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Un coup de poignard et trois enfances brisées aux Assises de Mayotte

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La cour d’Assises jugeait ce mercredi une affaire de 2016, ayant conduit à la mort d’un jeune père. Quatre ans après, les séquelles de ce drame sont encore bien visibles…

L’un avait dix-huit ans, l’autre une vingtaine d’années, et le dernier seulement quelques mois. Ce mercredi, seul le premier comparaissait devant la Cour d’Assises de Mayotte, pour avoir poignardé en novembre 2016 un jeune homme habitant à Vahibé. Le deuxième, sa victime, est décédé des suites de ses blessures, laissant derrière lui une famille aux abois, et son enfant unique, alors âgé d’à peine six mois. C’est une histoire singulière, tant elle cristallise à elle seule la somme des différentes violences, physiques ou symboliques que Mayotte connaît bien : vols, grande précarité, usages de stupéfiants, familles déchirées par les expulsions… Cette affaire criminelle a eu lieu six mois à peine après les actes répétés des coupeurs de route, qui avaient semé la terreur à Vahibé en 2016. Et est encore tristement d’actualité aujourd’hui.

Quatre ans plus tard, F. A. se dresse timidement derrière la vitre du box des accusés. Flanqué d’un sweat shirt “Je le ferai demain”, et de deux policiers pour le surveiller, l’accusé commence : “Bonjour, je m’appelle F. A., je suis né en 1998…”. Puis sa voix se brise, visiblement chamboulé. “Ce serait possible de reprendre tout à l’heure s’il vous plaît ?”. La cour appelle alors sa mère, mais sans beaucoup plus de succès, tant l’air s’est désormais chargé d’émotion. ”Je ne peux pas, car juste en le regardant comme ça, je suis trop émue…”, souffle la femme à l’interprète, les épaules tremblantes sous son salouva.

À force de questions, le juge parvient toutefois à retracer le parcours du jeune homme. Plutôt éduqué, issue d’une fratrie de sept frères et sœur, il souhaite d’abord s’orienter vers de la mécanique aérienne. Envoyé par sa mère en métropole pendant un an, puis à La Réunion, il envisage à son retour de rejoindre le RSMA et de partir à l’armée. Un projet mort dans l’œuf, quand il “perd le contrôle”, et poignarde la victime, une connaissance avec qui il a déjà eu une dispute légère quelques mois plus tôt.

 

Bagarres et stupéfiants

Pourquoi un tel crime ? L’usage de stupéfiants le jour du drame pourrait expliquer le passage à l’acte. Une expertise psychiatrique décrit d’ailleurs une personnalité instable, sujette à des interprétations fausses de la réalité, sans qu’il puisse être constaté d’états délirants. “Il a ce qu’on appelle un état limite, une maladie caractérisée par une instabilité de l’humeur et une montée des tensions pouvant entraîner un passage à l’acte”, décrit un des experts mandatés par l’instruction. Si la maladie se manifeste plutôt à l’âge adulte, elle a pu être encouragée chez l’accusé par la consommation de psychotropes. Pour F. A., ses premières pertes de contrôle débutent à l’adolescence, quand, lors d’une bagarre entre jeunes de Vahibé et de Passamaïnty, il est poursuivi et tabassé. Son entourage familial, jugé plutôt stable par le psychologue clinicien, ne suffit pas à apaiser ce jeune homme troublé. “Quand quelqu’un touche mes affaires, je pète un plomb, il y a trop de bruit, trop d’enfants, je pète un plomb…”, aurait-il confié au moment de l’expertise.

Enfants d’expulsées

Le moment où tout bascule, ce jour de novembre 2016, est de ce genre-là. L’accusé plante un poignard à proximité du cœur de la victime, sans avoir l’intention de donner la mort, assure-t-il. Mais l’homme, dont la rumeur locale – de l’aveu même de son père entendu à la barre – disait par ailleurs qu’il avait participé aux coupures de route à Vahibé, décède. Problème : il vient d’avoir un enfant. Lui-même n’a d’ailleurs pas eu une enfance bien rose. “Au moment où Sarkozy a été élu, sa mère a été reconduite à la frontière, j’ai été seul avec mon fils et je l’ai perdu, à 14 ans, quand il a arrêté d’aller à l’école”, témoigne son père. Sa mère, quant à elle, revenue à Mayotte aujourd’hui, ne peut que dire sa colère d’avoir perdu un fils si jeune. “Depuis sa mort, c’est comme si ma vie entière avait basculé”, murmure-t-elle devant la cour. Et l’enfant ? “Il ne parle pas bien, il est assez timide, et vit dans des conditions très précaires”, expose l’administrateur ad hoc de la Protection de l’enfance, entendue également ce mercredi. Orphelin de père, il vit chez ses grand-parents : sa mère aussi a connu une expulsion. Comme si ces destins accidentés pouvaient se transmettre de père en fils… Le verdict devrait tomber ce jour.

Étudiants mahorais en métropole : organiser le soutien aux plus fragiles

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Dans un courrier, un collectif de six psychologues mahorais appelle les institutions locales et d’État à agir de manière collégiale pour prévenir la fragilité de certains étudiants natifs de l’île en métropole. Une fragilité qui conduit parfois à des situations dramatiques. Mohamed Zoubert, directeur de la délégation de Mayotte à Paris, explique ce qu’il en est.

Flash Infos : Dans un courrier envoyé aux autorités locales et étatiques de l’île, un collectif de six psychologues demande que celles-ci se réunissent et réfléchissent ensemble pour prévenir l’isolement que connaissent certains étudiants mahorais en métropole. À l’origine de cette initiative : le décès d’une jeune femme dans son appartement situé en résidence universitaire, la semaine dernière. Que pensez-vous de leur demande ?

Mohamed Zoubert : Une précision pour commencer : la jeune femme qui est malheureusement décédée ne s’est pas suicidée comme initialement envisagé, mais est décédée de mort naturelle. Cela a été confirmé par les résultats de l’autopsie en début de semaine. Des examens complémentaires sont faits pour déterminer si elle avait le Covid ou pas. Si ce n’est pas le cas, son corps pourra être rapatrié, sinon cela sera difficile. Par ailleurs, cette jeune femme avait de la famille dans la région, elle n’était pas si isolée. J’en profite d’ailleurs pour adresser mes condoléances à sa famille.

En ce qui concerne la lettre ouverte, ce collectif en avait déjà rédigé une. C’est une bonne chose que des citoyens prennent à bras le corps ce sujet qui émeut tout le monde et qui est évidemment bouleversant. Mais au-delà de l’émotion, nous sommes tous responsables de cette problématique d’isolement. Et les parents, la famille, le sont aussi d’une certaine manière. Il est donc bon d’interpeller les institutions et les associations, mais il est important d’interpeller aussi les parents.

FI : Cette question de l’isolement revient souvent. Qu’est-ce qui doit être amélioré pour limiter ce phénomène ?

M. Z. : En ce qui concerne le Département de Mayotte, il déploie énormément de moyens consacrés aux aides directes, mais aussi à d’autres soutiens financiers et en termes de ressources humaines dans l’Hexagone. Nous avons 20 à 25 agents ici, payés par le conseil départemental au service des étudiants, une dizaine de médiateurs académiques, deux autres postes qui vont être ouverts sous peu à Dijon et à Lille, ainsi que les agents de la délégation qui sont, eux aussi, au service des étudiants, dont des assistants sociaux.

Le Département s’appuie également sur le tissu associatif, et il subventionne la Fédération des associations mahoraises de métropole (FAMM). C’est une chance, car ce tissu est très actif et très bien organisé, même le ministère des Outre-mer l’a remarqué. Les associations participent à leur manière à accompagner l’ensemble de nos compatriotes mahorais, mais surtout nos étudiants.

Nous avons aussi d’autres relais institutionnels : les Crous, des établissements scolaires et d’autres organismes publics. Ce sont des moyens déjà existants et conséquents. Il ne faut donc pas faire de surenchère en les augmentant encore. Il faut désormais que l’on se pose, tous les acteurs comme le souligne le collectif – publics, associatifs, mais aussi la société civile –, afin que nous nous posions les bonnes questions pour trouver les bonnes solutions. Peut-être faut-il redéployer les moyens qui existent, les corriger, les adapter ? Oui, mais je ne pense pas, en ce qui me concerne, qu’il faille créer encore d’autres structures, il y en a déjà. Il faut s’appuyer sur ce qui existe et se poser, encore une fois, les bonnes questions : que se passe-t-il pour nos jeunes ? Il nous faut mener une réflexion pour comprendre ce phénomène nouveau.

FI : Pour améliorer, par exemple, l’organisation des services et du réseau déjà existants ?

M. Z. : Améliorer le réseau, oui, ainsi que la façon de travailler de l’ensemble des acteurs. Mutualiser nos informations et mieux coordonner nos actions pour être plus efficients et disposer d’un relai plus rapide dès qu’on a un signalement. Il faut mettre en place un process pour fluidifier notre action, car, je le répète, les moyens sont là. L’État dispose de services, le Conseil départemental s’investit aussi, les associations également.

D’ailleurs, je salue l’action de ces dernières dans le cadre du Covid. C’est un travail énorme, et elles se mobilisent bénévolement. Elles ont par exemple distribué plus de 2.000 paniers-repas aux étudiants, les ont accompagnés, etc.

FI : Comment peut agir la délégation ?

M. Z. : Les élus sont très conscients de cette problématique et sont demandeurs de solutions. En ce qui nous concerne, nous avons commencé depuis le début d’année à faire une enquête. Nous travaillons sur le terrain, avec les médiateurs académiques, les associations, etc. Pas plus tard que mardi, j’ai eu une longue réunion avec mes collègues de la FAMM et eux aussi sont en train de faire cet exercice. Nous devons nous revoir dans une dizaine de jours pour faire un premier état des lieux. Il nous faut comprendre ce phénomène d’isolement, assez nouveau, comprendre ce qu’il se passe.

Ensuite, il faudra associer tous les acteurs évidemment, ainsi que les parents et les familles. Le sujet est très complexe et implique diverses problématiques. Nous y travaillons déjà, et nous devons continuer à le faire à nous asseyant ensemble autour d’une table.

Il faut aussi sensibiliser les parents : beaucoup ne souhaitent pas que leurs enfants fréquentent des structures associatives mahoraises. C’est une erreur, car nous avons constaté que ceux qui le faisaient réussissaient plus que ceux qui s’isolent, et que le taux de réussite dans les villes où ces associations sont actives est plus important qu’ailleurs. J’en profite donc pour lancer cet appel aux parents et aux étudiants qui vont venir à partir de l’année prochaine : prenez contact avec ces associations. Elles vont vous accompagner, vous aider à vous insérer dans votre ville, à prendre des repères. J’ai rencontré des étudiants timides à leur arrivée, et parfaitement épanouis quelques mois plus tard. Et il ne faut pas hésiter non plus à les contacter à la moindre difficulté.

Les salles de sport mahoraises en forme pour la reprise

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Il ne manquait plus qu’elles. Les salles de sport sont les dernières sur la liste à pouvoir reprendre leurs activités à Mayotte. Elles pourront rouvrir leurs portes à partir du 22 juin, mais avant, elles doivent opérer des changements radicaux afin de respecter les gestes barrière, et ce n’est pas de tout repos.

Le compte à rebours est lancé. Anli Fafi compte les jours jusqu’au 22 juin, date à laquelle il pourra ouvrir sa salle de sport. Voilà maintenant plus de trois mois qu’il ne peut accueillir le public. Il a donc eu le temps de repenser tout le système de la salle de sport en commençant par son agencement. “On a diminué le nombre de machines dans la salle pour libérer plus d’espace. Elles ne seront plus doublées ou triplées, il y aura seulement une machine pour chaque exercice”, explique Anli Fafi, le gérant de Maybody Form. Les adhérents devront prendre leur mal en patience et attendre leur tour. Ces derniers seront également contraints de changer leurs habitudes et peut-être même réorganiser leurs journées, car le nombre d’adhérents dans la salle sera limité à 10 personnes à la fois. Pour être certain d’avoir une place, le gérant de Maybody Form conseille d’éviter les heures de forte affluence et d’y aller pendant les heures creuses. “On fera le test durant la première semaine. Si ça ne fonctionne pas et qu’il y a beaucoup de monde pendant les heures de pointe alors on changera de méthode. Les adhérents devront prendre rendez-vous pour réserver une plage horaire d’une durée maximale d’une heure”, annonce Anli Fafi.

Du côté de la nouvelle salle de sport L’orange bleue qui ouvrira ses portes dans quelques semaines, le gérant a également dû revoir le fonctionnement de la salle. “Il y aura une entrée unique et une sortie unique. Ceux qui entrent et ceux qui sortent ne vont pas se croiser. On définira aussi un sens de circulation dans toute la salle”, annonce Julien Lalanne, le responsable.

La question du port du masque a été un casse-tête pour les gérants des salles de sport, car il est difficile d’en porter un pendant un effort physique. Les deux salles ont décidé de ne pas le rendre obligatoire pour des raisons de sécurité, mais il sera recommandé à ceux qui pourront le supporter.

Les gestes barrières obligeront les adhérents à respecter scrupuleusement les règles d’hygiène de base des salles de sport en général. “Les adhérents devront absolument changer de chaussures en arrivant à la salle. Ils seront également dans l’obligation de nettoyer les machines avant et après chaque utilisation”, indique le gérant de L’orange bleue. Même son de cloche chez Maybody Form. En temps normal, ces règles ne sont pas toujours observées, mais les gérants misent beaucoup sur la responsabilité des adhérents.

Coaching personnel avec distance

Les deux salles de sport proposent des séances personnelles avec un coach. Cependant, à la reprise tous devront apprendre à travailler autrement. Les coachs porteront des masques, ceux de L’orange bleue auront aussi une visière. Dans cette salle, les professionnels n’auront pas d’autre choix que d’être plus pédagogues. “Le coach n’aura pas le droit de corriger les postures en touchant la personne. Tout se fera par la parole pour respecter la distance d’un mètre”, précise Julien Lalanne. Chez Maybody Form, le nombre de personnes par cours particulier sera réduit.

“Nous sommes livrés à nous-mêmes”

Il est possible que vous ne rencontriez pas les mêmes règles dans toutes les salles de sport, car pour le moment, les professionnels n’ont reçu aucune directive. Un constat qui révolte Anli Fafi. “Nous n’avons aucune information. J’ai contacté la DRJSCS (direction régionale de la jeunesse, des sports, et de la cohésion sociale) pour en savoir plus, mais je n’ai pas eu de retour alors que nous sommes

censés ouvrir dans moins d’une semaine. Nous sommes livrés à nous-mêmes.” Par conséquent, chaque gérant, établit ses règles selon son bon vouloir. Le gérant de Maybody Form affirme demander conseil à ses collègues de métropole qui ont déjà ouvert leurs salles, en espérant pouvoir tirer profit de leur expérience.

Mayotte : « Clouée au sol depuis le 19 mars », Ewa Air tente de passer la crise

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La compagnie mahoraise détenue à 51% par Air Austral et qui compte aussi la Chambre de Commerce et d’Industrie de Mayotte parmi ses actionnaires, espère voir bientôt le bout du tunnel. Pour maintenir la flotte pendant le confinement, Ayub Ingar, son directeur général délégué, a tenté d’organiser quelques vols. Ce mardi, c’est ainsi un avion-cargo qu’il devait réceptionner à l’aéroport de Pamandzi. Il revient pour le Flash Infos sur cette opération, et sur l’activité d’Ewa Air depuis le début du confinement.

Flash Infos : Avec le confinement et la fermeture des aéroports, le secteur aérien traverse une crise sans précédent. Quelle a été l’activité d’Ewa Air au cours des trois derniers mois ?

Ayub Ingar : Avec cette pandémie et la fermeture des aéroports et des frontières, nous sommes cloués au sol depuis le 19 mars. Mais il faut savoir qu’un avion au sol coûte aussi cher qu’en vol. Surtout à Mayotte, avec la mer à proximité, cela demande beaucoup d’entretien pour éviter la corrosion par exemple. C’est pour cette raison que depuis deux mois, nous nous sommes débrouillés pour affréter quelques avions. D’abord en avril, nous avons effectué deux vols pour rapatrier des ressortissants mahorais, un depuis Majunga, et un autre depuis Anjouan. Nous avons ensuite participé aux évacuations sanitaires, ce qui a d’ailleurs demandé un certain travail pour équiper nos appareils, avec des civières notamment. Nous avons fait cinq vols de ce type vers La Réunion. Ensuite, il y a eu un vol pour le compte de la Banque centrale des Comores, pour transférer des fonds vers La Réunion ; puis un vol pour la Croix Rouge, destiné à apporter du matériel sanitaire à l’hôpital de Moroni. Enfin, nous avons deux vols de fret prévus cette semaine, celui d’aujourd’hui [mercredi 16 juin], et un autre qui doit arriver vendredi.

FI : En effet, vous êtes venu aujourd’hui à l’aéroport pour accueillir le vol d’Ewa Air qui transporte un fret depuis Madagascar. Quelle est la raison de ce voyage, et que rapporte l’avion-cargo ?

A. I. : Cet avion doit transporter 5,5 tonnes de fret depuis Tananarive. Ce sont des fruits et des légumes et aussi du gel hydroalcoolique, qui ont été commandés par une centrale d’achat privée, la MJM corporation. Je suis très fier d’ailleurs, car c’est un pilote mahorais qui doit atterrir dans quelques minutes, fraîchement embauché il y a trois mois. Il vient renforcer des équipes déjà majoritairement composées de Mahorais, à 100% en ce qui concerne les PNC (personnels navigants commerciaux), les stewards et les hôtesses. C’est un point qui me tient à cœur, et c’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons noué un partenariat avec le Rectorat de Mayotte qui a créé une cellule d’aéronautique en septembre 2019, au lycée de Petite-Terre, dans le but de former les élèves de Mayotte aux métiers de l’aérien. D’ici quelques années, et après la crise que nous traversons, j’ai bon espoir que ces jeunes viennent gonfler nos effectifs !

L’autre raison qui justifie ce vol est économique. Nous avons malheureusement été écarté du dispositif des Evasan, au prétexte que nos vols mettaient quarante minutes de plus à arriver jusqu’à bon port… Résultat, nous avons dû changer notre fusil d’épaule, ranger les civières au garage, et équiper différemment ces avions, pour qu’ils deviennent des avion-cargos. Nous avons ainsi recouvert tous les sièges de plastique, de telle sorte que les marchandises occupent la soute et la cabine. C’était essentiel de procéder ainsi pour maintenir un peu notre activité, et surtout faire voler nos avions comme je vous l’expliquais. D’autant qu’il s’agit d’une opération blanche, qui ne permet pas de dégager des recettes, juste d’amortir les frais, je tiens à le préciser.

FI : Justement, comment la compagnie parvient-elle à rester à flot ? Avez-vous pu bénéficier des aides de l’Etat ? Le gouvernement vient d’ailleurs d’annoncer un plan de soutien à l’aérien…

A. I. : Malheureusement, nous ne sommes pas vraiment concernés par ce plan, qui s’inscrit surtout dans un cadre de continuité territoriale, en France. Or, Ewa Air dessert principalement des destinations internationales. Pour nous, c’est un peu la double peine et nous naviguons en eaux troubles. Même si le président de la République Emmanuel Macron a annoncé une reprise des vols hors Europe à partir du 1er juillet, à condition qu’il n’y ait pas de circulation du virus, encore faut-il que les aéroports étrangers accueillent eux aussi des ressortissants français ! Or pour Madagascar, pour les Comores, je ne vois pas cela arriver de sitôt. Non, je mise plutôt sur Dar es Salam pour l’instant, car l’aéroport est déjà ouvert, et avec un peu de chance nous pourrons reprendre du service vers la fin du mois de juillet. Alors oui, en attendant, nous avons recours aux aides, notamment un prêt garanti par l’Etat qui ne devrait plus tarder à arriver, et bien sûr l’activité partielle, mise en place pour la plupart de nos 35 salariés. Le personnel naviguant est à 100% au chômage partiel, avec de courtes reprises quand ils effectuent un vol. L’équipe technique, elle est à 50%, car ils continuent d’entretenir les avions. Le reste, les équipes administratives et commerciales, sont toutes au chômage partiel.

 

FI : Malgré les 85 millions d’euros, mobilisés par la Région Réunion sous la forme d’avances remboursables et d’un prêt garanti par l’Etat, Air Austral a entamé une négociation avec son personnel sur un plan d’adaptation qui prévoit peut-être des départs volontaires. Un plan similaire est-il envisagé chez Ewa Air ?

 

A. I. : Non, il n’est pas prévu pour l’instant d’envisager des départs. Ce n’est pas tellement que notre trésorerie nous suffit à supporter la crise, mais surtout que nous sommes une petite compagnie, et j’aurai besoin de tous mes effectifs pour redémarrer. Bien sûr, rebondir ne sera pas chose facile, car nous avons été obligés de mettre tous nos projets en stand by. L’objectif aujourd’hui, c’est de redémarrer l’exploitation pour retrouver notre vitesse de croisière. Mais pour cela, il faudra sans doute compter au moins un an…

 

 

 

 

Etudiants mahorais : comment stopper la détresse ?

Le 11 juin, des ouvriers intervenant dans le cadre de travaux d’une résidence étudiante à Saint-Étienne, découvraient le corps sans vie d’une étudiante mahoraise. Âgée de 26 ans, la jeune femme, décédée de mort naturelle, se trouvait en situation d’isolement.

 

Le 11 juin dernier, une étudiante mahoraise de 26 ans était retrouvée morte dans son appartement d’une résidence étudiante de Saint-Étienne. Découverte par des ouvriers intervenant dans le cadre de travaux,la jeune femme était décédée plusieurs jours plus tôt, de mort naturelle*. Un drame qui met une fois de plus en avant l’isolement et la précarité psychologique de certains étudiants mahorais dans l’Hexagone.

Face à la situation, inquiétante et bien connue, six psychologues** réunis en collectif ont envoyé une missive aux différents acteurs concernés par la problématique : Conseil départemental, rectorat, Commission d’octroi des bourses et aides, Ladom, délégué de Mayotte à Paris, ou encore associations d’étudiants mahorais en métropole.« Cette année universitaire a été particulièrement traumatisante pour la communauté étudiante mahoraise en métropole. Nous comptons à ce jour sept décès dont certains sont survenus dans des circonstances encore inconnues. (…) En tant que psychologues et originaires de Mayotte, ces drames nous interpellent au plus haut point », y expliquent-ils en soulignant que ce nouveau décès « vient questionner une problématique qui est peu abordée car encore méconnue : la santé mentale des étudiants mahorais en France hexagonale. » Une « santé mentale qui serait fragile par manque de préparation au départ. « Les jeunes de Mayotte sont-ils mieux préparés au voyage et aux changements qui les attendent hors de leur île natale ? Ont-ils les outils pour trouver les bonnes ressources en cas de nécessité ? », questionnent-ils. Et d’apporter une réponse : « Nous savons tous que tout le monde n’est pas armé pour un tel voyage, un tel changement social en environnemental. Quitter son cocon familial n’est pas chose facile pour la majorité de ces jeunes qui voyagent pour la première fois et quittent leurs familles pour se retrouver seuls dans un territoire et dans une ville qu’ils connaissent à peine. À cela s’ajoutent les nombreuses responsabilités auxquelles les jeunes doivent faire face, à savoir se gérer soi-même, gérer son budget au quotidien, faire ses démarches administratives et surtout mener à bien son projet d’études. » Le tout dans un contexte bien différent de celui de leur île natale, « une perte de repères face à la confrontation à une autre société française et occidentale. Ensuite une perte de ses racines dans le sens où l’on se retrouve loin de sa terre natale, de sa communauté, de ses traditions. Et enfin une perte de contenance en ce sens où les parents ne sont plus là pour maintenir ce lien si réconfortant et imposer ce cadre de vie protecteur. » Conséquence : « Du jour ou lendemain, le jeune étudiant mahorais se retrouve seul face à lui-même. Une solitude qui s’agrandit au fil du temps surtout si le jeune ne retrouve pas des éléments qui vont l’aider à se reconstruire et à reconstruire progressivement des repères qui vont l’aider à tenir face à l’adversité. À la contenance parentale, il lui faut désormais une contenance groupale nécessaire pour créer du lien social et tendre vers un équilibre. Ces nouveaux repères vont de pair, bien évidemment, avec le maintien du lien avec la famille qui, elle, est restée à Mayotte. Malgré la contenance groupale matérialisée par les associations étudiantes, certains jeunes craquent. Et cela nous pousse à soulever la question de la personnalité de chacun. On a tous une sensibilité, différente d’une personne à l’autre, et l’apparition d’un évènement dans notre vie peut nous fragiliser et nous rendre vulnérable. » Les étudiants sont vulnérables, et il faut le dire ouvertement. Ils sont vulnérables socialement financièrement et psychologiquement. »La tribune poursuit : « C’est pour ces raisons essentielles que certains jeunes, démunis, s’isolent et font semblant de vivre comme les autres. Dans notre culture, il est très malvenu de parler ouvertement de nos problèmes. Nous le savons, l’isolement amène tôt ou tard à des comportements à risque, entre autres, le suicide. »

L’impossibilité d’évacuer les problèmes

Alors, comment agir ? L’objectif de la lettre est clair : alerter et encourager les autorités compétentes à se réunir de manière collégiales et pluridisciplinaires pour,qu’ensemble, elles trouvent des solutions. Une démarche de sensibilisation. « Nous ne travaillons pas au sein des structures ou institutions qui prennent en charge ces jeunes », commente en aparté l’un des professionnels, qui continue :« Ils doivent faire le nécessaire pour réfléchir ensemble, avec différents professionnels dont des professionnels de la santé psychique qui pourront leur donner leur expertise. Mais c’est bien un travail incluant plusieurs professions [qui est nécessaire] pour accompagner au mieux ces jeunes aussi bien au niveau social, financier et psychologique. Il ne faut négliger aucun aspect. »

Leur courrier donne tout de même des pistes de réflexion. « Les associations étudiantes et les médiateurs académiques font partie des forces vives sur lesquelles nous pouvons nous appuyer pour repérer les jeunes afin de les soutenir et les accompagner et ainsi répondre au mieux à leur bien-être psychique. En effet, dans le cadre de leur accompagnement, il est nécessaire de rajouter des outils comme la sensibilisation à la détresse psychique pour compléter l’évaluation du bien-être de l’étudiant. En amont, nous proposons de rajouter dans les rencontres déjà réalisées par la DPSU, le service des bourses du rectorat de Mayotte, Ladom et le CUFR, l’aspect psychologique pour qu’ils aient dans leur préparation avant le départ au moins des débuts d’idées pour mettre en place et entretenir une certaine hygiène de vie psychique dans cette vie inédite. Par la suite, et tout au long de la scolarité, il serait nécessaire que la DPSU ait une prise en charge davantage proximale afin de détecter et orienter les étudiants fragiles psychiquement. »

 

*Contrairement à la piste du suicide, d’abord privilégiée, les résultats de l’autopsie ont révélé qu’elle était décédée de mort naturelle.

**Nazlli Joma, Hadidja Madi-Assani, Houssamie Mouslim, Rozette Yssouf, Amani Halidi, Fatima Abdallah.

Justice à Mayotte : « Placer automatiquement les personnes en quatorzaine est contestable »

Le juge des libertés et de la détention est venu ce dimanche, pour la première fois sur le territoire, donner raison à une justiciable contestant l’arrêté préfectorale de mise en quatorzaine pour les passagers provenant de métropole. Explications. 

L’affaire n’est pas commune. À l’image des temps qui courent. Le juge des libertés et de la détention de Mayotte a en effet été amené pour la première fois, ce dimanche, à se prononcer sur la régularité du placement automatique en quatorzaine décidé par la préfecture à destination des voyageurs venant de métropole. Car c’est en effet la condition fixée par les autorités locales pour tous les passagers autorisés à pénétrer sur le territoire mahorais. Tous les passagers. Et c’est bien là que le bât blesse. « La loi dispose que l’arrêté du préfet portant placement en quatorzaine doit être individualisé et motivé alors que l’arrêté en question est d’ordre général pour tous les passagers », rappelle Maître Souhaïli qui a porté cette demande inédite ayant obtenu gain de cause. 

En l’espèce, une femme jusqu’alors en métropole se devait de rentrer à Mayotte pour des raisons professionnelles. « Elle a donc fait sa demande sur le site de la préfecture, laquelle lui a ensuite notifié qu’elle pourrait bénéficier du vol du dimanche 7 juin », souligne son conseil. Avant le départ, la voyageuse doit cependant signer une attestation sur l’honneur stipulant notamment qu’elle respectera la quatorzaine exigée par les autorités. 

Un contreseing « qui n‘empêche absolument pas par la suite de contester la décision administrative », précise Maître Souhaïli. Et c’est bien ce qu’elle se décide à faire une fois le pied en terre mahoraise. Car ladite quatorzaine empêche justement la voyageuse de remplir à bien les missions qui l’ont amené à rentrer dans le 101ème département. « Cette femme est revenue pour effectuer des permanences, or elle ne pouvait même pas sortir pour aller faire ses courses », pointe son avocat qui fait reposer là son second argument. « Il y avait clairement, à travers cet arrêté des conséquences disproportionnées sur la liberté de circulation, celui-ci était même plus restrictif que les mesures imposées au plus fort du confinement », soutient-il. 

« On ne peut pas tout justifier par la crise sanitaire » 

Autres moyens soulevés : « l’arrêté ne précise pas les délais et les modalités de contestation alors que toute décision administrative doit intégrer cela » ou encore : « la loi dispose que les arrêtés de mise en quatorzaine doivent être communiqués au procureur et nous n’avons pas la preuve que cela a été fait », détaille le conseil. Des arguments quasiment superfétatoires tant Maître Souhaïli en est convaincu : « le premier moyen a suffi à emporter la décision du juge car au-delà d’une décision générale alors qu’elle aurait dû être individuelle et motivée, la restriction de la liberté de circuler d’une personne doit être avalisée par un magistrat. » De quoi s’opposer à la décision préfectorale, laquelle n’aura pas été soutenue devant le juge. 

« Malheureusement la préfecture ne s’est pas défendue, je ne peux donc pas préjuger des conséquences qu’elle va en tirer », indique l’avocat gagnant. Qui minimise toutefois la portée de la décision rendue par le JLD. « La disproportionnalité de la mesure a peut-être joué dans le cas d’espèce et ce jugement ne vaut pas forcément jurisprudence pour tout le monde. Cela sera toujours du cas par cas mais justement, cette décision vient rappeler que le placement automatique en quatorzaine sans individualisation ne passe pas devant le juge des libertés et de la détention. Quoi qu’il en soit, je pense que toute personne qui se sent lésée par ce type de décision ne doit pas hésiter à la contester devant le juge », soutient Yanis Souhaïli avant de se faire l’avocat des libertés fondamentales. « On ne peut pas tout justifier par la crise sanitaire et laisser le gouvernement et les administrations faire comme bon leur semble. Il y a eu beaucoup de dérives, le Conseil d’État, la Cour de cassation ou encore le Conseil constitutionnel ont été saisis à de nombreuses reprises pour rappeler que l’on ne touche pas comme cela aux libertés individuelles. Le gouvernement a fait passer nombre de textes attentatoires à ces libertés par ordonnance pendant cette crise et dans ce cadre, le contentieux devient nécessaire, même s’il ne donne pas toujours raison, pour protéger les droits fondamentaux des individus », plaide le ténor mahorais. Se refusant à voir les libertés confinées.

Rapt de Petite-Terre : décision le 23 juin quant à la détention provisoire 

Maître Souahïli, décidément au cœur de l’actualité juridique, a accompagné ce mardi matin ses trois clients mis en examen dans l’affaire du rapt de Petite-Terre au tribunal judiciaire de Mamoudzou. Objet de la visite, une audience devant la chambre de l’instruction en visioconférence avec des magistrats réunionnais qui devront statuer de manière collégiale sur l’avenir des trois hommes dans l’attente de leur procès. Le ministère public avait en effet formé appel de la décision du juge des libertés et de la détention plaçant les trois hommes sous contrôle judiciaire quand il réclamait leur placement en détention provisoire. « La teneur des débats a été la même que devant le JLD mais devant des magistrats de La Réunion qui ne connaissent pas forcément la réalité du terrain », lâche l’avocat des mis en examen, trahissant ainsi un soupçon d’inquiétude quant à la liberté future de ses clients. Décision le 23 juin.

Les équipes mobiles de prélèvement à Mayotte, entre préparation et stigmatisation

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Depuis le début de la crise sanitaire, le centre hospitalier de Mayotte a mis en place des équipes mobiles de prélèvement pour réaliser des tests à domicile. Une mission qui demande une préparation relativement lourde en matériel et qui se cogne par moment au refus de quelques habitants, qui ont peur des conséquences du dépistage.

Samedi 14 mars. Le premier cas positif au Covid tombe officiellement. Le centre hospitalier de Mayotte se réorganise pour faire face à la propagation du virus. Si la plupart des dépistages se font à Mamoudzou et dans les quatre centres de soins et d’accouchements délocalisés de l’île (Dzaoudzi, Kahani, Mramadoudou et Dzoumogné), l’établissement décide de mettre en place des équipes mobiles de prélèvement pour se rendre directement au domicile de la population. Infirmière à la médecine du travail de l’hôpital, Dhatya Soilihi est la première à se voir confier cette mission. « Pendant une semaine, j’ai sillonné l’île toute seule », se remémore-t-elle, avant d’expliquer avoir été rejointe par plusieurs de ses collègues pour renforcer les rangs de cette brigade spécialement constituée pour gérer la crise sanitaire.

Une préparation relativement lourde

Trois mois plus tard, ce nouveau service fonctionne comme sur des roulettes, ou presque. Suspendu quelques jours par la cellule de crise pour renvoyer le personnel soignant vers son cœur de métier, la direction a finalement décidé de faire machine arrière. « Les habitants qui présentent des symptômes appellent le 15. Et c’est le médecin régulateur du Samu qui nous oriente vers eux », confie celle qui a été désignée par sa hiérarchie pour coordonner les effectifs, sur les routes de 7h à 15h. À ses côtés : 8 chauffeurs et 2 à 3 infirmières, en poste dans chaque centre médical de référence (CMR), et formées à l’habillage, au déshabillage et au geste technique du test nasopharyngé pour déterminer si une personne est porteuse du virus. Depuis son bureau, Dhatya Soilihi se charge de gérer les plannings des uns et des autres, de passer les commandes de matériels et de s’assurer que les kits de prélèvement et de protection soient complets. « Il faut que les voitures soient suffisamment chargées pour ne pas avoir de rupture de stocks une fois sur le terrain car les demandes tombent au fur et à mesure dans la journée. À moi de répéter les consignes et de vérifier, pour être sûre que ce genre de couac ne se produise pas », sourit-elle. Réparties sur cinq secteurs, les équipes peuvent réaliser jusqu’à une cinquantaine de tests par jour, avant que les bilans ne soient déposés au laboratoire en fin d’après-midi pour être analysés.

Des problèmes de stigmatisation

Toutefois, un phénomène propre à Mayotte rend leur quotidien quelque peu complexe. À savoir la stigmatisation du virus par la population. Provoquant quelques difficultés lorsqu’une équipe doit se rendre sur place… « Il arrive au moins une fois par jour que nous recevions un refus alors qu’il était prévu que nous procédions à un test. Quand nous les contactons pour demander leur adresse, certains nous disent qu’ils ne sont plus malades tandis que d’autres nous annoncent carrément qu’il s’agit d’un faux numéro », relate Dhatya Soilihi, qui s’inquiète de la recrudescence de ce type de comportement. Selon elle, il est nécessaire de leur « faire prendre conscience des risques pour eux et leur famille ». Alors quand ce genre d’événement se produit, l’infirmière le précise dans son récapitulatif envoyé quotidiennement au Samu, à l’agence régionale de santé (ARS) et à Santé Publique France. « Je rédige une annotation sur ceux qui ont refusé ou sur ceux qui ont montré des réticences pour faciliter le travail de l’équipe qui s’occupe du suivi des cas. » Une bonne manière de prévenir la formation de futurs clusters et de couper les éventuelles chaînes de transmission.

Café et cacao : les trésors cachés de Mayotte

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Cela peut en surprendre plus d’un mais Mayotte est capable de produire du cacao et du café de très bonne qualité et qui n’a rien à envier aux plus grandes productions internationales. Cependant, ces produits sont sous exploités ou laissés à l’abandon. L’association Café cacao maoré créée en mars 2019 s’est donnée pour mission de remédier à cela et de planter du café et du cacao sur l’île afin d’installer un véritable système de production. 

Mayotte regorge de richesses encore méconnues du grand public. Le café et le cacao en font partie. Ces deux matières premières présentes sur l’île pourraient devenir emblématiques sur le territoire, mais encore faudrait-il les préserver et les valoriser. C’est la mission que s’est attribuée l’association Café cacao maoré qui regroupe 11 producteurs de Mayotte. Tous sont spécialisés dans différents domaines de l’agriculture, mais ils se sont réunis dans le seul objectif de sauver le café et le cacao de l’île. “L’idée nous est venue parce qu’on a remarqué qu’il y avait pas mal de café à l’état sauvage dans la commune de Tsingoni. Nous avons aussi trouvé d’anciens vestiges de plantations de cacao qui étaient entre Combani et Ouangani”, relate Valérie Ferrier, productrice et animatrice de l’association. Les plantations sont pratiquement toutes laissées à l’abandon. Un constat qui désole les membres de l’association car le café et le cacao de Mayotte ont un réel potentiel et ont chacun une particularité rare. “La variété de cacao d’ici est le criollo. Elle est très recherchée puisque c’est ce qui permet de faire du chocolat. On pourrait donc produire du chocolat à Mayotte. Le café est quant à lui très robuste, c’est-à-dire qu’il a un fort taux de caféine”, explique Valérie Ferrier. L’objectif de l’association est de relancer les exploitations de café et de cacao qui autrefois étaient très présentes sur l’île. Certains y voient un intérêt économique pour le territoire, mais la plupart des membres de l’associations sont des Mahorais qui veulent préserver le patrimoine local à travers ces filières qui sont en perte de vitesse et qui seront amenées à disparaître si la situation est laissée comme telle. Un premier jet d’essai a été lancé par l’association. Elle a présenté du chocolat fabriqué à Mayotte et du café au salon international de l’agriculture à Paris, au mois de février de cette année, pour faire connaître les produits. “Les gens étaient très agréablement surpris. Ils ne savaient pas qu’on pouvait produire du chocolat et du café à Mayotte. Ils ont adoré parce que ce sont des produits très recherchés”, rappelle la productrice. 

Vers une production à plus grande échelle ? 

L’association souhaite désormais passer à l’étape supérieure et ainsi produire le café et le cacao à plus grande échelle, même si les membres savent que cela prendra beaucoup de temps et d’argent. Ils ont demandé des subventions auprès des fonds européens et du conseil départemental. Leur projet de 260.000 euros est financé à 75% par ces aides. L’installation d’un atelier pour transformer les produits bruts est également en cours. Pour le moment, les exploitations sont quasi insignifiantes si l’on compare à d’autres territoires où la production est beaucoup plus développée. 1.400 plants de cacao ont été plantés l’année dernière et 300 kilos de cerises de café ont été récoltés. “L’idée est d’utiliser les pieds qui existent localement comme des pieds mères et de multiplier les variétés car l’île en a de très bonnes.” Avant de peut-être retrouver du café et du chocolat fabriqués à Mayotte dans les rayons des magasins, les exploitants se concentrent sur une petite production. Les produits seront vendus comme des souvenirs de Mayotte aux touristes. L’association est parfaitement consciente des retombées positives de ces filières, mais elle sait que le chemin sera semé d’embûches. “La production de cacao et de café n’est pas rentable sur le court terme car cela prend 4 ans pour faire pousser un cacaoyer par exemple. Les agriculteurs préfèrent planter un produit qui pousse rapidement et qui se vend plus facilement comme les bananes”, regrette Valérie Ferrier. Il leur est donc indispensable de préserver le peu qui reste. L’association prévoit de s’associer avec les propriétaires des parcelles qui longent la piste rurale de Maboungani (commune de Tsingoni) pour planter du café et du cacao et faire de cette zone un site touristique de ces deux produits. Peut-être qu’avec beaucoup de persévérance et de solidarité, le café et le cacao deviendront les nouveaux emblèmes de l’île aux parfums

Un drame de trop pour les sauveteurs en mer mahorais bloqués à quai

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Si la disparition de Khams a ému toute une île, elle n’aura pas épargné les sauveteurs en mer. Qui n’auront pu remplir leur mission, faute de bateau. « Un choc », au sein de l’antenne locale de la Société nationale du sauvetage en mer (SNSM) qui attend depuis près d’un an le renouvellement de son navire de secours.

« L’accident d’hier est pour nous, marins sauveteurs, un gros choc car nous sommes là, présents, compétents pour pouvoir intervenir dans les quinze minutes et une fois de plus nous n’avons pas pu le faire à cause d’un manque de moyen », s’indigne Frédéric Niewadowski, le président des sauveteurs en mer de Mayotte. « Ne pas pouvoir y aller pour une raison politico financière alors que nous sommes pleinement engagés au service des autres c’est très dur », déplore encore le marin. Cela fait en effet près d’un an que la SNSM locale est privée de moyen d’intervention en mer. En cause, le non-remplacement à temps de l’Haraka, le navire précédemment utilisé. « Nous avions lancé l’alerte il y a deux ans et demi pour anticiper le remplacement de ce bateau qui com-mençait à devenir vétuste et dangereux. Comme régulièrement ici, nous n’avons pas été écoutés et un jour les boudins [ semi-rigides, ndlr] ont explosé, le bateau s’est quasiment échoué. Il a alors fallu prendre une décision car nous ne pouvions pas continuer à mettre en jeu la sécurité des équi-piers », se souvient le président des sauveteurs.

Lequel n’a depuis cessé de taper du poing sur la table pour obtenir du Département qu’il réponde à ses obligations légales en finançant le nouveau navire à hauteur de 50%. L’autre moitié étant prise en charge par la SNSM. Mais sans ce premier financement, « impossible de commander », rappelle Frédéric Niewadowski. Si l’enveloppe a finalement été débloqué il y a quelques mois de cela, cette absence de prise en considération de l’importance des secours maritimes sur une île met le marin hors de lui. Et rappelle, à l’aune du drame que vient de connaître Mayotte avec la dis-parition de Khams, que des vies sont en jeu. « Si nous avions eu un moyen d’intervention, nous aurions pu être sur site dans les 15 minutes. Je ne dis pas que l’issue aurait forcément été diffé-rente mais nous serions restés sur zone toute la nuit, nous n’aurions pas quitté les lieux avant de l’avoir retrouvé. Forcément, nous aurions multiplié ses chances de survie », insiste celui qui est également maître de port après avoir servi 25 ans dans l’aéronautique navale.

De « véritables négligences » sur les dangers de la mer

« Ce qu’il s’est passé est malheureusement l’illustration concrète de ce que l’on crie haut et fort depuis trop longtemps, on ne fait qu’alerter et rappeler tout le monde à ses responsabilités », s’at-triste l’homme de mer. Dans le collimateur, différentes institutions mais aussi les maires. À Mayotte, aucune plage n’est surveillée alors que c’est une obligation pour les communes d’organi-ser la sécurité jusqu’à 300 mètres de leurs plages. C’est une obligation comme tant d’autres qui n’a jamais été prise en compte ici alors même que l’on parle de développer le tourisme », martèle le président des sauveteurs en mer. Avec qui les responsables, mais aussi les usagers du lagon en prennent pour leur grade. « Notre seul frein, c’est le financement et dans le même temps à peine 1% des utilisateurs du lagon font un don aux sauveteurs, il y a une vraie négligence de leur part alors que nous nous engageons pour assurer leur sécurité… Pas un seul prestateur ne cotise ! », tempête Frédéric Niewadowski.

Une situation « inédite que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. À La Réunion pour ne citer que cet exemple, il y a trois stations de la SNSM, les plages sont surveillées alors que nous ne parvenons même pas à boucler un budget de 45 000 euros… », dénonce-t-il alors que « même quand on prend la barge on peut avoir besoin de la SNSM ». Une situation financière qui a pendant près d’un an empêcher les sauveteurs en mer de faire don de leur dévouement. Et qui ampute bien des projets. « Il faudrait créer une ou deux stations supplémentaires, idéalement une au nord et une au sud de l’île, c’est un travail que nous voulons mener mais quand on voit le budget on ne peut mal-heureusement pas l’envisager. Alors que les moyens humains et les compétences sont là. »

Retour sur l’eau en octobre

Une quarantaine de bénévoles s’investissent en effet au sein de la SNSN locale. « Avec 25 per-sonnes immédiatement opérationnelles ce qui permet d’assurer un équipage et sa relève », pré-cise le président. Parmi eux, des patrons, des navigateurs, des plongeurs, des secouristes, des médecins, des infirmiers… « On se complète et c’est ça notre force, c’est cela qui nous permet d’aller secourir en mer, de mener ce combat. Et puis nous apportons tout un tas de qualifications, de formations, c’est aussi pour ça que j’encourage les jeunes à s’engager », complète Frédéric Niewadowski. De l’engagement, voilà le maître mot. Car « on travaille dans l’ombre, notre vocation est de sauver des gens, c’est tout. On fait ça parce que c’est dans nos tripes, on a ça au fond de nous et on ne demande pas de remerciements mais un peu de considération, de conscience des dangers de la mer et de l’importance de s’en protéger », plaide l’ancien militaire. Un engagement donc, qui a permis de secourir 180 personnes en 2017 dont huit réanimées sur un total de 71 in-terventions.

Mais il faudra attendre « avec un peu de chance » octobre pour retrouver les sauveteurs… en mer. Avec l’arrivée de leur nouveau navire, un semi-rigide semblable aux intercepteurs, de 9,30 mètres, équipé de deux moteurs de 300 chevaux et capable de recevoir jusqu’à 22 personnes. Un nou-veau moyen de projection qui permettra aux secouristes d’élargir encore leur champ d’intervention. « C’est un bateau capable d’aller jusqu’à 30 milles nautiques, ce qui correspond à la nouvelle flotte locale de pêche, il fallait absolument que nous puissions avoir au moins un navire capable de se-courir à cette distance », détaille le président de la SNSM locale. Car face aux dangers de l’océan, nous sommes tous dans le même bateau.

Julien Kerdoncuf, sous-préfet à Mayotte en charge de la lutte contre l’immigration clandestine : « Actuellement, la priorité c’est non pas d’intercepter, mais de refouler »

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Si les expulsions vers les Comores sont toujours suspendues, la préfecture a renforcé ses activités de lutte contre l’immigration clandestine en mer. Dans un premier temps, la fermeture des frontières et la peur de la propagation du virus avait fortement limité les flux migratoires, mais l’activité semble reprendre peu à peu. Selon Julien Kerdoncuf, sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, plusieurs kwassas sanitaires seraient même arrivés la semaine dernière, sans pour autant être en lien avec le Covid. 

Flash Infos : Aujourd’hui, où en est la lutte contre l’immigration clandestine alors que les reconduites aux frontières sont suspendues depuis le mois de mars ? 

Julien Kerdoncuf : D’abord, il faut savoir que la lutte contre l’immigration clandestine ne se limite pas aux reconduites, qui sont toujours suspendues pour des raisons sanitaires. L’opération Shikandra repose sur quatre axes. Premièrement, les relations avec les Comores, et là, ça se joue plutôt au niveau de l’Élysée et du ministère des Affaires étrangères. Deuxièmement, la réaffirmation de la présence à terre. Les opérations de contrôle à terre sur la voie publique ont été suspendues en l’absence de perspective d’éloignement. Concrètement, le groupe d’appui opérationnel de la police aux frontières, son unité d’interpellation et la gendarmerie mobile ne procèdent plus à des interpellations d’étrangers en situation irrégulière, ils ont été redéployés sur d’autres missions comme la sécurisation générale. Dès qu’il y aura besoin de reprendre les interpellations, on le fera du jour au lendemain puisque les effectifs sont toujours là et mobilisables immédiatement, mais tant qu’il n’y a pas d’éloignements, on préfère mettre le paquet sur la sécurité. Je tiens aussi à rappeler que pendant presque toute la durée de la crise sanitaire, nous avons déployé des militaires dans le cadre de l’opération Résilience. Ils constituaient des groupes « projetables », c’est-à-dire que nous pouvions les envoyer sur les plages en cas de « beachage ». Puis, le troisième axe de l’opération Shikandra, c’est l’approfondissement du travail judiciaire. Depuis plusieurs semaines, nous avons choisi de faire un focus sur la lutte contre l’emploi d’étrangers sans titre. Autrement dit, le travail illégal. L’idée, c’est de contrôler les chantiers – du BTP mais pas seulement – et de sanctionner les travailleurs, leurs employeurs et leurs donneurs d’ordre. Cela permet de couper l’économie informelle qui fait l’attractivité de Mayotte pour les candidats à l’immigration. Cela s’est traduit par le renforcement du groupe de lutte contre le travail illégal de la PAF : on a plus que dédoublé les capacités de ce groupe en y joignant des effectifs des unités d’interpellation. On a donc poursuivi le travail d’enquête, avec par exemple le démantèlement d’un trafic de faux billets d’une filière africaine, ce que l’on appelle le « wash-wash », mais il y a beaucoup d’autres enquêtes toujours en cours et qui avancent. On ne s’est pas arrêté pendant le Covid. On est aussi en train de monter en puissance dans la lutte contre la fraude documentaire, avec l’entrée en fonction d’un expert de la PAF venu de Paris et qui vient de prendre son poste à la préfecture pour travailler principalement sur les reconnaissances frauduleuses de paternité et sur l’obtention frauduleuse de titres de séjour. Pour en revenir à l’opération Shikandra, le quatrième axe est la protection des frontières maritimes. Nous avons là renforcé notre dispositif en mer de 10 effectifs supplémentaires pour la PAF et 12 pour la gendarmerie. Deux nouveaux bateaux sont aussi arrivés, l’un à la fin avril et un qui devrait être mis à l’eau cette semaine. On a donc désormais huit intercepteurs opérationnels. Ils ne sont pas tous à l’eau en même temps ; mais ça nous permet d’élargir notre capacité d’action. 

FI : Si les interpellations ont été suspendues, la présence en mer a en effet été maintenue depuis le début de la crise sanitaire. En quoi consistent ces actions ? 

J. K. : Actuellement, la priorité, c’est non pas d’intercepter, mais de refouler. On met fin à la tentative d’entrée sur le territoire, on arraisonne le bateau qui souhaite entrer, on lui fait faire demi-tour et on l’accompagne jusqu’à la sortie de nos eaux territoriales pour le renvoyer vers les Comores, en s’assurant qu’ils ont assez d’essence, que les capacités de navigation sont bonnes, etc. On ne met pas les gens en danger, évidemment. Si on ne peut pas refouler, on intercepte et dans ce cas-là, on amène les passagers du kwassa au centre de rétention administrative (CRA) et on les garde le plus longtemps possible pour pouvoir les éloigner. Mais parfois malheureusement, certains sont libérés par l’autorité judiciaire. 

FI : Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, sommait, fin mai, l’Union des Comores de reprendre les reconduites. Dans le même temps, ce même pays demandait à la France de déployer un mécanisme de précaution sanitaire pour endiguer la propagation du Covid dans l’archipel. Ces discussions ont-elles avancées ? 

J. K. : Il y a eu des échanges à très haut niveau avec les autorités comoriennes pour que les expulsions puissent reprendre le plus tôt possible. Même si cela se discute surtout à Paris, je suis relativement optimiste sur le fait que cela sera le cas. Nous attendons un retour de l’Élysée à ce sujet. L’objectif, c’est d’avoir un sens de la responsabilité pour ne pas propager le Covid, sans pour autant accepter des dispositifs inapplicables et qui seraient une façon pour les Comores de cacher sa mauvaise volonté (d’accueillir les clandestins expulsés, ndlr). 

FI : Pourtant, 10 personnes étaient enfermées au centre de rétention administrative un mois plus tôt. Elles y sont aujourd’hui une quarantaine. Cela signifie-t-il qu’après une période creuse, les traversées de kwassas ont repris ? 

J. K. : Il y a eu plusieurs phases en matière de flux migratoire. Pendant la première phase, de mi-mars à mi-avril, il n’y avait rien, du moins nous n’avons eu aucune détection. Au-delà du renforcement du dispositif en mer et de l’action des autorités comorienne sur les plages pour empêcher les départs et les retours, il y a aussi eu une peur de Mayotte liée au Covid, puisque les autorités comoriennes ne faisaient état d’aucun cas en circulation, pendant que nous en comptions plusieurs dizaines. Puis à partir de la mi-avril, jusqu’à il y a une dizaine de jours, on a eu une remontée en puissance : nous avions détecté quelques kwassas par-ci par-là, mais cela restait relativement faible. Depuis mi-mai, on est revenu à un niveau similaire qu’à la même période de l’année dernière. Avec les conditions météorologiques en mer, cela reste là encore relativement faible, mais le flux a repris. 

FI : Maintenant que la présence du Covid aux Comores a été avérée, observe-t-on une recrudescence des kwassas sanitaires ? 

J. K. : Nous n’en avions recensé aucun depuis le début de la crise sanitaire. Mais la semaine dernière, nous en avons vu arriver quatre ou cinq, quasiment un par jour, mais pas forcément en lien avec le Covid. Avant cela, un homme qui l’avait contracté était décédé à Bandrélé après avoir débarqué d’un kwassa. Mais depuis ce cas, nous n’en avons plus eu. Les autres personnes que nous avons contrôlées sont plutôt des accidentées de la route ou des gens qui portent des sondes urinaires, par exemple. Je ne saurais pas expliquer pourquoi ça a repris précisément la semaine dernière, alors que Mayotte est passée de rouge à orange il y a plus d’un mois. Peut-être est-ce dû à l’aggravation de maladies chroniques qui n’ont pas été soignées pendant la crise aux Comores, avec des patients qui se présentent désormais à l’hôpital dans des conditions de santé dégradées… 

FI : Justement, des habitants de Kani-Bé, puis de Mtsahara ont tenté d’empêcher des secouristes de prendre en charges des personnes probablement déposées par un kwassa venus des Comores… 

J. K. : Tout ce que je peux dire, c’est que c’est parfaitement inacceptable de s’opposer à la prise en charge par les pompiers et les secours d’une personne vulnérable et en difficulté sur le plan médical et sanitaire. Mais nous ne pouvons pas prendre de précautions particulières dans la mesure où nous ne sommes pas censés nous prémunir de la population elle-même lorsqu’on porte secours. On ne va pas mettre un gendarme derrière chaque ambulance en intervention, ce n’est pas possible. Pour l’instant ça ne s’est pas reproduit, et je souhaite que ça ne se reproduise pas. 

FI : La semaine dernière, le député LR Mansour Kamardine insinuait que les passeurs pouvaient bénéficier de la complicité des autorités et des administrations locales, ce qui expliquerait selon lui la rapide pris en charge par les secours des clandestins fraîchement débarqués… 

J. K. : Ses propos n’engagent que lui, je ne peux pas les commenter.

Gestion de crise à Mayotte : les usagers veulent faire entendre leur voix

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Les associations mahoraises qui représentent les usagers avec France Asso Santé soulignent des dysfonctionnements dans la gestion de la crise sanitaire par l’ARS. Et demandent à être davantage impliqués. 

Ils s’étaient faits discrets pendant toute la crise, mais les représentants des usagers du système de santé ont décidé de dire “stop”. Vendredi, les associations mahoraises agréées réunies au sein de France Asso Santé ont envoyé un courrier à l’agence régionale de santé, et plus précisément à sa directrice, Dominique Voynet, pour formuler publiquement leurs interrogations et leurs propositions quant à la gestion de la crise du Covid. “La goutte d’eau, cela a été quand Mayotte est passée en orange alors que tous les clignotants étaient dans le rouge”, assène Joëlle Rastami, ancienne cadre de santé à la retraite et représentante du Lien, l’une des signataires de ce courrier. 

Pourquoi une telle démarche, plus de deux mois après le début de la crise ? En raison du manque de communication de la part des institutions, nous explique-t-on. “Nous avons pu travailler en visioconférence avec le CHM quelques fois, mais avec l’ARS cela a été le grand vide”, poursuit l’ex-soignante. “Après un premier courrier resté sans suite, nous avons donc décidé d’écrire ce plaidoyer, et de mettre la presse dans la boucle.” À ce jour, les représentants des usagers n’ont toutefois pas encore obtenu de retour de l’autorité sanitaire, mais l’ARS assure préparer d’ores et déjà des réponses précises à leurs questions légitimes. “Nous travaillons en bonne intelligence avec eux et avec de nombreuses associations et ONG et nous sommes très attentifs aux propositions qu’ils ont à nous faire”, répond ainsi Christophe Leikine, le directeur de cabinet de Dominique Voynet. “Nous venons de recevoir leur courrier, et sommes en train d’y travailler. Tout cela s’inscrit dans une gestion normale de la crise”, développe-t-il. Une gestion de crise qui a parfois dû se faire dans l’urgence, pour trouver rapidement des solutions, ce qui explique le délai de réponse de l’autorité de santé. “Mais nous avions de toute façon prévu de les impliquer, surtout maintenant que nous pouvons sortir un peu la tête de l’eau.” Cela passera notamment par l’organisation de la conférence régionale de santé et d’autonomie, repoussée à cause du Covid et qui doit être reprogrammée. 

Une communication inefficace 

Et tant mieux, car les associations agréées souhaitent que leur démarche soit “constructive”. C’est pourquoi leur courrier vient avec un lot de propositions. En premier lieu, le courrier cible la campagne de sensibilisation, jugée inadaptée pour Mayotte. Celle-ci a produit “des effets très limités sur le comportement de la population”, notamment à cause de traductions inégales, sans prendre en compte l’analphabétisme et l’illettrisme d’une partie de la population. Sur les masques, le gel hydroalcoolique, les gestes barrières, France Asso Santé juge ainsi que les usagers ont manqué de consignes claires, adressées au grand public. “On a l’impression qu’ils ont juste voulu imiter les choses qui se faisaient en métropole ou ailleurs, sans prendre en compte les spécificités de Mayotte”, complète Antufati Hafidou, de l’union départementale de la confédération syndicale des familles de Mayotte (UDCSFM), elle aussi dans la boucle. Pour y remédier, cette ancienne membre de l’Éducation nationale à la retraite suggère par exemple de mettre en place des actions directement dans les quartiers, pour tous les gens qui “n’ont pas accès à la télévision ou à la radio”. 

L’action de l’ARS en question 

Sur les équipements de protection, ensuite, les associations s’interrogent sur le protocole, alors que les commerces ont rouvert depuis le 18 mai, et que l’activité économique est en train de redémarrer. “Nous avons des témoignages d’usagers dont les auxiliaires de vie ne viennent plus, faute d’équipement”, expose Joëlle Rastami. Pour elle, c’est à l’ARS d’équiper les professionnels pour garantir les meilleures conditions de travail, tout en les formant aux gestes barrières. “Visiblement, il y a des stocks inépuisables en métropole, et ici, dans la grande distribution et les pharmacies, on a vu des produits hors de prix, ce n’est pas possible !”, rappelle-t-elle en référence aux surstocks constatés depuis quelques semaines dans l’Hexagone, après une période de pénurie en masques ou en tests. Sur ce point, l’ARS argumente avoir fait au mieux, compte tenu des tensions sur les approvisionnements. “Nous avons équipé l’ensemble des personnels soignants en masques, en surblouse, en gel et nous sommes même allés plus loin, avec la PMI (la protection maternelle et infantile), les officines”, rectifie Christophe Leikine. Le directeur rappelle d’ailleurs que certaines critiques formulées par le courrier, comme celle sur les distributions alimentaires ayant donné lieu à des attroupements, ne sont parfois pas du ressort de l’ARS. 

Mayotte, “encore en pleine crise” 

Les associations s’interrogent enfin sur les tests, qu’elles jugent encore en nombre insuffisant. Jusqu’à brouiller les chiffres ? Les clusters à la prison de Majicavo ou au centre de dialyse ont en effet remis sur la table la question de la stratégie en matière de prélèvements. “Faute de dépistage à Mayotte, qui nous dit que les chiffres sont justes ?”, questionne Joëlle Rastami. Les représentants des usagers se demandent si les réactifs ont bien été commandés, et si une campagne de dépistage à grande échelle est prévue. “Surtout quand on voit, en Guyane, qu’après la pression d’autorités locales, un dépistage massif a considérablement fait gonfler les bilans”, souligne la responsable du Lien. Une nouvelle campagne, menée dans l’ouest du département-région d’Outre-mer, à Saint-Laurent-du-Maroni, a en effet révélé que les cas positifs étaient sous-évalués. Mais là encore, l’ARS rappelle qu’elle n’a jamais refusé de faire un test, et qu’elle n’avait pas lésiné sur les campagnes de communication, pour inciter les gens à se faire dépister si jamais ils ressentaient des symptômes. 

Plus que de simples revendications, les signataires de ce plaidoyer espèrent surtout insuffler une nouvelle dynamique, qui les inclura davantage dans les réflexions sur la gestion de crise. Notamment pour préparer la suite, alors que la saison des mariages approche. Une autre source d’inquiétude sur laquelle ils attendent encore des réponses. “Au sujet des manzarakas, nous avons établi un protocole détaillé que nous avons envoyé à la préfecture et qui doit circuler dans toutes les mairies”, avance Christophe Leikine. Pas sûr que cela suffise toutefois à apaiser les représentants des usagers… “Nous sommes issus de la société civile, et nous sommes dans le quotidien des gens, et aujourd’hui nous constatons une coupure franche entre le discours institutionnel et celui de la population”, assure Joëlle Rastami. À l’instar des campagnes de sensibilisation, auxquelles ils veulent être associés en raison de leur ancrage sur le terrain, ils souhaitent donc pouvoir participer aux groupes de travail, et solliciter davantage les expertises de chacun. Alors seulement, Mayotte pourra vaincre cette épidémie, espèrent-ils. Car, “on est encore en pleine crise”, conclut Joëlle Rastami.

Mayotte pleure la disparition de son comédien Khams

Samedi en fin d’après-midi, le comédien Khams a été victime d’un accident de jet ski à quelques centaines de mètres de la côte dans le secteur de Pamandzi. Les recherches de la gendarmerie et celles de la population ont débuté dans la foulée pour tenter de le retrouver. Son corps a finalement été repêché dimanche peu avant 17h.

Samedi, 18h08. Le centre régional opérationnel de surveillance de sauvetage (Cross) sud océan Indien a été alerté pour un événement de mer impliquant un pilote de jet ski et deux passagères. L’accident s’est produit vers 17h45 à quelques centaines de mètres de la côte dans le secteur de Pamandzi. Depuis sa base nautique dans le quartier Sandravouangue, Seyfoudine Abdoulrazak a été le principal témoin de la scène. « Khams revenait d’une excursion à Mtsamboro où il avait participé à un voulé. En revenant, il s’est arrêté sur la plage qui s’appelle Baobab couché où se déroulait un anniversaire. Il a récupéré deux jeunes filles pour faire un petit tour avant de rentrer », se remémore-t-il, les images fraîches encore en tête. « Il a fait quelques cercles puis il a commencé à accélérer. Et c’est à ce moment-là qu’il a perdu le contrôle. À l’impact, j’ai dit à ma femme que ce n’était pas normal. De chez moi, j’ai vu les trois têtes au niveau du tombant. Puis ensuite, il a disparu ». Immédiatement, une vedette est partie de la station essence pour voler à leur secours. La barque a alors ramené les deux passagères, tandis que les pêcheurs ont redémarré la motomarine pour commencer les recherches dans le but de sauver le comédien.

Avertie, la gendarmerie a déployé des moyens nautiques et terrestres pour tenter de le retrouver, grâce notamment à l’aide de trois semi-rigides – deux de la gendarmerie maritime avec jumelles de vision nocturne et un de la police aux frontières. En vain… S’est alors posée la question d’un soutien aérien des forces de l’ordre pour appuyer le dispositif. « L’appréciation de l’emploi de l’hélicoptère de nuit est laissée aux pilotes. Sachant que le nôtre n’est pas équipé en électronique de bord pour voler et mener des recherches en simultanée. Nous pouvons seulement l’utiliser pour des missions de transport. C’est la raison pour laquelle la décision a été prise par l’équipage de ne pas l’engager », confie le général Philippe Leclercq, le commandant de la gendarmerie de Mayotte. Un refus qui a quelque peu irrité la population, sur le qui-vive durant tout cet épisode pour prêter bénévolement mains fortes aux secours en mer. « Quand il y a des conneries à la Vigie, il est de sortie avec le phare », confie un habitant, qui a du mal à digérer cette explication.

Le lendemain, dimanche, les recherches ont repris dès 6h30 avec cette fois-ci le survol de la zone. Dans le même temps, une patrouille a arpenté tout le littoral entre l’aéroport et le quai Ballou. « Les conditions de recherches sont rendues difficiles par les conditions météorologiques (vent de sud – 17 à 23 nœuds / mer agitée) », relatait un communiqué de la préfecture en fin de matinée. Finalement, le corps inanimé a été aperçu aux alentours de 17h par un kite surfeur avant qu’il ne soit récupéré avec deux zodiacs. « À l’endroit où il a coulé, il y a des coraux en profondeur. Selon moi, Khams a dû être coincé sous les patates », souligne Seyfoudine Abdoulrazak. Une possibilité qui pourrait s’expliquer en raison de l’absence de gilet de sauvetage chez le comédien, qui avait tout de même équipé les deux filles. « L’erreur fatale de l’État est de ne pas avoir envoyé de plongeurs à l’endroit de l’accident. Les forces de l’ordre n’ont pas écouté les témoignages des uns et des autres, ils n’en ont fait qu’à leur tête et ont négligé l’affaire ». D’où la tension palpable au rond-point du Four à Chaux lors de la sortie de l’eau de Khams.

Parallèlement à ces recherches, une enquête a été ouverte sous l’autorité du procureur de la République pour établir précisément les circonstances de l’accident. En début de soirée, le corps a été rendu à la famille, qui a procédé à l’enterrement dans la foulée pour saluer une dernière fois Kamardine Hassani.

Du lait local à Mayotte : un rêve devenu réalité pour Uzuri Wa Dzia

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La première coopérative de lait local de Mayotte a lancé sa production de lait caillé fin mars et entend déjà diversifier sa gamme. Ses produits sont disponibles en grande distribution.

Il y en a qui n’ont pas chômé pendant le confinement. À Mtsangadoua, à l’étage d’une maison mahoraise, la cuve de pasteurisation d’Uzuri Wa Dzia tourne à plein régime depuis la fin du mois de mars. Chaque jour depuis ou presque, la jeune coopérative lancée en 2018, transforme 300 litres de lait, pour en faire du lait caillé, disponible à la vente chez Sodifram et Kagna Maoré. Mais la nouvelle structure entend bien diversifier rapidement sa gamme, et fournira bientôt l’île en yaourt brassé et lait pasteurisé. Le tout “made in Mayotte”, une première pour la filière.

À l’origine du projet, ils sont huit éleveurs, partis du même constat : celui de vouloir transformer eux-mêmes leur lait. “Ils apprécient tous leur activité d’élevage et ont rapidement compris que la transformation, ce n’était pas vraiment le même métier. Non seulement c’était chronophage, mais en plus ils avaient du mal à commercialiser”, déroule Elise Cantelé, la directrice de Uzuri Wa Dzia. C’est ainsi qu’ils décident de se regrouper au sein d’une coopérative. Le projet plaît. Il est même sélectionné parmi les lauréats des Assises des Outre-mer en 2018. “Ce prix, cela a été un véritable appui financier, institutionnel et moral”, raconte l’ingénieure en agro-développement, débarquée il y a quatre ans à Mayotte justement pour un stage sur la structuration de la filière lait locale.

Un projet à taille humaine

Et aujourd’hui, c’est une réalité. Les huit éleveurs, fédérés autour de l’atelier individuel de l’un d’entre eux, peuvent transformer leur lait et le commercialiser sur l’île. Concrètement, un camion part tous les jours charger les bidons, dont on vérifie le pH, le poids et la température, avant de les emmener à Bandraboua pour les déverser dans la cuve de pasteurisation. Il faut alors choisir la semence – différente selon que l’on voudra produire du lait caillé ou du yaourt par exemple – puis passer le lait en étuve. Dernière étape, la chambre froide, avant de partir sur les rayons de Sodifram et de Kagna Maoré. Là, ils sont vendus pour quelques euros, en pot de 400ml ou de 3 litres. Bien sûr, tout cela reste pour l’instant “à taille humaine”, comme l’explique Elise Cantelé. “L’idée c’est que le projet monte doucement en puissance.”

Bientôt toute une gamme

Doucement, car structurer une telle filière à Mayotte n’est pas une mince affaire. Ne serait-ce que pour respecter les normes sanitaires, la chaîne du froid en tête, la coopérative a dû faire de lourds investissements. “Le plus cher c’était pour la collecte”, souligne la responsable : ne pouvant investir directement dans un tank à lait, très onéreux, la coopérative a dû se contenter d’un camion, et équiper les éleveurs d’un refroidisseur de bidon, qui fonctionne avec une eau maintenue à 0,4 degré. “Il nous a aussi fallu construire une plus grande chambre froide et nous avons un nouveau conditionneur qui doit arriver, ce qui nous permettra de faire des vrais pots de 125ml, la taille standard”, se réjouit Elise Cantelé. Prévue au début de l’année 2020, la production des premiers pots de lait caillé est intervenue en plein confinement. Un vrai frein alors que la coopérative comptait sur les nombreux événements et manzarakas de la période pour se lancer… Mais qui ne l’a visiblement pas stoppé en vol, bien au contraire. “C’est aussi pour ça que nous allons déjà commencer à diversifier la gamme, un peu plus vite que prévu !”, lance la directrice.

Tourisme et loisirs à Mayotte : la remise en route

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Après deux mois de confinement et d’activité économique au point mort, les offices du tourisme tentent de relancer leur structuration de l’offre touristique du territoire. Une structuration encore au stade embryonnaire, mais sur laquelle repose un espoir pour le département. Samedi, le Jardin d’Imany, exploitation qui tente par ailleurs de relancer la filière ylang-ylang sur le territoire, rouvrait ainsi ses portes en veillant à faire respecter les gestes barrières.

Ils étaient une dizaine à être présents, samedi, à la réouverture des visites du Jardin d’Imany, à Combani. La propriété de 19,5 hectares et son exploitant, Soumaila Moeva, dit Anouar, sont bien connus à Mayotte pour la culture d’ylang-ylang, et leur engagement à essayer de relancer la filière. Une journée en plein air qui signe la reprise des activités éco-touristiques de la petite entreprise familiale, mais qui marque aussi une nouvelle époque : celle de la préoccupation permanente du respect des gestes barrières. Lavage de main à l’arrivée, mise à disposition de gel hydroalcoolique – par ailleurs agrémenté d’une goutte d’huile essentielle d’ylang-ylang, une excellente idée qui change tout ! -, vaisselle écologique à usage unique, distance de sécurité, etc., autant de mesures mises en place pour limiter la propagation – ou la reprise – de l’épidémie de Covid-19, en ces lieux pourtant vastes et en plein air.

Une reprise des activités attendue car si « ces deux mois de confinement m’ont permis d’entretenir l’exploitation », relativise Soumaila Moeava, ils l’ont aussi privé d’une ressource. « J’ai l’habitude d’organiser des journées d’immersion dans la culture de l’ylang-ylang chaque semaine, et là je n’ai pas pu. Je tenais donc à rouvrir rapidement », commente-t-il. Des immersions traditionnellement de 25 personnes, désormais réduites à 10 maximum, qui reprennent progressivement à raison d’une journée par semaine, le dimanche.

De quoi, tout de même, souffler pour les visiteurs tout juste déconfinés et découvrir cette culture phare de Mayotte. La « fleur des fleurs » mahoraise, en effet, bien que largement concurrencée par Madagascar et le reste de l’archipel des Comores, demeure une piste de réflexion majeure pour Mayotte. Reconnue pour sa qualité, elle bénéficie d’une volonté de relance de la part des autorités. Un secteur compliqué à structurer, mais dans lequel croit l’exploitant, qui a repris l’activité que son grand-père a débuté en 1975. Les visites qu’il organise ne sont donc pas seulement une façon pour lui de gagner sa vie : elles sont aussi un outil pour faire découvrir l’activité et convaincre que l’ylang-ylang – comme d’autres cultures qu’il pratique aussi sur la propriété – a un rôle à jouer dans le développement de l’île. Est-il confiant sur cette reprise des activités post-déconfinement ? « D’après ce que je constate, le premier geste des gens est d’aller à la plage, mais j’ai envie de leur dire qu’ils peuvent aussi respirer le grand air dans les champs, découvrir des productions locales. Il est important qu’ils le sachent ».

En tout cas, sur place, les visiteurs ne regrettent pas : histoire de l’ylang-ylang sur le département, cueillette, distillation, déjeuner traditionnel, découverte des autres produits de l’exploitation, etc., ont convaincu les participants de l’intérêt de ces activités.

« Revoir notre approche du tourisme »

Ces activités et cultures traditionnelles sont au centre de la démarche de l’office du tourisme de la communauté de communes de centre-ouest (3CO) de Mayotte. Son directeur, Ackeem Ahmed, en a fait son mot d’ordre : il faut oser le « maoré « . « Lorsqu’on nous demande quels sont nos atouts, nous n’arrivons pas à le dire », regrette-il en poursuivant : « Pourtant, nous en avons beaucoup, alors c’est dans ce sens-là qu’il faut aller ». Et si ces deux mois de crise sanitaire ont largement fragilisés les acteurs touristiques dont il a en charge la structuration, il y voit une opportunité : « Ces deux mois ont compliqué les choses, c’est vrai, mais ils nous ont obligé à réfléchir à notre approche du tourisme, à nous interroger en profondeur. Il faut d’abord se recentrer sur nous et sur ce que l’on a ici à mettre en avant ».

Une piste de réflexion qui pourrait rapidement déboucher sur une opération à double visée : soutenir la découverte des productions et savoir-faire locaux, et remettre en selle les acteurs touristiques mis en difficulté durant la crise.

L’idée ? « Pourquoi ne pas s’inspirer du Repos des héros [une initiative qui propose des « bons vacances » au personnel soignant, largement mobilisé durant la crise, NDLR], ou mettre en place des offres promotionnelles en ce sens ? », détaille le directeur. Si, pour l’heure, rien n’est encore acté, la volonté de transformer le coup dur encaissé en opportunité semble, elle, à l’ordre du jour.

Mayotte : les bus scolaires sont parés pour la reprise mais roulent à vide

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Tous les bus scolaires sont à nouveau de service, mais les élèves se font rares. La société qui est en charge, Carla Mayotte Transport Baltus, fait respecter les mesures barrières avec les moyens du bord. Cependant, la gérante s’inquiète particulièrement pour la prochaine rentrée qui arrive à grands pas alors que rien n’est prêt.

C’est tous les jours le même rituel. Les chauffeurs de bus de la société Carla Mayotte Transport Baltus ont adopté de nouvelles habitudes pour appliquer et faire appliquer les mesures d’hygiène et de sécurité. Ils ont tous été formés et doivent suivre à la lettre la fiche métier qui leur a été transmise. Port du masque, lavage des mains avec du gel hydroalcoolique, pas de contact avec les passagers et bien d’autres. Tous doivent désormais s’y habituer et apprendre à gérer leur temps autrement car les conducteurs ont également l’obligation de désinfecter leurs bus après chaque service. La société a aussi décidé de condamner un siège sur deux en mettant du ruban adhésif, à défaut de trouver un moyen plus dissuasif pour faire respecter la distance d’un mètre. Pour le moment, cette technique est efficace. Il est assez facile de gérer le flux et appliquer les mesures nécessaires puisque les élèves ne se bousculent pas comme à l’accoutumée pour prendre les transports scolaires. “Beaucoup de bus tournent peu ou à vide car très peu d’enfants prennent le bus en ce moment. Je pense que nous n’avons même pas atteint les 10% des élèves habituels”, selon Carla Baltus, la gérante de la société de transport. Malgré cela, tous les bus dédiés au réseau scolaire doivent rouler car “nous sommes payés pour cela”, précise la gérante. Les changements opérés en vue des nouvelles mesures ont un coût entièrement pris en charge par l’entreprise. Pour l’heure, elle n’a pas reçu d’aides spécifiques, mais ce qui a permis la reprise des activités est le contrat avec le conseil départemental. “Nous avons un marché et il nous a indemnisé la partie fixe, c’est-à-dire notre rémunération. On a au moins pu payer les salariés et certaines charges.”

Une rentrée très incertaine

Il n’y a pas eu de scénarios de bousculades pour la reprise mais Carla Baltus n’est pas aussi certaine de l’efficacité du système en place pour la rentrée 2020. Pour le moment, sa seule certitude est l’incertitude qui plane au-dessus de cette rentrée. L’emploi du temps des élèves aura un impact direct dans la gestion de la société de transport. 256 bus sont mobilisés pour le ramassage scolaire, cependant leurs capacités sont réduites de moitié puisqu’un siège sur deux n’est plus accessible. “Nous devons absolument savoir si les enfants vont arriver en même temps et reprendre leur rythme habituel. Si c’est le cas, je ne sais pas comment nous allons faire car il faudrait doubler le nombre de bus et cela est techniquement impossible. Il faut en moyenne 8 mois pour qu’un bus soit livré”, explique Carla Baltus. Afin d’assurer le transport des élèves dans le respect des gestes barrières à la rentrée, le système des quinze élèves par classe est pour le moment l’unique solution pour la gérante. Une discussion avec le rectorat est de rigueur afin de préparer la rentrée dans les meilleures conditions. La société de transport demande à être entendue et à participer aux réunions de préparation.

« Tous les arguments sont là pour le garder sur l’île »

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Depuis un mois, le centre hospitalier de Mayotte compte dans ses rangs un hélicoptère pour réaliser des transferts sanitaires aux quatre coins de l’île. Un moyen de transport revendiqué de longue date par le Samu et le Smur qui fait économiser un temps médical précieux. Le personnel soignant espère désormais pérenniser cet outil indispensable avec le lancement d’un marché public.

Lorsque le centre de régulation envoie le Smur ou le Samu en intervention, les équipes partent en ambulance, armées de patience. Commence alors un véritable parcours contre la montre pour rejoindre le lieu en question dans les plus brefs délais. Excepté que ce laps de temps peut grimper jusqu’à plus d’une heure lorsqu’il s’agit de se rendre à Mbouéni, par exemple. En cas d’arrêt cardiaque, cette attente peut être tout simplement fatale. Or, depuis un mois, les deux services jouissent d’une alternative, en utilisant un hélicoptère loué à l’entreprise réunionnaise Hélilagon, qui permet d’assurer des transferts sanitaires en seulement quelques minutes.

« C’est une plus-value énorme », confie Ludovic Iché, le responsable des évacuations sanitaires. Preuve en est ce jeudi avec son envoi à l’aéroport pour ramener à Mamoudzou une petite-fille retrouvée dans les bois, soi-disant somnolente selon le médecin du dispensaire de Petite-Terre, et qui aurait ingurgité une plante suspicieuse. Ni une ni deux, Michaël Oriol, le pilote de la compagnie, et Bricia Louro, l’infirmière, accourent dans l’écureuil AS 335N bi-turbines pour la rapatrier. Temps de l’opération : vingt-cinq minutes. Contre minimum, le double voire le triple s’il avait fallu emprunter la barge… « L’hélicoptère fait économiser un temps médical non négligeable », assure le médecin, qui se considère ce moyen de transport comme désormais « indispensable » pour le territoire. Grâce à cet oiseau volant, qui part en mission en moyenne trois fois par jour, les transferts entre les centres de références et l’hôpital ne sont plus assujettis à l’état du réseau routier et à la densité du trafic.

Un argument de choc auprès des autorités

Et l’île présente des caractéristiques idéales pour de tels déplacements, à en croire le responsable des opérations de vol pour Hélilagon. « Le relief relativement bas permet d’évoluer en toute sécurité », confie Michaël Oriol, au moment de désinfecter la civière sur laquelle la patiente héliportée quelques minutes plus tôt s’est installée. Mais encore faut-il disposer de zones adaptées sur lesquelles il est possible de faire atterrir en bonne et due forme l’appareil de 2.5 tonnes. Et à ce sujet-là, les pistes se multiplient. « J’ai pris part avec le directeur des travaux à la reconnaissance des éventuels points de posée dans les CMR pour éviter d’aller sur les stades », souffle celui qui comptabilise 5.400 heures de vol à son actif.

Indépendamment de cet aspect médicale, l’hélicoptère apporte une solution aux autorités, agence régionale de santé en tête, qui souhaitent apporter la médecine d’urgence dans les centres de soins. « Par rapport aux effectifs en place, il nous est impossible d’envoyer des urgentistes dans les centres périphériques », constate Ludovic Iché, avant de glisser malicieusement qu’ils peuvent « s’y rendre très rapidement ». Autre argument à prendre en compte : la multiplication des blocages qui empêche le cas échéant la circulation des ambulances… Un problème résolu avec cette voie aérienne ! Ne reste plus qu’à convaincre la direction de lancer un appel d’offres pour pérenniser cet équipement,

qui pourrait coûter deux millions d’euros par an à l’établissement hospitalier. « Le dossier peut être scellé dès cette année. Tous les voyants sont au vert, tous les arguments sont là pour le garder sur l’île. » En cas d’aval, le CHM pourrait alors se targuer d’un hélisamu, qui interviendrait dans les endroits les plus reculés du territoire.

Le handisport mahorais bientôt au programme des Jeux des Îles ?

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Si aucun comité départemental de handisport n’existe à Mayotte, le Cros espère bien pouvoir développer la pratique d’ici 2023, date des prochains Jeux des Îles de l’océan Indien. Une première réunion de travail a eu lieu en ce sens mercredi, avec les associations et les institutions. Un seul mot d’ordre : l’inclusion.

Sur les 1 350 clubs et 539 associations affiliés à la fédération française de handisport, Mayotte n’en compte pas une seule. Et pour cause, aucun comité départemental n’existe à ce jour. Pourtant, une poignée de structures sportives, mêlant notamment kayak, boxe et athlétisme, œuvrent, tout au long de l’année, pour une meilleure inclusion par l’activité physique de ces publics encore trop stigmatisés. Mais sans comité, ces acteurs peinent à se rencontrer, s’organiser et dégager une dynamique coordonnée et ne peuvent par conséquent pas représenter leur discipline en dehors du territoire. Pour répondre à cette problématique, le comité régional olympique et sportif (Cros) organisait mercredi une première réunion de travail dédiée au handisport. Plus d’une quinzaine d’associations sportives et d’institutions, déjà engagées ou intéressées par le sujet, ont répondu présentes.

« L’objectif serait, à terme, d’avoir pour la première fois un sportif mahorais en situation de handicap lors des prochaines Jeux des Îles de l’océan Indien, en 2023 », espère Manon Darcel-Droguet, chef du service sport, santé et bien-être au sein du Cros, et l’une des organisatrice de la réunion. « Mais cela ne sera pas possible tant qu’il n’y a pas de comité départemental affilié » En octobre dernier, la fédération nationale de handisport rencontrait les représentants du Cros de Mayotte. Immédiatement, le 101ème département est apparu comme un territoire à investir. « Pour nous, c’est réalisable de développer la pratique à Mayotte, il faut juste réussir à mettre en relation les partenaires qui organisent déjà des initiatives individuelles », projette encore Manon Darcel-Droguet. « Mais là-dessus, on ne s’inquiète pas : on a un tissu associatif et des éducateurs sportifs très mobilisés ici. »

Parmi les plus mobilisés, justement, le Mahorais judo jujitsu boxing club, qui accueille depuis une petite décennie des jeunes en situation de handicap, et ce dès l’âge de quatre ans. En la matière, la structure fait à Mayotte office de précurseur et compte aujourd’hui une dizaine de sportifs handicapés, sourds, trisomiques ou amputés notamment. « À chaque début de saison, ils font une démonstration lors de nos journées portes ouvertes pour leur montrer qu’ils ne doivent pas se cacher », sourit Salimou Madi Sidi. Formé en métropole, le cadre technique du club a lui-même introduit la pratique du handisport au sein de la structure mahoraise. « Le sport leur donne confiance en eux. Il leur permet de comprendre qu’ils peuvent avoir une valeur ajoutée pour la société comme n’importe qui d’autre, parce qu’ils sont tout aussi capables de réussir. Pour nous, c’est une façon de lutter contre l’isolement et de leur donner espoir. » Une volonté qui a d’ailleurs donné naissance, en 2017, au tour de Mayotte en fauteuil roulant, instigué par le docteur Léo, puis exporté à La Réunion. « C’est important de faire comprendre aux gens qu’on peut associer sport et handicap. Il faut faire changer les mentalités », défend l’organisateur de l’événement qui a pour vocation d’interpeller le grand public et les autorités, en faisant participer des personnes validés aux côtés de personnes en situation de handicap. La prochaine édition est d’ailleurs prévue pour 2021.

« Mayotte pourrait avoir des challengers »

Mais en l’absence d’un comité départemental et donc d’affiliation, les handisportifs ne peuvent pas, à Mayotte, accéder à des compétions haut-niveau en dehors des pratiques mixtes. « Pourtant, on pourrait avoir des challengers, beaucoup de jeunes ont du potentiel ici mais on ne les valorise pas »,

analyse Salimou Madi Sidi. « Pour ça, il faut que les institutions s’impliquent, ce qui nous permettrait aussi d’avoir plus de visibilité et de sensibiliser plus de monde. » En ce sens, le rectorat a déjà introduit via l’UNSS une pratique sportive partagée mêlant jeunes en situation de handicap et jeunes valides. Au total, 80 élèves ont déjà participé à des activités du genre, au sein des établissements ou autour du lagon. « On doit donner à ces jeunes les moyens de pouvoir pratiquer les mêmes sports que les autres,sans systématiquement les mettre de côté », défend Gilles Halbout, à la tête de l’académie de Mayotte. « À terme, notre objectif est de pouvoir introduire la pratique du sport pour les élèves en situation de handicap en EPS, dans le temps scolaire. Nous comptons aussi développer des actions de sensibilisation dans les établissements, et des actions de formation en direction des enseignants. » De quoi favoriser davantage l’inclusion des jeunes concernés, alors qu’à Mayotte, beaucoup reste à faire en la matière.

L’année dernière, le coureur mahorais en fauteuil, Omar Amboudi, amputé d’un membre, envisageait de concourir aux Jeux des Îles. À défaut de pouvoir représenter Mayotte dans le handisport, l’athlète avait alors pensé se présenter sous la bannière de La Réunion, où il vit désormais, tout en revenant s’entraîner ici en amont. Mais après quelques séances sur le stade de Cavani ou sur la route qui relie Dzoumogné à M’tsamboro, il comprend que sans les centres de pratiques sportives dédiés qu’il fréquente sur l’île intense, il ne pourra que trop peu développer ses performances. Finalement, il décide de rebrousser chemin et ne se présentera pas, cette année-là, au plus grand événement sportif de l’océan Indien. Mais Omar Amboudi, habitué des compétitons à La Réunion, prévoit bien de répondre présent lors de la prochaine édition, en 2023. « Je voudrais avoir la chance de pouvoir représenter Mayotte dans le handisport, mais pour l’instant, je ne vois pas comment c’est possible », souffle le coureur.

En effet, « Les infrastructures sportives sont déjà difficilement accessibles, et le sont d’autant plus pour certains sportifs en situation de handicap », relève Erwan Bouris-Humbert, éducateur au centre multisports de M’roalé, spécialisé dans le kick-boxing et qui, depuis quatre ans, organise des séances hebdomadaires de sport adapté aux handicaps physique,moteur, sensoriel, psychique et mental, pour les enfants, les adolescents et les adultes. D’où l’intérêt, là encore, de propulser la création d’un comité départemental de handisport, qui permettrait notamment de capter plus de subventions. En 2017, le secteur représentait 5% du budget annuel alloué par l’État pour le développement du sport à Mayotte – qui compte, à minima, 1 100 personnes en situation de handicap –, soit une enveloppe de 21 000 euros. En comparaison, l’île Maurice dégageait, la même année, 52 000 euros pour l’ensemble de ses quatre fédérations affiliées. Lors des JIOI de l’année passée, le pays avait même désigné comme porte-drapeau Noémi Alphonse, multiple recordwoman nationale de course en fauteuil. Le 101ème département suivra-t-il la même voie en 2023 ? C’est en tous cas ce que le Cros essayera de défendre en septembre, lors d’une prochaine rencontre avec la fédération nationale de handisport.

Démantèlement d’un réseau de trafic de faux billet

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Cinq personnes ont été présentées devant le procureur et le juge des libertés ce jeudi pour escroquerie. Les prévenus seraient impliqués dans un trafic de faux billets qui remonte à plusieurs mois. Ces personnes arrêtées ne seraient que la partie émergée de l’iceberg.

C’est une affaire menée par la police dans le plus grand secret depuis plusieurs mois. Un trafic de faux billets vient d’être révélé au grand jour. Le réseau a été découvert “à la suite d’une enquête préliminaire menée par le Groupe d’Enquête de Lutte contre l’Immigration Clandestine (G.E.L.I.C). “Un réseau structuré organisant des escroqueries dites « wash-wash » (manipulation faisant croire à la possibilité de transformer des billets de banque noircis en billets utilisables grâce à un produit) dans le but de se faire remettre de véritables billets a ainsi été identifié”, annonce le procureur de la République Camille Miansoni dans un communiqué. Sept personnes ont été placées en garde à vue et cinq d’entre elles ont été présentées au juge d’instruction ce jeudi pour “escroquerie réalisée en bande organisée, de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni de 10 ans d’emprisonnement, de transport de monnaie ayant cours légal contrefaisante ou falsifiée.” Les auteurs présumés des faits sont d’origines étrangères (camerounaise, congolaise, comorienne, malgache) et en situation irrégulière. Deux d’entre eux sont placés en détention provisoire et les trois autres sous contrôle judiciaire. Tous sont mis en examen pour escroquerie en bande organisée, mais le Camerounais est également accusé de transport de monnaie ayant cours légal contrefaisante ou falsifiée. Ils encourent 10 ans d’emprisonnement.

Un réseau bien plus conséquent ?

L’enquête est cependant loin d’être finie puisque qu’il reste plusieurs zones d’ombres à éclaircir. “7 personnes ont été identifiées mais d’autres sont impliquées dans ce trafic et n’ont pas encore été retrouvées”, indique Abdel Latuf, l’un des avocats des prévenus. La similarité de l’affaire avec celle du réseau de trafic de faux billets démantelée aux Comores il y a deux semaines peut semer le doute. Cependant l’avocat reste prudent. “À ce stade de la procédure c’est compliqué d’affirmer les choses avec certitude parce qu’on n’a pas encore pu élucider tout le mystère qu’il y a autour de cette affaire, mais une chose est certaine il y a beaucoup de personnes impliquées.”

La police avait mis sur écoute un certain nombre d’individus depuis plusieurs mois. Ces derniers n’ont pas nié les faits, mais minimisent leurs actes. “L’affaire est présentée comme un réseau mais rien ne nous dit que c’est bien le cas. Tout le sujet est là. Nous pensons que c’est un petit trafic entre quelques personnes et non un si large réseau comme c’est présenté. En l’état actuel des choses, rien ne permet de dire qu’il s’agit d’une bande organisée sur le plan technique et juridique”, affirme l’avocat Abdel Latuf.

Certains affirment s’être engagés dans ce trafic “car ils vivent dans la misère et veulent s’en sortir. Mais beaucoup sont aussi attirés par l’appât du gain”, concède l’avocat

Entraves à l’évacuation de blessés étrangers : « On s’attend à ce que ça se reproduise »

Kani-Bé samedi, M’Tsahara mardi, les deux villages ont été ces derniers jours le théâtre d’en-traves aux secouristes venus porter assistance à des victimes probablement déposées par des kwassa en provenance des Comores. Du jamais vu pour le capitaine Indaroussi Saïd, chef du groupement territorial au Sdis de Mayotte, mais qui s’attend à ce que de tels événements se repro-duisent.

« C’est complètement nouveau d’être entravés de cette manière, nous avons l’habitude d’essuyer des jets de pierre comme partout, mais que des personnes se dressent pour nous empêcher de secourir des victimes, je n’avais jamais vu ça », lâche le capitaine Saïd du Service départemental d’incendie et de secours de Mayotte. Un événement inédit pour le pompier donc, mais qui s’est pourtant produit deux fois en l’espace de quelques jours.

D’abord à Kani-Bé, dans la commune de Kani-Kéli. « Nous avons été appelé samedi vers midi par les gendarmes pour porter secours à une personne sur la voie publique », se souvient le pompier. Devant « la situation très grave de la victime » qui présentait un fort trauma crânien ainsi que de multiples plaies, le Sdis dépêche une de ses ambulances sur place depuis la caserne de Chi-rongui. Les secouristes le savent, chaque minute compte pour espérer préserver la vie de la vic-time. Raison pour laquelle le Smur décide d’envoyer l’hélicoptère à sa disposition pour effectuer le transport du malade de la zone d’intervention jusqu’à l’hôpital de Mamoudzou.

« Nous avons fait les bilans sur place avec l’ambulance puis compte tenu de la gravité, nous avons vu avec le Smur pour que l’hélicoptère se pose au plus près pour gagner du temps », ra-conte le capitaine Saïd. Par voie terrestre comme aérienne, l’objectif est fixé : le plateau sportif de Kani-Kéli. Jusque là, tout est normal malgré l’urgence vitale.

Entravés alors que « chaque minute compte »

Puis les hommes embarquent à bord de l’ambulance qui transporte la victime. « Rapidement sur la route, nous avons été bloqués par des barricades de poubelles et de très nombreuses personnes, nous ne pouvions plus avancer ni accéder au plateau malgré la présence des gendarmes », té-moigne encore le capitaine Saïd. La raison de cette entrave ? Le blessé aurait probablement été déposé par un kwassa provenant des Comores voisines en vu d’être soigné sur le 101ème dépar-tement français. Des soins qui, selon les militants, viendraient se faire au détriment de ceux qui pourraient être prodigués à la population mahoraise. Des arguments que n’entend pas le pompier mais qui pour autant, ne peut forcer le passage pour déposer l’homme en danger de mort dans l’hélico du Smur. « Notre mission c’est de secourir, on n’est pas là pour se confronter à la popula-tion, ça ce n’est pas possible », appuie-t-il ainsi. C’est donc tout naturellement vers les gendarmes que se tournent les secouristes qui leur proposent ainsi de les escorter vers le stade de Chirongui en accord avec les équipes opérant par les airs. « Compte-tenu de la distance et de l’état de la route, cela nous a pris au moins dix minutes pour atteindre le stade », estime le capitaine Saïd. Un trajet pas comme les autres pour lequel les pompiers étaient certes escortés par les gendarmes, mais pas seulement. « Il y a plusieurs personnes qui nous ont suivi en voiture pour essayer de nous bloquer au stade », se remémore le gradé. La détermination dans l’entrave aux secours est solide mais ne suffira cependant pas, cette fois-ci, à empêcher l’évacuation sanitaire aérienne.

Mardi, il fallait se rendre à l’exact opposé de l’île, à M’tsahara, pour voir ce genre de scène à nou-veau. Les pompiers sont appelés pour venir au secours d’une personne blessée, sans doute dépo-sée sur la plage par un kwassa. L’état de la victime est moins grave, son pronostic vital n’est pas engagé. En revanche, la volonté des habitants de ne pas la voir secourue est toute aussi forte. « Nous avons dépêché une ambulance depuis la caserne d’Acoua puis en arrivant sur place, nous avons été bloqués en amont par la population », explique Indaroussi Saïd. Autre village, même ambiance. Des individus en masse blogue la route aux pompiers tant de leurs corps que de poubelles érigées en barrages. Le temps est moins compté, toutes les autorités, municipales en pre-mier lieu sont informées afin de trouver une solution. Les négociations aboutissent finalement et permettent au blessé d’être évacué vers le centre de Dzoumogné.

« Nous savions que ça allait se passer »

Des récits aussi inédits qu’incompréhensibles notamment pour l’ARS qui s’en est indignée. «La France ne tolère aucune discrimination dans l’accès aux soins », a-t-elle ainsi martelé dans un communiqué. Et pourtant… « Nous savions que ça allait se passer », lance le pompier. Pire, « On s’attend à ce que cela se reproduise dans les jours à venir, principalement dans les zones ur-baines », poursuit le capitaine Saïd. « Le contexte géopolitique, on le connaît et on voit bien com-ment communiquent ces derniers temps les associations qui montrent leur hostilité à l’immigration. Et pendant ce temps les kwassa n’arrêtent pas d’arriver alors ça renforce leur discours. Elles envi-sagent tous les moyens, on l’a bien vu, elles sont capables de nous suivre de Kani-Kéli à Chi-rongui et être encore là mardi à M’tsahara », analyse le pompier qui veut rester loin des considéra-tions politiques.

« Notre métier, c’est de secourir, point. La doctrine qui nous anime est de ne pas faire de distinc-tion en fonction de la nationalité ou quoi que ce soit d’autre, on porte secours quelque soit la per-sonne », soutient-il. Des valeurs solides donc, qui n’empêchent cependant pas une certaine in-quiétude. « Les dangers sont réels, on essaye de garder notre sang froid mais c’est dur car ces personnes sont très déterminées et on ne sait pas jusqu’où ça peut aller », déplore-t-il. Hors de question, dans ce contexte, de mettre ses hommes en péril et de « multiplier les victimes » en les envoyant au front. « Si ce n’est pas sécurisé, nous allons avoir du mal à intervenir et nous avons le droit de nous mettre en repli », explique encore le pompier avant de renvoyer tout le monde à ses responsabilités. « Il faut désormais la présence des forces de l’ordre, que nous établissions une stratégie avec elles dont c’est le métier d’assurer le maintien de l’ordre », considère-t-il, notant qu’aucune interpellation n’a eu lieu lors des deux événements. L’infraction est cependant passible de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende. Quant à dialoguer avec les mili-tants, « ce n’est pas à nous de de le faire, ce n’est pas notre responsabilité mais les autorités doi-vent le faire ». Et éteindre le feu avant qu’il ne soit trop tard.

Violences conjugales à Mayotte : “le confinement a fait exploser les chiffres”

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Les chiffres n’ont cessé de grimper pendant le confinement, au grand dam des associations qui luttent contre les violences conjugales. Les signalements de violences ont augmenté de 36 % durant cette période, au niveau national. Mayotte ne fait pas exception, l’association pour la condition féminine et aide aux victimes (ACFAV) a été très sollicitée durant ces deux derniers mois par des femmes qui n’avaient plus d’échappatoire. 

Dès le début de la crise, les professionnels de l’ACFAV appréhendaient les conséquences du confinement sur les personnes victimes de violences conjugales. Malheureusement, leurs craintes ont été avérées puisque le nombre de signalements pour violences est en forte hausse à Mayotte et à l’échelle nationale. “Le confinement a fait exploser nos chiffres, le nombre de violences conjugales constatées a triplé par rapport à l’année dernière (les derniers chiffres évoquent plus de 81 victimes de violence dans les hébergements)”, affirme Djamael Djalalaine, président de l’ACFAV. L’accueil du jour étant fermé durant cette période, l’accueil téléphonique a particulièrement été prisé. Un dispositif a été également mis en place dans les pharmacies pour que les victimes puissent se signaler en toute discrétion sans prendre de risques. Il a été d’une grande aide selon Djamael Djalalaine. “Le dispositif d’alerte avec les pharmacies s’est très bien passé. Beaucoup de femmes victimes se sont orientées vers nous grâce à cela, son maintien est donc nécessaire au-delà du confinement.” Le signalement est une chose, mais la prise en charge en est une autre. Certaines femmes ont dû être mises à l‘abri en urgence avec leurs enfants, une quarantaine ces trois derniers mois. Ce chiffre ne colle pas avec les capacités réelles de l’association qui ne dispose que de 14 places d’hébergements pour les victimes de violences conjugales. 

Celles qui ont dû rester chez elles avec leurs bourreaux ont subi le confinement avec beaucoup de stress et une peur constante. “Cela a été particulièrement compliqué moralement, car elles n’avaient pas d’échappatoire. Elles ne pouvaient pas sortir de la maison, et supportaient leurs conjoints qui étaient tout le temps présents. En temps normal, ils vont au travail et ça permet aux femmes de respirer un peu”, explique le président de l’ACFAV. Selon les témoignages récoltés par les professionnels de l’association, ces femmes ont ressenti le confinement comme une forme de soumission puisqu’elles n’avaient pas d’autres choix que d’exécuter les volontés de leurs maris. La plupart ont été victimes de violences physiques, mais également de viol conjugal et de harcèlement moral, selon l’association. 

Un suivi difficile à mettre en place 

Les professionnels de l’ACFAV sont restés en contact avec une grande partie des victimes, mais le suivi n’a pas été de tout repos puisque le téléphone était leur seul lien. “Lorsqu’on les appelait, elles étaient obligées de mettre le haut-parleur ou des fois elles ne répondaient pas. Maintenant qu’elles sont de retour dans nos locaux, elles nous expliquent qu’elles ne pouvaient pas parler parce que le mari était à côté”, indique Djamael Djalalaine. Très souvent, ces femmes dépendent financièrement de leurs conjoints, et dans ces cas-là l’éloignement est d’autant plus difficile. “La question de l’aide alimentaire a été un frein et très dur à gérer. La priorité de ces femmes est de nourrir leurs enfants et elles ne pensaient pas à elles. Nous ne sommes pas habilités à donner des colis alimentaires, mais nous avons travaillé avec les associations qui s’en occupent”, révèle Malika Bouti, conseillère conjugale à l’ACFAV. Cette dernière affirme avoir appelé ces femmes tous les deux jours. Elle ne cache pas que le confinement a compliqué son travail, mais il lui a également permis de le repenser. “J’ai appris à écouter différemment, je suis plus perceptive. C’était nécessaire pour les appels téléphoniques. J’ai également apporté des outils à ces femmes pour qu’elles soient plus vigilantes et qu’elles osent appeler la police ou simplement parler.” 

Sensibiliser et protéger encore plus 

La secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes a annoncé ce mardi de nombreuses mesures qui aideront à lutter contre les violences conjugales et familiales. Parmi elles, un fonds d’un million d’euros sera attribué aux structures qui soutiennent les victimes. Le directeur de l’ACFAV s’en réjouit, car cela leur permettra d’adopter de nouvelles méthodes de travail. “Nous voulons avoir un camion mobile qui sillonnera les coins les plus reculés de Mayotte avec des psychologues, des conseillers conjugaux, des conseillers juridiques, etc. Cela nous permettra aussi de mieux sensibiliser et en même temps de récolter plus d’informations. Nous ne devons plus attendre que les victimes viennent vers nous.”

Rappel : Si vous êtes victimes de violences conjugales ou familiales ou si vous connaissez une personne dans cette situation, veuillez contacter le 55 55. Ce numéro est gratuit.

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes