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Camille Miansoni, procureur de Mayotte : “Mon rôle est de protéger la société avant tout”

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L’affaire du rapt en Petite-Terre qui suscite l’émoi dans l’ensemble du Département est révélatrice de nombre de maux dont souffre la société mahoraise au sein de laquelle nombre de personnes semblent valider l’idée que l’on puisse se faire justice soi-même à défaut d’une carence supposée de l’État. Le procureur de la République, Camille Miansoni, revient ici sur ces éléments. C’est aussi l’occasion pour lui de rappeler le rôle qu’il occupe et la vision qui l’anime alors que les critiques pleuvent sur sa personne.

Flash Infos : Où en est-on sur l’enquête concernant le rapt de Petite-Terre ?

Camille Miansoni : Je tiens d’abord à rappeler que le dossier est désormais entre les mains du juge d’instruction est que c’est à lui, dorénavant, de diriger les différentes investigations nécessaires à le monter. Toutefois, la victime est toujours recherchée et à ma connaissance, aucun signe de vie n’est apparu depuis le début de l’enquête. Les recherches ont toujours lieu, car c’est un élément primordial dans cette affaire, c’est une clef, car beaucoup de choses dépendront de si on retrouve ce jeune homme ou pas et si on le retrouve en vie ou non. La question reste entière.

FI : Avez-vous toujours l’intention de former appel contre la décision de placer les deux principaux suspects en contrôle judiciaire et non en détention provisoire comme vous le requériez ?

C. M. : L’appel est désormais formé, il sera audiencé dans les prochaines semaines. La particularité de cet appel est que le juge des libertés et de la détention ne décidera plus seul, mais de manière collégiale du sort de ces personnes en attendant leur procès.

FI : La garde à vue de ces personnes, puis l’éventualité de leur placement en détention provisoire, a suscité l’émoi au sein d’une certaine partie de la population. Pourquoi considériez-vous nécessaire que les deux hommes en question soient maintenus en détention dans l’attente de leur procès ?

C. M. : Tout d’abord, rappelons que dans ces circonstances, le principe c’est la liberté et la détention doit rester une exception. Cela découle du principe de présomption d’innocence. Dès lors, la demande de placement en détention provisoire doit répondre à un ou plusieurs critères précis. Il s’agit notamment de considérer que la remise en liberté peut voir une incidence négative sur l’enquête. Dans le cas d’espèce, nous avons un troisième suspect qui court toujours, une victime qui n’a pas encore été retrouvée. Est-on sûr qu’en remettant les deux premiers individus en liberté, il ne peut y voir des démarches qui soient entreprises pour faire en sorte que la vérité ne puisse apparaître ? C’est la question que j’ai posée au juge des libertés et de la détention.

De manière générale, seule une série de critères légaux permet de déroger au principe de liberté. On peut ainsi placer en détention provisoire afin d’empêcher un risque de concertation, de pressions sur les témoins ou les victimes. Un risque de soustraction à l’action de la justice, de trouble public, de disparitions des preuves et bien évidemment de réitération. On ne va pas vous faire un dessin, il y avait bien selon moi, plusieurs de ces critères remplis. Si je dis notamment qu’il peut y avoir des pressions, je le pense très sérieusement.

FI : Si selon vous, pas un mais plusieurs de ces critères étaient remplis, comment expliquer que le juge n’ait pas suivi vos réquisitions ?

C. M. : Tout simplement, car je ne suis pas le seul acteur. Le juge prend sa décision à l’issu d’un débat durant lequel certes le procureur intervient, mais aussi le mis en cause et son avocat. Ce qui me manque pour comprendre la décision du juge, c’est la position de la défense. L’avocat peut très bien avoir plaidé qu’il s’agissait d’un bon père de famille, pas connu de la justice, qui n’aurait aucun intérêt à fuir ou à freiner le cours des investigations… Je n’en sais rien. Une seule chose est sûre, quelque chose a convaincu le juge des libertés et de la détention.

FI : Ne pensez-vous pas, outre les arguments de la défense, que le juge ait pu être influencé par la crainte de troubles à l’ordre public qu’aurait pu engendrer le placement en détention provisoire de ces deux hommes alors même qu’au moment de décider, une manifestation devant le tribunal était déjà présente ?

C. M. : Ce n’est pas un critère. Le critère correspondant au risque de trouble à l’ordre public fonctionne dans l’autre sens, c’est-à-dire que la remise en liberté pourrait causer des troubles à l’ordre public. Ce que vous évoquez n’est pas prévu par la loi et je n’ai pas la capacité de savoir ce qui a motivé le juge, c’est le secret du délibéré. Le juge a pris sa décision en son âme et conscience et je ne me permettrais pas de faire des suppositions sur les éventuels éléments extérieurs qui auraient pu déterminer son choix. C’est la justice des hommes, avec ses qualités et ses défauts, mais nous nous devons de respecter ces choix, même si je les conteste juridiquement en faisant appel.

FI : Justement, concernant le respect de la justice. Vous êtes au centre de toutes les critiques pour faire preuve d’un supposé laxisme utilisé pour justifier une justice pour le moins expéditive. Qu’en pensez-vous ?

C. M. : J’en pense qu’on se trompe complètement. C’est le premier paradoxe qu’illustre cette affaire. Car quiconque aura pris la peine d’assister à une audience aura compris que le rôle du procureur, institutionnellement, est de protéger la société avant tout. Quand je déferre un individu, ce n’est pas pour chercher l’indulgence, mais au contraire pour le voir condamné. S’il y a bien quelqu’un, dans l’appareil judiciaire qui inspire la fermeté et la sévérité, c’est le procureur et donc moi. S’il y a des condamnations, c’est de mon fait, de celui du parquet et de personne d’autre. C’est ce que nous demandons, mais ce n’est pas nous qui prenons les décisions.

Cette lecture qui est faite de l’institution comme source d’un supposé laxisme est donc tout à fait paradoxale.

FI : Y a-t-il selon vous un problème plus large de conception de la justice à Mayotte ?

C. M. : Le sujet est, encore une fois, paradoxal. La question, pour une société qui veut regarder vers l’avenir, c’est comment on régule ses difficultés. Car dans aucune société, on ne peut éradiquer la délinquance ou la criminalité, on ne peut faire que la contenir. Mais dans une société qui fait face à cette difficulté, considérer que la violence devrait être la réponse adaptée alors même que l’on s’en plaint pose sérieusement problème. Je ne dis pas que c’est problématique d’un point de vue individuel : il est tout à fait compréhensible qu’un homme, d’autant plus s’il a été victime par le passé se satisfasse d’un châtiment. C’est malgré tout humain. Mais là où la chose n’est pas supportable,

c’est que la société, à travers ses organes, ne condamne pas ça. Ça, ce n’est pas normal. Cela accrédite l’idée qu’il est normal d’agir ainsi, de se venger en répondant à la violence par la violence.

Cette absence de réprobation de la part de la société est pour moi une ligne rouge. Quand je dis cela, je le répète, je fais une distinction entre l’individu et ses sentiments humains et la société. Mais en tout été de cause, quand la société ne condamne pas cette réponse individuelle, elle laisse libre cours à la banalisation de cette violence et c’est insupportable. Surtout quand, en face, il y a une partie de cette même société, qui revendique de parler en son nom et qui considère que s’opposer à cela est un affront.

Il y a souvent, et ce n’est pas vrai qu’à Mayotte, une incompréhension dans la manière dont la justice, l’institution, fonctionne et quel est son rôle. Mais la loi est là et ce ne sont pas les magistrats qui la font. Peut-être aussi qu’il y a ici un certain décalage culturel qui accentue cette vision biaisée du rôle de la justice.

FI : Pourtant la justice est le socle de l’État de droit qu’est censée incarner la France. France pour laquelle les Mahorais n’ont jamais manqué de montrer leur attachement et leur volonté d’égalité à travers elle…

C. M. : Effectivement, c’est encore un autre paradoxe. C’est une société foncièrement attachée à la France, qui a toujours fait preuve de cet attachement sans ambiguïté. Mais quand on revendique cela, on se doit de respecter ses institutions. Quelque part, je me sens proche de Mayotte, car je suis Français d’adhésion. Je ne suis pas né Français, je le suis devenu et j’ai décidé de me mettre à son service, car je pense qu’elle porte des valeurs qui me correspondent. Mayotte a également choisi d’être française et ne peut donc pas faire l’impasse sur le respect de ses institutions et de ses lois.

FI : Au-delà des institutions, c’est bien vous, régulièrement, qui êtes visé par les critiques, parfois peu amènes. Qu’en pensez-vous ?

C. M. : Il n’y pas que moi, au-delà des institutions, quand je vois comment certains sont capables de s’en prendre au préfet ou à la directrice de l’ARS, je suis forcément choqué. Dans mon cas, j’ai cru comprendre qu’il y avait une autre dimension dans l’équation et qui est liée à mes origines… Ce que j’ai du mal à comprendre vu la proximité entre Mayotte et l’Afrique. Mais je ne suis pas sorti de ma savane pour débarquer à Mayotte ! J’ai fait mes preuves pendant 20 ans, j’ai fait mon tour de France à la manière des compagnons, mon dévouement n’est plus à prouver.

 

Les auto-entrepreneurs deviennent une réalité à Mayotte

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Les différents acteurs socio-économiques de l’île présentaient ce mercredi à la Chambre de commerce et d’industrie, la concrétisation d’un projet qui était très attendue par les micro-entreprises. Désormais, les nouveaux entrepreneurs peuvent prétendre au statut d’auto-entrepreneur à Mayotte. Un régime aux nombreux avantages.

Il y a encore un mois, un entrepreneur qui voulait lancer sa boîte à Mayotte ne pouvait pas le faire en tant qu’auto-entrepreneur. Pourtant il s’agit du statut le plus avantageux et le plus simple lorsque l’on se lance dans la création d’une entreprise. Depuis le 15 avril, cela est désormais possible sur le territoire. Ce régime incite les Mahorais à créer leurs entreprises puisqu’ils seront exonérés des cotisations sociales pendant 24 mois, ils peuvent également exercer un autre métier en parallèle ou encore bénéficier d’un régime fiscal avantageux. “Il s’agit de déployer une offre de services adaptés au contexte socio-économique tel que nous le vivons. Il s’agit de proposer des parcours attentionnés au public qui est peu familier à la démarche administrative et juridique,” explique la directrice de la caisse de sécurité sociale de Mayotte, Ymane Alihamid-Chanfi. En effet, ce dispositif se veut simple et efficace pour les entrepreneurs qui sont souvent freinés par la complexité des démarches administratives.

Plus d’excuses pour rester dans l’informel

La crise sanitaire a fait de nombreuses victimes économiques et la première d’entre elles a été l’économie informelle. Les travailleurs se sont retrouvés du jour au lendemain sans revenu et sans aucune aide. Ce dispositif d’auto-entrepreneur tombe donc à point nommé. “Si nous avions eu l’intelligence de ce régime que nous proposons aujourd’hui, peut-être aurions-nous résisté différemment”, selon le préfet de Mayotte, Jean-François Colombet. Le statut d’auto-entrepreneur offre une chance de sortir de l’économie informelle et d’augmenter le nombre d’entreprises formelles mahoraises. “Mayotte a des talents bien cachés, parfois invisibles à cause de l’activité informelle et c’est ce statut qui va permettre de les révéler”, déclare Ymane Alihamid-Chanfi. Ce statut particulier est également une garantie pour celui qui entreprend. “Les crises se succèdent à Mayotte, et ce régime protège celui qui prend des initiatives. Il lui assure un avenir”, argumente Jean-François Colombet. Ce projet a tout pour faire rêver les nouveaux entrepreneurs. Mais le budget permettant de le concrétiser n’a pas encore été défini. Le directeur de la Chambre des métiers et de l’artisanat de Mayotte reste alors sur ses gardes. “Il est impératif que ces actions d’accompagnement menées par les différentes chambres puissent bénéficier d’enveloppes budgétaires spécifiques. Il ne faudrait pas que ce projet devienne, par manque de moyens, une amère désillusion.” Une crainte à laquelle la directrice de la CSSM a répondu : “Ça ne sera pas une désillusion, nous travaillerons ensemble pour que ça ne le soit pas.”

Les premiers auto-entrepreneurs made in Mayotte

Rachid, 28 ans

Rachid est salarié en tant qu’ingénieur d’affaire dans une boite d’assainissement d’eau potable sur l’île. Il a cependant ressenti le besoin d’avoir une activité parallèle. “Mon entreprise consiste à fournir des informations utiles pour les prises de décisions stratégiques qui touchent pratiquement tous les domaines.” En d’autres termes, il aide les entreprises à prendre les bonnes décisions. Mais à l’exemple de nombreux jeunes entrepreneurs, Rachid a eu peur de l’échec, peur de se lancer dans un projet qui n’aboutirait pas. “Le statut d’auto-entrepreneur permet de rassurer ceux qui ont des idées. Je peux me protéger tout en développant mon idée.” Ce projet tombe à pic pour lui. Il est d’ailleurs le premier auto-entrepreneur à s’être déclaré officiellement. “Je ne comprenais pas pourquoi ce statut n’existait pas à Mayotte. Mais dès lors que j’ai su qu’il allait être mis en place, je me suis immédiatement inscrit. Il m’a fallu un ordinateur et internet et en 10 minutes j’avais créé mon entreprise en toute simplicité.”

Nadjma, 24 ans

Nadjma travaille en tant que vendeuse dans une boulangerie. Elle est diplômée d’un BTS vente, mais elle s’intéresse au secteur administratif. “Beaucoup de gens viennent me demander de les aider dans leurs démarches administratives, alors j’ai décidé d’officialiser cela et de créer mon entreprise dans ce domaine parce que cela me plaît.” La jeune femme se spécialisera dans la rédaction des courriers, les déclarations d’avis d’impositions ainsi que les démarches souvent fastidieuses de la CAF. Nadjma est au stade de test et le statut d’auto-entrepreneur représente une certaine garantie pour elle. “Cela me permettra de garder mon travail actuel tout en lançant mon entreprise.”

Awa, 29 ans

Awa a ouvert son entreprise en cosmétiques naturels il y a quelques mois. Aujourd’hui, elle se réjouit de pouvoir se considérer officiellement comme auto-entrepreneur. “Les démarches administratives étaient trop lourdes pour rendre mon entreprise formelle, alors qu’avec le statut d’auto-entrepreneur tout est fluide et simplifié.” Par ailleurs, cela lui a permis de protéger son idée. À cause de la lenteur administrative, Awa redoutait qu’une autre personne soit plus rapide et propose le même projet. “Grâce à l’accompagnement dont j’ai bénéficié à la CCI tout est allé très vite. J’encourage donc toutes les personnes qui veulent concrétiser un projet à le faire, car elles seront très bien accompagnées.”

 

Reprise des cultes à Mayotte : la foi d’attendre

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Mardi 26 mai, le préfet a autorisé la réouverture des lieux de culte à Mayotte. Une reprise de la vie spirituelle attendue par nombre de fidèles musulmans ou chrétiens, mais qui demande toutefois une organisation toute particulière. Car il ne s’agit pas de faire une croix sur les mesures sanitaires.

Avec le confinement débuté à la mi-mars, les cultes ont été mis entre parenthèses. Les fêtes de Pâques et le ramadan se sont ainsi déroulés – cas rare – sans célébrations religieuses ni rassemblements de fidèles. Une période qui touche à sa fin puisque le préfet de Mayotte, Jean-François Colombet, a autorisé la réouverture des églises et mosquées à partir d’avant-hier, au lendemain de l’Aïd. Une décision qui réconforte les fidèles de toutes les confessions, mais qui demande une organisation toute particulière, car, si Mayotte tend à se déconfiner peu à peu, l’île demeure dans le rouge et les mesures sanitaires, elles, ne sont pas près de disparaître. Les responsables des cultes pratiqués à Mayotte en ont bien conscience.

Ainsi, les mosquées ne réouvriront officiellement que lundi 1er juin. La décision, prise à la suite de deux réunions tenues hier et avant-hier et réunissant notamment la direction départementale du pôle enfance et famille du conseil départemental, et celle de la cohésion sociale, est expliquée par le directeur de cette dernière, Younoussa Abaine. “Il y a des préparatifs”, justifie le responsable, “tel que nettoyer et désinfecter les édifices fermés depuis deux mois. Il faut aussi que soient réunies les conditions de respect des distances de sécurité avant de les rouvrir, que nous déterminions comment les tapis vont être désinfectés, par exemple, ou comment faire pour que les fidèles ne sortent pas par là où ils sont rentrés. C’est ce à quoi nous allons réfléchir durant cette semaine, en sollicitant les responsables de mosquées pour qu’ils fassent respecter absolument ces consignes de santé.” Une réunion devrait ainsi se tenir ce week-end avec lesdits responsables et les autorités sanitaires afin “de sensibiliser les acteurs de terrains pour qu’il n’y ait pas d’attroupements autour des mosquées, et qu’à l’intérieur les mesures soient respectées.” La démarche, obligatoire, a toutefois un coût. Son estimation doit être faite et soumise aux pouvoirs publics pour demander leur aide, car “ce n’est plus simplement un problème de culte mais de santé publique”.

Autre point, la prière du vendredi qui se tient traditionnellement dans les mosquées qui y sont consacrées. “Le problème se pose en effet tout particulièrement pour ce jour-là”, confirme le directeur de la cohésion sociale. “Elles ne peuvent plus se dérouler comme avant, avec des mosquées parfois bondées. Exceptionnellement nous envisageons donc que cette prière du vendredi puisse se faire dans les autres mosquées du village.” Dans tous les cas, “le conseil cadial demandera à la population de s’associer à ces mesures pour que la vie de tous soit protégée, c’est capital”.

Une église dans l’attente

Du côté de l’église Notre-Dame de Fatima, ce n’est pas un secret non plus : la date de reprise des messes n’est pas encore connue. Et pour cause : si les autorités préfectorales ont autorisé les lieux de culte à ouvrir leurs portes, le curé de la paroisse, le père Bienvenu Kasongo, attend également pour sa part les consignes de sa hiérarchie. En l’occurrence, celles de la conférence des évêques de France, puis celle de Mgr Charles Mahuza Yava, vicaire apostolique de l’archipel des Comores. “Nous sommes évidemment soumis au protocole établit par les autorités sanitaires, mais nous devons aussi nous appuyer sur ce que nous conseillerons les évêques. C’est une question de sécurité, et à travers elles de respect de la vie d’autrui”, détaille le prêtre en poursuivant : “Une fois que nous aurons cette autorisation, alors nous réunirons le conseil paroissial pour examiner les solutions à mettre en place et tiendrons les fidèles informés.”

Dans le détail, et même si “Dieu merci l’église possède quatre entrées et est bien aérée”, il s’agit de tenir compte des contraintes du bâtiment afin de l’aménager : “Marquage au sol, espacement des fidèles sur les bancs, mise en place de barrières, il y a des solutions à trouver. Il y aura ainsi sans doute deux messes au lieu d’une afin de répartir les fidèles. Nous commencerons avec celles du dimanche avant de reprendre celles en semaine, puis les sacrements. Nous devons aussi nous concerter pour que des paroissiens, sur la base du volontariat, nous aident à mettre tout cela en place, à distribuer du gel hydroalcoolique, à s’assurer que chacun porte un masque, etc.”

Une réorganisation pour laquelle le prêtre fait un parallèle avec la Pentecôte, que les catholiques célèbreront le dimanche 31 mai. “La Pentecôte, c’est l’Esprit Saint sur les apôtres et la naissance de l’Église. Ils s’organisaient ensemble à ces fins. Alors nous allons nous inspirer d’eux. Nous aussi, aujourd’hui, nous allons œuvrer ensemble au cœur de la paroisse, et prier pour que l’Esprit Saint nous guide.”

 

L’hélicoptère et l’avion sanitaire, deux moyens de transport à pérenniser sur le long terme à Mayotte

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Le centre hospitalier de Mayotte a reçu successivement ce mois-ci un hélicoptère et un avion sanitaire pour évacuer rapidement au sein même de son territoire et à La Réunion les patients les plus critiques. Preuve que ces moyens de transport sont indispensables avec un homme victime d’une rupture d’anévrisme vendredi dernier.

Vendredi 22 mai au matin, le 15 reçoit un appel d’une famille depuis son domicile en Petite-Terre pour signaler un homme inconscient, qui ne se trouve pas en détresse respiratoire sur le coup. L’équipe du SAMU de la petite île se rend illico presto sur place pour lui prodiguer les premiers soins, rejointe en hélicoptère quelques minutes plus tard par celle du SMUR du centre hospitalier de Mayotte. “On est arrivés vers 8h30 pour le ramener à la zone de déchocage des urgences pour procéder à un scanner cérébral”, explique Mariam Viollet, le médecin qui a fait l’aller-retour ce jour-là. L’imagerie confirme alors la suspicion d’un saignement dans sa tête. “Un problème neurologique grave”, signale la jeune femme, qui affiche sur ses épaules une veste stipulant une expérience en Guadeloupe.

Plongé volontairement dans le coma par le personnel soignant, le quarantenaire se retrouve intubé pour être ventilé. En temps normal, ce type de patient monte immédiatement en réanimation pour être pris en charge. Mais son état critique contraint l’effectif en poste à faire son diagnostic au déchocage avant un possible transfert à l’étage, qui n’interviendra finalement pas. Plusieurs médecins de différentes spécialités le rejoignent pour prendre collégialement la meilleure décision. Certains revendiquent son départ à La Réunion avec l’avion qui doit décoller à 15h, tandis que d’autres affichent une certaine réticence en raison du timing serré. Finalement, le choix s’arrête sur la première option. Responsable du pôle URSEC, qui supplée ce jour le docteur Ludovic Iché en charge des évacuations sanitaires, Christophe Caralp contacte dans la foulée le neurochirurgien d’astreinte de Saint-Pierre pour l’avertir de cet envoi inopiné. “Plus on attend, plus son pronostic est engagé”, précise-t-il.

“On perdait 24 heures et son pronostic vital était engagé”

Ne reste plus qu’à le préparer en un temps record, soit 1h30 ! “L’une des techniques à réaliser était la pose d’un cathéter intraventriculaire cérébrale, c’est-à-dire un pique pour mesurer sa pression intra-crânienne et ainsi savoir s’il perfusait correctement son cerveau”, détaille Anne-Sophie Voarick, médecin en charge du patient. Rare, cette procédure invite plusieurs curieux à passer leur tête de l’autre côté du rideau pour y assister. “Personne n’en avait jamais vu auparavant”, admet-elle. À l’instar de Pauline Laudière, infirmière, qui vit à ce moment-là son deuxième jour en déchocage et qui se retrouve au milieu de ce dispositif spectaculaire. Sa mission ? Préparer les drogues d’induction, de sédation et d’entretien. “Je m’attendais à beaucoup plus de stress, mais on a la chance d’avoir une équipe soudée. Dans ce genre de situation, on se répartit les rôles dès le début et on communique beaucoup, sinon c’est source d’erreurs”, confie-t-elle, visiblement satisfaite du travail accompli, après avoir couru dans tous les sens toute la journée.

Une fois équipé, le patient s’envole direction l’aéroport où l’attend l’avion, déjà doté de deux autres civières et de trois autres personnes. “Sans l’hélicoptère, il ne partait pas. On perdait 24 heures et son pronostic vital était engagé”, insiste Christophe Caralp, qui revendique bec et ongles son utilité sur une île comme Mayotte. Exemple significatif : il faut compter 50 minutes pour rejoindre Bouéni par voie terrestre, contre 7 par les airs. “Sur un arrêt cardiaque, ça change tout !” Même son de cloche pour l’avion sanitaire, qui permet un aller-retour jusqu’à l’île Bourbon sur la journée et surtout un gain d’effectif. En cette période de crise, ces deux moyens de transport sont pour le moment loués jusqu’au mois de juillet. Ne reste plus qu’au chef de pôle à démontrer son importance vitale grâce à des données précises puis à convaincre les autorités de sauter le pas pour les pérenniser sur le long terme. En tout cas, vendredi dernier le justifie bien… “Le patient est arrivé à la bonne heure à La Réunion, il a eu cette chance-là ! Mais il n’est pas sorti d’affaires, le risque d’avoir des séquelles neurologiques graves est toujours présent”, tempère toutefois Anne-Sophie, qui ne s’attendait pas à une telle activité en se levant le matin même.

 

Gestion des cadavres à Mayotte : la cour d’État a tranché

Saisi le mois dernier par un croque-mort mahorais et le collectif des citoyens, le conseil d’État a finalement jugé que la gestion de la crise sanitaire par l’ARS de Mayotte ne présentait aucune carence. Les requérants ont décidé de saisir la cour européenne de justice, estimant que certains éléments n’ont tout bonnement pas été pris en compte.

Fin d’un suspens qui aura duré près de quatre semaines. Le conseil d’État a finalement rejeté la requête de Jean L’Huilier, directeur de la société Transport Posthume de Mayotte, qui accusait l’ARS de mauvaise gestion de corps potentiellement atteints du Covid-19, auxquels le croque-mort aurait, sans le savoir, été directement exposé, comme nous le relations dans l’édition du Flash Infos du mardi 26 mai 2020. Le 27 avril, le tribunal administratif de Mayotte avait rejeté la première demande de Jean L’Huilier, plus tard rejoint dans sa démarche par le collectif des citoyens.

La plus haute juridiction administrative du pays a en effet estimé que l’ensemble des dispositifs légaux décidés à l’échelon national concernant les conditions de mises en bière des corps jugés à risque ont été respectées à Mayotte : “L’agence régionale de santé a, dès le 2 avril 2020, encouragé les médecins à rédiger les certificats de décès en ligne et, le 7 avril 2020, informé le directeur général de la santé des difficultés pouvant être localement posées par l’obligation de mise en bière immédiate (comme prévue par le décret du 1er avril 2020, ndlr), du fait de l’usage limité du cercueil, en proposant que le corps des défunts dont la famille le souhaite puisse être à ce titre placé dans une housse mortuaire”, précise l’ordonnance de huit pages du juge des référés. “Dans ces conditions, l’agence régionale de santé de Mayotte ayant d’ores et déjà, dans la limite des compétences qui sont les siennes et dans le respect des attributions du représentant de l’État territorialement compétent, pris les mesures propres à assurer l’établissement et le respect de protocoles de prise en charge du corps des défunts pendant la crise sanitaire”.

La cour d’État rappelle par ailleurs qu’après une première réunion entre le CHM, l’ARS et les trois entreprises de pompes funèbres du département à la mi-avril, une seconde rencontre avait eu lieu une semaine plus tard “afin de détailler les modalités de prise en charge des personnes décédées pendant la période de crise sanitaire, sur la base du protocole actualisé du centre hospitalier pour les personnes qui y décèdent, et sur la base d’un protocole qui a fait l’objet des travaux des participants pour les personnes décédées à domicile”. Un protocole dont plusieurs points allaient, selon le directeur des pompes funèbres Transport Posthume de Mayotte, à l’encontre de l’avis des professionnels du secteur, à propos notamment de l’usage de housse mortuaire.

Si l’affaire est tranchée, elle risque de ne pas s’arrêter là, les requérants souhaitant à présent saisir la cour de justice européenne. “On a perdu et ce n’est pas normal”, déplore Jean L’Huilier. “La cour d’État ne se positionne pas sur les fautes commises entre le début du confinement et le 11 mai”, date à laquelle deux décrets ont été promulgués afin de préciser les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et sur lesquels s’est appuyé la cour d’État. Or, les premiers dysfonctionnent ont été observés par le croque-mort dès la fin du mois de mars. Affaire à suivre donc.

 

“Outre-mer en commun” : comment Mayotte va pouvoir en bénéficier

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La ministre des Outre-mer, Annick Girardin, et le directeur général de l’agence française de développement, Rémy Rioux, ont lancé lundi l’initiative “Outre-mer en commun”. Dotée d’un milliard d’euros, elle doit permettre aux territoires ultramarins de faire face à l’urgence sanitaire et à la crise économique liées au Covid-19, ainsi que de préparer un plan de relance durable. Yves Rajat, directeur de l’AFD à Mayotte, détaille le dispositif et ses implications pour le territoire.

Flash Infos : Sur ce milliard d’euros, comment sera décidé la somme attribuée à chaque territoire ultramarin ? De combien va pouvoir bénéficier Mayotte ?

Yves Rajat : Il n’y a pas de répartition a priori. Il s’agit en réalité de fonds disponibles a minima, et que l’on pourra ajuster pour répondre aux demandes. Le fait est que certaines géographies sont plus en attente que d’autres, je pense par exemple aux collectivités du Pacifique. C’est pourquoi nous avons d’ores et déjà accordé un prêt d’un montant de 240 millions d’euros à la Collectivité de la Nouvelle-Calédonie. On parle là d’une somme importante, ce qui est rendu possible avec la garantie de l’État. Pour le reste, nous ne pouvons pas tellement dire que nous allons donner tant à tel acteur, mais nous attendons plutôt de recevoir des demandes spécifiques. S’agissant de Mayotte, c’est encore une géographie différente. On l’a vu d’ailleurs avec la dernière note de l’Insee. L’activité économique de Mayotte a sensiblement moins diminué que celle des autres territoires ou au niveau national : -18 % ici, contre plutôt -28 % à La Réunion, ou en Guyane par exemple. Certes, cela s’explique surtout par un facteur structurel, car les services non marchands, qui ont moins été touchés par la crise, pèsent deux fois plus lourd à Mayotte. Et cela ne veut pas dire que nous sommes à l’abri d’une détérioration du climat social. Mais du côté des collectivités en tous cas, la situation sera moins grave ici qu’autre part. Aucune n’a pour l’instant fait de demande de report d’échéances, d’ailleurs, alors que nous le leur proposons ainsi qu’aux entreprises auxquelles nous avons octroyé des prêts dans le cadre de la crise du Covid-19.

Il n’en demeure pas moins que sans mesures de soutien, en réponse aux conséquences financières de la crise liée au Covid-19, les collectivités mahoraises seront exposées à des difficultés de trésorerie* importantes et à une contraction de leur capacité d’autofinancement. Toutefois, compte tenu de la nette amélioration, au cours de ces dernières années, de leur situation financière, seules quelques communes devraient se retrouver sans capacité suffisante d’autofinancement. Pour vous donner une idée, avant la crise, elles devaient avoir une capacité d’autofinancement autour de 10 à 15 %, et aujourd’hui après la crise elles vont peut-être tomber à 4 ou 5 %. Seule une minorité tombera à 0 %. C’est en quelque sorte une petite touche d’optimisme dans cette crise qui nous fait face.

FI : Il y a bien une annonce qui concerne Mayotte dans le communiqué sur l’initiative “Outre-mer en commun” : l’expérimentation, dès le second semestre 2020, d’un dispositif de prêt de préfinancement du fonds de compensation de la TVA (FCTVA) pour les communes. Comment fonctionnera ce dispositif ?

Y. R. : Il s’agit d’une extension d’une offre que nous proposons depuis déjà deux ans et demi à Mayotte, le prêt de préfinancement de subvention européenne ou d’État, et qui a justement permis aux communes de consolider leur trésorerie ces dernières années au profit du paiement des avances et factures des entreprises concernées. Ce produit a connu un franc succès, nous en avons réalisé

une centaine aujourd’hui. Et avec l’initiative “Outre-mer en commun”, nous souhaitons l’étendre au FCTVA. Comme vous le savez, bien que Mayotte ne soit pas soumise à la TVA, elle bénéficie de ce fonds de compensation pour soutenir l’investissement des collectivités. Seulement, cet apport financier n’arrive que deux ans après, et fait donc défaut en matière de trésorerie l’année de la réalisation des travaux. Grâce à notre prêt de préfinancement, les fonds arriveront dès l’année concernée par les travaux, ce qui permettra de limiter les problèmes de trésorerie des collectivités, frappées actuellement de plein fouet par la baisse de l’octroi de mer et les dépenses supplémentaires liées à la crise comme l’achat de masque, de gels ou encore la distribution de colis alimentaires. En tout, ce sont potentiellement 25 millions d’euros d’avance de trésorerie qui pourront être mis à disposition des 17 communes de Mayotte. Ce nouveau produit devrait être pleinement disponible à partir du mois de septembre.

FI : Avec plus de 1.600 cas de contaminations au Covid-19, la tendance est toujours à la hausse à Mayotte. Les ressources du CHM, seul hôpital face à une population de plus de 270.000 habitants nourrissent les inquiétudes, tandis que l’ARS peine à contenir les deux épidémies – dengue et coronavirus – qui frappent le territoire. Dans ce contexte, quel rôle peut jouer l’initiative “Outre-mer en commun” ?

Y. R. : L’initiative porte sur l’urgence sanitaire et économique actuelle. Ensuite viendra un plan de relance durable. Cela va du soutien aux plateformes régionales comme la Croix Rouge, à une meilleure coordination sur des enjeux transfrontaliers, avec les Comores en ce qui concerne Mayotte, par exemple. Un accent est aussi mis sur les réseaux régionaux de surveillance épidémiologiques, pour anticiper l’arrivée d’épidémies telles que celle que nous traversons. Nous avons d’ailleurs déjà pu apporter un financement supplémentaire, d’un montant de 2 millions d’euros sur le projet Réseau de surveillance et d’investigation des épidémies (RSIE), au titre de la gestion de cette crise. Porté par la Commission de l’océan Indien (COI), ce projet vise à mettre en place le renforcement de la capacité de suivi de diagnostic et de prise en charge, et faciliter la transmission d’informations importantes au bénéfice des États membres, de La Réunion et de Mayotte. Ces réseaux de surveillance sont un point clé dans la gestion de l’urgence sanitaire. L’initiative va permettre de faciliter les projets qui vont dans le sens d’un meilleur suivi de l’épidémie. Et nous nous tenons aussi prêts pour participer au plan national de désendettement des hôpitaux lancé par l’État en vue de redonner aux grands établissements ultramarins des capacités d’emprunt pour leur modernisation et le renforcement notamment de leur dispositif de réponses aux pandémies et épidémies. Au niveau du CHM justement, si l’État annule une partie de la dette de l’hôpital, cela permettra d’augmenter la capacité d’autofinancement de l’établissement. Nous savons qu’il y a des besoins majeurs et nous nous tenons à la disposition du CHM pour le financement le moment venu de son projet médical d’établissement voire apporter une contribution technique et financière aux besoins d’expertise dont il pourrait avoir besoin notamment dans la finalisation de sa stratégie d’investissement. Mais nous restons dans un rôle d’accompagnement des politiques publiques. Cela sera au CHM d’exprimer ses besoins.

 

Le tri et la traduction, les principaux maux des urgences de Mayotte

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Tout au long de l’année, les urgences tournent à plein régime pour apporter la meilleure offre de soins aux habitants de Mayotte. Le personnel soignant doit continuellement jongler en fonction des pathologies des malades, qui peuvent entraîner quelques remous, et s’adapter aux barrières de la langue. Immersion au cœur d’un service souvent décrié, rarement encensé. 

“La difficulté est de gérer les afflux et de déterminer qui est prioritaire.” Infirmier à Mayotte depuis un an, Fabien résume en une simple phrase l’essence même des urgences. “Les gens ne comprennent pas tout le temps que la prise en charge ne dépend pas de l’ordre d’arrivée, mais de la gravité des pathologies.” Du bout de ses doigts, il replace son masque sur son nez avant de poser des pâtes conductrices sur le corps d’un patient âgé dans le but réaliser un électrocardiogramme. En seulement quelques secondes, l’enregistrement de l’activité électrique du cœur du vieillard en question sort sur un papier millimétré. Sur le pied de guerre depuis seulement deux heures, le jeune homme débute sa journée sur les chapeaux de roue. 

Depuis le début de la crise de Covid-19, l’établissement hospitalier trie les patients dans un sas à l’entrée du service pour ainsi éviter la propagation du virus dans les couloirs. En ce vendredi 22 mai, c’est à Wardati de se coller à cette tâche de “chef d’orchestre” comme elle aime le dire. Son poste du jour lui demande d’accueillir et d’orienter les malades qui se présentent face à elle. Habituellement fermée, la pièce attenante à celle des agents administratifs accueille son bureau de substitution. “On pense que c’est la place la plus facile, mais il faut savoir garder son calme en toute circonstance”, développe celle qui est revenue de son congé maternité il y a trois semaines. Alors avec son franc-parler, la jeune maman n’hésite pas à serrer la vis lorsque l’impatience gagne ses interlocuteurs, qui sont pour une grande majorité relativement compréhensive. “Notre job exige de la concentration, mais avec le ramadan, la glycémie chute”, sourit-elle pour justifier ses quelques envolées lyriques. Selon elle, il faut savoir faire preuve de fermeté et de pédagogie, mais aussi et surtout d’humanité. Pour mener à bien sa mission, elle peut compter sur le soutien de Sébastien, médecin, qui enchaîne les kilomètres avec ses Crocs, et de Fatouma, aide-soignante, qui découvre cette affectation pour la première fois. “Peu importe où on m’envoie, j’y vais dans l’objectif d’emmagasiner un maximum d’expérience. Aller vers l’autre est une passion, donc je n’ai pas d’appréhension. Au contraire, j’estime avoir beaucoup d’empathie”, lâche-t-elle d’emblée. Un discours qui ravit et rassure son acolyte infirmière, qui n’a visiblement pas sa langue dans sa poche lorsqu’il s’agit de monter au créneau. 

À seulement quelques pas de là, c’est un autre duo tout aussi inattendu qui s’active. À sa tête, Abdallah, agent de services hospitaliers à Jacaranda depuis presque vingt ans, et Bernard, kinésithérapeute belge dont la prise de fonction remonte à maintenant quatre ans, épaulés par trois médecins de la réserve sanitaire. Les deux compères ont la lourde responsabilité d’assumer les dépistages. Ou tout du moins de suivre à la lettre les prérogatives. “J’ai été réquisitionné avec mes collègues pour filer un coup de main”, explique le Mahorais, en se prenant une lichette de gel hydroalcoolique entre les mains. Pas familiarisé avec ce type d’exercice, il s’occupe toutefois des paramètres vitaux — , à l’instar de la prise de la tension, du pouls et de la température, des habitants qui se dressent face à lui et qui présentent des symptômes liés au Coronavirus. “Ce n’est pas évident de rencontrer des malades susceptibles d’être positifs”, confie-t-il, en évoquant la difficulté de vivre avec deux enfants en bas âge dans une telle période. Une fois l’aval du médecin en poche, vient alors le tour de Bernard, équipé de la tête aux pieds, pour l’écouvillon nasopharyngé. “J’ai appris le mode d’emploi avec un infirmier en médecine”, dit-il. Pendant deux semaines, il se relaie sur le devant de la scène avec un psychomotricien, un ergothérapeute et trois autres kinés. Seule différence avec Abdallah, sa présence est sur “la base du volontariat. Et entre nous, je préfère être au front que de croiser des gens sans protection en faisant mes courses”. Bilan de la matinée : 36 tests ! 

Le mariage Mahorais/Métropolitain 

Si le CHM a semble-t-il pris la décision de renvoyer son personnel soignant au chevet des patients, reste quelques particularités propres et non négligeables au 101ème département pour assurer une offre adaptée. En ligne de mire notamment : les besoins en traduction. Et à ce petit jeu-là, les locaux sont indispensables au bon fonctionnement du service. Comme l’explique Wardati, au moment d’ausculter une entaille profonde sur le front d’un jeune garçon. “Beaucoup de Mahoraises suivent une formation spécifique pour être infirmières d’accueil et d’orientation, car elles n’ont pas la barrière de la langue. Cependant, quand il s’agit d’une Métropolitaine, elle est obligée d’être accompagnée d’une aide-soignante sur le terrain. Le mariage fonctionne bien entre nous, mais le turnover incessant est dommage…” C’est ici tout le rôle d’Abdallah, qui ne se revendique pas interprète, mais qui a conscience de l’importance de son rôle. “Une ou deux personnes ne comprenaient pas les consignes et méritaient son assistance”, renchérit Bernard. Pour Fatouma, l’histoire est plus complexe. Originaire des Grandes Comores, son arrivée récente la pousse à se plonger dans un manuel dédié pour apprendre tous les mots clés en lien avec la médecine dans l’optique de communiquer au mieux avec les uns et les autres. Seul point noir de toute cette logistique ? La surcharge de travail, sans aucune contrepartie financière… “On n’est pas payés davantage alors que ça peut demander 30 minutes, voire une heure d’attention particulière en fonction des pathologies. Ça peut être épuisant par moment”, regrette Wardati. 

À l’intérieur du bâtiment, un cas de figure vient renforcer ce besoin prépondérant. Médecin aux côtés de Fabien, Thomas prend en charge une femme obèse, victime d’une lourde chute au niveau de la barge. Amenée par les pompiers de Kawéni, ces derniers font alors office d’interprète pour recueillir les détails de son accident. Un échange en amont nécessaire avant de la basculer sur un plan dur et ainsi permettre à Gordon et son équipe de récupérer le matelas immobilisateur à dépression pour repartir en intervention. Un peu plus tard dans la journée, un autre exemple met en lumière cette relation entre les personnels soignants mahorais et métropolitains. Cette fois-ci, c’est Mariame, aide-soignante, qui intervient. Devant elle, une vieille dame diabétique qui ne parle pas un mot de français. “Elle divague complètement, elle part sur un autre sujet dès que je lui pose une question”, précise-t-elle après un bref instant. Face à cette barrière linguistique, Thomas décide de lui faire passer une échographie pour aiguiller son jugement médical. 

Une adaptation de tous les instants qui résume parfaitement ce vendredi 22 mai. Sans aucun doute, les urgences ne sont pas un service comme les autres. C’est un service où la patience est légion, qui dépend d’éléments externes, comme la radiologie ou la biologie qui ne sont pas le fait des médecins. C’est aussi un service dans lequel règne un mélange de cultures et de langues propres au territoire. Souvent décrié, rarement encensé, c’est surtout un service qui se hisse aux standards métropolitains, n’en déplaise aux critiques invétérés.

Mayotte : une naissance dont ils se souviendront

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Une naissance dans la rue, ce n’est pas si courant. C’est pourtant ce qu’ont vécu Jonathan et Mouna, lundi 18 mai, date à laquelle Sarah, leur petite fille, a décidé d’arriver. Un évènement auquel ont participé quelques passants, sur les lieux par hasard. Et quand s’improvise une chaîne de soutien, cela donne une belle histoire. Récit. 

Pour un joli souvenir, c’est un joli souvenir. Et pour une belle histoire, c’est une belle histoire. D’ailleurs, à voir les nombreuses réactions sur la page Facebook où Jonathan a lancé son appel, elle a fait du bien à beaucoup en cette période quelque peu anxiogène. De quoi s’agit-il ? D’un accouchement quelque peu hors-norme et de la chaîne de soutien qui s’est instantanément mise en place. 

Nous sommes dimanche 17 mai, dans une résidence du quai Ballou, où vivent Jonathan, 35 ans, et Mouna, 23 ans. Le couple attend sa deuxième fille incessamment sous peu. D’ailleurs, depuis midi, la jeune femme a des contractions. “La sage-femme nous avait dit que tant qu’elles n’intervenaient pas toutes les cinq minutes, nous n’avions pas à aller à l’hôpital”, commente Jonathan. Lesdites contractions n’étant pas aussi resserrées, le couple patiente. L’après-midi et la nuit se poursuivent ainsi, puis vient le grand jour. 

Le lundi, aux alentours de 6h du matin, “Mouna me dit qu’elle pense avoir perdu les eaux. Je regarde et en effet !” Évidemment, il ne s’agit dès lors plus d’attendre, mais de se rendre à l’hôpital de Dzaoudzi. Celui-ci étant à 200 mètres, les futurs parents décident d’y aller à pied, accompagnés de leur première fille, Lucie, âgée d’un an et demi : “À cette heure-ci, nous ne pouvions pas trouver quelqu’un pour venir la garder.” En route, donc. Mais le bébé ne l’entend pas de cette oreille et décide de ne pas être si patient. 

En arrivant devant les douanes, “ma compagne s’est effondrée d’un coup sur le trottoir en me disant qu’elle allait accoucher”. Réflexe : garder son calme. “À partir de ce moment-là, je me suis dit qu’on allait devoir se débrouiller tous les deux. J’avais assisté à l’accouchement de notre première fille. Je n’ai pas trop réfléchi sur le moment, mais je savais comment ça allait se passer.” Ils feront cela tous les deux, oui, mais épaulés par une chaîne de solidarité improvisée. 

Quelques personnes assises au snack du quai Ballou accourent en effet pour filer un coup de main. L’un apporte une couverture, l’autre appelle les secours, le dernier soutient la tête de la future maman pendant que la petite Lucie embrasse celle-ci pour la soutenir. Un légionnaire faisant son footing s’en va également prévenir l’hôpital. Le travail se fait vite, moins de 10 minutes. Un secouriste croise le groupe par hasard et apporte aussi son aide : son couteau servira à couper le cordon, “même si après coup, on nous a dit que ce n’était pas à faire”. Pendant qu’il soutient sa femme, Jonathan confie le nouveau-né, Sarah, à une jeune femme passant par là, elle aussi mobilisée pour aider la petite famille. 

Et puis, “j’ai vu une sage-femme arriver en courant du bout de la rue, informée par le légionnaire. Elle a observé le bébé et nous a rassuré : tout allait bien !”, se rappelle le papa. Les ambulances, elles, arrivent 20 minutes après le début de l’accouchement, de fait déjà fini. Elles amèneront la mère et la fille à l’hôpital pour achever de rassurer tout le monde. Finalement, c’est là le plus long moment pour Jonathan : “Quand je suis rentré chez moi avec Lucie, j’ai été inquiet de savoir comment Mouna et ma fille allaient, jusqu’à ce que ma femme me rassure par téléphone.” Deux jours plus tard, tout le monde est réuni à la maison, prêt à se remettre de toutes ces émotions. 

Depuis, Jonathan a pu revoir la sage-femme arrivée en renfort pour la remercier, mais pas les autres protagonistes. Ce qu’il aimerait désormais pouvoir faire. Un appel, donc, à tous ceux qui ont participé à cette atypique, mais sympathique naissance : n’hésitez pas à vous manifester.

La crise du Covid n’a pas arrangé les affaires du port de Mayotte

Alors que le confinement influe lui aussi sur la vie au port de Longoni, les tarifs pratiqués par le délégataire MCG continuent de faire grincer les dents. 

Des transitaires remontés comme des coucous suisses, un délégataire aux abonnés absents et un conseil portuaire qui bât de l’aile… Décidément, même quand tout le monde regarde ailleurs – vers l’épidémie de Covid-19 et la crise économique qui en découle, en l’occurrence – le port de Longoni ne change pas de disque. Pire, à en croire certains opérateurs, l’épidémie a aggravé la situation, qui oppose MCG, le délégataire du port, aux transitaires, à l’union maritime de Mayotte (UMM) et au conseil départemental. 

Première source de tension : depuis le début du confinement, l’entreprise d’Ida Nel qui gère le port a dû adapter ses horaires. Désormais, il n’ouvre ses portes que par demi-journée, jusqu’à 13h, et ce, tant que le déconfinement ne sera pas officiel. Certaines agences baissent quant à elle le rideau dès midi depuis le début du ramadan. Résultat, pour les clients et les transitaires, il devient de plus en plus difficile de remplir toutes les formalités pour sortir les containers dans les temps. Sans compter que les effectifs ont eux aussi été réduits. “Un container qui serait sorti en trois jours par exemple, va mettre quatre jours de plus”, souligne l’un d’entre eux. Or les tarifs, eux, restent inchangés. D’après le dernier document disponible sur le site de MCG, daté de 2019, passé les cinq jours de franchise, le loyer du container classique passera à 2,5 euros la journée pour les plus petits, 5 euros pour les plus lourds. Puis jusqu’à 60 euros au-delà du 30ème jour… 

Activité réduite

 

“Il n’y a aucun container bloqué au port”, répond Jacques Martial-Henry, le chargé de mission d’Ida Nel. “MCG n’a d’ailleurs aucun intérêt à conserver un container, sinon nous ne serions pas payés.” La réduction des effectifs ? Pas une raison non plus selon lui, car “avec le Coronavirus, l’activité est réduite, très peu de bateaux arrivent”. Quant à l’idée de faire un geste pour des clients durement touchés par la crise économique et qui manquent de trésorerie pour assumer des frais de douanes et de port élevés, Jacques Martial-Henry la balaie d’un revers de la main. “C’est au conseil départemental de décider d’exonérer tout le monde. Prenez l’importation d’une voiture par exemple : sur une facture de 5.000 euros, 1.000 euros vont à l’armateur, 3.000 à la douane, 500 euros au manutentionnaire et à peine 500 euros pour MCG”, déroule-t-il. D’après lui, si un container tarde à quitter le port, c’est d’ailleurs bien souvent pour un blocage aux douanes ; parfois, c’est le client qui n’a pas été en mesure de fournir l’original de sa facture commerciale au transitaire, un document nécessaire pour générer la déclaration de douane. 

Les tarifs de la discorde 

Mais ce n’est pas là la seule source de tension au port, ces jours-ci. Car la question des tarifs pratiqués par le délégataire, et qui n’auraient pas été validés par le conseil départemental, continue de faire du bruit dans les containers. “Pour l’instant, la tarification reste tout sauf claire”, lâche Christian Corre, le secrétaire général de l’UMM. Dans l’attente de l’avis du conseil portuaire, MCG continue en effet d’appliquer les tarifs proposés en 2016 et dont les opérateurs ont dénoncé à plusieurs reprises les hausses excessives depuis la Délégation de service public (DSP) accordée à l’entreprise d’Ida Nel pour la gestion du port de Longoni. Le conseil départemental, qui avait d’abord validé ces tarifs en 2016, était revenu sur sa décision, relevant le caractère “excessif et non justifié” de certains d’entre eux. De son côté, l’UMM décidait alors d’un recours devant le tribunal administratif, sans suite. 

Mais, coup de théâtre : le 9 octobre dernier, la cour administrative d’appel de Paris a annulé l’ordonnance de non-lieu du tribunal administratif de Mayotte du 12 avril 2017 et l’arrêté du conseil départemental qui les avaient validés. “En tout état de cause, les tarifs qui doivent être appliqués par le délégataire doivent être antérieurs à ceux fixés au 2 septembre 2016”, date à laquelle ont été pris les arrêtés litigieux, résumait Jacques Toto, le directeur des ports et des transports maritimes et terrestres au conseil départemental, quelques jours avant le confinement. De leur côté, les transitaires réclamaient alors déjà le remboursement des sommes indûment perçues par le délégataire via ses tarifs non conformes. 

Pas de chance pour le conseil portuaire 

Si le remboursement ne risque pas d’être une mince affaire, fixer de nouveaux tarifs plus conformes est en tout cas à l’ordre du jour du conseil portuaire, depuis la décision de justice d’octobre dernier. Ce conseil doit émettre un avis facultatif sur les tarifs du délégataire, pour ensuite permettre au président du conseil départemental de les valider. Or, depuis juillet dernier, la décision n’a eu de cesse d’être repoussée. “D’abord, le conseil portuaire de juillet a été annulé, puis il y en a eu un en septembre, mais il n’y avait pas assez d’éléments pour statuer, puis en décembre, mais nous étions en alerte cyclonique…”, rappelle Christian Corre. Dernière date fixée ? En mars. Manque de pot, le Coronavirus est venu à son tour mettre son grain de sel. “Nous allons l’organiser bientôt, peut-être avant fin juin”, souhaite Sitti Maoulida, directrice adjointe chargée des ports au conseil départemental. “Nous sommes en train d’étudier comment le faire en audio, mais nous sommes un peu embêtés, à cause des municipales…”. En effet, les trois communes concernées par le port – Dzaoudzi-Labattoir, Mamoudzou, et Koungou – doivent décider d’un représentant à envoyer au conseil portuaire. Or, il ne manquerait plus qu’un changement de majorité, pour justifier d’annuler l’avis hypothétique d’un nouveau conseil portuaire… aux pieds d’argile.

Le “peut mieux faire” de la Cour des comptes envers le centre hospitalier de Mayotte

Dans un rapport rendu public ce mardi, la Chambre régionale des comptes Réunion-Mayotte se penche sur les exercices 2015 et suivants du centre hospitalier de Mayotte. Les magistrats reviennent en profondeur sur les différents défis actuels et à venir auxquels l’hôpital doit faire face à l’instar de la pauvreté, de la démographie et du chantier du nouvel hôpital. Un contexte particulier donc, qui explique des carences, notamment sur l’attractivité du personnel. Pour autant, note le rapport, le CHM dispose de marges de manœuvre pour améliorer sa gestion. Une analyse à détacher de la crise sanitaire actuelle. 

Comme toute administration, le centre hospitalier de Mayotte ne peut espérer échapper à l’analyse de sa gestion par les magistrats de la Cour des comptes. C’est désormais chose faite avec ce rapport de la chambre régionale Réunion-Mayotte qui revient sur les exercices 2015 et suivants du CHM. Un traitement égalitaire donc. Pour autant, “l’appréciation de la qualité de la gestion du centre hospitalier de Mayotte (CHM) ne peut être réalisée en dehors de toute contextualisation, compte tenu des forts particularismes de son environnement qui impactent son organisation, son fonctionnement et son activité”, notent les auteurs du rapport dans une large section consacrée aux observations et qui regroupe ainsi les problématiques structurelles du territoire. Auxquelles fait nécessairement face le seul hôpital de l’île. Surtout lorsque celui-ci est “est quasiment le seul acteur du système de santé dans le département le plus pauvre de France”. Des embûches, le CHM en connaît donc, et la chambre régionale des comptes le reconnaît. Le taux de natalité inédit de l’île (40 ‰ contre 12,5 ‰ en métropole) explique nécessairement qu’avec des capacités limitées, l’hôpital se doive de diriger la majeure partie de son activité envers la santé de la mère et de l’enfant. “La gynécologie, l’obstétrique, mais aussi et par voie de conséquence, la pédiatrie et même la néonatologie, tant en activité programmée qu’en urgence. Elles représentent plus de 61 % de l’activité totale de l’établissement”, notent ainsi les magistrats. Ce qui, par voie de conséquence freine le bon développement d’autres services. 

Un mode de financement favorable dont tirer profit 

Cependant, le centre hospitalier n’est pas sans marge de manœuvre pour améliorer sa gestion qui pêche sur plusieurs plans comme le pointe la chambre. Avec un atout majeur : son mode de financement. À l’inverse de la plupart des hôpitaux publics qui fonctionnent désormais à la tarification à l’activité, rapprochant leur mode de gestion à celui du secteur privé, celui de Mayotte bénéficie encore d’une dotation globale. “Ce système de financement avantageux doit être conservé. Il doit permettre de combler le retard que connait Mayotte en terme d’équipement par rapport au reste de la France. Mayotte a le taux d’équipement le plus faible avec 352 lits et 49 places pour la médecine, chirurgie et obstétrique (MCO). La Réunion compte 2.122 lits et 270 places en MCO, 628 lits en SSR pour 850.000 habitants”, considèrent ainsi les magistrats. Qui ne s’empêchent pas pour autant de relever que les comptes sont régulièrement dans le rouge “malgré le volontarisme de l’établissement” affiché pour combler les déficits. 

“Ce système de financement favorable au CHM ne doit pas dispenser l’établissement d’un pilotage précis”, fait donc valoir la chambre régionale des comptes. Concernant le pilotage financier, “l’établissement éprouve une réelle difficulté à suivre sa trajectoire au travers de grands agrégats, de manière macroéconomique et tels qu’ils sont prescrits par la réglementation”, considère le rapport qui pointe par ailleurs “de grandes approximations dans le suivi de l’exécution budgétaire du CHM.” Des approximations qui doivent disparaître dans la perspective d’un développement des services, principalement autour du chantier du nouvel hôpital. 

Autre point – et non des moindres – à améliorer : la gestion des ressources humaines. Si des progrès ont été réalisés depuis 2017, date à laquelle un audit avait permis de mettre en lumière des défaillances sérieuses comme la possibilité de “payer le salaire de base à un agent qui n’intègre pas son poste, ou qui est parti ou ne pas le payer alors qu’il a pris son poste, car son dossier n’est pas finalisé”, d’autres restent à faire. Aujourd’hui encore, un grand nombre d’agents “disposent de droits étendus portant sur la saisie, la modification et la suppression des informations relatives aux variables de paie”. Des améliorations seraient en cours et nul doute que la Chambre qui recommande vivement de sécuriser ce système veillera à leur effectivité. 

Sur-rémunérations sans base légale 

Par ailleurs, la Chambre, “sans ignorer les problèmes d’attractivité des personnels que connait le CHM”, constate que “les agents contractuels non médicaux bénéficient de la sur-rémunération comme les agents titulaires”. Or, cette gratification qui s’élève à 4,5 millions d’euros en 2018 est délivrée sans base légale. Dans sa réponse, le centre hospitalier indique cependant qu’un nouveau dispositif contractuel se substituera à ce modèle de sur-rémunération. 

Autre rémunération versée sans base légale, les 40 % de majoration versés au personnel soignant contractuel. L’octroi de ces avantages, qui sont sans base légale, est justifié par le CHM au regard à la fois de problèmes d’attractivité et de fidélisation du personnel médical : près de la moitié des personnels médicaux sont en contrat, et 60 % de ces contrats ont une durée inférieure à trois mois. L’octroi de ces avantages ne suffit pas à fidéliser le personnel médical, mais de surcroit il aboutit à ce que des contractuels, par le cumul de divers avantages (transport, hébergement, mise à disposition de voiture, sur rémunération) soient mieux rémunérés que des titulaires”, relève le rapport. Coût de ces versements sans base légale : 880.000 euros en 2018. 

Des économies pour faire face aux enjeux, la Cour des comptes sait aussi où en trouver en mettant son nez dans le dispositif de pause méridienne. Un dispositif qui permet de comptabiliser le temps de repas (30min) dans le temps de travail et qui se justifie par la bonne continuité du service public. Or, note le rapport, cette comptabilisation est injustifiée dans de nombreux cas au CHM, comme pour le personnel non médical par exemple. Bilan du surcoût : 921.000 euros en 2018. 

Peut mieux faire donc. Toujours est-il que sur le terrain, l’hôpital fait front comme il a pu le démontrer ces derniers mois. 

Un sérieux problème d’attractivité 

“La sociologie du corps médical à Mayotte est particulière. Les leaders actuels, c’est-à-dire les chefs de pôle, ont un âge “avancé”. À l’autre extrémité, on trouve de jeunes praticiens, volontaires et engagés dans une mission quasi humanitaire. Au milieu, on trouve des quadragénaires très engagés jusqu’aux dernières crises à répétition, qui ont pu entamer leur conviction de rester. Très préoccupante est la proportion entre titulaires et contractuels. Il y a 54,64 % de contractuels sur l’effectif médical, et la part des contrats de courte durée représente 69 % du total de ces derniers. Cette instabilité du corps médical est pénalisante pour les services qui doivent en permanence informer les nouveaux médecins du fonctionnement. Elle constitue un facteur de risque dans la mise en œuvre des pratiques en vigueur dans le service concerné comme dans la cohérence de la prescription. Au final, la rotation est telle que ces personnels quittent l’établissement au moment même où ils commencent à le connaître”, analyse le rapport tout en notant, une nouvelle fois, “le 

volontarisme du CHM” pour faire face à ces enjeux. Bonification, gratifications, tous les instruments sont bons pour espérer attirer et garder le personnel sur le territoire. À l’exception des œuvres sociales comme l’indique le rapport qui relève que “le personnel ne bénéficie pas de prestations comparables à celles habituellement offertes au personnel hospitalier des établissements de métropole ou d’Outre-mer comme les prêts à 1 % ou sans intérêt, les aides diverses, ou l’accès à des centres de vacances”. 

Modernisation de l’hôpital : un dossier à ficeler 

Deux chantiers sont dans les cartons rappelle le rapport : celui de modernisation de l’antenne de Petite-Terre et celui de la reconstruction sur site de l’hôpital. Pour autant, s’il y a urgence, le dossier ne semblait, à l’heure où était écrit le rapport, pas tout à fait ficelé. D’abord sur sa construction administrative pure, mais surtout sur son volet financier. “Les déficits cumulés ces dernières années, à l’exception de l’année 2018, ont dégradé la situation financière du CHM et sa capacité d’autofinancer ces opérations. Une aide de l’État a été annoncée dans le cadre du Plan pour l’avenir de Mayotte de 172 M€. La question du complément de financement se pose dès lors de manière cruciale et ne peut être reportée à plus tard. Il serait dommageable d’instruire un dossier aussi complexe sur la base d’un financement modélisé notamment en termes d’emprunts, pour que l’établissement se trouve ensuite confronté à une difficulté prévisible à mobiliser des fonds. La structure bilancielle du CHM n’est pas bonne, d’autres sources de financement doivent être envisagées, telles que subventions des collectivités et recours au FEDER. La chambre encourage l’établissement à anticiper ces difficultés”, écrivent les magistrats.

Les soignants de l’hôpital de Kahani réclament plus de sécurité

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Le personnel soignant du centre de référence hospitalier de Kahani exerce son droit de retrait suite à une intrusion abusive le week-end dernier au sein du dispensaire. Le personnel se sent en danger et souhaite que des mesures soient prises afin d’assurer sa sécurité. 

Ils étaient tous regroupés ce mardi matin dans la cour du dispensaire de Kahani, inquiets et en colère. Le personnel soignant du centre de référence hospitalier du village exerce un droit de retrait depuis hier, l’unique façon pour eux d’exprimer leur désarroi. Dans la nuit de dimanche à lundi, un jeune individu a tenté d’agresser physiquement les agents présents, car on lui aurait refusé temporairement l’accès à l’établissement. “Il accompagnait sa mère qui avait mal aux dents. Les soignants lui ont notifié qu’il ne pouvait pas l’accompagner à l’intérieur à cause des mesures de sécurité liées au Covid-19. De plus, sa mère était en capacité de s’exprimer seule. Cela ne lui a pas plu et il est revenu avec un coupe-coupe”, explique Balahachi Ousseni, secrétaire général CFDT Mayotte et représentant du personnel soignant du CHM. Une version qui diffère quelque peu du côté de la direction du CHM. Sa directrice, Caherine Barbezieux, affirme que l’individu n’avait pas de coupe-coupe, et qu’il n’accompagnait personne selon le rapport qui lui a été remis. “En revanche, on lui a bien demandé de patienter quelques instants et que l’équipe allait s’occuper de lui. Il n’a pas voulu attendre. Il a escaladé le portail et est allé tambouriner sur la porte des urgences. Il a été très agressif verbalement et physiquement puis il est revenu deux à trois reprises et il a cassé une vitre”, précise-t-elle. Fort heureusement, l’individu n’a pas pu s’introduire au cœur des locaux grâce aux barreaux installés derrière la vitre en question. La gendarmerie a rapidement été dépêchée sur place, mais à son arrivée, le jeune homme avait déjà pris la fuite. “C’est un jeune connu des services de police”, indique Balahachi Ousseni. Selon la direction du CHM et du syndicat, il serait revenu le lendemain “rôder” autour de l’établissement. Les agents du centre de référence hospitalier de Kahani ne se sentent donc plus en sécurité et réclament des mesures exemplaires afin de dissuader les malfrats d’agir de la sorte et d’assurer leur sécurité. 

Renforcement de la sécurité indispensable 

“On ne doit pas nous calmer avec des paroles, nous avons besoin de voir des actes concrets, des mesures radicales. Il faut arrêter ces agresseurs et les empêcher de nuire aux soignants. C’est un service qui travaille dans des conditions vraiment difficiles à cause de l’incivilité de certains”, dénonce le représentant du personnel. En effet, ce genre d’incident s’était déjà produit récemment au sein du même établissement. La directrice du CHM s’était d’ailleurs rendue sur les lieux vendredi dernier pour discuter avec les soignants et leur adresser son soutien. Cependant, ils regrettent qu’elle ne soit pas retournée sur les lieux suite à la nouvelle agression. Elle ou un membre de la direction s’y rendra aujourd’hui. Catherine Barbezieux estime avoir pris les mesures nécessaires pour renforcer la sécurité de l’établissement. “J’ai immédiatement pris contact avec le commandant de la gendarmerie. Les gendarmes vont désormais faire des rondes régulières et vont prendre contact avec les équipes. De plus, nous avons renforcé les mesures de sécurité devant le site puisque maintenant il y a deux gardiens alors qu’avant il n’y en avait qu’un. J’ai écouté les inquiétudes des personnels.” Une plainte sera également déposée lorsque l’hôpital pourra identifier l’individu en question car selon la directrice du CHM “cela ne sert à rien de déposer plaint contre X”. Malgré ce droit de retrait, le service minimum est assuré aux urgences de Kahani et pour les patients chroniques qui ont besoin de leurs soins.

Un rapport commandé par Bercy assassine l’octroi de mer

La taxe spécifique aux départements d’Outre-mer devrait être révisée d’ici la fin de l’année. En conséquence, deux experts du FMI ont envisagé le scénario le plus profitable aux économies locales. La création d’une TVA spécifique à chaque territoire apparaît alors comme un outil plus viable pour les collectivités et permettrait par la même de faire baisser les prix à la consommation. 

Il avait vu le jour en 1670 pour soutenir l’économie des collectivités ultramarines, et constitue d’ailleurs, aujourd’hui encore, leur principale source de revenus. L’idée de l’octroi de mer pourrait alors sembler bonne, pourtant, un rapport commandé par Bercy et rédigé par deux experts pour le fonds monétaire international (FMI) préconise tout bonnement la suppression de cette taxe, dont les modalités devraient être redessinées au 31 décembre prochain. D’où l’intérêt du document de 52 pages publié fin mars par les chercheurs Bernard Laporte et Anne-Marie Geourjon sur le site de la Ferdi, fondation pour les études et recherches sur le développement international, un think-thank indépendant. 

D’abord, l’octroi de mer nourrirait l’incapacité des départements ultramarins à faire face à la concurrence européenne et internationale, puisqu’il engendre un certain nombre de surcoûts pour les entreprises et les populations locales, dont beaucoup dépendent de l’importation, comme Mayotte le prouve dans de nombreux domaines. “Dans certains DOM, il est ainsi permis de douter de l’effet protecteur de l’octroi de mer sur l’économie locale, tant le système de protection/exonération est alambiqué et non maîtrisé par les administrations locales”, jugent ainsi les auteurs du rapport. “La TVA, entre autres, apparaît comme un outil économiquement neutre pour mobiliser plus de ressources”, les taux appliqués actuellement dans les DOM y étant “(beaucoup) plus bas qu’en métropole, voire nuls à Mayotte et en Guyane”. Si cette piste était privilégiée, cela se traduirait par une baisse des prix à la consommation de “4,6 à 9 %”, et donc une hausse de l’activité qui permettrait de réduire “de 1,5 à 4 %” les écarts des PIB locaux avec celui de la métropole. Le tout en relançant potentiellement l’emploi. 

“Les pertes de revenu pour les collectivités territoriales pourraient être entièrement compensées par une augmentation progressive des taux de TVA, considérant les spécificités de chaque territoire, et une hausse des droits d’accises sur le tabac”, fait encore état le rapport Ferdi. Un système qui viendrait simplifier le processus de modification des taux actuels, jugé “peu transparent, instable et par la même imprévisible”. Preuve en est, sur la seule année 2017, le calcul de l’octroi de mer a été revu à trois reprises à Mayotte. De quoi décourager de potentiels investisseurs extérieurs et nourrir un certain immobilisme de l’économie locale. 

Interrogés par nos confrères de France-Antilles Guadeloupe, Bernard Laporte et Anne-Marie Geourjon considèrent ainsi l’octroi de mer comme étant une taxe “plus mauvaise que tous les systèmes douaniers que l’on peut voir dans les pays en voie de développement”. “Si vous fabriquez des vélos, mais que vous devez importer des pneus, les taux de taxation de l’octroi de mer pour les pneus ne vous garantissent pas qu’au final votre produit sera moins cher qu’un vélo complet importé” avaient-ils alors illustré. “Nous ne remettons pas en cause le besoin de protection des productions locales, mais nous disons que si on veut combler le handicap de la production des départements d’Outre-mer, il y a d’autres outils plus efficaces”. Le déploiement de la TVA sera-t-il celui choisi lors de la révision de l’octroi de mer ? Réponse dans sept mois.

Mayotte : “nous n’accepterons pas que des milices se fassent justice”

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Alors que le week-end a été maillé d’élans de solidarité envers les auteurs du rapt d’un jeune homme dont aucun signe de vie n’a été repéré, les deux hommes étaient présentés ce lundi devant le juge d’instruction pour être mis en examen. Une décision prise alors que le tribunal était également le théâtre d’une mobilisation de soutien envers ces deux personnes présentées comme des citoyens défendant les intérêts de Mayotte contre la délinquance. Une vision de la justice insupportable pour le procureur de la République, Camille Miansoni, qui s’est exprimé dans la soirée sur l’affaire. 

“Liberté !”, s’exclame un homme, bras tendu vers le ciel. Autour de lui, une centaine de personnes auxquelles il annonce la nouvelle : leur “frère” ne dormira pas en prison ce soir. Une décision qui ravit beaucoup moins le procureur de la République, quelques dizaine de mètres plus loin au sein d’une salle dans laquelle il a convié les journalistes pour une conférence de presse. “Quoiqu’il en soit, nous [le parquet] ferons appel de cette décision”, explique-t-il pour commenter le choix fait par le juge d’instruction de ne pas demander le placement en détention provisoire du premier des deux mis en examen de cette affaire qui fait frémir Mayotte. 

Le procureur est ému et martèle de toute la force que sa fonction lui confère l’idée d’un État de droit dans lequel personne ne peut se substituer à la justice. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Au côté du général Leclercq, commandant des forces de gendarmerie du territoire, Camille Miansoni expose ainsi les faits : “samedi, trois membres d’une même famille se sont rendus à la gendarmerie pour signaler la disparition d’un des leurs depuis ce jeudi. Ils expliquent que celui-ci aurait été enlevé par trois personnes. Parmi les membres de la famille, un homme se présente comme l’oncle du disparu et explique que lui même, dans la nuit de jeudi à vendredi aurait été emmené de force par trois individus cagoulés.” Malgré leurs visages dissimulés, l’oncle victime aurait toutefois réussi à identifier ses agresseurs. Ce qui les aurait freinés dans l’accomplissement de leur forfait. “Tu as de la chance de ne pas subir la même chose que ton neveu, le jour où on te retrouvera, tu n’auras plus qu’à organiser tes obsèques pour le lendemain”, l’auraient alors menacé les trois hommes en cagoule. C’est donc l’identité de ces trois personnes que l’oncle livre samedi aux gendarmes de Pamandzi. Lesquels parviennent, suite à ces déclarations, à mettre la main sur deux des trois hommes. 

Pas de signe de vie depuis jeudi 

Pendant leur garde à vue, ces derniers reconnaissent les faits. Et expliquent quant au sort du neveu qu’ils l’ont effectivement enlevé dans la nuit de jeudi en l’embarquant dans un véhicule pour le conduire de force aux Badamiers et l’y rosser. La cause de cette descente ? Ils accusent le jeune homme de 23 ans d’avoir agressé le frère de l’un des leurs plusieurs jours auparavant. Une vengeance donc, mais “sans que nous n’ayons quelque élément matériel propre à établir cette agression”, rappelle le procureur. Toujours est-il que selon la version fournie par les gardés à vue, celui qui vient de se faire battre par trois hommes leur aurait échappé sur le chemin du retour. Pourtant, depuis son enlèvement celui-ci n’a fourni aucun signe de vie. Ce qui laisse présager du pire au magistrat. 

Retour au tribunal, alors que l’enceinte est “assiégée” par les manifestants venus soutenir les deux hommes présentés au juge d’instruction et mis en examen dans la foulée. “Compte tenu de ces éléments, une information judiciaire a été ouverte du chef d’enlèvement et séquestration en vue de commettre un crime ou un délit. Une infraction criminelle passible de 30 ans de réclusion”, annonce le procureur de la République. Violences aggravées et menaces sont également versées au dossier qui pourrait prendre une nouvelle tournure en fonction du sort du jeune homme molesté. 

Mobilisation “citoyenne” et entrave à la justice 

Pas de quoi altérer le soutien sans faille affiché par les manifestants tenus à l’écart des grilles du tribunal par un cordon de policiers. Une nouvelle mobilisation qui intervient alors que la journée de samedi a été le théâtre de nombre de faits similaires en Petite-Terre dès lors que l’annonce du placement en garde à vue de deux des hommes est tombée. Ce qui a notamment eu pour effet de “sérieusement compliquer le travail des enquêteurs qui n’ont pas pu mener à bien les investigations nécessaires”, déplore avec force le procureur. “Ils sont allés jusqu’à saccager la maison de la famille de la victime”, ajoute le général Leclercq. Et sur les réseaux sociaux comme dans la rue, on porte en héros ces hommes qui se sont fait justice, les présentant comme des citoyens exemplaires qui défendent les intérêts de Mayotte en protégeant l’île de la délinquance. Si la victime était effectivement bien connue de la justice, voilà des messages qui ne passent pas pour l‘un de ses principaux représentants sur le territoire. “Nous faisons face à une mobilisation supposée citoyenne pour défendre Mayotte et donc la France tout en ne respectant pas ses règles d’État de droit. C’est une situation inédite et en tout cas intolérable. Nous ne pouvons pas accepter que des groupuscules fassent la loi, on ne va pas régler le problème de Mayotte en soutenant des actes de cette nature. On ne peut tout simplement pas accepter l’idée que des milices se fassent la loi”, s’émeut encore Camille Miansoni avec des mots que reprend à son compte le général Leclerq. “Nous ne tolérerons jamais cela, ma porte reste ouverte dans le cadre d’une participation citoyenne, mais il faut absolument mettre un terme à la loi du talion”, poursuit le militaire qui en profite pour lancer un appel à témoin dans l’espoir de retrouver le jeune homme au cœur de cette affaire qui dépasse largement le dossier d’instruction.

Mayotte : la cause de la mort de personnes atteintes du Covid-19 passée sous silence ?

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Le conseil d’État a été saisi par une entreprise locale de pompes funèbres concernant de graves accusations de dysfonctionnement dans la gestion de morts atteints du Coronavirus. Si aucune décision n’a encore été rendue, Jean L’Huilier, croque-mort, détaille les raisons qui l’ont motivé à intenter une telle action en justice. 

“C’est juste ridicule !”, vitupère, par téléphone, Dominique Voynet, directrice de l’agence régionale de santé. Une poignée de semaines plus tôt, Jean L’Huilier, directeur de la société de transport posthume de Mayotte, l’un des trois opérateurs mortuaires de l’île, saisissait le conseil d’État, face à certains graves manquements, répétés, selon lui, par l’ARS et le CHM depuis le début de la crise sanitaire. Le croque-mort affirme en effet avoir manipulé, sans le savoir, au moins cinq corps contaminés par le Covid-19, sans protection spécifique, aucune mention sur la contagiosité des dépouilles n’ayant été apposée sur le certificat de décès. Or, depuis le 1er avril dernier, un décret national interdit toute toilette mortuaire pour les “défunts atteints ou probablement atteints du Covid-19” et ordonne, de fait, une mise en bière immédiate. De quoi limiter les risques de propagation envers les proches de la personne décédée, mais aussi vis-à-vis du personnel mortuaire. Un principe de précaution – et de transparence – qui n’aurait donc pas systématiquement été respecté à Mayotte. 

“Il y a eu plusieurs cas démonstratifs”, insiste Jean L’Huilier. Le premier en date remonte à deux semaines après le début du confinement. Une nuit, à la fin du mois de mars, le croque-mort est appelé par la gendarmerie de M’tsamboro pour aller récupérer un corps au dispensaire de Dzoumogné. Lorsqu’il arrive sur le site, Jean L’Huilier découvre la dépouille non emballée. Un obstacle médico-légal a été prononcé pour que des examens approfondis soient menés, la mise en bière ne peut donc se faire immédiatement. Or, lorsqu’il veut consulter le certificat de décès, on lui répond que le document est entre les mains de gendarmes, afin qu’ils puissent rédiger leur réquisition. Procédure, somme toute, classique. Sur les coups de quatre heures du matin, Jean L’Huilier reçoit enfin le certificat et découvre avec surprise que la case “mise en bière immédiate” avait bel et bien été cochée, “ce qui est totalement incompatible avec l’obstacle médico-légal”, précise-t-il, puisque cela implique que le corps doit être manipulé avant d’être enterré. Le procureur est alerté, le médecin qui avait constaté le décès aussi. Mais le lendemain matin, ce même docteur transmet un second certificat, pour le même corps, sans y faire, cette fois, figurer l’obstacle médico-légal. Face à cette tambouille administrative, le parquet demande à ce qu’un bodyscan soit réalisé. Le verdict tombe : le défunt était non seulement atteint du Covid, mais aussi de la tuberculose, également hautement contagieuse. Jusqu’alors, jamais le croque-mort n’en avait été prévenu. Il fait alors remonter la situation à la direction du CHM. 

Trois semaines plus tard, une réunion se tient entre les représentants de l’hôpital, de l’ARS et les opérateurs mortuaires. Par mesure de précaution, l’agence régionale de santé propose que les décès survenus à domicile après 21h fassent systématiquement l’objet d’une mise en bière immédiate, et que les cercueils soient remplacés par des housses biodégradables. Face à ce choix qui empêche de facto les familles de se recueillir auprès du proche décédé, et ce même s’il n’est pas porteur du Covid-19, les professionnels refusent. 

“Quand l’ARS signalait trois décès, j’en comptais déjà onze” 

D’autres cas similaires ne tardent pas à arriver. Une autre nuit, Jean L’Huilier est appelé pour venir prendre en charge une patiente tout juste décédée au CHM et dont la mise en bière immédiate n’a pas été demandée. Ce qui écarte donc toute présence de maladie contagieuse. Le lendemain, le conjoint de la défunte se présente aux pompes funèbres pour organiser le rapatriement du corps vers la métropole. “Pour ça, il me faut un certificat de non-contagion, c’est la procédure habituelle”, commente le croque-mort, qui contacte alors le médecin ayant signé, quelques heures plus tôt, le certificat de décès. Mais au téléphone, celui-ci explique qu’il ne peut lui délivrer le document, la patiente ayant contracté le Covid avant de mourir. Abasourdi, Jean L’Huilier, qui avait manipulé le corps qu’il pensait sain, demande des explications. “Je n’ai pas de compte à vous rendre”, lui répondra-t-on au bout du fil. Il décide alors de briser le secret médical en ouvrant la partie confidentielle du certificat, où sont indiquées les causes de la mort. “Covid+”, y est-il, cette fois, mentionné, alors que la mise en bière sans délai n’avait pas été jugée nécessaire par le personnel hospitalier. En Hexagone, la famille en deuil est prévenue de l’impossibilité du rapatriement. La sœur de la défunte, qui travaille pour une ARS métropolitaine, contacte l’agence de Mayotte. Très vite, un deuxième certificat est émis, et selon Jean L’Huilier, “signé par le même médecin”, qui ne s’oppose cette fois plus au transport aérien de la dépouille, pourtant contagieuse. “Et j’en ai cinq comme ça !”, lâche le patron de la société de pompes funèbres, qui suspecte bien plus de situations similaires. “Quand l’ARS signalait publiquement trois décès liés au Covid, j’en comptais déjà onze.” 

Jean L’Huilier décide alors de saisir le tribunal administratif. Celui-ci ayant rejeté la requête, le plaignant décide de faire appel auprès du conseil d’État, une plainte à laquelle le collectif des citoyens s’est rapidement greffé. Mais alors que la juridiction peut statuer en 48h en cas d’urgence, celle-ci ne s’est pas encore prononcée, trois semaines après que le dossier lui ait été confié. En réponse, une nouvelle procédure vient d’être engagée pour “déni de justice”. 

Interrogée en fin de semaine dernière, Dominique Voynet a expliqué ne pouvoir “ni infirmer ni confirmer [ces] allégations” : “Il est arrivé qu’on nous fasse état d’un défunt présentant les signes du Covid, et qui se révélait être, après prélèvements, négatif”, a voulu tempérer la directrice de l’agence régionale de santé, arguant que l’ARS elle-même ne peut pas accéder au volet des certificats de décès relatif à la cause de la mort ou à un état de comorbidité. “En revanche, le médecin doit signaler sur la partie administrative du document, qui reste visible à tous, si une mise en bière immédiate, le cas échéant dans un cercueil hermétique, est nécessaire. Encore faut-il signaler que la cause du décès n’est pas toujours connue au moment de la survenue de celui-ci, le résultat des tests pratiqués à l’entrée du patient n’étant souvent disponible que plusieurs heures plus tard”, s’est défendue l’ARS, qui estime par ailleurs que “certaines familles exercent des pressions très fortes pour que le corps ne soit pas mis en bière”. Ainsi, à au moins une reprise, une personne était décédée avant les résultats de son dépistage. Lorsque le défunt s’avérait être Covid+, son corps avait déjà été inhumé selon les rites de la tradition mahoraise. Ne reste alors plus qu’à attendre le jugement du conseil d’État.

Mayotte : un soutien médical “à inscrire dans le temps”

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“Pourvu que ça dure”. C’est un peu l’impression que laisse à Mayotte la visite-surprise d’Annick Girardin, la ministre des Outre-mer. Car si le soutien du gouvernement s’est, pour de nombreux acteurs, trop longtemps fait attendre sur le territoire, une réponse semble s’amorcer, au moins sur le volet médical. Mais la méfiance règne quant aux “effets de communication”. 

“Coup de com”” pour les uns, message fort de soutien pour les autres, la visite-surprise d’Annick Girardin sur le territoire n’aura pas laissé indifférent. “Je considère que c’est une opération de communication qui vient à la suite de ses propos sur la délinquance tenus à l’Assemblée la semaine dernière [le 12 mai, ndlr] et qui ont suscité l’émoi chez les Mahorais”, considère ainsi le député Mansour Kamardine. “Elle a voulu rattraper le coup en venant à Mayotte et ainsi rappeler l’attachement du gouvernement au département.” Pour autant, tout n’est pas à noircir dans ce tableau en forme de bilan de visite ministérielle pour le parlementaire. Car la ministre des Outre-mer n’est pas venue les mains vide à Mayotte. Si elle n’a pas reçu les traditionnels colliers de fleur, elle aura toutefois fourni au département sévèrement touché par le coronavirus quelque 9 respirateurs, un automate de test, des renforts humains issus de la réserve sanitaire. Le tout en empruntant un avion présidentiel chargé de 800.000 masques commandés par le Département. “Je suis capable de reconnaître les bonnes mesures, celles qui vont dans la bonne direction, mais cela ne peut pas m’empêcher de déplorer qu’elles arrivent avec beaucoup de retard”, réagit ainsi le député. “Je regrette tout ce temps perdu qui nous a mené dans la situation que l’on connaît actuellement car ici nos compatriotes souffrent certes de l’épidémie de coronavirus, mais aussi de celle de la dengue et bien sûr de la famine”, déplore Mansour Kamardine tout en tempérant : “Aujourd’hui il y a bel et bien une réponse.” Mais comme pour nombre d’acteurs du territoire, l’élu considère qu’il faut dorénavant “aller plus vite et plus loin”. 

Sur les tests, d’abord, car avec la nouvelle machine, Mayotte est encore loin du compte des 1.000 dépistages par jour prônés pour espérer remonter et donc rompre les chaînes de contamination. 

Pas de renforts pour les forces de l’ordre 

“C’est un objectif”, a admis la ministre sur le plateau de Mayotte la 1ère, sans préciser les moyens qui pourraient suivre afin de l’atteindre. Plateau sur lequel la ministre s’est satisfaite de la réponse apportée par l’État à la faim qu’a provoqué le confinement. “Près de 4 millions de bons alimentaires ont été mobilisés”, a-t-elle ainsi rappelé. Suffisant ? À l’évidence non pour le député Kamardine. “Nous ne pouvons pas lutter de manière durable contre la maladie quand l’immense majorité de la population est pauvre, j’ai rappelé à la ministre les promesses faites en 2015, 2018, puis 2019 de revalorisation des minimas sociaux qui devaient être programmée à travers un calendrier établi avant le 30 décembre 2019”, martèle-t-il. Cette-fois, la réponse ne se trouvait pas dans les soutes de l’avion présidentiel. Mais l’interpellation a eu lieu. Et c’est bien, pour nombre d’observateurs là l’intérêt de cette visite. Mardi matin, élus et responsables d’administrations ont ainsi exposer leur “vision du terrain” à une ministre “venue écouter les besoins du territoire”. Ainsi en a-t-il été, à l’évidence, des autorités sanitaires, mais aussi des forces de l’ordre. “Que ce soit le commandant de la gendarmerie ou le directeur de la police nationale, ils ont fait un travail extraordinaire et ont été limpides sur ce qu’ils vivent. Ils ont raconté le harcèlement qu’ils subissent, leur exaspération, ils ont pointé l’inquiétude de la population”, relate Mansour Kamardine qui n’a pas raté une miette de ces exposés. Sur ce point, cependant, la réponse d’Annick Girardin est des plus fermes : “Mayotte n’a pas besoin de renforts.” 

“Il faut absolument que ce soutien dure” 

De quoi faire bondir Aldric Jamet, délégué territorial d’Alternative police, pour qui “elle [la ministre] ne se rend pas compte du bazar ici. Tout se base sur des statistiques alors que la population est bien plus élevée que ce qu’on dit. Rien qu’à la compagnie départementale d’intervention [service de la police nationale dédié au maintien de l’ordre, ndlr], il faudrait 50 à 60 personnels en plus pour qu’elle soit opérationnelle”, explique le policier qui décrit des hommes “épuisés” dans ses rangs. 

Épuisés aussi, les soignants du centre hospitalier de Mayotte, sur un double front depuis maintenant plusieurs mois. Une fatigue liée, selon les syndicats qui ont boudé la visite d’Annick Girardin à l’hôpital, au manque de renforts humains. Certains services ont pourtant été bel et bien renforcés, notamment avec le personnel accompagnant la ministre. “De nôtre côté, nous sommes plutôt contents des renforts, ça permet de nous alléger un peu”, considère ainsi Christophe Caralp, chef du pôle Ursec (urgences, réanimation, samu/smur, evasan, caisson hyperbare). Pour le médecin, la venue d’Annick Girardin est “une bonne chose”. “Elle a confirmé l’intérêt du gouvernement pour Mayotte, notamment en venant avec des respirateurs que l’on attendait depuis deux mois”, indique l’homme en blanc. Un brin de satisfaction donc, mais toujours de l’inquiétude. 

Car pour le chef de pôle, “nous sommes sur une crise qui va durer longtemps, surtout que l’on entre dans un déconfinement de fait, que les écoles risquent de rouvrir et qu’une partie du personnel va prendre ses congés annuels”. Pour lui, une seule réponse : “il faut absolument que ce soutien dure.”

“L’épidémie ne marque pas le pas”, selon l’ARS de Mayotte

Tests en baisse, relâchement de la population, et clusters supplémentaires… Les inquiétudes de l’agence régionale étaient nombreuses, lundi, lors du dernier point de situation animé par Dominique Voynet. 

“Nous avons peu de nouveaux résultats”, a prévenu d’emblée la directrice de l’ARS lundi matin, lors de son dernier point sur la situation sanitaire. Et pour cause, au cours des cinq derniers jours, le nombre de tests a drastiquement baissé. Alors que le laboratoire privé faisait face à une pénurie de réactifs, ceux-ci, attendus dès jeudi dernier, n’ont finalement pu être livrés que dimanche, et devraient être dédouanés ce mardi. “Avec les jours fériés, ça nous fait donc cinq jours sans prélèvement”, a résumé Dominique Voynet. “D’autant plus que ces derniers jours, les gens ont plus été présents à Majicavo Dubaï que dans les centres médicaux.” En conséquence, “seulement” 22 nouveaux cas ont été recensés ce dimanche, pour un décès supplémentaire. Lundi matin, cinq patients ont par ailleurs été évasanés vers La Réunion. 

Autre problème, les relations entre l’ARS et le centre hospitalier semblent se compliquer. Depuis mardi dernier, les équipes mobiles de prélèvement au CHM “auraient décidé de ne plus se mobiliser”, autrement dit, de ne plus assurer les tests à domicile. Une décision que l’ARS “ne soutient pas” et dont elle n’avait pas été informée avant ce week-end. Sachant que l’agence régionale avait elle-même financé les renforts censés appuyer ces mêmes effectifs. “Je pense que ça reste tout de même moins dangereux de transporter un tube qu’un patient infecté en taxi pour qu’il se rende jusqu’au CHM”, a encore souligné Dominique Voynet. Selon elle, les équipes réorganisées, “sûrement dans le sens d’un redéploiement des effectifs vers d’autres services” resteraient mobilisés dans les cinq centres médicaux de référence, où des prélèvements sur place peuvent toujours être réalisés. “Mais il n’est pas souhaitable de demander à tout le monde de s’y rendre…”, a soufflé la directrice de l’ARS, à l’heure où la directrice de l’hôpital n’a pas encore répondu à nos appels. 

“L’épidémie ne marque pas le pas”, a rapidement embrayé l’agence régionale de santé, “inquiète de voir un relâchement” de la population. Sans toutefois citer de chiffres actualisés entre les entrées et les sorties, Dominique Voynet a attesté que le nombre d’admissions en réanimation “monte un petit peu”, alors que les dix lits supplémentaires étaient en cours d’installation dans le service, en vue du pic épidémique attendu pour la première semaine de juin. De nouveaux clusters ont récemment attiré l’attention des autorités, parmi lesquels “des quartiers précaires” et plusieurs cas au sein du centre de rétention administrative et du corps professoral. “Nous devons vraiment surveiller ça pour nous assurer qu’aucun enseignant contaminé n’exercera”, a relevé Dominique Voynet, à la veille de la réouverture d’une minorité d’établissements scolaires à travers l’île.

24 heures avec… Mohamed Abdallah : “Je suis un cadi actif”

Entre interventions à la radio et actions de sensibilisation, le cadi de Sada n’a pas chômé pendant deux mois de confinement. 

Mohamed Abdallah est un homme très sollicité. Et depuis le début du confinement, le cadi de Sada n’arrête pas. “Je reviens justement de Mayotte la 1ère pour un enregistrement”, explique-t-il quand il décroche son téléphone ce vendredi après-midi. Comme deux fois par semaine, le dignitaire musulman se rend à la station pour produire des messages de prévention à destination de la population. Un rendez-vous qu’il ne loupe sous aucun prétexte. Surtout ce vendredi, alors que les célébrations de l’Aïd El-Fitr qui clôturent un mois de ramadan inédit étaient annoncées pour le week-end. “Le but de mon intervention était d’expliquer que cette année, l’Aïd se ferait en famille seulement. Vu la progression de la maladie, on ne peut pas aller à la mosquée, on ne peut pas prendre ce risque”, déroule Mohamed Abdallah. “Il faut aussi expliquer comment faire cette célébration à la maison, vu que d’habitude, on fait la prière à la mosquée.” 

Pour lui, ce respect des règles de confinement ne va d’ailleurs pas à l’encontre des principes religieux, bien au contraire. “L’Islam protège avant tout la vie”, souligne le représentant musulman. “Il faut se protéger, car l’Islam interdit de se mettre en danger ou de mettre en danger la vie d’autrui. Si tu meurs parce que tu n’as pas respecté les règles, tu meurs “haram”, Allah ne te pardonnera pas”, développe le cadi, qui se réfère pour preuve à un passage de la vie du Prophète : “un compagnon du Prophète était blessé, or il faut normalement prendre un bain pour faire la prière du matin. Les autres compagnons l’ont donc obligé à prendre son bain, l’eau a pénétré sa blessure et il est mort. Le Prophète était fâché et il a dit aux compagnons que Dieu les punirait : “Si on n’arrive pas à faire les obligations avec l’eau, alors il fallait les faire à sec”.” 

Au volant pour sensibiliser la population 

Quand il ne délivre pas ce genre de message au micro, Mohamed Abdallah ne reste pas pour autant cloîtré chez lui. Presque tous les jours, il part au volant de sa voiture, que ce soit pour sensibiliser la population, ou répondre à un appel du Grand Cadi. “Moi je ne connais pas vraiment le confinement, je suis un cadi actif. Franchement, je reste très peu à la maison, après le confinement, je prendrai peut-être même du repos !”, sourit-il. Bien sûr, lors de ses virées, Mohamed Abdallah n’oublie surtout pas son masque ou ses gants. Même s’il sait qu’il s’expose malgré tout à un risque, le cadi le fait pour “le bien-être de tous”. C’est ainsi qu’il s’est retrouvé une fois, à Bandrelé où il habite, à sillonner les rues avec la police municipale pour rappeler aux gens de respecter le confinement et les gestes barrières. “C’était au moment où un foyer se déclarait dans la ville”, se souvient-il. D’autres fois, il passe près des mosquées pour vérifier qu’elles sont fermées. À Sada, pour la prière d’un défunt, il a aussi été sollicité par la maire pour rappeler que la mosquée ne pouvait pas ouvrir. 

Préparer l’après 

Ces actions de sensibilisation sont concertées. Environ une fois par semaine, ou quand un problème urgent se manifeste, ils retrouvent à quatre ou cinq chez le Grand Cadi. C’est là qu’ils décident ensemble des interventions à Mayotte la 1ère, ou de la réponse à une sollicitation du préfet par exemple. Avant le ramadan, c’est donc le cadi de Sada qui a participé à la visioconférence avec les représentants de l’État pour donner l’avis des cadis sur les actions à mener pendant le mois sacré. Ces derniers temps, il participe aussi à la réflexion sur l’après. Car si la réouverture des écoles suscite son lot de débats et d’inquiétudes, la reprise des activités religieuses ne sera pas non plus une mince affaire. “Quand le déconfinement sera officiel, les prières du vendredi pourront reprendre, mais il faut que l’on s’organise, pour savoir comment faire”, décrit Mohamed Abdallah. Car, rappelle-t-il, “la maladie, elle, sera toujours là”.

Une nuit avec les gendarmes mobiles à Mayotte

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Si le confinement à Mayotte a permis, à ses débuts tout au moins, de calmer les violences que connaissait le territoire, d’autres les ont remplacés rapidement. Pour intervenir sur ces rassemblements virant aux affrontements, la gendarmerie mobile est déployée. Nous l’avons suivi durant une nuit. 

Il est 19h30, mercredi 20 au soir. Dernière nuit de travail pour les hommes de l’escadron de gendarmerie mobile de Saint-Gaudens (31), qui attendaient alors leur relève pour le 22 mai. Arrivés le 19 janvier, le confinement les aura contraints à rester à Mayotte un mois de plus. Objectif de ce report : assurer des “opérations de contrôles de zone”. En d’autres mots : veiller à ce que le confinement soit bien respecté. Au moins autant que faire se peut. Au moins sans violence. Car c’est là la vocation de la gendarmerie mobile : intervenir pour disperser les attroupements violents et les manifestations spontanées. 

Et de ce côté-là, on peut dire que ce prolongement a été bien loin d’être une sinécure. Ce qui explique, au-delà l’envie de retrouver conjoints, familles et amis – et même si “certains couples se sont habitués à vivre ainsi et ne pourraient plus faire autrement”, comme en rigolait un des hommes -, l’attente forte du départ, prévu trois jours plus tard. Mais il faudra encore patienter puisque restent encore quelques heures de mission à assurer. 

De l’hôtel Sakouli, où résident les effectifs, le convoi de trois véhicules – deux camions et un 4×4 – se met en route. À 20h15, il rejoint les gendarmes déjà en place au carrefour de Tsararano pour se tenir prêt en cas d’intervention dans cette zone sud de l’île. Au total, deux pelotons – soit 32 hommes – positionnés là et visibles de tous. Ce n’est pas pour rien. “L’endroit est stratégique”, précise le capitaine Florent Colombet en expliquant “la présence qu’il permet d’assurer et la rapidité d’intervention qu’il autorise”. Trois routes partent en effet d’ici : celle du nord, bien que d’autres pelotons de gendarmerie mobile y soient présents, et surtout celles de Chiconi et de Chirongui. La longue attente peut commencer, toujours basée sur un mot d’ordre : se tenir prêt. Car à la moindre alerte, il s’agira de se rendre sur les lieux agités pour tâcher de remettre de l’ordre. Une mission désormais bien connue par ces hommes et femmes qui, ces dernières semaines, ont eu à réguler et disperser les tensions entre jeunes, notamment celles liées à la tenue de morengués. L’officier l’explique : “Avec le confinement, nos missions ici ont un peu évolué, bien que nous avons eu à intervenir pour disperser des violences avant, à Kawéni et Tsoundzou notamment. Puis il y a eu une relative période de calme avec le début des mesures liées au virus, avant qu’elles ne reprennent dans le cadre cette fois de morengués. Les jeunes y cherchaient l’affrontement et en profitaient pour piller des commerces et cambrioler les habitants.” 

Mais pour le moment, tout est calme et seul un affectueux chien errant et quelques cigarettes viennent égayer la vie du groupe. Pas de quoi se rassurer pour autant. Tous s’accordent : “Cela peut être calme pendant quelques heures et dégénérer d’un seul coup. Même quand nous sommes de retour à l’hôtel, nous pouvons repartir en urgence.” 

Intervention de soutien 

Une heure plus tard, toujours rien en termes de rassemblement, mais une demande de la gendarmerie départementale. Celle-ci a reçu l’appel d’un homme habitant Hajangoua et qui dit être violemment menacé par son voisin après une dispute. Vraisemblablement, le taux d’alcoolémie de chacun des deux protagonistes n’est pas étranger à l’histoire. Oui, mais voilà : le premier serait armé selon les dires du plaignant. De quoi convaincre les départementaux de demander l’appui de la mobile. Quelques hommes sont donc envoyés sur place. Chemin inverse pour rejoindre les lieux et, au niveau du stade d’Iloni, un caillou jeté sur les grilles du camion, malgré la présence d’adultes en bord de route. “C’est systématique quand on passe ici”, déplore un des gendarmes. À l’arrivée à Hajangoua, descente du véhicule et accueil par le plaignant, dont le bonbon à la menthe avalé entre temps peine à dissimuler les relents d’alcool. Sur le mur de cette grande maison rappelant curieusement un mas provençal, une fenêtre s’entrouvre. Du premier étage, ledit voisin, finalement endormi, interpelle les gendarmes, non sans une certaine assurance. “Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?”, s’étonne-t-il, lampe-torche à la main, mis en joue sans le savoir par deux des hommes présents dans la cour. Explications du gendarme. “Mais qu’est-ce que c’est que ces conneries encore ? Il me doit quatre mois de loyer”, s’indigne-t-il encore. “Non, juste un mois à cause du confinement”, répond son voisin, passablement énervé. Nous nageons là en pleine querelle exacerbée de voisinage. Pour autant, les choses se calment. 

• “Retournez vous coucher monsieur, nous repasserons demain pour en discuter”, intime le gendarme. 

• “Voilà faisons ça, oui”, lui répond l’homme, toujours à sa fenêtre, râlant. Et toujours avec, il faut lui reconnaître, un culot étonnant : “Qu’est-ce que c’est de débarquer comme ça chez les gens ? On n’est pas encore en dictature que je sache. Et pensez à refermer la chaîne en partant.” 

• “Fermez votre fenêtre monsieur et allez vous coucher je vous ai dit.” 

• “Oui oui, qu’est-ce que c’est que cette façon de faire…” 

Retour au camion et, à nouveau, départ pour rejoindre les troupes encore en poste à Tsararano. À nouveau, au passage d’Iloni, une pierre vient s’éclater contre le véhicule. Traditionnel, comme le faisait remarquer un des hommes. 

Au carrefour, tout est toujours calme. Il semble que ce soir, rien ne soit à signaler. Les forces déployées dans le cadre des récents événements auraient-elles porté leurs fruits ? Peut-être, mais rien n’est moins sûr car, encore une fois, “ça peut changer d’un moment à l’autre”. 

Un contexte très particulier 

En attendant, les hommes discutent. Une chose revient de leur expérience de quelques mois à Mayotte. La situation ici leur apparaît très particulière. L’un d’entre eux le déplore : “Des gamins parfois livrés à eux-mêmes et parfois sous chimique. Ou avec des parents qui ne transmettent aucune éducation. Tout ça est grave. On voit des petits dans la rue faire des conneries, devenir ultra-violents pour bien peu, un téléphone, un billet… C’est vraiment très particulier comme contexte.” Même si la violence existe partout, notamment en Outre-mer où ces hommes sont déployés une partie de l’année, ce particularisme social de Mayotte retient leur attention. Mais ce soir, ils n’auront pas à y faire face. La soirée s’est déroulée dans le calme. Rien à signaler. Ou pas encore en tout cas. 

Vers minuit, le convoi reprend donc la route de l’hôtel Sakouli. À Iloni, le stade et les bords de route se sont vidés. Pourtant, quelques centaines de mètres après, c’est de la pénombre de la brousse que viendra un nouveau jet de pierre. Un gros caillou cette fois, n’empêchant pour autant pas le camion de poursuivre sa route. Savent-ils alors, ces jeunes, que les mobiles rentrent à l’hôtel ? Cela se pourrait : “Ils nous observent, guettent nos allers-venues pour pouvoir sortir ensuite”, a constaté l’un d’eux durant son séjour ici. Une fois à l’hôtel, il s’agit alors de décharger et ranger le matériel. Après cela, ils pourront débuter leur nuit et se préparer à la quatorzaine qui les attend à leur retour en métropole, dans un camp militaire. Mayotte étant en zone rouge, leur périple n’est pas encore tout à fait fini. 

Sur le chemin du retour à Mamoudzou, à hauteur de la Brigade territoriale autonome de la gendarmerie départementale, les phares de notre voiture éclairent soudainement un panneau au milieu de la route. Il n’est pas seul : celui indiquant la direction de la gendarmerie a été arraché et posé lui aussi sur la voirie. Comme deux autres. Un barrage improvisé destiné à arrêter les véhicules et en dépouiller les conducteurs et passagers. Nous accélérons en slalomant entre les obstacles et passons sans mal. Coup de fil au capitaine Colombet, qui enverra une équipe sur place. Ils nous l’avaient bien dit, les mobiles : en termes de sécurité, à Mayotte, nul ne saurait être prophète.

Ouverture des écoles à Mayotte : “le rythme c’est de ne pas aller trop vite”

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Ouvriront ou n’ouvriront pas ? C’était la question que tout le monde se posait la semaine dernière. Après deux reports des ouvertures des écoles à Mayotte, la décision était très attendue par l’ensemble des agents de l’Éducation nationale et les familles. Même si la décision finale revient aux maires, le rectorat s’est fortement mobilisé pour permettre une reprise cette semaine. 

“Compte tenu de la situation locale, et de l’augmentation du nombre de cas, on ne peut pas prendre le risque d’ouvrir ces écoles. Il y a plus de risques à attraper le virus maintenant à l’école qu’il y a deux mois” annonce d’emblée Rivomalala Rakotondravelo, secrétaire départemental du syndicat de l’enseignement du premier degré SNUipp FSU. Pourtant Gilles Halbout, le recteur de Mayotte, n’est pas du même avis. Il estime que “ce n’est ni aux maires, ni au rectorat, ni aux syndicats d’évaluer les risques épidémiologiques. Cela ne fait pas partie de leur compétence ni de la mienne.” Selon lui seul, le gouvernement peut assumer cette responsabilité et donner le feu vert. Et il a été donné le week-end dernier par le préfet. Avec l’autorisation des maires, une vingtaine d’écoles accueillent dès aujourd’hui un nombre d’élèves très limité. Ces établissements devront respecter quatre principes qui sont le maintien de la distanciation physique, l’application des gestes barrières, la limitation du brassage des élèves et le nettoyage et la désinfection des locaux et matériels. Pour le recteur, l’objectif n’est pas de se précipiter, mais plutôt d’accompagner les communes à respecter le protocole sanitaire. “On sera plus prudents que les élus eux-mêmes. On aimerait ouvrir entre 15 et 20 écoles la première semaine puis monter à 50 la deuxième semaine, pour arriver à une moitié des écoles pour les quatre dernières semaines. Le rythme c’est de ne pas aller trop vite”, indique Gilles Halbout. Malgré toute la mobilisation de l’Éducation nationale qui a reçu 300.000 nouveaux masques chirurgicaux et 1,5 tonne de gel hydroalcoolique la semaine dernière, les syndicats des enseignants, les parents d’élèves et certains maires ne sont pas rassurés. Ils considèrent que beaucoup de questions restent encore sans réponses. La désinfection des salles de classe semble être la plus préoccupante puisqu’elle a été évoquée à plusieurs reprises. “Ces salles de classe doivent être désinfectées plusieurs fois par jour. Il faut des agents pour cela et le rectorat n’en dispose pas assez pour assurer cette mission. De plus, il doit y avoir des formations à la désinfection, car c’est une opération particulière avec des produits adéquats. Il ne s’agit pas simplement de nettoyer la classe”, précise Henri Nouiri, responsable départemental du SNES-FSU, syndicat des enseignants du second degré. À cela s’ajoutent les problématiques de points d’eau dans les établissements, le contrôle de la température des élèves chaque matin ou encore le respect de la distanciation physique dans les collèges et lycées qui sont tous surpeuplés à Mayotte. “On y va avec une grande prudence pour les établissements du second degré. On prendra un élève sur deux”, affirme le recteur. 

Préparation de la nouvelle année scolaire 

Tous ces questionnements et les réponses apportées permettent surtout de préparer la rentrée 2020. L’Éducation nationale doit désormais apprendre à composer avec l’épidémie sur le long terme. Pour cela, le temps est précieux. “Il ne faut pas reporter à dans deux mois ce qu’on peut faire maintenant. Ce n’est pas à partir du 15 août qu’on va commencer à mettre les écoles aux normes pour le 23. Tout ce que nous faisons maintenant est aussi une manière de préparer la prochaine rentrée qui de toute manière sera différente des autres”, explique Gilles Halbout. Son ambition est de mettre aux normes les 184 écoles de l’île pour la rentrée de fin août. Du côté des syndicats, les responsables sont plutôt dubitatifs. “Compte tenu des moyens que l’on connait dans les établissements, le protocole sanitaire est difficilement applicable. Néanmoins si on ne l’applique pas, on prend des risques et nous ne pouvons accepter cela”, prévient Henri Nouiri du SNES-FSU. 

Même son de cloche pour le SNUipp FSU. “Le rectorat peut toujours faire un passage en force, mais nous serons très vigilants pour vérifier si les normes sont respectées. On ne fera plus de bricolage”, avertit Rivomalala Rakotondravelo. Il est également important de préparer les élèves à leur nouveau quotidien à l’école. Raison pour laquelle la reprise à quelques semaines des vacances scolaires serait nécessaire. Les élèvent pourront apprendre les nouveaux gestes à adopter à l’école et connaîtront les règles. Le recteur de Mayotte est conscient des réticences qui fusent de toutes parts, et il se veut rassurant. “Il faut être vigilant, mais il ne faut pas non plus être catastrophique. On prépare la rentrée avec beaucoup de prudence et de raison. On ne fait pas prendre de risques aux enfants.”

“Les Mahorais doivent expliquer aux décideurs parisiens que Mayotte c’est la France au même titre que les autres départements”

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Il est écrivain, ancien syndicaliste, et surtout amoureux de son île. Soulaimana Noussoura a consacré toute sa vie à défendre les intérêts de Mayotte. Aujourd’hui, la crise qui traverse l’île le pousse à lancer un nouvel appel. Un appel à l’aide, un appel à la raison, un appel à changer les choses. 

Flash Infos : Vous avez récemment écrit une lettre à destination des Mahorais où vous apportez quelques remèdes aux nombreux maux de Mayotte. Quel est l’objectif de cette lettre ? 

Soulaimana Noussoura : J’ai écrit cette lettre quand la ministre des Outre-mer est arrivée la semaine dernière, car je considère que Paris a du mal à ouvrir les yeux concernant notre île et Mayotte fait beaucoup trop de bruit. Paris doit arrêter de dormir et Mayotte doit arrêter de faire du bruit pour rien. Le train est déjà en marche. Pour que l’on puisse le rattraper, il faut se mettre au travail et créer une passerelle afin d’y entrer. 

FI : Vous dites qu’un développement économique n’est viable que si la finalité est sociale. Qu’entendez-vous par cela ? 

S. M. : Je suis de ceux qui disent que le monde est devenu fou parce que le monde a oublié cette vision des choses. Les anciennes générations se sont battues pour qu’on ait ce que nous avons aujourd’hui afin de rendre la vie plus vivable. Un développement économique doit être pensé pour améliorer la qualité de vie des Hommes. Mais aujourd’hui, certains considèrent qu’ils peuvent avoir toujours plus d’argent même si à côté d’autres meurent de faim. Cela crée un déséquilibre dans la société. 

FI : Selon vous est-ce que cette théorie est appliquée à Mayotte ? 

S. M. : À Mayotte non plus nous ne considérons pas que le développement économique doit être pensé pour l’humain. À notre époque, nous ne devrions pas avoir ici des gens qui n’ont pas d’eau, pas d’électricité, qui ne peuvent pas se soigner, qui ne peuvent pas aller à l’école ou qui ne se sentent pas en sécurité chez eux. Le potentiel qu’a le monde aujourd’hui peut permettre à chacun de vivre convenablement, mais ce n’est pas ce qui anime tout le monde et c’est regrettable. 

FI : Dans votre lettre, vous évoquez un plan Marshall pour Mayotte. En quoi consiste-t-il ? 

S. M. : C’est une théorie que je défends depuis 2009-2010. Le plan se présente en 5 points. À l’époque, seulement 25 % de la population avait un emploi. Il fallait que le plan Marshall emmène ce pourcentage à 51 % au bout de 10 ans. La communication sous toutes ses formes est également un point essentiel. Il faut par exemple mettre tous les moyens pour que nous ne passions pas autant d’heures sur la route et diminuer les embouteillages. L’autre point essentiel est le développement de l’autosuffisance alimentaire. Enfin, il faut que les autorités mettent en place un plan habitat sur une trentaine d’années afin d’éradiquer les habitats précaires et que chacun puisse avoir un logement convenable. 

FI : Comment pourrions-nous développer l’autosuffisance alimentaire chez nous ? 

S. M. : Mayotte se développe et devient de plus en plus attractive. Il y a donc de plus en plus de personnes sur l’île. Nous devons nous préparer à nourrir tout le monde et cela passera pas l’agriculture. Il faut encourager les gents à s’y intéresser. Nous pouvons aussi passer des conventions avec les pays de la région pour des productions bien ciblées. 

FI : Vous parlez également de dynamique économique permettant de créer des emplois. De quelle façon pouvons-nous concrétiser ce concept ? 

S. M. : Il n’est pas normal que sur un territoire français, plusieurs membres de la même famille n’aient pas de travail. Il y a une quinzaine d’années, dans le plan Marshall, je parlais de créer une dynamique pour que dans 10 ans au moins 51 % de la population en âge de travailler ait un travail. Pour cela, il faut en premier lieu que les enfants aillent à l’école parce que chaque Français doit avoir les connaissances de base. Nous devons ensuite identifier les métiers en tension et former les jeunes pour qu’ils occupent les emplois qui existent. Enfin, les entreprises et les collectivités doivent faciliter les diplômés à s’insérer dans le monde du travail. 

FI : Une décennie plus tard, avez-vous l’impression que la situation a évolué telle que vous l’envisagiez dans le plan Marshall pour Mayotte ? 

S. M. : Nous n’avons pas fait le boulot. Il n’y a pas de plan pour le développement de Mayotte et l’évolution de sa population. Le boulot n’a pas été fait du côté de l’État, mais il n’a pas non plus été fait du côté des Mahorais. Nous devons expliquer aux décideurs parisiens que Mayotte c’est la France au même titre que les autres départements. Notre territoire était comme un bébé qui acceptait ce que nous lui donnions au début parce qu’il n’avait pas le choix et c’était suffisant. Aujourd’hui, le bébé a grandi et a besoin de plus pour s’épanouir, ce que nous lui donnons ne lui suffit plus pour vivre. 

FI : Existe t-il cependant un moyen pour réparer la situation ? 

S. M. : Oui nous avons les moyens d’y remédier, et la première chose à faire est d’inciter les jeunes à étudier afin d’avoir plus d’ingénieurs. J’ai envie de voir des Mahorais qui sont préfets, des Mahorais ministres, des Mahorais qui prennent leur place au sein de la République.

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