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“Pendant cette crise on a essayé de banaliser tout ce qui révolte les Mahorais

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Connu pour ses coups de gueules, et son indignation dès lors que son île ne reçoit pas le traitement qu’elle mérite, Yazidou Maandhui, polémiste et observateur de la société mahoraise, fait un bilan de la gestion de la crise sanitaire qu’il juge catastro-phique. 

Flash Infos : Vous avez souvent pointé du doigt la gestion de la crise sanitaire par les différentes autorités. Qu’est-ce qui vous a le plus indigné ? 

Yazidou Maandhui : D’abord une gestion dont la logique n’a pas toujours été aisée à sai-sir. Avec ce sentiment que tout a été mis en place pour favoriser la propagation du virus : ouverture des écoles et du marché de Dubaï, tolérance des « mrenge » alors qu’il y avait un couvre-feu et arrêté préfectoral contre les réunions de plus de 10 personnes. Ensuite, cette image tiers-mondiste qu’on a collé à l’île et fait circuler dans tous les médias natio-naux sans réel analyse et en faisant croire que les Mahorais n’ont pas respecté les con-signes du confinement, ce qui est une lecture hâtive et simpliste. 

FI : Quelles conséquences cette gestion peut-elle avoir sur la population selon vous ? 

Y. M. : Cela a nourri une colère qui a favorisé l’émergence d’un discours nauséabond anti-France, anti-républicain, voire anti-blanc qui est à l’opposé du combat de nos Chatouil-leuses. Il y a eu amalgame entre « gouvernement en place » et « La France ». Au lieu de s’attaquer à ceux qui tiennent les rênes, les porteurs de ce discours s’attaquent à notre pays et crée une dichotomie entre Mayotte et la France. Cela me répugne et m’attriste car ils se font l’écho de la théorie comorienne qui veut que notre île soit occupée par une puis-sance étrangère. Cela me fait mal car je me dis qu’au fond notre pays n’a pas assez mis l’accent pour inculquer un patriotisme, un amour immodéré de la Patrie. 

FI : Est-ce que vous sous entendez que l’État a failli à sa mission pendant la crise ? 

Y. M. : Je ne pointerais pas du doigt uniquement l’État. Nos élus ont également leur part de responsabilité. S’il y a eu une mauvaise gestion de la crise par l’État, on aurait dû les voir sur le front pour tirer la sonnette d’alarme, pointer les failles. Au lieu de cela, c’est la société civile qui a dû user des réseaux sociaux pour s’indigner à chaque fois que c’était nécessaire. Dès le 16 mars, par exemple, quand il y a eu l’annonce du confinement, j’avais attiré l’attention sur la non-compatibilité de cette décision de confinement avec la réalité du territoire, notamment à cause du casse-tête des squatteurs des bidonvilles qui vivent dans des conditions de vie sordides. Les autorités n’allaient jamais être en mesure d’appliquer correctement la loi. Ceci étant, la crise du Covid-19 a révélé une autre crise plus profonde. On s’est en effet vite rendu compte qu’il y a deux sociétés à Mayotte : les Mahorais, les citoyens qui ont respecté les mesures et la population marginale, illégale et anonyme qui semble vivre avec d’autres références, d’autres règles dictées par la clan-destinité. Une situation en très grande partie créée, tolérée, et couvée par nos autorités locales et l’État. 

FI : Que voulez-vous dire par cela ? 

Y. M. : Prenez l’exemple du terme « informel » qui a eu le vent en poupe pendant la crise. Les autorités en ont eu recours à des discours ambigus allant jusqu’à regretter le com-merce informel qui pour eux permettait de nourrir toute une famille. Affligeant et illogique quand on parle de la lutte contre la vente à la sauvette, contre le travail au noir. De la même façon, elles n’osent pas parler de bidonvilles mais d’« habitats indignes ». On sent bien par ce politiquement correct, par ce langage maîtrisé que les autorités ne veulent pas aborder cette question de la clandestinité dans sa vérité même la plus laide. 

FI : Vous pointez souvent du doigt la politique de l’État concernant les personnes en situations irrégulières. Qu’est-ce qui vous dérange réellement ? 

Y. M. : On tente toujours par des tactiques peu chevaleresques de nous faire oublier que notre territoire est envahi par des clandestins, c’est-à-dire des personnes qui n’ont pas vo-cation à demeurer sur le territoire. La vérité est que nous sommes dans une situation de colonisation orchestrée entre autres par le gouvernement des Comores. Les bidonvilles sont des colonies, par exemple. Ce gouvernement comorien mène cette politique colonia-liste de façon très agressive : inscription de Mayotte dans sa constitution, dans ses sym-boles nationaux comme leur drapeau et leur hymne national. Il faut songer à la politique d’Ali Soilihi basée sur la propagande tentant de piller la culture de Mayotte, d’imposer une langue à travers ses écoles « alif-be », ou Ahamed Abdallah qui a ouvertement appelé à l’installation massive des Comoriens sur notre île en s’octroyant des parcelles comme celle de Mirereni pour implanter une colonie anjouanaise dans le but de faire basculer les votes de 74. Ce qui me dérange c’est donc de laisser cette colonisation se mettre en place sur l’île sans réagir avec courage et force. Les gouvernements successifs ne comprennent même pas la composition de notre société. Ils se sont basés sur la grille de lecture des Comoriens qui veulent qu’on forme une même nation, qu’on ait la même langue, et la même culture. 

FI : Vous êtes justement un fervent défenseur de la culture mahoraise, vous ne sou-haitez pas qu’on l’associe à la culture comorienne. Pour quelles raisons alors que les deux cultures sont très similaires ? 

Y. M. : Il est impossible de faire société sans accepter la différence, la singularité de l’autre. Ce préalable est défendu par exemple par l’ONU à travers son programme de « Patrimoine Mondial de l’UNESCO ». Le patrimoine culturel mahorais est riche et unique, la production du peuple de Mayotte est unique, singulière. Les dirigeants comoriens ne s’y intéressent que pour valider un credo né de leur discours aux relents colonialistes qui veut nous imposer un impérialisme de la mêmeté en nous imposant une « même langue, même culture ». En procédant de la sorte, ils nous enlèvent notre humanité, notre droit à la différence et, pour reprendre Levinas, ils nous « tuent ». Ce crime sert surtout à étouffer le choix des Mahorais de demeurer au sein de la République française. Donc, je ne suis pas d’accord quand vous parlez de cette similarité, et mon combat est de défendre la sin-gularité de la production du peuple de Mayotte et donc son humanité. 

FI : Comment expliquez-vous le contexte social pesant qu’il y a à Mayotte en ce mo-ment, notamment à cause de la montée de l’insécurité ? 

Y. M. : D’abord, l’insécurité institutionnelle avec cette menace de la feuille de route deve-nue « accord-cadre » qu’il ne faut pas occulter car moins visible, plus insidieuse. Ensuite, il y a ces violences qui semblent très orchestrées, du moins on peut dégager un schéma qui saute aux yeux. Elles sont liées pour la plupart à des évènements politiques, à une pé-riode d’échéance politique et s’adressent toujours à la politique. Cette relation, si elle est démontrée, doit nous interpeler car à chaque mouvement de violence une réponse quasi simultanée basé sur un financement, une réponse sur hâtive et coûteuse. Mais le fait est qu’on n’a jamais mention de bilan détaillé sur l’utilisation de l’argent du contribuable, donc pas de transparence. Or, c’est une obligation. Cette violence récente ne surprend per-sonne puisque nous sommes en période électorale. C’est soit une délinquance très enga-gée politiquement, soit une politique très délinquante. 

FI : Vous avez récemment lancé un appel sur les réseaux sociaux et demandé aux Mahorais d’occuper illégalement les parcelles de l’État et du Département. N’est-ce pas risqué ? 

Y. M. : C’est un raisonnement par l’absurde qui au fond, est un cri de désespoir pour sau-ver l’ordre républicain et la terre de Mayotte. Aujourd’hui, l’occupation illégale, qui est en fait une colonisation de notre terre, semble être la norme puisqu’on a l’impression qu’on peut s’installer sur les parcelles de l’État, du Département et de la commune sans que les autorités ne réagissent. Pire encore, dans nos communes, beaucoup d’élus favorisent l’installation des bidonvilles-colonies par calculs politiques, soutenant ainsi la déforesta-tion, la pollution et la création de foyer. Après avoir lancé plusieurs cris d’alarme pour sau-ver notre patrimoine écologique, on s’est dit avec des militants tel que Gaillard Junior qu’il fallait que les Mahorais s’installent eux-aussi massivement sur les parcelles de l’État, de la commune et du Département. On verra à ce moment-là si l’illégalité est la norme où bien les sanctions ne sont réservées qu’aux citoyens. Le seul risque est qu’il n’y ait pas de ré-action assez rapide. Mais nous avons espoir que notre alarme républicaine sera entendu à temps.

Les enfants des kwassas, symboles des reconduites expéditives à Mayotte

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La Cour européenne des droits de l’homme a condamné jeudi 25 juin la France dans l’affaire de la reconduite aux Comores de deux enfants en 2013. Sept violations ont été retenues, dans cette histoire qui illustre la politique de rattachement des mineurs à un tiers pour accélérer les procédures d’éloignement. 

C’était il y a sept ans. Ce matin du 14 novembre 2013, un homme, affolé, quitte son travail en trombe et se présente devant la gendarmerie de Pamandzi. Il vient d’apprendre que ses deux enfants, âgés respectivement de 3 et 5 ans, ont été interpellés alors qu’ils tentaient de rejoindre les côtes mahoraises à bord d’un kwassa. Dans ses mains, il tient leurs actes de naissance ainsi que son propre titre de séjour, dans l’espoir d’éviter leur expulsion aux Comores prévue le jour même. Sans succès. “C’était un moment très crispant, il était terrifié, il n’arrivait pas à parler, je me rappelle même avoir dû hausser le ton, car il fallait faire vite”, se souvient Maître Marjane Ghaem, son avocate. 

En même temps, c’est déjà la deuxième fois que l’homme, installé de façon régulière à Mayotte depuis une vingtaine d’année, voit partir ses proches vers les îles voisines. Déjà en 2011, ils sont arrêtés avec leur mère, une Comorienne sans papier, et renvoyés à Anjouan. Celle-ci décide de retenter la traversée, laissant les deux frère et sœur chez leur grand-mère. Pendant un an, leur père fera des pieds et des mains pour tenter de décrocher les précieux visas. Mais après un an de démarches infructueuses et vu l’état de santé dégradé de leur grand-mère, les enfants finissent par embarquer sur un kwassa, avec 17 autres migrants… au péril de leur vie. “On est vraiment dans la situation où des enfants se retrouvent à bord d’une embarcation de fortune parce qu’ils ont été littéralement broyés par la machine administrative”, souffle encore l’avocate, spécialisée en droit des étrangers. 

Rattachés à un adulte sans lien de parenté 

Malgré un recours gracieux effectué auprès de la préfecture à 15h02 ce jour fatidique du 14 novembre 2013, puis la saisie du juge des référés du tribunal administratif de Mayotte à 17h30 pour obtenir la suspension de leur éloignement, le père doit assister impuissant, une fois encore, à l’expulsion de ses enfants. 16h30, aller simple, terminus Anjouan. La raison ? Ils ont été rattachés à un tiers, lui-même présent à bord du kwassa, sans pourtant qu’il ne puisse justifier du lien légal vis-à-vis d’eux. “Ce sont des situations qui arrivent presque quotidiennement. Cette affaire résume bien cette manière qu’ont les autorités de rattacher des enfants à des adultes qu’ils ne connaissent pas, pour les renvoyer de façon expéditive”, assène Solène Dia, chargée de projet régional pour la Cimade à Mayotte. “Je lui ai alors assuré que nous trouverions un moyen pour ramener ses enfants légalement”, relate Marjane Ghaem. En 2014, ils obtiennent enfin des visas auprès des autorités consulaires aux Comores. Mais les recours en justice ne font que commencer. Après une “décision molle” du conseil d’État en décembre qui “ne condamne pas l’attitude des autorités françaises dans ce dossier mais invite la préfecture à examiner les demandes du père”, souligne l’avocate, celle-ci prend alors contact avec le cabinet Spinosi, spécialisé dans le droit européen et qui accepte de porter ce recours gracieusement. 

La France condamnée à verser 22.500 euros 

Sept ans plus tard, c’est une petite victoire pour la famille, désormais réunie, et les avocats qui ont suivi l’affaire : la Cour européenne des Droits de l’Homme a condamné la France pour la rétention des deux enfants, leur rattachement arbitraire à un adulte inconnu et leur éloignement expéditif. En tout, ce sont pas moins de sept violations qui ont été retenues par la Cour, parmi lesquelles on retrouve l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants, le droit à la liberté et à la sûreté et le droit au respect de la vie privée et familiale. La France devra verser 22.500 euros aux deux enfants et à leur père pour le dommage subi. 

Et c’est bien le rattachement “arbitraire” à un adulte qui n’entretenait pas de lien avec eux, qui a notamment fait peser la balance, en plus du jeune âge des enfants et de leurs conditions de rétention. La Cour a pris “note des observations concordantes des tiers intervenants selon lesquelles existe, à Mayotte, une pratique consistant à rattacher arbitrairement des mineurs à des adultes inconnus d’eux afin de permettre leur placement en rétention puis leur renvoi vers les Comores”. Les conditions de rétention, dans un centre temporaire créé au sein d’un commissariat, “les mêmes que celles des personnes adultes appréhendées en même temps qu’eux”, “séparés des membres de leur famille”, sans aucun adulte désigné à l’exception de “M.A (…) auquel ils ont été rattachés arbitrairement”, suffisent pour conclure que la situation n’a pu qu’engendrer “pour eux une situation de stress et d’angoisse et avoir des conséquences particulièrement traumatisantes sur leur psychisme”. Sur le navire qui les ramenaient aux Comores, aucun des 43 mineurs à une exception près, ne portait le même nom de famille que l’adulte auquel il était rattaché, note aussi la Cour. 

3.000 enfants en rétention en 2019 

De là à faire changer les mœurs, il y a un pas de géant, qui n’a pas été franchi depuis sept ans. Bien au contraire. En 2019, ce sont mêmes près de 3.000 enfants qui ont été placés en rétention rien qu’à Mayotte, contre une centaine en France, d’après Solène Dia, citant les chiffres de la Cimade. “Il y a une politique du chiffre sur l’immigration à Mayotte qui n’a pas changé, Shikandra ou pas”, relève Marjane Ghaem. “Et ce qui va changer la donne dans les années à venir, c’est plutôt le jour où les gens vont être fichés sur les interdictions de retour.” Si cette décision de la CEDH est importante, l’avocate craint donc qu’elle ne suffise pas à faire bouger les lignes. “Il en faudrait un paquet comme ça, or souvent cela concerne des gens qui ne sont pas portés sur le contentieux, et qui ne comprennent même pas qu’on puisse attaquer l’État… sans retombée derrière”, développe celle qui a accepté de parler à la place du père, car celui-ci craint justement qu’une publicité trop évidente vienne menacer son titre de séjour. 

Comme pour donner raison à l’avocate, le jour même de la décision de la Cour de Strasbourg, cinq enfants étaient retenus au CRA. Une information confirmée par la Cimade mais pas par la préfecture, qui ignore le nombre exact de mineurs actuellement retenus. “Il y a une quarantaine de personnes au CRA, toutes en provenance de kwassas”, chiffre Julien Kerdoncuf, le sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine. “C’est possible qu’il y ait des mineurs dans le lot, cela arrive très souvent”, concède-t-il. 

Deux enfants retrouvés morts après le naufrage d’un kwassa à Charifou 

Nouveau drame de l’immigration clandestine. Un naufrage d’une embarcation de fortune a eu lieu dans la soirée du jeudi 25 juin. Vendredi, les habitants et la gendarmerie ont retrouvé quatre corps sur la plage de Charifou, dans le sud de l’île. Parmi eux, deux enfants, l’un de dix ans et l’autre de quatre ans. Dans la matinée, une foule s’est alors amassée sur les lieux, avant d’ériger un barrage à Mbouini, pour protester contre l’arrivée régulière des kwassas dans le sud. Dans une interview accordée à Flash Infos le 16 juin dernier, le sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine Julien Kerdoncuf notait une reprise des arrivées de kwassas depuis la mi-mai “à un niveau similaire qu’à la même période de l’année dernière”. En l’absence de reconduites, toujours interrompues dans le cadre de la crise sanitaire liée au Covid-19, les personnes interpellées sont alors placées au centre de rétention administrative, avant d’être présentée au juge des libertés et de la détention. “Pour l’instant, le juge a systématiquement refusé la prolongation de leur rétention, et les personnes ont donc été remises en liberté”, rapporte Julien Kerdoncuf.

Protection animale à Mayotte : « Quand on s’en prend comme ça à des chiens, c’est qu’on n’a plus de limites »

La thématique de la délinquance a mis en lumière, ces dernières semaines, le rapport de jeunes bandes avec les chiens. Torturé par sadisme, utilisé comme arme et objet de rivalités, le « meilleur ami de l’homme » a la vie dure sur le territoire où associations et forces de l’ordre tente tant bien que mal d’endiguer le phénomène.

« Des gamins qui torturent des chiens comme cela pour le plaisir, je n’y vois que des psychopathes en puissance qui plus tard feront le même mal à des humains. » Au milieu des aboiements de chiens pour beaucoup sauvés de l’enfer, les mots durs de Tyler Biasini sont à l’image du combat qu’il mène avec son association Gueules d’amour. Sans relâche, le président traque sur les réseaux sociaux comme dans les coins les plus reculés de l’île les élevages sauvages tenus par des bandes de jeunes. « Avant-hier, nous sommes allés avec des citoyens, des membres des voisins vigilants démanteler deux élevages en Petite-Terre », raconte-t-il, assis devant les enclos du refuge d’Ongoujou. Lorsque la quinzaine de personnes arrive sur les lieux, c’est l’horreur. « Il y avait des chiens attachés, les mieux lotis, et tout autour il y avait des corps de chiens brulés, des ossements un peu partout », se souvient-il avec dégoût. Des élevages comme cela, cachés dans la campagne, « il y en a partout, surtout dans le grand Mamoudzou et depuis 2016 je dirais, il y en a de plus en plus », s’inquiète Tyler.

Objet de sadisme et de délinquance

Tirées de là par l’association, la fourrière qu’elle accueille désormais ou les forces de l’ordre, les gueules d’amour en biais qui l’entourent ont toutes une histoire témoignant de l’extrême violence dans laquelle les ont plongées ces bandes. L’un a les testicules arrachés, une patte coupée à la machette. Son voisin, lui, a été amputée quand on l’a retrouvé la jambe déchiquetée. Ils sont des dizaines à avoir les oreilles « coupées au ciseau ». Et la queue au chombo. Un autre, prostré contre le mur de son enclos a la nuque lardée de morsures. Des dizaines de plaies profondes qui l’auront marqué bien plus loin que sa chair. « Il a été abandonné après un combat, ils voulaient le tuer mais on l’a sauvé », lâche Tyler au sortir de sa cage. « J’ai aussi retrouvé une chienne violée, ils sont vraiment capables de tout », poursuit celui qui veut redonner un peu d’amour à ces gueules cassées. Brisées par la violence des hommes supposés les percevoir comme « leur meilleur ami ».

Tortures gratuites, combats sans limites mais aussi dressages pour être utilisés comme arme, voilà donc le quotidien des chiens en élevages clandestin. « Il y a aussi beaucoup de violences qui partent de vols de chien, ici, la plupart sont des batards donc un chien de race ou bien dressé prend tout de suite de la valeur et attire donc les convoitises », ajoute le lieutenant-colonel François Bisquert. Pour le gendarme, le phénomène n’est pas tout à fait nouveau, mais tend à s’amplifier. « En réalité, c’est la délinquance en générale qui évolue, elle s’adapte à la répression. On ne voit plus beaucoup de coupeurs de routes, en revanche on voit de plus en plus de bandes avec des chiens, les délinquants évoluent dans leur technicité », analyse le militaire. Car comme lui, « les délinquants savent bien qu’avec les chiens ils ne risquent pas grand-chose, tant d’un point de vue physique car ce ne sont plus eux qui attaquent, que d’un point de vue juridique », poursuit François Bisquert. Un dernier point qui grince les dents des forces de l’ordre comme de l’association.

Délinquants doublement protégés

« Le gros problème, c’est que nous n’avons rien qui rattache officiellement ces chiens aux délinquants, même pas une notion d’occupation de terrain car les élevages, très difficilement accessibles n’ont pas d’enclos. Il est donc très difficile de les tenir responsables », explique le gendarme. D’autant plus que la plupart des « éleveurs » sont mineurs. Seule possibilité donc, les prendre en flagrant délit, « mais là encore, c’est très compliqué car dès lors que nous arrivons, ils lâchent les chiens et ont le temps de fuir ». « Ils ont des guetteurs, ils sont bien organisés »,

emboîte Tyler qui sort régulièrement casqué dans son camion pour faire son possible. Du côté de la gendarmerie, on assure également se mobiliser, en prenant notamment l’exemple de Koungou et ses différents élevages démantelés. « C’est très compliqué », avoue toutefois le lieutenant-colonel.

« Il faudrait qu’il y ait une brigade spécialisée de la gendarmerie, spécialement dédiée à ça », se prend à rêver Tyler Biasini, assis dans l’herbe de son refuge. Un chien avachi sur ses jambes, il reprend pied sur terre et réalise que « le problème, c’est la délinquance des jeunes en générale, c’est sûr. Quand on est capable de faire cela, c’est qu’on a plus de limites ». « Mais de notre côté, on ne peut pas fermer les yeux sur le sort qui est réservé aux chiens, ce n’est pas acceptable », reprend le président de l’association. Qui appelle chacun à prendre sa responsabilité, et en premier lieu les maires. Seules quatre communes ont en effet conventionné avec la fourrière, de sorte que les chiens sans propriétaires soient pris en charge. « Même pas Mamoudzou, alors que c’est là qu’il y en a le plus, pourtant c’est une obligation légale », peste le meilleur ami des chiens. « Face à cette inaction et puisque les maires sont responsables des chiens sans propriétaires qui sont dans leur commune, nous allons dès la rentrée, à chaque morsure, porter plainte contre la commune et nous constituer partie-civile avec le soutien d’autres associations », prévient-il. Prêt à montrer les crocs.

La crise sismo-volcanique de Mayotte se dévoilera, vendredi soir, sur tous les écrans de France

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La découverte du volcan sous-marin au large de Mayotte célèbre sa première année. À cette occasion, Flash Infos donne, tout au long de cette semaine, la parole à ceux qui, de près ou de loin, œuvrent pour une meilleure connaissance de ce phénomène naturel inédit qui évolue, chaque jour, sous le regard des Mahorais. Aujourd’hui, rencontre avec Pascal Crésegut, réalisateur du documentaire inédit « Mayotte, la naissance d’un volcan », diffusé ce vendredi soir sur France Ô.

Il était là, « un peu par hasard », le 16 mai 2019, lorsque le volcan a été découvert. À 50 km au large de Mayotte, aux côtés des 40 scientifiques embarqués sur le Marion Dufresne. Pascal Crésegut n’est pourtant ni chercheur, ni géologue. Non, sa spécialité à lui, c’est la caméra. Réalisateur de profession, l’homme était venu suivre les équipes de l’Institut de physique du globe de Paris, sur lequel il réalise alors un reportage. Après avoir participé à une première mission Mayobs quelques mois plus tôt, le voilà de nouveau, caméra au point, à ne perdre aucune miette de la vie sur le pont, où personne alors, ne pouvait encore prédire la découverte qui n’allait pas tarder à s’offrir à eux.

Puis, lorsque les données de fond révèlent l’existence d’un nouveau mais déjà très imposant volcan sous-marin, qui plus est en pleine éruption, Pascal Crésegut observe l’excitation qui anime alors ses compagnons de voyage. « Sur le coup, je n’ai pas réalisé à quel point cette découverte était incroyable », se remémore-t-il, sourire aux lèvres. « Pour les scientifiques, c’était la découverte du siècle. De mémoire humaine ça n’avait jamais été vu et j’ai très vite trouvé ça passionnant ! » Les premiers jours, les chercheurs lui interdisent d’évoquer publiquement la découverte, par peur de créer un mouvement de panique au sein du 101ème département. Puis, l’embargo levé, Pascal Crésegut décide de consacrer son prochain documentaire à ce phénomène inédit, auquel il a assisté aux premières loges. Ironie du sort, ou coup du destin, cet Auvergnat, passionné par « tout ce qui touche à la découverte » avait réalisé, par le passé, un autre documentaire dédié au laboratoire Magmas et volcans, et avec lequel il avait pu observer les curiosités géologiques du monde entier. « J’ai même recroisé des chercheurs du labo à bord du Marion Dufresne », s’amuse Pascal Crésegut.

Si la moitié des images et des témoignages ont été captées à bord du navire au nom de l’explorateur français, les autres ont été tournées à terre, depuis Mayotte, auprès de ses habitants. Des habitants qui ont dû apprendre à composer avec des événements naturels nouveaux, survenus dès mai 2018, date du premier séisme et point de départ du documentaire « Mayotte, la naissance d’un volcan ». De ces craintes, ces inquiétudes mais aussi de cette perspective de voir les yeux du monde rivés vers Mayotte, Pascal Crésegut s’en est inspiré à l’écran. Sur place, il rencontre Saïd Saïd Hachim, le géographe mahorais qui avait été le premier à évoquer la naissance d’un nouvel édifice sous-marin, alors que la communauté scientifique privilégiait encore un scénario aux origines tectoniques. Il échange aussi avec le directeur du collège de Sada, l’un des établissements qui avaient dû fermer temporairement à titre préventif lorsque l’essaim de séismes avait montré ses premières manifestations. « Je voulais faire un parallèle entre ce que vivent les scientifiques en mer et ce que vivent les habitants de l’île à terre », commente Pascal Crésegut. « Sur l’île d’ailleurs, il y a deux écoles : ceux qui ont peur, qui se demandent comment tout cela va se finir, et ceux qui trouvent que c’est une opportunité géniale pour le tourisme et que cela va permettre de susciter de nouvelles vocations chez les jeunes. Mais j’ai globalement senti que la majorité portait un regard positif sur la situation. » Un témoignage documenté inédit, réalisé pour tous les publics, de Mayotte et d’ailleurs, à découvrir ce vendredi soir à 20h55 sur France Ô.

Le Pôle social du Tribunal judiciaire : un pas vers la normalisation du droit à Mayotte

Les nouveaux assesseurs du Pôle social ont prêté serment au Tribunal judiciaire de Mamoudzou. Cette audience a marqué les débuts d’une jeune juridiction à Mayotte, compétente en matière de contentieux de la protection sociale.

Ils sont postés en rang d’oignon à un mètre de distance les uns les autres dans cette salle d’audience du Tribunal judiciaire de Mamoudzou. “Je le jure”, lance timidement le premier appelé, en levant le doigt d’un air mal assuré. Avant d’opter pour la paume de sa main, devant le regard amusé de ses congénères. Ce jeudi, une vingtaine d’assesseurs étaient appelés devant le juge Pascal Bouvard pour prêter serment en vue de leur désignation au sein du Pôle social. Cette nouvelle juridiction hybride, née de la loi de modernisation de la justice de 2016, et qui doit traiter l’ensemble du contentieux de la protection sociale, fait ainsi ses premiers pas à Mayotte.

Pour la plupart de ces juges non professionnels, c’était aussi un peu une nouveauté. Proposés par les organisations syndicales des employeurs – Medef, Capeb, CPME, FMBTP – et des salariés – CGT, FO, CFDT, CFE-CGC – ces personnes issues de la société civile ont été désignées par le Premier président de la cour d’appel de Saint-Denis. À l’issue de l’audience solennelle qui se tenait ce jeudi, elles devront effectuer une courte formation avec l’École nationale de la magistrature, “dématérialisée, par les temps qui courent”, précise le juge Bouvard. Et dès septembre, ces représentants du monde professionnel pourront siéger aux côtés d’un magistrat professionnel. “En ce qui concerne le monde économique, il est très important de désigner des personnes de la société civile, qui ont des connaissances des métiers”, déroule le juge devant une audience attentive. “J’ai remarqué en général que, très vite, les assesseurs ont presque plus de connaissances que moi sur le droit substantiel, en revanche, les questions de procédure leur sont naturellement moins familières”, poursuit-il pour justifier cette juridiction à trois têtes : celle du magistrat professionnel, celle du représentant de l’employeur, et celle du représentant du salarié.

Une piqûre de rappel sur la déontologie

C’est d’ailleurs pour cette raison que les nouveaux assesseurs devront suivre une formation qui leur enseignera le “béaba du droit et de la déontologie”. Présent lors de l’audience, le procureur de la République Camille Miansoni, a d’ailleurs profité de son allocution pour en poser les premiers jalons : “Je voudrais vous adresser toutes mes félicitations et vous rappeler la nécessité de faire valoir d’abord et en toutes circonstances le droit, la règle commune sans laquelle aucune vie sociale n’est possible.” “Il faut être capable de dépasser ses subjectivités, ses préjugés, ses convictions personnelles pour dire le droit. C’est un exercice compliqué, et parfois incompris”, développe-t-il. Une parole qui prend d’autant plus de sens alors que les décisions du procureur – dans l’affaire du rapt d’un jeune homme en Petite-Terre notamment – ont récemment suscité un flot de critiques à son encontre dans la population.

En attendant les prud’hommes

Du côté du justiciable, ce Pôle social sera désormais compétent pour juger tous les contentieux de la protection sociale, de l’employeur qui n’a pas payé ses cotisations sociales aux accidents de travail les plus graves. Il reprend de fait les compétences des anciens tribunal aux affaires de la sécurité sociale (TASS), tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI), et de la commission départementale d’aide sociale (CDAS), au sein d’une juridiction hébergée par le Tribunal judiciaire. Compatible avec une procédure pénale menée en parallèle, le Pôle social prononce des décisions civiles, pouvant aller jusqu’à de lourdes indemnisations en fonction du préjudice. Pour Pascal Bouvard, qui arbore une mine ravie devant ses nouvelles ouailles, “c’est un vrai plaisir de faire prêter serment aux assesseurs du Pôle social car c’est un vrai pas vers la normalisation de la vie judiciaire à Mayotte”. Après le tribunal mixte de commerce en 2017, il ne manquera donc plus que le tant attendu conseil des prud’hommes, qui devrait voir le jour fin 2021. “Alors nous aurons tous les outils pour travailler efficacement”, prédit Pascal Bouvard.

Élections municipales : Mamoudzou se prépare au deuxième tour

Dimanche se tiendra le deuxième tour des élections municipales dans un contexte de crise sanitaire. Un scrutin qui se déroulera donc accompagné de mesures strictes. Du côté du chef-lieu, Mamoudzou, on adapte les bureaux de vote aux mesures exigées.

Elles s’activent, les équipes d’agents municipaux de Mamoudzou en ce jeudi matin. Leur objectif : visiter tous les bureaux de vote du chef-lieu – 29 en tout –, préparer le dispositif qui permettra de respecter les exigences sanitaires, et les mettre en conformité si nécessaire. « Nous vérifions que les dispositions que l’on a prises sont bien mises en place », explique Ahamada Haribou, DGA de la mairie en charge de l’action citoyenne et de la vie publique. Le bureau centralisateur de la commune, l’Hôtel de ville, sera lui sujet à ces aménagements samedi seulement, car ouvert jusqu’à la veille. Pour les autres, « nous avons préféré prendre un peu d’avance pour réajuster certaines choses dans les temps si nécessaire ».

Pour les agents, il s’agit aussi d’organiser le cheminement que les votants auront à suivre pour déposer leur bulletin dans l’urne. Car durant le scrutin, les désormais célèbres « gestes barrières » devront évidemment être appliqués. Dès l’entrée donc, un agent accueillera les personnes, s’assurant pour commencer que l’obligation gouvernementale de port du masque soit bien respectée – le cas échant, un masque chirurgical pourra être fourni – et les orientera en fonction de leur numéro de bureaux de vote.

Elles devront alors suivre l’itinéraire tracé au sol en respectant la distanciation sociale. Et entre l’entrée sur le site et l’entrée dans le bureau de vote, une halte sera obligatoire à l’un des points d’eau pour se laver efficacement les mains. Des points d’eau qui ont d’ailleurs été rajoutés pour la réouverture récente des écoles, en priorisant celles qui accueillent des bureaux de vote. Pour celle de Cavani-Stade par exemple, neuf nouveaux lavabos ont ainsi été installés.

Les votants pourront ensuite patienter pour pénétrer dans le bureau de vote, en nombre réduit, et déposer leur bulletin dans l’urne. Là encore, s’il est demandé à chacun de venir avec son stylo personnel, la municipalité en a prévu 100 par site qui pourront être désinfectés à la solution hydroalcoolique avant de resservir si besoin.

Direction la sortie de la salle ensuite, différente de l’entrée, où le tracé au sol reprend son cours, l’amenant vers la sortie du site, elle aussi différente. Là, du gel hydroalcoolique sera mis à disposition et un autre agent s’assura que des rassemblements ne se forment pas.

Des salles désinfectées avant et après le scrutin

« Après vérification et mise en place des aménagements nécessaires, les salles servant de bureaux de vote seront désinfectées et fermées jusqu’à dimanche », explique également la mairie. Celles qui devront accueillir des enfants lundi (Cavani-Stade, École annexe, et Mgombani) seront immédiatement nettoyés après la fermeture du vote. Au total, la mairie de Mamoudzou a mobilisé 230 agents pour ce second tour, soit 50 de plus que lors du premier. De quoi rassurer les votants et ne pas entacher la tenue de cette élection, chère aux Mahorais.

Aménagement du territoire : dans les secrets du foncier à Mayotte

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Depuis 2017, l’Établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (EPFAM) est chargé d’accompagner les communes dans leurs projets d’aménagement. De nombreux projets prometteurs sont en cours sur tout le territoire, mais l’Epfam doit s’adapter aux restrictions propres à Mayotte.

Aider les collectivités à préparer la transformation de Mayotte d’ici 2050, voilà la principale mission de l’EPFAM. Pour cela, l’établissement doit viabiliser le foncier pour permettre aux communes et aux intercommunalités de réaliser toutes leurs ambitions pour le territoire. “On a un certain nombre de projets d’aménagements en cours avec différentes collectivités. Notamment une ZAC à Doujani, une à Longoni, une à Tsararano-Dembeni et une à Bandrélé”, indique Clément Guillermin, directeur de la stratégie des opérations à l’Epfam. Une ZAC est une zone d’aménagement concerté, et l’EPFAM a pour mission d’améliorer un quartier déjà existant ou d’en créer un nouveau. Celui de Doujani devrait permettre la création de 1.000 à 1.500 logements neufs dans le quartier des anciens lotissements de la SIM. La ZAC de Tsararano-Demebeni se fait en collaboration avec la CADEMA, et l’objectif est de sortir tout un quartier de terre. “Ce sera un nouveau quartier d’environ 2.000 habitants, avec des espaces verts, des équipements culturels, du commerce, peut-être même un cinéma”, explique Clément Guillermin.

La création de nouveaux logements est une chose, mais les collectivités ont également l’ambition de développer l’économie de Mayotte en créant des zones d’activités économiques. La communauté de communes du Sud (CCSud) a un projet sur les rails à Chirongui, plus précisément dans le village de Malamani. La Petite-Terre a également lancé une étude de faisabilité d’une zone d’activités économiques dans le quartier des Badamiers. “On sent que les collectivités avancent énormément sur cette question de la vision politique pour leur territoire à long terme. La plupart d’entre elles sont en train d’élaborer leur plan local d’urbanisme.”

Aménager dans le respect des richesses naturelles

Si les collectivités semblent vouloir changer la vision de l’île pour les prochaines années, tous les projets ne sont pas réalisables puisqu’ils doivent se soumettre à certaines contraintes. Il reste de la place pour les nouveaux projets, mais le foncier est une source rare sur l’île puisque certains propriétaires refusent de se séparer de leurs terres. À cela s’ajoutent les difficultés liées à l’environnement qui compliquent l’aménagement. “Mayotte est un territoire qui a un relief assez mouvementé. Il y a beaucoup de pentes et les zones plates se trouvent en bord de mer. Or sur la côte, il y a des risques de submersion marine ou d’inondation”, précise le directeur de la stratégie des opérations à l’Epfam.

Les communes ne peuvent pas non plus réaliser leurs projets d’aménagements sur les zones naturelles protégées. Il est certes important de développer Mayotte, mais il est tout aussi important de préserver sa richesse naturelle. L’Epfam doit donc s’assurer de ne pas détruire l’écologie. Chaque projet débute par un inventaire de la faune et de la flore afin d’éviter que toute construction ait un impact sur la nature. L’établissement a également pris l’initiative d’entamer une étude de définition des zones à protéger. “On a défini des zones qui ont un fort enjeu naturel ou un fort potentiel agricole. On ne pourra pas toucher ces endroits. Ce qui nous permet d’envisager le développement de Mayotte à 2050 dans le respect d’un équilibre entre ville, nature et agriculture.” Vous l’aurez compris, il est donc hors de question d’urbaniser n’importe où et à n’importe quel prix.

CDC Habitat à Mayotte : « On ne peut pas être les seuls à ramer sur la mer de la tranquillité »

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Alors que la Caisse des dépôts et des consignations (CDC) a lancé un plan de relance pour soutenir le secteur de l’immobilier, durement éprouvé pendant la crise sanitaire, André Yché, président de sa filière habitat, actionnaire largement majoritaire de la SIM depuis 2018, met en exergue l’opportunité que cela représente pour Mayotte, mais aussi les difficultés rencontrées pour structurer la chaîne de production. Il met d’ailleurs en garde : si cet argent n’est pas utilisé ici, il le sera ailleurs.

Flash Infos : L’an dernier, CDC Habitat a lancé un ambitieux projet de construction de 4.500 logements sociaux d’ici 10 ans à Mayotte. Qu’en est-il de cette volonté ?

André Yché : Nous avons recapitalisé la Société immobilière de Mayotte (SIM) pour lui donner plus de moyens et nous sommes aujourd’hui à quelque chose comme 90% du capital, car cette augmentation a été faite sans que nous soyons suivis par les collectivités territoriales. Le conseil départemental avait envisagé de la suivre aussi, mais je crois qu’elle n’a jamais eu lieu. Quoi qu’il en soit, grâce à cette recapitalisation, la production a notablement augmenté puisque la SIM sort, en temps normal, 500 à 600 logements par an. Si on se projette sur 10 ans, cela fait 5.000 à 6.000 logements. Nous sommes donc dans le ton.

Le point faible que l’on a à Mayotte – et dans les autres Outre-mer également –, est qu’il ne suffit pas d’avoir un opérateur comme la SIM, qui soit solidement recapitalisé, il faut aussi une chaîne de production qui suive. Cela inclut d’une part le foncier aménagé – l’EPFAM* travaille avec nous en ce sens –, mais aussi les capacités d’aménagement, puis le secteur du BTP. La SIM fait elle-même de l’aménagement, mais elle a sans doute des équipes à renforcer encore là-dessus. Quant au BTP, on éprouve des difficultés à faire venir de nouvelles entreprises pour renforcer la capacité de production et pour organiser un peu de concurrence, car les prix sont tout de même très élevés. Quand on a de grosses opérations comme celle de Chirongui, par exemple, on essaye aussi de trouver des cadres et ingénieurs qui puissent apporter leur aide depuis La Réunion, où l’on dispose de beaucoup plus de personnels et d’effectifs.

Toutes ces questions d’ordre structurel, nous les rencontrons depuis que nous sommes à Mayotte. On essaye de les régler et la situation s’est globalement améliorée, en particulier parce que la SIM s’est dotée de moyens importants pour accroître sa production. Mais la structuration de la filière demeure problématique et ce problème va se trouver accentuer par le plan de relance [de la Caisse des dépôts et consignations, destiné à soutenir l’activité immobilière à la suite de la crise sanitaire, NDLR]. Ce dernier fait en effet apparaître un vrai potentiel de production, mais encore faut-il que tous les éléments de la chaîne soient réunis.

FI : Quid de ce plan de relance localement ?

A. Y. : On a reçu, de la promotion locale, 1.300 propositions de logements : des programmes répartis sur plusieurs communes. Nous regardons tout cela de près et à la fin du mois de juin nous aurons commandé environ 500 logements supplémentaires, en plus de la production normale. Si tout va bien, au troisième trimestre, nous doublerons ce chiffre pour en commander 500 à 600 de plus. Nous devrions donc dépasser les 1.000 logements supplémentaires. C’est une opportunité extraordinaire pour Mayotte – et les Outre-mer en général – d’accélérer la réalisation du plan logement. Au titre de la relance, on va être en état de commander l’équivalent de deux années supplémentaires de production. C’est au-delà des espérances, mais nous souhaitons que cela ne soit pas au-delà des capacités de production. Le problème va se poser car on va injecter entre 150 et 200 millions supplémentaires dans l’île pour ces programmes immobiliers et cela représente un gros plan de charge. Il va falloir que les entreprises s’adaptent.

FI : Vous parliez de difficultés pour faire venir des entreprises, des effectifs, etc. À quoi sont-elles dues ?

A. Y. : Toute une série d’éléments convergent. Pour les entreprises, on s’est tourné vers les majors afin de faire en sorte qu’elles soient davantage présentes. Mais elles ont des préoccupations, alors il faut leur fournir un plan de charge. C’est ce qu’on est en train de faire, malgré quelques difficultés jusqu’à présent.

Pour répondre à des besoins de production accentués – ce qui va être le cas dans les mois qui viennent –, il faudrait se poser la question de la réalisation d’unités de production un peu industrialisées, pour avoir des produits moins chers et en quantité plus importante. Nous sommes amenés à envisager une relance très importante de l’activité pour soutenir le bâtiment, à Mayotte comme partout, et il faut que toute la chaîne du BTP réponde. C’est notre souci majeur. À l’échelle nationale, cela représente un engagement d’au moins 10 milliards d’euros d’investissement, probablement 12 milliards à la fin. Il faut donc que le BTP soit en état de tirer tout le profit de cette manne. Et pour ça, il faut avoir toutes les capacités humaines, que ce soit quantitativement ou qualitativement, et avoir un niveau de production à la hauteur des ambitions.

Nous sommes en train de voir de quelle manière nous pouvons encourager tout cela. On présente notre programmation en mettant en avant le plan de charge tel qu’il pourrait se réaliser. C’est l’exercice auquel nous allons procéder à Mayotte, avec la question de la sortie du confinement et de la reprise des chantiers.

FI : Justement, cette crise sanitaire impacte encore Mayotte puisque l’île n’est pas encore désenclavée. Dans quelle mesure vos projets sur l’île ont-ils été impactés par cette période ?

A. Y. : Il y a eu un ralentissement de la production, mais par rapport à d’autres endroits, les chantiers se sont moins arrêtés. Je crois qu’ils ont d’ailleurs pratiquement tous repris aujourd’hui. Notre préoccupation désormais, c’est d’être vigilants sur les mesures de protection sanitaire pour les personnels et pour les entreprises qui travaillent sur nos chantiers, tout en faisant tout ce qu’il faut pour que cela ne s’arrête pas à nouveau.

FI : Pour en revenir à la problématique des capacités de production, sur quels leviers peut-on agir pour l’améliorer ?

A. Y. : Il y a deux axes fondamentaux selon moi. Le premier est d’avoir une programmation sérieuse. C’est ce que nous faisons et cela va être très concret bientôt : avant la fin de l’année, nous aurons négocié et contractualisé la totalité des programmes. Il faudra alors dire clairement quels sont les chantiers qui vont démarrer, sur combien de logements ils vont porter, à quels endroits, etc. En somme : avoir une programmation extrêmement précise de ce qu’on envisage de faire sur deux ou trois ans ; et avoir également une programmation glissante, c’est-à-dire la réactualiser chaque année, en rajoutant les chantiers à venir, en sortant ce qui ont été réalisés, etc. C’est indispensable pour que tous les acteurs – et les entreprises du BTP en particulier – aient une vision précise du plan de charge et qu’ils puissent adapter leurs effectifs, etc.

Cela dit, il ne faut pas s’imaginer non plus qu’on va distribuer de l’or gratuitement. L’objectif reste avant tout un certain niveau de production, de productivité et de qualité. On n’est pas prêt à tout accepter à n’importe quel prix.

Le deuxième axe d’effort, c’est de mieux intégrer toute la chaîne de production, en particulier avec les porteurs de foncier et les aménageurs. C’est la première condition. Il se trouve que la SIM est un très gros propriétaire foncier sur Mayotte et qu’elle a donc pas mal de ressources foncières en elle-même, mais on peut aussi travailler – en particulier pour développer les capacités d’aménagement – avec l’EPFAM. Dans la mesure où la SIM est le seul investisseur/maître d’ouvrage significatif en dehors de l’État et des collectivités territoriales de l’île, c’est assez facile de structurer cette coopération. Le nombre d’acteurs est assez limité. Cela devrait se faire sous l’égide de l’État. Il pourrait s’engager dans cet exercice-là.

Mais il faut aussi que cela soit une affaire de professionnels. Nous allons donc voir dans quelle mesure nous pouvons aider la SIM en envoyant périodiquement un cadre de métropole pour animer une structure de ce type-là. Il conviendrait de faire émerger dans chaque Outre-mer un cluster aménagement/habitat qui associe tous les acteurs de l’aménagement, de la construction et de la gestion. Ce sont deux axes fondamentaux pour travailler dans la durée, car il ne suffit pas d’injecter de l’argent, il faut aussi mettre à profit un plan de relance pour essayer de structurer une filière. Et là, il faut beaucoup de volontarisme et de fermeté politique. Quand les conditions de transport seront revenues à la normale, je viendrai sans doute à Mayotte pour faire passer quelques messages en ce sens, à la fois clairs et fermes, à tous les acteurs. On arrive avec beaucoup d’argent, maintenant c’est à eux de s’organiser pour qu’il soit dépensé. Si on ne peut pas le faire, on l’utilisera ailleurs. Il y a aussi des systèmes de subventions publiques comme la LBU**, et il faudra que ce soit au rendez-vous, mais ça, nous le verrons avec le ministère des Outre-mer.

La situation paradoxale, c’est que le groupe de la Caisse des dépôts a dégagé d’énormes ressources supplémentaires pour soutenir les territoires, mais ce n’est pas parce qu’on dégage des ressources énormes que tout va pouvoir se réaliser. C’est possible uniquement si tout le monde est au rendez-vous. C’est l’avantage de cette opération : chacun est placé devant ses responsabilités. On ne pourra pas dire que les bailleurs à Mayotte sont insuffisamment actifs ou productifs : on amène les ressources financières nécessaires pour que la SIM puisse au moins doubler sa production dans les deux ou trois ans qui viennent.

Qu’est-ce que c’est que l’économie ? Fondamentalement c’est deux choses : de la confiance et de l’organisation dans le tissu des opérateurs. Ces deux conditions doivent être réunies simultanément. La confiance, c’est nous qui la représentons en apportant des ressources grâce au soutien de la Caisse des dépôts, un actionnaire plus que solide. Il faut que ce qui est au départ une contrainte – le risque que l’économie et l’emploi s’effondrent – soit transformé en opportunité. Il faut que chacun soit au rendez-vous des responsabilités : que les collectivités soient là, que les services délivrent les permis de construire dans un temps record, que le BTP s’organise pour répondre à des conditions de productivité raisonnable – parce que ce n’est pas parce qu’il y a crise que nous allons leur payer des marges trois fois supérieures –, et que les autres prestataires, pour les raccordements par exemple, soient également au rendez-vous. On ne peut pas être les seuls à ramer sur la mer de la tranquillité. Les cartes sont sur la table, nous les fournissons. L’opportunité est exceptionnelle, maintenant c’est à eux de s’en emparer pour produire dans les meilleures conditions.

FI : Les investissements réalisés ici représentent combien en termes d’emplois ?

A. Y. : Quand on est sur des niveaux de productivité normaux, on considère qu’un logement engendre 1,2 emploi pendant deux ans. Pour des raisons climatiques et autre, le niveau de productivité à Mayotte n’est pas le même. Mis bout à bout donc, le programme peut générer entre 1.500 et 2.000 emplois. Mais pour ça, il faut aussi que les gens qui sont dans les instances économiques s’organisent pour faire un effort de formation localement.

Depuis qu’on est arrivé dans la SIM, le paysage a changé singulièrement. À notre arrivée, elle produisait 100 logements par an environ, aujourd’hui elle en est à 500, et elle va bientôt se retrouver avec un plan de charge de 1.000 logements supplémentaires par rapport à sa production habituelle. Toutes les chances sont là, il ne reste plus qu’à les saisir. Cela serait paradoxal et très dommageable que cette opportunité ne soit pas saisie. Mayotte est occupée par beaucoup de sujets difficiles, c’est vrai, mais cela reste un endroit paradisiaque qui mérite d’être valorisé.

*Établissement public foncier d’aménagement de Mayotte ** Ligne budgétaire unique

 

Naissance d’un volcan : quand les Mahorais s’en mêlent

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La découverte du volcan sous-marin au large de Mayotte célèbre sa première année. À cette occasion, Flash Infos donne, tout au long de cette semaine, la parole à ceux qui, de près ou de loin, œuvrent pour une meilleure connaissance de ce phénomène naturel inédit qui évolue, chaque jour, sous le regard des Mahorais. Aujourd’hui, rencontre avec Saïd Saïd Hachim, géographe mahorais qui, des années plus tôt, émettait déjà l’hypothèse de la naissance d’un nouveau volcan, précisément dans la zone où celui-ci a été découvert en 2019.

« Quand je suis passé pour la première fois en bateau au-dessus de la zone où nous pensions qu’il y avait un volcan, j’en ai eu des frissons », se remémore, sourire aux lèvres, Saïd Saïd Hachim. Alors que l’essaim de séismes commençait à peine à se manifester, le géographe mahorais, co-auteur de l’Atlas des risques naturels et des vulnérabilités territoriales de Mayotte, avait été le premier à avancer l’hypothèse de la naissance d’un volcan dans la zone où il sera effectivement découvert un an plus tard.

En 2012, Saïd Saîd Hachim participe à l’élaboration du Litto3D, une cartographie unique et inédite de Mayotte de la terre jusqu’à la mer, visant à mesurer la profondeur de secteurs difficilement accessibles. Un travail qui permettra notamment de sonder celle qui deviendra la zone volcan, mais que le chercheur appelle alors « zone blanche », aucune donnée n’y ayant jamais été recueillies. « Dans les résultats qui en ressortaient, on observait déjà cette ride volcanique, cette continuité de petits volcans résiduels entre Petite-Terre et ce qui sera identifié plus tard comme le nouveau volcan », explique Saïd Saïd Hachim.

Capture d’écran du Litto3D de Mayotte, co-réalisé en 2012 par Saïd Saïd Hachim.

En mai 2018, lorsque les premiers séismes frappent le 101ème département, le géographe croise les informations recueillies localement par l’Institut d’études géologiques des États-Unis avec la cartographie réalisée plus tôt et compile le tout dans une base de données appelée Mayrisque. Dans le même temps, une mission d’expertise demandée par la préfecture assure, lors d’une conférence de presse, que l’origine des secousses est tectonique. Un scénario auquel ne croit pas Saïd Saïd Hachim : « Si ça avait été le cas, la localisation de l’essaim de séismes aurait formé une ligne, comme sur une zone de faille. Or là, on voyait très clairement qu’ils étaient tous regroupés dans le même secteur. » D’autant plus que jamais auparavant la zone au large de Petite-Terre n’avait connu de manifestations sismiques. Pourtant, « si ça avait été dû au mouvement d’une plaque, on aurait observé d’autres signes par le passé », assure le géographe mahorais, qui, dans un premier temps, hésite à dévoiler sa théorie, craignant de ne pas être pris au sérieux.

« Et puis, il y a quelque chose que nous avions un peu oublié, les petites bulles observées à la surface de l’eau en Petite-Terre. » Un phénomène qui, dès la fin des années 90, avait été imputé à une activité volcanique. Puis, lorsque des pêcheurs attestent, en début d’année dernière, avoir vu des centaines de poissons de fonds morts flotter au large à l’Est de Mayotte, et y observent une odeur de brûlé, Saïd Saïd Hachim, un peu plus convaincu que ces manifestations corroborent l’hypothèse de la naissance d’un volcan, concerte son ancien directeur de thèse à Montpellier et un collègue universitaire à Paris, spécialiste des volcans en Indonésie. Les deux professionnels qui avaient participé à l’élaboration de l’Atlas des risques naturels de Mayotte, tombent d’accord. Un volcan pourrait effectivement être en train de se former à proximité de l’île, et les séismes seraient provoqués par une activité magmatique en cours. Finalement, ce volcan sera découvert quelques mois plus tard, en mai 2019, grâce aux relevés bathymétriques de la première mission scientifique Mayobs.

Apprendre à vivre avec le volcan

Deux mois plus tard, alors que la troisième campagne s’organise, Saïd Saïd Hachim peut, pour la première fois, embarquer à bord du Marion Dufresne, chargé d’observer la zone volcanique. Si depuis, il n’y a pu y participer à nouveau, la priorité étant donné aux équipes des organismes et instituts nationaux que sont l’Ifremer ou l’institut de physique du globe de Paris, le géographe a formulé, auprès des chercheurs, son souhait de faire partie des prochaines missions. Une plus-value incontestable, le Mahorais disposant d’une base de données inédites à propos de l’histoire géologique de l’île et de ses risques naturels. Deux terrains encore largement méconnus, puisque très peu étudiés avant les premières manifestations de l’essaim de séismes et la découverte du volcan.

Mais l’enjeu de la participation de Saïd Saïd Hachim à ces missions est aussi social. En participant aux recherches scientifiques menées par Mayobs, le géographe pourrait en devenir le relais auprès de la population, qui n’a pas toujours accès aux dernières observations publiées, et qui de fait, mesure parfois mal les risques auxquels elle peut être exposée. « Dans la science des risques, le plus important, c’est la connaissance : une fois que vous connaissez l’aléa, que vous êtes capables d’évaluer le danger, vous êtes capables de vous y préparer », déroule Saïd Saïd Hachim, qui estime que le département a encore quelques progrès à faire en matière de prévention et de pédagogie. « Par exemple, s’il y a une éruption un peu plus forte que les autres et qu’elle entraîne un glissement de terrain sous-marin, qui engendre lui-même un tsunami, une bonne partie du territoire ne sera pas touché, notamment à l’Ouest ou même sur les hauteurs de Mamoudzou que les vagues ne pourront pas atteindre. D’où l’intérêt de faire une modélisation des risques, pour savoir qui est exposé et où il serait possible de trouver des zones refuges, ce qui éviterait les mouvements de panique », envisage le scientifique mahorais. « Pour que ce volcan perce un jour la surface de l’eau, il faudra plusieurs milliers d’années, si ce n’est des millions. Nous n’avons pas d’autres choix que d’apprendre à vivre avec. »

 Le groupe Facebook S.T.TM Signalement Tremblement de Terre Mayotte ! Compte 12 000 membres à ce jour.

Alors, en attendant qu’un comité dédié à l’étude des risques ne se forme à Mayotte, Saïd Saïd Hachim intervient régulièrement en milieu scolaire pour permettre une meilleure compréhension de la crise sismo-volcanique. Un travail pédagogique que mène également, dans un tout autre genre, le groupe Facebook « (S.T.T.M) Signalement tremblement de terre Mayotte ! », créé il y a deux ans, après le premier séisme, et qui compte déjà près de 12.000 membres. Le but ? Vulgariser, traduire ou simplifier, sans dénaturer, les bulletins mensuels émis, au début de la crise, par le bureau d’étude géologique et minière, puis désormais par le réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte, le Revosima, pour les rendre accessibles à un plus large public. Derrière cette initiative spontanée et fédératrice, Bruno Perrin, scientifique de formation et passionné depuis toujours par ces phénomènes, comme il se décrit lui-même. « On se soutient, on échange, on se réconforte même parfois, mais ce sont toujours des discussions d’une grande qualité, notamment lorsqu’il y a un nouveau séisme », applaudit l’administrateur du groupe, qui recoupe régulièrement l’ensemble des observations émises par l’Ifremer, l’IPGP et le Revosima pour produire des comptes-rendus complets et plus facilement compréhensibles que ceux fournis par les autorités locales elles-mêmes. « Ça permet à certains et certaines de ne pas ou de ne plus paniquer. Ça bosse et ça rit ! » De quoi suivre de près l’évolution d’un volcan qui renferme encore de nombreux secrets à percer.

 

 

 

 

 

Rachat de Vindemia à Mayotte : GBH dément toute position dominante

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Une étude d’impact met en garde contre les risques que font peser pour la concurrence le rachat de la deuxième entreprise de distribution à Mayotte – qui comprend les enseignes Jumbo, Score, SNIE et Douka Bé – au Groupe Bernard Hayot, partenaire de Carrefour. Hausse des prix et disparitions des épiceries de proximité sont dans le viseur du rapport. Michel Lapeyre, directeur général de GBH pour la zone Afrique, Maghreb et Océan Indien, et Amaury de Lavigne, le directeur général chez Carrefour à La Réunion, réagissent aux conclusions de l’étude. Et récusent tout risque pour l’équilibre du marché de la grande distribution à Mayotte.

Flash Infos : Le 22 juillet 2019, le groupe Casino annonçait la vente de sa filiale Vindémia au Groupe Bernard Hayot. À ce moment-là, vous espériez pouvoir démarrer vos activités dans le 101e département en 2020. Mais le Covid est passé par là… Où en êtes-vous de votre arrivée à Mayotte ?

Amaury de Lavigne : C’est vrai que le Covid-19 ne nous a pas simplifié la tâche ! Surtout pour une opération de cette ampleur. S’il est évident que cela a rendu nos déplacements plus compliqués, cette crise sanitaire ne remet toutefois pas en cause l’opération. Elle est bien sur les rails, l’Autorité de la concurrence l’ayant validée en mai dernier. Il y a eu quelques recours mais ils ont été rejetés. La signature définitive aura lieu le 30 juin et nous récupérerons les clés de Vindemia dans l’océan Indien le 1er juillet. Dans un premier temps, nous rachetons les titres de la société et c’est pour l’instant le seul changement au 1er juillet. Ensuite, au fur et à mesure de l’installation, nous procéderons aux changements des enseignes de Jumbo et Score, qui deviendront Carrefour et Carrefour Market.

FI : L’Autorité de la concurrence a depuis donné son aval à l’opération, à condition que GHB revende 4 hypermarchés (dont Jumbo) et deux supermarchés à La Réunion. Mais l’Autorité n’aurait même pas mis les pieds à Mayotte. Or, une récente étude pour Les Observatoires des Prix des Marges et des Revenus (OPMR) de La Réunion et de Mayotte, réalisée par le cabinet Bolonyocte Consulting, met en garde contre la concentration du marché, avec pour risque la disparition des épiceries de quartier. Que répondez-vous ?

Michel Lapeyre et Amaury de Lavigne : Nous démentons chacune des conclusions de cette étude. Pour nous, il s’agit là d’un rapport à charge. Nous avons d’ailleurs été surpris que ni le cabinet ni l’OPMR ne nous demande notre avis au moment de la publication de ce document. Nous avons certes été en contact avec Christophe Girardier, l’auteur et président du cabinet Bolonyocte Consulting, mais sur le dossier de La Réunion et en aucun cas celui de Mayotte. Résultat, nous n’avons pas pu apporter nos observations. Quant aux faits, rappelons déjà que GBH n’est présent dans aucun domaine d’activité à Mayotte. Ce qui explique d’ailleurs que l’Autorité de la concurrence ne se soit pas déplacée sur l’île : nous ne sommes pas sur une opération de concentration qui remettrait en cause l’équilibre du marché. Nous rachetons une entreprise qui existe déjà, il n’y a donc de fait que l’actionnaire qui change. Et contrairement à ce qu’avance l’étude, nous restons sur les mêmes parts de marché que l’entreprise existante. Je ne vois pas comment Sodifram, acteur historique à Mayotte, pourrait passer subitement à la deuxième place, tandis que GBH passerait premier d’un claquement de doigts ! Même si nous espérons naturellement être à la hauteur de ce défi…

FI : La situation de duopole qui émergerait à l’issue de cette opération risque, d’après l’étude, d’entraîner à terme une élévation durable des prix, sans parler de la “diminution de la diversité de l’offre comme de son caractère innovant”. Quelles garanties apportez-vous sur la hausse des prix et la diversité des produits ?

A. L. : Encore une fois, c’est toute l’incohérence de rapport ! Si nous augmentons les prix, nous ne pourrons pas passer numéro 1. Au contraire, nous allons chercher à dynamiser le marché, à essayer de le développer. Dans notre métier, ce n’est pas en augmentant les prix qu’on réussit à devenir plus dynamique et plus concurrentiel.

FI : Justement, comment comptez-vous devenir plus dynamique et concurrentiel ?

A. L. : Étant donné que GBH n’était pas présent à Mayotte, nous ne connaissons pas bien le marché. Dans un premier temps, nous allons donc nous appuyer sur l’organisation de Vindemia. Nous allons apporter notre enseigne Carrefour et bien sûr notre dynamisme commercial. Nous avons prévu des investissements pour rendre nos magasins plus attractifs et accueillants pour la clientèle, et aussi d’améliorer les conditions de travail afin d’augmenter au maximum les potentiels. Mais nous partons déjà sur de bonnes bases, simplement en reprenant le travail accompli par Vindemia, qui a fait de l’entreprise le numéro 2 de la grande distribution à Mayotte.

FI : D’après l’étude de Bolonyocte Consulting, un fleuron local, La Laiterie de Mayotte, pourrait être mis en difficulté par rapport à Sorelait, société qui fabrique les produits laitiers de la marque Danone, et qui appartient à GBH. Comment comptez-vous, tel que vous l’évoquiez il y a un an au moment du rachat, vous “impliquer dans la filière locale” ?

M. L. : Le local constitue l’ADN de notre groupe. C’est ce qui nous caractérise déjà aux Antilles comme à La Réunion, nous avons donc bien l’intention d’en faire de même à Mayotte. Nous sommes convaincus que c’est en développant les filières locales et l’emploi que nous pouvons accompagner l’essor de l’économie. Encore une fois, cette étude réalise un procès d’intention. Elle avance que nous allons venir avec nos fournisseurs et tuer les entreprises locales*. C’est un tissu de mensonges*. Les sociétés mentionnées n’interviennent pas ou très peu sur Mayotte. SDCOM – grossiste représentant de marque – est certes une filiale de Vindemia, mais n’est pas implanté à Mayotte et Bamyrex, notre équivalent chez GBH, non plus. Sorelait réalise à peine 50.000 euros de chiffre d’affaires à Mayotte sur un an, et ses clients principaux sont Sodifram et Somaco. Le yaourt rentre dans la catégorie des produits ultra-frais, et nous en expédions donc très peu. À l’inverse, nous développons la filière agroalimentaire locale à La Réunion depuis trente ans, et je dirais même que c’est dans nos magasins que ces produits sont le plus mis en avant. Nous espérons que nous trouverons des interlocuteurs à Mayotte pour insuffler cette même dynamique !

* Pour plus de clarté, nous retranscrivons ici un extrait de l’étude du cabinet Bolonyocte sur l’intégration verticale du Groupe Bernard Hayot :

“La nouvelle position acquise du groupe GBH sur le marché aval de référence, du fait de l’opération de concentration, aura aussi des impacts majeurs sur la montée en puissance de son activité sur le marché amont. En effet, par son intégration verticale couvrant toute la chaîne de valeur des marchés de référence, GBH est déjà présent sur le marché de l’approvisionnement par ses filiales actuelles, Sorelait (production de yaourts et produits laitiers sous la marque Danone) et Bamyrex (grossiste représentant de marque), mais se renforcera davantage par l’absorption de son équivalent SDCOM, l’une des filiales de Vindemia. Actives essentiellement sur le marché de La Réunion avant l’opération, les filiales Bamyrex et SDCOM vont naturellement pouvoir étendre leurs activités lorsque la transaction interviendra, sur le marché amont de Mayotte par l’application des contrats de marques portant également sur ce territoire quand bien même ils n’y étaient pas encore exploités. Ce renforcement très significatif de son intégration verticale, combiné avec l’augmentation sensible de sa part de marché aval, aura pour effet d’ouvrir de nouvelles opportunités de développement à GBH de nature elles aussi à déséquilibrer le marché amont et fragiliser ses acteurs.

L’auteur de l’étude Christophe Girardier a, depuis la publication de cette interview, souhaité réagir : « Je trouve cette formulation inadmissible et périlleuse dans la mesure où le groupe Hayot a refusé de se prêter à un exercice auquel tous les acteurs économiques de Mayotte se sont prêtés, et alors que cette étude avait été mandatée par l’OPMR, qui compte parmi ses membres ces mêmes acteurs », a-t-il souligné.”

Quand la justice vient au secours de la police mahoraise

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La vidéo avait largement circulé sur les réseaux sociaux depuis juillet 2019. Filmant une in-tervention policière, son auteur décrivait une bavure en des termes peu amènes envers les fonctionnaires en action, qu’il accusait dans le document d’avoir tiré sur une personne. Il n’en était rien. Et l’accusateur revêtait ce mercredi l’habit d’accusé devant le tribunal cor-rectionnel de Mamoudzou qui l’a jugé coupable de diffamation.

« Défendre la police qui se voit aujourd’hui partout malmenée sans raison », voilà donc la mission qu’assignait ce mercredi Maître Hessler, l’avocat des policiers parties civiles, aux magistrats du tri-bunal correctionnel de Mamoudzou. Et que ces derniers ont accepté sans sourciller, à l’image d’un procureur de la République affichant ouvertement son amitié et son soutien envers les fonction-naires de police. La présidente n’aura quant à elle pas pris la peine de motiver sa décision. Il faut dire que les faits sont accablants pour ce trentenaire à la barre qui s’est pris pour un « journaliste citoyen » et qui a, ironie de l’histoire, « toujours rêvé d’être policier ».

8 juillet 2018, M’Tsamboro. Quatre agents de police interviennent sur un chantier particulier dans le cadre d’une opération de lutte contre le travail clandestin. Alors qu’ils pénètrent dans les lieux, un ouvrier en situation irrégulière tente de se sauver et se blesse à la jambe en tombant sur une tôle. Les secours débarquent sur place pour le prendre en charge. Et c’est à ce moment-là qu’ap-paraît, téléphone filmant la scène, l’autoproclamé journaliste citoyen qui va livrer une toute autre version des faits. Selon lui, et les commentaires qu’il enregistre dans sa vidéo, l’horreur se joue devant ses yeux : les policiers ont lâchement tiré avec leur arme de service sur un travailleur clan-destin.

« J’ai toujours rêvé d’être policier »

« C’est comme ça à Mayotte, la police mahoraise tire sur les clandestins », commente-t-il, épiçant le propos en cinglant « des policiers qui ne sont pas allés à l’école » tout en montrant leurs visages ou qui « bafouent les lois de la République ». « Je suis arrivé au mauvais endroit au mauvais mo-ment et j’ai cru ce que je voyais, ce qu’on me disait et me suis laissé emporter », expliquera dans une bien maigre défense durant son procès l’auteur des deux vidéos postées sur Youtube. « Ja-mais je n’avais dit de mal de la police, au contraire je l’ai toujours admirée comme les gendarmes et j’ai toujours voulu faire ce métier », assure celui qui s’est vu recalé d’un concours pour intégrer la gendarmerie nationale. Mais la colère se serait emparée de lui lorsqu’un des policiers aurait tenté de lui arracher son téléphone.

Une défense peu audible face aux propos qu’il emploie dans la vidéo, résonnant par les haut-par-leurs d’un ordinateur apporté aux juges par un policier. Mais plaider sa cause n’est pas l’objet de sa venue explique le mis en cause, plutôt à l’audience « pour présenter ses excuses aux policiers [qu’il] respecte beaucoup ». Une contrition qu’il affiche jusqu’à se retourner pour faire face aux quatre agents et leur demander pardon.

Mais de l’avocat des parties civiles au ministère public en passant par la présidente du tribunal, on a bien du mal à comprendre. Comprendre comment une personne rêvant de revêtir l’uniforme s’autorise à salir sans preuve ceux qui le portent. Pourquoi, alors qu’apprenant sa méprise quant aux faits, l’auteur des vidéos ne les a supprimées que plusieurs mois plus tard, laissant le temps à ce qu’elles soient largement relayées ? C’est bien cela, outre le caractère diffamatoire, qui « agace » le plus le procureur et la présidente. « Vous vous rendez-compte que maintenant, la vi-déo est encore disponible en ligne et que des gens qui vont taper « police Mayotte » sur Internet vont voir cela avec le visage de ces quatre policiers ? », questionne ainsi la magistrate.

Diffamation en ligne, « un dommage permanent »

« Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose », déplore de son côté le procureur en reprenant les mots de Francis Bacon. « Et c’est encore aujourd’hui plus vrai que jamais avec Internet car cette vidéo est toujours en ligne. » « Un dommage permanent », selon l’avocat des po-liciers, qui impose une large réparation à hauteur de 4.000 euros par policier. Qui sont trois à s’être constitués partie civile. Contre quatre à être intervenus. Le quatrième fonctionnaire a bien tenté de se greffer à l’action, allant jusqu’à épeler son nom en alphabet international sous les yeux ébahis des robes noires. Trop tard, ces yeux se sont fermés sur la demande.

Le fonctionnaire « papa, roméo… tango » aura cependant reçu le soutien moral du procureur au titre « d’un travail difficile fait avec beaucoup d’humanité ». Gare cependant à ne pas voir ici « un écho au débat actuel sur la police, il n’en est rien », assure-t-il, coupant l’herbe sous le pied à Maître Hessler qui n’avait pas hésité à pénétrer sur ce terrain-là. Mais qui avait eu le flair d’égale-ment circonscrire le champ de son propos. « Les policiers à Mayotte font un travail remarquable dans des conditions de plus en plus difficiles, dans un département qui est un baril de poudre et où un rien peut allumer la mèche. Il suffit d’un individu qui poste une vidéo et cela peut avoir des con-séquences dramatiques. Ces gens-là, il faut les calmer », a ainsi martelé l’avocat, appelant à faire de la condamnation qu’il réclame un exemple « pour contribuer à mettre fin à ces agissements lâches et sournois de diffamation sur les réseaux sociaux ».

« J’ai merdé », pousse faiblement dans un nouveau flot d’excuses celui qui ne veut « jamais bais-ser les bras pour accomplir [son] rêve d’intégrer les forces de l’ordre », pourtant conscient d’avoir « perdu beaucoup de crédibilité ». Et d’argent dorénavant. Car s’il a bien proposé de faire son mea culpa dans une nouvelle vidéo en guise de réparation, la présidente du tribunal ne l’a visiblement pas entendu de cette oreille. Et c’est le masque délacé, tombant sur son polo, que défait, l’accusé se voit condamné à 1.000 euros par infraction pour les deux délits de diffamation. Et 2.000 euros de dommages et intérêts par policier.

 

Corps retrouvé aux Badamiers : un lien possible avec l’affaire du rapt de Petite-Terre

« Nous avons en effet trouvé un corps et l’on s’interroge sur son identité », explique le procureur de la République, Camille Miansoni, qui invite à une « prudence absolue » quant à lier cette dé-couverte à l’affaire du rapt de Petite-Terre. « Il y a bien sûr des éléments dont la proximité de la découverte avec les faits qui nous amènent à nous interroger fortement mais ma responsabilité m’impose d’annoncer l’identité du corps qu’une fois qu’elle sera formellement établie », concède toutefois le procureur. Du côté de la gendarmerie, « on a la réponse mais on ne peut pas la don-ner », confie-t-on à l’aune de « multiples éléments ». Prudence donc, « surtout sur un dossier comme celui-ci » qui a menacé d’embraser l’île et qui a valu au représentant du ministère public la cible d’une campagne haineuse. De son côté, on insiste donc : « il n’y a que des éléments, ça ne suffit pas ! Le corps ne peut être identifié par des proches éventuels et il nous faut donc la preuve quasi formelle de son identifié à travers l’analyse ADN. » Laquelle ne pourra être réalisé qu’à l’oc-casion d’une autopsie dont « on ne sait toujours pas quand elle aura lieu car nous n’avons per-sonne sur place pour la réaliser et en ces temps de restriction des vols, il est compliqué de faire venir quelqu’un de l’extérieur ». « On va prendre notre mal en patience », conclut ainsi le procu-reur, expliquant que pour l’heure, deux dossiers distincts sont ouverts. L’un confié à un juge d’ins-truction dans le cadre de l’affaire du rapt de Petite-Terre. Et l’autre entre les mains du procureur de la République, lié à la découverte du corps « dans le cadre d’une procédure de recherche des causes de la mort ». « Pour l’instant les deux ne sont pas liés », insiste encore le procureur malgré les « fortes interrogations ». Si tel devenait le cas, « cela changera beaucoup de choses, mais cela sera communiqué à ce moment-là », prévient-il.

Le viol, une perversion cachée dans la société mahoraise

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Le viol est un mal invisible, et à Mayotte on profite de cette invisibilité pour ne pas en parler. Dans une société où le sexe est tabou, les victimes d’agressions sexuelles sont trop souvent réduites au silence. Cependant, les langues commencent à se délier, et les victimes veulent désormais se faire entendre malgré les nombreuses barrières qu’elles doivent franchir.

“J’ai été victime de viol par mon géniteur.” Il aura fallu un sacré courage à Saïrati, pour prononcer ces mots sans avoir honte, sans se sentir coupable. Les faits se sont déroulés alors qu’elle n’était qu’une petite fille. Elle dit ne pas se souvenir de l’âge qu’elle avait quand cela a commencé, mais les agressions sexuelles ont cessé lorsque ses parents se sont séparés quand elle avait 6 ans. Aujourd’hui, la jeune femme âgée de 26 ans, a décidé de sortir du silence et de raconter son histoire. Le chemin n’a pas été facile pour elle, car elle a dû faire face au déni de son entourage, à l’image de beaucoup de victimes. “J’ai en ai parlé à des personnes proches de moi, mais elles n’ont pas su porter ma voix. Je n’ai pas été soutenue comme je l’espérais. Ma parole a été entendue, mais il n’y a pas eu d’actions derrière. Je suis convaincue que c’est parce qu’ils avaient peur des conséquences familiales et sociétales”, selon Saïrati. La petite fille qu’elle était a évoqué le sujet pour la première fois à l’âge de 8 ans, puis vers ses 17 ans, mais elle n’a pas été soutenue. Ce n’est qu’en allant en métropole, à l’âge de 19 ans qu’elle en parle à une tante et trouve le soutien qu’elle a toujours recherché. Saïrati trouve réconfort auprès de cette tante, elle aussi victime de viol par le même homme. S’en suivent alors de longues années de thérapie avec différents professionnels. Elle est passée par tous les états : colère, peine, incompréhension. “J’en ai voulu à mon géniteur parce que je me sentais incapable d’en parler, et je lui en ai voulu parce qu’il ne disait rien alors que j’ai beaucoup pleuré.” Le long travail thérapeutique et la maladie de son agresseur ne lui ont pas permis de porter plainte mais Saïrati ne le regrette pas. “Je ne pense pas que la justice m’aurait aidée à guérir. Aujourd’hui, je vais beaucoup mieux car j’ai choisi de ne plus lui en vouloir. Je ne dis pas que je lui pardonne ou que ça fait moins mal, mais je ne veux plus vivre avec cette colère qui n’étouffait que moi.”

Si Saïrati a eu le courage d’en parler à sa famille, ce n’est pas le cas de Myriam* qui garde encore son secret enfoui dans ses souvenirs. “Lorsque j’étais petite, je devais avoir 5 ans, mon beau-frère a abusé de ma sœur et de moi”, révèle Myriam. Cela a duré plusieurs années et les sœurs ont gardé le secret jusqu’au jour où la dernière révèle tout à sa mère. “Au début, ma mère et mon beau-père ne l’ont pas crue parce que ses propos étaient confus, elle était plus jeune que moi. Lorsque j’ai vu que sa parole était mise en doute, je n’ai pas osé en parler parce que je ne voulais pas que l’on me traite de menteuse”, explique Myriam. Aujourd’hui, ce sujet est complètement tabou au sein de sa famille, particulièrement parce que le beau-frère en question est décédé. “Il est mort quand j’avais 10 ou 11 ans. C’est horrible de dire cela, mais j’étais soulagée quand ça s’est passé”, confie-t-elle. Myriam n’a jamais souhaité suivre de thérapie, ou en parler à sa famille car elle estime que c’est trop tard. Elle est cependant consciente de vivre avec une certaine rancune. “J’en veux à ma mère de ne pas avoir su nous protéger de ce prédateur alors que tout se passait sous ses yeux. Je ne comprends pas comment elle a fait pour ne rien voir. Peut-être qu’elle ne voulait pas le voir finalement…”

Libérer la parole des victimes

Saïrati a fait le choix de ne plus se taire et de sensibiliser sur les agressions sexuelles commis sur les enfants. Elle a commencé par écrire une lettre à son agresseur qu’elle a publié sur les réseaux sociaux. Elle a ensuite créé une page Facebook (Souboutou Ouhédzé jilaho – Ose libérer ta parole) avec sa tante et depuis elle ne cesse de recevoir des témoignages de personnes qui ont été agressées sexuellement. “Je leur dis toujours ce que j’aurais voulu entendre. Je leur dis que je les crois et qu’ils n’ont pas à s’en vouloir. Puis je les oriente vers différentes associations à Mayotte ou en métropole, et vers des professionnels qui peuvent les aider”, indique-t-elle. Malheureusement, beaucoup ne souhaitent pas porter plainte pour diverses raisons. Une réaction typique des victimes de violences sexuelles, particulièrement à Mayotte où le viol est un problème de société qui est caché, étouffé, réduit au silence. “Le mot viol n’existe même pas dans le langage mahorais. C’est une notion juridique du droit français. On dit plutôt que l’enfant a été “attrapé”. Et avant, on ne sanctionnait pas juridiquement la personne qui violait. Si cela venait à se savoir, elle était parfois battue par les membres de la société mais on ne portait jamais plainte”, raconte le sociologue Combo Abdallah Combo. Très souvent, on obligeait la fille à épouser son agresseur pour préserver l’honneur de la famille. Le déshonneur familial est tellement fort qu’on passe outre l’aspect individuel de la victime. “Dans notre société mahoraise, nous vivons en groupe. L’image du groupe prime sur le bien-être de chaque individu. Lorsqu’une telle chose arrive, on essaye alors d’arranger cela en famille. Mais tous ces mécanismes font qu’à chaque fois on excuse l’inexcusable”, selon le sociologue.

Les victimes d’agressions sexuelles sont encore plus réduites au silence si l’agresseur est un membre de la famille. Le viol incestueux est tellement grave que les membres de la famille préfèrent ne pas en parler. “C’est la raison pour laquelle une mère a du mal à croire quand sa fille dit qu’elle a été violée par son père, son oncle ou son frère. Au lieu de protéger la victime, on va protéger le statut de l’agresseur parce qu’il y a encore cette barrière psychologique”, explique Combo Abdallah Combo.

Éduquer enfants et parents

Dans la société mahoraise, on ne parle pas de sexe. On le sous-entend quelque fois, mais l’éducation sexuelle est inexistante. Cela favorise le silence des personnes victimes de viol. “On diabolise un peu trop la sexualité avant le mariage. C’est un tabou qui entraîne tous les autres tabous parce que si on ne parle pas de sexualité, un enfant n’osera jamais raconter à ses parents qu’il a vu ou subi quelque chose de bizarre”, souligne Saïrati. Et Myriam d’ajouter, “Si on m’avait appris quand j’étais petite que personne n’a le droit de toucher mon corps, les choses se seraient peut-être déroulées autrement.” Ce tabou ne devrait plus exister selon Combo Abdallah Combo qui tire la sonnette d’alarme sur la nécessité d’éduquer les filles et les garçons. “On doit leur apprendre clairement le bien et le mal. Il faut leur apprendre que personne n’a de droit sur leurs corps et lorsque quelqu’un les touche c’est mal et il faut en parler.” À Mayotte, un travail est également nécessaire chez les parents selon le sociologue. Ils doivent apprendre à écouter leurs enfants, et repérer le comportement d’un enfant victime. Mais encore faudrait-il s’éloigner de tous les aprioris et moins s’inquiéter de ce que les autres peuvent penser.

* le prénom a été changé

Missions scientifiques en plein confinement à Mayotte : le pari fou de l’Ifremer

La découverte du volcan sous-marin au large de Mayotte célèbre sa première année. À cette occasion, Flash Infos donne, tout au long de cette semaine, la parole à ceux qui, de près ou de loin, œuvrent pour une meilleure connaissance de ce phénomène naturel inédit qui évolue, chaque jour, sous le regard des Mahorais. Aujourd’hui, retour sur les deux campagnes scientifiques Mayobs 13 qui ont été pilotées à distance en mai dernier. Une première pour les chercheurs qui tentent de percer les secrets du volcan.

Les missions Mayobs se suivent depuis un an, mais ne se ressemblent pas. Confinement oblige, les deux dernières campagnes scientifiques autour du volcan et de l’essaim de séismes ont été, courant mai, les premières à être pilotées à distance depuis Brest, Paris et Orléans. À distance, oui, mais non sans vigilance. À plusieurs milliers de kilomètres des deux navires chargés pour le premier de récupérer les sismomètres de fond de mer et leurs précieuses données, et pour le second, de cartographier le fond de mer et d’identifier de nouvelles coulées de lave et d’émissions de fluides, une poignée de chercheurs en géosciences marines de l’Ifremer ont suivi, en continu et en direct, depuis chez eux, les données recueillies par chacun des deux appareils.

Des appareils, d’ailleurs, qui n’étaient pas initialement prévus pour assurer ces missions scientifiques, la plupart du temps opérées par le désormais bien connu Marion Dufresne. Mais en pleine crise sanitaire, celui-ci n’a pas pu être réquisitionné. Mais alors que rares sont les bateaux suffisamment équipés pour mener ce genre de campagnes, un navire de la marine nationale, le Champlain, est mobilisé par le ministère des Armées pour la levée des OBS. Pour les mesures acoustiques de bathymétrie, le Gauss, un bateau privé de la compagnie Fugro, alors en transit entre l’Égypte et l’Afrique du Sud, est dérouté vers Mayotte. Les deux campagnes, capitales pour la compréhension des événements sismologiques et volcaniques survenus depuis le mois d’août, date de la dernière mission Mayobs, auront bel et bien lieu. Ouf de soulagement.

Début mai, quatre chercheurs de l’Ifremer et de l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP) fraîchement dépistés décollent de la capitale hexagonale en direction de La Réunion. Sur l’île intense, ils sont tenus d’observer 14 jours de confinement avant de gagner Mayotte. Puis, direction le port de Longoni où le Champlain les attend afin de relever les six sismomètres déployés en mer quelques mois plus tôt. À son tour, le Gauss prend la mer, pour suivre un plan de travail bien défini et qui couvre trois secteurs distincts : le volcan, sa ride, et la zone où est localisée l’essaim de séismes.

Six chefs de mission à six endroits différents

Pendant ce temps-là, en Bretagne, Delphine Pierre, chercheuse au sein du service cartographie, traitement de données et instrumentations de l’Ifremer, garde, depuis chez elle, les yeux soigneusement rivés sur son écran huit heures par jour, tout au long de la semaine que durera la mission. Elle et cinq autres de ses collègues sont chargés de planifier, à tour de rôle, l’itinéraire de navigation puis de récupérer en temps réel les données prélevées par le sondeur multifaisceaux du navire qui balaye le fonds de l’océan en envoyant un son dont l’écho permet de mesurer le relief des sols marins. L’équipe de scientifiques analysera ainsi des centaines de milliers de signaux en seulement sept jours. Un travail de fourmis, inédit dans de telles conditions, mais dont l’importance sera prouvée dès les premiers jours de la mission.

Rapidement, les chercheurs observent, via la sonde, de nouvelles émanations de gaz volcanique, ou panaches, ainsi qu’une nouvelle coulée de lave. Depuis la métropole, ceux qui se relaient quotidiennement pour suivre, 24h/24, les données recueillies par le sondeur sur les fonds marins, décident de modifier l’itinéraire, pour mieux inspecter chaque point où des changements ont été observés. Un imprévu face auquel l’équipe a dû réagir. « Nous sommes passés une dizaine de fois sur chacun de ces points, et nous avons récolté suffisamment de données qu’on sait de qualité, puisque nous les avons traitées en temps réel », sourit, soulagé, Emmanuel Rinnert, l’un des trois chefs de mission, restés en métropole pendant les campagnes. « Habituellement, ces données sont traitées en groupe, et nous travaillons tous ensemble dans la même salle. Là, nous avons chacun dû travailler depuis chez nous, et il fallait aussi pouvoir réagir immédiatement en cas de panne sur un système, mais heureusement, ça n’a pas été le cas lors de ces deux missions ! » Ainsi, un premier rapport devrait être dévoilé dès le mois de juillet. « Mais il est possible que ces résultats n’apportent aucun élément nouveau », tempèrent les chefs de mission de l’Ifremer, heureux d’avoir relevé le défi de piloter une campagne scientifique… depuis leur salon.

Après avoir été sortis de l’eau pour que leurs données soient récupérées, les six sismomètres de fond de mer ont été de nouveau immergés pour plusieurs mois d’enregistrement. (Crédit Ifremer)

Delphine Pierre, chercheuse au sein du service cartographie, traitement de données et instrumentations de l’Ifremer, suit en direct les mesures bathymétriques. (Crédit Ifremer)

Le plan de navigation du Gauss autour du volcan.

Illustration de mesures bathymétriques. (Source Ifremer)

Le navire Gauss lde a société Fugros, réquisitionné pour les relevés bathymétriques

Les premières observations faites lors de la mission Mayobs 13-2 en mai dernier. (Source Ifremer)

Le commandant Pierre-Gauthier Tilquin, et les quatre scientifiques, Pierre Guyavarch et Mickael Roudaut de l’Ifremer, et Simon Besançon et Tom Dumouch de l’IPGP-CNRS, devant le Champlain, alors à quai à La Réunion. (Crédit Ifremer)

Mayotte : l’impact économique du confinement en 10 chiffres clés

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Alors que l’état d’urgence sanitaire risque d’être prolongé jusqu’au 30 octobre à Mayotte, les chiffres sur l’impact des mesures de confinement sont déjà sans appel pour le monde économique. Et l’île aux parfums pourrait bien garder longtemps les stigmates de cette crise inédite.

Pêcheurs, agriculteurs, taxis, restaurateurs, auto-écoles, et tant d’autres… On peut dire que la crise du Covid-19 n’a épargné personne. Et à peine les mois de confinement commencent-ils à s’estomper derrière nous, qu’il faut déjà compter les morts. Si Mayotte n’a pas connu, comme en métropole, la vague épidémique tant redoutée, c’est bien un petit tsunami qui guette en tout cas le monde économique. Dans ce contexte, la prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 30 octobre, adoptée à l’Assemblée nationale le 17 juin dernier, avait peu de chances de faire des heureux. Surtout parmi les entreprises mahoraises, dont certaines, comme les hôtels ou les restaurants, sont encore fermées au public alors que les jet skis et autres coques de bateau s’amusent déjà sur les eaux claires du lagon. “Dans le secteur de l’hôtellerie, le maintien de l’état d’urgence jusqu’en octobre pourrait provoquer une vague de licenciements sans précédent, pouvant selon nos estimations décapiter plus de 50% des emplois que nous portons. Cela implique que nombre d’entreprises n’auront eu d’autres choix que de « mettre la clef sous la porte””, a ainsi mis en garde l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie de Mayotte (UMIH976). Alors que Mayotte arbore toujours cette couleur orange, signe d’une circulation active mais modérée du virus, l’économie elle “entre en zone rouge”, écrivent encore les professionnels de l’hôtellerie. Vraie prédiction ou discours alarmiste ? Toujours est-il que les statistiques rapportées depuis la mise à l’arrêt de l’économie le 16 mars dernier, ont de quoi faire tourner la tête. Tour d’horizon en 10 chiffres clés, d’une économie à bout de souffle.

68%

Soit presque les trois quarts des entreprises qui ont fermé leurs portes dès le 16 ou le 17 mars ! Le constat a été dressé par la BGE, qui a mené depuis quasiment les débuts du confinement une enquête auprès de ses adhérents (l’étude a recueilli 132 réponses). L’organisation accompagne des entrepreneurs dans la création et le développement de leur projet. Or, ces jeunes structures risquent de pâtir particulièrement de la crise. “Au moment de l’enquête, 54% d’entreprises ont déclaré être actuellement en difficultés financières à cause du confinement, à ce jour il s’agit de 87% des entreprises qui sont en réelles difficultés”, détaille l’enquête. Des situations critiques qui s’expliquent aussi par des charges courantes mettant en péril leurs reprises d’activité ou encore des dettes auprès de fournisseurs ou d’établissements bancaires. À noter que ces chiffres rejoignent peu ou prou ceux de l’enquête menée par la CCI entre le 30 mars et le 30 avril. Sur les 621 entreprises répondantes, 62% avaient dû fermer leur entreprise à cause du confinement et plus de la moitié des sociétés avaient subi une perte de chiffre d’affaires supérieure à 70%.

-60,6%

C’est la perte de chiffre d’affaires des entreprises du tourisme, de l’hébergement marchand et de la restauration de Mayotte, entre les mois de mars 2019 et mars 2020. Le chiffre, issu d’une étude menée par l’Agence de développement et d’innovation de Mayotte (ADIM), avec le comité départemental du tourisme, le MEDEF, la CCI et l’UMIH, est revenu sur la table avec l’annonce de la prolongation de l’état d’urgence à Mayotte. Et ce sont les élus qui se sont emparés du sujet pour demander au gouvernement des mesures plus souples. Dans un courrier adressé samedi à Édouard Philippe, le président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani a ainsi souligné le “coup dur porté à Mayotte” par cette décision, “à un moment où il est primordial de relancer l’économie locale”.

6,3 millions

Au 1er juin, l’aide du fonds de solidarité a alimenté les comptes de 4.407 très petites entreprises (TPE), jusqu’à 1.500 euros chacune. Soit un coup de pouce de 6,3 millions d’euros, versé par l’État. Cette aide, plutôt salutaire à Mayotte, devait s’accompagner d’un fonds de soutien complémentaire du Département, doté d’un million d’euros. Mais la rigidité des critères d’attribution de l’aide de la collectivité, longtemps conditionnée à la présentation d’attestations fiscales et à un refus d’un prêt garanti par l’État (PGE), n’a pour l’instant recueilli qu’une quinzaine de dossiers. Les entreprises mahoraises se sont davantage tournées vers les autres dispositifs mis en place par le Département, comme le fonds de soutien départemental ou le prêt d’honneur.

3.068

C’est le dernier bilan du conseil départemental : 3.068 dossiers ont été réceptionnés pour le fonds de soutien spécialement dédié à Mayotte. Parmi eux, 1.071 ont été instruits et validés. Les heureux élus devront recevoir leur paiement dans les deux prochaines semaines. Quant au prêt d’honneur du Département de 30.000 euros, doté initialement de 3 millions d’euros, la totalité de l’enveloppe a déjà été engagée, et les dossiers sont en cours d’instruction.

1.428

Il s’agit du nombre d’entreprises retenues pour bénéficier du dispositif d’activité partielle, d’après le dernier bilan disponible de la préfecture. Cela représente un total de 13.549 salariés, indemnisés grâce à cette aide de l’État qui vise à éviter les licenciements. En tout, plus de 10 millions d’euros ont ainsi été versés rien qu’à Mayotte. Une jolie enveloppe, qui devrait, au moins pour un temps, anesthésier l’économie et éviter de gonfler les chiffres du chômage.

9.500

Voilà un chiffre assez révélateur pour un autre pan de l’économie qui a aussi souffert de la crise : le secteur informel. À Mayotte, ces entreprises inconnues de l’administration fiscale, estimées par l’Insee en 2015 aux ⅔ des entreprises marchandes représentent certes peu de richesses, mais elles concernent une part importante de la population. Résultat, tandis que les vendeuses de bord de route disparaissaient des coins d’ombre et des ronds-points, le nombre de familles qui se pressaient aux portes des CCAS et des associations ne cessait, lui, d’augmenter pendant la crise. D’après un point étape effectué par la préfecture le 30 avril dernier, 9.500 familles avaient obtenu des aides alimentaires pendant le confinement. Un chiffre en nette augmentation par rapport au nombre habituel de ménages bénéficiaires (environ 5.500), en dehors de la période Covid, recensés par les centres communaux d’action sociale.

-18%

C’est peut-être l’indicateur le plus rassurant pour l’économie mahoraise. La baisse de l’activité, mesurée en mai par l’INSEE, est à Mayotte, presque deux fois moins forte que celle constatée au niveau national (33%). Prudence toutefois : ce chiffre s’explique surtout par la structure de l’économie locale, où les services non marchands (l’administration, l’emploi public) pèsent deux fois plus lourd dans le PIB (52%) qu’en France (22%). Au niveau du secteur marchand, les chiffres de Mayotte rejoignent ceux des autres collectivités et du global, avec 35% de chute d’activité. Et sans surprise, la construction et l’hébergement-restauration sont les deux secteurs les plus touchés, avec une perte de 90% de leur activité par rapport à la normale, au moment de la note de l’Insee en tout cas. Si aujourd’hui, la plupart des chantiers ont pu redémarrer, il n’en va pas de même pour les hôtels…

5 à 10%

Le redémarrage de l’économie ne se fera pas en trombe. Et au niveau de la construction, les professionnels estiment à 5 à 10% pour chaque chantier la hausse des coûts générés par la crise sanitaire. Gestes barrières obligent, les entreprises ont dû s’adapter, pour équiper leurs employés en masques, gels ou solutions hydroalcooliques. Sans parler du respect des distances de sécurité, qui implique de prévoir davantage de voitures, et moins de personnes en même temps sur site. Résultat, la productivité n’est pas au rendez-vous, alors même que 100% des entreprises de BTP mahoraises (d’après les chiffres remontés par la Fédération mahoraise du bâtiment et travaux publics (FMBTP) auprès de ses adhérents), ont repris du service. “Sur les chantiers où les marges sont assez faibles, la situation pourrait se corser”, résumait le 9 juin dernier Julien Champiat, le président de la fédération, à Flash Infos.

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En voilà un qui pourrait se révéler bien utile dans les semaines et les mois à venir. Le numéro de Pôle emploi vient tout juste d’être déployé lundi à Mayotte. Désormais, ces quatre chiffres permettent à toute personne sur l’île d’être mise en contact directement avec un conseiller, pour obtenir des renseignements ou des attestations, ou encore procéder à son actualisation. Avant cette nouveauté, le numéro renvoyait à un automate pour traiter la demande. Une évolution qui ne sera pas de trop, dans un territoire où à peine 35% des foyers sont équipés d’Internet… Avec d’ailleurs pour conséquence indirecte la baisse des nouvelles inscriptions, alors même que les entreprises subissent de plein fouet la crise. En effet, les agences de Pôle emploi ayant été fermées jusqu’à ce lundi, le nombre de nouveaux inscrits équivaut à peine à un tiers des volumes effectués l’année dernière à la même période. “Mais c’est une information qui ne recouvre aucune réalité économique car

nous étions fermés”, insiste Jean-Christophe Baklouti, le directeur régional de Pôle Emploi. Ce nombre risque donc bien de repartir à la hausse dans les prochaines semaines, entre les inscriptions tardives et celles liées aux licenciements et aux fins de contrat.

2.650

C’est le joli chèque signé par le groupe Sodifram en mai. En tout, l’entreprise de distribution a offert aux soignants 132.500 euros, sous la forme de 2.650 bons d’achats de 50 euros. Un geste “sans précédent”, saluait Balahachi Ousseni, le secrétaire départemental de l’UI CFDT Mayotte et représentant du personnel hospitalier. Il faut dire que la grande distribution est peut-être l’un des rares secteurs à avoir pu garder la tête hors de l’eau pendant la crise…

Le covid-19 n’arrange pas les affaires de l’offre médico-sociale à Mayotte

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Si le confinement a pu être une partie de plaisir pour certains habitants, ce n’a pas été le cas pour les personnes en situation de handicap et les personnes âgées. Un public dépendant et fragile pris en charge par le secteur médico-social. Une réorganisation de l’offre a été indispensable pour limiter la casse sur un territoire, où le nombre de structures ne répond toujours pas à la demande croissante.

Demande exponentielle, structures insuffisantes, etc. : lorsqu’il s’agit de dresser le portrait du secteur médico-social, Mayotte a plus qu’un train de retard avec la métropole. « L’offre se développe doucement depuis 2012, avec des créations d’établissement. Aujourd’hui, nous comptons environs 700 places pour accueillir les personnes en situation de handicap – enfants, adolescents et adultes de moins de 60 ans – et les personnes âgées », résume Mayssoune Idaroussi, la responsable de l’unité médico-sociale à l’Agence régionale de santé (ARS). Sur l’île aux parfums, il n’existe à l’heure actuelle qu’une douzaine de structures sur le territoire pouvant accueillir un tel public. Alors comment continuer à s’occuper de lui lorsque la période de confinement impose un retour à la maison ? « Nous avons mis en place un système de visite à domicile, c’est-à-dire que nous avons demandé aux établissements agréés de suivre les usagers par voie téléphonique pour connaître leurs besoins et d’envoyer un professionnel de santé au domicile en cas de nécessité. »

À titre d’exemple, le service de soins infirmiers à domicile de la Croix Rouge intervient auprès de 40 personnes âgées et de 17 en situation de handicap, tandis que sept autres services d’aides à domicile prennent en charge les actes essentiels de la vie. Et face aux risques de contagiosité, pas question de lésiner sur les moyens ! « Notre accompagnement au sein de l’ARS se situe surtout au niveau de dotations hebdomadaires en masques et en surblouses, car les contacts peuvent être rapprochés », souligne Mayssoune Idaroussi. Autre décision d’urgence prise en cette période de Covid-19 : la réquisition de l’institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (ITEP) Mar’Ylang de l’association Mlezi Maore, situé à Kahani, en établissement ressource pour isoler les jeunes lorsque l’un de leurs parents contracte le virus. Une mesure drastique, mais indispensable dans le but de les préserver et de casser les chaînes de transmission.

Un confinement difficilement compréhensible

De son côté, Razafina Oili, la directrice de l’association pour les déficients sensoriels de Mayotte (ADSM), élabore dès le début de la crise, en lien avec l’ARS, un plan bleu qui permet à la structure d’accueil de maintenir un service minimum. Avec entre autres 40 déficients auditifs et 36 déficients visuels, dont 15 enfants de la Lune, âgés de 0 à 20 ans, la tâche s’annonce complexe. « Ils ont besoin de beaucoup d’attention, car ils ne comprennent pas pourquoi ils doivent rester à la maison, pourquoi ils doivent respecter les distanciations, pourquoi ils ne peuvent plus venir aux activités les mercredis et samedis », relate-t-elle. Alors pour garder le contact, l’association suit un protocole très précis : des rencontres peuvent s’organiser sur rendez-vous et au domicile, en s’assurant qu’une prise de température soit réalisée avant chaque déplacement. Sur le terrain, une trentaine d’encadrants, composée d’éducateurs spécialisés, de psychologues et d’animateurs, se charge de récupérer les cours pour les familles qui ne peuvent se déplacer, de distribuer les bons alimentaires, ou encore de ramener les médicaments pour que chacun puisse bénéficier de son traitement. « Nous avons sensibilisé les parents au début du confinement pour leur expliquer les règles à suivre. Mais certains n’acceptent pas de ne pas avoir de soutien à la parentalité. » C’est la raison pour laquelle l’association planche déjà sur un plan de reprise. En ligne de mire, le début du mois de juillet, pour relancer l’apprentissage de la langue des signes française dans le but de permettre une meilleure communication au sein même du foyer.

Quoi qu’il en soit, cette période met d’ores et déjà en exergue l’impact de la crise sur l’offre médico-sociale à Mayotte. « Nous nous rendons bien compte que la demande existe, donc il faut continuer à sortir de terre des établissements spécialisés pour augmenter le nombre de prises en charge », résume Mayssoune Idaroussi, la responsable de l’unité médico-sociale à l’ARS, qui souhaite sauter sur l’occasion pour mettre en place des solutions viables et pérennes qui étaient jusqu’alors, simplement, en réflexion pour l’avenir. Seul motif de satisfaction de ces trois derniers mois ? « Nous n’avons eu aucun usager infecté par le Covid », assure-t-elle, en attendant que les personnes en situation de handicap et les personnes âgées retrouvent un semblant de normalité…

Mlezi Maore, toujours sur le pied de guerre

Si les dispositions de lutte contre la propagation du Covid-19 impactent de manière très directe ses associations et établissements, Mlezi Maore a élaboré des plans de continuité de l’activité tout au long de la crise sanitaire. Ainsi, l’institut médico-éducatif et le service d’éducation spécialisée et de soins à domicile du pôle Handicap ainsi que le service d’action éducative en milieu ouvert du pôle Jeunesse ou encore le service de tutelles du pôle Solidarité sont en ouverture aménagée. « L’évaluation de la situation de chaque usager a été réalisée, des contacts réguliers sont assurés et des visites à domicile sécurisées sont programmées en cas de nécessité », précise l’association. Des distributions de bons alimentaires ont été assurées aux enfants du pôle Handicap qui ne pouvaient plus être accueillis dans les unités et qui, de facto, ne bénéficiaient plus des déjeuners quotidiens sur place, ainsi qu’à tous les publics qui en avaient besoin sur l’ensemble des communes du Sud. À ce jour, Mlezi Maore attend le feu vert de l’ARS et de la préfecture pour l’accueil des enfants. En attendant, les professionnels de santé poursuivent les visites à domicile et les prises de nouvelles par téléphone.

À Mayotte, « beaucoup d’employeurs ont triché pendant la crise »

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Alors que l’économie comme les habitants de l’île se déconfinent, les langues se délient aussi peu à peu, notamment pour évoquer des dérives qu’a engendré la crise sanitaire du coté des entreprises. La CGT-Ma s’attache donc désormais à compiler les différentes doléances des travailleurs.

Les signaux sont au vert pour une reprise de l’économie. Mais la CGT-Ma voit rouge. « Chantage », « menaces », pertes injustifiées de salaire, absence de dialogue social, et « triches en tout genre », constituent ainsi le haut du panier des doléances que récolte le syndicat alors que la crise sanitaire semble toucher à sa fin. « Nous allons recenser toutes situations, alerter en espérant des réactions et ensuite nous déciderons avec les travailleurs de la suite à donner », explique Salim Nahouda, qui n’exclue pas la menace d’un mouvement social. Car pour le secrétaire départemental de la CGT-Ma, « pendant ces trois mois, il y a eu énormément de comportements inacceptables de la part des employeurs, beaucoup ont triché », assure-t-il à l’aune des premières plaintes enregistrées.

Plusieurs employés à qui des primes ont été promises se sont ainsi tournés vers le syndicat dans l’espoir de l’obtenir. Elles concernent notamment les travailleurs exposés à l’instar des salariés des des Douka Bé (voir Flash Infos du 23 juin). « C’est un sujet compliqué ici car même si le gouvernement a fait pression pour que les employeurs la paient, localement les entreprises font tout pour ne pas la payer », pointe à ce sujet Salim Nahouda, relevant que deux bras de fer ont plus ou moins payé. Les salariés de Sodifram se sont ainsi levés pour obtenir cette prime « et obtenir des miettes ». Du côté d’EDM, la situation est plus alambiquée. « On nous avait annoncé un alignement sur la prime qui serait mise en place à La Réunion où les agents ont finalement obtenu 800 euros. Mais après cela, la direction a voulu baisser le montant ici alors que les travailleurs étaient beaucoup plus exposés et ont effectué un nombre d’heures bien supérieur », résume le syndicaliste.

« Les travailleurs ont trop perdu »

Après négociations, ladite prime a été obtenue mais « en multipliant les conditions ». « De manière générale, les employeurs ne veulent pas payer cette prime et quand ils acceptent en rechignant, ils font tout pour le faire au rabais », conclut Salim Nahouda. Mais au-delà des primes non versées, c’est bien des salaires revus à la baisse dont se plaignent nombre de travailleurs. « Beaucoup d’employeurs se sont déclarés en activité partielle pendant tout le mois de mars alors que le confinement a commencé le 17, les salaires de ce mois n’ont donc souvent pas été calculés sur la bonne base », constate le syndicat. Une entourloupe parmi d’autres mais qui ont conduit « à ce que beaucoup d’employés se retrouvent à 7 euros de l’heure alors qu’un décret était venu fixer le minimum à 8 euros. Tout ça à cause de calculs frauduleux qui se sont multipliés pendant trois mois », peste le représentant de la CGT.

« Il y en a même qui ont fait travailler leurs employés de manière normale en se déclarant en activité partielle, c’est inadmissible et le pire c’est que ce ne sont souvent pas les plus malheureux qui ont fait ça », accuse encore Salim Nahouda, exemples à l’appui. « Ils font tout pour tricher », peste le syndicaliste, relevant également « des formes de pression pour faire travailler elles employés, des congés maladie déduits des congés annuels, des menaces de perte d’emploi sur des travailleurs bloqués à l’extérieur du territoire ». Alors, face à ces nombreuses dérives imputées, la crise sanitaire laissera-t-elle la place à une crise sociale ? Salim Nahouda veut modérer le tempo. « Déjà, les employés dénoncent de plus en plus ces comportements, on espère que cela va faire bouger les choses et que les employeurs reviendront à la raison, mais si ça ne marche pas, il faudra bien aller plus loin. Ce sera aux travailleurs d’en décider, mais ils ont trop perdu », prévient-il. Avant les drapeaux rouges, vigilance orange donc.

Trafic aérien à Mayotte : Air Austral relance (progressivement) ses vols

Avec l’annonce, lundi, de la réouverture de l’aéroport de Mayotte, la compagnie aérienne Air Austral reprend progressivement son programme de vol. Progressivement seulement, car si les liaisons reprennent, elles restent soumises aux fameux « motifs impérieux. »

L’annonce était attendue, mais a quelque peu déçu. Si l’aéroport de Mayotte rouvre « dès cette semaine », comme l’a annoncé avant-hier la préfecture, avec « la reprise des vols commerciaux depuis et vers Mayotte », les déplacements restent soumis aux désormais bien connus « motifs impérieux ». Quoi qu’il en soit, la compagnie Air Austral reprend donc ses vols de manière progressive.

S’agissant de la liaison Mayotte-Paris, deux fréquences commerciales sont prévues cette semaine, puis quatre la semaine prochaine, et cinq à partir de la semaine du 6 juillet, « sous réserve de l’autorisation des autorités », rappelle la compagnie. Pour ce qui est de la ligne Mayotte-Réunion en revanche, peu d’évolutions pour le moment avec, dans le sens Réunion-Mayotte, les vols effectués dans le cadre du pont aérien, et dans l’autre sens, une fréquence commercialisée par semaine. La suite « dépendra de l’évolution de la situation et se fera en accord avec les préfectures ». Patience donc, pour ceux qui souhaiteraient s’envoler vers l’île Bourbon.

Des attestations à télécharger

Double patience même, car si les vols commerciaux reprennent, ils demeurent soumis à des « motifs impérieux » : voyage pour raisons professionnelles, de santé, familiales, etc. Des mesures très restrictives qui nécessitent de remplir des attestations disponibles en ligne, notamment sur le site d’Air Austral, mais aussi de fournir des justificatifs. Et si c’est la compagnie qui vérifie lesdits documents à l’enregistrement, la police aux frontières s’en charge également, décidant si le passager peut, ou non, embarquer. Tentative de fraude à oublier, donc.

Pour rappel, les voyageurs atterrissant en métropole en provenance de Mayotte n’auront aucun test à subir. En revanche, La Réunion impose qu’un test soit réalisé 72h avant le départ et qu’un isolement de sept jours soit observé à l’arrivée. Si le test n’a pu être fait, une quatorzaine stricte devra être respectée à l’arrivée.

Emmanuel Rinnert, chef de mission Mayobs : « L’activité magmatique continue »

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La découverte du volcan sous-marin au large de Mayotte célèbre sa première année. À cette occasion, Flash Infos donne, tout au long de cette semaine, la parole à ceux qui, de près ou de loin, œuvrent pour une meilleure connaissance de ce phénomène naturel inédit qui évolue, chaque jour, sous le regard des Mahorais. Aujourd’hui, Emmanuel Rinnert, géochimiste à l’Ifremer et l’un des chefs de mission Mayobs, fait le point sur les deux dernières campagnes scientifiques qui se sont déroulées dans les eaux mahoraises entre avril et mai, en plein confinement. 

Flash Infos : Quel était l’objectif des deux missions scientifiques organisées à Mayotte ces dernières semaines ? 

Emmanuel Rinnert : Elles avaient toutes les deux un objectif différent. Mayobs 13-1 visait à récupérer, faire de la maintenance et remettre à l’eau les OBS, des sismomètres de fond de mer, afin de pouvoir continuer à recueillir de nouvelles données relatives aux séismes. Pour Mayobs 13-2, l’enjeu était l’acquisition de données bathymétriques (des mesures du fond de mer permettant de cartographier les sols et d’étudier d’éventuelles déformations, ndlr). La bathymétrie est d’ailleurs la technique qui avait permis de découvrir le volcan en mai 2019 ! L’objectif était aussi de recueillir des données relatives à la colonne d’eau du volcan, et de savoir s’il y a des sorties de fluides et de particules. 

FI : Ces missions avaient été programmées avant que la crise sanitaire n’éclate. Pourquoi les avoir maintenues malgré le confinement et la quatorzaine à l’arrivée dans les Outre-mer, qui a contraint les scientifiques à rester à Mayotte bien plus longtemps que prévu ? 

E. R. : En effet, les quatre personnes qui ont embarqué sont parties presque un mois et demi pour une opération qui n’a duré que six à sept jours en mer… Mais une partie des données des OBS aurait été totalement perdue si nous n’avions pas relevé les instruments mi-mai, parce que leur autonomie est limitée. Nous n’avions aucune idée de la durée de la crise sanitaire, aucune visibilité pour pouvoir décaler les missions, donc tous les organismes scientifiques et même les ministères concernés ont préféré qu’elles soient maintenues. Pour la partie bathymétrie, les activités sur le fond de mer et dans la colonne d’eau, il faut savoir que les derniers relevés de ce type remontent à août 2019. Ce type d’opérations demande des sondeurs très spécifiques et très puissants, capables d’aller à plus de 3.000 mètres de fond, là où est posé le volcan. Tout ça fait qu’il n’y a pas énormément de navires qui sont capables de faire ce genre de mission, et aucun n’était disponible depuis août 2019. Nous avons eu une possibilité pour mai 2020, et malgré la crise sanitaire, il était capital de continuer de suivre le volcan pour acquérir de nouvelles données, parce que même si les séismes et l’enfoncement de l’île ont ralenti, la crise n’est pas finie, donc ça sous-entend qu’il y a une activité magmatique qui continue. 

FI : Quels signes de cette activité avez-vous pu observer lors des dernières missions ? 

E. R. : Dans la zone nord-ouest du volcan, on sait qu’il y a eu de nouvelles coulées de lave qui couvrent 5 km² environ, en plus de celles que nous avions déjà observées entre mai et août. Ce qu’on entend par coulée, c’est un étalement de lave de l’ordre de quelques dizaines de mètres de hauteur, et comme le fond de mer à cet endroit-là est relativement plat, la coulée avance. Mais il y a aussi de nouvelles structures, trois édifices qui mesurent une centaine de mètres de hauteur, voire un peu plus, et qui se sont beaucoup moins étalés. Ces structures peuvent être de la lave solidifiée : à cette profondeur, l’eau n’est qu’à quelques degré, et selon la texture de la lave, si elle est visqueuse ou fluide, elle aura tendance à monter en se solidifiant. Mais ces structures peuvent aussi être le point de sortie du volcan, que nous ne connaissons pas actuellement mais qui se situe normalement au centre du cratère. Or quand le volcan commence à monter, comme l’a très vite fait celui-ci, il faut plus de pression à la lave pour qu’elle puisse en sortir en atteignant le sommet, ou alors, il arrive qu’elle sorte par sa base, où il y a besoin de beaucoup moins de pression, et c’est pour ça qu’on observe parfois quelques structures à ce niveau-là. À Mayotte, elles se situent à deux bons kilomètres du volcan, donc ça n’est pas son point de sortie… Attention, je ne suis pas en train de dire qu’il y a un nouveau volcan ! Concernant celui découvert en mai 2019, nous devrions être capables d’identifier son point de sortie quand on retournera sur la zone et qu’on aura pu voir les évolutions, c’est une plomberie très complexe. En attendant, il est important de connaître la hauteur réelle de ces structures et le volume de lave correspondant, pour connaître le flux émis depuis le mois d’août, date de nos dernières observations. Nous devrions confronter nos différents calculs au mois de juin, mais rien qu’en regardant les cartes, on voit que le flux est plus faible que ce qu’il y a eu par le passé. 

FI : Lors de la précédente mission, en août 2019, un important panache avait été observé, témoin d’une éruption volcanique en cours. Qu’en est-il aujourd’hui ? 

E. R. : L’année dernière, nous avions effectivement observé une éruption avec un panache énorme, la plupart d’entre nous n’avait jamais vu ça. Là, nous ne l’avons pas revu, mais nous avons utilisé un sondeur un peu moins sensible… Nous n’avons certes pas observé d’éruption, mais ça ne veut pas dire que l’activité s’est arrêtée. Nous avons détecté deux nouveaux panaches au niveau de la zone de l’essaim sismique principal, sur le site que nous appelons le fer à cheval et qui se situent un peu plus à l’Est que les trois panaches observés en 2019 et qui sont d’ailleurs toujours actifs. Par rapport à notre expérience sur la forme de ces panaches, c’est tout à fait compatible avec des émissions de gaz, on n’est pas sur des signaux d’éruption. Ce gaz, dont nous avons analysé la composition l’année dernière en mai et en juillet, c’est du CO2, de l’hydrogène et du méthane, donc ce sont typiquement des gaz volcaniques. Maintenant, ils sont connus depuis plus de vingt ans à terre à Mayotte, à travers les éruptions de bulles de gaz à Moya ou près de l’aéroport. C’est une zone où il y a du magma très en profondeur, donc ces fuites de gaz peuvent être fréquentes mais ça ne veut pas dire que ce sont les prémices d’une éruption. Les premiers panaches que nous avions observés l’année dernière étaient peut-être là depuis dix ou vingt ans, mais il n’y avait jamais eu de mesures de ce genre auparavant. En revanche, les deux nouveaux phénomènes que nous venons de découvrir n’étaient pas là l’année dernière. C’est pour ça qu’il est très important de continuer à recueillir des données. 

FI : Si les données fraîchement recueillies sont encore en cours de traitement, les chercheurs savent déjà que la structure du volcan n’a pas connu d’évolution majeure depuis le mois d’août, mais l’ensemble de la zone, dite « zone volcan », semble, elle, avoir bougé… 

E. R. : Effectivement, nous avons observé des modifications de signaux lors des relevés bathymétriques, dans la zone volcan et comme partout ailleurs, y compris à des endroits de référence que sont les plaines abyssales. En réalité, notre matériel a induit pas mal de bruit sur les signaux, particulièrement lorsqu’il se trouvait sur des structures pentues comme le flanc du volcan, donc ce bruit induit de fausses détections sur les mesures acoustiques. Nos collègues sont en train de travailler là-dessus : chaque point enregistré est retraité manuellement, et si l’on remarque une modification structurelle mise en jeu sur un seul passage de l’appareil, nous l’éliminons d’office. Mais lors des premières phases de traitement des données, nous n’avons pas vu de modifications significatives. 

FI : Quelles sont les prochaines missions scientifiques prévues à Mayotte ? 

E. R. : Il va y avoir de nouvelles opérations de relève et de mouillage des OBS, pour continuer de maintenir le réseau d’enregistrement en condition opérationnel. D’ailleurs, les données que nous venons de ramener concernant la sismicité sont de bonnes qualités, et tous les enregistreurs ont pu fonctionner convenablement, ce qui n’est pas toujours le cas. Le jeu de données est en cours de 

traitement pour repositionner les séismes correctement, en latéral et en profondeur. Une mission échantillonnage est aussi prévue pour récupérer des laves, faire des mesures dans la colonne d’eau afin de détecter d’éventuelles traces de gaz dissous. Nous projetions aussi pour le mois de mai une opération à bord du Marion Dufresne pour déployer un sismomètre spécifique à proximité des câbles de fibre optique (afin de mesurer les perturbations dans la diffusion de la lumière lors d’un séisme et donc de les étudier plus précisément, ndlr). Or, avec le contexte sanitaire, ça n’était plus réalisable. Mais ce sont des opérations que nous souhaitons refaire car d’un point de vue technique, c’est une expérimentation très intéressante. Cette mission devrait être reprogrammée en octobre si la situation le permet.

Reprise des vols et prolongement de l’état d’urgence : le grand flou à Mayotte

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Coup dur pour le département : avec l’annonce du prolongement de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 30 octobre inclus, Mayotte tombe de haut. Alors que chacun espérait entamer un retour à la normale, le gouvernement a choisi de lui appliquer les mêmes mesures qu’en Guyane. Incompréhension, agacement et nombreuses réactions, agrémentées d’un soupçon puisque l’aéroport de Mayotte rouvre dès cette semaine avec la reprise des vols commerciaux. 

Une fois n’est pas coutume ces temps-ci, une bonne nouvelle annoncée hier. Dans un communiqué, la préfecture annonce que « le président de la République a validé en Conseil restreint de défense et de sécurité nationale, tenu le vendredi 19 juin, la reprise des vols commerciaux depuis et vers Mayotte ». Mieux : « Dès cette semaine, une première liaison aérienne commerciale hebdomadaire aller-retour, avec l’île de La Réunion va être mise en place. Les fréquences entre Paris et Mayotte vont être progressivement augmentées. Elles seront au nombre de deux la semaine du 22 juin, quatre la semaine du 29 juin et cinq la semaine du 6 juillet. » 

De quoi soulager les questionnements quant à la capacité de se déplacer hors Mayotte ? Oui et non car « pour voyager depuis ou vers Mayotte, un motif impérieux d’ordre personnel ou familial, un motif de santé relevant de l’urgence ou un motif professionnel ne pouvant être différé est nécessaire. ». En somme, la mesure demeure très restrictive, d’autant qu’en plus de l’attestation dérogatoire nécessaire pour embarquer, un justificatif doit être fourni pour prouver ladite « impérieuse nécessité ». Autant dire qu’il ne s’agit pour le moment que d’une semi-réouverture même si la préfecture la qualifie, en substance, de « période de 15 jours de normalisation du trafic aérien ». Doit-on s’attendre à un assouplissement par la suite ? Difficile à dire. 

Un prolongement de l’état d’urgence qui fait du bruit 

L’annonce intervient quelques jours après la décision de prolonger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 30 octobre inclus à Mayotte et en Guyane. Bien que les décrets d’application doivent encore être publiés, l’annonce a suscité moults réactions d’agacement dans le 101ème département, où l’épidémie de Covid-19 semble confirmer son retrait, au contraire de notre homologue outre-Atlantique. 

Parmi les premiers à réagir, le député Mansour Kamardine qui, dans notre édition du vendredi 19 juin, expliquait être « profondément déçu. (…) », estimant que « la perception que l’on donne à l’extérieur n’est pas à minimiser, elle peut réellement impliquer un véritable découragement. (…) Le discours du gouvernement n’est pas audible, il souffre d’incohérences majeures lorsque, dans le même temps, il demande la réouverture des écoles, que les gens retournent au travail, que les élections se tiennent et il prolonge l’état d’urgence sanitaire. Par ailleurs, je vois dans cette prolongation une atteinte extrêmement grave à notre liberté de mouvement alors que rien ne le justifie plus ». 

Le parlementaire n’a pas été le seul à s’insurger. Samedi, c’est le président du conseil départemental, Soibahadine Ibrahim Ramadani, qui écrivait au premier ministre pour réclamer, à la suite de cette prolongation, un assouplissement des mesures liées à l’état d’urgence sanitaire. « Cette décision, si elle devait être confirmée, est un coup très dur porté à Mayotte, à un moment où il est pourtant primordial (…) de relancer l’économie locale et le tourisme très durement affectés par la crise 

sanitaire, économique et sociale liée au Covid-19″, réagissait le président en rappelant – citant une étude de l’agence de développement et d’innovation de Mayotte (ADIM) menée avec le comité départemental du tourisme, le MEDEF, la CCI et l’UMIH auprès de 75 entreprises du tourisme de l’hébergement marchand et de la restauration de Mayotte – qu’entre « mars 2019 et mars 2020, les entreprises interrogées ont par exemple perdu 60,6% de leur chiffre d’affaires ». L’élu estime enfin que « Mayotte ne peut se permettre de subir cette double peine imposée : celle de la pandémie du Covid-19, à laquelle viennent désormais se greffer des mesures très pénalisantes en termes de transport aérien, d’activité économique, conduisant à l’isolement de l’île ». 

Ô rage, Ô désespoir 

Plus récemment, hier, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie de Mayotte (UMIH 976) montrait également son mécontentement. Et elle commençait en soulevant les paradoxes d’un déconfinement qui ne dit pas son nom : « L’économie mahoraise plonge inexorablement dans une léthargie aux perspectives dramatiques. Le gouvernement a fait le choix de maintenir Mayotte et la Guyane en état d’urgence sanitaire jusqu’en octobre. Le monde économique s’interroge sur les éléments tangibles qui justifient un tel choix au regard de certaines exceptions : le maintien des élections municipales à Mayotte et une interdiction maintenue en Guyane [qui] démontre que la situation des deux territoires n’est en aucun cas comparable ; le maintien de l’interdiction aux restaurateurs d’exploiter leurs salles alors que des commerces accueillent du public dans des conditions totalement aléatoires en l’absence d’encadrement de proximité pour l’application des règles de distanciation et des gestes barrières ; [et] la forte restriction des vols commerciaux alors que des échanges entre régions beaucoup plus touchées par le Covid reprennent en métropole. » 

Et de préconiser, dans l’hypothèse où l’état sanitaire serait bel et bien prolongé, plusieurs solutions, parmi lesquelles « une reprise immédiate des vols commerciaux pour assurer le retour du tourisme d’affaire qui jusqu’alors était le dernier segment dont pouvaient profiter les acteurs du tourisme mahorais et la mise en place d’un avion-cargo pour assurer l’approvisionnement du monde économique ». « Sans la mise en œuvre de ces solutions », précise l’organisme, « nous entrevoyons des perspectives désastreuses pour l’économie en général et pour l’emploi en particulier ». 

Des préoccupations partagées par le Medef, ce dernier n’hésitant pas à implorer :  » Cet amendement ne doit en aucun cas être appliqué à Mayotte. (…) L’état d’urgence doit s’arrêter le 10 juillet 2020 à Mayotte. Entendez nos voix, nos entreprises se meurent et ne rouvriront plus jamais si cela se confirme, laissez-nous travailler et le peu d’espoir qui nous restait à l’approche du 22 juin et du 10 juillet 2020. » Dans le détail, « grâce aux mesures d’urgence, beaucoup survivent et tiennent encore le coup. Cependant, l’annonce du 17 juin sur le prolongement d’état d’urgence à Mayotte jusqu’au 30 octobre est lourde de conséquence », explique le syndicat. Il poursuit : « Alors que nous nous battons tant bien que mal pour relancer l’activité économique et éviter le marasme social et sociétal, cette décision vient amplifier nos inquiétudes et renforcer notre désespoir. Plusieurs entreprises ont dû se séparer de leurs collaborateurs malgré la mise en place de l’activité partielle. Plusieurs également, si ce n’est toutes, ont de graves problèmes de trésorerie et peinent à renouer avec leurs clients. (…) Nos entreprises ne se remettront pas de cette décision qui n’est pas justifiée comme en Guyane. Cet amendement ne doit en aucun cas concerner Mayotte. Avec 84% de la population sous le seuil de la pauvreté et 40% de chômage, que deviendront ces chiffres en 2021 ? Ainsi, nous demandons à tous nos élus et tous nos parlementaires de saisir le président de la République, le premier Ministre, la ministre de l’Outre-mer et le préfet de Mayotte. Nous demandons la réouverture au 22 juin 2020 de tous les vols commerciaux vers la France. » 

Quoi qu’il en soit quant à l’issue de cette prolongation, le flou général autour de la reprise des vols aura au moins eu le mérite d’unir nombre d’acteurs locaux autour d’un mot d’ordre : ne pas se contenter de déconfiner Mayotte, et assumer désormais de la désenclaver.  

Voyager ? Oui mais sous conditions ! 

Être autorisé à voyager pour motifs impérieux n’exclut pas de se plier aux mesures sanitaires imposées. Ainsi, si pour les voyageurs atterrissant en métropole en provenance de Mayotte, aucun test n’est exigé, ce n’est pas le cas pour ceux qui s’envolent vers La Réunion. Le département voisin impose en effet qu’un test soit réalisé 72h avant le départ et qu’un isolement de sept jours soit observé à l’arrivée. Si le test n’a pu être fait, une quatorzaine stricte devra être respectée à l’arrivée. 

Par ailleurs, le département de La Réunion mène actuellement un expérimentation « dont les résultats sont susceptibles d’inspirer les futures procédures de déplacements dans les DOM », précise l’ARS. Deux variantes : 

– Pour les personnes ayant réalisé un test avant l’embarquement : si le test est négatif, elles bénéficient d’une procédure accélérée d’accueil (file réservée). Il leur est demandé de rester isolées pendant 7 jours à l’endroit de leur choix (domicile, hôtel réservé par les intéressés ou leur employeur, location saisonnière, hébergement dans la famille ou chez des amis). Et, à l’issue des 7 jours, de subir un nouveau test réalisé sur prescription médicale ou sur présentation du billet d’avion. Si ce second test est à nouveau négatif, la quatorzaine est suspendue. 

– Pour les personnes n’ayant pas réalisé de test avant l’embarquement : Un test est proposé à l’aéroport, lors d’un accueil sanitaire standard (temps de parcours estimé à 3-4h en moyenne). Les personnes choisissant d’effectuer leur quatorzaine à domicile doivent suivre une quatorzaine stricte et sont suivies par l’ARS. Elles peuvent bénéficier d’un test sur prescription de leur médecin traitant.

Mayotte : les salariés des Douka Bé attendent toujours leur prime

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En première ligne durant toute la durée de l’épidémie de coronavirus, des employés des Douka Bé se sentent aujourd’hui au dernier plan des préoccupations de leur employeur, le groupe Bourbon distribution. En cause, des moyens de protection sanitaire très limités et une prime exceptionnelle qui ne tombe toujours pas malgré les promesses. 

« Regardez, on n’a rien pour se protéger, pas de masque, pas de gel, pas de gant, on a juste cette petite vitre devant la caisse, c’est n’importe quoi. » Le ton adopté par Mohamed* n’est pas, comme on pourrait l’imaginer, celui de la colère. L’employé d’un Douka Bé du grand Mamoudzou est dépité, « profondément déçu » par des « patrons face auxquels on ne peut rien ». « Je ne peux rien dire, j’ai dû accepter de venir pendant toute la durée de l’épidémie malgré les risques parce que je ne pouvais pas me permettre de perdre mon emploi », raconte ce père de trois enfants, et mari d’une femme qui « elle, a bien perdu son boulot » de serveuse dans un petit restaurant du chef-lieu. Malgré la crainte du coronavirus, Mohamed a donc continué à se rendre tous les jours dans la supérette de quartier pour y travailler « comme avant, parfois plus ». Et a bien cru que ce qu’il décrit comme un sacrifice paierait. « Au début, on nous a promis une prime pour les risques que nous prenons en travaillant mais ça fait plusieurs mois que l’on attend et rien ne tombe, je ne sais plus trop si je dois encore y croire », se désole l’employé qui vogue entre la mise en rayon et la caisse. « Je n’attends pas des millions d’euros mais au moins quelque chose qui pourrait un peu aider ma famille et me montrer un peu de reconnaissance », plaide Mohamed, qui n’a pas toujours été si pauvre en espoir. « Plusieurs fois, nous en avons parlé à notre directeur [de magasin], il nous a dit que ça arriverait mais on sait bien que ça ne dépend pas de lui, c’est des choses qui viennent de plus haut. » 

« On aurait pu mourir, ils n’en auraient rien eu à faire » 

Plus haut, c’est le groupe Bourbon distribution** qui opère sur le territoire à travers les Douka Bé, mais aussi les Score, Jumbo ou encore les Snie. Mais Bourbon distribution, c’est la propriété du groupe Vindémia, lequel appartient au groupe Casino, en passe de le céder au groupe Bernard Hayot, partenaire de Carrefour dans la distribution… Un colosse aux multiples bras, une hydre dont Mohamed ne croit plus qu’une des têtes daignera se pencher sur son cas. « Nous on n’est rien face à eux. Heureusement je crois que personne d’entre nous n’a été malade mais on aurait pu mourir, ils n’en auraient rien eu à faire », se désole-t-il. 

« Oui c’est dur, on a été très inquiets de venir travailler dans ces conditions, mais à partir du moment où on nous a promis quelque chose, on ne va pas le laisser filer », rétorque de son côté Fatima* entre deux congélateurs d’un autre Douka Bé. « C’est l’un des rares secteurs qui n’a pas beaucoup souffert de la crise mais il va falloir qu’ils se rappellent que c’est grâce à nous qui avons pris des risques », lance fermement l’employée qui malgré la fougue qui l’anime préfère « attendre, pour l’instant ». « On va bien voir ce qu’il se passe, nous sommes en bons termes avec notre directeur et je pense qu’il fait remonter les demandes… Mais c’est vrai que ça commence à faire long, on a vraiment l’impression d’être ignorés et qu’ils espèrent qu’on oublie les promesses », enchaîne Fatima dans un discours mi-figue, mi-raisin, malgré l’absence de quelconque fruit dans les étals de l’épicerie. Loyauté et solidarité figurent pourtant bien au rang « des cinq valeurs clefs » affichées fièrement par le groupe Vindémia sur son site internet. Fatima, Mohamed et les centaines de leurs collègues espèrent encore qu’elles n’ont pas, elles aussi, déserté les rayons. 

*Les prénoms ont été changés 

** Sollicitée à plusieurs reprises, la direction de Bourbon distribution n’a pas donné suite à nos demandes. Sa position sera publiée lorsqu’elle sera communiquée.

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