La conseillère départementale de Tsingoni, Zaounaki Saindou, est la nouvelle présidente de la société immobilière de Mayotte. Le bailleur social gère un parc de 2.100 logements et a pour ambition de quadrupler son patrimoine d’ici 2030. Face à cet enjeu de taille, l’élue va devoir faire preuve de pugnacité pour assurer le développement des constructions aux quatre coins de l’île.
Flash Infos : Depuis ce jeudi 21 octobre, vous êtes pour les sept prochaines années la nouvelle présidente de la société immobilière de Mayotte, un acteur majeur pour le développement du 101ème département. Qu’est-ce qui vous a motivé à vous présenter pour ce poste ?
Zaounaki Saindou : Je me suis portée candidate à cette présidence et ai reçu le soutien de mes collègues et du chef de l’exécutif, Ben Issa Ousseni, pour devenir la représentante du Département au sein de la société immobilière de Mayotte. Le territoire connaît un nombre énorme de logements insalubres, ce qui est tout à fait anormal ! Je souhaite que chaque famille, chaque enfant, puisse dormir dans des conditions décentes. Face à ce vœu, faire partie du conseil d’administration de la SIM me tenait particulièrement à cœur pour pouvoir accompagner ce changement.
FI : Quel sera votre rôle au sein du conseil d’administration ? Aurez-vous un véritable pouvoir décisionnaire ou plutôt un droit de regard sur la politique menée par la SIM ?
Z. S. : J’aurai un pouvoir décisionnaire étant donné que le Département est actionnaire de la SIM. Ma priorité sera d’étendre les projets de construction de logements sur l’ensemble de l’île. À l’heure actuelle, le problème n’est pas de vouloir augmenter le nombre de constructions, mais bien de réunir toutes les conditions pour y parvenir. Malheureusement, ce n’est pas toujours facile d’obtenir un terrain aménageable…
Le nord de l’île affiche un déficit criant au-delà de Dzoumogné. Dans le centre, cela commence tout juste à prendre forme… Tandis qu’une grande partie du sud est vraiment désertée par la SIM alors que les besoins sont multiples ! Face à cet enjeu, le Département jouera son rôle de facilitateur pour mettre à disposition du foncier quand cela sera possible.
FI : Dans sa nouvelle stratégie, la SIM affiche l’ambition de construire la bagatelle de 6.000 logements d’ici dix ans.
Z. S. : Pour l’année 2021, la SIM est en passe de livrer 400 nouveaux logements. La plupart des projets sont déjà dans les starting-blocks ! Après comme le disait le directeur, Ahmed Ali Mondroha, il y a un autre facteur qui rentre en ligne de compte pour pouvoir lancer tous ces chantiers : le manque d’entreprises structurées qui se retrouvent bien trop souvent saturées à cause des autres constructions, telles que les établissements scolaires. Regardez le projet La Renaissance à côté de l’hôpital, toutes les conditions sont réunies pour commencer les travaux, mais fautes d’entreprises, nous sommes en incapacité de le démarrer.
FI : Quelle touche personnelle aimeriez-vous apporter durant votre présidence ?
Z. S. : J’aspire à diversifier l’offre de la SIM, en instaurant l’accession à la propriété pour ceux qui ont la possibilité de pouvoir investir dans l’immobilier, mais aussi la location-vente. La population se montre de moins en moins réticente à l’idée de vivre dans un appartement. Il suffit de voir le taux d’occupation des « immeubles » en Petite-Terre, ça n’a pas l’air de la déranger plus que cela. D’autant plus qu’habiter en hauteur apporte un gage de sécurité supplémentaire.
Département avec les perspectives de croissance les plus fortes, Mayotte est encore en plein développement. À l’occasion du 4ème forum économique, l’économiste et maître de conférences à l’université Paris-Saclay, Olivier Sudrie, a dévoilé quelques pistes de travail pour envisager les contours de l’économie mahoraise à l’horizon 2050.
La croissance ! Voilà ni plus ni moins l’enjeu principal à Mayotte selon l’économiste parisien Olivier Sudrie. Selon lui, seule une croissance régulière et équilibrée permettra le développement de l’île aux parfums. Si la forte démographie du 101ème département français peut constituer une problématique au premier abord, elle peut aussi se révéler comme un atout majeur… Encore faut-il employer tous ces “bras” à bon escient.
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Pour cela, il n’existe qu’une seule solution d’après l’expert : l’investissement ! “Les investissements venus de l’État viennent financer les infrastructures, les services éducatifs ou encore de santé. Mais aujourd’hui, pour arriver à équilibrer l’offre et la demande d’emploi sur l’île et faire progresser durablement le niveau de vie des Mahorais, il faut aussi que les entreprises structurées investissent”, témoigne le maître de conférences à l’université Paris-Saclay. “Nous avons tous les outils en main. Mayotte est le département avec les perspectives de croissance les plus fortes, nous n’avons aucune raison de ne pas y arriver.” Un optimisme qui dénote tant le territoire de Mayotte connaît de fortes inégalités comme le soulignent plusieurs autres intervenants.
Formation et transmission des compétences
Toujours est-il qu’embaucher à Mayotte n’est pas une mince affaire de nos jours ! À en croire la représentante de la Société Batimétal, le recrutement pour des postes demandant des qualifications plus ou moins élevées s’avère difficile. “Après une longue période de recherche de nouveaux employés, nous avons eu recours aux outils numériques pour recruter. Sur les réseaux sociaux, notre annonce vidéo a fait 35.000 vues. Résultat ? Nous n’avons reçu que cinq CV ! Il faut alors prendre en compte le fort taux de chômage du département, mais aussi les difficultés pour les entrepreneurs à recruter.”
Un témoignage qui vient remettre en question les projections idylliques qui ont pu être émises plus tôt lors de la conférence. De plus, comme le précise Jean-Claude Nyumuyantu, enseignant et entrepreneur dans le secteur de l’informatique, l’une des problématiques à Mayotte réside dans la formation et la transmission des compétences. “50% de la population mahoraise a moins de 20 ans. La jeunesse c’est nos jambes. C’est avec eux que nous construirons l’avenir et que nous allons avancer. Leur formation est alors primordiale”, insiste le chef d’entreprise. À ses yeux, les générations doivent travailler main dans la main pour assurer un avenir pérenne à l’île aux parfums. Bien loin de la théorie, c’est sur le terrain et en unissant leurs forces que les institutions mahoraises publiques et privées construiront la Mayotte de demain.
Ancienne directrice de la BGE et de la CRESS de Mayotte, celle qui a failli devenir la première présidente du conseil départemental représente l’avenir politique de l’île au lagon. Dotée d’une volonté hors du commun et de valeurs sociales inaliénables, l’élue de Dzaoudzi-Labattoir compte bien aider les jeunes femmes mahoraises à modeler l’avenir de Mayotte.
Mayotte Hebdo : Revenons tout d’abord sur votre parcours, déjà très riche. En tant que femme, comment vous êtes-vous construite, et quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?
Maymounati Moussa Ahamadi : J’ai eu une enfance des plus classiques à Mayotte, avec des parents qui ne sont pas les plus riches, mais qui mettent en valeur leurs enfants. Nous étions tellement heureux ! Mes deux mamans, celle qui m’a mise au monde et celle qui m’a élevée, nous ont appris à toujours positiver et à se sentir utiles pour les autres, à avancer. J’ai eu la chance d’avoir des parents qui me disaient que le monde n’allait pas changer tout seul, qu’il fallait agir pour changer les choses. C’est la mentalité de ma famille, qui a milité pour une Mayotte française. J’ai fait mes études en métropole, j’y ai vécu pendant 20 ans, mais ma mère m’a toujours dit : « Vous étudiez ici, mais ce n’est pas chez vous ». Pour elle, on prend de la connaissance et des compétences pour en faire profiter son île.
MH : Vous diriez la même chose aux étudiantes et étudiants de Mayotte actuellement en métropole ?
M.M.A. : Oui, d’ailleurs il faut savoir qu’il y a plus d’étudiantes diplômées que d’étudiants. Je n’ai rien contre les mecs, mais la femme couteau-suisse, polyvalente, est déjà habituée à toujours pousser plus loin, plus fort. C’est un besoin de reconnaissance, parce qu’il n’y a toujours pas d’équité, en métropole ou à Mayotte, et que nous sommes donc obligées de travailler deux fois plus pour peser.
En tant que directrice, j’ai par exemple eu beaucoup de mal à faire valoir le fait que je dirigeais, malgré mes compétences. Il a fallu que je le prouve deux fois plus, parce que je n’ai pas de cheveux gris, parce que j’ai un visage qui fait jeune… Ça m’a motivée, parce que j’étais la seule jeune femme dans des réunions composées d’hommes plus âgés. Mais il a suffi d’ouvrir la bouche, de leur dire ce que j’avais à dire et qu’il fallait m’écouter. Si ce territoire donnait une chance à la matriarchie, nous aurions peut-être d’autres changements.
MH : Quelles sont les valeurs qui vous donnent la force de vous engager, les bases sur lesquelles vous vous reposez ?
M.M.A. : Ma première base est mon époux et mes enfants qui me comprennent, y compris la petite de deux ans qui participe à toutes mes réunions en visio ! C’est le noyau dur. Quand on est femme, on fait toujours face des histoires à dormir debout, à des critiques sur notre légitimité, et une base solide permet de nous redonner de l’énergie. Si on se met des barrières parce qu’il y a des difficultés, on ne fera jamais rien dans cette vie.
MH : Conseilleriez-vous à votre fille de s’engager en politique ?
M.M.A. : Je lui conseillerais surtout de s’activer pour elle-même, pas pour une cause bien précise. Qu’on le veuille ou non, on fait de la politique. Mais, quand on le fait pour soi, c’est que l’on a des valeurs, et que l’on s’en sert pour se surpasser. Je me suis engagée en politique pour changer les choses, bien sûr. Mais il n’y a pas que l’action directe, c’est un tout, un combat de mentalité. Il faut donc d’abord penser à soi.
MH : Quels sont vos modèles de femmes, qu’elles soient mahoraises ou non ?
M.M.A. : Mon premier modèle restera toujours ma maman, la base de tout. Et puis, il y a toutes les femmes qui se sont activées pour que Mayotte soit un territoire libre, portées par Zéna Mdéré, Coco Djoumoi, Mouchoula… C’était un réseau d’Amazones mahoraises, éparpillé sur l’île. Ce sont toutes ces femmes de l’ombre, qu’on ne voit pas, qui font partie de ce modèle politique et économique des Chatouilleuses qu’il faudrait faire revenir en le structurant. J’encourage en tout cas toutes les jeunes filles, au collège, au lycée ou dans les réseaux étudiants, à avoir confiance en elles, à aller au bout de leurs rêves et de leurs projets, et à se dire que tout est possible.
MH : Une nouvelle génération de politiciennes mahoraises émerge, vous parliez par exemple avec Hélène Pollozec lors du forum économique. Une solidarité existe-t-elle entre vous ?
M.M.A. : S’il y avait une solidarité, elle se serait exprimée le 1er juillet [lors de l’élection à la présidence du conseil départemental, NDLR]. La solidarité féminine, oui, mais jusqu’à quel point ? Nous avons quand même du chemin à parcourir, même s’il y a beaucoup de respect entre les représentants du conseil départemental. J’espère que les jeunes femmes qui veulent se lancer en politique se serviront de mon exemple pour ne faire qu’une, mais surtout pour retomber dans la réalité, car ce sont 300.000 personnes qui attendent des actions bien concrètes, qui espèrent.
MH : Comment aimeriez-vous voir Mayotte dans cinq, dix ans ?
M.M.A. : Je vois un accès à l’eau, sans les coupures et sans les excuses. Je vois une Mayotte zéro déchets, et nous avons les possibilités de le faire via le recyclage et la valorisation de nos déchets. Je vois plus de sécurité. Je vois également une Mayotte reliée, connectée, car nous n’avons qu’une route pour les voitures, les camions, les gens, les vaches, les bus, les brouettes, les vélos… On ne s’en sortira pas, donc j’espère vraiment qu’on pourra faire Dzaoudzi-Sada en 30 minutes, par exemple, en empruntant d’autres voies. Mais aussi une Mayotte connectée avec les îles des Comores, avec Paris… Une Mayotte où on n’a pas peur. À l’heure actuelle, on a peur, d’avoir une nouvelle compagnie aérienne, d’entreprendre et de concurrencer…
Pour moi, Mayotte dans dix ans, ce sont également tous les enfants qui vont à l’école, et non pas certains en train d’apprendre sous la clim, et d’autres qui mangent la poussière. Des étudiants qui choisissent de rester sur le territoire car l’offre universitaire le leur permet. Des structures destinées à tous les types de handicap, parce qu’aujourd’hui, si l’on est autiste à Mayotte, on est mort et enterré !
MH : Et où voyez-vous Maymounati Moussa Ahamadi dans quelques années ?
M.M.A. : Je laisserai le peuple me porter là où il veut que je sois. S’il me voit utile en tant que présidente du CD, je relève le défi. Si je vois moi-même que mon utilité est beaucoup plus loin, j’irai beaucoup plus loin. Mais l’essentiel est de ne pas abandonner le combat pour que toutes les femmes qui ont envie de faire, de se sentir utiles, aient une image à laquelle elles peuvent se référer. Et une main tendue, car ma porte est grande ouverte. Je suis là, on peut se voir, converser. Je me suis engagée et je resterai engagée pour les Mahorais.
Quelques semaines après le lancement de la campagne et la signature de la charte de l’engagement à lutter contre les violences sexuelles sur mineurs à Mayotte par 10 personnalités locales et 20 représentants d’associations, le collectif dresse un premier bilan à mi-parcours. Parmi les enseignements obtenus grâce à son questionnaire en ligne : 37,2% des personnes interrogées affirment avoir déjà été victimes d’une agression ou d’une tentative d’agression sexuelle.
Statistiquement parlant, on ne sait rien, ou presque, de l’ampleur des violences sexuelles faites aux enfants à Mayotte. Mais la campagne #wamitoo, lancée le 8 septembre dernier et qui court jusqu’au 20 novembre, est doucement en train de lever le voile sur le phénomène. À mi-parcours, le collectif CIDE a publié mercredi un premier bilan de cette “mobilisation thématique trans-partenariale sans précédent sur l’île”, écrivent ses membres dans un communiqué.
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“C’est inédit du fait que c’est la première fois qu’un collectif de 25 associations, soutenu par six institutions, se mobilise depuis huit mois sur un thème très peu abordé, en tout cas jamais abordé de front, ensemble, dans cette société”, note Lydia Barneoud, la représentante du collectif CIDE (convention internationale des droits de l’enfant). Signe que ces efforts conjoints paient, “nous avons même dépassé d’autres départements en termes de sensibilisation et de cohésion sur cette thématique. Ils nous demandent à présent des conseils ainsi que nos outils, en particulier la charte, le questionnaire, la bande-dessinée, et la campagne graphique-audiovisuelle !”, se réjouit l’enseignante, déjà investie depuis de nombreuses années dans cette sphère, notamment au travers de l’association Haki Za Wanatsa.
¼ ont souhaité témoigner après l’enquête
Le questionnaire mis en ligne sur le site wamitoo.yt a ainsi récolté 495 premières contributions depuis le lancement officiel de la campagne. Il en ressort notamment plusieurs données clé, sur lesquelles les équipes de bénévoles bûchent sans relâche. Preuve de la difficulté à briser le tabou sur ces questions sensibles, 69% des répondant.e.s ont entre 20 et 50 ans et seuls ¼ ont souhaité témoigner à l’issue de l’enquête. Les moins de 15 ans ne constituent que 7,9% des répondant.e.s. Par ailleurs, une très grande majorité sont des femmes (75,9%), lesquelles “sont hautement concernées par les violences sexuelles sur le territoire”, précise encore le rapport.
Sur les violences en elles-mêmes, les résultats de l’enquête sont, là encore, édifiants. La part des victimes, en premier lieu, qui est non négligeable : 37,2% des personnes interrogées ont répondu par l’affirmative à la question, “Avez-vous déjà été victime d’une agression ou d’une tentative d’agression sexuelle ?”. Et si 51,9% ont coché “non”, 10,9% disent ne pas savoir si ce qu’ils/elles ont subi est une agression sexuelle – soit peut-être le signe potentiel d’une méconnaissance de ce qui constitue la nature même d’une violence sexuelle. Parmi eux, 82,05% n’ont jamais parlé ou très difficilement de sexualité avec leurs parents pendant leur enfance.
L’auteur des faits est connu dans la majorité des cas
Parmi les autres données importantes, il faut aussi mentionner les liens de la victime avec le mis en cause. Seuls 16,7% des répondant.e.s affirment qu’il s’agissait d’un inconnu. Un résultat qui colle à peu près avec les statistiques connues au niveau national. Une enquête de l’Ined (institut national d’études démographiques) menée en 2015 montrait ainsi que dans plus de 87% des cas, le/la mineur.e connaissait son agresseur, et qu’il existait même un lien d’amitié ou de connaissance dans 65% des viols. Au niveau de l’enquête #wamitoo, 22,2% ont affirmé connaître l’auteur des faits, 11,3% le désignait comme un membre de la famille proche et un tiers des répondant.e.s (la plus grosse part) évoquent un membre de la famille éloignée.
Il ne s’agit bien sûr là que de données préliminaires, mais qui donnent déjà un aperçu du phénomène des violences sexuelles faites aux enfants à Mayotte. “Nous sommes en train de traiter toutes les occurrences pour chaque question, avec l’aide d’un expert psy. On a déjà fait environ 4/5ème du travail”, explique la porte-parole. “C’est très intéressant, il y a des choses qui se dégagent, qui rejoignent les statistiques nationales, et d’autres qui dénotent de spécificités locales. Ce qu’on voit aussi, c’est que dès que l’on crée un espace de parole, il est investi”, se satisfait-elle. Même si les bénévoles à l’œuvre doivent alors supporter des témoignages particulièrement durs… “Quand on lit ça, on a envie de pleurer pendant trois jours”, résume Lydia Barneoud.
“Un très très bon début”
D’autres données quantitatives et qualitatives seront dévoilées à l’occasion du colloque du 20 novembre au CUFR, qui doit clôturer ces deux mois de mobilisation inédite pour le 101ème département. Au total, 92 acteurs associatifs et plusieurs milliers d’enfants et parents se sont mobilisés pour cette campagne, aux côtés des différents acteurs institutionnels tels que le rectorat, la préfecture, le Département, et la justice. “Nous avons atteint voire même dépassé nos objectifs dans certains domaines, par exemple dans l’Éducation nationale, avoir recueilli 28 fiches actions mobilisant 7.000 enfants, parents et collègues, c’est un très très bon début”, souligne-t-elle.
60.000 euros auront par ailleurs été investis dans cette mobilisation, pour financer notamment les 10 affiches grand format placardées sur les panneaux extérieurs aux abords des grands axes routiers, 40 passages du clip shimaoré et kibushi aux heures de grande écoute et tous les autres supports de communication. Sans compter les 2.500 heures fournies par les bénévoles engagés pour l’émergence et la fabrication de la campagne #wamitoo. “C’est une période charnière, on sent qu’il y a cette volonté de pousser le mur de silence. C’est, qui plus est vraiment porté par les femmes mahoraises qui sont à nos côtés depuis le début, et aussi celles qui nous rejoignent chaque jour depuis le lancement”, salue Lydia Barneoud.
L’ancien président du conseil départemental a été condamné par le tribunal correctionnel pour la vente d’un terrain familial à la commune de Kani-Kéli, qui s’était vu attribuer une subvention de 200.000 euros du Département pour cette opération. Mais cette condamnation ne met pas encore un terme au mandat électif en cours de celui qui est aujourd’hui conseiller départemental de Pamandzi.
Et de deux. Pour la seconde fois en un peu plus d’un an, Daniel Zaïdani a été condamné par le tribunal correctionnel pour des faits qui remontent à l’époque où il était président du conseil départemental. Cette fois-ci, il s’agit de prise illégale d’intérêts pour la vente d’un terrain familial à la commune de Kani-Kéli, moyennant une subvention accordée à la ville par le Département, d’un montant de 200.000 euros…qui auront donc fini dans sa poche. L’ancien chef de l’exécutif local, actuel conseiller départemental de Pamandzi, a écopé ce mercredi d’une peine de 80.000 euros d’amende ainsi que de cinq ans d’inéligibilité.
Une claque pour son avocat, Maître Benoît Jorion, qui avait plaidé la relaxe. “Je suis extrêmement surpris par cette peine alors que le procureur avait lui-même conclu à la relaxe. Et personnellement, j’ai montré que Daniel Zaïdani n’avait non seulement jamais accordé de subvention, mais avait même voulu empêcher l’attribution de subvention”, déclare-t-il à la sortie de l’audience. “C’est vraiment l’incompréhension. On avait un dossier solide, pour montrer justement qu’on n’avait rien à lui reprocher”, ajoute-t-il, indiquant qu’il conseillera à son client de faire appel de cette décision. La peine d’inéligibilité ne devrait donc a priori pas interrompre son mandat en cours.
Le terrain familial sur le banc de touche
Pour rappel, Daniel Zaïdani avait été entendu par la section de recherches de la gendarmerie en décembre 2019, pour répondre de ces faits datant de la période 2015-2017. Lors d’une commission permanente pendant le mandat de l’ancien président du conseil départemental, neuf élus et un élu représenté valident une délibération sur laquelle Daniel Zaïdani appose sa signature. L’article 1 de ce document renvoie à l’attribution d’une subvention à la commune de Kani-Kéli pour un terrain destiné à des lotissements. “Au niveau de la commission permanente, nous avons présenté un certain nombre de rapports qui concernaient tout sauf le terrain de football”, argumente l’intéressé à la barre. D’après le dossier, le titre du rapport mentionnait tout de même le terrain de football, sans qu’un article y soit pour autant dédié.
C’est ensuite au tour des administrateurs de reprendre la main jusqu’au versement de l’enveloppe. En 2015, les services du Département produisent donc une convention, signée par le secrétaire général de l’époque, Jacques Toto. Problème : le terrain de football se glisse alors subrepticement à côté du terrain pour les lotissements ! “Est-ce que Monsieur Toto avait une délégation de signature ?”, demande le président au prévenu. “C’est un problème que vous ne sachiez pas, en tant que président de la collectivité, vous étiez censé être au courant de qui avait une délégation…”
Relaxe pour le procureur
Quoi qu’il en soit, les fonds finissent bien par être versés à la commune, laquelle achète le terrain pour la même somme de 200.000 euros, à Daniel Zaïdani, mandaté par sa famille pour gérer la vente de ce terrain. Mais certaines zones d’ombre persistent. “Il y a une extrême confusion dans ce dossier”, dénonce le procureur, regrettant que l’enquête n’ait pas permis d’entendre toutes les parties prenantes, et notamment le secrétaire général qui a signé la convention. “C’est le reflet d’une procédure incomplète et imparfaite. Donc je n’ai pas d’éléments pour requérir la culpabilité de Monsieur Daniel Zaïdani”, martèle-t-il.
Maître Jorion va plus loin encore et insiste sur le fait que la vente était en cours bien avant le mandat électif de son client. En effet, en 2006, la commune de Kani-Kéli sollicite Daniel Zaïdani au sujet du terrain familial sur lequel elle souhaiterait installer son terrain de football. La mairie obtient une première subvention de 300.000 euros en 2007 et un acte de vente est établi en 2011. Puis, les têtes changent à la mairie, et une nouvelle délibération de la municipalité de 2014 remet le projet sur les rails, à un montant révisé de 200.000 euros qui conduira à la signature d’un avenant à l’acte de vente initial. Entre-temps, Daniel Zaïdani sera élu à la tête de la collectivité… “Je dirais que ce sont les lenteurs administratives que connaît Mayotte qui nous ont conduit à ça”, dira-t-il aux juges en guise de dernière défense. Sans guère de succès… La cour d’appel sera peut-être plus clémente.
Dans le cadre du 4ème forum économique de Mayotte, Guillaume Basset, délégué aux Territoires d’industrie auprès du ministre de l’économie et des finances et de la ministre de la cohésion des territoires, a présenté le programme national de reconquête industrielle « Territoires d’industrie » lancé, le 22 novembre 2018, par le Premier ministre. Un label qui fait encore défaut au 101ème département.
L’industrie à Mayotte : oui, mais sous quelle forme ? Alors que l’écrasante majorité des produits consommés et achetés à Mayotte proviennent de l’importation, la création d’une filière industrielle dans le secteur de l’agroalimentaire ou encore de l’économie bleue pourrait bien pallier les manques du territoire.
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Le hic ? Sur les 146 “Territoires d’industrie” français qui bénéficient grâce à ce label d’un soutien prioritaire à des projets industriels, le 101ème département manque à l’appel. Et pour cause, l’île au lagon ne disposant pas encore d’un bassin industriel comparable aux autres circonscriptions… Or, ce programme de “reconquête industrielle par les territoires”, lancé officiellement par le Premier ministre le 22 novembre 2018, a d’ores et déjà permis de faire remonter 1.800 projets. Son objectif : favoriser une dynamique entrepreneuriale autour de l’industrie en associant un élu local et un industriel afin de mobiliser les acteurs publics et simplifier la vie des porteurs de projet.
Des atouts à faire valoir
Une manne qui pourrait donc bien profiter à Mayotte, qui a elle aussi de nombreux atouts, selon Guillaume Basset, délégué aux Territoires d’industrie auprès du ministre de l’économie et des finances et de la ministre cohésion des territoires. Grâce à sa situation géographique privilégiée dans le canal du Mozambique, elle pourrait devenir l’une des places fortes de l’industrie de l’océan Indien. “Mayotte est le seul département qui n’a actuellement pas de projet financé. Nous sommes désireux d’accompagner le premier projet à Mayotte et pouvoir labelliser le 101ème département territoires d’industrie « , affirme Guillaume Basset.
Par ailleurs, le programme s’inscrit au cœur du plan France Relance présenté par le gouvernement, le 3 septembre 2020. Avec 400 millions d’euros d’ici 2022 à l’échelle nationale, le “fonds d’accélération des investissements industriels dans les territoires” permettra de financer les projets industriels les plus structurants en France métropolitaine et dans les départements d’Outre-mer. “1.400 projets sont déjà inscrits au titre du plan de relance avec des extensions de sites et des modernisations, mais aussi le financement de nouveaux équipements pour les industriels”, détaille le délégué aux Territoires d’industrie. À l’occasion du premier jour du 4ème forum économique de Mayotte, le ministère a lancé une bouteille à la mer et attend avec impatience la mobilisation des porteurs de projet mahorais afin de développer la filière industrielle sur l’île aux parfums.
À l’occasion du 4ème forum économique de Mayotte, le directeur de l’agence d’attractivité et de développement touristiques est revenu sur l’élaboration de la nouvelle stratégie marketing pour faire du 101ème département une destination inédite dans la région océan Indien. Entretien avec Michel Madi.
Flash Infos : Le 17 septembre dernier, le comité départemental du tourisme est officiellement devenu l’agence d’attractivité et de développement touristiques de Mayotte dans le cadre de l’évolution du contexte législatif et organisationnel du secteur touristique mais aussi en raison de la nécessité de réussir la mise en œuvre des objectifs et des actions du schéma régional de développement du tourisme et des loisirs, validé en octobre 2020. Concrètement, qu’est-ce que cela change ?
Michel Madi : Avant, le comité départemental du tourisme était uniquement cantonné sur de la promotion touristique, qui est désormais du ressort des offices de tourisme. Avec l’abandon de certaines missions, telles que l’accueil, l’information touristique et l’animation du territoire, qui nous étaient confiées par le conseil départemental, notre principal bailleur de fonds, l’agence nous ouvre d’autres champs de compétence. Nous développons cinq métiers pour apporter une plus-value : l’observation touristique ; l’ingénierie en termes d’accompagnement de projets et d’aménagement ; le marketing territorial pour brasser d’autres domaines que le tourisme, à l’instar de l’économie et de l’environnement ; l’attractivité ; le conseiller de séjour pour produire une offre sur-mesure lorsqu’un tour opérateur veut monter un programme sur l’île.
FI : Aujourd’hui, l’agence d’attractivité et de développement touristiques souhaite prendre de la hauteur par rapport à la précédente structure en place. Comment comptez-vous vous y prendre alors que l’offre touristique n’en est encore qu’à ses balbutiements ?
M. M. : C’est justement le type de travail que le comité du tourisme ne pouvait pas entreprendre par le passé. Avec l’agence, nous sommes en train de mettre en place une stratégie marketing qui va nous donner les clés et les outils pour aller chercher le touriste à l’extérieur du territoire. Et en parallèle, nous développons une stratégie d’offres qui inclut des activités touristiques et de loisirs mais aussi de la qualité et de la formation que nous n’avions pas auparavant. Lorsqu’une offre existe, encore faut-il pouvoir accompagner nos opérateurs en termes de montée en gamme de leur produit.
Nous allons donc mener ces deux missions en lien avec notre environnement régional et concurrentiel. Maurice, c’est le tourisme de luxe, La Réunion, c’est ce que nous appelons du tourisme pays, les Maldives, c’est une île paradisiaque… Mayotte doit aussi trouver son positionnement. Comme je le disais, nous sommes en train de travailler sur le plan marketing qui sera ensuite adopté par les offices de tourisme pour qu’il y ait une cohérence dans le développement touristique de Mayotte.
FI : Justement, face à cette concurrence régionale, comment Mayotte peut-elle tirer son épingle du jeu pour convaincre le touriste de venir sur son territoire plutôt qu’à Madagascar ?
M. M. : Nous avons des pistes qui ne sont pas encore arrêtées. L’objectif est d’être opérationnel sur toutes ces stratégies en début d’année prochaine ! Sur le plan marketing, nous savons comment nous devons nous différencier de la concurrence régionale. Cette différenciation viendra de l’offre que nous allons développer et proposer, en mettant en avant ce qui fait la particularité de Mayotte : la culture, l’identité, le lagon, la gastronomie… Il faut valoriser toutes ces ressources et tous ces atouts !
FI : D’où votre participation au salon IFTM Top Resa, qui s’est tenu à Paris-Porte de Versailles du 5 au 8 octobre, pour enclencher la machine ?
M. M. : Il était en effet important d’être présent pour nous montrer et faire parler de Mayotte. Il était intéressant de mettre en lumière notre nouvelle dynamique auprès des partenaires. Nous avons eu l’opportunité d’expliquer la mise en place de l’agence et la montée en opérationnalité des offices de tourisme. Et croyez-moi, notre logo et notre identité ont fait sensation à Paris !
FI : Qui dit brassage plus large, dit structuration de la filière hôtelière pour accueillir le grand public. Cela sous-entend d’inciter les pouvoirs publics à engager la construction d’infrastructures…
M. M. : Exactement, c’est tout le travail que nous faisons en ce moment même ! Pas plus tard que la semaine dernière, j’étais sur le terrain pour rencontrer les intercommunalités et les offices de tourisme. Très prochainement, nous allons prendre part à un séminaire avec les élus du Département pour leur rappeler leur importance en termes de support, d’aménagement du territoire et de finances publiques. Après nous avons en tête, à chaque fois que cela sera possible, de proposer une offre portée par un privé pour avoir une viabilité économique, synonyme de création d’emplois.
FI : Pensez-vous réellement que le tourisme puisse devenir une véritable plaque tournante de l’économie mahoraise ?
M. M. : Totalement ! Tout simplement parce que des destinations comme Maurice sont arrivées à maturité et se demandent comment elles vont repositionner leur produit. Avec le Covid-19, les touristes cherchent des produits identitaires, ancrés localement, et non plus simplement du luxe et des plages… D’une certaine manière, notre retard peut aujourd’hui être vu comme un avantage. Nous avons tous les éléments en notre possession pour mettre en place notre destination touristique et l’offre souhaitée en fonction de notre stratégie. Le développement et l’activité touristiques à Mayotte, en tant qu’activité économique porteuse, sont devant nous !
L’avocate du premier magistrat de la commune a soulevé la nullité de la procédure pour violation des principes du procès équitable et des droits de la défense. Tout au long de l’enquête préliminaire, Assani Saindou Bamcolo ne pouvait pas savoir précisément ce qui lui était reproché, a-t-elle démontré. Son client a ainsi obtenu gain de cause.
12.093.000 euros et des brouettes. C’est la somme totale des différents marchés publics entachés d’irrégularités sur lesquels aurait dû s’expliquer le maire de Koungou Assani Saindou Bamcolo ce mercredi. On lui reprochait notamment d’avoir, au cours d’un mandat électif, porté atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés et d’avoir procuré des avantages injustifiés entre 2014 et 2016. Coup de théâtre : le premier magistrat de la commune ressortira blanchi de l’audience, le tribunal ayant validé la nullité soulevée par son avocate, Maître Josée Israël.
En cause : une procédure mal menée qui a conduit, selon l’avocate au barreau de Paris, à une violation du droit à un procès équitable. Un droit défini notamment par l’article 6 de la convention européenne des droits de l’Homme (CEDH), laquelle garantit que “toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle”. “Ces principes s’appliquent dès le tribunal de police”, a rappelé Maître Israël, en se basant sur plusieurs jurisprudences.
1.800 mandats issus d’un tableur Excel
Or, dans ce dossier “extrêmement complexe, dans une matière extrêmement complexe”, celle des marchés publics, plusieurs défaillances ont entaché le droit du maire à un procès équitable. Le délai raisonnable notamment “commence à être dépassé”, reconnaît le ministère public, puisque les faits datent de cinq ans en arrière. Mais c’est aussi sur la prévention que l’avocate a fondé sa requête en nullité. “Monsieur Bamcolo n’a jamais eu accès à ce dossier dans le temps de l’enquête”, insiste Maître Israël. Une atteinte aux principes du contradictoire et du respect des droits de la défense. Lors d’une garde à vue de quatre heures, pas moins de 96 mandats auront par ailleurs été présentés au prévenu. “C’est comme passer une seconde par marché”, image-t-elle.
Au total, ce sont 1.800 mandats qui figuraient au dossier, pour deux infractions, “sans que l’on sache quel marché correspondait à quelle infraction”, note également le procureur. Pire, ces marchés semblent en réalité issus d’un maigre tableur Excel transmis par la chambre régionale des comptes et “copié collé”, sans date ni pièce, “sans même savoir comment le tableau avait été réalisé”, poursuit l’avocate. “On ne peut pas vous demander aujourd’hui de citer toutes les personnes concernées par ces marchés, on ne peut pas vous demander de rechercher les pièces… Sauf à vous convertir en juge d’instruction et à refaire l’enquête”, conclut-elle.
Débuté en 2000, le projet hôtelier construit à deux pas de la plage de Hamaha à Kawéni vient enfin d’ouvrir ses portes. Un établissement inédit de 18 chambres qui offre de nouvelles opportunités aux clients. Retour sur une aventure qui ouvre un nouveau chapitre pour l’activité touristique de l’île, avec Tedd Le Bihan, le gérant.
Flash Infos : Après des années d’attente, vous venez d’ouvrir l’Hôtel Hamaha le 27 septembre dernier. Une histoire que vous avez vu débuter alors que vous n’aviez qu’une dizaine d’années…
Tedd Le Bihan : Tout commence à la fin des années 90 lorsque mon père se prend à l’idée de construire un hôtel. S’ensuivent un petit croquis sur le coin de table et divers échanges avec la préfecture et la ville, qui aboutissent à une autorisation d’occupation en 2000. Un an plus tard, tout le monde tombe d’accord sur l’achat du foncier, soit la zone des pas géométriques, avec la condition sine qua non de sortir de terre un projet hôtelier. Force est de constater aujourd’hui que nous avons respecté les besoins de l’époque. Le premier coup de piquet intervient en 2004. Les travaux avancent relativement bien jusqu’en 2008, année de la crise des subprimes qui marque un coup d’arrêt.
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Les bâtisses sont alors laissées un petit peu en stand-by… Et l’absence de sécurité sur le site laisse la part belle aux squatteurs qui ont fait des choses innommables ! Cela ne ressemblait plus à rien. Mais nous avions toujours l’idée derrière la tête de continuer le projet. Et l’opportunité de le reprendre intervient fin 2016 avec la réception d’une enveloppe de 182.374 euros dans le cadre du fonds européen de développement régional. Mais mon père décède fin 2017… Que faire à ce moment ? J’ai pris la décision de reprendre le flambeau. Depuis, nous avons dépensé énormément d’argent, d’énergie et de sueur pour finalement ouvrir officiellement l’établissement le 27 septembre dernier.
FI : Entre l’idée de départ et l’ouverture officielle, vingt ans sont passés. Quand vous repensez à tout le chemin parcouru, quel sentiment vous habite ?
T.L.B. : C’est assez particulier comme sensation. J’ai toujours été très fier de ce projet, fier que ce soit porté par mon père à un âge où j’en étais incapable ! Il a participé au développement de Mayotte, au-delà même de cet hôtel. Il a fait partie des pionniers économiques de l’île. Je suis fier de mes équipes et de toute ma famille qui m’ont accompagné durant toute la durée des travaux. Et quand nous voyons le résultat, nous pouvons dire sans rougir qu’il s’agit d’un produit qui a du charme.
FI : En reprenant le projet en cours de route, quelles touches personnelles avez-vous pu donner pour apporter votre signature ?
T.L.B. : Malgré toutes ses énormes qualités, mon père n’avait en aucun cas le sens de l’organisation (rires). À la suite de son décès, j’ai dû repartir d’une feuille blanche ! Nous avions l’ossature principale, mais je me suis occupé de tout le reste : j’ai commencé à sélectionner les équipements, l’agencement intérieur, les coloris, les cheminements piétons, les types de VRD et les réseaux divers, le type de station d’épuration, l’adduction d’eau… Et pour le jardin, j’ai pu compter sur la main verte de ma mère.
Mais s’il ne fallait retenir qu’une chose pour résumer ma signature, j’évoquerais la conservation d’un Baobab. Il menaçait de se casser la figure ! La seule solution était de le couper. Sauf que nous y étions énormément attachés. Le jour où les équipes de bûcheronnage sont venues, je leur ai demandé de rebrousser chemin. C’était la meilleure décision puisqu’il renaît de ses cendres. Ma plus grande fierté est de ne pas l’avoir abattu. Même si je n’oublie pas le choix du mobilier qui est parfaitement en adéquation avec le style, les chambres, l’environnement… Et les couleurs, qui s’intègrent dans le paysage et qui dénotent une certaine forme de standing.
FI : Vous faites également de la restauration sur place. Comment comptez-vous vous y prendre pour vous démarquer des autres établissements ?
T.L.B. : L’idée est de proposer deux salles deux ambiances avec d’un côté l’hôtellerie de charme et de l’autre la restauration avec un thème Côte d’Azur. En ce qui concerne la cuisine, nous sommes en train de peaufiner les plats avec mes partenaires, qui ont déjà fait leur preuve par le passé. Je n’ai aucun doute sur le fait que nous allons réussir à faire saliver tous nos clients !
FI : L’offre hôtelière dans le 101ème département est encore relativement restreinte. Mayotte a besoin d’investisseurs comme vous qui se lancent dans ce type d’aventure.
T.L.B. : C’est important de féliciter les acteurs touristiques. Avec cette ouverture, j’ai conscience de ce que mes confrères ont enduré pour y arriver. Chapeau à eux ! Ils ont tous le mérite d’exister. Aujourd’hui à Mayotte, il n’y a pas de concurrence entre nous. C’est plutôt une confrérie. L’objectif est de travailler en bonne intelligence ensemble. L’offre ne répond pas encore aux besoins actuels, mais quand nous voyons tous les projets en construction et en réflexion, cela va s’étoffer petit à petit.
À notre échelle, nous restons une « petite » structure avec nos 18 chambres (voir encadré). Je ne fais pas partie de ceux qui vont réellement changer la donne en termes de capacité. Maintenant, j’aimerais apporter ma pierre à l’édifice avec ce nouveau produit et montrer quelque chose de différent. De toute façon, le futur va parler de lui-même car nous allons nous agrandir assez rapidement face à la demande. Cette offre en devenir sera palliative, car il manque cruellement des logements pour du moyen et de la longue durée, à savoir entre une semaine et un mois. Rendez-vous fin 2022, début 2023 pour vous dévoiler des informations complémentaires ! Il y a trois phases de projets qui vont durer entre 10 et 20 ans selon les moyens financiers.
FI : Quels types de clientèle visez-vous ?
T.L.B. : Nous commençons déjà à recenser les besoins. Principalement, notre demande se tourne vers les professionnels, comme les intervenants techniques et les cadres qui se rendent sur Mayotte pour des durées bien spécifiques. La situation géographique facilite leur travail puisque nous sommes très centralisés.
Même si nous sommes situés en pleine ville, nous avons également une clientèle locale, qui n’a plus à parcourir 25 kilomètres d’un côté ou de l’autre pour se divertir et se reposer. Sans compter le tourisme affinitaire : les visites de la famille et de proches peuvent entraîner une mise au vert chez nous.
FI : Petite particularité : vous avez un accès privé à la plage… Un site qui jouissait d’une fréquentation douteuse il n’y a encore pas si longtemps.
T.L.B. : Il y a encore quelques années, la réputation de la plage n’était pas au beau fixe. Mais entre l’énergie dépensée et la présence des ouvriers, une partie de la population est désormais rassurée. Aujourd’hui, l’affluence est purement familiale et la plage est immaculée, d’une propreté rare. Les acteurs publics ont répondu présent juste avant l’ouverture. La communauté d’agglomération Dembéni-Mamoudzou a mis en place une stratégie pérenne de nettoyage qui est en parfaite adéquation avec nos besoins.
FI : Actuellement, vous employez 11 personnes en équivalent temps plein. Dans un milieu comme l’hôtellerie, vous n’êtes pas sans savoir que la compétence prime. Face à une telle exigence, l’ouverture de l’école Vatel doit vous réjouir…
T.L.B. : Absolument ! Il faut savoir qu’une belle chambre l’est à partir du moment où le service est au même niveau. Il ne sert à rien d’avoir un superbe établissement si le service n’est pas au rendez-vous. L’idée est de s’entourer de réels professionnels, qui connaissent leur métier. Après, c’est très complexe car l’offre sur les formations était très succincte, voire même inexistante, avant l’ouverture de l’école Vatel. En deux jours seulement, nous avons déjà tous pu prendre conscience de leurs compétences. Alors, je n’imagine même pas dans trois ans, à la fin de leur cursus. J’accueillerai les étudiants en stage à bras ouverts. Sachant que la présélection a été rude, nous aurons tout de suite des stagiaires de haut niveau ! Ce qui nous évitera de faire de la formation continue.
FI : Alors que vous venez d’ouvrir, vous nourrissez déjà de grandes ambitions. Envisagez-vous par exemple de proposer des tours opérateurs et des déplacements par voie maritime ?
T.L.B. : Tout à fait ! En premier lieu, l’emplacement nous le permet. L’accès à la mer est très proche de nos bâtiments. Est prévu d’y installer sur le domaine maritime un ponton flottant pour relier la Petite-Terre et Mamoudzou en triangulation. Évidemment, cela implique la police du ponton, les demandes d’autorisation et les financements qui sont normalement acquis. Il ne me reste qu’à cibler le bon fournisseur. Cela nous ouvrira des portes sur les prestations nautiques potentielles : nous pourrions nouer des partenariats avec les opérateurs ou même d’en proposer avec nos propres moyens. Nous sommes ouverts à toutes les possibilités !
18 chambres de 95 à 195 euros la nuit
L’Hôtel Hamaha dispose de 18 chambres avec le même niveau de finition et d’équipements : l’Hippocampe sous mansardes au R+2 (95 euros TTC la nuit), la Tortue de 30m2 avec une petite terrasse de 12m2 (160 euros la nuit) au R+1 et la Baobab au rez-de-jardin, avec 40m2 de surface habitable et une terrasse de 24m2 composée d’une piscine privative à la disposition du client (195 euros la nuit). Toutes possèdent un minibar, un coffre-fort, la climatisation, la télévision avec Canal Satellite, Internet et le wifi filaire.
Les horaires sont les mêmes que dans l’hôtellerie internationale : le client récupère sa clé à 14h et la rend à 11h le lendemain pour permettre la plage horaire du ménage. Le client peut prendre un petit-déjeuner continental sur place, pour lequel il faut compter 12 euros. Tedd Le Bihan souhaite proposer un English Breakfast à partir du 1er novembre, synonyme d’ouverture du restaurant.
Depuis quelques semaines, l’insécurité à Mayotte a atteint un autre niveau. Les mairies sont devenues les cibles des délinquants. Le dernier exemple en date est celle de Ouangani. Les véhicules du maire, de sa femme et d’un autre élu de la municipalité ont été incendiées. Des actes qui poussent la commune à renforcer sa politique de sécurité.
Trois voitures brûlées en moins de 48 heures… C’est le triste constat que fait la municipalité de Ouangani ! Le jeudi 14 octobre, le véhicule du maire de la ville et celui de sa femme ont été calcinés dans un incendie et tout porte à croire qu’il ne s’agit pas d’un accident. « Nos voitures étaient garées côte à côte, et bizarrement il y en avait une troisième à côté qui n’a pas été brûlée même si elle est un peu touchée. Je ne suis pas enquêteur, mais selon ce que j’ai vu, il s’agit d’un acte délibéré et criminel », déclare Youssouf Ambdi El Haddaoui, le maire de Ouangani. Ce dernier a aussitôt porté plainte, mais c’était sans savoir qu’un évènement similaire allait se reproduire quelques heures plus tard.
Dans la nuit de vendredi à samedi, l’automobile de l’élu chargé de la sécurité à Ouangani a subi le même sort. « Mon voisin m’a appelé dans la nuit, vers 1h45, pour me prévenir que ma voiture était en feu. Nous avons rapidement contacté les pompiers et la gendarmerie », raconte Fahar-dine Bourhane Saïd, l’élu en question. Suite à cela, la voiture de la police municipale a été caillassée. Des actes répétés et ciblés qui laissent penser à une stratégie d’intimidation. « Je ne vais pas m’hasarder à des soupçons qui ne seraient pas fondés. Chacun y va de son commentaire, mais je préfère laisser la justice faire son travail », rétorque le maire de Ouangani. Place toute de même aux interrogations… Personne n’arrive à expliquer ces évènements, qui font écho à l’incendie de la mairie de Koungou il y a de cela quelques semaines. « Je me suis posé plusieurs questions pour savoir à quoi c’est dû. Il y a un an, nous avions mené une opération de démolition de bangas à Kahani donc je ne sais pas si c’est lié à cela. C’est peut-être dû aussi à ma prise de position par rapport à Koungou, je ne sais pas… », s’interroge le premier magistrat de la ville. Il trouvera peut-être des réponses à l’issue de l’enquête, mais pour le moment il doit penser à la suite, et notamment à la sécurisation de son territoire.
Couvre-feu et augmentation des effectifs de la police municipale
Ces récents événements ont poussé les agents de la mairie de Ouangani à exercer un droit de re-trait du vendredi 15 au lundi 18 octobre en guise de solidarité envers leurs élus et collègues. Ils veulent « dénoncer ce climat d’intimidation et de menace permanent ». De son côté, l’édile a voulu riposter rapidement en instaurant un couvre-feu dans sa ville. « Nous avons échangé avec le préfet et nous avons décidé de mettre en place le couvre-feu dans la commune jusqu’au 24 octobre pour éviter que ce genre de choses se répètent ! Pour le moment, il est respecté », se console Youssouf Ambdi El Haddaoui. Les forces de l’ordre seront également plus présentes à Ouangani, mais cette solution n’est que temporaire.
La commune est consciente qu’elle doit renforcer sa politique en matière de sécurité. Pour cela, elle va explorer plusieurs pistes, en commençant par le renforcement des effectifs de la police municipale. « À Ouangani, nous n’avons que quatre agents de la police municipale assermentés, plus les médiateurs qui doivent assurer la sécurité de plus de 10.000 habitants. Nous avons l’intention d’augmenter l’effectif et nous espérons arriver à dix policiers municipaux d’ici le milieu de l’année 2022 », annonce le maire de la ville. Cette hausse permettrait aux agents d’effectuer des rondes 24h/24, comme le souhaite Youssouf Ambdi El Haddaoui. Multiplier le nombre de poli-ciers est une chose, mais cela ne résoudra pas tous le problèmes ! Selon, Fahardine Bourhane Saïd, il est indispensable de mener un travail de fond avec la population. « Nous allons mettre en place le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Nous allons faire travailler nos services sociaux pour connaître un peu mieux notre population et relever leurs difficultés. Nous ne pouvons pas l’abandonner », souligne l’élu en charge de la sécurité.
« Le niveau de violence à Mayotte est déjà son maximum »
Mairie de Koungou, représentants de la commune de Ouangani… Les délinquants de Mayotte semblent avoir trouvé de nouvelles cibles en s’attaquant directement aux autorités. Mais ont-il des limites ? « Le niveau de violence à Mayotte est déjà son maximum et je ne sais pas jusqu’où ça peut aller. Tous les jours, il y a de nouvelles choses et nous avons l’impression de ne pas avoir encore atteint le pic de violence », déplore le maire de Ouangani. Pourtant les réunions de crises s’enchaînent dans le département, mais aucune solution ne semble assez efficace pour mettre fin à cette vague de violences qui persiste depuis maintenant dix ans.
Un constat qui pousse chacun à se demander pourquoi les mesures qui découlent de ces rencontres ne donnent pas le résultat escompté. « Je n’ai pas la réponse ! Et j’invite tout le monde à s’interroger pourquoi ça ne marche pas », répond tout simplement Youssouf Ambdi El Haddaoui. Il est cependant sûr d’une chose : « Mayotte est en train de nous échapper. Il faut que tout le monde se ressaisisse pour rattraper ce qui est rattrapable. Nos ancêtres se sont battus pour Mayotte française, nous devons nous battre pour la reconquête de Mayotte. »
Le principal syndicat étudiant, présent dans la plupart des universités de France, s’est installé à Mayotte à la rentrée 2021. La présidente Iman Mahmouti revient sur le contexte de cette création et les ambitions de la nouvelle section locale.
C’est une première. L’Union nationale des étudiants de France (Unef), principale organisation étudiante dans l’Hexagone, a été créée à Mayotte à la rentrée 2021. Dans un post sur son nouveau compte Facebook en date du 14 octobre, la jeune section locale présente ses objectifs en ces termes : “Enfin un moyen pour nous étudiants mahorais de pouvoir défendre nos intérêts étudiants, améliorer nos conditions de vie étudiante, développer et rendre plus attractive la vie étudiante à Mayotte”.
“L’Unef est présente dans presque la totalité des universités de France et des Outre-mer, et elle permet d’informer les étudiants, de défendre leurs droits et leurs intérêts et d’organiser la solidarité entre nous”, rappelle Iman Mahmouti, la présidente de ce nouveau syndicat étudiant à Mayotte. Parmi les champs d’accès de l’organisation : l’accès aux aides sociales, aux études supérieures ou encore la lutte contre les discriminations.
Mais c’est un contexte bien particulier qui a conduit un petit groupe d’une promotion de Droit au centre universitaire de formation et de recherches (CUFR) à prendre attache avec le bureau national de l’Unef en vue d’une implantation locale. “L’année dernière, nous avions connu des difficultés dans la communication des résultats de nos examens”, retrace l’étudiante. “Nous avons alors pensé à créer une section locale pour empêcher que cela se reproduise. L’Unef est le meilleur filet de sécurité.”
58,5% de boursiers
Aujourd’hui, la nouvelle section a plusieurs priorités pour les étudiants de Mayotte. Dans son viseur : les questions de mobilité, de logement, de vie de campus… Mais aussi le système d’aide sociale, jugé “insuffisant” pour la jeune structure. “Nous avons à Mayotte 58,5% de boursiers, ce qui prouve bien l’existence d’une population étudiante précaire. D’autant plus que, pour certains, les revenus des parents dépassent juste de quelques euros le plafond annuel, et ceux-là ne peuvent pas prétendre à une bourse”, déroule Iman Mahmouti.
Sans compter ceux pour qui le soutien des parents n’est pas forcément acquis. “Nous pensons que l’aide ne doit pas être en fonction des revenus des parents mais de la situation réelle de l’étudiant.” Une idée défendue par le syndicat national au travers notamment de l’allocation d’autonomie, une aide universelle calculée en fonction du bénéficiaire. Cette aide pourrait constituer un vrai coup de pouce, particulièrement dans le 101ème département, juge la présidente de l’Unef Mayotte. “Les étudiants ont besoin de vivre, de s’acheter des vêtements, mais aussi de passer leur permis, qui est un facteur d’émancipation important. On le voit avec le retrait des bus scolaires : la mobilité étudiante est un gros enjeu ici”, poursuit-elle.
Pour une université de plein exercice
L’autre dossier que la vingtaine de bénévoles entend désormais suivre de près : la mise en place d’une université de plein exercice. “C’est aberrant qu’en 2021, les étudiants de Mayotte dépendent encore d’une autre université pour se former !”, s’insurge Iman Mahmouti. Fort heureusement, le passage à un INU (Institut national universitaire) semble sur de bons rails. “Son premier contrat d’établissement 2020-2025 lui permet à présent d’envisager son évolution institutionnelle pour devenir Institut National Universitaire (INU)”, soulignait le CUFR dans un communiqué à l’occasion des dix ans de sa création. “C’est bien, nous serons vigilants à ce que ces engagements soient respectés”, assure la jeune femme.
Bien sûr, la nouvelle section ne se limite pas à défendre les intérêts des seuls 1.800 étudiants du campus de Dembéni, et entend bien représenter “la totalité des étudiants à Mayotte, qu’ils soient en BTS, en prépa, à la fac”. “Nous souhaitons signifier au recteur et au ministère de l’enseignement supérieur qu’il est grand temps de considérer la situation des étudiants de Mayotte”, lance Iman Mahmouti.
Dans le monde de la plongée, le nom de Gaby Barathieu est déjà bien connu depuis plusieurs années. Aujourd’hui, le photographe sous-marin, à travers son association scientifique Deep Blue Exploration, lance un projet inédit visant à étudier les coraux de Mayotte et leur capacité à trouver refuge à des profondeurs encore très méconnues.
Le projet a vu le jour à 120 mètres de profondeur, là où seuls quelques plongeurs parviennent à descendre. Parmi eux, Gaby Barathieu s’est installé à Mayotte il y a cinq ans. Il n’en est jamais reparti. Depuis, il arpente la zone crépusculaire dite mésophotique, où la lumière du soleil peine à percer l’eau et où l’être humain ne peut demeurer que quelques dizaines de minutes. Dès lors, près de trois heures de décompression sont nécessaires, rendant l’exercice particulièrement délicat.
Au gré de ses explorations, Gaby Barathieu découvre une vie sous-marine très largement méconnue, tant les recherches sont rares à cette profondeur. Alors, en 2017, le photographe sous-marin, nommé le meilleur de cette année-là, crée Deep Blue Exploration, une association à visée scientifique, qui œuvre pour la découverte et l’étude des peuplements coralliens à différentes profondeurs. Avec son appareil, il immortalise des espèces que jamais personne avant lui n’avait observées à travers les eaux du globe.
Quatre ans plus tard, soit il y a quelques semaines, Deep Blue Exploration dévoile un projet d’ampleur intitulé CORCOMA pour parfaire la connaissance des récifs mahorais et surtout, leur évolution au fil du temps, jusqu’à 120 mètres de profondeur. “La plupart des données scientifiques concernent des zones situées jusqu’à 30 mètres sous la surface de l’eau”, commente Gaby Barathieu. “Au-delà, il faut des moyens techniques très importants…”
Ainsi, l’équipe de dix personnes, composée de plongeurs et de scientifiques, sera chargée d’installer différentes stations de recherche, dont la première sera située dans la passe en S, naturellement. Là, seront mesurés tous les facteurs qui agissent sur la vie des coraux : température de l’eau, salinité, réaction des animaux au stress, génétique… Tout en modélisant en 3D la surface et le volume des récifs tous les six mois. “Il s’agit dans un premier temps de dresser un état des lieux, ce qui n’a jamais été fait, pour ensuite suivre les coraux à long terme.”
Ces coraux, Gaby les connaît déjà partiellement, pour les avoir observés et photographiés régulièrement depuis cinq ans. “À Mayotte, il y a des endroits dévastés, notamment au bord des villes, mais d’autres zones débordent encore de vie !” Mais un jour, alors qu’il plonge à 80 mètres de profondeur dans un secteur qui lui est déjà familier, il découvre un récent phénomène de blanchissement des coraux. “J’étais très étonné : la première cause du blanchiment, c’est le réchauffement des eaux. On l’observe généralement en surface, car il y a peu de variations de température en profondeur”, développe le plongeur aguerri.
Dans ces mêmes profondeurs, les connaissances scientifiques manquent encore. Alors, le projet CORCOMA revêt un second objectif : “voir si les espèces récifales peuvent descendre plus bas pour s’installer dans d’autres zones refuges en cas de pollution ou de réchauffement des eaux.” En d’autres termes, étudier comment et dans quelle mesure la biodiversité corallienne est capable de s’adapter face à un environnement soumis à de nombreux risques et parfois même, menacé de disparition. “Encore une fois, comme peu de plongeurs descendent à 120 mètres, c’est un phénomène qu’on connaît très mal aujourd’hui.”
Le projet, soutenu par l’office français de la biodiversité et la Deal, pourra également compter sur l’appui d’Héloïse Rouzé et Michel Pichon, deux des biologistes ayant participé au projet Under the Pole qui, en 2019, a permis d’identifier l’espèce de corail la plus profonde jamais observée, à 172 mètres, en Polynésie française. Une découverte inédite, puisque jusqu’alors, la communauté scientifique estimait ce type de corail ne se développait qu’entre 30 et 40 mètres, venant soutenir l’hypothèse d’une zone refuge pour les coraux de surface, et un espoir supplémentaire de les préserver.
Du 2 au 5 novembre prochains, les ateliers « Création et développement de Maisons d’édition à Mayotte”, mis en place par l’agence régionale du livre et de la lecture (ARLL) et la direction des affaires culturelles (DAC), accueilleront un large public afin de discuter de l’avenir de l’édition dans le 101ème département français. Le projet a pour but d’informer, d’échanger, d’identifier et de mettre en relation les divers acteurs du livre sur l’île, mais aussi des intervenants venus de métropole et de tout l’océan Indien.
Plurilinguisme, insularité, prédominance de la culture orale… À Mayotte, le secteur du livre reste encore très étroit. Alors qu’en France métropolitaine, on trouve une librairie pour 20.000 habitants. On n’en dénombre que trois dans le 101ème département, soit cinq fois moins que dans le reste de l’Hexagone. Si des maisons d’édition sont nées et continuent à vivre sur l’île, le secteur tend encore à se développer et à se structurer. Le marché du livre et de la lecture serait pourtant selon, Bruno Lacrampe, conseiller livre et lecture, archives, médias, langue française et langues de France à la direction des affaires culturelles (DAC) de Mayotte, en pleine expansion.
“D’après nos derniers rapports, les trois libraires de l’île auraient généré un chiffre d’affaires de 1.5 à 2 millions d’euros sur l’année 2021”, précise-t-il. Un chiffre encourageant qui montre un engouement croissant pour la lecture sur l’île aux parfums. “Aujourd’hui, le public que nous croisons en librairie est en train de s’élargir. Nous savons que la population mahoraise est composée à plus de 50% de jeunes qui sont initiés à la lecture dès l’école. Certains parents ont alors pris conscience de l’importance de celle-ci dans l’éveil et l’éducation de leurs enfants et achètent des ouvrages”, détaille le conseiller livre et lecture de la DAC.
Développer des structures locales
Par le biais des quatre jours d’ateliers programmés du 2 au 5 novembre prochains, l’agence régionale du livre et de la lecture et la direction des affaires culturelles espèrent créer un espace d’échanges et de débats pour penser au mieux l’avenir de ce secteur sur le territoire. Pour cela, des professionnels de l’édition feront le déplacement afin de partager avec les acteurs mahorais. Venus de Madagascar, de l’île Maurice, mais aussi de France métropolitaine, ils partageront leurs expériences et leurs compétences. “Le but est de créer un dialogue. Voir ce qui se fait ailleurs et penser au mieux un modèle qui puisse s’adapter aux enjeux de Mayotte”, explique Isaure de Lignerolles, la directrice de l’agence régionale du livre et de la lecture.
Auteurs, acteurs de la chaîne du livre, membres du conseil départemental, de la CRESS (chambre régionale de l’économie sociale et solidaire) ou encore de la préfecture sont d’ores et déjà inscrits aux ateliers. Un public varié que Raphaël Thierry, agent littéraire au sein de l’agence Astier-Pécher, se réjouit de rencontrer. “J’ai pu travailler dans le secteur du livre dans la région de l’océan Indien et des Caraïbes, mais je ne me suis jamais rendu à Mayotte. Ces ateliers seront l’occasion de croiser les connaissances des intervenants extérieurs et des acteurs locaux afin de réfléchir à la meilleure façon de penser l’édition à Mayotte”, précise le Lyonnais. En effet, les coûts de production et de transport s’avèrent être de véritables freins au développement de ce secteur sur l’île aux parfums. De plus, les professionnels souhaitent mettre en avant l’édition en langues régionales, à l’instar du shimaoré et du kibushi. Ceci permettrait alors de mettre en avant la formidable diversité culturelle du territoire. Un défi de taille et un avenir éditorial qui reste encore à écrire !
Ce sont des femmes et des hommes exténués par la montée de la délinquance qui se sont réunis ce dimanche matin à la Convalescence. Une trentaine d’habitants de ce quartier situé dans les hauteurs de Mamoudzou a décidé de prendre les choses en main afin d’éradiquer les actes de vandalisme récurrents depuis plusieurs mois. Pour cela, le retour des gilets jaunes semble nécessaire à la cause.
Agressions, cambriolages, incivilités… Il ne fait plus bon vivre dans le quartier de la Convalescence à Mamoudzou. Les résidents manifestent un réel ras-le-bol et ne se sentent plus en sécurité, y compris au sein de leurs propres domiciles. « Depuis quelques mois, on voit des chiens errants, il y a de plus en plus de cambriolages, les voitures sont cassées. Pour ma part, on m’a vandalisée à plusieurs reprises et je dois constamment réparer », dénonce Sanya Youssouf, habitante du quartier depuis plus de 30 ans. Une insécurité qui a des répercussions sur le vivre-ensemble des voisins. « L’ambiance ici est catastrophique, nous ne pouvons plus rester dehors et discuter entre amis. Nous devons toujours nous enfermer chez nous parce que nous avons peur de nous faire agresser », affirme Djadoul Daoud, un jeune du quartier.
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Pourtant, il fût un temps où la zone en question était synonyme de bien-être et d’apaisement puisque chacun pouvait vaquer à ses occupations sans crainte de recevoir un jet de pierre, de se faire arracher son sac ou encore d’être cambriolé. « J’habite à la Convalescence depuis 1990. Avant, nous pouvions même dormir les portes ouvertes, nous ne risquions rien », déclare Sanya Youssouf.« L’insécurité a fait son entrée dans ce quartier au début des années 2010, comme sur l’ensemble du territoire de Mayotte. Les agressions se sont multipliées jusqu’en 2018, » lors de la création d’un comité de médiation de sages et de prévention de la délinquance qui a pris l’appellation de gilets jaunes. Chaharoumani Chamassi, président de l’association « 2 mains pour les enfants », en était à l’origine. « J’avais réussi à rassembler 35 associations de la commune de Mamoudzou. Nous avions des bénévoles qui faisaient de la prévention de la délinquance et cela avait permis d’atténuer cette vague de violence », raconte-t-il. Une version confirmée par les habitants du quartier, mais les gilets jaunes ont fini par disparaitre du paysage pour diverses raisons et les malfaiteurs ont aussitôt refait surface.
Le retour des gilets jaunes
À l’issue de la réunion des résidents du quartier de la Convalescence de ce dimanche matin, la décision a été prise ressusciter le comité de médiation de sages et de prévention de la délinquance et par la même occasion les gilets jaunes. « Nous voulons mettre en place ce comité pour surveiller. Les bénévoles feront ce qu’on appelle ORA c’est-à-dire observer, renseigner, alerter. Nous n’allons pas lutter contre la délinquance car il s’agit d’une mission régalienne de l’État, nous nous sommes là pour la prévention. Nous devons faire en sorte pour que les jeunes ne basculent pas vers la délinquance », argumente Chaharoumani Chamassi. Une initiative grandement appréciée par tous les participants qui espèrent retrouver un semblant de vie normale.
Le président de l’association « 2 mains pour les enfants » souhaite rassembler au moins cinquante personnes pour constituer un groupe de bénévoles. Et pouvoir mettre en place les gilets jaunes d’ici la semaine prochaine. « Ce qui m’inquiète un peu c’est l’application sur le terrain. Il ne faut pas être violent. Nous ne sommes pas là pour faire le travail de la police et de la gendarmerie, nous voulons faire de la prévention », insiste-t-il. Un rappel indispensable dans ce contexte où chacun est tenté de se faire justice soi-même.
Du 14 au 16 octobre avait lieu la deuxième édition du concours d’innovation de l’agence de développement et d’innovation de Mayotte (ADIM) ainsi que la première édition de start-up week-end Mayotte organisée par le groupement des entreprises mahoraises des technologies, de l’information et de la communication (GEMTIC). Deux événements que les structures organisatrices ont décidé de mutualiser afin de créer une édition unique au pôle d’excellence rurale (PER) de Coconi.
22 porteurs de projets, 8 coachs, 6 projets, 3 lauréats… Voilà qui résume bien les 54 dernières heures des startupers rassemblés au pôle d’excellence rurale de Coconi. “Notre but ici est de détecter et de soutenir les meilleurs projets à caractère innovant grâce à une aide financière et à un accompagnement adapté”, explique la présidente de l’ADIM Zamimou Ahamadi. “Mayotte est une terre d’innovation, d’opportunités pour les porteurs de projets et c’est ensemble que nous réussirons.” Le 101ème département français connaît une forte croissance économique en grande partie soutenue par les programmes de rattrapage des retards structurels du territoire qui doivent satisfaire des standards nationaux et européens.
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Jua School, le premier prix du jury
Tout a commencé jeudi dernier. Abdallah Hachim a poussé les portes du pôle d’excellence rurale avec le projet d’une plateforme numérique de soutien scolaire. Deux jours plus tard, il est reparti la tête pleine de conseils et de belles rencontres mais aussi avec le premier prix et un chèque de 25.000 euros pour enfin réaliser son rêve. “J’ai lancé mon activité en février 2021. Mon entreprise de soutien scolaire regroupe une vingtaine de prestataires de service issus de tous les domaines et titulaires d’un bac +2 au minimum. Leur rôle est d’offrir aux élèves un accompagnement scolaire de qualité”, affirme le futur professeur de mathématiques. Dès le début de cette aventure entrepreneuriale, il ambitionnait de mettre en place une plateforme de soutien en ligne afin de mettre en lien des élèves et des professeurs de Mayotte, de La Réunion ou encore de métropole. “Grâce aux compétences que j’ai acquises durant le startup week-end et à ce premier prix, je vais enfin pouvoir lancer la plateforme en ligne”, se réjouit le startuper.
54 heures de travail d’équipe
Le start-up week-end a permis de mettre en avant des projets entrepreneuriaux pensés à Mayotte et surtout pour Mayotte. “J’ai été ravie de travailler avec l’ensemble des six projets. Tous les startupers étaient très investis et ont réussi en 54 heures à capter tous les enjeux”, confie Gaëlle Biguet, directrice du centre d’affaires de Mayotte. Un sentiment partagé par l’ensemble des coachs, issus d’entreprises mahoraises, de la CCI ou encore du CUFR, et des jurés qui ont été ébahis face à la qualité des projets présentés. Éducation, santé et environnement.. Les sujets visaient l’excellence et l’innovation pour un territoire en pleine construction.
Jeudi, les porteurs de projets ont présenté chacun leur tour 22 idées entrepreneuriales. Pendant une heure, ils ont été mis en situation et ont tenté de vendre de manière fictive aux autres startupers leur projet. Au final, six projets ont été retenus et des équipes se sont créées autour de ceux-ci. Parmi les trois équipes lauréates, certains entrepreneurs ne se connaissaient pas avant de participer à l’expérience et se sont réjouits de pouvoir lancer ensemble leur activité. Une expérience riche en émotion et en créativité qui s’est terminée samedi après-midi avec beaucoup de larmes de joie.
Ce vendredi 15 octobre, la préfecture, le rectorat, l’association des maires et l’agence française de développement ont paraphé une convention quadripartite portant sur l’accompagnement des communes dans la construction et la rénovation d’équipements scolaires du premier degré. Grâce à la mise à disposition d’ici la fin de l’année de cinq ingénieurs, les signataires espèrent franchir une nouvelle étape dans le but de remporter ce match mal engagé jusqu’à présent.
Face à la démographie galopante, Mayotte affûte sa tactique dans un match jusqu’alors à sens unique. Au bout duquel, le coup de sifflet final doit coïncider avec la scolarisation de tous les enfants dès l’école primaire, dont beaucoup trop regardent encore leurs camarades depuis le haut des tribunes. Un challenge de taille qui exige un travail d’équipe sans précédent. « Cette convention [quadripartite] fixe les règles du jeu collectif entre nous », image Charles Trottmann, le directeur du département trois océans de l’agence française de développement. C’est l’état d’esprit affiché lors de la signature ce vendredi 15 octobre du partenariat portant sur l’accompagnement des communes dans la construction et la rénovation d’équipements scolaires du premier degré.
En capitaine modèle, le recteur Gilles Halbout remobilise d’entrée ses coéquipiers. « Nos préoccupations sont tournées vers les rentrées prochaines, avec 3.000 élèves supplémentaires à scolariser chaque année. » Une opposition déséquilibrée tant le déficit physique à combler – 500 nouvelles classes à sortir de terre au cours des cinq prochaines années et autant à réhabiliter – semble pour le moment insurmontable. « Nous manquons d’ingenierie pour répondre aux problèmes de masse auxquels nous sommes confrontés », résume en conférence de presse Thierry Suquet, le préfet du 101ème département. Qui voit en ce dispositif « une étape supplémentaire » pour réussir une remontada éducative.
Un appui d’ingénierie spécifique aux maires
Doivent entrer en jeu d’ici fin 2021, pour deux ans et demi, cinq experts recrutés par l’AFD. Un projet évalué à 1.5 million d’euros qui consiste à apporter « un appui d’ingenierie spécifique aux maires », dévoile Charles Trottmann. Mais aussi à faire sauter le « verrou » ressenti du côté des services techniques des collectivités. « Nos techniciens ont d’autres bâtiments en gestion, donc cela peut retarder certains projets », concède pour sa défense Madi Madi Souf, le président de l’association des maires. Indépendamment de cet accompagnement, l’idée est donc de les former et de les faire monter en compétences.
En ce sens, le responsable de l’académie loue les vertus de cette convention, qui va « nous donner un nouveau souffle » et « avoir un effet transformant rapide et visible ». Pas question pour autant de laisser les pouvoirs publics sur le banc des remplaçants. « L’enjeu de la décision politique et de la maîtrise d’ouvrage peut être séparé. Nous sommes dans l’addition, personne n’est perdant dans ce schéma-là », affirme le délégué du gouvernement, convaincu que ce réajustement tactique va contrecarrer les mauvaises surprises rencontrées à la veille de chaque rentrée scolaire. « Nous sommes tous concernés, il est important que nous soyons tous autour de la table et que nous nous concertions régulièrement pour prioriser les besoins », prévient Gilles Halbout. Histoire de ne pas finir hors-jeu…
Pour honorer la mémoire du professeur d’Histoire-Géographie tué le 16 octobre 2020 après avoir montré des caricatures de Charlie Hebdo pendant un cours, les académies organisaient vendredi une commémoration et une minute de silence. Le rectorat de Mayotte a répondu présent. Mais si les élèves du 101ème département ne connaissent que trop bien la violence, les enjeux d’un tel attentat terroriste ne sont pas exactement les mêmes de ce côté du globe.
“Je vous demande d’observer une minute de silence pour rendre hommage à un professeur d’Histoire-Géo, assassiné à 47 ans pour avoir enseigné nos valeurs et la liberté d’expression.” Les élèves obtempèrent sans rechigner. Les derniers mots du recteur de Mayotte résonnent dans le préau du lycée Younoussa Bamana, subitement plongé dans un silence respectueux. Mais la consigne à peine levée, voilà que le brouhaha repart de plus belle. C’est sans compter l’arrivée sur le tard d’un caméraman… “Attendez, on le refait s’il-vous-plaît !”, intime le proviseur à la foule indisciplinée.
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Ce vendredi 15 octobre 2021, ce ne sont donc pas une mais presque deux minutes que les quelques élèves du lycée Younoussa Bamana présents auront passé la bouche close. Conformément à la volonté du ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer, l’académie de Mayotte organisait une commémoration en hommage à Samuel Paty. Le professeur au collège de Conflans-Sainte-Honorine avait été assassiné par un terroriste islamiste le 16 octobre 2020, il y a presque un an. En pleine période de la Toussaint, le rectorat a opté pour cette séquence vendredi dans les établissements ouverts dans le cadre du dispositif des “Vacances apprenantes”. Un autre hommage sera rendu lors de la semaine de rentrée, le 25 octobre 2021.
30 référents pour former les 8.000 personnels
L’occasion pour le recteur de rappeler l’engagement de son ministère depuis le tragique événement. “Ce qui a changé, c’est notre détermination renforcée autour du carré régalien”, souligne Gilles Halbout, en référence à cette organisation des ressources pour chaque académie, censée améliorer la réponse publique dans quatre domaines stratégiques : la protection et la promotion des valeurs de la République, la lutte contre les communautarismes, la lutte contre le harcèlement/cyberharcèlement et la lutte contre les violences scolaires. “Un point qui nous concerne particulièrement à Mayotte, ce sont les violences. Notre vigilance est renforcée autour du soutien aux enseignants et de la prévention”, insiste le responsable.
Pour répondre aux exigences de ce “carré régalien”, un programme de formation “pyramidale” a été mis en place au niveau national. “Sur notre académie, une trentaine de référents valeurs de la République sont en train d’être formés”, précise-t-il. Ces premiers de cordée seront ensuite chargés de former à leur tour leurs collègues. Un dispositif qui s’étalera “sur trois ou quatre ans”, puisqu’il s’agira de transmettre leurs savoirs aux quelque 8.000 personnels de l’Académie.
“Moi, si j’étais professeur…”
Pour les élèves réunis ce vendredi, cette journée visait aussi à travailler sur ces enjeux de citoyenneté, au travers d’ateliers pédagogiques sur l’esprit critique, la tolérance, la laïcité, ou encore le rôle d’un professeur au sein de la société. Dans une salle de classe, une vingtaine de lycéens, d’âge et de niveaux variés, étaient par exemple invités à se mettre dans les bottes d’un enseignant. “Moi, si j’étais professeure, je ferais en sorte que chaque élève de la classe se sente à sa place”, lit à haute voix l’une des élèves. “Moi si j’étais professeur, je serai prof d’histoire comme Monsieur Diop, je ne l’ai jamais eu avant, mais aujourd’hui après son discours, j’ai compris qu’il a un grand respect pour son métier et un grand sens de l’honneur”, lui emboîte le pas un autre de ses camarades, un peu intimidé par cette soudaine attention.
Miki, Momix… et Hamada
Et Samuel Paty dans tout cela ? L’un comme l’autre secoue la tête. Avant cette journée, le nom du professeur val d’oisien n’était pas arrivé jusqu’à leurs oreilles. “Maintenant, je crois que j’ai compris, c’est un prof, il faisait son travail, et il a dessiné le prophète et il y a des gens qui l’ont dénoncé à des terroristes et ils l’ont tué… C’est ça ?”, récite l’air concentré le jeune homme, guettant un signe d’approbation. “Oui, ça me choque”, hésite-t-il encore. Visiblement un peu éloigné de ces problématiques hexagonales, le garçon est plus bavard quand il s’agit d’évoquer les violences à Mayotte. « Ça ça me choque ! Parce qu’ils ont tué un de mes camarades. C’était cette année. Hamada, à Mtsapéré”, déverse-t-il un peu plus véhément.
Interrogé à ce sujet, le proviseur de l’établissement confirme que le jeune tué lors des affrontements à Bonovo la semaine dernière suivait bien sa scolarité au lycée Younoussa Bamana. En avril dernier, déjà, le meurtre d’un élève à quelques rues de là avait endeuillé tout l’établissement. “On avait fait la marche blanche, des cellules psychologiques, des séances de parole… Mais c’est vrai qu’on est un peu démuni face à ces violences. Ce n’est pas notre métier”, soupire-t-il.
L’agence de l’Outre-mer pour la mobilité et le Service militaire adapté ont renouvelé un protocole d’accord le 14 septembre dernier. Pour l’occasion, le directeur général de LADOM Florus Nestar était en déplacement au régiment de Mayotte ce jeudi, pour signer la déclinaison territoriale de cette convention. Un partenariat clé pour le 101ème département, dont le taux de chômage avoisine toujours les 30%.
Mayotte a “ouvert le feu”, pour reprendre l’expression du directeur général de L’agence de l’Outre-mer pour la mobilité (LADOM). Florus Nestar est en visite de deux jours sur le territoire, dans le cadre du renouvellement d’un partenariat avec le Service militaire adapté (SMA). Signé le 14 septembre dernier sous l’impulsion du ministre Sébastien Lecornu, ce partenariat national – dont la première mouture remonte à 2017 – doit être décliné dans les Outre-mer, sous la forme d’un protocole territorial propre à chacun. Après l’île au lagon, le directeur général poursuivra ainsi son tour des territoires ultramarins.
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Mais c’est à Mayotte qu’il a choisi de poser ses bagages en premier. “Quand on connaît l’importance du chômage ici, nous avons un effort particulier à faire pour accompagner les Mahorais dans cette quête de compétences vers l’emploi”, explique Florus Nestar, à l’occasion de la signature de la convention au Régiment du service militaire adapté de Mayotte (RSMA), ce jeudi.
Assurer l’insertion professionnelle des jeunes
Le but du protocole d’accord : mieux assurer la coordination des missions réalisées par LADOM et le régiment, et ainsi favoriser l’insertion professionnelle des jeunes de Mayotte. “À chaque fois que je suis dans les Outre-mer, je ne rate pas l’étape du RSMA…et pas que pour le déjeuner”, plaisante le directeur général dans un clin d’œil respectueux à son partenaire renouvelé. “Ce partenariat est robuste car nous avons le même objectif de montée en compétences des jeunes ultramarins pour leur assurer une insertion professionnelle”, insiste-t-il.
Bien sûr, tous les jeunes qui souhaitent bénéficier de l’aide de l’agence pour leur mobilité vers une formation ne passent pas forcément par le RSMA. “Mais ceux de chez vous passent par nous pour les aider à se professionnaliser.” Une complémentarité entre les deux organes de formation, qui doit permettre “d’être plus efficaces” dans l’accompagnement des jeunes en mobilité.
Un catalogue étoffé
La nouvelle convention élargit ainsi les possibilités de déplacement pour ces candidats au départ, afin qu’ils puissent “bénéficier de la formation, là où elle se trouve”, précise Florus Nestar. Exemple : un jeune Guadeloupéen qui souhaite développer son savoir-faire dans la menuiserie pourra s’envoler pour la Guyane si elle possède le plateau technique le plus adapté. Et mieux encore, puisque LADOM étoffe aussi son catalogue à l’international, par “bassin océanique”. “L’aide à la mobilité est là lorsque sur votre territoire, vous n’avez pas trouvé votre formation, soit parce que cette formation n’existe pas, soit parce qu’elle est saturée”, rappelle le directeur. Autre bonne nouvelle : la signature d’une convention entre LADOM et Pôle emploi, qui permettra là encore de proposer davantage d’offres de formation. Le directeur général de l’agence a rendez-vous ce vendredi pour formaliser ce nouvel arsenal.
“Je me réjouis de cet élargissement avec la possibilité non seulement de poursuivre cette mobilité vers la métropole, élargie avec le partenariat Pôle emploi et également élargie avec le bassin océanique qui nous permettra d’envoyer nos jeunes vers la Guyane ou la Martinique, et inversement”, salue le lieutenant-colonel Pierre-Louis Dubois, le commandant du RSMA. Sur une année pleine, en 2019, le régiment a réalisé “plus de 100 mesures de mobilité vers la métropole”, chiffre-t-il. Ce partenariat renouvelé, et étoffé, s’inscrit dans la montée en puissance du RSMA de Mayotte, qui se verra bientôt doté d’une nouvelle compagnie, annoncée en août par Sébastien Lecornu lors de sa visite ministérielle.
La nouvelle convention LADOM/SMA ouvrira 50 mesures de mobilités à destination de tous les Outre-mer. “On en prendra 49 !”, lance le lieutenant-colonel. Premier arrivé, premier servi !
Les territoires ultramarins permettent à la France métropolitaine d’être présente dans tous les océans du monde à l’exception de l’Arctique. Alors du point de vue de la stratégie maritime nationale, que peuvent offrir les Outre-mer à la Nation ? C’est toute la question que se pose la délégation sénatoriale aux Outre-mer qui mène actuellement une étude sur le sujet. Éléments de réponse ce jeudi avec l’audition de trois spécialistes.
Sur divers points de vue, les territoires ultramarins offrent un panel d’opportunités à la France. Et les décideurs politiques basés à Paris sont bien forcés de s’intéresser aux réalités locales. Car oui, les Outre-mer concentrent 80% de la biodiversité française, « un trésor de faune et flore marine », insiste Cyrille Poirier-Coutansais, le directeur de recherches au centre d’études stratégiques de la Marine, invité à s’exprimer ce jeudi devant la délégation sénatoriale aux Outre-mer, dans le cadre de son étude sur la place des Outre-mer dans la stratégie nationale maritime. Ces territoires présentent de facto des atouts non négligeables dans les domaines de l’aquaculture, de l’algoculture et du cosmétique. Mais également des freins importants tels que les coûts de transport, la dépendance énergétique ou encore la difficulté à attirer des fonds d’investissement.
En soi, un long chemin reste encore à parcourir. Exemple avec l’aquaculture, dont la production totale est inférieure à 2.000 tonnes, alors qu’elle « peut avoir un bon succès à l’export ». Aux yeux de l’expert, le mal vient notamment de l’absence de structuration de filières « pour que cela décolle » et surtout de la mise en avant des ressources, des entreprises et des potentiels à destination des financeurs privés, qui n’ont pas pris le relais des pouvoirs publics. « Il y a un manque de connexion entre ces possibilités et les acteurs », regrette-t-il, avant de fonder quelques espoirs d’exposition grâce aux Assises économiques de l’Outre-mer organisées le 7 décembre prochain.
Les Outre-mer fragiles face aux menaces
Cette présence aux quatre coins du globe assure à la France une présence militaire sans égal ou presque, qui lui permet de contribuer « aux flux et aux partages d’informations de surveillance maritime » et de contrôler « les zones économiques exclusives » afin de protéger les ressources halieutiques. Toutefois, pour Yann Briand, l’un des membres du cabinet du chef d’état-major de la Marine au ministère des Armées, « les faits géopolitiques et l’émergence de nouvelles puissances en mer font que les Outre-mer sont assez fragiles face à ces menaces », en raison principalement d’un matériel vieillissant et pas assez nombreux pour éviter les pillages par des navires prédateurs. L’espoir d’un redressement vient peut-être des efforts financiers inédits consentis au profit des armées, notamment sur les patrouilleurs en Outre-mer.
Face à l’interrogation des sénateurs sur l’engagement discontinu, voire aléatoire, dans les territoires ultramarins, le capitaine de vaisseau se défend à l’aide d’un exemple. « Déployer en permanence une frégate de premier rang à La Réunion, dans une région assez excentrée de certaines zones de crise, c’est perdre un moyen dont nous aurions besoin en Atlantique Nord pour pister des sous-marins nucléaires russes. » Clair comme de l’eau de roche !
Avec un tel constat, comment inverser la tendance pour une meilleure prise en compte ? Le dérèglement climatique dans les bassins régionaux peut éventuellement rebattre certaines cartes. En effet, selon Mikaa Mered, un spécialiste de géopolitique de la chair Outre-mer de Sciences Po, la multiplication des risques environnementaux va « induire un besoin de la Marine nationale et de d’autres organismes de sécurité et d’assistance environnementale ». Malheureusement, les nouveaux bâtiments de soutien Outre-mer n’ont pas la capacité amphibie de ses prédécesseurs pour ravitailler les territoires en cas de catastrophes naturelles à en croire Yann Briand… Si toutes les pistes évoquées par les trois auditionnés du jour restent une manière d’éclairer les parlementaires ayant un attrait pour les Outre-mer, la décision finale sera toujours entre les mains de la sphère politique basée à Paris, où la compétition est rude pour se faire entendre.
Désignée prodige de la République au mois de mai dernier, Nasrine Wissam a été reçue par le préfet de Mayotte ce jeudi matin. Pour l’occasion, une cérémonie de récompense a été organisée pour mettre en lumière la lycéenne de 17 ans. Nasrine Wissam fait partie de la centaine de Français méritants qui sont mis à l’honneur par le ministère de l’Intérieur pour leur engagement citoyen.
Du haut de ses 17 ans, Nasrine Wissam est déjà un exemple à suivre pour les jeunes de son âge mais également pour les adultes. Elle fait partie de la centaine de citoyens français désignés « prodiges de la République » grâce à leur engagement envers la société. L’initiative de la ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la citoyenneté, Marlène Schiappa, a permis de mettre en valeur ces personnes qui œuvrent dans l’ombre pour aider les autres. Nasrine Wissam est l’une d’entre elles. « Je suis fière et honorée. Je sais que je ne suis pas la seule à mériter ce prix, alors ça me touche beaucoup. »
À Mayotte, une dizaine de noms ont été soumis au préfet pour ce titre honorifique, et c’est cette élève de terminale au lycée Younoussa Bamana qui a marqué le jury pour plusieurs raisons. « Quand elle a été choisie, elle exerçait des responsabilités au sein du conseil d’administration de son lycée, elle était vice-présidente du conseil de la vie lycéenne, elle était au service de ses camarades », retrace Thierry Suquet. Et au recteur d’ajouter : « Ce n’est pas une compétition, on n’a pas regardé qui a les meilleures notes. Nasrine n’est pas la meilleure élève, elle n’est pas non plus la plus engagée, mais c’est elle qui renvoie l’image de l’élève qui a un parcours complet. Elle a de bons résultats scolaires et elle est très engagée. »
En effet, malgré le travail colossal que peuvent demander les années passées au lycée, la jeune fille contribue au bien-être de ses camarades à travers diverses actions. Collecte de vêtements, création d’une cafétéria dans son établissement scolaire, mise en place d’une salle de jeux… Elle a déjà plus d’une corde à son arc et elle n’a pas l’intention de s’arrêter de si tôt. « Depuis le collège, je suis très engagée dans le monde associatif. J’aime créer des projets, tout organiser, alors je réfléchis à me tourner vers ça après le bac », confie Nasrine Wissam. Un engagement qu’elle devra combiner avec ses études supérieures puisque la jeune fille souhaite entamer une carrière de sage-femme ou d’obstétricienne.
500 euros offerts à l’association de son choix
La prodige de la République a été reçue à la Case Rocher par le préfet et le recteur qui lui ont remis deux récompenses. À la clé, un CD intitulé « Jours de gloire » et un chèque de 500 euros qu’elle a donné à son tour à l’association AMORS. « Je l’ai choisie parce qu’elle soutient beaucoup les personnes dans le besoin à Madagascar, notamment les enfants. Les membres suivent la scolarité de certains jeunes et leur permettent d’aller à l’école », décrit la lycéenne. De quoi s’attirer la reconnaissance du président de l’association, également invité à la cérémonie. Depuis la crise sanitaire, il leur est en effet difficile de mener à bien leurs projets. « Ce sont les cotisations qui nous permettent de faire ce que l’on fait, mais avec le Covid c’est plus difficile, alors que l’on ne peut pas arrêter d’aider », indique Benjamin Marolahy. C’est cet engagement farouche qui a poussé Nasrine Wissam a faire ce choix.
Un altruisme qui ne date pas d’hier. « Sa nomination en tant que prodige de la République ne m’étonne même pas car depuis toute petite, elle a toujours aimé aider les gens », soutient Nadia Zabibo, la mère de la récompensée du jour. Elle se dit fière de sa fille et elle sait « qu’elle ira encore plus loin parce qu’elle travaille beaucoup pour réussir ». Nasrine Wissam est devenue un exemple pour tous les jeunes de sa génération. Mais elle veille avant tout à être un bon modèle pour ses petits frères et sœurs.