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Et si la réponse à la crise de l’eau à Mayotte se trouvait… dans les arbres ?

Retenues collinaires, usine de dessalement, restrictions d’eau… Autant de sujets qui inondent le débat public depuis plusieurs semaines alors qu’une nouvelle pénurie s’annonce. C’est dans ce contexte que l’association des Naturalistes a tenu à rappeler le rôle que joue la forêt dans la préservation des stocks d’eau. Problème : année après année, celle-ci est toujours un peu plus détruite. Et les moyens déployés pour sa préservation sont encore insuffisants.

L’arbre ne cache pas seulement la forêt, mais aussi de précieuses ressources en eau. Alors que semaine après semaine, la préfecture durcit les mesures restrictives afin d’éviter l’épuisement prématuré des stocks avant la prochaine saison des pluies, l’association des Naturalistes a tenu à rappeler que les solutions pérennes se trouvaient aussi dans la nature. « On sait que le couvert forestier agit comme une éponge pour stocker les eaux de pluie : une étude de l’ONF de 2017 a établi que la plantation de 100 hectares de forêt augmenterait de 400.000m3 la disponibilité d’eau dans les rivières en saison sèche. » Une piste encore peu prise en compte à l’échelle du département, puisque chaque année, 300 hectares de forêts y sont détruits en moyenne, principalement par les cultures illégales et les opérations d’urbanisme. Ainsi, entre 1987 et 2002, 6.000 hectares boisés ont été perdus sur l’île aux parfums. « Il faut replanter au minimum 2.000 hectares de forêt dans les dix ans à venir », jugent les Naturalistes. Un effort qui serait encore très loin de compenser la végétation déjà détruites, Mayotte étant le territoire français le plus touché par la déforestation. Et le phénomène aurait même pris plus d’ampleur pendant le confinement, les contrôles sur le terrain ayant été moins nombreux. « À ce rythme-là, dans cinquante ans, il n’y aura plus de forêt à Mayotte », s’inquiétait alors Cannelle Phillips, du service des ressources forestières du Département. 

Les bienfaits du reboisement

« On nous dira sans doute que l’opération de reboisement coûte cher », anticipe l’association. « Mais l’eau dessalinisée de Petite-Terre (qui ne produit que 2.200 m3/jour, en dépit d’une capacité près de deux fois plus élevée, ndlr) revient beaucoup plus cher que l’eau pompée dans les rivières, sans parler des projets de très court terme comme les navires tankers ou l’importation d’eau dessalinisée en bouteilles », comme envisagé par le préfet la semaine dernière. Certes, le reboisement nécessite bien plus de temps dans sa mise en œuvre, mais ses avantages sont multiples : lutte contre l’érosion des sols et l’envasement du lagon, protection des habitats naturels et de la biodiversité, stockage de carbone afin de mieux endiguer le réchauffement climatique, protection contre les inondations et les glissements de terrain, et même créations d’emplois dans les métiers de la nature. 

Un agent tous les 100 hectares

Le tableau semble presque idyllique et pourtant, en 2019, seule une centaine d’hectares auraient été reboisés selon les Naturalistes, contre 400 partis en fumée, illégalement dans la grande majorité des cas. Pour leur président, Michel Charpentier, il y a donc urgence à créer la réserve naturelle des forêts à Mayotte, en chantier depuis trois ans. Et en attendant, « les moyens n’y sont pas » pour mener une surveillance suffisante contre les actes de destruction de forêt. Actuellement, le territoire compte une vingtaine de personnes dédiées à la protection de ces parcelles : près d’une vingtaine employées par le Département, cinq par l’Office national des forêts et presque tout autant par la Daaf. Or, “que ce soit pour des actions de sensibilisation, ou pour encourager les bonnes volontés dans le sens de l’agroforesterie, il faudra des moyens techniques, financiers et humains », estime Grégoire Savourey, chargé de mission biodiversité, océan Indien au comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature. Selon lui, un agent serait nécessaire tous les 100 hectares. Mais pas sûr, alors qu’une nouvelle pénurie d’eau se profile, que cette piste soit jugée prioritaire par les autorités… 

Promesses et nouvelles têtes : la préfecture de Mayotte fait sa rentrée

Avec une nouvelle équipe au complet, le préfet Jean-François Colombet a fait le tour des sujets phares de cette rentrée 2020. Une rentrée chahutée, alors que les problématiques liées à la sécurité, à l’immigration, ou encore à l’eau, s’accumulent à Mayotte, dans un département en proie à de multiples crises.

De nouvelles têtes et une feuille de route pour les mois à venir. Ce lundi à la Case Rocher, la préfecture faisait elle aussi sa rentrée. Objectif : présenter les nouveaux venus et surtout définir les grands axes sur les sujets clés pour cette fin d’année. Sécurité, lutte contre l’immigration clandestine, habitat illégal, développement économique et bien sûr crise de l’eau, le préfet Jean-François Colombet a souhaité brasser large pour cette présentation devant la presse, censée apporter des réponses alors que Mayotte vit une rentrée chargée d’incertitudes.

En premier lieu desquelles, les violences, “ce fléau qui préoccupe à raison les Mahoraises et les Mahorais et face auquel nous devons faire face”, a introduit le délégué du gouvernement, en préambule. Les deux nouvelles figures de la sécurité, le colonel chef de la gendarmerie Olivier Capelle et le directeur de la police nationale Sébastien Halm n’auront en effet pas eu trop le temps de se tourner les pouces. Mayotte connaît un regain de violences ces dernières semaines, qui a atteint un pic mercredi dernier, alors que des jeunes ont bloqué les axes principaux de la commune chef-lieu pour protester contre l’absence de bus scolaires. Pour mener à bien leurs missions, ils pourront toutefois compter sur les 430 policiers et gendarmes de plus qui sont venus grossir les rangs des forces de l’ordre, “du jamais vu pour un département français”, a insisté le préfet. Pour faire face aux multiples défis sécuritaires de l’île, d’autres moyens supplémentaires sont aussi dans les cartons, comme le renforcement du PSIG ou la création d’une brigade de recherche.

Un pacte de sécurité avec les communes

Pour autant, “la reconquête de la sécurité ne doit pas reposer sur la seule responsabilité de l’État, nous devons la porter tous ensemble avec les maires et les associations”, a souligné Jean-François Colombet, qui assistait justement ce samedi à une assemblée générale de l’UDAF. Dans les projets de la rentrée, et qui incomberont plus particulièrement à Laurence Carval, la nouvelle directrice de cabinet : la proposition d’ici la fin du mois de septembre d’un Pacte de solidarité avec chaque commune de Mayotte “pour que les maires s’engagent aussi à obtenir concrètement des résultats”. Le but de ces contrats : discuter des moyens de la police municipale ; organiser la répartition des tâches avec la gendarmerie et la police nationale pour assurer “le plus souvent possible la présence de forces de l’ordre et prévenir ainsi les faits de délinquance” ; remettre en place les groupes de médiation citoyens, le fameux réplica des maillots jaunes, déjà évoqués avant le confinement mais dont l’application se fait attendre ; installer une vidéoprotection, grâce à une enveloppe de 800.000 euros ; et permettre aux associations de quartier qui le souhaitent d’être cosignataires du pacte pour se mobiliser elles aussi pour la sécurité. Autre promesse de cette rentrée : la mise en place de patrouilles sur les sites les plus fréquentés, comme les sites de voulé ou les sites touristiques, sur des jours et des horaires qui seront communiqués régulièrement par voie de presse.

La LIC reprend doucement du service

Cette rentrée a aussi été l’occasion de faire le point sur l’immigration clandestine, sujet crucial pour Mayotte et qui incombera désormais à la nouvelle sous-préfète en charge de la LIC, Nathalie Gimonet. Le préfet a annoncé l’arrivée d’un nouvel intercepteur en octobre, qui viendra en complément des deux bateaux déjà en service 24h/24 et 7 jours sur 7. En 2019, ils avaient permis d’intercepter 330 kwassas soit 3.850 personnes. Jean-François Colombet s’est félicité de la hausse du taux d’interception, passé de 55% en 2019 à 75% en 2020. Une efficacité de la LIC qui a permis en 2019 d’éloigner 27.000 personnes en situation irrégulière. Et si le confinement a brusquement mis un coup d’arrêt aux activités de la LIC, elles auraient dû, d’après la tendance des premiers mois de 2020, atteindre un record de 31.000 reconduites cette année. Si 900 personnes ont pu être éloignées depuis le 6 août, les discussions vont bon train avec l’Union des Comores pour qu’elles réadmettent à nouveau formellement leurs ressortissants. Dernière annonce au sujet de la LIC : la piste de l’aérien a été évoquée. “Il s’agit d’une piste sérieuse pour devrait déboucher sur la mise en service d’un avion qui est déjà présent à Mayotte et qui sera dédié à la surveillance de cette partie de la mer”, a déroulé le préfet.

30 logements pour familles délogées

Autre défi pour la nouvelle équipe préfectorale : la lutte contre l’habitat insalubre. 10 bangas ont été détruits sur fond de loi Élan en juillet 2019. “Nous avons défini des zones avec la Deal en fonction des terrains les plus exposés aux risques et dès que nous serons sortis de l’état d’urgence sanitaires nous reprendrons ce chantier”, a expliqué Jean-François Colombet. Une sortie de cette période restrictive qui pourrait d’ailleurs s’annoncer plus tôt que prévu, et devrait être sur la table des prochains conseils des ministres. Une centaine de bangas en front de mer ont donc été identifiés pour ces destructions avant la fin de l’année. Étant donné que la loi Elan impose de reloger, le premier village relai qui devait émerger en juillet, devrait voir le jour à la fin de l’année : 30 logements pourront accueillir les personnes délogées, issues de bangas de Tsoundzou.

Poursuite de la piste longue

Côté économie enfin, le préfet a confirmé la poursuite du projet de piste longue, avec un deuxième comité de pilotage prévu le 11 décembre 2020. Le contrat de convergence, cette enveloppe de 1,7 milliard d’euros qui a permis de lancer 459 projets depuis le début de l’année 2019, fera quant à lui l’objet d’un nouveau comité de programmation fin septembre pour acter de nouveaux crédits à hauteur de 110 millions d’euros.

Mayotte face à la crise de l’eau

Questionné sur le risque d’une nouvelle pénurie d’eau, le préfet a refait le point sur les dispositifs qui pourraient être mis en place d’ici la fin de l’année. Déjà ce lundi, des tours d’eau nocturnes débutent sur toute l’île, de 16h à 8h du matin une fois par semaine. Des restrictions nécessaires selon Jean-François Colombet car “l’état des deux retenues collinaires est tel que si nous ne décidons de rien maintenant nous n’aurons plus aucune eau au mois de décembre”. Fin septembre, si la situation continue de se dégrader, ces tours d’eau pourraient passer à 24h, une fois par semaine. Une nouvelle crise de l’eau se profile donc, qui tient surtout de l’augmentation de la consommation, liée bien davantage aux “4.000 emplois créés l’année dernière”, qu’aux étrangers, “la consommation aux rampes d’eau étant de 0,8%”, a-t-il rappelé. Et aussi, faut-il le mentionner, au plan urgence eau de 2017, qui, trois ans plus tard, n’est pas arrivé à son terme…

 

Masques gratuits : la bonne action de l’OSIPH pour les familles mahoraises démunies

L’association qui vient en aide aux personnes vulnérables organise des distributions de masques dans les écoles pour les familles les plus démunies. Vendredi, elle s’est rendue à Majicavo et à Cavani.

“Ceux-là, c’est moi qui les ai cousus, avec d’autres personnes bien sûr”, lance Sylvie en montrant un sac Comema où s’entassent plusieurs centaines de masques colorés. “J’ai un petit talent de couturière donc j’ai voulu apporter mon aide”, poursuit la jeune femme avec un sourire modeste, que l’on devine malgré son masque. Ce vendredi matin, la bénévole est aussi venue prêter main forte pour distribuer le fruit de son labeur dans deux écoles de Mayotte, à Majicavo Koropa 2 et à Cavani Sud 1.

En tout, ce sont quelque 2.000 masques que l’association OSIPH (organisation de solidarité internationale pour les personnes handicapées) a offert gracieusement aux élèves et aux enseignants. Et elle ne compte d’ailleurs pas s’arrêter là. « Nous avons fabriqué près de 20.000 masques depuis le début du confinement en mars », souligne Papy Luyeye, le secrétaire de l’association. « Donc nous allons continuer à démarcher les écoles, et aussi les entreprises pour les distribuer gratuitement », assure celui qui est aussi couturier professionnel.

À l’origine de cette bonne action ? Un constat : la crise sanitaire a rendu le port du masque obligatoire pour tous les adultes et les enfants à partir de 11 ans. Récemment, un collectif de médecins a même recommandé de porter le désormais incontournable dès l’âge de six ans, une disposition déjà effective en Espagne. Or, tous les parents n’ont pas les moyens d’équiper leurs enfants, de retour sur les bancs de l’école. Une situation d’autant plus marquée à Mayotte, où 77% de la population vit encore sous le seuil de pauvreté…

Des parents démunis

« J’ai du mal à obliger les parents qui vont déjà à Solidarité Mayotte pour avoir à manger, à aller acheter des masques à deux ou cinq euros », témoigne en effet un responsable administratif de l’école Cavani Sud 1. « Donc oui, cela va nous rendre un très très grand service », poursuit-il en récupérant avec moults remerciements le sac que lui tend un membre de l’association. D’autant plus que si l’école élémentaire Cavani Sud 1 n’est en théorie pas censée accueillir d’élèves de plus de 11 ans, la réalité est toute autre, nombre d’écoliers ayant déjà un ou deux ans de retard au moment de leur inscription.

Un travail collectif

« L’association a commencé par cibler quelques écoles où il y a des familles démunies », rapporte Sylvie, l’animatrice bénévole de l’OSIPH. Une bonne action qui fait un peu partie de l’ADN de la structure, nous explique son secrétaire Papy Luyeye. « Notre association vient en aide aux personnes handicapées, et aussi à toutes les personnes vulnérables. Et c’est devenu d’autant plus important avec cette crise de la Covid, qui a touché tout le monde. » C’est ainsi que dès le début du confinement, le couturier a voulu mettre son savoir-faire à profit. Mais il n’a pas été le seul à fabriquer les 20.000 masques, réalisés selon la norme Afnor, que l’association garde désormais dans ses cartons. Outre le travail patient des bénévoles et amateurs de couture, l’association a reçu l’aide de la boutique de tissus Comema et de la maison de couture Kitoko. C’est ainsi qu’elle a pu se fournir gratuitement, et coudre sans relâche sur une douzaine de machines mises à disposition des bénévoles. Un travail collectif donc, qui a permis de réussir cette opération, « venue tout droit du coeur », sourit Papy Luyeye.

Coup de balai dans le centre-ville de Mamoudzou

Vendredi, le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla, a annoncé son grand plan pour lutter contre l’économie informelle. Renforcement de la présence des forces de l’ordre, signature d’un pacte de sécurité avec la préfecture et création d’espaces dédiés à des activités sont les trois grands axes de travail. L’objectif : faire de la ville chef-lieu un territoire apaisé.

La fin d’une ère se profile-t-elle sur la place Zakia Madi de Mamoudzou ? C’est en tout cas le souhait de la nouvelle majorité et plus particulièrement de son maire, Ambdilwahedou Soumaïla, qui a paraphé ce vendredi un arrêté municipal, entrant en vigueur dès ce lundi, pour lutter contre l’économie informelle. En ligne de mire : les vendeurs à la sauvette qui font subir une concurrence déloyale aux commerçants du marché couvert, mais aussi ceux qui font prospérer les trafics de stupéfiants et de faux papiers, sans oublier les acteurs à l’origine d’incivilités, de délinquance routière et de prostitution. L’objectif ? « Préserver la tranquillité, la salubrité et l’emploi. » Une sorte de promesse qui résonne comme une bouffée d’oxygène en cette période troublée alors que la ville chef-lieu a connu une succession de caillassages et d’affrontements d’une violence inouïe entre jeunes désoeuvrés, automobilistes et forces de l’ordre. « Nous, services de l’État, justice, collectivités locales, parents, associations et société civile, devons agir. Chacun, à son niveau de responsabilité, doit être acteur. »

Pour ce faire, « on a changé de méthodes, de paradigmes ». Première décision avec l’ouverture 24 heures sur 24 d’un bureau annexe de la police municipale en plein cœur de la zone pour mettre en place « une surveillance dynamique dans le centre-ville », situé à quelques encablures de la barge, synonyme de porte-d’entrée sur Grande-Terre. Avec l’appui quotidiennement de la police nationale et périodiquement de la gendarmerie. « Ensemble, nous allons créer les conditions pour se sentir en sécurité. » Face à ce défi de taille, la municipalité prévoit l’installation d’une brigade canine d’intervention rapide ainsi que le renforcement des patrouilles d’agent de surveillance de la voie publique (ASVP) à pied ou à vélo. Preuve qu’Ambdilwahedou Soumaïla ne prend pas ces annonces à la légère, avec l’éclairage depuis jeudi soir du parking, « un espace sombre propice aux trafics ». Symbole d’une première pierre fondatrice !

« La confiance des échanges n’exclue pas les contrôles »

Quid alors du sort de ces femmes et de ces hommes priés de ne plus pointer le bout de leur nez ? À ce sujet, le maire de Mamoudzou explique les avoir reçus le samedi 29 août pour leur rappeler qu’ils se trouvent sur un territoire de droit et de devoir, et que par conséquent, ils doivent « respecter les règles qui nous régissent ». Ainsi, le premier magistrat envisage de leur proposer « des espaces dédiés » – sur un lieu encore inconnu pour le moment – à condition de « payer les droits ». Une manière de « soutenir ceux qui souhaitent créer de l’emploi ». Une main tendue dans un jargon politiquement correct. Mais il prévient que « la confiance des échanges n’exclue pas les contrôles », précisant que ces derniers ne relèvent pas de sa responsabilité. « Ce n’est pas notre vocation de vérifier s’ils sont en règle ! » En clair, il leur offre un semblant de régularisation et se dédouane en cas d’expulsion de l’île.

Cerise sur le gâteau, Ambilwahedou Soumaïla annonce également d’autres mesures étatiques pour accompagner les siennes. « Avec le préfet, nous allons signer fin septembre un pacte de sécurité pour la ville. » Si les contours de celui-ci restent encore flous à l’heure actuelle, il est question de lancer un message fort aux citoyens : « Désormais, vous pouvez venir tranquillement, Mamoudzou est un territoire apaisé. Vous êtes chez vous ! » Réponse lundi donc pour voir si les vendeurs à la sauvette respectent leur part du contrat ou si les courses poursuites avec les policiers repartent de plus belle…

Le Monsieur chiffres de Mayotte fait son bilan

Quand il est arrivé, la connaissance démographique du territoire n’en était qu’à ses balbutiements. Mais en sept ans passés à la tête de l’Insee à Mayotte, Jamel Mekkaoui a permis de livrer à la population et aux institutions des données économiques et sociales capitales à la compréhension de Mayotte, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’y construire une politique de développement. Aujourd’hui, le Monsieur chiffres de l’île s’envole pour La Réunion, où un nouveau poste de responsable de la division études l’attend. Entretien.

Flash Infos : Au moment de votre arrivée, il y a sept ans, presque aucune étude démographique, économique et sociale n’avait été menée à Mayotte. Pourquoi ces statistiques, qui permettent d’orienter les politiques publiques, sont-elles arrivées si tardivement ?

Jamel Mekkaoui : Quand nous sommes arrivés, le système n’était pas convergent et il était très éloigné de ce qu’on connaissait. Par exemple, on ne savait pas combien de personnes décédaient chaque année, c’était assez extraordinaire. Les premières statistiques sur les décès, on les a faites en 2016 ! Mais c’est aujourd’hui un système complètement équivalent à la métropole, et c’est aussi pour ça qu’on réussit à avoir des statistiques de décès sur le Covid-19. Mais on fait des recensements à Mayotte depuis les années 50, donc les chiffres du recensement par exemple, on en dispose depuis très longtemps. Nous, on s’est posé la question de l’ancrage de ces chiffres dans le territoire. Je crois qu’à une époque, on n’a pas su ou pas pu mettre en avant ces données-là. Mais la départementalisation a bien accéléré les choses et aujourd’hui l’Insee est au centre de l’échiquier du débat public, mais ça n’a pas été évident. Il a fallu être pertinent, être écouté, et c’est le fruit d’un travail minutieux. On a monté beaucoup de partenariats avec les acteurs locaux, malgré cette polémique éternelle du recensement.

FI : En effet, en 2017, l’Insee recensait 256.500 habitants sur l’île. Pourquoi ce chiffre est-il tant remis en question ?

J. M. : Pour moi, c’est un débat qui est clos. On entend souvent que le résultat n’est pas bon, mais tous les arguments techniques mis en avant en ce sens nous donnent plutôt raison. On nous disait souvent qu’il y avait forcément plus de monde du fait, par exemple, de la consommation de riz, nettement supérieure à la métropole. Sauf que cela corrobore nos résultats : si on divise la consommation ou l’importation de riz par la population de Mayotte, on arrive à 80 kilos par personne et par an, ce qui correspond exactement à ce qui est mesuré par l’ONU aux Comores. S’il y avait vraiment deux fois plus de population, ça se verrait dans les statistiques qui manqueraient de cohérence. Autre exemple, on se situe en moyenne entre quatre et cinq enfants par femme. S’il y avait beaucoup plus de population, forcément que les 10.000 naissances aboutiraient à un taux de fécondité inférieur, ce qui nous donnerait deux ou trois enfants par femme. Ce qui ne correspond pas du tout à la réalité du territoire. D’autre part, quand je suis arrivé il y avait déjà une polémique très forte autour du recensement, alors nous nous sommes attachés à associer très fortement les communes pour ne pas retomber dans les mêmes polémiques. Mais aujourd’hui, nous pouvons affirmer avec certitude que le chiffre est bon.

FI : Quelle méthode avait alors utilisé l’Insee pour procéder à ce recensement ?

J. M. : On a mis des moyens bien supérieurs à ce qui se fait en métropole, puisqu’on avait un budget d’1,7 million d’euros. C’est énorme pour ce genre de travail. Nous avons ratissé et cartographié tout le territoire et ses logements pendant six mois puis on a soumis notre expertise aux mairies pour qu’ils nous donnent leur avis. Après, on a embauché 600 agents (alors que l’Insee en compte une vingtaine au total en temps normal, ndlr) sur le terrain qui généralement étaient issus des quartiers ou des villages considérés par la collecte afin de recenser tous les logements : on estime à 2 ou 3 % ceux qui n’ont pas été recensés. En fait, je crois que la contestation de ce chiffre est si forte à Mayotte, que même si nous avions recensé 400.000 habitants, on nous aurait dit qu’il y en a en réalité 600.000… Derrière cela, ce qui est ennuyeux, c’est cette idée qu’on est une forme de cabinet noir qui sous-estimerait volontairement les chiffres pour défavoriser le territoire. À cela, je tiens à répondre que nous sommes totalement indépendants, et on n’est d’ailleurs pas toujours suivis par les services de l’État.

FI : Pourquoi entend-t-on fréquemment parler de 400.000 habitants à Mayotte ? Un chiffre qu’avance souvent le député Mansour Kamardine, pour ne citer que lui…

J. M. : C’est un consensus local, et un argument politique puisque le recensement sert aussi à adapter les politiques publiques aux réalités du territoire. Et aujourd’hui, quand on voit les investissements, ils n’arrivent pas à suivre puisqu’ils reposent sur des données qui ne tiennent pas compte de la croissance démographique, puisque la population a doublé en 20 ans… C’est aussi une façon de dire qu’on n’arrive pas à gérer la population parce qu’elle est mal comptée, ce qui n’est pas le cas.

FI : Le prochain recensement n’aura lieu qu’en 2026. Pourquoi ? À la vitesse où la population mahoraise grandit, les six ans de carence à venir ne risquent-ils pas justement d’influencer dans le mauvais sens les politiques publiques ?

J. M. : Jusque-là, nous procédions à un recensement exhaustif tous les cinq ans. Mais les élus ont souhaité que le dispositif converge vers la méthode nationale qui consiste elle à recenser une partie du territoire chaque année pour tout cumuler au bout de cinq ans pour avoir un recensement total. Or, il a fallu envisager une méthode adaptée à Mayotte. Une première campagne va débuter l’année prochaine, puis les autres les années suivantes. La conséquence inévitable, c’est en effet l’absence de données issues du recensement jusqu’en 2026. Mais on s’est assuré qu’il n’y ait pas de sous-estimation de la population d’ici là puisque c’est un enjeu très fort. Concernant la prochaine campagne, beaucoup de moyens techniques ont été mis en place, avec des ingénieurs de très haut niveau pour que la méthodologie puisse répondre aux exigences nationales, tout en prenant en compte les particularités de ce territoire, qui y compris au niveau des statistiques, ne ressemblent à aucun autre en France.

FI : L’une des particularités du territoire est son taux de pauvreté et d’insalubrité. D’ailleurs, les villages identifiés comme les plus précaires semblent être les plus marqués par les émeutes ou les agressions…

J. M. : Tsoundzou est l’un des villages les plus défavorisés de Mamoudzou, Kahani compte la part de logements en tole la plus importante de l’île. C’est difficile de faire une corrélation, mais cela ne semble pas être une coïncidence. On observe une spatialisation assez forte de la pauvreté. Cela est dû d’abord au fait que certains villages soient plus ou moins attractifs aux populations étrangères, et le lien entre pauvreté et flux migratoire me semble assez évident. On voit au cours des dernières années qu’il y a eu des arrivées nombreuses des populations étrangères, et dans le même temps, il y a un départ tout aussi massif des natifs de Mayotte qui vont s’installer en métropole ou à La Réunion. Donc assez mécaniquement, l’arrivée de populations pauvres et le départ de celles qui le sont moins conduisent au maintien du territoire dans une forme de paupérisation, majoritairement à Mamoudzou, Koungou et Dembéni. Parallèlement, on remarque qu’il n’y a « que » 15 % d’étrangers à M’tsamboro et Bouéni. Cela reste deux fois et demi plus grand que la moyenne nationale, mais pour Mayotte c’est très faible.

FI : Finalement en sept ans, dans quel domaine relevez-vous les évolutions statistiques les plus significatives ?

J. M. : Le constat qu’on fait de manière globale, c’est que les cinq dernières années sont marquées par assez peu de convergence dans le modèle économique et social, puisque les indicateurs sociaux et démographiques ont assez peu évolué : une personne sur deux étrangère, 40 % de logements en tôle, et 30 % sans eau, un taux de pauvreté qui même s’il a baissé reste assez important puisque 77 % de la population vit encore sous le seuil de pauvreté métropolitain. Et ça, on remarque que ça ne bouge pas, ou peu. L’élément qui a beaucoup changé en revanche, c’est qu’entre 2003 et 2014, on était entre 7.000 et 7.500 naissances par an à Mayotte. Depuis 2015, on est passé à 9.000 et ça continue de monter. Aujourd’hui, on est sur un territoire qui avoisine les 10.000 naissances, et ça, ça change beaucoup de choses. Ça veut dire qu’on est dans un territoire où les politiques de maîtrise de la fécondité ont été très efficaces dans les années passées, mais on voit qu’elles sont moins efficientes aujourd’hui. Mais tout ça, je vais continuer de l’observer depuis La Réunion, où j’aurais toujours la responsabilité de contribuer à la réalisation des études sur Mayotte. J’y suis très attentif, car c’est un territoire si particulier…

L’agriculture à Mayotte, entre méfiance institutionnelle et optimisme

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Mercredi, le Département a présenté les orientations stratégiques pour l’agriculture de Mayotte d’ici 2030, le premier document stratégique dans ce domaine. Si les trois grands axes ont fait l’unanimité sur le papier, les agriculteurs ont émis quelques doutes quant à sa réalisation sur le terrain, en raison de l’absence d’élu référent en charge du secteur et des prochaines élections départementales.

« Aucune majorité ne s’est intéressée à l’agriculture depuis Bamana », regrette Ishak Ibrahim, exploitant agricole depuis 5 ans à Ongoujou. Le triste constat porté par l’éleveur de bovins intervient à l’occasion de la présentation des orientations stratégiques pour l’agriculture (OPA) de Mayotte d’ici 2030. Si l’assemblée se montre satisfaite sur « la forme », elle pointe du doigt l’absence d’interlocuteurs dédiés du côté du conseil départemental. « Par moment, nous étions en contact avec le vice-président chargé de la culture ou du tourisme. Et aujourd’hui, nous sommes face à celui qui s’occupe des fonds européens », se désole celui qui a repris l’exploitation familiale, à la suite d’une reconversion professionnelle.

Pourtant, ce document inédit pose les bases pour permettre à la profession de se projeter dans un avenir agricole durable et pérenne sur l’île aux parfums. Un secteur d’activité qui représente ni plus ni moins 5% du produit intérieur brut mahorais. Le premier axe souhaite valoriser ce corps de métier auprès du grand public, tant sur le plan de la promotion des produits locaux que sur celui du renforcement de l’attractivité du métier d’agriculteur pour encourager l’installation des jeunes. L’objectif ? Renforcer la confiance de ces amoureux de la terre. Le deuxième point consiste à soutenir le développement d’une agriculture performante, pour renforcer la résilience du territoire. L’idée suppose de combiner professionnalisation et tradition mais aussi d’intensifier et de renforcer les actions de régulation du foncier agricole. Une denrée rare dans le 101ème département… Sans oublier d’accompagner la montée en compétences des « paysans » comme ils aiment se définir et les actions de mutualisation. Le troisième volet vise à organiser l’action du conseil départemental en faveur d’une agriculture durable et inclusive.

Un pessimisme ambiant

Malheureusement, cela ne semble pas suffisant à entendre Daouriou Siaka, éleveur de volailles et cultivateur de vanille depuis 2012 à Poroani. « Je ne pense pas du tout que cela va changer quoi que ce soit si derrière il n’y a pas d’enveloppe budgétaire pour nous soutenir. Je suis pessimiste ! », livre-t-il quelques minutes après n’avoir reçu aucune réponse à ses interrogations émises pendant la présentation concernant le devenir de l’agriculture traditionnelle. Pis encore, il se révolte contre les chambres consulaires, absentes ce mercredi, qui sont censées mettre en place les directives, et fustige en particulier la chambre d’agriculture, de pêche et d’aquaculture. « Il faudrait peut-être que la direction des ressources terrestres et maritimes du Département l’englobe car elle a la technicité pour améliorer les choses. » À l’inverse d’Ishak Ibrahim, qui exige la création d’un poste de vice-président en charge de l’agriculture, et donc d’une commission agricole, pour porter la voix du milieu au sein de l’assemblée. « Sinon ça ne bougera jamais ! C’est ce qui manque pour mettre en route ces OPA. Sans représentant de la collectivité dans les réunions, nous n’allons pas nous en sortir. » Mieux, il invite la majorité à le faire avant les prochaines élections départementales prévues au mois de mars, histoire de lancer un message fort. « Peut-être que les futurs élus prendraient alors en considération cette fonction », avance-t-il. Une proposition balayée immédiatement d’un revers de la main par Mohamed Sidi, prétextant un nombre maximal de vice-présidents… Soit ! Sauf que la mise en œuvre de ce document dépend de l’approbation et l’appropriation de ses propositions par toutes les acteurs, car il s’agit d’une approche partenariale. Et selon Magoume Gaye, chargé de mission des affaires agricoles et maritimes au secrétariat général pour les affaires maritimes (SGAR), « le préfet n’est pas très content des résultats pour l’agriculture et la mer ». Alors au boulot !

Au coeur de Kawéni, le MAN océan Indien répare bien plus que de vieilles cafetières

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Le mouvement pour une alternative non-violente de l’océan Indien ouvre les portes de son local pour donner une seconde vie aux appareils en panne. Et aussi aux plus démunis. Reportage.

Dans le petit local à l’entrée de Kawéni, les effluves de café se mêlent aux odeurs de sciure de bois. Comme pour changer des gaz lacrymogènes, qui n’ont eu de cesse, ces derniers jours, d’envahir la route principale à quelques mètres de là. Ici, pas de place pour la violence. En revanche, vos bricoles cassées ou amochées sont les bienvenues. Le mouvement pour une alternative non-violente de l’océan Indien (Man-OI) a lancé en février dernier le premier Repair Café de la région et des Outre-mer, rattaché à la fondation Repair Café d’Amsterdam. Stoppée en vol pendant le confinement, la petite structure reprend doucement du service.

“Excusez le bazar, on vient tout juste de faire quelques cendriers avec des palettes”, glisse Diane, la service civique secrétaire en charge de la communication, qui fait le tour du propriétaire. Dans l’atelier, les copeaux de bois jonchent en effet le sol et les tables, à côté des perceuses et des scies. Les cendriers en question sont gravés du sigle MAN et d’un petit dessin. Vendus cinq euros les petits et sept les grands, ils font surtout objets de récup’, avec une vieille canette glissée à l’intérieur. Le tout dans l’esprit même du Repair Café. “Le concept, c’est de recycler pour éviter que tout se retrouve dans la rue. L’atelier est né grâce à un appel à projet, en partant du constat qu’à Mayotte, beaucoup d’appareil électroniques étaient laissés à l’abandon et accentuaient la pollution”, déroule la jeune femme. Or, souvent, il suffit de bien peu pour leur donner une deuxième jeunesse : sur la cinquantaine d’objets passés sur le billard depuis le lancement, seuls trois ou quatre n’ont pas pu être réparés. “Une fois, on a même eu une lampe où on a juste eu à changer l’ampoule…”, se souvient-elle, le sourire en coin.

Tutos et partage de connaissances

Désormais, chacun peut donc venir réparer à peu près toutes ses babioles. Sauf, peut-être, le gros électroménager, par manque de place. Cordonnerie, menuiserie, informatique… le petit local est même équipé d’une machine à coudre, qui a permis de “fabriquer des masques pendant le confinement”, raconte Christine Raharijaona, la présidente de l’association. Ouvert du lundi au samedi, il accueille tout le monde, du cadre en entreprise aux enfants des bidonvilles, et tourne presque gratuitement. Pour venir réparer son ustensile, il suffit d’un petit coup de fil et d’une consommation – café ou jus de fruit -, pour les moins favorisés, et de cinq à dix euros, en fonction de l’objet à bricoler, pour les plus aisés.

Mais attention ! Chacun doit mettre la main à la patte. Si le Repair Café a su s’entourer de bénévoles professionnels du coin, qu’il mobilise à chaque réparation, le propriétaire de l’objet est lui aussi toujours mis à contribution. “Tout est basé sur le partage de connaissances, pour que chacun gagne en autonomie, et évite à l’avenir de jeter ses vieilles machines dans la rue ou les rivières”, souligne Pierre, un autre service civique de l’association. Avec Diane et Sarah, ses deux acolytes du jour, ils ont d’ailleurs tous appris sur le tas, grâce à des tutos diffusés sur un écran dans l’atelier et à l’aide des bénévoles professionnels.

Transmettre la non-violence

C’est d’ailleurs cet effort collectif qui a permis d’aménager le local, dans lequel l’association s’est installée depuis 2019. Juste à côté de l’atelier, un canapé, trois chaises, une table et des étagères fabriqués à partir de palettes constituent un petit salon cosy, idéal pour une pause lecture entre deux coups de tournevis. Les curieux peuvent y découvrir les écrits sur la non-violence, et bien sûr son texte fondateur, “La Communication non-violente au quotidien”, de Marshall B. Rosenberg. C’est aussi dans ce petit espace que le MAN accueille un samedi par mois des enfants pour une journée de contes et de yoga. “On fait le tour du quartier pour voir s’il y a des intéressés, et on se rend compte que ça leur fait du bien, certains ont même hâte de pouvoir revenir la fois suivante !”, se réjouissent les volontaires.

Car l’ambition du MAN-OI va plus loin que le recyclage. Engagé contre la violence, la pauvreté, la délinquance, les atteintes à l’environnement, le mouvement couvre un large panel d’activités. Pour la rentrée, tous les effectifs de l’association étaient ainsi sur le pont, au lycée des Lumières Mamoudzou Nord, pour des ateliers sur la non-violence. Une première cette année, puisque ce genre de prestations était d’ordinaire réservé au milieu carcéral. Formations à la parentalité, alphabétisation, lavage auto écologique… L’association organise aussi des maraudes les vendredis ou samedis tous les 15 jours dans les quartiers sensibles, pour proposer des jeux coopératifs aux jeunes ou juste discuter. “Le but, c’est de les accompagner et de leur montrer qu’ils ne sont pas délaissés et abandonnés, car quand ils s’ennuient, c’est là où ils font n’importe quoi”, analyse Diane. Leur prochaine virée est justement prévue aujourd’hui, à Majicavo Dubaï et M’Tsapéré. Et au vu des récentes échauffourées, leur action non-violente risque bien de ne pas être de trop.

Quel sport scolaire à Mayotte face à l’état d’urgence sanitaire ?

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Toute l’année scolaire 2020/2021, les professeurs d’EPS encadreront les élèves du second degré trois heures par semaine à l’UNSS. Dans quel cadre, face à l’état d’urgence sanitaire ? Des éclaircissements leur ont été apportés ce mercredi après-midi à l’hémicycle Younoussa Bamana, à l’occasion de l’assemblée générale de l’UNSS Mayotte.

Sac à dos et tenue sportive pour beaucoup, en adéquation avec leur fonction professionnelle, les professeurs d’Éducation physique et sportive ont répondu favorablement à l’appel de l’UNSS Mayotte. Ils étaient nombreux mercredi à avoir assisté à son assemblée générale 2020. Parmi eux, les nouveaux arrivants sur l’île, curieux de découvrir le monde du sport scolaire mahorais et ses particularités. Quelques chefs d’établissement étaient également de la partie. Ainsi que les représentants du syndicat SNEP-FSU Mayotte, dont la mission de défendre la profession, les professeurs et les élèves des AS a été observée durant ce rendez-vous. Ces derniers n’ont pas manqué de remercier le rectorat pour la prise en considération de certaines revendications évoquées à l’AG 2019 – non-augmentation du tarif des licences, prise en charge par les établissements scolaires d’une partie du financement des AS…

Mais le syndicat a souligné les points de défaillance, où ils attendront l’organisation du sport scolaire cette année. Parmi ces points, le transport des élèves des AS – souvent livrés à eux-mêmes les mercredis après-midi après les activités, les mesures à mettre en place pour leur protection au vu du contexte de violences autour des établissements scolaires, le manque d’infrastructures sportives qui limite l’offre d’activités. Dernier point soulevé par les syndicalistes : le maintien du dispositif national 2S2C (Sport-Santé-Culture-Civisme), dont les activités se déroulent aussi les mercredis après-midi. Une concurrence peu appréciée et pour laquelle l’un des membres du SNEP-FSU présent à l’hémicycle a dressé en l’air sa chemise cartonnée rouge, en signe de carton rouge pour le Ministère des sports. Un geste injustifié pour le recteur de Mayotte.

Des revendications et des réponses

« Nous en avons parlé et j’ai eu l’occasion de vous dire que le dispositif 2S2C, certes, continue d’exister, mais que sur l’île, il est centré sur les activités culturelles, citoyennes, artistiques… Que par conséquent, le dispositif 2S2C à Mayotte n’entre pas en concurrence avec les AS UNSS parce qu’il ne concerne par les activités sportives. » Concernant le manque d’infrastructures sportives, Gilles Halbout a fortement incité les professeurs d’EPS et chefs d’établissements à remonter un maximum les besoins au rectorat, en leur rappelant que le rectorat de Mayotte, comme nulle part ailleurs, détient la maîtrise d’ouvrage du bâti-scolaire sur l’île et qu’il peut par conséquent agir rapidement. Des propos renchéris par Patrick Bonfils, directeur de la Direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS). « Les infrastructures sportives hors établissements scolaires appartiennent aux collectivités, nous n’avons pas la main dessus. Il n’empêche, les rendez-vous se succèdent entre la DJSCS et celles-ci, mais aussi entre nos services et l’Agence nationale du sport, pour débloquer au mieux cette situation… Nous restons à vos côtés pour développer les infrastructures sportives », conclut-il. Et la Covid-19 dans tout ça ?

À ce jour, l’état d’urgence sanitaire est maintenu à Mayotte, et court jusqu’au 31 octobre 2020. Hors sports collectifs et sports de combat, interdits de pratique dans ces zones-là, les professeurs d’EPS sont autorisés à proposer des activités sportives aux élèves des AS.

« S’adapter en trouvant d’autres moyens de pratique »

Bénédicte Lacoste, inspectrice pédagogique régionale éducation physique et sportive (IPR EPS), a toutefois appelé les professeurs à l’adaptation et à la vigilance. « On pourra mettre toutes les règles qu’on veut, ça restera compliqué pour les élèves de respecter strictement la distanciation sociale et les gestes barrières en AS. Ce sera aux professeurs d’EPS de s’adapter, en trouvant d’autres moyens de pratique pour leurs interventions. Ceci tout en conservant la notion de plaisir et du vivre ensemble pour les élèves. » De son côté, le nouveau directeur de l’UNSS Mayotte, Philippe Mentec, a indiqué que le championnat académique de Cross 2020 prévu en novembre changerait de formule si l’état d’urgence était prolongé. « La course se déroulerait en deux phases, le 4 et le 18 novembre. Les établissements se présenteraient tour à tour, mais ne feraient pas la course ensemble, contrairement aux années précédentes. »

À la question de savoir si d’ici novembre les différents districts pouvaient organiser leur cross, David Hervé, conseiller d’animation sportive à la DJSCS État, a souligné ne pas y voir d’inconvénients dès lors que le parcours se limite à l’établissement scolaire. Outre le championnat académique de Cross de novembre 2020, Philippe Mentec a annoncé plusieurs rendez-vous, dont la Journée nationale du sport scolaire le mercredi 23 septembre 2020, la semaine olympique début 2021, la journée olympique en juin 2021 ou encore la deuxième édition de la Mahoraise, le 26 mai prochain.

L’UNSS Mayotte présentée aux nouveaux

L’hémicycle Younoussa Bamana du Département était quasi plein à craquer mercredi, mais beaucoup de professeurs d’EPS le découvraient. Au même titre qu’ils découvriront le sport scolaire à Mayotte cette année scolaire 2020/2021. Pour cela, Philippe Mentec, nommé fraichement directeur de l’UNSS Mayotte en remplacement de Hervé Curat, a pris le temps de présenter l’association durant cette assemblée générale. Il a ainsi rappelé que 33 établissements scolaires (22 collèges et 11 lycées) composent l’UNSS. Ces établissements sont organisés en 5 districts : le Nord, l’Est, le Centre, le Sud et les lycées. Avant l’arrêt des écoles et des associations sportives en mars dernier, à la suite de la propagation de la Covid-19, l’UNSS Mayotte comptait 7.851 licenciés répartis dans une trentaine d’activités différentes, sportives et de jeunes officiels. 1.500 licenciés ont effectué une formation de jeunes officiels (jeunes juges arbitres, jeunes secouristes, jeunes ambassadeurs du lagon, jeunes reporters…), soit 20% de l’ensemble des licenciés. À l’UNSS Mayotte, la parité y est bien représentée avec 45% de pratiquantes (40% la moyenne nationale) en 2018/2019. En 2017/2018, Mayotte a même été le premier département à avoir comptabilisé plus de licenciés filles (50,6%) que garçons sur une année scolaire !

Après la présentation de l’UNSS Mayotte, Philippe Mentec et son directeur régional adjoint, Philippe Poirier, ont consacré la deuxième partie de l’AG à la présentation des projets de l’association. Ceux-ci sont répartis en sept points parmi lesquels figurent la réduction des inégalités d’accès à la pratique et le retour aux villages, l’accès des filles à la pratique, les formations, le développement du sport partagé, la santé, le développement durable et l’ouverture sur l’extérieur. dDes thématiques présentés point par point aux professeurs d’EPS présents à l’hémicycle, et à retrouver sur le site internet de l’UNSS Mayotte, www.unssmayotte.org.

Christine Raharijaona : “On ne peut pas mettre un policier derrière chaque citoyen”

Alors que des affrontements ont éclaté mercredi dans plusieurs localités de Mamoudzou et de Koungou, le Mouvement pour une action non-violente groupe territorial de l’océan Indien a tenu à condamner les violences et a appelé les institutions à trouver rapidement une solution sur le transport scolaire. “Répondre à une violence structurelle par la violence est la loi du talion et il s’agit d’une escalade préjudiciable pour le climat social. Nous prônons le dialogue et des mesures alternatives à la violence”, a écrit l’association sur sa page Facebook. Sa présidente livre sa vision pour mettre un terme à cette vague d’affrontements. Entretien.

Flash Infos : Pour la rentrée scolaire, le MAN-OI était fortement mobilisé pour animer des ateliers dans les lycées. Pouvez-vous présenter cette démarche ?

Christine Raharijaona : On y a en effet passé toute la semaine dernière ! Les bénévoles ont été mis à contribution, et ils étaient présents de 7h à 17h. Au début de l’année, on avait évoqué avec le Recteur l’idée de faire ces ateliers dans les lycées alors que nous les proposons d’habitude à la prison. Et il avait trouvé cela très intéressant. Résultat, on a finalement été sollicité avant les vacances par le lycée des Lumières Mamoudzou Nord, sur un projet de l’équipe pédagogique, validé par le chef d’établissement. Cela s’inscrit dans notre programme respect et traitement de la violence, et on a pu aborder avec les lycéens le respect et la communication non-violente sous forme de débats. Pour l’instant, on a uniquement ce partenariat avec le lycée de Mamoudzou Nord, mais l’idée de l’élargir aux collèges et lycées de l’île commence à faire son chemin.

FI : Cette rentrée scolaire a été émaillée de barrages et d’affrontements sur fond de grève des transporteurs. Quel regard portez-vous sur ces nouvelles violences ?

C. R. : Je pense que c’est le moment de faire un état général de la situation. Puis de se retrousser les manches et travailler ensemble, et non plus chacun de son côté. Je parle là des associations, de la police, des institutions : il nous faut une bonne fois pour toutes se pencher sur la question pour envisager une action commune. Car certes, il y a l’aspect sécuritaire, qui est une mission régalienne. Mais il faut aussi donner des perspectives aux jeunes. Il faut construire un foyer pour ceux qui sont laissés à leur compte. Et il ne faut pas hésiter à solliciter les associations pour organiser la médiation sociale. Au MAN-OI, on a ce savoir-faire sur la gestion des conflits. On a été sollicités lors d’une réunion au conseil départemental il y a environ deux semaines, dans le but de préparer une assise sur la gestion des violences. Elle devrait se tenir en septembre. On est prêts à apporter notre pierre à l’édifice.

FI : Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui appellent à une réponse sécuritaire et répressive. Qu’en pensez-vous ?

C. R. : Gardons à l’esprit que cette situation est multi-factuelle. Il faut pouvoir analyser les causes et conséquences de ces violences. Certes, il est légitime, quand on est blessé dans sa chair, quand on a le sentiment de ne pas être en sécurité, d’appeler à plus de répression.

Mais j’ai bien peur que cela ne règle pas le problème. On ne peut pas mettre un policier derrière chaque citoyen. Il y a la misère, il y a l’immigration, il y a la jeunesse désœuvrée… Tous ces éléments conduisent à ce cocktail explosif ! L’État a ses missions, et les associations aussi, chacun doit prendre sa part et assumer ses responsabilités. Mais la violence ne doit jamais être une fatalité. Au contraire, peut-être qu’une réponse réside dans le fait de s’engager davantage dans des missions bénévoles, dont on a toujours besoin. Pour aller devant les écoles, sur les chantiers d’insertion. Et il faut ajouter à cela la sécurité du territoire, l’éclairage public, les caméras de surveillance, la création d’emplois, la formation, la lutte contre l’habitat indigne… C’est un peu la pyramide de Maslow [théorie selon laquelle les motivations d’une personne découlent de l’insatisfaction de certains de ses besoins, du plus primaire (besoins physiologiques et de sécurité), au plus supérieur (besoin de s’accomplir) NDLR]. Quand aucun besoin n’est satisfait, cela génère forcément des frustrations.

Rapt de Petite-Terre : une dizaine d’habitants toquent à la porte du procureur

Camille Miansoni a rencontré des proches des personnes incarcérées dans le cadre de l’affaire d’enlèvement et séquestration suivis de la mort d’un jeune homme de 23 ans, survenue en Petite-Terre au mois de mai dernier. Une démarche “positive”, pour le procureur en partance pour Brest.

Ils sont venus faire le pied de grue devant le bureau du procureur. Mercredi en fin d’après-midi, un groupe d’une dizaine de personnes, dont des proches des deux personnes incarcérées dans l’affaire du rapt de Petite-Terre s’est présenté devant le tribunal judiciaire de Mamoudzou. Il a été reçu peu de temps après par un Camille Miansoni, agréablement surpris, qui fait aujourd’hui le point sur la teneur de ces échanges.

“Ils ont expliqué qu’ils voulaient évoquer la situation de la délinquance à Mayotte et aussi s’excuser sur les injures dont j’ai fait l’objet dans le cadre de cette affaire”, relate le magistrat du parquet. “Parmi eux, plusieurs avaient des liens directs ou familiaux avec les personnes mises en cause.”

Commentaires injurieux

En mai dernier, un jeune homme de 23 avait disparu en Petite-Terre, après avoir été kidnappé et violenté par trois personnes qui le soupçonnaient d’actes de délinquance. Son corps sans vie avait ensuite été retrouvé fin juin à la plage des Badamiers, l’expertise ADN confirmant l’identité de la victime du rapt. Deux des trois individus soupçonnés pour cet enlèvement et qui s’étaient présentés dès le lendemain des faits à la gendarmerie, ont alors été mis en examen et incarcérés. Cette décision avait provoqué l’ire d’une partie de la population mahoraise, qui avait manifesté dans les rues sa défiance à l’égard de la justice. Le procureur de la République Camille Miansoni était particulièrement visé par les critiques et les réseaux sociaux étaient devenus pendant un temps le temple de plusieurs commentaires injurieux et racistes à son encontre.

“Beaucoup de gens se sont laissés embarquer dans un mouvement, peut-être initié par quelques personnes qui avaient leurs propres intérêts”, analyse-t-il aujourd’hui. “Je leur ai dit que leur démarche était très courageuse, car parmi eux, certains avaient eux-mêmes proféré des injures. Leur décision de venir ce jour est donc très positive, non pas tant pour moi, mais pour les personnes avec qui je travaille et qui ont vécu ces outrances comme une mise en cause de leur travail. Et aussi pour celui ou celle qui me succédera.” Le procureur de la République a en effet été muté à Brest et devrait quitter le territoire de Mayotte dans quelques semaines, même si le nom de son successeur n’est pas encore connu à cette date.

Inadéquation de la justice

Le groupe a tenu à expliquer au représentant de la justice que “cette situation avait été la résultante de l’exaspération de voir cette délinquance qui pollue la vie des citoyens”. Ils ont réitéré leur sentiment, déjà relayé au moment des faits, d’une inadéquation de la réponse judiciaire face aux actes de violence que connaît Mayotte. Un sentiment dont le procureur s’est dit conscient tout en tenant à rappeler que cette délinquance n’était “malheureusement pas nouvelle, mais cyclique”.

Camille Miansoni en a profité pour rappeler que la seule réponse judiciaire et répressive ne pouvait suffire, alors que le tribunal prononce déjà régulièrement des peines d’emprisonnement. Au 31 août, il y avait ainsi 335 personnes incarcérées au centre pénitentiaire de Majicavo contre 278 places, soit un taux d’occupation de 120%. “Ce n’est pas en remplissant la prison que nous allons régler le problème”, avance-t-il, en appelant à une réponse citoyenne et de prévention, pour éviter que les jeunes ne basculent dans la délinquance.

Quid des principaux concernés, toujours derrière les barreaux pour cette affaire du rapt de Petite-Terre ? “Bien sûr, ils ont souhaité l’évoquer, mais nous avons rapidement fait le tour, car il s’agit d’une instruction en cours”, résume le procureur. “La seule chose que j’ai pu leur dire, c’est que j’en étais dessaisi et qu’il revenait à l’instruction de décider ou non d’une potentielle remise en liberté, dans le cadre de procédures encadrées, avec le travail de leurs avocats.” Un partout balle au centre.

Un embrasement hors du commun à Mamoudzou et Koungou

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Les jours se suivent et se ressemblent depuis le début de la semaine. À l’image des barrages érigés sur les communes de Mamoudzou et de Koungou. Hier, la violence est montée d’un cran avec des affrontements d’une violence inouïe, notamment à Passamaïnty entre des jeunes délinquants et des usagers qui ont décidé de prendre les choses en main. En réponse à cette recrudescence de l’insécurité, le préfet a réuni d’urgence les représentants syndicaux des transporteurs et les agents du Département pour tenter de parvenir à une solution négociée sur la question des transports scolaires. Les maux de tous les problèmes selon les autorités.

« C’était super chaud. Ces bandes de gamins sont organisées et déterminées ! » Depuis l’intérieur de sa maison à Doujani, Mohamed* vit aux premières loges les affrontements entre la jeunesse désœuvrée – ce jour pour certains, toujours pour d’autres – et les usagers qui se déroulent dans la rue de la carrière. Le père de deux enfants, dont un nouveau-né de seulement deux semaines, se retrouve « nez à nez dans une bataille rangée » au moment d’accompagner sa fille à l’école. « J’ai dû me débrouiller pour rapidement faire demi-tour avec la crainte qu’un caillou traverse le pare-brise. » Rentré chez lui en quatrième vitesse, il se barricade, impuissant, avec le reste de sa famille. En première ligne devant l’envolée des échauffourées, une épaisse fumée blanche envahit son voisinage, au point même que des projectiles de lacrymogène auraient atterri dans la cour de certains riverains. « J’ai entendu dire par un voisin qu’une fillette en a pris un sur le pied et au visage, entraînant de légères brûlures », raconte Mohamed, encore la voix tremblante, à la suite des troubles à l’ordre public intervenus dans la matinée au pied de son habitation. « Vu comment le front progressait, il s’en est vraiment fallu de peu… Comment aurions-nous pu nous échapper ? Et surtout pour aller où ? Dehors, c’était la guerre ! Donc bêtement, tu te retrouves piégé comme un rat. »

Casques bleus et casques de moto unis

Dehors, justement, les pierres pleuvent, l’atmosphère est irrespirable. D’abord de poubelles et de véhicules brûlés, car il aura fallu près d’une heure d’affrontement avant que les policiers ne viennent tenter de rétablir l’ordre et ajouter leurs lacrymos au trouble de l’air. « Ils ne servent vraiment à rien, comment c’est possible de se dire qu’on est en France et qu’on est obligé de se battre nous-mêmes contre ces jeunes voyous », enrage un homme, pierres à la main. Avant de repartir au front. Aux fronts, plutôt, qui se forment au rythme des charges des deux parties. Les policiers arrivés, c’est dans la rue des carrières – qui n’a jamais si bien porté son nom – que se déroule le gros des affrontements. Arrivées trop tardivement pour ceux qui mènent la riposte, les forces de l’ordre sont tout de même saluées. Et, très vite, c’est ensemble qu’ils avancent. Les casques bleus sont noyés dans la masse des casques de moto, tous lancent dans la même direction. « On n’a pas le choix, heureusement qu’ils [les usagers, ndlr] sont là… On n’est qu’une quinzaine, on ne peut rien faire là. Même si ce sont des gamins, ils sont tellement nombreux et déterminés que s’ils nous chargent on est foutus, on a plus qu’à sortir les flingues », se désole un policier dans un court répit. Avant de retrouver collègues et alliés de circonstances tandis qu’un Duster défoncé de la BAC joue les voitures béliers pour tenter de disperser les jeunes. « Pas le choix. »

De l’amateurisme ou de l’inconscience

Pour Bacar Attoumani, le secrétaire départemental d’Alliance police, le manque de fonctionnaires dans les rangs de l’institution oblige la hiérarchie à faire des choix. « Les 80 policiers (compagnie départementale d’intervention, brigade anti-criminalité, direction territoriale de la police nationale, police aux frontières) mobilisés devaient d’abord s’occuper de Kawéni avant d’aller à Doujani ». Sur les deux zones, pas moins de 400 gaz lacrymogènes sont ainsi lancés pour tenter de disperser la foule, en vain. Si sept mineurs ont pu être interpellés, Mohamed ne comprend pas la faiblesse du dispositif engagé. « Après les blocages de la veille, les autorités savaient forcément qu’il y avait un risque de récidive. Pourquoi n’ont-ils pas sécurisé les axes stratégiques dès le mardi soir ? Et que dire d’un équipage banalisé de la police nationale pris en tenaille dans une embuscade par des gamins de 12 ans ? Je l’ai vécu et franchement, soit c’était de l’inconscience, soit c’était de l’amateurisme. C’était de la chair à canon ! »

Un prétexte pour en découdre ?

Justement, le secrétaire départemental explique que la stratégie d’anticipation était de pré-positionner les forces de l’ordre sur les zones de ramassage dans le but de les sécuriser. « Mais c’est dans la mesure où les élus trouvent une solution au problème de transport. » Car pour Bacar Attoumani, l’absence de bus n’est qu’un prétexte pour en découdre. « Ce sont les mêmes fauteurs de troubles dans les deux villages ! » Des propos partagés par Mohamed : « Les meneurs sont adultes ou déscolarisés et ne sont en rien concernés par ce conflit. » Sur les réseaux sociaux, un internaute s’est même interrogé sur les auteurs en question. « La coordination parfaite et simultanée des blocages en différents points de l’île dès l’aube par d’innocents élèves censés agir de leur propre chef est juste extraordinaire. […] Il s’agit là sans aucun doute le plan d’une organisation structurée qui tire les ficelles dans l’ombre. » Sur Koungou en effet, plusieurs situations similaires se produisent en simultanée à Majicavo et à Trévani, entraînant l’intervention de la gendarmerie nationale, qui n’a pas souhaité communiquer sur le sujet.

Une réunion d’urgence présidée par le préfet

Face à ce chaos d’une violence rare, le préfet Jean-François Colombet convoque immédiatement en début d’après-midi les représentants syndicaux des transporteurs et les agents du Département dans l’espoir de parvenir à une solution négociée sur la question des transports scolaires. « En guise de consolation, on aura droit à un pauvre communiqué de condamnation… en attendant celui des condoléances ! », s’insurge le père de famille, visiblement lassé par le manque de solutions pérennes apportées par les autorités publiques…

*nom d’emprunt

Saut en parachute : à la conquête du ciel de Mayotte avec Vewuha

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La jeune entreprise basée en Petite Terre propose des expéditions de rêve pour les amateurs de sensations fortes. Le 5 septembre, elle s’envole en hélicoptère grâce à une collaboration avec la compagnie SAF. Une offre inédite, fruit d’un parcours du combattant pour Anli Abdallah Djaha, ex-militaire reconverti en chef d’entreprise. Portrait.

Anli Abdallah Djaha fait un peu partie de ces gens qu’on n’arrête pas. À 42 ans, l’ancien militaire parachutiste a la tête dans les airs et les pieds sur terre. À peine a-t-il atterri de La Réunion ce mardi, où il faisait quelques sauts pour se remettre en jambe, qu’il reprend ses affaires en Petite Terre. C’est que l’entrepreneur, qui a créé en 2018 Vewuha pour proposer des sauts en parachute au-dessus de Mayotte, a du pain sur la planche. À partir du 5 septembre et jusqu’au 30 novembre, il organise à nouveau des virées dans le ciel pour les fans de sensations fortes. Petite nouveauté : cette fois, le saut dans le vide se fera à partir d’un hélicoptère. “C’est le fruit d’une démarche de longue haleine initiée l’année dernière, et qui a pu voir le jour grâce à la collaboration avec SAF hélicoptère”, se réjouit le parachutiste professionnel.

Une opportunité en or, car “les sensations en avion ne sont pas les mêmes qu’en hélicoptère”, avance-t-il. Entre la vue imprenable à 360° sur le lagon depuis le cockpit et la montée en flèche que permet l’aéronef, les sportifs de l’extrême risquent bien d’en prendre plein la vue. En moins de dix minutes, l’hélico atteint en effet l’altitude de largage, soit 3.500 mètres, pour un saut de près d’une minute en chute libre, et sept minutes sous voile avant de se poser, soit à l’aéroport de Mayotte, soit sur l’îlot de Sable blanc ou encore aux îlots Choizil. En tout, l’expédition dure “une bonne demi-heure”. Bien sûr, elle représente un certain coût. Mais alors que l’offre hélicoptère est censée revenir plus cher que l’offre en avion, Anli Abdallah Djaha assure ne pas augmenter ses tarifs pour le moment. Comptez donc à partir de 355 euros pour l’aéroport, 595 euros pour les îlots.  

Le coup dur du confinement

Un petit budget certes, mais qui s’entend face au dur labeur que cette activité représente pour le jeune retraité, encore seul dans sa boîte. Et qui a de plus subi le confinement de plein fouet : la dernière expédition, prévue au mois d’avril, a dû être annulée à cause de la crise sanitaire. Un “boogie”, comme sont désignés dans le milieu ces rassemblements, qui regroupent des gens d’un certain niveau à la recherche de spots uniques sur Terre. Cette édition devait se faire en collaboration avec des professionnels venus des quatre coins de monde, Angleterre, Inde, Etats-Unis, Europe…“Tout était calé avec l’avion, or cette prestation engage forcément des coûts qui ne sont pas remboursables. Ça m’a coûté un bon billet que j’aurais pu mettre dans autre chose”, hausse des épaules le créateur d’entreprise. Sans toutefois se laisser abattre.

Car Anli en est persuadé : cette offre a toute sa place à Mayotte. “Ce spot est unique et mérite une telle activité.” Une conviction chevillée au corps pour l’ancien militaire revenu sur son île natale dans cet objectif. “Cela fait au moins treize ans que je pense à cette belle idée d’amener cette activité à Mayotte”, souffle-t-il. Originaire de Passamaïnty, le Mahorais

embarque en effet pour la métropole à l’âge de 17 ans, où il passera deux années avant de s’engager pour l’armée. C’est là, au milieu des treillis et des rangers, qu’il découvrira sa passion pour le parachutisme, deux ans plus tard. Et aussi qu’il fera ses billes, au Kenya, en Afrique du Sud, au Koweït. “J’ai des contacts qui me permettent pour l’instant de louer des avions, et de ramener des professionnels sur l’île pour mes événements”, explique-t-il. Même si, à terme, il entend bien financer un avion basé à Mayotte, et embaucher quelques salariés.

Pour l’instant, Anli fait confiance à ses anciens camarades parachutistes, rencontrés à l’armée et qui se sont aussi professionnalisés pour exercer en civil. “Des gens avec qui j’ai déjà travaillé partout dans le monde”, sourit-il. Sauf, jusqu’à peu, à Mayotte, que le natif du département leur a présentée en lançant Vewuha. “Les premiers mots, après les premiers sauts, c’était juste ‘‘wow’’. Ce qui a confirmé mon choix sur ce spot de Mayotte, qui en valait le coup”. Le parachutiste a conscience des trésors de son île, et déplore de la voir se fragiliser, année après année. “Avec Vewuha, je veux aussi adresser un message de préservation de cet endroit”, poursuit le voltigeur du lagon, porté par une volonté inébranlable. “Il y a tant de challenges sur cette île. On ne peut pas rester les bras croisés”.

Huit mois de prison avec sursis pour des violences contre la communauté africaine

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En pleine journée de barrages, un jeune se retrouvait devant le tribunal pour des faits de violence et caillassages commis quelques mois plus tôt. Contre toute attente, le tribunal optera cette fois-ci pour la clémence.

Ambiance un peu amère ce mercredi, au tribunal judiciaire de Mamoudzou. Alors que l’île s’est trouvée paralysée toute la matinée par les multiples barrages et déferlements de violence à Doujani, Kawéni, Koungou, Trévani, Majicavo… les magistrats entendaient, à quelques encablures de là, et à peine quelques heures plus tard, un prévenu jugé pour un caillassage survenu le 17 décembre 2019, à Koungou. “Malheureusement, les faits font terriblement écho à la situation que connaît Mayotte depuis quelques jours”, a ainsi souligné la substitute du procureur. Sarah M’Bouta, qui vient d’ailleurs tout juste de prêter serment ce lundi, aura donc eu droit à un baptême du feu pour sa première semaine au parquet de Mayotte…

Les faits qui amenaient Ali C. ce mercredi avaient toutefois une saveur légèrement différente. Le prévenu était jugé pour avoir participé à un attroupement en étant porteur d’une arme, en l’occurrence des pierres, et pour avoir exercé volontairement des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de trois et deux jours, avec comme circonstances aggravantes l’usage et la menace d’une arme et en réunion. D’autres violences sans incapacité de travail et d’importantes dégradations sur des véhicules et un bâtiment des environs, étaient aussi à déplorer dans cette affaire.

“Dehors les Africains”

Mais là, pas de grève des transporteurs pour justifier ses actes. Pire, le jeune homme, flanqué d’une bande de six lascars, s’en serait en réalité pris à un bâtiment hébergeant plusieurs membres de la communauté africaine, demandeurs d’asile à Mayotte. Et c’est sur les cris de “Dehors les Africains”, que les gendarmes sont appelés à intervenir cette nuit-là. Quand ils arrivent, la troupe a été rejointe par une vingtaine de jeunes supplémentaires, qui balancent des cailloux dans les airs et bloquent la circulation. Ali C. est rapidement désigné comme le meneur, et est interpellé par les forces de l’ordre, visiblement alcoolisé.

Alcool et guéguerres de voisinage

Et ses explications manquent pour le moins de clarté, encore aujourd’hui, alors qu’il est questionné tour à tour par les juges et le parquet. Ce que l’on comprend : avant de s’en prendre à cet immeuble, le jeune partage un peu plus d’un verre de vodka avec ses comparses sur une plage à proximité. Un certain John les approche : il a des soucis avec son voisinage, et a déjà cassé une canalisation avant d’appeler les jeunes du quartier pour l’aider à régler ses affaires avec ces demandeurs d’asile africains. Il leur promet de l’alcool. Ali C. se met alors en route et débarque chez la première victime, qui témoigne sa stupeur, comme le lit la présidente à l’audience ce mercredi : “Deux individus sont entrés dans ma chambre, ils voulaient des bières mais je n’en avais pas. Je leur ai dit que c’était une violation de domicile, ils ne comprenaient rien car ils étaient bourrés, donc j’ai fermé la porte.”

C’est là que tout dégénère : le prévenu frappe la porte, puis s’en prend au frère de la victime, le blessant avec un couteau ou des ciseaux (ce point reste encore flou dans le dossier). Lui nie avoir possédé une arme… et a oublié le reste de sa soirée. L’insistance du tribunal ne parviendra pas à venir à bout de son amnésie, ni à déterminer comment les jeunes ont ensuite pris la rue, pierres au poing. “Je ne m’en souviens pas, je ne sais pas pourquoi le conflit a éclaté”, balbutie-t-il à la barre.

Excuses et sursis

Repentant, toutefois. Depuis sa garde à vue et son placement sous contrôle judiciaire, Ali C. a eu un comportement exemplaire et n’a manqué à aucune de ses obligations, d’après le rapport joint au dossier. Sans casier judiciaire, il suit de plus une formation pour le BAFA, dont il a validé la partie théorique. Et aujourd’hui, alors que la procureur requiert douze mois de prison assortis d’un sursis probatoire de six mois, il n’a qu’une seule réponse. “Je veux présenter mes excuses au tribunal et à la procureure, et j’aimerais présenter mes excuses aux victimes”, lâche-t-il, tête baissée. Une attitude qui lui vaudra cette fois-ci une certaine clémence : le tribunal le condamne à huit mois de prison entièrement assortis d’un sursis probatoire de deux ans.

Aurélien Siri : « Nous ne pouvons pas délier la formation et la recherche »

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Le directeur du centre universitaire de formation et de recherche, Aurélien Siri, a été entendu par la délégation d’Outre-mer du Conseil économique, social et environnemental pour préparer un futur projet de loi sur la recherche dans les territoires ultramarins. L’occasion pour lui de mettre en lumière les bons points de son établissement qui monte en compétence depuis sa création en 2011.

Flash Infos : Vendredi, vous êtes intervenu auprès de la délégation d’Outre-mer du CESE dans le cadre de la contribution à la saisine gouvernementale : « le projet de loi de programmation pluriannuel de la recherche 2021-2030 de la section des activités économiques. » En quoi cet entretien consistait-il ?

Aurélien Siri : Deux rapporteurs m’ont proposé cet entretien et m’ont interrogé sur l’Outre-mer, Mayotte et plus particulièrement le CUFR. Deux axes ont été abordés dans la discussion : « comment mieux inscrire les Outre-mer dans les priorités nationales de la recherche ? » et « comment territorialiser la recherche en Outre-mer en faisant ressortir des stratégies régionales, des financements orientés vers l’innovation en lien avec les besoins du territoire et une montée en puissance des incubateurs et des transferts de technologie ? » Dans ce cadre-là, j’ai expliqué que l’île aux parfums était face à une conjonction des risques (sanitaires, sismiques, cycloniques) et j’ai présenté le jeune établissement qu’est le centre universitaire et qui est en plein développement et en pleine croissance. Ce que ne sont pas les autres universités ultramarines, plus anciennes pour le coup. Au niveau des effectifs, nous avons un premier professeur des universités et trente-trois maîtres de conférence. En termes de recherche, nous n’avons pas encore atteint le rythme de croisière des autres territoires. J’ai insisté sur le fait qu’il fallait comparer ce qui est comparable.

FI : Vous qui êtes en poste depuis 2013, comment définiriez-vous la situation de la recherche au CUFR ?

A. S. : Nous lançons énormément de projets de recherche qui sont inscrits sur le territoire, puisque nous avons d’anciens chercheurs qui travaillent avec la DEAL, avec l’ARS, avec des organismes locaux. Et qui donc travaillent sur des thématiques locales, comme le changement climatique et ses implications, l’héritage culturel, les sociétés face aux risques, la mangrove, la modélisation de l’épidémie de Coronavirus, l’école, la littérature francophone de l’océan Indien… Beaucoup de recherches sont en cours grâce au recrutement d’enseignants chercheurs, qui sont ancrés au CUFR. Avant sa sortie de terre, certains venaient mais ils ne restaient pas ! Conséquence : ils faisaient de la recherche et partaient avec le produit de la recherche. Aujourd’hui, nous avons stabilisé la recherche à Mayotte grâce à d’anciens chercheurs qui sont devenus titulaires chez nous et qui effectuent de la recherche en lien avec les besoins, la dynamique et les enjeux du territoire. Pour aller encore plus loin, il faudrait créer une école doctorale et des laboratoires de recherche, car actuellement nos chercheurs sont rattachés à des établissements de l’Hexagone ou de La Réunion.

Nous avons essayé d’identifier ces leviers pour développer la recherche dans les territoires d’Outre-mer. Il faudrait aussi que le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation soutienne encore davantage les chercheurs en octroyant des bourses.

FI : Concrètement, si vos doléances sont écoutées, cela voudrait-il dire que le CUFR sera doté d’une manne financière supplémentaire pour assouvir vos besoins et vos demandes ?

A. S. : Tout d’abord, c’est toujours une bonne chose que nous puissions avoir un temps de parole pour expliquer les problématiques des Outre-mer, qui sont différentes de celles de la métropole. Après je ne sais pas si Mayotte aura un traitement particulier. Je n’en suis pas certain, car la teneur

des questions était assez générale. Il est encore trop tôt pour dire ce qui sera retenu de notre échange par rapport au futur projet de loi. Mais une chose est sure, c’était positif ! Par contre, j’en ai profité pour évoquer le projet de technopole, porté par la CCI et auquel le CUFR est intégré. Il va être un levier pour rapprocher la recherche et l’innovation. S’il y a un accompagnement du ministère, via cette loi qui prévoit des dispositions favorables aux Outre-mer, ce serait appréciable.

FI : Plus personnellement, comptez-vous vous rapprocher des parlementaires mahorais pour les inviter à appuyer, lors du débat de projet de loi, vos dires ?

A. S. : Régulièrement, je fais remonter à la tutelle du ministère des notes sur le CUFR pour détailler nos projets et nos sollicitations, dans le but de développer l’établissement. Quant aux parlementaires, il m’est arrivé d’échanger avec eux sur certains sujets. Ils sont donc au fait des problématiques rencontrées, mais aussi et surtout que le centre universitaire est un outil de réussite, tant sur le plan de la formation que de la recherche. C’est un instrument de développement du territoire ! En mars dernier, j’ai d’ailleurs défendu un projet d’avenir auprès du conseil départemental, c’est-à-dire un projet d’évolution institutionnelle pour que nous devenions une université de plein exercice. Les élus locaux savent qu’il faut défendre Mayotte pour que nous recevions les mêmes moyens que les autres territoires.

FI : Avec le rectorat, vous avez également une fenêtre de tir pour porter ensemble le territoire…

A. S. : Tout à fait, les axes de travail avec l’académie sont nombreux ! Nous travaillons en très bonne intelligence avec le rectorat pour mettre sur pied des projets communs, utiles pour le territoire. Le premier qui me vient à l’esprit est à la création en mai 2020 du Pôle étudiants pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat (Pépite), qui arrive à fédérer le CUFR, le rectorat, la CCI, le Département et le groupement d’intérêt général formation continue et insertion professionnelle (GIP FCIP). Nous avons un travail collaboratif à effectuer entre tous ces partenaires pour faire monter en compétence la jeunesse.

FI : D’autant plus que le taux de réussite des néo-bacheliers partis en métropole s’avère des plus bas. Et que les diplômés reviennent très rarement à Mayotte. Quelle est la stratégie pour les inciter à entreprendre sur le territoire ?

A. S. : Quand nous nous déplaçons dans les lycées pour promouvoir le CUFR, nous indiquons que le taux de réussite des étudiants qui s’inscrivent en première année chez nous est meilleur que quand ils partent étudier en Hexagone : plus de 25% contre 10%. Alors, qu’est-ce qui l’explique ? L’encadrement du corps enseignant bien évidemment mais aussi la proximité avec la famille qui empêche les difficultés sociales et administratives qu’ils peuvent rencontrer en métropole. Nous les encourageons à rester en leur faisant comprendre qu’ils réussiront mieux ici. Pour cela, nous avons installé un pôle culturel, un pôle réussite étudiante… Ensuite, il y a la problématique de ceux qui partent et qui souhaiteraient revenir. Pour faciliter ces retours, la préfecture a mis en place le dispositif Cadres d’avenir. En contrepartie d’un soutien financier, la personne formée s’engage à rentrer sur le territoire. Il faudra analyser à terme s’il est efficace car c’est un procédé qui met du temps à avoir des retombées !

Après ce qui peut être gagnant, c’est le master MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation) que nous avons instauré en partenariat avec le rectorat et l’institut national supérieur du professorat et de l’éducation de La Réunion pour le premier degré. Nous formons des professeurs des écoles à Mayotte qui ensuite rejoignent les rangs de l’académie pour faire monter en compétence les enseignants du territoire. En deux années, nous avons titularisé 247 fonctionnaires stagiaires. C’est très fort parce que ce sont des jeunes mahorais, titulaires de bac+3, qui réussissent le concours CRPE et qui intègrent cette formation en deux ans. Et prochainement, nous allons proposer le master MEEF pour le second degré !

En clair, vous comprenez bien que nous ne pouvons pas délier la formation et la recherche. Les deux sont liées, les deux s’enrichissent.

Nouveaux barrages pour protester contre l’absence de bus scolaire à Mayotte

La situation reste bloquée entre le Département et les transporteurs. Des élèves ont manifesté leur mécontentement ce mardi matin à Kawéni, bloquant le trafic sur l’axe le plus fréquenté de Mayotte.

 

Mauvaise surprise pour les automobilistes ce mardi matin. Tôt dans la matinée, aux alentours de 7h, des jeunes ont érigé un barrage à proximité du rond-point Tati, à Kawéni. Objectif : afficher leur mécontentement face à l’absence de bus scolaire. S’ils ont été rapidement dispersés grâce à l’intervention des forces de l’ordre, ce nouveau barrage illustre le ras-le-bol face à une situation qui semble sans issue. En effet, malgré la signature ce samedi d’une nouvelle “convention de gestion provisoire” entre le Département et les transporteurs, une partie des chauffeurs continuent leur mouvement de grève entamé le 18 août, et qui perturbe depuis lundi 24 août la rentrée des quelque 100.000 élèves de l’île.

 

C’est que les grévistes, et en premier lieu les salariés de Matis, s’inquiètent surtout du nouvel appel d’offre lancé par le conseil départemental en juin, pour le marché de 2021. Leur reprise par la prochaine entreprise délégataire n’est pas rendue automatique et les chauffeurs craignent de perdre leur emploi. Et alors que les candidatures pour ce nouveau marché devaient arriver sur la table ce mardi 1er septembre, le dossier reste bloqué à la collectivité.

 

Or, les conséquences sont directes pour tous les habitants de Mayotte, et surtout pour les élèves. “Cette situation était prévisible”, commente Haïdar Attoumani Saïd, le co-président de la FCPE, l’association de parents d’élèves. “C’est l’exaspération des jeunes, qui, après de longs mois de confinement ne demandaient qu’une chose : aller à l’école. Et cette envie est obstruée par la négligence des adultes.”

 

Certes, la solidarité se met parfois en branle, façon débrouille. “Dans les zones rurales, cette solidarité s’organise à travers la famille, on essaie de partir avec les enfants des voisins”, décrit-il. Mais “en zone urbaine, c’est un peu plus chacun pour soi. Et donc on a des poches de jeunes qui font barrage, à Koungou, à Kawéni, à Vahibé, et tout cela s’accentue aujourd’hui.” Cette situation génère en effet des inégalités de traitement que le parent d’élève juge injustes, au point de demander un report de la rentrée au recteur. “Vendredi, si rien n’est fait, nous sommes prêts aussi à aller manifester devant le conseil départemental”, menace-t-il.

 

Le problème, c’est que le dossier n’est pas entre les mains du rectorat. “Nous n’allons pas repousser la rentrée pour ça, je pense que les élèves ont assez souffert comme cela !”, s’agace d’ailleurs Gilles Halbout. D’après ses constats, la moitié des élèves parvient malgré tout à embarquer dans les bus, et seuls 10% sont vraiment touchés. Les autres réussissent à se rendre sur les bancs de l’école par leurs propres moyens. “Nous souffrons tous de cette situation, et je n’ai de cesse de proposer notre aide pour faire de la médiation entre le conseil départemental et les grévistes”, plaide encore le responsable de l’académie.

 

Même constat d’impuissance du côté de la ville de Mamoudzou, qui, bien que n’étant pas partie prenante de ce dossier, à la compétence du Département, souffre directement des retombées de la grève. Les barrages à répétition sur le territoire de la commune, poumon économique de l’île, constituent un frein évident pour l’activité. Sans compter les risques de troubles à l’ordre public dont le chef-lieu se serait bien passé… Une rentrée qui démarre décidément sur les chapeaux de roue !

Rencontre avec le ministre des Outre-mer : « On sent quelqu’un qui est vraiment à l’écoute »

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Mardi, les quatre parlementaires ainsi que le président de l’association des maires ont été reçus par le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu. Pour le compte du Département, ce sont Bourouhane Allaoui et Ali Debré Combo qui ont pris part à cette réunion. Ce dernier est revenu pour Flash Infos sur cet échange qui a permis de balayer un grand nombre de thématiques. Pêle-mêle.

Ce mardi s’est tenue une réunion entre les parlementaires, trois élus locaux et le ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu. Une première rencontre depuis la nomination de ce dernier à l’occasion du remaniement ministériel et à laquelle ont pris part deux conseillers départementaux des cantons de Koungou et Mamoudzou, Bouhourane Alloui et Ali Debré Combo. Un choix tout sauf anodin puisqu’il était principalement question d’évoquer l’insécurité qui sévit sur l’île ces dernières semaines. Première information : il est notamment prévu une réorganisation avec les services de l’État de l’opération Shikandra pour mieux contrôler les frontières. Une annonce qui complète celle du préfet, Jean-François Colombet, qui a assuré en début de semaine que trois intercepteurs en mer, 24h sur 24 et 7 jours sur 7 à l’eau, seront opérationnels dès le mois prochain dans le but d’empêcher l’arrivée de kwassas en provenance des Comores.

« La réunion s’est bien passée », a concédé quelques minutes après avoir quitté l’hôtel de Montmorin Ali Debré Combo, visiblement satisfait d’avoir trouvé « un ministre très disponible qui nous a permis de brosser d’autres thématiques de manière générale ». Un large panel de sujets a ainsi été abordé, à l’instar du financement des collectivités, sachant que le Département ne bénéficie pas de certaines dotations alors qu’il gère des compétences régionales. Même combat pour les fonds européens sur la période 2021-2027. « Logiquement, Mayotte devrait toucher 700 millions pour le prochain programme. Concernant son autorité de gestion, nous voudrions que les vœux de l’ancien premier ministre, Édouard Philippe, soient respectés. »

Différenciation pour Mayotte ?

Ce rendez-vous a aussi été l’occasion d’échanger sur les caractéristiques propres au 101ème département. « Il serait disposé pour que nous parlions de différenciation pour Mayotte et les Outre-mer dans son ensemble », a souligné Ali Debré Combo. Plus précisément, en quoi cela consisterait ? « Même s’il y a des lois générales pour la Nation, il faudrait les adapter en fonction des spécificités des territoires ultramarins. » À titre d’exemple, le conseiller départemental a rappelé l’amendement du sénateur Thani, qui adapte les conditions d’acquisition de la nationalité française par le droit du sol sur l’île aux parfums.

Concernant l’attractivité, les invités de Sébastien Lecornu ont évoqué la mise en place « d’outils pour attirer les jeunes diplômés mahorais qui se trouvent en métropole ». Mais pas seulement. Bon nombre de familles mahoraises quittent le territoire pour « avoir de meilleures conditions en matière d’éducation et d’accès aux soins ». Un débat de la plus haute importance alors que l’état d’urgence sanitaire a été prolongé à Mayotte jusqu’au 30 octobre. Qu’une nouvelle crise de l’eau plane au-dessus de la tête des habitants. Et que les chantiers de construction des écoles tournent au ralenti. « Désormais, il souhaite que chaque engagement soit suivi d’effet ! », s’est félicité Ali Debré Combo.

En guise de bonne foi, le ministre des Outre-mer « veut bien faire avec les élus de Mayotte ». « On sent quelqu’un qui est vraiment à l’écoute. » Pour preuve, des points par visioconférence ou directement à Paris sont désormais prévus tous les 45 jours. Voire même directement sur l’île aux parfums… Il se murmure que le successeur d’Annick Girardin pourrait poser ses valises au mois d’octobre, si le référendum sur l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie le lui permet. Alors, convaincus ?

Le monde économique mahorais s’organise contre la montée de l’insécurité

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Le Collectif du Monde Économique de Mayotte a vu le jour le week-end dernier pour contribuer à la lutte contre l’insécurité grandissante sur le territoire. Il appelle à une implication forte des pouvoirs publics et des responsables politiques locaux. Entretien avec son président, Marcel Rinaldy, qui pilote un groupe d’intérêt économique réunissant plusieurs sociétés dont Madora, Jennifer, Celio, le duty free de l’aéroport.

Flash Infos : Quelles sont les raisons qui ont poussé les organisations patronales et professionnelles à se réunir en association ?

Marcel Rinaldy : Tout est parti d’un courrier de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, qui disait avoir subi énormément d’agressions ces derniers temps, mais aussi des échanges entre plusieurs acteurs du monde économique ! On s’est alors dit qu’il fallait que la solidarité prévale et que l’on se prenne en main. La création de ce collectif s’est fait très rapidement et tout naturellement puisqu’on a organisé deux réunions. Actuellement, on est une cinquantaine d’entreprises, ce qui représente 900 salariés si je mets bout à bout l’ensemble des collaborateurs. Mais on grandit de jour en jour !

Il me paraît important que l’on se saisisse du sujet car on est au cœur de cette problématique liée à l’insécurité qui gangrène le territoire. On espère que notre mouvement prendra de l’ampleur, d’où la raison pour laquelle on a nommé trois porte-paroles officiels. Le bureau est mandaté pour travailler et apporter des solutions pérennes pour nous développer convenablement. La solution miracle ne passe pas seulement par l’envoi de nouveaux renforts de forces de l’ordre. On n’est pas juste là pour dire qu’on n’est pas content.

FI : Vous évoquez comme ambition d’élaborer des propositions à destination des décideurs publics et de favoriser le dialogue et la sensibilisation auprès des élus et des citoyens. Comment comptez-vous vous y prendre pour mener à bien votre action ?

M. R. : Notre idée est d’être force de propositions auprès des pouvoirs publics, notamment la préfecture qui est un acteur majeur du territoire. On attend ce que le gouvernement annoncera concernant le plan de relance de l’économie (Philippe Gustin, le directeur de cabinet de Sébastien Lecornu doit détailler les mesures pour les Outre-mer ce mercredi 2 septembre à 14h, ndlr.). Ce sera le fruit des échanges avec les représentants de l’État et les élus locaux.

Mais on se veut pragmatique et apolitique. Il n’est pas question de prendre position sur tel ou tel sujet. Clairement, on est intéressé par le solutionnement par l’action économique. Après, on est prêt à travailler avec tout le monde. Je pense aux associations de quartier, tout comme à l’ESS (économie sociale et solidaire), qui peuvent juguler l’insécurité en mettant sur la table des réponses à destination des populations les plus désœuvrées.

Après, notre plus grand souhait est que ce collectif soit dissous pour pouvoir retourner travailler sereinement et l’esprit libre. Cela voudra dire que les problèmes sont réglés. On n’a pas vocation à durer ad vitam eternam.

FI : Quel bilan tireriez-vous des dernières violences et de la recrudescence de l’insécurité sur le moral des entreprises ?

M. R. : Pour les entrepreneurs, les événements des dernières semaines limitent notre vision de l’investissement car on a un peu la main qui tremble avant de signer. Ensuite, on doit dépenser beaucoup plus que de raison dans la protection de nos entreprises, en finançant des systèmes de gardiennage et de vidéosurveillance. C’est un surcoût non négligeable qui n’est pas logique et qui surtout provoque des inégalités avec les autres territoires qui ne sont pas soumis à de tels actes.

Vous savez, nos collaborateurs vivent dans la crainte et la peur de venir tôt ou de finir tard car ils doivent réaliser leur trajet de nuit. Certains se font cambrioler pendant que d’autres se font agresser lors d’un simple jogging. Autre exemple : sur la ligne Koungou-Longoni, les transporteurs hésitent fortement à venir dans la zone Nel après 17h pour éviter de se faire caillasser. La plupart des commerçants membres ont déjà tous connu un problème sécuritaire. Pour preuve, Somaco a été vandalisé 3 fois en moins de 4 mois. Des entreprises du bâtiment se font également régulièrement visiter et dévaliser leurs entrepôts. Toutes ces intrusions répétées, ces vols et ces menaces avec armes ont des conséquences pour la vie économique à Mayotte.

Mayotte : Une rencontre mais pas de sortie de crise pour les pompiers en grève

 

Les pompiers ont présenté leurs revendications lundi à la présidente du SDIS de Mayotte. Mais avec toujours leur directeur, le colonel Fabrice Terrien, dans le collimateur, le conflit ne semble pas encore prêt à se résoudre.

Difficile de passer à côté sans les voir. À la caserne de pompiers de Kawéni, les baffles crachent toujours leurs notes dansantes et trébuchantes, tandis que les bannières aux slogans tapageurs flottent encore au-dessus des grillages. Certes, les sapeurs-pompiers, en grève illimitée depuis le 24 août, ont rencontré ce lundi la présidente du SDIS. “Nous avons pu avoir un entretien pour tout lui expliquer dans un climat d’apaisement, et elle s’est montrée à l’écoute”, acquiesce entre deux camions peinturlurés Colo Bouchrani, le président du syndicat autonome des sapeurs-pompiers et du personnel administratif et technique au SDIS de Mayotte.

Qui plus est, l’entrevue a pu se faire, au moins pendant un temps, sans leur directeur, le colonel Fabrice Terrien, qui fait justement l’objet des foudres des soldats du feu. “Il était convenu qu’il s’absente pour que chacun à tour de rôle puisse exposer librement les griefs qui motivaient leur revendication sur son départ”, confirme Moinécha Soumaila, la présidente du SDIS au conseil départemental.

23 revendications en attente ?

Pour autant, cette rencontre apaisée n’a pas encore permis d’obtenir la fin du mouvement de contestation. “On n’arrêtera pas de faire grève tant que nous n’aurons pas obtenu un protocole de sortie de crise”, persiste et signe Colo Bouchrani. Ses collègues et lui n’en démordront pas, et ils espèrent bien obtenir gain de cause sur les 23 points de leurs revendications, regroupés en trois axes principaux : le départ du colonel Terrien ; les conditions de vie dans les casernes ; la sécurité sur les lieux d’intervention et dans leurs locaux. Reste que “du point numéro un, découlent tous les autres”, insiste le représentant syndical.

D’après lui, le problème ne date d’ailleurs pas d’hier. “Le directeur est arrivé à l’automne 2018 et dès février 2019, la présidente recevait déjà plusieurs courriers, car nous avons vite pris la mesure du mépris du colonel Terrien”, retrace-t-il. Les pompiers en grève l’accusent de travailler sans les concerter, voire même de bloquer les avancées sur leurs conditions de travail. La rénovation de la caserne de Kahani, dont l’attaque en mai dernier avait mis le feu aux poudres, et la prime Covid dont ils veulent bénéficier plus largement, sont notamment dans leur collimateur. Alors que de son côté, le directeur assurait la semaine dernière dans nos colonnes, avoir présenté un plan de rénovation des locaux et même la construction d’un centre de formation de sapeurs-pompiers à proximité, à Kahani.

Colère “calme”

Pour autant, conséquence ou non de la rencontre de la veille, l’ambiance semblait plutôt apaisée ce mardi matin à la caserne de Kawéni. Sur le pont depuis 7h du matin, les grévistes échangent les blagues et s’amusent à poser drapeau tendu devant la caméra. “Nous, c’est la colère calme… Enfin, le calme avant la tempête”, souligne tout de même l’un d’entre eux. Objectif de cette journée : faire le compte rendu de l’entretien de lundi et préparer les actions futures. “Mais on ne vous dira pas ce qui est prévu, ce sera une surprise”, lâche, un peu taquin, le président du syndicat. Qui promet toutefois d’organiser dans la journée des groupes de travail sur leurs revendications, pour “être force de proposition à la prochaine rencontre”.

Des accusations graves

Désormais, la balle semble donc dans le camp de la présidente. Pour l’instant, aucune date n’a été fixée pour cette nouvelle entrevue. Moinécha Soumaila a en effet demandé aux syndicalistes le temps de la réflexion, pour vérifier point par point les éléments qu’ils ont amenés au sujet de leur directeur. “Il y a quand même des accusations assez graves dans le lot, donc j’estime qu’il faut faire des contrôles. Et c’est le travail auquel je me suis attelée dès hier soir”, assure la responsable, qui explique se donner au moins une semaine pour procéder à ces vérifications.

Sur le reste des revendications, et notamment les conditions de vie, les deux parties ont en tout cas accordé leurs violons. “Pour moi, la plupart sont légitimes, et en général quand j’ai des retours des réunions du CHSCT, je donne mon feu vert”, poursuit-elle. “C’est pourquoi je ne comprends pas encore très bien ce blocage sur la personne du colonel Terrien, qui semble être devenu la seule motivation du mouvement…”.

Et à Kawéni, les slogans ne font d’ailleurs pas dans la dentelle au sujet du si décrié directeur. “Va voir celui à l’arrière du camion, là, il est bien !”, s’amuse ainsi un syndicaliste, en désignant le “Terrien dictateur dehors”, qui orne les portes rouges et jaunes d’un véhicule prêt à repartir en intervention malgré la grève. Difficile dès lors, de voir le bout de cet imbroglio. Surtout à en croire ce sapeur-pompier, qui lâche, avec un clin d’oeil : “Repasse ce soir, on sera encore là !”.

De nouvelles têtes pour une justice en construction à Mayotte

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Cinq nouveaux arrivants ont fait leur rentrée sur les bancs de la justice. L’occasion de rappeler les défis qui sous-tendent l’activité judiciaire dans le plus jeune département de France.

Un moment “symbolique” pour la justice à Mayotte. Ce lundi à Mamoudzou avait lieu à la chambre détachée de la cour d’appel de Saint-Denis (La Réunion), l’audience d’installation de deux nouveaux présidents fraîchement arrivés sur le territoire. Nathalie Courtois, ancienne première vice-présidente adjointe au tribunal judiciaire de Bobigny et Cyril Ozoux, ex-vice-président en charge de l’instruction à La Réunion, viennent donc grossir les rangs de la justice des recours dans le 101ème département. L’occasion aussi pour trois nouvelles magistrates de prêter serment. Sarah Chaib et Emilie Cuq-Girault siègeront donc au tribunal judiciaire en qualité de juges, tandis que Sarah M’Buta renforce depuis ce jour les effectifs du ministère public, en tant que substitute du procureur.

Et c’est presque tout le gratin local qui était présent pour accueillir ces nouvelles têtes dans leurs robes rouges et noires, pour une audience solennelle. Et particulière, en raison du contexte de crise sanitaire. Masques sur le nez, et distanciation sociale respectée autant que faire se peut dans cette petite salle de la chambre d’appel, le préfet Jean-François Colombet, le maire de Mamoudzou Ambdilwahedou Soumaïla, mais encore le député Mansour Kamardine et bien sûr le procureur de la République Camille Miansoni, assistaient à ce rendez-vous clé pour la justice de Mayotte. “Cette audience, c’est un moment emblématique fort pour montrer l’ensemble des composantes de la Nation, et rappeler le respect et l’estime que chacun doit porter pour l’autorité judiciaire, garante de la démocratie”, a souligné le représentant du pouvoir exécutif.

La justice à Mayotte, ce “bâtiment” en construction

Une présence remarquée et saluée par Alain Chateauneuf, la premier président de la cour d’appel de La Réunion, ainsi que par le procureur général Denis Chausserie-Laprée, qui avaient fait le déplacement jusqu’à l’île aux parfums. Pour rappel, le système judiciaire de Mayotte s’est longtemps caractérisé par un système dérogatoire, qui a pris fin avec la départementalisation, faisant de l’ancien Tribunal supérieur d’appel (TSA) de Mamoudzou une chambre d’appel placée sous la juridiction de la Cour d’appel de La Réunion.

Près de dix ans après, le pouvoir judiciaire du 101ème département en est donc encore à ses premiers pas. “Cette jeune institution judiciaire, quand on la voit de l’extérieur, on ne voit pas ce qui se trame à l’intérieur. Comme un bâtiment dans lequel il faut encore installer la climatisation. Et ce sont là parfois vraiment les problématiques que nous avons”, a décrit sans détour le procureur Camille Miansoni. Cette construction de la justice était donc la trame de fond de ce renouvellement des troupes… ainsi que les nombreux enjeux, sécuritaires, économiques et environnementaux du territoire. “La présence judiciaire est essentielle pour aider dans sa construction ce jeune département confronté à ses tiraillements”, a ainsi rappelé le procureur général.

Le chantier de l’état civil

Autant de défis auxquels vont devoir se confronter les nouveaux venus. “C’était une audience très émouvante et solennelle qui nous fait prendre la mesure de ces nouvelles fonctions et les enjeux qui nous attendent sur cette île pleine de richesses et de challenges. Et me concernant, notamment, le défi de l’état civil”, a relevé Sarah Chaib, nouvelle magistrate du tribunal. Une nomination qui résonne tout particulièrement à Mayotte, alors que le préfet Jean-François Colombet faisait, le matin même sur les antennes de Mayotte la 1ère, le lien entre les récents événements de violence et l’interruption de la lutte contre l’immigration clandestine depuis mars…

Même son de cloche chez sa consoeur Sarah M’Bouta, qui s’est vue confier plus spécifiquement deux missions en sa qualité de substitute du procureur, celles de l’état civil et de l’environnement. “J’ai à coeur de participer à construire ce département d’Outre-mer : d’une part pour garantir à chacun un état civil qui corresponde à sa situation réelle, d’autre part pour travailler avec la population pour comprendre cet enjeu capital de l’environnement, auquel je suis personnellement sensible”, a développé la nouvelle représentante du parquet, elle-même originaire des Outre-mer, en Martinique.

“Sur le fil du rasoir”

Son choix de rejoindre le parquet a d’ailleurs été largement salué par les forces en présence, surtout au vu des spécificités locales. Il y a quelques mois, le procureur Camille Miansoni avait fait l’objet de violentes attaques à la suite du jugement de deux personnes impliquées dans le rapt d’un cambrioleur en Petite-Terre. Sujet qui n’a d’ailleurs pas manqué d’être évoqué pendant l’audience. “C’est le meilleur choix, le meilleur job ! Certes, on est sur le fil du rasoir, on est exposé, mais on est en contact permanent avec la vie de tous les jours”, souriait toutefois le premier concerné. Des sourires partagés par tous, sans volonté d’amoindrir l’ampleur du travail qui reste à accomplir. “Je vois vos jeunes collègues qui vous accompagnent, et cette solidarité, que vous n’auriez pas forcément trouvé dans d’autres juridictions, est essentielle. Vu la période qui, on ne va pas vous le cacher, est difficile”, rappelait ainsi Denis Chausserie-Laprée. Alors, caribou et bonne chance !

Un rassemblement chiite en plein Mamoudzou met le feu aux poudres

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Dimanche, plusieurs personnes se sont rassemblées dans le chef-lieu pour commémorer une date clé du chiisme, l’anniversaire de la mort de l’imam Hussein, petit-fils du prophète. Une scène qui a déclenché de vives réactions auprès de la population mahoraise, elle, à majorité sunnite.

Les images ont provoqué un tollé. Dimanche, plusieurs dizaines d’hommes vêtus de noir ont défilé autour du rond-point de la barge, dans le chef-lieu, en brandissant des drapeaux aux inscriptions arabes. Un rassemblement religieux célébrant l’anniversaire de la mort de l’imam Hussein, martyr et petit-fils du prophète Mahomet, et dont l’assassinat constitue un événement central dans le mouvement chiite. Une commémoration perçue, par la population mahoraise, d’un très mauvais œil.

« Il existe une communauté chiite à Mayotte depuis plusieurs années », précise d’emblée Saïd Saïd Kambi, président de la fédération des associations islamiques de Mayotte. « D’ailleurs, les premiers musulmans de l’île n’étaient certainement pas sunnites (alors qu’ils y sont aujourd’hui majoritaires, ndlr) ! » Pour lui, la communauté chiite du département a grossi au gré des déplacements des populations indiennes vers Mayotte. Celles-ci ont continué d’observer leurs rites religieux, loin des regards de l’espace public. « Dans les années 80, le chiisme a ensuite commencé à émerger aux Comores », poursuit Saïd Saïd Kambi. « Avant d’être combattu par le président, Azali Assoumani. » En atteste la révision constitutionnelle portée par le chef de l’État en 2018 et dont un article soulignait que la religion du pays reposait sur le mouvement sunnite à tendance chaféite. De quoi écarter un peu plus la minorité religieuse de la société, dont la pratique des rites avait déjà été interdite dans les lieux publics aux Comores en 2016.

« En conséquence, des Comoriens chiites, chassés, sont arrivés à Mayotte », développe encore le président des associations islamiques. « Mais leurs manifestations publiques comme celle observée dimanche sont un phénomène très nouveau. » Premier et dernier souvenir en date, jusqu’à ce week-end, un rassemblement six ans plus tôt à Dzaoudzi-Labattoir, où un millier de musulmans avaient célébré le nouvel an religieux près de la mairie. « Cela peut être perçu comme un facteur de déstabilisation vis-à-vis de la communauté mahoraise, c’est une sorte de provocation, une façon de s’imposer au-delà des règles du vivre ensemble », analyse Saïd Saïd Kambi. « Ils ont osé ce que personne n’avait osé jusque-là. Ce que j’espère, c’est que ça ne donne pas d’idées aux autres… » Car, selon celui qui est aussi membre du Collectif, de telles manifestations, si répétées, pourraient virer en bataille communautaire.

L’extrême droite accuse un appel au djihad

Sur les réseaux sociaux, certains observateurs improvisés redoutent, eux, de voir émerger une mouvance religieuse beaucoup plus « radicale », comme qualifiée par le Rassemblement national. Le parti d’extrême droite n’a pas manqué l’occasion de surfer sur la polémique, en évoquant les « drapeaux noirs de Daesh » brandis par les manifestants, venus « véhiculer la haine et le séparatisme », selon un communiqué transmis le jour même par le bureau départemental du RN. « Comment le préfet peut-il autoriser une telle manifestation, qui n’a comme idéologie que l’appel au djihad ? Notre pays a engagé des milliers de nos soldats au Sahel au péril de leur vie pour éradiquer l’islamisme radical. Oui, la France est un pays laïc où la liberté de culte est garantie par notre constitution et Mayotte ne doit pas faire une exception. Mais pas pour ceux qui prônent la destruction fondamentale de nos libertés que ce soit de culte ou de nos cultures ».

Saïd Saïd Kambi se veut lui plus rassurant. « Je ne crois pas à l’arrivée de l’islamisme radical sur nos îles », sourit-il. « Il y a une tendance, dans les médias occidentaux, à souvent considérer cette religion comme déviante avant tout. Ce rassemblement a-t-il une connotation extrémiste ? Je n’en sais rien. Mais je crois simplement que tout ce qui peut menacer la cohésion sociale de Mayotte est à éviter. »

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes