Les aventures de l’agent 2K et de son ennemi juré Moilim reprennent de plus bel dans le troisième épisode de la série FBI Mayotte, diffusé le week-end dernier. Les réalisateurs, Naftal Dylan et Mass Youssoufa, ont vu les choses en grand avec un épisode de 20 minutes. Ils veulent désormais passer à l’étape supérieure et réaliser toute une saison, à condition que les financeurs soient au rendez-vous.
L’épisode 2 de FBI Mayotte avait tenu les fans de la série en haleine. L’agent 2K allait-il pouvoir éviter la bombe installée par son ennemi Moilim ? Les téléspectateurs ont la réponse dans le troisième épisode de la série. Comme à leur habitude, les réalisateurs Naftal Dylan et Mass Youssoufa, mettent leurs personnages dans tous les états. Entre peur, suspense, surprise, rire, action, on n’a pas le temps de s’ennuyer durant les 20 minutes qui composent l’épisode. 20 minutes, c’est le double de l’épisode précédent.
Après un tel succès, les réalisateurs ne pouvaient faire autrement. “On a reçu beaucoup d’encouragement, alors on voulait mettre la barre encore plus haut et faire un épisode plus long afin de montrer qu’à Mayotte aussi on a du talent et les compétences pour faire une série de qualité 100% made in Mayotte”, sourit Naftal Dylan. Mission réussie pour le jeune homme et son associé. FBI Mayotte n’a rien à envier aux séries policières diffusées sur les chaînes nationales. La qualité des images est indéniable. Le scénario, qui mêle le suspense, les scènes d’action, et l’humour, capte l’attention du spectateur de la première à la dernière minute.
Financer un projet d’une plus grande envergure
Naftal Dylan et Mass Youssoufa sont deux passionnés qui pourraient travailler sans compter les heures. Mais pour continuer à réaliser et produire des épisodes de qualité, il leur faut plus de moyens. “Je ne peux pas me concentrer sur un projet de cet ampleur sans financement. L’idéal est d’avoir un budget pour embaucher plus de techniciens et un scripte, pour nous soulager de certaines tâches. Ainsi, mon associé et moi pourrions vraiment nous concentrer sur la réalisation et le scénario”, souligne Naftal Dylan. Pour l’heure, tous ceux qui ont participé à la série, l’ont fait bénévolement. Cela implique forcément quelques difficultés de planning. “Tout le monde travaille à côté puisqu’ils ne sont pas payés. Alors on a dû tourner sur les temps libres de chacun. Coordonner les plannings était notre plus grosse difficulté”, affirme le réalisateur. Avec un financement, ce dernier pourra payer toute l’équipe de tournage et la mobiliser plus longtemps.
Les deux réalisateurs n’hésitent pas à toquer aux portes de ceux qui peuvent les aider à l’exemple du conseil départemental, de la direction des affaires culturelles, ou encore des chaînes de télévision. Ils ont reçu beaucoup de promesses mais “tant que ce n’est pas signé, on ne peut être sûr de rien”, se méfie Naftal Dylan. L’objectif est de réussir à financer une série de 10 épisodes de 30 minutes à chaque fois. Des fans ont proposé de mettre la main à la poche, mais le jeune homme refuse l’idée. “Ce n’est pas à eux de payer pour cela.”
Selon lui, les institutions territoriales ont tout intérêt à supporter son idée car à travers FBI Mayotte, il redore à sa façon l’image de l’île et en fait sa promotion. “On va mettre en avant notre culture, le tourisme, la gastronomie, etc. De plus, si ça aboutit, je vais créer de l’emploi pendant 6 à 7 mois, donc tout le monde sera gagnant.” Une chose est sûre, la série a déjà trouvé son public. En l’espace de 3 jours, le troisième épisode a comptabilisé près de 17.000 vues, seulement sur Instagram. Nul doute qu’elle ratissera large si elle est diffusée un jour à la télévision.
La psychologue mahoraise Rozette Yssouf a publié au mois de décembre dernier aux éditions Edilivre un ouvrage sur la problématique des violences conjugales. Intitulé « Femmes victimes de violences conjugales : quel cadre thérapeutique pour favoriser le processus de résilience ? », ce recueil s’interroge entre autres sur les différents moyens que possèdent les femmes pour sortir du cercle vicieux de cette violence et reconstruire leur vie.
Comment se servir d’un vécu difficile pour en faire une force ? C’est la question que se pose la psychologue Rozette Yssouf dans son ouvrage «Femmes victimes de violences conjugales : quel cadre thérapeutique pour favoriser le processus de résilience». En effet la résilience, terme propre à la psychologie, consiste justement à sublimer les traumatismes du passé pour reconstruire sa vie sur de nouvelles bases, plus saines. Le recueil est en réalité issu du mémoire de M2 en psychologie que Rozette Yssouf a soutenu à La Réunion en 2011. Pour ses recherches, elle s’est basée sur les témoignages de femmes victimes de violences conjugales venues trouver refuge au sein de l’association «Femmes Solid’Air», dont les principales missions sont l’accueil, l’écoute et l’accompagnement des femmes victimes de ces violences. Ces dernières peuvent être de type physique, psychologique, verbal ou économique.
«Certaines femmes que j’ai interrogées ont perdu jusqu’à 60 ans de leur vie aux côtés d’un mari qui les maltraitait», précise Rozette Yssouf. Le but principal de l’association «Femmes Solid’Air» est de reconstruire les liens sociaux et familiaux des victimes afin qu’elles puissent reprendre le cours normal de leur vie. En effet, la violence conjugale va presque toujours de pair avec un isolement social orchestré par l’époux. «Il est très difficile pour une femme de se sortir de ce genre de situation car la plupart d’entre elles croient que leur mari les aime malgré leur comportement violent», explique la psychologue. «Pour qu’elles réalisent qu’il ne s’agit pas d’amour, il leur faut un déclic qui peut parfois venir d’une personne extérieure au couple ou parfois d’une peur que le mari ne s’en prenne aux enfants», indique-t-elle.
Se défaire du «mythe du prince charmant»
S’il peut paraître insensé au commun des mortels que certaines femmes restent aux côtés de maris violents pendant parfois plusieurs dizaines d’années, Rozette Yssouf éclaire sur ce comportement au sein de son ouvrage. «Les femmes victimes de violences conjugales sont souvent en situation de carence affective ou en proie à un complexe abandonnique. Leur point commun, c’est la mauvaise estime qu’elles ont d’elles-mêmes», affirme la psychologue qui explique le mécanisme de domination mis en place par les maris violents. «Au départ, ils se comportent comme des princes charmants, séduisent ces femmes et lorsque les premières violences surviennent, ils expliquent qu’il ne s’agit que «d’un accident». Les femmes les croient et le cercle vicieux «lune de miel/violences» recommence éternellement», affirme Rozette Yssouf qui recommande aux femmes de «partir dès les premiers signes de violences car elles ne s’arrêteront jamais».
Si la chercheuse reconnaît que certains hommes sont également victimes de violences conjugales, elle assure néanmoins que ce type de situation concerne en très grande majorité des femmes. Pourquoi ? Car elles seraient victimes du «mythe du prince charmant» que la société leur a mis dans la tête dès leur plus tendre enfance. Les femmes tombent en effet plus facilement amoureuses que les hommes, car on leur a affirmé depuis toujours que c’était la clé d’une vie de femme réussie. Résultat des courses, elles se laissent beaucoup plus facilement dominer et agresser en imaginant qu’elles font cela «par amour».
Quid de Mayotte ?
Le livre de Rozette Yssouf traite des violences conjugales en général, mais que pense-t-elle de ce qui se passe sur son île d’origine ? «La situation inégalitaire entre les hommes et les femmes est déjà très présente en métropole et à La Réunion, mais à Mayotte elle est encore plus flagrante», précise la chercheuse qui explique que sur l’île aux parfums, les hommes n’ont que très peu de respect pour les femmes et «se croient tout permis». La faute à une éducation très patriarcale menée par les pères mais également par les mères qui ont tendance à protéger leurs époux… «Les femmes victimes de violences conjugales sont très peu soutenues à Mayotte car la société est dans le déni de ce qui se passe», déplore Rozette Yssouf qui compte continuer son combat en sortant d’autres bouquins sur le thème des inégalités entre les hommes et les femmes dans la société.
Originaire de Mayotte, la Docteure en psychologie clinique, Rozette Yssouf, vit et travaille actuellement en Bretagne.
Depuis le déploiement des tests antigéniques, les reconduites à la frontière ont repris à un rythme effréné. Alors que les cas positifs sont relâchés dans la nature, plusieurs voix s’élèvent sur la gestion du centre de rétention administrative où des risques existent toujours bel et bien. De son côté, la préfecture et la direction territoriale de la police aux frontières assurent que toutes les mesures sanitaires sont appliquées à la lettre.
Samedi. 10h30. Face aux rumeurs concernant le non-respect des conditions sanitaires au centre de rétention administrative, l’autorité préfectorale déploie le tapis rouge en un temps record pour proposer une visite guidée du bâtiment mis en service en 2016. Quelques minutes plus tard, un groupe en instance d’éloignement monte dans le bus pour être amené vers le bateau qui doit les « rapatrier » à Anjouan. « Nous leur donnons tous un masque neuf en tissu au moment de leur départ », glisse le commandant Dominique Bezzina, le chef du centre, au moment de continuer son chemin vers l’une des six zones, choisie au hasard. En théorie, chaque « retenu » reçoit un masque chirurgical lors de son arrivée, s’il n’y a pas de rupture de stock. Car la réalité est tout autre sur le terrain… Et puis, de toute façon, « ils ne le mettent pas, pourtant Dieu sait qu’on leur dit ! », insiste celui qui est à la tête du CRA depuis 18 mois.
Depuis la reprise des reconduites à la frontière le 6 août dernier, le flux d’étrangers en situation irrégulière au sein de la structure explose littéralement, dont la conséquence directe est l’ouverture de cinq locaux de rétention administrative pour éviter la surpopulation de l’antenne principale qui a une capacité d’accueil de 136 individus. « [Ils] ont été un peu plus utilisés entre septembre et mi-décembre », avoue Nathalie Gimonet, la sous-préfète en charge de la lutte contre l’immigration clandestine.
Les cas positifs renvoyés dans la nature
Or, en période de crise sanitaire, le nombre vertigineux d’interpellations interroge. Comment expliquer un tel rouleau compresseur ? L’appât du chiffre selon Aldric Jamey, secrétaire départemental d’Alternative Police. « Tout le monde est débordé, c’est vraiment le gros bazar ! Les collègues tournent comme des avions de chasse pour atteindre l’objectif de plus de 30.000 expulsions en 2021. » Dans ces conditions, comment s’assurer que les va-et-vient ne multiplient pas la propagation du virus ? « Avec les tests antigéniques [déployés le 15 décembre], il n’y a plus de brassages entre les potentiels positifs et négatifs. Avec les PCR, nous n’avions pas le choix car il fallait attendre 24 heures pour avoir les résultats », justifie Nathalie Gimonet, qui avance un taux de positivité de l’ordre de 5-6% depuis le début du mois de janvier. Sauf que sa fiabilité laisse à désirer et que la contamination a pu se faire quelques heures plus tôt lors de la traversée en kwassa-kwassa… Et donc passer sous le radar !
Pour les cas détectés, l’heure est à l’attente dans l’une des deux salles de mise à l’écart prévues à cet effet, avant le transfert au centre d’isolement de Mlézi Maoré situé à Cavani, pour empêcher toute contamination massive. « Là bas, ils retrouvent le droit commun et sont traités comme tout patient. Nous leur conseillons de respecter la septaine. Si des personnes partent très rapidement, d’autres y restent deux ou trois jours », ajoute-t-elle. Avant la fin de leur rétention, l’unité médicale du CRA, issue du centre hospitalier, les sensibilise à la maladie. « Nous n’avons pas de moyens de contrainte », regrette le commandant Dominique Bezzina. Le risque de transmission auprès de la population n’est donc pas que racontars !
Pas d’alerte sur le plan sanitaire ?
Pour les autres, direction l’une des ailes (hommes, femmes ou familles) de rétention. « Le CRA est devenu une plateforme à Covid », tance l’une des juristes qui souhaite garder l’anonymat. « Les mesures ne sont pas respectées, ça nous met en péril, tout comme les ESI (étrangers en situation irrégulière ndlr) et les personnels administratifs. » Conséquence : l’accueil dans leurs bureaux est suspendu jusqu’à nouvel ordre. Pourtant, les responsables vantent le ménage des pièces trois fois par jour ainsi que la désinfection systématique après chaque « extraction ». « Pour limiter la transmission, nous distribuons les repas dans les zones », concède le chef du centre. Au lieu de la cantine donc. Soit une précaution supplémentaire, alors que le public est, dès lors, censé être négatif… « J’ai appelé les deux associations avec qui nous travaillons (Mlézi Maoré et Solidarité Mayotte). Aucune des deux directions ne m’a alertée sur le plan sanitaire », s’étonne Nathalie Gimonet. Difficile dans cette situation de démêler le vrai du faux…
Une chose est sûre, le rythme effroyable des reconduites à la frontière pèse sur le moral des effectifs, qui tournent par brigade de 30 agents. « Ce n’est pas possible à gérer. Ils sont usés physiquement et mentalement. Si rien ne change, il va y avoir un gros pétage de câble. Certains partent en dépression, d’autres sont contaminés [cinq nouveaux cas ont été confirmés vendredi dernier, ndlr] », assure Aldric Jamey. « Nous préparons une intervention syndicale au niveau du bureau national pour que la direction centrale de la PAF soit mise en au courant et fasse le nécessaire. Il faut fermer les LRA et faire tourner le CRA dans des jauges acceptables. » De son côté, le commandant Dominique Bezzina rappelle que les gestes barrières sont respectés à la lettre et que le contact tracing est appliqué comme dans n’importe quel milieu professionnel. Un arrêté en date du 25 janvier prévoit également que les policiers soient exemptés de septaine à leur arrivée sur le territoire. « Quand nous sommes cas contact et que nous ne présentons pas de symptômes, nous devons continuer à travailler », ajoute le secrétaire départemental, même si cette directive ne semble pas officielle.
En soi, le centre de rétention administrative fait, comme à son habitude, énormément jaser. Si certains se réjouissent d’une reprise accrue des reconduites, après une année 2020 en demi-teinte, d’autres voix s’élèvent contre le traitement sanitaire réservé aux personnels et aux personnes en situation irrégulière. Et l’arrêté pris ce samedi 29 janvier par le gouverneur de l’île d’Anjouan, stipulant que « tout mouvement de bateau de transport de passagers en provenance de Mayotte est suspensdu jusqu’à nouvel ordre », ne risque pas d’arranger les affaires des uns et des autres.
Alors que trois communes, Bouéni, Dzaoudzi-Labattoir et Pamandzi, viennent d’être reconfinées à cause de la hausse inquiétante des cas de Covid-19 dans leur population, le reste du département vit toujours sous la règle du couvre-feu, instaurée par la préfecture le 21 janvier. Une semaine après la mise en place de cette nouvelle mesure, le message semble être passé. Reportage avec la police municipale de Mamoudzou.
19h53, flexion de genou numéro 1. Accroché d’une main au panneau “Cédez le passage”, l’agent de police municipale qui attend les voitures en provenance de Mamoudzou centre fait le flamand rose. De quoi reposer son pied droit. Puis le gauche. Bientôt deux heures que le couperet est tombé, et aucune lueur de phare ne traverse en cet instant l’obscurité de cette portion de route.
Cela fait déjà une semaine, et l’instauration du couvre-feu le 21 janvier, qu’Anfane M’Godo, le directeur de la prévention et de la sécurité urbaine par intérim de la police municipale de Mamoudzou, et sa brigade de nuit surveillent le rond-point SFR, en lien avec les équipes de la police nationale. “À priori, nous savons qu’ils sont postés au rond-point de la barge, donc les automobilistes qui arrivent de ce côté ont déjà été contrôlés”, explique le chef pour justifier la répartition de ses gars, en bas de la côte Sogea. Une coordination rendue possible par le pacte de sécurité signé en octobre 2020 entre la mairie et la préfecture, précise quant à lui Malidi Mlimi Saïd, l’élu chargé de la sécurité à la commune chef-lieu, venu faire son troisième check-up du dispositif.
37 agents à faire tourner pendant 24h
Campés devant la boutique SFR, ce sont donc six à sept agents de la police municipale qui sont mobilisés sur ce poste fixe, de 18h à 2h du matin, avant d’être relayés par la police nationale pour la fin du couvre-feu. Une nouvelle note de service est toutefois venue réajuster le dispositif mercredi soir. À compter de ce jeudi, la bande doit garder les yeux ouverts jusqu’à 4h du matin, afin de “dégager les équipes qui devaient nous remplacer pour leur permettre de faire des rondes dans les villages”, poursuit Anfane M’Godo. Roulement et temps de travail obligent, le chef de la police envisage donc de réduire sa patrouille nocturne à quatre hommes, pour ne pas se retrouver en sous-effectifs pendant le reste de la journée. Entre les formations des uns et les congés des autres, difficile d’avoir la totalité de ses 37 agents sur le pont matin, midi, soir et nuit…Surtout qu’au rond-point, la consigne du couvre-feu a plutôt bien imprégné les esprits.
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350 contraventions
Mais il n’en est pas forcément de même dans les hauteurs reculées de Kawéni. “Là-bas, il faut sans doute retravailler un peu le dispositif, car il y a encore des jeunes qui ne respectent pas la consigne”, fait valoir Malidi Mlimi Saïd. Comme pour lui donner raison, trois ou quatre adolescents un brin oisifs balancent leurs guiboles sur un muret à une dizaine de mètres de là. Mise à part cette petite troupe, ceux qui font vrombir leurs moteurs devant les agents de police semblent avoir une bonne raison d’être là, pour la plupart. “Au tout début, nous avons eu quelques contraventions, parfois jusqu’à une dizaine par nuit”, retrace Anfane M’Godo. Désormais, entre la valse des camions Colas et SMTPC, les pompiers et les livreurs en scooter, rares sont les badauds qui s’aventurent dans la nuit sans leur précieuse attestation. Les 40 fonctionnaires de police mobilisés pour faire appliquer la nouvelle restriction – et au moins autant chez les gendarmes – y sont sans doute un peu pour quelque chose. Bilan des courses, à J+7 : plus de 4.000 véhicules sont passés sous la lampe-torche, pour un résultat de 350 contraventions. Soit, à 135 euros l’amende, un joli pactole de 47.250 euros, qui devrait a priori être rétrocédé à la collectivité et aux communes.
Perdus dans les attestations
Mais la jauge baisse. Ce jeudi soir au rond-point SFR, les habitués défilent, prévoyants pour la plupart. Comme cet homme qui colle automatiquement sa pochette plastifiée toute préparée à la vitre, l’autre main sur le volant de sa petite Clio, presque sans un regard. Ou cette équipe de boulangers, qui passe visiblement tous les soirs. “Eh, vous nous faites du bon pain !”, hèle l’un des fonctionnaires de Mamoudzou, sans prendre la peine de passer la tête par la vitre baissée. Un ou deux chanceux parviennent quant à eux à passer entre les mailles du filet. “Ça c’est l’attestation du confinement, là on vous contrôle pour le couvre-feu…”, tente d’expliquer le policier, pédagogue. L’histoire ne dit pas si le document présenté par le fautif venait de Bouéni, aujourd’hui reconfinée, ou du premier confinement de 2020… Outre ces quelques surprises, le temps passe lentement pour la patrouille. “Avec ce travail de nuit, ma femme me dit qu’on ne se voit plus !”, soupire l’un. “C’est vrai que c’est long. Mais bon, il faut qu’on soit là”, renchérit l’autre. Bon élève.
Sentiment d’abandon, perte de confiance, envie de se faire justice soi-même… Les Mahorais arrivent à point de non-retour. La violence croissante étouffe l’île et aucune solution apportée par l’État ne semble efficace à long terme. Et si le problème était plus profond ? Les délits et crimes dont le peuple mahorais est témoin actuellement sont les fruits d’années de négligence de la part des différentes autorités présentes sur l’île. Aujourd’hui, la population n’a plus confiance dans le système judiciaire français, qui ne semble plus adapté à la situation chaotique de Mayotte.
“Justice à deux vitesses”, “On n’a plus confiance en la justice”, “La justice encourage les délinquants”… Ce florilège de commentaires, du genre qui tourne en boucle sur les réseaux sociaux à chaque épisode de violences, reflète plutôt bien l’état de l’opinion publique mahoraise. Une opinion teintée de ressentiment depuis ces dernières années. Les Mahorais, pourtant si attachés à la France, grincent des dents dès qu’il s’agit de sa justice, jugée trop peu efficace face à la situation ingérable que traverse l’île. Tant et si bien que beaucoup appellent désormais au boycott du droit commun français… voire à la vengeance. Crue, s’il-vous-plaît. Un sentiment justifié ? Affirmatif, répondent sans détour un bon nombre d’observateurs de la société mahoraise. À l’exemple de Said Ali Mondroha, chargé d’études et de recherches au sein du conseil cadial. “Lorsque la justice attrape un délinquant, au lieu de prendre les choses en mains rapidement et de donner des peines exemplaires, elle prend tout son temps et est trop laxiste. Si l’État faisait son travail, les gens n’auraient pas envie de se faire justice eux-mêmes.” Les Mahorais ont choisi d’être libres en décidant de rester français, rappelle-t-il. Ironie du sort, ils ne sont plus libres aujourd’hui de vaquer à leurs occupations, sans craindre de se faire arracher leur sac, sans se faire caillasser, ou pire… Le week-end de violences en Petite-Terre la semaine dernière, où trois personnes ont perdu la vie, en a fait une cruelle piqûre de rappel. Inédit, même à Mayotte.
L’occasion de jeter un petit coup d’œil dans le rétro. Car, nous assure-t-on, à une époque pas si lointaine, l’île aux parfums passait même pour un territoire calme et paisible ! Vraiment ? “Tout cela n’a pas été vécu par le passé. Le peuple mahorais était très harmonieux. Nous sommes un peuple qui n’a pas beaucoup souffert, contrairement aux autres pays d’Afrique par exemple”, rembobine Salim Mouhoutar, écrivain mahorais qui a traité la question à plusieurs reprises.
Les origines du mal
Pour comprendre le phénomène, il faut un peu remonter le temps. Au moins jusqu’à la fin des années 1990, début des années 2000. “À partir de ces années, des parents ont été expulsés et des mineurs ont été laissés sur le territoire, seuls. Ils n’ont pas été pris en charge assez tôt. Il aurait fallu les encadrer dans des structures d’accueil ou les envoyer avec leurs parents. Au fil du temps, ces mineurs du début des années 2000 se sont constitués en bande organisée, vivant de violence, de racket, de mendicité. Nous avons fermé les yeux. Donc nous récoltons notre négligence d’il y a 15-20 ans”, analyse Elad Chakrina, avocat à la Cour. Ces délinquants qui n’étaient que des enfants ont appris à vivre avec leurs propres réglementations, leurs codes, sans aucune autorité pour les encadrer. Parents absents, structures institutionnelles qui ne prennent pas leurs responsabilités, autorités religieuses non compétentes… Un cocktail explosif, qui a généré un sentiment de toute puissance. La bombe à retardement aura fini par éclater en 2011. “Lorsque nous avons eu la grève de 2011, il y a eu des barrages érigés un peu partout. Cela a été l’occasion pour ces mineurs qui n’étaient pas regardés de s’en donner à cœur joie pour racketter. Nous n’avons jamais fait le bilan des casses qu’il y a eu, et les personnes qui ont commis ces actes n’ont jamais été sanctionnées”, se souvient Elad Chakrina. Ces jeunes délinquants se sont par la suite adonnés à tous types de violences, terrorisant peu à peu les habitants de l’île. Depuis, Mayotte doit jongler entre des périodes d’accalmie et d’autres, où délinquance et criminalité repartent en flèche.
Système judiciaire français inadapté à Mayotte
Depuis le début des années 2000, les mineurs isolés se sont accrus de manière considérable. Officiellement, on en recense 3.000. Un chiffre bien en deçà de la réalité, selon l’avocat. Et la croissance démographique n’arrange pas les choses. Le système serait dépassé par l’ampleur de la situation. Les moyens humains au tribunal et au sein des forces de l’ordre ne suffisent plus pour traiter les dossiers et encadrer la société. “À la base, il s’agissait d’effectifs pour gérer un territoire d’environ 200.000 habitants mais pas de 400 à 500.000 habitants. Ce n’est pas que le système judiciaire ne fonctionne pas, mais le nombre croissant d’actes délictuels commis sur le territoire rend plus difficile leur traitement chaque jour qui passe. Il faudrait davantage de magistrats et de forces de l’ordre pour un territoire réellement de 400.000 habitants”, fait valoir Elad Chakrina.
Du point de vue cadial, les services de l’État n’ont pas su relever le défi de la sécurité. “L’État n’apporte pas la paix sur cette île. Il est trop laxiste et c’est ce qui nous embête. Il doit faire son travail et nous (le conseil cadial) nous faisons le nôtre : conseiller”, abonde Said Ali Mondroha. Même lorsque les juges prononcent des peines de prison, elles ne semblent pas assez répressives. C’est un fait, la case prison ne fait plus peur aux jeunes délinquants qui sévissent à Mayotte. D’ailleurs, les juristes notent au contraire une augmentation des récidives. “Il semblerait que les conditions d’emprisonnement sur un territoire français, ne sont pas assez dissuasives par rapport au mode de vie de ces délinquants quand ils sont libres. Le centre pénitentiaire de Majicavo propose davantage d’insertion que lorsqu’ils sont à l’extérieur, livrés à eux-mêmes. Ils mangent à leur faim, ils sont soignés, ils ont une possibilité de pouvoir travailler et s’instruire” décrit Elad Chakrina. Et lorsque ces prisonniers sont libérés, ils retrouvent leurs gangs et s’adonnent une nouvelle fois à leurs activités.
Système judiciaire traditionnel mahorais désuet
Le droit commun français arrivé à Mayotte en 2007 n’est pas efficace. Soit. Le problème ? La justice islamique ou traditionnelle ne l’est pas non plus. La société mahoraise s’articule autour de valeurs que sont la communauté et la spiritualité. Elle est d’ailleurs fortement influencée par l’Islam. Un Islam tolérant qui n’applique pas la charia. Et dont le principal objectif est de maintenir la paix sociale. Cette dernière étant ébranlée, la société est désordonnée et la population, autrefois paisible, veut créer ses propres règles au détriment de ce que préconise l’Islam. « Aucune violence n’est autorisée dans aucune religion, encore moins dans l’Islam. Il est interdit de se faire justice soi-même. Il faut plutôt aller porter plainte auprès des autorités compétentes. Se venger n’est pas digne d’un musulman”, souligne le conseiller cadial. Une interdiction difficile à entendre pour les Mahorais qui pointent du doigt l’inaction de l’État et la lenteur des procédures judiciaires sur le territoire. Mais Said Ali Mondroha reconnaît que lorsque ces mêmes autorités “ne prennent pas en compte la douleur du plaignant”, ce dernier perd logiquement toute confiance en la justice. La légitime défense est cependant autorisée dans la religion musulmane. “Il faut que la personne attaquée se défende au moment où elle est attaquée. Et si elle ne le fait pas, elle aura des péchés”, rappelle le Said Ali Mondroha.
Quant aux procédures infra-judiciaires mahoraises, elles sont aujourd’hui dérisoires au vu de la situation qui s’aggrave chaque jour. “Souvent dans les conflits, on fait référence à Dieu pour qu’il statue, pour qu’il prononce une peine. On fait par exemple le “Badri” (prière)”, explique Salim Mouhoutar. Il y a ensuite le “Soulouhou” qui est la réconciliation. “C’est une procédure qui va inciter le plaignant et le coupable à faire la paix. C’est ce qu’utilisent essentiellement les Cadis.” Puis vient le “Maou”, l’amende civile. “On ne donne pas d’argent. On fait plutôt une grande fête de village, on paye à manger et à boire à tout le monde pour se faire pardonner auprès de la communauté” continue Salim Mouhoutar. Un fauteur peut également demander pardon lorsqu’il est en conflit avec un aîné, ou une personne hiérarchiquement supérieure à lui. Enfin, le dernier recours est le bannissement, qui ne se pratique plus de nos jours. Toutes ces mesures étaient efficaces lorsque l’île n’était pas sujette aux violences inouïes qu’elle connaît aujourd’hui. Désormais, les victimes de violences passent à l’acte et font leur propre justice.
Comment réussir à sortir de cette impasse ?
Même si la population mahoraise ne voit pas le bout du tunnel, Salim Mouhoutar est persuadé qu’il ne s’agit que d’une mauvaise passe. “Tout ce que l’on vit, La Réunion l’a connu. Nous sommes en phase de transition entre une société calme et une société qui va bouger. Et nous avons du mal à trouver nos repères pour le moment, mais tout cela va passer.” Pour ce faire, des solutions existent. La première serait de démanteler efficacement les réseaux de gangs. “Il faut prendre les têtes de ces groupes et les enfermer. La répression face aux meneurs doit être forte et ne doit pas donner le sentiment d’impunité. La peine prononcée doit être suffisamment dissuasive, et on ne doit pas chercher de circonstances atténuantes”, selon l’avocat Elad Chakrina.
Il faudrait également repenser l’organisation sociale et remettre les foundis, les cadis, les instituteurs au cœur de l’éducation et l’encadrement des jeunes, comme cela se faisait autrefois. “On pourrait aussi mettre en place des conseils de quartiers comme cela se fait ailleurs en France, pour identifier les poches de délinquance”, détaille Elad Chakrina. L’avocat préconise également un nouveau fondement de la coopération judiciaire avec les pays voisins. “Une personne qui n’a pas de papier, peut-elle se faire incarcérer dans son pays d’origine ? Nous devons pouvoir négocier cela au sein de la commission de l’Océan Indien qui regroupe les 5 pays de la région. C’est une manière de désengorger le centre pénitentiaire de Majicavo, et d’éviter les récidives.” Bonne idée sur le papier ! Les conditions d’incarcération chez nos voisins sont certes dissuasives… Encore faudrait-il qu’ils acceptent de récupérer leurs ressortissants.
Mercredi soir, les habitants de Mayotte ont appris la décision du préfet, Jean-François Colombet, de confiner les communes de Bouéni, de Pamandzi et de Dzaoudzi-Labattoir à partir de ce jeudi pour une durée de 15 jours. Néanmoins, le délégué du gouvernement s’interdit pour le moment un confinement généralisé pour éviter d’ajouter une crise humanitaire à la crise sanitaire. Entretien.
Flash Infos : La situation sanitaire s’est considérablement dégradée au cours des deux dernières semaines. Le président de la République, Emmanuel Macron, a préféré repousser son allocution télévisée prévue initialement mercredi soir pour se laisser le temps de la réflexion sur les suites à donner. Pourquoi cela n’a pas été le cas pour Mayotte ?
Jean-François Colombet : L’Agence régionale de santé et Santé Publique France nous ont transmis des chiffres alarmants sur au moins trois communes, qui ont un taux d’incidence très élevé. Il y a eu une très forte dégradation sur Petite-Terre et Bouéni, qui dépasse tout ce que nous aurions pu imaginer en métropole. Il a fallu réagir rapidement et brutalement pour éviter que toute l’île ne flambe.
Pour bien comprendre, lors du premier épisode de la crise, le taux d’incidence avait moins de portée en raison d’un nombre de tests restreint. Aujourd’hui, nous en réalisons autant qu’à La Réunion. Cet indicateur, crédible dorénavant, a motivé ma décision, en concertation avec Paris, d’installer un confinement total pour deux semaines. C’est un nouveau modèle, nous analyserons les résultats dans sept, dix ou quinze jours pour voir si nous pouvons lever cette restriction. Par ailleurs, si d’autres communes sont amenées à être dans la même situation, nous suivrons le même procédé !
FI : À l’échelle nationale, le porte-parole du gouvernement a expliqué mercredi que le couvre-feu n’avait pas les effets escomptés, considérez-vous que c’est également le cas à Mayotte dans la mesure où le nombre de porteurs de virus et la présence des variants sud-africain et britannique s’envolent ?
J-F. C. : Non car nous ne sommes pas sur le même agenda que la métropole. Il est encore trop tôt pour le dire. Une semaine ce n’est pas suffisant, il faut plus de temps pour tirer des conclusions. À l’heure actuelle, seules la fréquentation du centre hospitalier de Mayotte et les indicateurs – les taux de positivité et d’incidence – importent.
Le nombre de personnes porteurs du variant sud-africain est effectivement en très forte progression, notamment dans les trois communes concernées. Et un premier cas du variant britannique a été révélé hier [ce mercredi], même s’il y en a déjà sûrement davantage sur le territoire. Le confinement est le prix de la réactivité.
FI : Plus concrètement, quelles sont les modalités de ce nouveau confinement en termes de déplacements ?
J-F. C. : Nous réinstaurons le dispositif qui avait été mis en place l’an dernier. Le confinement en un mot est une contrainte à la mobilité, au culte et à certaines activités économiques. Par conséquent, seuls trois groupes de personnes peuvent se déplacer à compter de ce jeudi, 18h. Le premier recense tous les professionnels de santé, les personnels de la préfecture, de la douane et de l’aéroport et les effectifs des forces de l’ordre qui peuvent, sans attestation, aller et venir dans l’exercice de leur fonction. Le second concerne les salariés qui, avec attestation, se rendent et reviennent du travail, en zone non-confinée ou non, dans le cas où ils ne peuvent pas télétravailler. Le troisième rassemble les habitants qui vont au distributeur d’énergie, à la pharmacie, à la banque, à la poste, à la supérette, à la station-service, chez le médecin. Dans ce cadre-là, tous les commerces « non essentiels » doivent baisser le rideau. Les restaurants pourront continuer à produire de la nourriture à emporter ou à livrer mais ils ne pourront plus ouvrir leurs salles. Par ailleurs, il a été décidé avec le Grand Cadi de fermer toutes les mosquées de ces trois communes.
FI : Quelle est la stratégie élaborée par l’État concernant Mayotte ?
J-F. C. : Je me suis entretenu très longuement avec Sébastien Lecornu, le ministre des Outre-mer, hier après-midi [mercredi]. Il est très attentif à notre situation, que ce soit sur le plan sanitaire ou sécuritaire. Il m’a dit, sans trahir de secret, que le sujet de Mayotte avait été largement commenté en conseil de défense. Mais aussi que le président de la République, Emmanuel Macron, portait un regard avisé à notre égard. Je n’ai aucune idée de ce que le gouvernement va décider, mais il fera probablement connaître notre sort ce week-end.
FI : Y-a-t-il un risque que l’ensemble du territoire soit confiné dans les prochains jours ?
J-F. C. : Je ne veux pas ajouter une crise humanitaire à la crise sanitaire ! Nous nous souvenons tous que lors du premier confinement, la première victime de cette mesure a été l’économie informelle qui n’est pas assistée par le dispositif de soutien du gouvernement et ceux pour les entreprises déclarées. Elle a plongé des dizaines de milliers de familles dans des conditions très dures qui ont entraîné la distribution de bons alimentaires d’un montant de sept millions d’euros mais aussi des actes d’appropriation de richesses.
S’il faut en arriver-là, nous n’hésiterons pas, mais nous ferons tout pour l’éviter ! Nous allons déjà voir les effets de ce confinement total et localisé. Un confinement généralisé plongerait l’île dans le chaos alors que certaines communes sont moins critiques que d’autres. Le défi est que le territoire se trouve dans de bonnes conditions sanitaires à la mi-mars pour la période de ramadan.
FI : L’une des autres craintes est la fermeture des liaisons aériennes, comme cela a pu être le cas l’an dernier. Or, il se murmure que le gouvernement ne comprend pas que la restriction des déplacements aux motifs impérieux ne réduise pas davantage le flux de voyageurs.
J-F. C. : La question aérienne est un sujet fondamental. Nous devons tout faire pour garder nos liaisons, c’est la raison pour laquelle il faut être rigoureux sur l’examen des motifs impérieux et s’assurer que les voyageurs qui prennent l’avion ont bien fait un test. Énormément de passagers sont refoulés par les compagnies. Conséquence, nous avons déjà une ligne directe entre Mayotte et la métropole. Il faut maintenir cette rectitude sinon nous nous dirigeons vers la suspension des vols. Et si demain, nous perdons notre lien avec La Réunion, nous perdons de facto toute correspondance avec Paris, car nous fonctionnons en triangulation. Ce serait catastrophique car il faudrait remettre en place un pont aérien. Dans le cas contraire, l’ensemble des matériels vitaux n’arriverait plus dans les bons délais…
Les chiffres du Covid-19 à Mayotte ne sont pas bons. Et après les communes de Bouéni, Pamandzi, et Dzaoudzi-Labattoir, d’autres localités pourraient à leur tour être mises sous cloche si la situation continuait à se dégrader. L’agence régionale de santé fait le point.
Mayotte est sur le fil du rasoir. Et les derniers chiffres de l’agence régionale de santé (ARS) sur la propagation du Covid-19 à Mayotte ne font plus guère de doute sur la présence du variant sud-africain dans le département. Jeudi soir, ce sont pas moins de 798 cas supplémentaires qui ont été recensés, et surtout un taux d’incidence – le nombre de cas pour 100.000 habitants – de 285. Quant au taux de positivité des tests, de 14%, il figure “parmi les plus élevés de France”… “Avec 40% des prélèvements positifs au variant d’Afrique du Sud, (sur les 124 envoyés pour séquençage, NDLR), nous pouvons dire qu’il est présent de façon importante”, souligne Dominique Voynet, la directrice de l’ARS. Sans compter la découverte d’un premier cas positif au variant britannique, en la personne d’un voyageur anglais en transit à Dubaï.
Ambiance tendue donc, qui explique le reconfinement des trois communes de Bouéni, Pamandzi et Dzaoudzi-Labattoir dès ce jeudi 18h. Moins d’un jour après cette annonce coup de poing, l’ancienne ministre n’exclut pas de devoir en faire de même ailleurs sur l’île. Dans son viseur : Tsingoni et Sada où les taux d’incidence sont “aussi en train de monter”. “Nous préparons une grosse campagne de tests dans les communes concernées”, annonce-t-elle.
“Le confinement général serait le plus efficace”
La raison de cet emballement ? Potentiellement des rassemblements peu respectueux des protocoles sanitaires. L’agence régionale de santé évoque à ce titre deux cérémonies d’obsèques marquées par “une violation massive des gestes barrières malgré les efforts faits par certains”. Sans s’aventurer à donner plus de détails, tant le sujet est sensible. Pourquoi, alors, ne pas cloîtrer tout le monde chez soi une bonne fois pour toutes ? “Le confinement général serait le plus efficace, mais nous avons vu les dégâts que cela pouvait générer sur la société mahoraise.” D’où ce compromis, entre “efficacité” et “responsabilité sociale”.
Au CHM, en tout cas, on relève déjà les manches des blouses. Trois actions y sont menées pour répondre à une saturation éventuelle. Mobilisée dès dimanche, la réserve sanitaire déjà sur le pont pendant la première vague, arrivera à Mayotte dimanche matin. Une trentaine de personnels, notamment des infirmiers en réanimation et aux urgences viendront grossir les rangs de l’hôpital. Le service de santé des armées va aussi venir prêter main forte, et quatre militaires arrivés ce jeudi matin se chargent d’une mission de préfiguration “dans la perspective d’envoyer une trentaine de professionnels de santé capables d’armer cinq lits de réanimation supplémentaires”.
61 décès depuis le début de la crise, 5 ce mois-ci
Enfin, l’option des Evasan, pour des patients non-covid et “si nécessaire covid” reste sur la table. De quoi monter en puissance en réanimation, même si pour l’heure, les enseignements tirés de la première vague, comme les traitements par anticoagulants, ont déjà permis de limiter les branchements sous respirateur des patients atteints de forme grave et hospitalisés en service de médecine. Espérons que cela suffise ! Depuis le premier cas recensé en mars 2020, 61 personnes sont mortes du coronavirus à Mayotte. Dont 5 depuis le début du mois…
Les vaccins efficaces ?
Un point positif vient toutefois éclairer ce tableau morose : l’annonce ce jeudi par les laboratoires pharmaceutiques Pfizer et BioNTech de l’efficacité de leurs vaccins sur ces mutations. Des tests in vitro « n’ont pas montré la nécessité d’un nouveau vaccin pour faire face aux variants émergents« , ont assuré les compagnies, en s’appuyant toutefois sur une étude de chercheurs de l’université du Texas et d’un chercheur de Pfizer, qui n’a pas encore été relue par d’autres experts. À noter que la firme américaine Moderna, elle aussi engagée dans la course aux vaccins, avait également garanti l’efficacité de son produit contre les variants, quelques jours plus tôt. Voilà pour le verre à moitié plein.
1.170 bras à piquer
Pourtant, de notre côté du globe, les candidats à la vaccination ne se pressent pas vraiment aux portes de la MJC. Or l’heure tourne. Car il faut avoir consommé les 975 doses d’ici vendredi soir, soit cinq jours après la décongélation des flacons reçus lundi matin. “Nous aurons consommé les doses avant demain soir” assure la directrice de l’autorité sanitaire. Confiante, même si elle n’entend pas communiquer des chiffres tous azimuts.
“À la base, nous voulions organiser un système avec des bus en lien avec les maires (commune par commune NDLR) pour accompagner les plus de 75 ans jusqu’au centre de M’Gombani. Il est vrai que cela a moyennement marché, d’où l’ouverture dès cette semaine du dispositif à la ville de Mamoudzou.” Même bilan un peu magnegne pour la nocturne de ce mercredi dédiée aux professionnels de santé libéraux. Mais alors que le deuxième stock de 975 doses, déjà livré, patiente à Longoni, le compte devrait être atteint avec le centre hospitalier et désormais les patients en dialyse. Et plus si affinités, car “nous avons réussi à faire six doses sur la quasi-totalité des flacons, prévus théoriquement pour cinq doses”. Soit 1.170 bras à piquer en tout. Merci Pfizer !
La ville de Mamoudzou et son centre communal d’action sociale (CCAS) ont mis à la disposition des personnes âgées, un bus pour faciliter leur déplacement jusqu’au centre de vaccination qui se trouve à la MJC de M’Gombani. L’objectif est de faire vacciner un maximum de personnes, mais sur le terrain, peu de gens répondent à l’appel.
“Allô, je suis le chauffeur du CCAS de Mamoudzou. On m’a demandé de vous récupérer pour aller vous faire vacciner.” Assani Madi ne compte plus le nombre de fois où il pro-nonce cette phrase en une journée. Depuis maintenant deux jours, il se charge de trans-porter les personnes âgées de plus de 75 ans, originaire de la commune de Mamoudzou, afin qu’elles aillent se faire vacciner. Assani commence sa tournée dès 7h30. Installé dans sa fourgonnette de 9 places, il sait que la journée sera longue, mais garde le sourire. Muni de sa liste et de son portable, il passe les premiers coups de fil. L’objectif est de ne pas perdre de temps et pour cela, il doit s’organiser. “Pour chaque voyage, j’essaye de prendre les personnes qui sont sur le même trajet”, explique t-il. Mais son organisation est rapidement mise à mal puisqu’il rencontre beaucoup de difficultés à joindre les personnes inscrites sur sa liste. Le téléphone sonne dans le vide plusieurs fois ! Et lorsque quelqu’un décroche le combiné, la personne demandée n’est pas là…
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Mais Assani ne désespère pas et persiste. Il n’a pas d’autre choix. Il ne peut pas abandonner car les instructions sont claires : toutes les personnes figurant sur la liste doivent pouvoir se faire vacciner. Lorsqu’il arrive à avoir quelqu’un au bout du fil, il est rapide-ment confronté à une autre difficulté “De temps en temps j’ai du mal à trouver les adresses. Je dois tourner plusieurs fois, questionner le voisinage avant de trouver l’endroit”, affirme-t-il. Cette fois-ci, il se perd dans les hauteurs de Passamaïnty. N’arrivant pas à joindre une dame prénommée Roukia, il demande à chaque passant si elle habite aux alentours. Au bout de 10 minutes… “Je ne l’ai pas trouvée, alors je continue ma tournée et je reviendrai plus tard la chercher.” La persévérance et la patience sont les maitres mots malgré les nombreuses tentatives qui n’aboutissent pas. “Transporter des personnes âgées requiert beaucoup de patience parce qu’on a souvent du mal à les contacter. Et quand c’est le cas, je dois attendre qu’elles finissent de se préparer. Elles prennent tout le leur temps”, sourit-il.
Après Passamaïnty, direction Vahibé où Ali Moussa, âgé de 76 ans, l’attend sur le bord de la route. Ce dernier est ravi d’avoir été appelé. “Je n’aurai pas pu aller à Mamoudzou par mes propres moyens alors que je veux me faire vacciner. Je sais que certains ont peur, mais ce n’est pas mon cas car j’ai confiance aux médecins et j’ai confiance en Allah”, ra-conte le vieil homme.
Les petits couacs
12 personnes figurent sur la liste du chauffeur. En principe, elles devraient toutes être âgées d’au moins 75 ans car seule cette catégorie est pour l’instant appelée au centre de vaccination. Mais la réalité est tout autre puisque des personnes qui n’ont pas l’âge re-quis se sont glissées sur la liste. Oili Ahamadi, originaire de Passamanïty en a fait les frais. Cet homme de 70 ans a fait le déplacement depuis son domicile jusqu’à la MJC de M’Gombani, mais une fois sur place, il tombe des nus. “Vous n’avez pas l’âge monsieur. On ne peut pas vous vacciner”, lui dit-on. Oili Ahamadi repart bredouille, lui qui se faisait une joie de se faire vacciner. “Ils m’ont dit que je vais devoir attendre mon tour parce que je n’ai pas 75 ans. J’attendrai et quand il le faudra, je viendrai me faire vacciner car j’ai des problèmes de santé donc je pense que ce vaccin peut me protéger”, dit-il. Ce septuagénaire n’est pas le seul dans ce cas. Une autre dame, également âgé de 70 ans, a été appelée par le CCAS de Mamoudzou et se retrouve dans la même situation. Malgré ce petit désagrément, aucun des deux ne s’indigne, bien au contraire. “Cela m’aura au moins permis de me balader”, relativise Oili Ahamadi.
Un centre de vaccination vide
Ceux qui ont l’opportunité de se faire vacciner, à l’exemple d’Ali Moussa, doivent passer par trois étapes. Une fois arrivé au centre de vaccination, un médecine le reçoit et relève toutes les informations nécessaires liées à sa santé. Ali Moussa s’installe ensuite dans un coin aménagé pour recevoir l’injection. Une étape cruciale qui ne dure que quelques secondes. D’un pas confiant, il se dirige ensuite vers le dernier stand où des femmes l’attendent pour lui fournir son certificat de vaccination. Un document important qui lui permettra de retourner au centre dans 6 semaines pour recevoir la deuxième dose.
Par mesure de précaution, toutes les personnes vaccinées sont ensuite surveillées pen-dant 15 minutes au sein de la MJC. Ali Moussa a pu passer toutes ces étapes sans se presser puisqu’il était seul lors de son arrivée. Au grand désespoir du personnel de l’ARS et des soignants… Pourtant, le centre est désormais ouvert à toutes les personnes de plus de 75 ans de toute l’île. Alors ont-elles peur du vaccin ? N’ont-elles pas eu l’information ? Est-ce par manque de moyen de transport ? Tout est possible, mais le coordinateur du centre de vaccination l’affirme : “Aucune dose de vaccin ne sera jetée.”
L’annonce est tombée comme un cheveu sur la soupe. À partir de ce jeudi 28 janvier, 18h, les communes de Bouéni, Dzaoudzi-Labattoir et Pamandzi sont confinées pour une période indéterminée en raison de leur taux élevé d’incidence. Les établissements scolaires sont fermés tandis que les commerces essentiels restent eux ouverts. Les déplacements entre Grande-Terre et Petite-Terre sont quant à eux limités à certaines professions.
856… 743… 577… Le taux d’incidence de Pamandzi, de Bouéni et de Dzaoudzi-Labattoir fait froid dans le dos. Il s’agit du nombre de cas pour 100.000 habitants. «Face à ce contexte qui s’est dégradé brutalement au cours des dernières 24 heures, en parfait accord avec l’agence régionale de santé, Jean-François Colombet, préfet de Mayotte, délégué du gouvernement, a décidé de confiner [ces] communes pour une période indéterminée», annonce la préfecture dans un communiqué envoyé peu avant 19h ce mercredi. Ce confinement «total», approuvé par les trois maires respectifs, prend effet dès ce jeudi 28 janvier, à partir de 18h.
Conséquences pour les habitants : tous les commerces sont fermés à l’exception des établissements qui vendent des denrées alimentaires et des phamarcies. Les sorties sont interdites sauf pour les individus qui se rendent dans ces commerces pour y faire des achats dits «essentiels» ou qui vont à un rendez-vous médical ne pouvant être reporté. «Les déplacements sur l’espace public devront être justifiés par les attestations qui seront présentes sur [notre] site à partir de demain matin.»
On n’est pas sorti de la barge
Autre information à prendre en considération, les barges ne comptent accueillir que des passagers qui doivent prendre l’avion, munis d’un billet, les fonctionnaires de police, les militaires de la gendarmerie et du détachement de légion étrangère, les personnels hospitaliers, les particiens libéraux de santé comme les médecins et les infirmiers, les personnes qui viennent se faire tester à l’aéroport pour un vol ultérieur, les agents de la douane et du syndicat des eaux ainsi que tout le personnel justifiant d’une intervention urgente.
Cette décision radicale intervient alors que Mayotte enregistre une soixantaine de cas porteurs du variant sud-africain et que l’île aux parfums vient de détecter la présence du variant britannique sur son territoire. Dans son ensemble, la situation sanitaire se dégrade très fortement dans le 101ème fortement puisque le taux d’incidence augmente dans l’ensemble des classes d’âges, y compris chez les moins de 14 ans et les personnes ne présentant pas de comorbidité. «Cette dégradation se traduit par une hausse de plus de 30% du nombre d’appels au 15.»
Fin du présentiel dans les écoles
Plus contagieux à 50% que la souche initiale, les variants touchent donc plus fortement les jeunes, jusqu’alors plutôt épargnés par le virus. D’où la fermeture de tous les établissements scolaires, premier et second degré, de ces trois localités. Il n’est d’ailleurs pas à exclure que d’autres connaissent la même sentence, à l’instar du lycée Younoussa Bamana à Mamoudzou où trois clusters seraient formellement identifiés.
Que retenir alors de cette déclaration ? Et surtout quelle suite pouvons-nous attendre ? Selon nos informations, les habitants de Bouéni, Dzaoudzi-Labattoir et Pamandzi devront rester chez eux jusqu’à nouvel ordre tant que la situation ne sera pas favorable à un desserement des contraintes. Quant aux autres communes, un tel sort ne serait pas encore envisagé dans le seul but d’éviter un effondrement de l’économie locale. Toutefois, voyant la vitesse de propagation de l’épidémie depuis le début de l’année 2021, aucune alternative n’est à exclure sachant que le couvre-feu n’aurait pas l’effet escompté selon les mots du gouvernement… Réponse dans les prochains jours.
Le temps presse et le débat est loin d’être clos. L’allongement de la piste de l’aéro-port ne fait pas l’unanimité tant sur le fond que sur la forme. Les associations envi-ronnementales sont souvent pointées du doigt, accusées d’être un frein au dévelop-pement de Mayotte. La Fédération mahoraise des associations environnementales explique clairement sa position. Son président, Ali Madi, est favorable à la piste longue, mais l’environnement ne devrait pas en faire les frais. Une autre alternative est possible.
Flash Infos : Quelles sont vos réticences, vos peurs, concernant le projet de la piste longue qui date de 2011 ?
Ali Madi : Le problème est qu’ils veulent mettre de la terre pour remblayer alors que la terre brut envase la mer. C’est nocif pour le lagon et les espèces qui vivent dedans. À cela s’ajoute la question de l’aménagement. Déjà en 2011, nous nous demandions ce que nous ferions des personnes qui habitent à Pamandzi et vers la colline de Four à Chaux. Entre temps, des habitations se sont rajoutées, la gendarmerie de Pamandzi a été agran-die, et maintenant nous sommes en train de construire une caserne de pompiers. La sta-tion-service, qui a été rénovée, est un établissement sensible classé, un avion ne peut passer au-dessus. L’aménagement ne correspond pas au projet de l’aéroport. Pour ce faire, il faudrait tout enlever et quel élu courageux tiendrait ce discours ? Aucun car beaucoup d’argent a été investi. Si je devais avoir peur d’une chose, ça serait des poli-tiques non consensuelles, des politiques qui disent que nous allons faire la piste longue alors qu’ils font tout pour que cela ne se fasse pas. Parce qu’en autorisant toutes ces constructions et rénovations, ils montrent clairement leurs intentions de ne pas rallonger la piste.
FI : Que risquons-nous si nous rallongeons la piste longue sans prendre compte de tous ces paramètres ?
A. M. : Il faudra s’inquiéter pour la santé des gens qui seront autour et qui absorberont tous les jours du kérosène. Il y a aussi la pollution sonore ! À cause du bruit, les maisons se fisseront. Et je vous laisse imaginer les dégâts si un avion tombe sur la station-service.
FI : Quelle alternative proposez-vous ?
A. M. : Il faudrait plutôt mettre des pierres et du béton comme cela a été fait à La Réunion pour la route du littoral. Cela permettra de créer une piste convergente sur pilotis. Nous faisonscette proposition depuis 2011, mais les autorités n’en veulent pas car cela coûte beaucoup plus cher. Nous devons faire cet aéroport, Mayotte en a besoin, mais nous de-mandons des mesures compensatoires. La FMAE demande la protection des espèces marines qui sont dans cette zone. Nous pouvons les déplacer, cela implique un coût non négligeable, mais c’est absolument nécessaire. Et cela doit être écrit noir sur blanc. Je lance un appel pour que nous nous mettions au travail. Nous avons jusqu’en 2023 pour trouver la meilleure solution, et pour cela, il faut un comité locale qui suivrait les travaux. Ce qui n’est pas le cas, puisqu’actuellement c’est la seule direction générale de l’aviation civile, basée à La Réunion, qui est en charge. Et elle ne fait rien. Les Mahorais doivent porter leur projet.
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FI : Avez-vous des exemples de projets de développement qui ont été créés et ache-minés à Mayotte et qui finalement dégradent l’environnement ?
A. M. : En 1995, nous avons déjà allongé la piste avec de la boue. L’ensemble de la mer de Pamandzi était rouge. À cause de cela, la falaise de Petit Moya est en train de s’écrouler parce que nous avons dévié les courants. La même chose s’est produite au port de Longoni. Nous avons mis de la boue partout en utilisant la technique de dragage qui consiste à mettre un filet entre la mer et la terre. Sauf que le filet s’est ouvert et la boue s’est déversée sur le lagon. Il suffit d’un rien pour que ce type d’incident se produit. Nous avons construit le nouveau marché de Tsararano sur une zone humide et mainte-nant il n’est pas fonctionnel. Idem pour le collège d’Iloni alors que nous avions mis en garde les autorités et que nous avions fait une autre proposition qui n’a jamais été prise en compte. Aujourd’hui, l’ensemble des salles sont fissurées. Nous sommes en train de mettre des préfabriqués sur le parking en guise de salles de classe et certains élèves sont envoyés dans d’autres établissements.
FI : Vous semblez faire beaucoup de propositions sans jamais être réellement écouté. Êtes-vous sûr que cette fois-ci votre avis sera pris en compte ?
A. M. : Oui, parce que jusqu’à maintenant, tout se jouait à Mayotte. Mais depuis la prise de parole du président de la République, Emmanuel Macron, nous avons le soutien de l’autorité environnementale. Son avis doit être pris en compte. Les décisions seront prises à Mayotte, mais également à Paris et à Bruxelles. C’est ce qui embête les détracteurs des associations environnementales d’ici.
FI : Qu’avez-vous à dire à ceux qui accusent les associations environnementales d’être un frein pour le développement de Mayotte, notamment à travers la piste longue ?
A. M. : Les Mahorais disent que des projets environnementaux se font à La Réunion, mais ils ne se demandent jamais de quelle manière. Là-bas, les associations environne-mentales ont leur mot à dire. Nous mettons toutes nos propositions par écrit. Elles sont faites pour être lus, donc que ces gens-là se mettent à lire. Qu’ils consultent l’avis de l’autorité environnementale, et aussi le projet de 2011. Les mêmes questions étaient déjà posées et elles n’ont jamais reçu de réponses. C’est bien beau d’aller crier à la radio et à la télé, mais en attendant, nous n’avons rien de concret de l’autre côté. C’est du fainéan-tisme et de la bêtise de ne pas le faire. Tous ces élus et autres autorités ne le font pas parce qu’ils ont peur d’assumer leurs propos. La piste longue est un projet structurant pour Mayotte. Nous le soutenons fortement mais pas au détriment de l’environnement. Nous nous battrons pour que ce projet soit fait comme ailleurs c’est-à-dire en respectant l’environnement.
Après avoir passé trois ans en détention provisoire dans l’attente de son procès, un homme comparaissait ce mercredi devant le tribunal correctionnel pour avoir agressé sexuellement deux mineures en 2017. Malgré sa défense bancale, le prévenu n’a plus que quelques mois à passer derrière les barreaux.
Son mode opératoire était presque rodé. Dès qu’il avait un peu bu, l’homme entrait par effraction dans un domicile. Et tandis que tout le monde dormait à poings fermés, il se glissait discrètement dans la chambre d’une fillette pour s’allonger à ses côtés. Et faire ses affaires… Par deux fois au moins, le 14 novembre et le 14 décembre 2017, le prévenu a ainsi été pris la main dans la culotte. Manque de pot pour la deuxième victime, il était parvenu à s’échapper la première fois. C’est donc pour ces doubles infractions de violations de domicile et d’agressions sexuelles imposées sur mineures de moins de quinze ans que cet habitant de Combani était convoqué ce mercredi au tribunal correctionnel.
“Il a d’abord enlevé mon salouva, et quand je me réveillais, il faisait comme s’il dormait”, retrace trois ans après les faits sa première cible, alors âgée de quatorze ans. Le même manège se répète, jusqu’à ce que l’adolescente, de dos et tétanisée, sente ses mains sur ses fesses. Elle parvient à s’extraire pour prévenir son petit frère, qui réveille sa mère. Alertés à leur tour, les voisins tentent de l’attraper, mais le saoulard parvient à dénouer ses liens avant que les gendarmes n’arrivent. Quand enfin ils rappliquent, la mère a déjà eu le temps de tout ranger. Et même de passer un coup de serpillère ! Il faut dire aussi que l’intrus, complètement alcoolisé, s’était fait dessus dans son salon… “Depuis, j’ai peur de sortir dehors. Même chez moi, toute seule, je n’y arrive pas”, murmure la mineure entendue ce mercredi à la barre.
“J’ai eu un instinct”
Non content de ce premier exploit, le fugitif remet le couvert un mois tout pile après son intrusion chez cette famille de Tsingoni. Dans la nuit du 13 au 14 décembre, une autre petite fille est tirée des bras de Morphée par ce cauchemar de chair et d’os. Elle a neuf ans. Cette fois-ci, c’est la maman elle-même qui découvre la scène. “J’étais malade, et je me suis réveillée d’un coup. J’ai eu un instinct”, rembobine-t-elle. Le gaillard est allongé sur son enfant, il a déjà retiré ses vêtements et son propre short. La fillette est en pleurs. “Quand il était sur toi, il a bougé ?”, lui demande aujourd’hui la juge. Hochement de tête. Si le certificat médical établi peu après l’agression n’aura relevé aucune lésion corporelle permettant de caractériser un viol, du sperme sera néanmoins retrouvé un peu partout sur les draps, la culotte et la jupe de la victime.
Un QI dans la moyenne basse
Le problème, c’est que le prévenu a toujours nié les faits. “Cette nuit-là (celle de décembre NDLR), j’étais juste venu voler une télé”, répète-t-il à l’audience, comme il l’a déjà martelé pendant sa garde à vue et devant le juge d’instruction. “Quand vous voulez voler une télévision, vous vous masturbez aussi sur une petite fille ?”, s’étonne la juge. “J’ai pas commis ça. Je me souviens pas. Je voudrais pas faire ça, j’ai des sœurs« , rétorque-t-il coup sur coup, d’un air un peu benêt. Face à ses réponses godiches, même le traducteur du tribunal en perd son latin ! Et force un peu le ton, au point d’être poliment rappelé à l’ordre par la magistrate. Visiblement, ce nigaud n’est pas de la trempe d’un Einstein : d’après le psychologue qui l’a suivi en prison, son quotient intellectuel (QI) se situe “dans la moyenne basse”. Ajoutez à cela un fort alcoolisme, qui le pousse à des comportements dangereux, et voilà un joli personnage. “Moi, quand j’ai bu, faut pas venir me chercher des histoires”, marmonne-t-il en effet. Heureusement, en prison où il a été placé en détention provisoire depuis trois ans, il a réglé le problème. “Je prie Dieu, si je sors, de pas recommencer”. “Je ne compte pas trop sur Dieu mais sur vous”, lui réplique-t-on.
Coupable mais presque libre
Face à cette négation des faits, le risque de récidive est bien réel. Sans parler du préjudice moral pour ses deux victimes, rappelle Maître Soilihi, avocat de la partie civile. “Il est dommage qu’il ne se rappelle pas, car ces jeunes filles auraient bien aimé entendre une reconnaissance des faits, pour se reconstruire”, souligne-t-il. Pour le procureur de la République, les faits sont bien caractérisés, que ce soit par les témoignages des uns et des autres, que par les éléments récoltés sur place par la police scientifique. Sa culpabilité ne fait pas de doute. Reste que le mis en cause a déjà passé trois ans sous les verrous… D’où la condamnation finalement retenue par le tribunal, à quatre ans de prison dont six mois assortis d’un sursis probatoire de deux ans. En clair, l’homme retourne à Majicavo… mais pour quelques mois seulement. Un sursis révocable s’il ne respecte pas ses obligations de soins, de travail ou de formation et ses interdictions d’approcher les victimes. Gare à la levée de coude !
Cellule de crise, remboursement des consommables, flambée du prix du fret, relance, exonération, cotisations, dette sociale, activité partielle, fonds de solidarité… L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie de Mayotte a convié ce mercredi plusieurs services de l’État pour tenter de rassurer hôteliers et restaurateurs. Morceaux choisis.
Dans la salle du restaurant L’Orient Express, une réception un peu particulière se déroule ce mercredi 27 janvier. Face à plusieurs hôteliers et restaurateurs de Mayotte se dresse un florilège de services de l’État (CSSM, Dieccte, SGAR, DRFIP). Le but de la rencontre : anticiper les mesures et répondre aux interrogations de ces professionnels frappés de plein fouet par le Covid-19. « Le travail de fond a payé au cœur de la crise et dans la relance », introduit en signe d’encouragement Alexandre Kesteloot, adjoint au secrétaire général des affaires régionales. « On est dans l’adaptation permanente, même si on fonctionne sur des stratégies à long terme ». Dans l’assemblée, les têtes font grise mine. Pas de doute, le moral est au plus bas. « On subit et on est en mode survie. On ne s’adapte pas ! », lui répond sèchement l’une des convives, bien décidée à ne pas mâcher ses mots.
Comme pour tous les établissements recevant du public, restaurants et hôtels doivent se plier à un protocole sanitaire strict. Des mesures indispensables à respecter pour ne pas risquer une fermeture administrative. « Les tarifs des consommables – les masques et le gel hydroalcoolique – ne sont pas stables », assène Marcel Rinaldy, président du groupe 3M, chargé de jouer le rôle de Monsieur Loyal lors de cet échange. Qui préconise de mettre en place une bonne fois pour toute une centrale d’achat gérée par la préfecture. Une idée évoquée lors du confinement… Rapidement renvoyée aux calendes grecques. Car si les prix sont réglementés et contrôlés par un décret en vigueur, les montants réels ont de quoi donner le tournis ! « Une boîte de 50 masques, c’est 4.50 euros en métropole, 12 euros à La Réunion, et entre 17 et 35 euros à Mayotte », s’époumone le gérant du Jardin Maoré, complètement estomaqué par ces disparités.
« Le mal est fait »
Un gouffre financier pour ces entrepreneurs aux perspectives déjà peu reluisantes. «Concernant les équipements qui protègent sanitairement, le Département va mettre en place une plateforme dès mi-février pour que vous puissiez envoyer vos factures et être remboursés», annonce tel un messie, Enfanne Haffidhou, le directeur général adjoint au sein de la collectivité. Une bouffée d’oxygène en cette période de vaches maigres. Car le couvre-feu instauré jeudi dernier assène un nouveau coup de massue sur leur tête. «Nous, on veut être associés aux discussions et aux décisions. Pourquoi devrait-on payer pour les manzarakas de 300 personnes ?», s’interroge dans une colère noire celle qui a ouvert le bal quelques minutes plus tôt. «Il faut faire respecter les règles ! Confinez les clusters plutôt que de fermer les entreprises.» Silence de cathédrale. «Le mal est fait», marmonne-t-elle, dépitée.
Pour ne rien arranger, la récente réglementation sur les vols pour tenter de contrôler l’envolée de l’épidémie a des conséquences désastreuses sur l’approvisionnement. «On est dans un contexte concurrentiel. Le fret est dépendant du trafic des passagers», leur rappelle Alexandre Kesteloot. Et au vu de la situation : priorité aux matériels sanitaires. «Si on a un magret, c’est déjà bien», ironise l’une des participantes à la réunion. À défaut d’une belle pièce de viande, ils peuvent toujours se rabattre sur des menus plus healthy… à condition de payer 12.90 euros le kilo d’endives.
Une cellule d’enquête surveille depuis décembre les agissements d’une bande du quartier de Cetam, en Petite-Terre. Depuis lundi, et après un week-end entaché de barbarie, la gendarmerie, avec l’appui de la police nationale, a enfin pu mettre à terre une partie des fauteurs de trouble.
C’est une véritable Hydre de Lerne que les enquêteurs de la gendarmerie de Pamandzi ont démantelée. Après les violents affrontements de ce week-end en Petite-Terre, qui ont provoqué la mort de trois personnes, huit individus ont été interpellés, placés en garde à vue et présentés au tribunal ce mercredi. Un neuvième avait été interpellé avant ces événements dramatiques. Une information judiciaire a été ouverte pour des chefs de vols aggravés, destructions, violences aggravées, associations de malfaiteurs et vols aggravés en bande organisée. Le parquet a requis leur placement en détention provisoire et ils devaient passer ce mercredi soir devant le juge des libertés et de la détention.
En haut de la pile ? Abdallah D. I., dit “Crochet”. Cet homme de 19 ans est considéré comme le chef de “la bande de Gotam”, du nom de ce groupe né dans le quartier de Cetam. Le “h” est tombé, mais difficile de passer à côté de cette référence à la ville fictive, temple de tous les vices, qui a fait sa réputation dans les comic books américains de DC Comics… La comparaison s’arrête là. Car les faits qui sont reprochés à ce “meneur” et sa dizaine de sbires n’en font pas vraiment un justicier à la Bruce Wayne.
Modes opératoires particulièrement ficelés, coordination d’une cinquantaine de jeunes, processus de recrutement avec certains mineurs enrôlés de force, le tout pour perpétuer vols, cambriolages, et crimes en tout genre… Les enquêteurs ont visiblement affaire à des criminels aguerris. Quant à la question, particulièrement polémique sur l’île, de savoir si les mis en cause sont d’origine étrangère ou non, il semblerait que “la majorité sont nés à Mayotte, pour certains de parents français, et sont français”. À ce stade, “les éléments ne permettent pas de dire s’ils sont Comoriens ou non”, insiste le procureur de la République, Yann Le Bris.
Premier individu retrouvé début janvier
Peu importe. Cette organisation aura, quoi qu’il en soit, donné du fil à retordre aux enquêteurs. Les interpellations de cette semaine n’étant d’ailleurs pas les premières : à l’occasion du cambriolage d’un Douka Bé début janvier, les enquêteurs étaient parvenus à retrouver la zone de rassemblement des suspects. Là, un bel attirail d’une dizaine d’armes blanches, des machettes, des chumbos mais aussi des trouvailles moins “classiques”, comme une béquille avec des clous ou une épée de type rapière, avaient été collectés. Et juste au-dessus, planqué dans l’arbre, le numéro 2 de la bande…
“L’île de Petite-Terre, d’habitude préservée, a été marquée depuis octobre 2020 par une hausse significative de délits et d’actes criminels”, retrace le procureur de la République, en introduction d’une conférence de presse solennelle pour répondre aux interrogations qui n’ont pas manqué de fleurir depuis le week-end. Face à ce constat, et dès le mois de décembre 2020, une cellule spéciale d’une vingtaine d’enquêteurs a donc été mise en place pour apporter une “réponse efficace et durable” à cette situation inhabituelle – avec l’envoi de la “task force” annoncée par le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu, ce sont dix enquêteurs de plus qui viennent grossir les rangs de cette équipe de fins limiers.
150 à 200 faits recensés par la cellule d’enquête
En quelques semaines, la cellule a alors recensé près de 150 à 200 faits, avec parfois jusqu’à une dizaine d’infractions relevées chaque jour. Le nombre d’auteurs a suivi la même pente ascendante, jusqu’à atteindre près d’une cinquantaine d’individus. Ce sont donc ces jeunes, âgés parfois de moins de dix ans, qui ont mené la vie dure à la Petite-Terre ces dernières semaines.
Victime collatérale et déferlement de violences
Jusqu’à ce week-end, où la violence a atteint son paroxysme. Et un bilan sanglant, de trois meurtres, dont deux adolescents. Ce que l’on sait pour l’instant : l’homme de 36 ans, d’origine comorienne, dont le corps sans vie a été retrouvé vendredi à la Vigie serait “une victime collatérale” d’un conflit entre bandes rivales. “L’enquête s’oriente vers un crime commis gratuitement par un certain nombre de membres du groupe de Gotam”, complète le procureur.
Visiblement, la bande se rendait vers la Vigie, et a croisé sur son chemin l’agriculteur, qui a alors fait les frais de cette “émulation guerrière”, précise le capitaine Depit, chargé de la police judiciaire. L’enquête n’a, pour l’instant, pas permis de déterminer si les meurtres de deux jeunes, samedi et dimanche, étaient liés à la bande de Gotam ou à cette première affaire. Même chose pour l’agression d’un homme la semaine dernière, en amont de ces violences, qui a échappé à la mort mais qui est toujours hospitalisé. Un individu a toutefois déjà été interpellé et placé en détention pour cette dernière attaque.
Le calme enfin revenu ?
Une chose est sûre : ce déferlement de violences a mis des bâtons dans les roues de la gendarmerie, nous dit-on. “L’opération d’interpellation était prévue initialement lundi et la mort de cet homme de 36 ans nous a obligés à nous réarticuler car cela a conduit les bandes à se disperser entre la Grande-Terre et la Petite-Terre”, analyse le commandant de gendarmerie Olivier Capelle. Qui insiste par ailleurs sur les moyens déployés par la gendarmerie, d’abord de 63 puis 95 militaires mobilisés pour procéder à ces interpellations et aussi s’interposer entre les communautés de la Vigie et de Cetam. “Sachant le passif de ces deux quartiers, nous avons sollicité quarante militaires de la gendarmerie mobile qui sont arrivés hier pour ce dispositif d’interposition, qui sont là de jour comme de nuit, pour éviter toute représaille.” Avec pour l’instant, un bon point. “Depuis dimanche, on dirait que nous avons un peu figé la situation. C’est très calme en Petite-Terre”, se gararise le commandant. Trop calme ?
Du côté des autorités, la prudence est de mise depuis les violents affrontements du week-end en Petite-Terre qui ont fait trois morts. Le lien entre ces décès n’a toutefois pas été établi, et aucune interpellation n’a été annoncée. Pour les familles et les habitants sous le choc, c’était l’heure du deuil ce mardi… dans la crainte de voir cette “chasse à l’homme” se poursuivre.
“J’y crois pas ! J’ai même pas les larmes pour pleurer. Il y a mon pote qui est mort !”, souffle Saïd* en serrant les poings sur le guidon de son vélo tout terrain, la tête baissée en signe d’abattement. Quelques mètres plus loin, Steven Zafi, jeune Petit-terrien de 14 ans, repose sous un linceul, dans le cimetière musulman de la route des Badamiers. La petite foule d’une trentaine de personnes venue lui dire au revoir ce mardi après-midi s’est déjà dispersée, dans une atmosphère pesante. Saïd lui, ne parvient pas à se résoudre à bouger. “J’y crois pas ! Le petit, le génial, qui pensait qu’à s’amuser, qui cherchait jamais les embrouilles ! Il était toujours là à vouloir donner un coup de main pour réparer mon vélo…”, répète le jeune habitant de Labattoir, comme figé devant cette grille de cimetière. “Des charognards, des fils de p***”, lâche l’un de ses potes pour tout commentaire, avant de se remettre en selle et de pédaler à fond sur le bitume. Loin, très loin de ce souvenir brûlant.
Sur Petite-Terre, difficile d’échapper à la colère palpable qui a envahi les rues et les esprits depuis les événements de ce week-end. En moins de trois jours, trois personnes, dont deux adolescents de 14 et 15 ans, ont perdu la vie dans des affrontements qui ont opposé des bandes du quartier Cetam et de la Vigie, à quelques encablures du cimetière de Labattoir. Vendredi, d’abord, le corps sans vie d’une homme de 36 ans est découvert en haut de la Vigie. Des bandes déboulent alors dans les rues, brûlent des cases en tôle et des voitures. Leur intention ne fait pas de doute : tuer les responsables. Samedi, un premier adolescent de 15 ans meurt sous les coups des assaillants. Dimanche, ce sera au tour de Steven.
Course-poursuite sanguinaire
“C’est abominable ce qui lui est arrivé. Le matin, il pleuvait beaucoup, vous vous rappelez ? Le toit fuyait, et Steven est juste parti chercher un escabeau…”, décrit un membre de la famille. En chemin, le collégien tombe nez à nez avec un groupe d’individus, visiblement menaçants. “Quand il les a vus, il a fait demi-tour. Il a dû les reconnaître”, croit savoir cet oncle. La suite, les réseaux sociaux se sont chargés de la raconter. Poursuivi, le garçon se réfugie dans une case en tôle, avant d’y être acculé par ses agresseurs. C’est là qu’il sera retrouvé, la gorge tranchée. Sans autre forme de procès.
“Oeil pour oeil, dent pour dent”
Partout à Mayotte, les rumeurs vont bon train pour tenter d’expliquer ce qui a bien pu plonger la Petite-Terre dans un week-end aussi sanguinaire. Anli* en sait quelque chose : tous les jours, sur la route des Badamiers qu’il prend pour rejoindre le travail ou rentrer chez lui, il récolte les dires des uns et des autres… et reconstitue peu à peu le fil. Pour ce tourneur-fraiseur de formation, l’hypothèse de la vengeance ne fait pas de doute, même si elle n’a pour l’heure pas été confirmée par la section recherches de la gendarmerie de Pamandzi chargée de l’enquête ou par le procureur de la République Yann Le Bris.
“C’est oeil pour oeil, dent pour dent. Pire, ici, c’est la loi de la jungle, car c’est juste le plus fort qui gagne”, assure ce mécanicien en profitant d’un coin d’ombre sur la route aujourd’hui déserte, à quelques mètres de la plage. Et les forces de l’ordre dans tout ça ? “L’État nous a abandonnés. À chaque fois que ça pète, ils mettent des gendarmes au rond-point, qui rentrent à la nuit tombée. Pas étonnant que certains décident de faire justice eux-mêmes”, poursuit le père de famille, qui hésite aujourd’hui à envoyer sa famille en métropole. “J’étais à Marseille pendant longtemps. Là-bas, même si c’est à la kalachnikov qu’ils règlent leur compte, ça semble moins sanglant.” C’est dire !
Cetam versus la Vigie
En guise de kalachnikov ce week-end, ce sont plutôt les machettes qui ont armé les poings des bandes revanchardes. Et si tout s’est accéléré le vendredi avec la découverte du corps de l’homme de 36 ans, l’histoire ne date pas d’hier. En réalité, cela fait déjà plusieurs semaines que des individus du quartier Cetam et de la Vigie mènent la vie dure aux habitants de Petite-Terre. Cette fois-ci, ce sont les gars de Cetam qui ont voulu venger l’un des leurs. Mais ils s’en sont pris à la mauvaise cible… “Il y a des communautés ici, et de ce qu’on dit, les Iconiens, ils ont plutôt la machette facile”, glisse Anli pour faire référence à ce groupe, originaire d’Anjouan, auquel appartiendrait la victime. Une version d’ailleurs confirmée quelques mètres plus loin par Saïd et les deux trois hommes qui traînent encore devant le cimetière. “La chasse à l’homme, elle a commencé mardi”, retrace Saïd.
Selon lui d’ailleurs, les “Iconiens” ont bien retrouvé l’un des responsables : non pas Steven, “qui n’a jamais cherché les embrouilles”, ressasse-t-il en boucle, mais celui qu’elles ont sommairement exécuté samedi, et qui devait lui aussi être enterré ce mardi à M’Tsapéré. “Lui, il faisait partie de Madacouan, c’est leur nom. Ils sont allés cambrioler à Pamandzi, et sur leur retour, ils ont détruit les maisons de la Vigie. Et c’est à cause de leurs guerres que mon pote est mort”, enrage-t-il, les yeux scotchés sur son smartphone pour vérifier les dernières nouvelles. Car la guerre n’est pas finie. Un avis de recherche circule sur Facebook, avec la photo d’un certain Abdallah D. D. “C’est le chef de Madacouan. Les Iconiens, eux, ils disent que tant qu’ils n’auront pas trouvé 16 têtes, ils ne s’arrêteront pas”, grimace-t-il en se balançant d’avant en arrière. Son vélo grince un peu. Comme un mauvais présage.
L’avocat de Dzaoudzi-Labattoir a annoncé porter plainte contre X pour trouble à l’ordre public. Avec cette nouvelle procédure, il espère encourager les habitants à venir dénoncer les auteurs des violences. Entretien.
Flash Infos : Pourquoi la commune de Dzaoudzi-Labattoir a-t-elle décidé de porter plainte ?
Elad Chakrina : Dans cette affaire, il s’agit d’apporter une réponse très forte face aux drames survenus ce week-end. Nous parlons là de trois assassinats, et je pèse mes mots : il y a une différence avec un meurtre, condamné par trois ans de réclusion maximum. L’assassinat est au-dessus, ici nous parlons d’homicide en bande organisée avec armes, sans oublier bien sûr l’élément intentionnel. Ça, c’est la perpétuité, la prison à vie. Du jamais vu dans l’histoire de Mayotte ! Mais c’est un tel bouleversement, un tel drame ces trois personnes assassinées… Nous ne pouvons accepter cette loi du Talion. Nous assistons là à un cycle de vengeance, avec un premier assassinat d’un homme de 36 ans, puis la riposte par les personnes qui se disent proches de la première victime. Résultat : nous avons un déferlement en bande organisée, cagoule sur la tête, machette au poing, cinquante personnes qui s’avancent dans la rue avec un air menaçant et qui veulent en découdre. D’où la plainte pour atteinte à la paix publique déposée par Dzaoudzi-Labattoir, basée sur deux éléments : la participation à des attroupements délictueux et le trouble à l’ordre public. Et avec les deux circonstances aggravantes, les visages dissimulés et l’intention de donner la mort, les auteurs risquent cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende. Cette démarche de la commune est indépendante de celle des victimes. L’idée, c’est que ces attroupements ne peuvent rester impunis et qu’il faut une réponse pénale forte. Car ces déferlements, cela veut dire que le territoire n’est pas assez protégé. J’en parle en connaissance de cause : j’étais hier à la réunion publique de la mairie, j’ai entendu les témoignages. Une mère qui explique qu’une bande s’est attroupée devant sa maison car elle voulait exterminer son fils en pensant que c’était un responsable du premier mort… Cela ne laisse personne indifférent.
FI : Mayotte a mal vécu l’absence de réactions au niveau national dans les médias comme dans la sphère politique. Surtout au vu de l’émoi qu’a suscité la vidéo du jeune Yuriy, tabassé par une bande à Beaugrenelle, et qui a justement circulé à foison ce week-end sur les réseaux sociaux… Finalement, c’est par un tweet que Sébastien Lecornu, le ministre des Outre-mer, a annoncé l’envoi de deux pelotons de gendarmes mobiles et une task force de dix enquêteurs. Y a-t-il deux poids, deux mesures dans la réponse judiciaire ?
E. C. : Moi, je note une réactivité des autorités, en tout cas cette semaine. Certes, il y a pu y avoir une incompréhension face au manque de réactions au niveau national, nous n’avons pas entendu de mots de la part des autorités concernées. Mais par la suite, nous avons eu des actes, avec plus de gendarmes et plus d’enquêteurs. Ces renforts sont nécessaires pour le maintien de l’ordre. Après, vous parlez là de deux affaires dans deux espaces géographiques différents. L’une à Paris dans le 15ème arrondissement, où vous avez des caméras qui peuvent surveiller et permettre d’identifier les auteurs de cette violence physique, où vous avez aussi plus de moyens car il s’agit d’une zone police, une zone urbaine avec davantage de forces de l’ordre. Ajoutez à cela l’émoi très fort que vous mentionnez et qui a interpellé la sphère politique nationale, vous avez une pression qui permet de faire avancer l’enquête. À Mayotte non seulement, nous n’avons pas le même équipement, il n’y a pas de caméra pour identifier les auteurs de ces attroupements et de ces crimes. En plus, et c’est un point crucial : ici, nous vivons sous la loi du silence et la peur des représailles. Cette omerta est très préjudiciable pour la famille des victimes déjà, et pour l’ensemble de population de Mayotte. Car certains crimes restent alors impunis et cela envoie qui plus est un signal négatif pour les délinquants.
FI : Vous parlez de la peur des représailles. Justement, trop souvent, les Mahorais ont l’impression que lorsqu’ils dénoncent leurs agresseurs, ils les retrouvent dans la rue quelques jours plus tard… Les gardes à vue sont-elles trop courtes, les placements en détention trop rares ? Est-ce justement la faute de cette omerta, qui empêche les enquêteurs de réunir les preuves ?
E. C. : Une garde à vue dure 24h et peut être prolongée de 24h supplémentaires quand il y a des éléments nouveaux et qu’il faut approfondir l’audition. Les seuls cas où cela peut excéder ces délais concernent des affaires de terrorisme et je ne crois pas que cela ait déjà été le cas à Mayotte. Après la garde à vue, le prévenu est déféré devant le procureur qui transmet le dossier au juge d’instruction, qui va notifier l’individu de la mise en examen. Puis le juge des libertés et de la détention va prononcer ou non la détention provisoire en attendant le procès, en analysant les risques de pression sur les victimes, de fuite, ou de troubles à l’ordre public. Pour fonctionner, cette machine judiciaire a en effet besoin de preuves. Chaque élément est capital, que ce soit un témoignage, une vidéo qui peut démontrer que l’infraction a bien été commise. Tout cela facilite le travail des magistrats et la réparation devant la justice. Alors oui, on peut avoir l’impression que c’est peine perdue, ou que l’appareil judiciaire va trop lentement, que les résultats ne sont pas au rendez-vous… Quand l’administration est en sous-effectif, il devient difficile d’aller plus vite que la musique ! Je pense qu’à Mayotte notamment, il est important de miser sur les moyens humains. Cela veut dire plus de magistrats et plus de forces de l’ordre. Mais il faut aussi davantage de formation, pour former des policiers, des gendarmes et aussi des magistrats mahorais. Enfin, certains estiment aussi qu’il peut y avoir du laxisme dans la condamnation pénale. J’ai envie de vous dire : la justice a ses raisons que l’émotion ne connaît pas. Mais il faut garder en tête que la loi pénale est une loi souveraine qui s’applique sur l’ensemble du territoire national. Il ne peut pas y avoir de dérogation, mais ce que peuvent demander les Mahorais, c’est l’application stricte de la loi quand la peine est prévue pour une infraction. De quoi donner un signal fort, en somme. Dans l’affaire qui nous concerne aujourd’hui, le code pénal prévoit que les fauteurs de trouble encourent la perpétuité…
Pour répondre à la suite de votre question, en effet, ce qui fait défaut, ce qui ne fait pas avancer l’enquête, c’est cette omerta. Elle s’explique par la frilosité sur la question judiciaire, la peur de la vendetta, et aussi parfois car il peut y avoir l’implication d’un des leurs dans des actes délictuels. C’est pourquoi je crois dans le travail de médiation, que je porte aussi à travers le Conseil de quartier pour la sécurité de Mayotte (Cosem), pour non seulement prévenir les violences mais aussi identifier les poches de délinquance et faire remonter des informations à la gendarmerie pour interpeller les fauteurs de troubles. La médiation peut encourager ceux qui le souhaitent à dénoncer, mais pas forcément directement à la gendarmerie, plutôt à des personnes de proximité. D’où mon appel aujourd’hui à venir témoigner à la mairie. Ce travail de renseignement est capital pour dénoncer les délinquants. Et il a le mérite de soulager les familles qui vivaient dans la peur.
Les sages-femmes hospitalières, territoriales et libérales de Mayotte ont répondu à l’appel de l’organisation nationale syndicale des sages-femmes ce mardi 26 janvier. Présentes devant le centre hospitalier aux aurores, elles ont d’abord sensibilisé les patientes et les autres professionnels de santé avant de prendre la direction de l’ARS où elles ont été reçues en fin de matinée.
« Où t’es, sage-femme où t’es ? » Si l’air remixé de Stromae donne lieu à quelques pas de danse aux abords du centre hospitalier de Mayotte, les paroles de la chanson démontrent bien le malaise profond au sein de la profession. En effet, l’ambiance chaleureuse de la grève de ce mardi 26 janvier, à l’instar de cette haie d’honneur pour un scootériste, ne cache en aucun cas l’exaspération criante. Il faut dire que l’organisation nationale syndicale des sages-femmes n’y va pas avec le dos de la cuillère : invisibilité, statut hybride, défaut de personnel, indécence des salaires…
Retour devant l’entrée du CHM avec près d’une centaine de sages-femmes, vêtues de leur blouse blanche. « Code rouge » peut-on entendre sur le bout des lèvres mais aussi lire sur les pancartes au moment où un taxi klaxonne en signe de soutien. Une expression médicale qui se dit lors d’une césarienne en extrême urgence pour sauver la mère et/ou l’enfant et qui reflète leur environnement.
Dans le 101ème département, où se trouve la plus grande maternité de France et ses quelque 10.000 naissances par an, bénéficier de telles compétences (gynécologie, obstétrique, pédiatrie, échographie, orthogénie, contraception, suivi médical, examens de la mère et de l’enfant, deuil périnatal, etc.) se justifie au quotidien. Mais encore faut-il avoir les moyens de faire son boulot dans de bonnes conditions… D’où la rencontre très tôt avec la directrice de l’hôpital, Catherine Barbezieux, et le directeur des affaires médicales, Guy Allouard, pour évoquer l’application des revendications nationales à l’échelle locale.
Sur la table des discussions revient avec insistance la ligne de recrutement. « Au sein même du CHM, nous manquons de 40 sages-femmes », dénonce Anaïs Mydlarz, l’une des manifestantes du jour. Un sous-effectif non négligeable qui a des répercussions sur la prise en charge de manière générale mais aussi et surtout sur les transferts vers la ville chef-lieu depuis les centres de soins et d’accouchement. D’autant plus que certaines de ces infrastructures ne jouissent pas d’ambulances la nuit pour effectuer ces trajets. Réponse de la direction avec la mise en place d’un groupe de travail pour évoquer ces différentes problématiques. « Cela reste très vague, nous sommes toujours dans le flou », confie la professionnelle de santé, qui ne semble pas totalement convaincue.
Oubliées dans les chiffres Covid
Quelques minutes plus tard, direction l’agence régionale de santé pour échanger avec Patrick Boutie, le responsable par intérim de l’offre de soins et de l’autonomie. « Nous avons parlé de nos différents corps de métier – hospitalier, libéral et territorial – qui sont mobilisés aujourd’hui », précise Mathilde Lozano, la représentante régionale de l’ONSSF. Toutes regrettent de ne pas être reconnues à leur juste valeur. Elles rappellent l’oubli du ministère au moment des dotations des équipements de protections individuelles, en début de crise lors de la première vague. À titre d’exemple, les sages-femmes libérales de l’île aux parfums consultaient au cabinet ou au domicile des patientes enceintes malades avec les moyens du bord. Il aura fallu attendre l’envoi d’une lettre ouverte du conseil national de l’ordre des sages-femmes au ministre de la Santé, Olivier Véran, pour que la situation s’inverse. « Nous sommes autant touchées par la crise que les services de réanimation et de médecine. Sauf que les nombres d’hospitalisations en gynécologie et en maternité ne sont pas recensés dans les chiffres publiés [par l’autorité sanitaire]. »
Un malaise de plus au compteur. Preuve en est, si elles sont considérées comme des personnels médicaux aux yeux de la loi, la gestion quotidienne et les conclusions du Ségur de la santé les déconsidèrent en faisant l’amalgame avec les paramédicaux. Toujours dans la même thématique : elles demandent la création du statut de maître de stage pour être dédommagées lors de leur temps de formation auprès des étudiants sage-femme et médecin.
Silence radio pour les sages-femmes de la PMI
Autre point de divergence et non des moindres avec le service d’urgences gynéco-obstétricales, qui n’est à l’heure actuelle toujours pas reconnu comme « des urgences à proprement parler ». Conséquence ? Les patientes ne sont, en théorie, autorisées à être prises en charge que lors d’un accouchement. Difficile à imaginer sur un territoire comme Mayotte. « Beaucoup d’entre nous ont perdu l’envie de travailler », soupire Mathilde Lozano. Pis encore, nombre d’entre elles se réorientent, harassées par la considération reçue et le traitement réservé… Malgré tout, un espoir existe selon elle. « On nous a entendues, c’est plutôt une bonne nouvelle. L’ARS compte se pencher sur la question comme cela a pu être le cas avec les kinés par le passé. »
Présidente du conseil départemental de l’ordre des sages-femmes de Mayotte, Cloé Mandard juge important que « l’ensemble des sages-femmes de l’île se sente soutenu par leur instance ordinale dans leurs revendications de conditions d’exercice et dans leur demande de reconnaissance de la profession, si méritée ». Malheureusement, toutes n’ont pas été logées à la même enseigne ce mardi, puisque les sages-femmes de la protection maternelle et infantile (PMI) déplorent de ne pas avoir reçu de retour de la part de Issa Issa Abdou, vice-président du Département en charge de l’action sociale, de la solidarité et de la santé. Code rouge !
Revalorisation des salaires, contractualisation, éducation prioritaire pour tous. Ce mardi 26 janvier, une centaine d’enseignants ont répondu à l’appel de différentes organisations syndicales et se sont réunis devant le rectorat pour prendre part à la grève nationale. L’occasion pour l’intersyndicale de rappeler les revendications défendues à Mayotte avant d’échanger avec le recteur, Gilles Halbout.
Journée de rentrée pour les syndicats mahorais de l’Éducation nationale qui, ce mardi 26 janvier, ont organisé un rassemblement devant le rectorat. Pas de manifestation et de marche comme à l’accoutumée mais une rencontre à 10h avec Gilles Halbout, le responsable de l’académie de Mayotte. L’objectif : échanger sur un plan d’urgence en faveur de l’éducation. Avec en premier lieu la question des moyens déployés dans le 101ème département. « Il faut combattre les suppressions de poste dans le premier degré et dans le second« , assène Rivo Rakontondravelo, le secrétaire départemental du SNUipp, avec le style qui le caractérise. Une introduction qui ne concerne pas forcément l’île aux parfums puisque le territoire doit bénéficier de 255 postes supplémentaires à la rentrée 2021-2022.
Par contre, d’autres sujets propres à Mayotte sont bel et bien sur le feu. À l’instar de ceux sur les enfants en situation de handicap et leurs accompagnants, sur la reconnaissance de l’ancienneté des anciens instituteurs intégrés en 2005 dans la fonction publique, sur la hausse de l’indexation des salaires au niveau de La Réunion, ou sur la retraite. « Nous avons besoin d’évaluation de carrière plus rapide et d’emplois plus statutaires« , renchérit Bruno Dezile pour la CGT Éduc’action, visiblement remonté comme un coucou suisse contre le gouvernement, « qui nous attaque de tout bord« .
« Tous les personnels doivent être rémunérés correctement et travailler dans des conditions dignes« , poursuit-il, avant de s’interroger sur le programme de constructions scolaires. Interrogé à ce sujet par Flash Infos au début du mois, le recteur rappelait que le point de vigilance de la rentrée était le chantier immobilier. « Tous les lycées et collèges doivent sortir de terre au plus tard pour la rentrée 2025 » tandis que « sur les 800 nouvelles classes nécessaires, 500 sont dans les tuyaux pour la période 2023-2024« , annonçait-il dans nos colonnes.
« Nous cochons toutes les cases pour passer en REP+ »
Mais le nerf de la guerre aux yeux des organisations syndicales est le passage en REP+ de l’ensemble de l’académie. « Compte tenu de la situation et des catégories sociales défavorisées, nous cochons toutes les cases« , rabâche Henri Nouri, le secrétaire général du SNES à Mayotte. « Si nous réalisons juste de l’expérimentation, nous faisons surtout de la déréglementation… » Or à ses yeux, cette labellisation permettrait de considérablement diminuer les effectifs des élèves dans les classes et ainsi d’améliorer les conditions d’enseignement. « Tant que nous ne l’aurons pas obtenue, nous serons en difficulté. »
Dernier point évoqué : la situation des contractuels. « Il faut [leur] donner des perspectives avec un plan de titularisation« , rappelle Henri Nouri, qui en a fait son cheval de bataille. Assis à l’ombre, Ali, secrétaire au collège de Dembéni, dénonce lui aussi la précarité permanente dans laquelle vivent les enseignants à Mayotte. « Il y a trop de turnovers« , déplore-t-il. Un sentiment partagé par Bruno Dezile, qui monte dans les tours dès qu’il s’agit d’évoquer cette manière de procéder. « Nous avons besoin de professionnels et non pas de gens que nous jetons. » Avant de terminer son allocution par un « Blanquer, si t’aimes pas l’Éducation nationale, rentre chez toi !« . Les puristes apprécieront.
Alfa Moussa vient de créer sa société de photographie et vidéographie par drone. Passionné par les images aériennes, ce jeune originaire de Chiconi entend en faire son métier. Pour cela, il doit tout mettre en oeuvre pour séduire le marché mahorais qui n’est pas habitué à une telle pratique.
“J’ai beau réfléchir, je ne me souviens même pas de quelle manière j’en suis arrivé aux drones.” Ces mots sont ceux d’un passionné. Étudiant, Alfa Moussa se lance dans les images capturées par les drones en 2014. “J’ai commencé en métropole où j’achetais des drones à 600-700 euros. Il s’agit d’un budget conséquent mais c’est ce que je voulais faire. Je séchais même les cours pour passer plus de temps avec les drones”, sourit-il. Malgré son DUT en comptabilité en poche, la passion du drone ne le lâche pas. Dans l’hexagone, villes, offices de tourismes ou encore entreprises le sollicitent pour faire des images. Des compétences reconnues même au-delà des frontières françaises puisqu’il travaille également en Espagne.
Mais son succès au niveau national ne lui fait pas oublier son île natale. “Lorsque je venais en vacances à Mayotte, j’organisais des fly test de drones. C’est-à dire-que j’invitais les jeunes à venir découvrir ce que c’est.” Il y a tout juste un mois, Alfa décide de rentrer définitivement à Mayotte afin de se rapprocher de ses parents. Il saute alors sur l’occasion pour développer son activité. Il passe toutes les formations obligatoires et demande les certifications nécessaires afin de pouvoir professionnaliser officiellement sa passion.
Conquérir le marché public : mission impossible ?
Alfa établit alors une liste des instituions, associations, organismes avec qui il pourrait travailler. Mais sur place, le jeune de Chiconi réalise que le marché mahorais, pauvre dans le domaine, n’est pas aussi réceptif qu’il ne le pensait. Il se rend compte assez rapidement que “le drone n’est pas très connu à Mayotte”. Il répond alors à des contrats de professionnels pour des mariages ou de la modélisation, mais cela ne lui suffit pas.
Le jeune homme de 24 ans vise le marché public qui est assez réticent à l’idée de faire appel à un professionnel pour des images aériennes. “Pourtant, en métropole cela se fait couramment et assez facilement. Ici, les entreprises, les offices de tourisme et les villes ne sont pas très coopératives, mais je ne lâche rien car je sais que je peux leur être utile et que ça va payer”, déclare-t-il. Alfa souhaite notamment collaborer avec les entreprises spécialisées dans le BTP. Les images faites avec les drones peuvent leur permettre de suivre les chantiers et d’avoir une vision globale. Une pratique courante dans l’hexagone, mais quasi inexistante à Mayotte…
Surveillance aérienne en perspective ?
Il veut également séduire la préfecture à travers son projet d’inspection aérienne. “L’idée est de faire de la surveillance par drone, des zones sensibles où il y a régulièrement des affrontements. Les drones permettent de faciliter l’identification des individus puisque l’on peut zoomer jusqu’à 30 fois avec certains modèles”, explique-t-il. En attendant de voir ses projets se concrétiser, il travaille déjà avec lOulanga na Nyamba qui lutte contre le braconnage. Le projet n’est encore qu’à ses balbutiements mais l’association souhaite renforcer la surveillance des tortues en faisant appel aux images aériennes qui donnent une vue d’ensemble.
Les offices de tourisme pourraient également être de bons clients pour le jeune homme, mais elles peinent à mettre la main à la poche. “Elles ont encore du mal à proposer des contrats aux professionnels, car elles cherchent surtout des images gratuites. Mais nous cherchons de quoi vivre.” Malgré tout cela, Alfa reste tout aussi motivé qu’à ses débuts. Il sait qu’il peut tirer son épingle du jeu grâce au développement de l’île.
Comment contacter Alfa Moussa ?
Vous pouvez joindre Alfa Moussa pour tous types de prestations sur ses réseaux sociaux et par e-mail. Facebook : Java Production Instagram : @javaproduction_chiconi E-mail : Javaproduction-Chiconi@outlook.fr
L’agence régionale de santé, appuyée par la Croix-Rouge française, a enfin ouvert les portes du premier centre de vaccination contre le Covid-19 à la MJC de M’Gombani ce lundi. Dès cette semaine, plusieurs centaines de personnes, d’abord les professionnels de santé de plus de 50 ans et présentant des comorbidités, puis les personnes âgées de plus de 75 ans ou fragiles, doivent recevoir une première injection. Une deuxième livraison de 975 doses est prévue la semaine prochaine.
“Martial, c’est bien le prénom ?”, demande timidement la bénévole de la Croix-Rouge, alors que les flashs crépitent tout autour d’elle dans la petite salle d’accueil provisoire installée à la MJC de M’Gombani. “Oui, c’est le prénom, Henry étant le nom”, répond le Dr Martial Henry, en articulant autant que possible sous son masque et en tendant l’oreille pour être sûr de bien entendre les numéros de sa carte Vitale, que lui dicte la deuxième secrétaire. La scène est hautement symbolique : dans quelques minutes, le premier médecin originaire de Mayotte et figure politique emblématique de l’île aux parfums va recevoir la première dose de vaccin contre le Covid-19 du 101ème département. Hors de question pour les caméras de louper le coche ! Le moment venu, tout le monde retient son souffle. L’infirmier insère doucement l’aiguille dans le bras découvert du docteur. “Vous allez être le seul patient à recevoir plusieurs piqûres, pour la photo !”, ironise Dominique Voynet, la directrice de l’ARS, qui assiste, amusée, à la scène.
Légers retards à l’allumage
Mais derrière les traits d’esprit, le soulagement est de mise. Enfin, Mayotte a reçu sa dotation et va pouvoir entamer la campagne de vaccination, un mois après la métropole. Jusqu’à la dernière minute, l’agence régionale de santé aura dû faire des pieds et des mains pour garantir le bon déroulement de l’opération. D’abord attendue le 12 janvier, et repoussée au 22 janvier, la livraison du super congélateur et des premières 975 doses du vaccin Pfizer/BioNTech a connu plus d’un couac. Tout devait pourtant être ficelé ce samedi, pour un lancement de la campagne dimanche matin. Manque de pot, l’avion militaire censé acheminer le tout a dû faire demi-tour et retourner se poser à Evreux à la suite d’un problème technique. Attendue lundi 6h à l’aéroport de Dzaoudzi-Pamandzi, la carlingue aura finalement posé ses roues sur le tarmac à 8h, repoussant encore un peu plus ce lancement tant attendu. “Par rapport à la date initiale, nous n’avons que 24h de retard, ce n’est pas si mal”, nuance Dominique Voynet.
Course contre la montre
À sa décharge, la logistique qui encadre cette vaccination n’est pas des moindres. Entre les capacités de production industrielle limitée des deux vaccins, Pfizer et Moderna (ceux qui ont pour l’instant obtenu l’aval des agences de médicament), la forte demande au niveau mondial, et les conditions de conservation difficiles du premier produit, à -80 degrés dans un super congélateur spécifique, l’entreprise vaccinale constitue un vrai casse-tête. Sans parler du compte à rebours ! Les flacons, une fois sortis de cette armoire à glace, doivent être utilisés dans les cinq jours. Pire, dès le produit dilué et préparé pour l’injection, le tic-tac descend à quelques heures à peine. De quoi donner des sueurs froides aux autorités sanitaires en charge du bon déroulement de l’affaire. “À nous de prouver que nous pouvons consommer les premières 975 doses”, acquiesce la directrice de l’ARS. Une prochaine livraison de 975 doses est prévue le 28 ou le 29 janvier, puis sur un rythme hebdomadaire, avec le double du stock en fonction des résultats des prochains jours.
“Montrer l’exemple”
D’où l’importance de cette première semaine… Et du passage du Dr Martial Henry sous l’aiguille. “Pour ma santé, la vaccination est une prévention et c’est aussi un moyen de montrer l’exemple à tous les professionnels de Mayotte, si nous voulons voir cette épidémie disparaître”, explique-t-il aux caméras, assis après son injection pour un temps d’observation de quinze minutes. En tout, ce sont un peu plus d’une centaine de professionnels de santé libéraux et de pompiers, âgés de plus de 50 ans et/ou présentant des comorbidités, qui étaient attendus ce lundi. Puis, avec l’appui des communes, les plus de 75 ans et les personnes fragiles seront invitées à se faire vacciner à leur tour à partir de ce mardi. Les mairies et leurs CCAS doivent s’occuper d’établir les listes en amont et de transporter tout ce vieux monde en bus jusqu’au centre de vaccination de M’Gombani. Et c’est la commune de Pamandzi qui doit donner le la. Un deuxième centre de vaccination est ouvert en parallèle au CHM, pour le personnel de l’hôpital.
Faible affluence ce lundi
Ce lundi matin, pourtant, la foule ne se presse pas vraiment au portillon. Après l’ex vice-président du conseil général, quelques pompiers, un pharmacien et sa femme de soixante ans défilent à tour de rôle le long du parcours de soin. “Ils ont prévenu les gens un peu tard, moi-même j’ai reçu l’info par l’Ordre des médecins”, témoigne le Dr Alain Prual, médecin et directeur de la Protection maternelle et infantile (PMI) au conseil départemental. Une faible affluence qui s’explique aussi par le changement de calendrier, les cabinets de médecins ou infirmiers libéraux étant ouverts ce lundi, contrairement à dimanche. Ceux qui ont pu faire le déplacement ont en tout cas bien compris le message. “Pas question de me faire chourer ma place, il reste 972 doses ! Je suis déjà vieux !”, plaisante le Dr Alain Prual. Prêt à dégaîner sa carte Vitale.
Avec plus de 700 cas recensés au cours de la dernière semaine, Mayotte connaît véritablement sa deuxième vague, notamment avec l’apparition du variant sud-africain. Si le plan rebond permet aujourd’hui d’éviter une saturation rapide des services, les 15 prochains jours seront décisifs. Surtout que l’épidémie de bronchiolite pourrait se greffer à celle du Covid-19. Le scénario catastrophe pour Christophe Caralp et Ludovic Iché, le chef de pôle URSEC et le chef de service des urgences. Entretien.
Flash Infos : Alors que la campagne de vaccination a officiellement commencé ce lundi, Mayotte recense 711 nouveaux cas du 16 au 22 janvier, soit près de 10% du nombre total depuis le début de l’épidémie en mars dernier. Du côté des urgences, comment analysez-vous la situation ?
Christophe Caralp : Depuis dix jours, nous notons effectivement une nette accélération du nombre de cas positifs avec également une entrée quotidienne en réanimation. La situation actuelle est que le service de réanimation est plein, dont la moitié des lits sont occupés par des patients atteints du Covid qui présentent des détresses respiratoires assez sévères. Il s’agit principalement d’hommes âgés de 50-60 ans avec des facteurs de risque, comme l’hypertension et le diabète. Jeudi soir, nous avons ouvert la première aile de débordement pour la réanimation en SSPI (salle de surveillance post-interventionnelle), qui nous permet d’accueillir sept autres patients. Aujourd’hui, nous en comptons trois, dont deux sont potentiellement sortants. Et en parallèle, nous avons mis en place une filière respiratoire aux urgences pour isoler les cas positifs, avec du personnel dédié, et renforcé le Samu, notamment le centre de régulation, car le nombre de dossiers liés au Covid représente 10% de nos appels.
Cette accélération logarithmique est probablement comparable aux moments les plus difficiles de la première poussée vécue l’année dernière. Nous étions avertis car des données de Santé Publique France alertaient déjà fin décembre sur cette possibilité. Après un mois de congés, entre les retours de métropole et les brassages sur l’île, nous nous y attendions. Même si nous avons été surpris par la sévérité. Heureusement, nous étions prêts sur le plan logistique.
FI : À la différence de l’an dernier où l’on ne cessait de répéter le retard de sept semaines avec la métropole, les autorités ont déjà prévenu qu’il serait compliqué de recevoir autant de moyens. Comment appréhendez-vous cela ?
Christophe Caralp : Mayotte reste une zone surveillée au même titre que la Guyane, en raison de l’apparition du variant sud-africain. Mais si ce dernier s’installe durablement et se diffuse, nous risquons d’être confrontés à une deuxième poussée car il a l’air plus contagieux chez les jeunes et réinfecte plus facilement ceux qui ont déjà eu la souche initiale.
Notre effectif actuel est présent chez nous a minima jusqu’à mi-avril. Cela nous laisse un peu de temps pour continuer à nous organiser. Malgré tout, le gouvernement a bien conscience de nos limites. L’ARS et la direction nous ont demandé de faire remonter nos besoins pour éventuellement accueillir un renforcement paramédical d’ici trois ou quatre semaines grâce à la réserve de Santé Publique France, voire même des militaires car nous avons la possibilité d’armer des lits de réanimation supplémentaires.
Ludovic Iché : Nous sommes aussi à la recherche de ressources humaines internes pour augmenter nos capacités à répondre au téléphone, c’est-à-dire plus d’assistants de régulation médicale. Après la première vague, nous avions rédigé des plans de réorganisation de reprise d’activité du Covid pour les services des urgences et du Samu. Sur le papier, nous avions donc déjà une idée de comment nous allions procéder en cas de rebond. Mais cela va encore monter en puissance, même si toute la France risque d’être dans le besoin. Au niveau politique, Paris enverra les moyens dans les départements qui en ont le plus besoin. De part sa configuration, Mayotte est à mon sens en haut de la pile et devrait rapidement voir débarquer des renforts vu la saturation actuelle. Même si nous avons la possibilité d’envoyer tous nos patients non-Covid en réanimation à La Réunion pour bénéficier de plus de lits.
FI : À quel moment considérerez-vous que la situation deviendra réellement critique ?
Ludovic Iché : En tant que chef de service, je pars du principe que nous allons être confrontés à une vague sévère, ce qui nous permet d’anticiper le pire. Je ne vais pas minimiser. Être pessimiste nous permet d’avoir un coup d’avance. Ce basculement sera imminent en fonction du nombre d’hospitalisations et de consultations. Ce seront les signaux d’alerte sur lesquels nous nous baserons. Si nous continuons en ce sens, nous serons très rapidement saturés. C’est la raison pour laquelle nous essayons d’augmenter nos capacités depuis plus d’une semaine. C’est un travail d’équipe avec l’ensemble des services de l’hôpital dans le but de libérer des lits et de la place pour accueillir les nouveaux patients. Si nous n’y arrivons pas, la prise en charge serait alors fortement dégradée.
FI : L’une des solutions n’est-elle pas de remettre en place le plan blanc pour faire en sorte que certains services « non indispensables » ne soient plus actifs ?
Christophe Caralp : Nous avons une capacité de nos services qui est déjà amputée. Mais il nous reste encore des réserves. L’idée, comme vous l’avez compris, est de continuer à les accroitre pour ne jamais être acculés et devoir arriver à ce genre de choix, comme l’activation du plan blanc. Nous poursuivons les évacuations sanitaires dans la mesure du possible.
Même si le Covid est une épidémie relativement sévère, notre but est de retarder l’échéance au maximum. Au vu de l’accélération sur la dernière semaine, il est très difficile de se projeter. Mais selon moi, nous partons pour 15 jours décisifs. Nous espérons que l’instauration du couvre-feu permettra d’infléchir la courbe.
FI : Comment anticipez-vous l’arrivée des épidémies de dengue et de bronchiolite qui peuvent mettre à mal la filière respiratoire de l’hôpital ?
Christophe Caralp : Traditionnellement, à cette période, nous sommes confrontés à l’épidémie de bronchiolite. Donc nous avions renforcé les effectifs en pédiatrie et aux urgences. Mais comme l’infection est probablement stoppée par l’application des mesures barrières, comme le lavage des mains et le port du masque, nous avons pu rediriger ce personnel vers les filières respiratoires dédiées au Covid.
Ludovic Iché : Je ne suis pas très inquiet par rapport à la dengue, même s’il va falloir la surveiller de très près. Par contre, je suis moins optimiste pour la bronchiolite. Car si celle-ci passe relativement inaperçu aux yeux des médias, tous les médecins généralistes et les dispensaires sont en temps normal saturés d’enfants de moins d’un an qui font des détresses respiratoires. Si cette épidémie fusionne avec celle du Covid-19, la gestion des deux sera d’une complexité sans précédent. Ce serait le scénario catastrophe des prochains jours.