser c’est fatiguant. » Et de conclure : « Certains Mahorais essayent de faire bouger les lignes, mais très honnêtement, ceux qui prennent les décisions aujourd’hui sont pour la plupart très obtus dans leur façon de voir les choses. Moi, je n’ai pas la force de me battre tous les jours avec des gens comme ça pour que les choses avancent. »

Ses conseils aux jeunes de l’île

 » Le système français le permet, alors voyagez si vous le pouvez. C’est très important de ne pas vivre seulement dans la communauté mahoraise et d’aller voir ailleurs comment sont les gens et les choses. Cela permet de s’ouvrir, de se créer une réelle fenêtre sur le monde. Pouvoir voir autre chose est la plus grande des richesses à mes yeux. »

Des jeunes mahorais en mission dans la région

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Le 15 février dernier, le Département signait une convention de partenariat avec l’association France Volontaires, qui ouvre la possibilité aux jeunes Mahorais de participer à des missions de mobilité dans les pays de la zone océan Indien. Neuf personnes vont en bénéficier au cours des trois prochaines années.

 

Partir à l’étranger dans le cadre d’un volontariat de solidarité internationale (VSI) est possible depuis 1963. Plus de cinquante ans après sa création, ce dispositif de mobilité fait son entrée à Mayotte pour les trois prochaines années*, suite à la signature le 15 février dernier d’un partenariat entre le Département et l’antenne réunionnaise de France Volontaires pour la zone Afrique australe et océan Indien. L’idée ? « Ancrer Mayotte dans sa région et faire du territoire une plateforme économique dans le canal du Mozambique« , souligne Mohamed Sidi, vice-président chargé de la coopération décentralisée et des affaires européennes. Avant d’insister sur un point : « il est hors de question d’envoyer des personnes non qualifiées car nous sommes en recherche de reconnaissance. » Aussi, les jeunes sélectionnés auront-ils un rôle de « mini-ambassadeur » à remplir aux yeux des élus et dans leur futur terre d’accueil.

Alors pour trouver les neuf perles rares qui auront l’opportunité de vivre une expérience professionnelle dans un pays voisin, « un travail est mené avec la délégation mahoraise de Paris pour les identifier [les étudiants intéressés sur le point de finir leurs études en métropole, ndlr]« , confie Michelle Balourd, directrice des affaires européennes et de la coopération régionale au conseil départemental. À l’échelle locale, le Département sonde la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), la mission locale, Pôle Emploi ou encore le Centre régional d’information jeunesse (CRIJ) de Mayotte.

 

Entre 41.000 et 59.000 euros pour un an

« Si nous parlons bien de volontariat, les participants ne sont pas bénévoles pour autant« , précise Anne Korszuk, représentante de l’association France Volontaires. En effet, les participants pourront bénéficier d’indemnités mensuelles dites de subsistance, qui évoluent selon le pouvoir d’achat du pays d’accueil : entre 515 et 1.000 euros de revenu fixe, entre 250 et 500 euros pour le logement, entre 200 et 400 euros pour les frais de déplacement ou encore 100 euros pour les frais de communication. Les montants sont relativement différents que vous soyez à Madagascar, en Afrique du Sud, ou au Kenya… »Une mission d’un an représente un coût variant de 41.000 à 59.000 euros. » Des chiffres non négligeables qui expliquent pourquoi les heureux élus doivent répondre à des critères bien précis : avoir entre 21 et 33 ans mais aussi un diplôme avec une certaine expertise.

« Avant de partir, une formation de volontariat d’une semaine est dispensée pour permettre au volontaire de se positionner face à son engagement« , dévoile Anne Korszuk. Et il y a bien évidemment un accompagnement durant toute la période effectuée sur le sol étranger, qui peut aller d’une à trois années : « tout dépend de l’autonomie du volontaire mais bien souvent, nous sommes en contact par Skype ou Whatsapp au moins une fois par semaine, ou tous les jours comme lors du récent attentat à Nairobi. »

 

Mozambique, Madagascar, Seychelles…

Actuellement, il est encore trop tôt pour connaître la date de départ des trois Mahorais qui doivent bénéficier du programme dès cette année. De même, l’intitulé exact des différentes missions reste inconnu. Chez le voisin réunionnais, 60 % d’entre elles relevaient de projets économiques, tandis que les 40 % restants étaient en lien avec la francophonie. « Nous avons déjà démarché un certain nombre d’organismes au Mozambique, à Madagascar et aux Seychelles« , rassure Michelle Balourd. Et bien souvent, « des offres remontent directement des partenaires et des ambassades, mais nous avisons également en fonction des demandes politiques des collectivités« , ajoute Anne Korszuk. Quelles que soient les destinations et les missions, les participants vont revenir avec « des compétences améliorées et renforcées« , selon Michelle Balourd. Si ce dispositif n’est pas accessible à tous, il a vocation à bénéficier, à terme, à l’ensemble du territoire.

 

Six objectifs précis dans la région océan Indien

Les objectifs principaux de ces missions de mobilité seront de faciliter la coopération économique entre les acteurs partenaires, d’apporter un appui technique visant à l’accompagnement et à la mise en place de projets, au développement de l’esprit d’entreprise et la promotion des PME ainsi que les échanges économiques et touristiques, d’étudier les marchés locaux et d’identifier les opportunités de connaître la législation spécifique (statistiques, enjeux politiques, socio-économiques), de renforcer l’organisation technique et administrative des organismes partenaires d’accueil, d’informer les acteurs des pays d’accueil des spécificités du marché mahorais et de favoriser la mise en relation. Il s’agira enfin de créer un point focal pour rassembler les structures publiques et privées de Mayotte dans le pays partenaire.

*Le conseil départemental cofinance pour les trois prochaines années la mise en mission d’au moins neuf volontaires mahorais, à hauteur de 15% du coût total.

Les personnels de santé en première ligne

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Afin de pallier le manque de médecins à Mayotte, une session de formation des infirmiers et puéricultrices de la Protection maternelle et infantile (PMI) a été mise en place à la Direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS). L’ambition est de permettre aux personnels de santé d’effectuer des vaccinations sans la présence d’un médecin afin d’améliorer la couverture vaccinale sur le territoire.

Il s’agit d’un « sujet plus qu’important à Mayotte« , a affirmé Issa Issa Abdou, vice-président du conseil départemental en charge du social et président du conseil de surveillance du CHM, lundi matin dans les locaux de la DJSCS. La couverture vaccinale des enfants est insuffisante dans le 101ème département et plusieurs cas de maladies graves ou mortelles auraient pu être évités par ce biais. C’est le cas notamment de l’épidémie de coqueluche débutée en 2017, qui avait entraîné la mort de deux nourrissons. À ce jour, de nombreux enfants ne sont toujours pas correctement protégés contre les maladies infantiles à Mayotte, au risque d’entraîner une recrudescence d’épidémies.

Afin de pallier le manque de médecins et de développer la couverture vaccinale sur l’île, les infirmiers se sont vus attribuer la prise en charge des vaccinations. Le conseil départemental, l’ARS OI et la DJSCS organisent donc depuis lundi une semaine de formation pour aboutir à une autonomie « pleine et entière » – sur prescription médicale – des professionnels de santé vis-à-vis de la vaccination. « De nombreux pays fonctionnent déjà de cette manière. En métropole, il y a des centres de vaccination qui fonctionnent comme cela avec une délégation de tâches entre les médecins et les infirmiers, mais ce dispositif nécessite que les infirmiers soient formés« , a assuré lundi Daniel Floret, professeur de pédiatrie et vice-président de la commission de la Haute autorité de la santé de la vaccination.

Daniel Floret, professeur de pédiatrie et vice-président de la commission de la Haute autorité de la santé de la vaccination. 

Une centaine de médecins pour 100.000 habitants

Pour former et suppléer les personnels de santé dans cette mission, une réserve sanitaire est mobilisée sur le territoire depuis le 6 avril et jusqu’en septembre prochain. « Une rotation – toutes les trois semaines – sera réalisée, permettant de relancer le service de la PMI. Les professionnels venant de métropole renforceront les structures existantes, au moins pendant la période de formation« , indique le conseiller médical de l’ARS OI.

Selon Daniel Floret, l’insuffisance de personnels est due en grande partie à l’insuffisance de personnels sur le territoire mais également au fait que les structures qui assurent la vaccination, et notamment la PMI, ne sont pas « forcément opérationnelles » à l’heure actuelle. En effet, tandis que la métropole compte une moyenne de 400 médecins pour 100.000 habitants, le 101ème département ne dénombre qu’une centaine de médecins pour la même densité d’habitants. « C’est donc plus qu’un désert médical« , a déploré Issa Issa Abdou.

Une situation que le taux de naissances sur l’île aux parfums – le plus élevé d’Europe avec 800 naissances par mois – rend encore plus difficile à gérer. « Nous n’avons pas forcément de personnels pour couvrir, de manière absolue, ces 800 naissances« , a regretté Abdon Goudjo, conseiller médical à l’Agence régionale de santé océan Indien (ARS OI).

Une session de formation des infirmiers et puéricultrices de la Protection maternelle et infantile (PMI) avait lieu, lundi matin, dans les locaux de la DJSCS.

Une prépa médecine à Mayotte ?

À ces constats s’ajoutent quelques défaillances techniques qui auraient été constatées au sein de l’administration centrale de la PMI assurant la prise en charge des enfants. « Il y a eu une dégradation du service depuis ces quatre dernières années avec un manque de personnels renouvelés. Il va falloir qu’ils [les responsables de la PMI, ndlr] trouvent des moyens de le rendre plus attractif afin d’attirer les professionnels. Actuellement, c’est une des difficultés du département« .

Afin d’y remédier, le Département a pour projet d’ouvrir une classe préparatoire en médecine en septembre prochain. »Nous avons déjà organisé des réunions et nous allons continuer entre l’ARS et le rectorat. C’est un pari qui est en train de prendre forme. Nous devons préparer l’avenir, notre avenir« , a annoncé le vice-président du conseil départemental en charge du social lundi. À Mayotte, le numerus clausus – nombre restreint d’étudiants à pouvoir accéder à la deuxième année de médecine – exclut de fait les étudiants mahorais. « Nous allons miser sur nos jeunes Mahorais et sur leur amour pour Mayotte. Nous souhaitons former de futurs médecins mahorais qui resteront à Mayotte pour construire le futur« .  

Sénateur Thani Mohamed Soilihi : Je travaille pour les générations futures

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(Entretien paru le vendredi 29 mars 2019)

Évolution institutionnelle, amendement en faveur de la lutte contre l’immigration clandestine, élections présidentielles en Union des Comores, mais aussi coopération régionale ou travail de la Justice, le sénateur Thani Mohamed Soilihi répond à nos questions.

SUR LE DÉPARTEMENT

Mayotte Hebdo : Vous portez avec le Conseil départemental le projet d’évolution institutionnelle, qui tend à transformer le département en département-région. Non sans inquiétudes. Où en est le processus ?

Thani Mohamed Soihili : Il serait vraiment opportun que les gens se calment sur ce sujet. C’est une proposition d’évolution institutionnelle émanant d’un groupe de travail du Conseil départemental que j’ai transformé en proposition de loi. J’ai mis la proposition sur la table pour que chacun puisse justement y apporter des suggestions de modifications, d’ajouts, ou de retraits de certains points. Au lieu de ça, on entend des commentaires complètement ubuesques, provenant soit de gens qui n’ont pas lu le projet, soit qui l’ont lu, mais qui n’ont manifestement pas compris.

Il y a une chose très simple à comprendre : en votant il y a 10 ans pour la départementalisation, il s’agissait déjà d’un projet de département exerçant les compétences d’une région. C’est donc une suite logique. Aujourd’hui, pourquoi y a-t-il besoin d’évoluer ? Parce qu’au bout de 10 ans, on se rend compte de deux choses : non seulement la compétence départementale n’est pas aboutie, avec le volet social qui reste à parfaire ; mais les compétences régionales qui sont déjà sur le papier n’ont pas non plus les dotations qui vont avec. Leur exercice n’est donc pas clair.

Les Mahorais ne cessent de comparer le développement de Mayotte avec celui de La Réunion. Ils citent notamment la route du Littoral et celle des Tamarins, qui sont des projets qui coûtent plusieurs millions, voire des milliards d’euros. Nous, pour une malheureuse piste longue ou un malheureux contournement de Mamoudzou, on n’arrive pas à mettre en place les projets. Mais la différence est que les grands projets de La Réunion sont portés par la région. Elle a plus de moyens qu’un département. Cela me semble aller de soi.

MH : La grande crainte qui émane de ce projet est d’amener Mayotte, à terme, vers l’autonomie. Puisque ce n’est pas le cas, qu’est-ce qui vous parait mal compris ?

TMS : On ne peut pas aller vers plus d’autonomie, ou vers l’article 74 de la Constitution, sans passer par un référendum. Il faut être clair là-dessus. Je pense que la confusion vient du fait que la collectivité unique – le département-région, dont nous avons été les premiers à bénéficier – a depuis été copiée par la Guyane et la Martinique, qui sont département depuis 70 ans. Or, il est vrai que les Guyanais pourraient peut-être être intéressés par un statut plus autonome. Je dis bien « peut-être», car en discutant avec certains collègues guyanais, ils ne sont pas du tout encore dans cette démarche-là.

Mais quand bien même, aujourd’hui, s’ils avaient l’idée d’évoluer, il faudrait que cela soit validé au niveau constitutionnel. Cela doit partir d’une volonté, et nous n’avons pas cette volonté-là à Mayotte. Dans ce texte, je mets au défi quiconque de me dire quel article ou quelle disposition du texte pourrait y mener. Ce qui se trouve dedans, c’est l’exercice clair et entier des compétences régionales et des compétences départementales. Les Mahorais n’ont jamais aspiré à un statut qui tendrait vers l’autonomie, je ne vois pas ce que ça vient faire dans la discussion.

Par les temps qui courent, cela fait bien de suspecter tout le monde de tout et n’importe quoi, mais encore une fois, dans ces travaux, il n’y a rien qui puisse permettre d’avoir ces suspicions.

« NOUS VIVONS AVEC DES VOISINS, QU’ON LE VEUILLE OU NON »

Autre explication possible : lorsque le Conseil départemental a parlé de ces travaux, il a été question de supprimer le terme « département ». Mais j’ai été parfaitement clair : j’ai demandé que le nom soit celui de « département-région » pour éviter toute ambigüité. Il s’agit d’un département pleinement et entièrement, et d’une région pleinement et entièrement.

MH : Nous parlons de compétences, mais le Département a encore du mal à assumer celles qui sont les siennes. N’est-il pas trop tôt pour lui demander d’assumer celles d’une région ?

TMS : Ce n’est pas trop tôt, et j’ai même envie de dire que c’est déjà trop tard. C’est en effet prévu dans le texte : normalement, le Conseil départemental d’aujourd’hui devrait, dans les faits et sans que l’on ait quoi que ce soit à changer, exercer les compétences d’une région. C’est d’ailleurs ce qu’il se passe en matière de formation. Ce que nous souhaitons, c’est de la clarification. Les missions incombant à la région et qui doivent être exercées par la collectivité de Mayotte doivent être claires, et avec les budgets correspondants.

Par ailleurs, moi je ne travaille pas pour les gens qui sont en place, mais pour les générations futures. Préparons donc les choses pour elles. On parle des générations en place, mais qui vous dit que le président Soibahadine sera candidat à sa propre succession ? Et si c’est le cas, qui vous dit qu’il sera réélu ?

Ceux qui ont des doutes sur la capacité du Conseil départemental à se gérer à l’heure actuelle, alors qu’ils soient candidats pour prendre les reines derrière. Qui sont ces défaitistes qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez ? Au lieu d’être courageux et candidats pour influer sur les évènements, ils préfèrent dire « On ne change rien », tout en disant « Cela ne va pas en ce moment. » J’ai un métier, la politique n’est pas ma profession, alors je ne fais pas ça pour la génération actuelle. Moi, j’espère sincèrement que nos enfants et petits-enfants seront mieux que nous, et ferons mieux que nous.

MH : La fenêtre est assez courte pour ce projet de loi puisque c’est cette année qu’il doit être inscrit…

TMS : C’est en quelque sorte l’année de la dernière chance, oui, car un tel projet ne sort pas d’un chapeau, cela date de la précédente mandature. Si on veut rattraper le calendrier des prochaines élections régionales en 2021 donc, c’est maintenant ou jamais. Cette proposition, je ne souhaite pas qu’elle soit autonome : je l’ai concocté à l’issue des travaux du Conseil départemental et j’espère qu’elle pourra se greffer en totalité ou en partie au projet gouvernemental du Plan Mayotte qui, dans sa mesure 48, aborde cette évolution institutionnelle. Je tâche de nous raccrocher au wagon, mais il faut arrêter de faire du surplace. Le danger de ces discussions stériles est-ce que le gouvernement ne voient pas de consensus ni accord.

MH : Le Conseil départemental est dans la tourmente, avec la mise en examen du président Ramadani et de cinq de ses collaborateurs. Si la présomption d’innocence prévaut, cela ne porte-t-il pas tout de même un coup de plus à la crédibilité des élus locaux ?

TMS : J’ai l’habitude de ne jamais commenter ces affaires au nom de la séparation des pouvoirs judiciaires, législatifs et exécutifs. Je ne le ferai donc ni pour la procédure ni pour les faits présumés. Toutefois, dans une démocratie, il est important que chacun fasse son travail et que chaque compétence soit exercée. Aujourd’hui, si la Justice s’intéresse à des faits considérés comme litigieux, nous avons le devoir de lui faire confiance. Elle doit aller jusqu’au bout.

Pour les personnes concernées, cela n’est jamais agréable, et humainement elles ont tout mon soutien, quel que soit le bord politique. Mais démocratiquement, cela ne doit pas nous inquiéter, car la Justice est l’un de ces opérateurs de régulation. Il faut que l’on sache s’il y a ou non des choses répréhensibles. Si ce n’est pas le cas, alors tant mieux. Si la culpabilité de ces personnes devait être retenue, alors la Justice sera passée conformément à ce qu’il se passe dans une démocratie.

 

INTERNATIONAL

MH : Votre amendement portant adaptation du droit du sol à Mayotte est désormais effectif. On sait qu’il va nécessiter un temps de mise en place puisque les officiers d’état civil doivent y être formés, notamment. Mais a-t-on déjà des premiers retours ?

TMS : La mise en route est complètement d’actualité puisque le 27 mars, je dois intervenir avec le Procureur de la République* lors de la formation des officiers d’état civil pour qu’ils sachent comment procéder. Il est donc encore trop tôt pour avoir des résultats et tirer les premières conclusions.

Je le répète : ce n’est pas la potion magique pour lutter contre l’immigration clandestine, mais c’est un élément de plus dans l’arsenal législatif. Il faut également lutter contre le travail illégal, contre les marchands de sommeil, contre les reconnaissances de paternité de complaisance, contre les faux documents, etc. Quand tout ça sera fait de manière concomitante, alors on pourra espérer voir des résultats.

Toutefois, sans dire qu’il y a un lien de cause à effet, depuis que l’on parle de ces amendements, avec la « campagne de sensibilisation » qui est menée autour, il semblerait que les reconnaissances frauduleuses aient chuté de 30 %. J’espère que cela a un lien avec ces amendements, car cela tendrait à démontrer que oui, l’immigration clandestine n’est pas un problème insoluble et qu’avec des moyens et de l’énergie on peut arriver à des résultats.

MH : Ce n’est pas un problème insoluble, non, mais c’est un problème qui se fait pressant. Les derniers chiffres du recensement montrent en effet que près de la moitié de la population est étrangère. Bien que l’on perçoive une prise de conscience de l’État de la situation de Mayotte, notamment avec les rapports récents de la commission des Affaires étrangères et de la commission des Lois**, le chantier demeure immense. Quelles seront les prochaines étapes pour accélérer la régulation de la question migratoire ?

TMS : Je vois trois étapes pour ma part, avec en premier lieu l’accentuation de la lutte contre l’immigration clandestine afin que les personnes en situation irrégulière présentes sur le territoire puissent repartir. Si on veut construire un territoire comme Mayotte, on ne peut pas faire l’économie de cela. Il faut ensuite aller plus loin, l’intensifier. En ce sens, les propos tenus par le président de la République lors du Grand débat avec les maires ultramarins, évoquaient l’équivalent du plan Harpie mis en place en Guyane. J’attends avec impatience que cela puisse avoir lieu avec une grande campagne incluant possiblement les militaires, pour donner un coup de fouet à cette lutte.

Enfin, il y a un troisième élément dont personne ne semble parler. Il s’agit de la fixation ou du retour des Mahorais partis de chez eux. Le solde migratoire est négatif : il y a plus de départs que d’arrivées malgré l’immigration clandestine. C’est quand même une tragédie ! On ne va pas fixer les Mahorais avec des paroles, mais avec une meilleure attractivité : baisse de l’insécurité, création d’emplois, etc. C’est aussi important, voire plus important, que le reste que les Mahorais puissent rester et s’épanouir sur leur territoire.

MH : Dimanche 24 se déroulait le premier tour de l’élection présidentielle de l’Union des Comores, à l’issue duquel Azali Assoumani a été réélu. On sait le contexte sur place tendu avec les accusations de coup d’État constitutionnel portées contre le président, mais aussi un climat insurrectionnel à Anjouan il y a quelques mois. Sensibilisez-vous le gouvernement aux conséquences que cela peut avoir sur Mayotte ?

TMS : Le gouvernement est évidemment conscient des répercussions possibles sur Mayotte. Il faut être réaliste : ce sont des voisins immédiats et malheureusement, tout ce qui se passe chez eux peut avoir des conséquences chez nous. Le gouvernement a anticipé ce moment très sensible en suspendant les discussions menées avec les Comores sur l’accord-cadre à conclure. C’est tout à fait normal que l’on ne mélange pas les choses dans ces moments et que l’on attende.

Mais il faut être réaliste : on voit bien qu’une partie de la solution se trouve dans notre capacité à dialoguer avec nos voisins – pas seulement les Comoriens, mais tous nos voisins – et à coopérer en vue de ce qu’on appelle aujourd’hui la coopération régionale. Il est important de participer à des actions de codéveloppement afin de fixer chez elles les populations qui sont attirées par notre territoire, et d’apaiser nos relations. Nous devons nous engager dans cette démarche sérieuse, car nous pouvons aussi avoir à gagner. Le Mozambique, par exemple, est un pays à fort potentiel avec qui nous avons le swahili en commun. C’est cette vision globale que j’aimerais qu’on ait à l’esprit plutôt que de rester obnubilé par ce qu’il se passe aux Comores.

MH : Les négociations autour de l’accord-cadre reprendront donc après ?

TMS : Nous n’avons pas le choix. Nous sommes français et européens, mais nous vivons avec des voisins, qu’on le veuille ou non. Une entente intelligente est préférable à des relations uniquement fondées sur la menace et la peur. Il faut arrêter avec ces visions du chaos. On doit continuer à lutter contre l’immigration clandestine, mais continuer à prôner des rapports apaisés avec notre voisinage.

 

* Entretien réalisé le lundi 25 mars.

**Mayotte Hebdo n°868 et 871.

L’incroyable histoire de l’îlot Mbouzi

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Ce lundi, Vincent Boullet, botaniste et chercheur à l’université de Bretagne occidentale, animera dans le cadre d’un café Naturaliste une synthèse de ses travaux au restaurant La Croisette, à 18h, où il expliquera comment la mise en réserve de l’îlot Mbouzi a permis d’y protéger et d’y favoriser le développement de la végétation naturelle.

 

Michel Charpentier (à g.), le président de l’association Les Naturalistes de Mayotte, et Vincent Boullet, botaniste et chercheur ayant fait de nombreuses missions sur Mayotte depuis 2003, ont raconté leurs anecdotes sur l’îlot de Mbouzi au cours d’un point presse.

Très bon connaisseur de la flore et de la végétation de Mayotte pour y avoir fait de nombreuses missions depuis 2003, Vincent Boullet connaît plus particulièrement l’îlot Mbouzi : un monde insulaire vaste de 80 hectares, situé en plein cœur du lagon et dont le point culminant atteint 153 mètres. Un îlot qu’il s’amuse à définir comme « une petite Grande-Terre en miniature« .                                                                                           

Pour le chercheur, plusieurs facteurs expliquent l’originalité de cette île, devenue réserve naturelle en 2010. Tout d’abord son relief, qui génère  « une étonnante biodiversité et des effets de crêtes« , mais aussi ses vents d’alizés du sud-est qui dessèchent la végétation, « essentiellement des plantes à feuilles caduques« . Mais ce n’est pas tout. L’endroit se caractérise par une diversité de substrats géologiques. Trois grands types de roches s’y dégagent : les phonolites, les basaltes et les scories.

 

Première photo aérienne en 1949

Le premier destin humain s’y dessine en 1936, avec l’arrivée d’une communauté de lépreux. « Quarante malades se sont installés sur la baie des makis. Leur nombre a même atteint 150 entre 1940 et 1950« , raconte Vincent Boullet. Vivant en autarcie, le groupe cultive du manioc, du riz et du maïs, les plantes des bananiers et des orangers, pèche, élève un troupeau de chèvres et cultive du tabac pour le revendre et acheter des vivres, probablement au cours des va-et-vient des autorités sanitaires. « Un chercheur a réalisé une étude durant la période de la léproserie, mais il n’a pas trouvé de photos. »

En effet, le premier cliché aérien de l’îlot remonte à 1949 lors des premières couvertures de l’Institut géographique national (IGN). Sur cette image se dévoile une agriculture abondante, des pentes de 40 à 50 degrés et des reliques de boisement. Trois villages font aussi leur apparition autour de la communauté. « Les Mahorais se trouvaient derrière, sous les arbres, les Grands Comoriens à l’ouest et les Anjouanais à l’Est. Ces derniers avaient construit une trentaine de bangas, pour une population estimée à une quarantaine de personnes. Mais nous n’avons aucune information sur eux, nous ne savons quand ils sont apparus. »

Une vingtaine de familles de Passamaïnty

Le départ des quinze derniers lépreux, en 1955, sonne comme une trêve. Jusqu’en 1968, lorsqu’une vingtaine de familles venues de Passamaïnty décide de s’implanter. « Le grand plateau au pied des montagnes a des terres très fertiles, donc il y avait un réel intérêt agricole. » L’île se reboise alors très rapidement, grâce à l’aide de la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Daaf) qui plante des bois noirs. « À un moment, nous avions tendance à privilégier les espèces exotiques alors qu’aujourd’hui, ce sont davantage des espèces indigènes pour limiter l’érosion. »

Le conte de fée prend fin en 1992 au terme d’une évacuation manu militari. En effet, la propriété de la terre est revendiquée afin d’y exploiter une grande carrière. « Il y a eu un certain nombre d’écrits dans les journaux et un procès. » Une bataille juridique s’engage alors, au terme de laquelle la revendication de propriété pour usage commercial est jugée illégale en 1997.  L’association Terre d’asile y prend alors ses quartiers, occupant trois hectares du territoire. Elle  y implante alors des makis, dont le nombre atteint 750 individus en 2010. Mais cette initiative n’a pas que des effets positifs puisque « leurs placettes de nourrissage surélevées ont eu comme conséquence la présence de 20.000 rats sur l’île. »

Depuis son passage au statut de réserve naturelle, seuls des braconniers osent encore s’y aventurer, paradoxalement. « L’accès n’est pas interdit mais il est compliqué« , explique Michel Charpentier, le président de l’association Les Naturalistes de Mayotte. Il n’existe en effet aucun sentier praticable, excepté la baie des makis, et la surface des plages est réduite. Parmi les restrictions prévues dans le cadre du statut protecteur, il n’est pas possible de jeter l’ancre ou encore de pêcher dans la zone marine qui entoure l’îlot, sauf en pirogues. Les bivouacs et les feux y sont naturellement prohibés, tout comme le portage de produits végétaux, animaux ou minéraux.

Un choix tout à fait compréhensible puisque l’histoire humaine atypique et le passé agricole de Mbouzi ont ravagé entre 95 et 98 % de ses terres au cours de toutes ces années d’exploitation. Avant que l’environnement, doté d’une très grande richesse et diversité, ne reprenne finalement ses droits naturels. Intitulé « L’îlot Mbouzi, un destin de nature unique aux Comores« , le prochain café Naturaliste animé par Vincent Boullet risque bien de vous laisser sans voix… Rendez-vous ce lundi 8 avril, à 18h, au restaurant La Croisette.

Lavie Maturafi : Doctorante en sciences du langage

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ORIGINAIRE DE BARAKANI DANS LA COMMUNE DE OUANGANI, LA JEUNE TRENTENAIRE LAVIE MATURAFI EST SPÉCIALISTE DU LANGAGE. ELLE TRAVAILLE NOTAMMENT SUR LA LANGUE MAHORAISE ET CE CONCEPT QU’ELLE APPELLE LE « SHIMAHOZUNGU ».

La linguistique n’était pas le choix initial de Lavie Maturafi. Après un baccalauréat littéraire obtenu au lycée de Sada en 2007, la Mahoraise originaire de Barakani s’envole pour l’Hexagone où elle entame une licence de psychologie à l’université Paul Valéry de Montpellier (34). « Je ne m’étais pas assez renseignée sur le parcours », reconnaît la jeune femme qui décide de se réorienter à la fin de la première année. « Le changement a été brutal », se rappelle-t-elle. « Je n’avais jamais été à la fac, jamais pris de cours en amphithéâtre. Je ne m’y retrouvais pas du tout ».

Une fois en licence Sciences du langage, Lavie Maturafi est « dans son élément ». L’étudiante de l’époque, ravie de cette « continuité », donne enfin un sens à ses études post-bac. Le cursus propose notamment d’intéressantes options pour la jeune femme, tels que des cours de communication et de lettres modernes. Une fois sa licence en poche, Lavie Maturafi poursuit avec un master 1, puis un master 2 dans le même domaine. Son premier mémoire s’intitulera « Analyse des discours médiatiques, institutionnels et politiques ». Un thème choisi avec l’objectif d’analyser les discours radiophoniques et les textes de presse, entre autres.

En master 1, l’étudiante de l’époque se penche sur la gestualité et la mimogestualité de Nicolas Sarkozy. Elle lui accordera son mémoire entier. « Je ne savais pas où j’allais avec Nicolas Sarkozy », confie Lavie Maturafi qui préfère traiter de sa langue maternelle en master 2. Un projet sur lequel elle avait déjà entamé une première ébauche en licence, lors d’un sujet sur les langues du monde où elle avait abordé celles de Mayotte. « Les questionnements ont commencé à se bousculer dans ma tête. Je n’avais pas pris conscience que le shimaoré pouvait s’écrire », déclare Lavie Maturafi. Son deuxième mémoire s’intitule « Étude prosodique du français et du shimaoré dans le parler quotidien et celui des médias ».

Elle y confronte les discours de la chroniqueuse radio de Mayotte 1ère, Saandati Sorribas à sa belle-sœur Fostin. « Je voulais comparer le parler radiophonique et le parler du quotidien », commente Lavie Maturafi.

Avec une amie de la faculté, elle met également en parallèle le discours de Flavie Flament, animatrice de télévision et de radio française afin de « dégager les spécificités des différents discours », explique-t-elle. Pour le cas de Mayotte, Lavie Maturafi remarque que dans les deux discours, le français et le shimaoré s’entremêlent. Constatation qu’elle déploiera dans sa thèse une fois son master 2 en poche.

SHIMAORÉ VS LANGUE FRANÇAISE

« Le français et le shimaoré à Mayotte : influences réciproques », tel est le nom de la thèse de Lavie Maturafi, sur laquelle elle travaille actuellement. En effet, dans un discours censé être tenu en shimaoré, les interlocuteurs insèrent très souvent des termes français. Un mélange des deux langues que la linguiste appelle « le shimahozungu ». Sous la direction d’Agnès Steuckardt de l’université de Montpellier 3, Paul Valéry, le projet de thèse a été motivé par son professeur Fabrice Hirsch. « Durant mon master 2, j’avais eu du mal à trouver de la documentation sur le shimaoré », déplore Lavie Maturafi. Encouragée par son professeur, elle décide de « creuser » et de récolter un maximum d’informations sur la langue mahoraise et cet emboîtement du français et du shimaoré.

Doctorante et future linguiste

À tout juste 30 ans, Lavie Maturafi est doctorante et future linguiste. Ses travaux portent sur le shimaoré, qu’elle souhaite contribuer à formaliser dans sa forme écrite.

 

CE QU’ILS EN DISENT

Djaoulati, soeur de Lavie Maturafi

« Une lionne »

« C’est une femme battante qui sait ce qu’elle veut, prête à faire des sacrifices pour y parvenir. Pour arriver à ce stade, elle a beaucoup souffert. Elle a dû se battre, même maintenant, pour faire reconnaître son travail. Lavie est une lionne. Une femme de caractère qui arrive à s’imposer. Elle est un exemple ».

« APPRENDRE QUI NOUS SOMMES RÉELLEMENT »

UNIFORMISER LE SHIMAORÉ À L’ÉCRIT

Le shimaoré est une langue de tradition orale qui ne connaît aucune transcription écrite officielle. Épaulée par divers chercheurs issus de divers horizons, la première étape a été de définir un alphabet mahorais. « C’est important de voir comment on allait écrire les sons de la langue », explique la linguiste. « Il faut différencier absence d’écriture et absence d’alphabet fixe. Le shimaoré et le kibushi sont certes de tradition orale, mais les langues s’écrivent depuis de nombreuses années. Tant à travers les caractères arabes que les caractères latins », fait remarquer Lavie Maturafi qui souligne tout de même que « les locuteurs non-avertis se calquent généralement sur le système du français ».

L’écrit reste une des difficultés majeures de la langue locale.

En prenant l’exemple de la danse traditionnelle « deba », nous pouvons constater plusieurs écritures différentes : « debaa » ou encore avec l’accent aigu « déba », si on francise le mot. Dans son travail de recherche, Lavie Maturafi s’est concentrée sur trois alphabets : celui de l’association mahoraise de promotion des langues locales Shimé, celui du linguiste mahorais Haladi Madi et celui du Groupe de recherche sur le plurilinguisme à Mayotte (GRPM) dirigé par le professeur Foued Laroussi. Un choix scientifique s’impose, elle se focalise sur l’alphabet de Haladi Madi. « Tous les trois avaient raison, mais j’ai fait le choix de suivre l’alphabet du linguiste Haladi Madi et de l’associer à celui de Foued Laroussi sur un seul son, car je n’étais pas totalement d’accord avec tous ses choix », explique la jeune linguiste.

En effet, les trois étaient en concordance sur la transcription des consonnes. Un bémol, les voyelles sont quant à elles plus difficiles à retranscrire. Lavie Maturafi est notamment dubitative sur la « nasalité de la langue », accent circonflexe ou tilde ? « Haladi Madi propose un accent circonflexe, l’association Shimé un tilde, couramment utilisé dans l’alphabet international », explique-t-elle.

Tant de questions pour faciliter l’apprentissage et l’écriture du shimaoré. « Chaque graphie doit se rapprocher au maximum du son entendu pour établir l’alphabet mahorais ». À titre de rappel, afin d’être reconnue en tant que langue régionale et qu’elle soit enseignée dans les écoles, la langue mahoraise doit être formalisée à l’écrit.

UNE HISTOIRE AVANT 1841

À l’initiative du Conseil départemental, un projet de création d’un Institut des langues et des civilisations serait en cours d’élaboration. Un moyen « d’apprendre qui nous sommes réellement », explique Lavie Maturafi qui ajoute qu’une ouverture vers la région serait également de mise. « L’idée est d’arrêter d’insulariser tout ce qui passe ici. En se basant sur ce que les autres font à l’extérieur du territoire, on pourrait mieux se comprendre ».

Par le biais de cet institut, les responsables souhaiteraient procéder à de la recherche, de l’information « et travailler sur la civilisation, l’histoire de Mayotte avant 1841 parce qu’on a eu une histoire avant cette date », indique la jeune linguiste qui participera au projet via ses travaux de recherche.

CE QU’ILS EN DISENT

Salami, compagnon de Lavie Maturafi

« Une femme engagée »

« Lavie est passionnée par ce qu’elle fait. Je dirai carrément qu’elle est perfectionniste. C’est une femme engagée et très passionnée par son domaine ».

La tortue en fête à Pamandzi

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La Fête de la tortue débarque sur la place des Congrès de Pamandzi le samedi 6 avril, de 9h jusqu’à 20h. Organisée par l’association Oulanga Na Nyamba, les festivités s’ouvriront au rythme des danses traditionnelles, avant un grand nettoyage du quartier. Jusqu’à 17h, plusieurs stands permettront au public de découvrir les tortues marines et leur environnement, à travers des associations comme Yes We Can Nette, le réseau Remmat, la fédération Mayotte Nature Environnement, TsiÔno et le parc marin. Oulanga Na Nyamba proposera également plusieurs ateliers ludiques. Puis, de 17h45 à 20h, la soirée s’ouvrira en présence de l’association Chigoma Mahaba, avant une conférence dédiée aux tortues. Après la projection d’un film, un débat sera organisé. Enfin, à 20h, Diho viendra se produire en concert. Toutes les activités seront gratuites. Buvette et repas sont proposés sur place.

Cotisations sociales : cinq ans d’impayés

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Un Haut conseil de la commande publique dans le secteur du BTP a été mis en place jeudi. L’occasion d’aborder les difficultés, pour les professions libérales et notamment les architectes, de participer aux commandes publiques. La raison ? Un problème informatique empêcherait les professionnels de mettre à jour leurs cotisations à la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM), les excluant de fait des marchés publics. Explications.

Les acteurs du secteur du Bâtiment et des travaux publics (BTP) étaient réunis jeudi à la Société immobilière de Mayotte (SIM) pour créer un Haut conseil de la commande publique (HCCP). Ils ont notamment abordé les perspectives de programmation de travaux pour la période 2019-2021, un sujet sur lequel Pierre Sadok, vice-président du Syndicat des architectes de Mayotte et premier conseiller mahorais de l’Ordre national des architectes, a réagi. D’après lui, dans le département, les professions libérales et notamment les architectes – une dizaine en libéral sur les 30 installés à Mayotte – auraient cinq ans de retard de cotisations auprès de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM).

Dans le 101ème département français, c’est la CSSM qui centralise les cotisations sociales et patronales. Chaque année, comme en métropole, les professionnels libéraux sont tenus de faire une déclaration de leurs revenus sous le régime des Bénéfices industriels et commerciaux (bénéfices réalisés par des personnes physiques ou par des sociétés soumises à l’impôt sur le revenu, provenant de l’exercice d’une profession commerciale, industrielle ou artisanale). Or, depuis plus de cinq ans, le paiement de leurs cotisations annuelles est bloqué. En cause, un potentiel bug informatique rendant la connexion – primordiale – entre la Caisse de sécurité sociale de Mayotte et celle de métropole impossible.

Des milliers d’euros à rembourser

« Chaque année, je viens pour faire ma déclaration de revenus et tous les ans, on me refuse le règlement. La première année, les professionnels payent des sommes forfaitaires puisqu’ils n’ont pas de chiffre d’affaires mais il y a cinq ans que je n’ai plus rien payé« , assure Pierre Sadok. Un problème qui condamne les professionnels libéraux de l’île aux parfums, en retard sur leurs cotisations, à retirer leur candidature à des appels d’offres. « J’ai été sollicité, il y a quelques mois, avec un groupement de bureaux d’études pour un appel d’offres du vice-rectorat mais, évidemment, je n’ai pas pu y répondre. Je suis donc obligé de travailler avec des privés comme tous mes collègues« , explique le vice-président du Syndicat des architectes de Mayotte.

En outre, les architectes craignent d’être redevables sur ces cinq dernières années. « À Mayotte, nous avons des trésoreries très fragiles. Vous imaginez si nous devons tout payer ? C’est un rappel de cotisations qui pourrait aller de 10.000 euros à plusieurs dizaines de milliers d’euros pour certains« , affirme le premier conseiller mahorais de l’Ordre national des architectes.

Enfin, certains professionnels libéraux comme les architectes doivent faire des formations obligatoires chaque année. « Par période de trois ans, nous avons soixante heures de formation« . Or, les professionnels libéraux sont obligés de payer « plein pot » les formations. « Nous payons 500 euros la journée de formation. Cependant, si nous étions à jour, nous paierions seulement 20% de cette somme, soit cent euros. Cent euros, je peux payer, mais 500 euros, c’est impossible« .  

« Pas de rappel de 2014 à 2018 »

Après avoir écouté les problèmes des professionnels libéraux sur la question des cotisations sociales, la vice-présidente de la Caisse de sécurité sociale, Carla Baltus, a affirmé que ce sujet avait été « abordé » par ses équipes. « Nous avons décidé de ne pas faire de rappel pour la période de 2014 à 2018. Depuis le 1er janvier dernier, chaque professionnel peut faire une demande d’attestation à la CSSM. Il pourra alors, légalement, répondre à des appels à projet« .

Pourtant, d’après Pierre Sadok, un arrêté préfectoral ou ministériel aurait dû être publié mais « il semblerait que ce ne soit pas encore le cas […] J’étais en rendez-vous, il y a trois semaines de cela avec le secrétaire général de la préfecture. Je lui ai exposé les faits et il est tombé des nues alors que c’est une situation qui ne concerne pas que les architectes« , déplore le chef d’entreprise. Courant avril, il s’attachera à écrire un courrier officiel, signé par l’Ordre national des architectes, à l’attention du préfet et du secrétaire général de la préfecture. « Il est essentiel de trouver des solutions, ce n’est plus possible« .

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes