Tortue verte ou imbriquée ? Mâle ou femelle ? Vous ne savez pas différencier les tortues ? Les élèves de l’école élémentaire de Labattoir 7 vont vous expliquer ! Depuis le mois de septembre, l’association Oulanga Na Nyamba réalise des ateliers de sensibilisation sur le thème de la tortue auprès des écoliers mahorais. Résultat, à tout juste dix ans, les enfants sont devenus de véritables ambassadeurs de l’animal marin.
“Ma tortue préférée, c’est la tortue olivâtre ! Parce qu’elle est belle, elle a des écailles pointues”, glisse joyeusement Bennaseb, élève en école primaire à Dzaoudzi-Labattoir. Avant de participer à cet atelier, l’écolier confie qu’il ne s’intéressait pas aux tortues, mais aujourd’hui, son rêve serait d’en observer une vraie, en chair et en carapace. Animateur auprès des jeunes mahorais pour l’association Oulanga Na Nyamba, Hamidani Saindou réalise différents ateliers dans le but de sensibiliser la population à la préservation des tortues. “Les séances que nous organisons se déroulent durant les horaires de périscolaires. Avec les élèves d’écoles primaires, nous animons sept séances autour de la tortue, plus une sortie sur le terrain, afin de présenter aux enfants l’habitat naturel de cet animal protégé”, précise-t-il.
“Tortue verte ou tortue imbriquée ?”
Au centre de la table, une tortue en résine. Synonyme du début de la séance. Première question : “Comment reconnaît-on la tortue verte et la tortue imbriquée ?”, les deux espèces de tortues qui viennent se reproduire à Mayotte. Après une brève réflexion, les enfants ont la réponse. « La tortue verte a deux écailles entre les yeux et la tortue imbriquée quatre”. Trop facile ! Mais pour la deuxième énigme, il va falloir se creuser davantage les méninges… “Pourquoi la tortue imbriquée a un bec crochu et la tortue verte un bec arrondi ?”, demande Hamidani Saindou. Après quelques tâtonnements, les écoliers décident de se lancer. “La tortue imbriquée se sert de son bec crochu pour casser le corail et les coquillages alors que la tortue verte utilise son bec arrondi pour se nourrir d’algues.” Par le biais de ces ateliers, les frimousses apprennent de manière ludique l’importance de la préservation des tortues.
Un peu d’Histoire, de biologie et de travaux manuels
Le saviez-vous ? Les premières tortues terrestres ont vécu il y a 230 millions d’années et une tortue faisait la taille d’un terrain de foot ! Ou encore, les ancêtres des tortues marines que l’on connaît aujourd’hui sont, quant à elles, apparues 100 millions d’années plus tard ! Autant d’informations qu’apprennent les enfants lors des interventions d’Oulanga Na Nyamba. Entre dessins, collages et quizs sur le thème des tortues, les petits mahorais semblent ravis d’en apprendre davantage sur le patrimoine naturel de leur île.
Son amour pour la peinture,n’a d’égal que son amour pour son village natal : Sada. Son nom d’artiste « 640 » fait référence au code postal de la ville. Mourchidi Imamou est un artiste peintre amoureux de la nature. Ses tableaux dévoilent une facette de Mayotte qu’il aimerait faire découvrir au monde entier. Mais l’artiste souffre de daltonisme, et ses œuvres d’art sont parfois décalées.
La passion de Mourchidi Imamou, plus connu sous le pseudonyme 640, trouve son origine en l’ilot de Sada. Enfant, la fenêtre de sa chambre donne pile poil sur le petit caillou. Les couchers de soleil qui s’enchaînent l’envoutent et le petit garçon peut rester de longues minutes à contempler le paysage qui s’offre à lui. « C’est l’ilot de Sada qui a fait de moi l’artiste peintre que je suis aujourd’hui », réaffirme Mourchidi. Sa mère lui offre alors un appareil photo jetable pour qu’il puisse immortaliser ce qu’il voit et le partager avec son entourage. À l’époque, il le trimbale partout avec fierté, pour montrer à qui veut bien sa perception de la beauté de la nature. Mais l’appareil photo finit par rendre l’âme… C’est alors que l’enfant s’initie au dessin. « J’ai toujours eu la main pour dessiner depuis la maternelle. Dès que j’avais un instant, je prenais un crayon pour dessiner ou colorier », raconte-t-il. Il commence à se familiariser avec la peinture au lycée en cours d’art plastique. À l’instant où son pinceau touche le papier, c’est le coup de foudre. L’adolescent qu’il était sait que la peinture sera son amour éternel. « Je me suis focalisé dans la peinture, car pour moi c’est la meilleure façon de jouer avec toutes les couleurs que nous offre la nature », explique l’artiste.
Pourtant, sa perception des couleurs est bien différente des autres, puisqu’il est atteint de daltonisme… « Eh oui je suis artiste peintre daltonien ! », avoue-t-il, avec sourire en coin. Il découvre sa différence grâce à sa femme. « C’est elle qui m’a fait réaliser que les couleurs que je voyais n’étaient pas celles que tout le monde voyaient. C’est à ce moment que j’ai compris que je ne maîtrisais pas vraiment les couleurs que j’ai toujours aimées. » Mais cette révélation n’arrête pas l’artiste, au contraire, Mourchidi Imamou en fait sa force. « Mes tableaux se démarquent des autres peintures. On aime ou on déteste, mais je prends le risque de me démarquer », assure-t-il. Ce qui le démarque justement est aussi son sens de la perfection qui peut lui faire défaut. Habitué à prendre en photo les paysages avant de les peindre, on a parfois du mal à faire la différence. « Ce n’est pas ce que je recherche, mais j’ai un côté perfectionniste. Quand je fais un tableau, je perds un temps fou à rajouter des détails », précise 640.
Mayotte, sa source d’inspiration
Si Mourchidi Imamou est capable de peindre tous types de paysages issus de différents pays, le 101ème département reste son terrain de jeu préféré. « Ce qui me motive le plus ? C’est de montrer la richesse que la nature nous a offert à Mayotte. On a le plus beau lagon du monde, certaines personnes ne le savent pas encore, alors je me suis dit que j’allais leur montrer », poursuit-il. En plus de revenir régulièrement à son premier amour, en l’occurrence Sada, l’artiste essaye de peindre des endroits improbables à Mayotte que peu de gens connaissent, sans oublier les plus connus à l’instar de l’ilot sable blanc. « Je veux que les gens voient la beauté de mon île. Cela peut contribuer à son développement, parce que les touristes peuvent acheter un tableau de Mayotte et le ramener avec eux. S’il est vu par d’autres, ça leur donnera envie de venir chez nous. » C’est la raison pour laquelle l’artiste souhaite absolument stimuler son art par tous les moyens.
« L’art n’est pas assez valorisé à Mayotte »
Aujourd’hui, le peintre gagne désormais sa vie grâce à ses tableaux. Toutefois, il déplore le fait que les artistes ne soient pas assez accompagnés sur le territoire. « L’art en général n’est pas assez valorisé. Pourtant, on devrait accepter que c’est une partie intégrante de notre culture », regrette Mourchidi Saindou. Il se bat pour donner à l’art la place qu’il mérite au sein de la société mahoraise. Cela commence par l’initiation aux enfants. Il intervient dans les écoles et les centres de loisir pour leur apprendre quelques techniques et transmettre sa passion. « Quand je peins, je suis dans un autre monde. La peinture est thérapeutique, ça ne peut que faire du bien aux enfants », ajoute-t-il. L’artiste souhaite donc aller plus loin et donner la possibilité à d’autres jeunes de pouvoir gagner de l’argent grâce à la peinture. « Je prendrai ces jeunes sous mon aile et surveillerai leur travail. Ils pourront ensuite vendre leurs tableaux à petits prix, mais ça sera un travail de qualité », explique le principal intéressé. Une stratégie qui évitera aussi de voir ces jeunes dans les rues. En attendant de finaliser son projet, Mourchidi Imamou alias 640 continue de peindre sa perception de la beauté qu’il n’hésite pas à partager sur ses réseaux sociaux.
La fin de l’année scolaire approche, et avec elle, son lot de problèmes. Comme chaque année, les professeurs contractuels sont évalués, pour une reconduite ou pas de leurs contrats. Mais un intersyndical est monté au créneau dénonçant des pratiques visant à ne pas les renouveler. Des accusations réfutées par le recteur.
Un secret de polichinelle : dans le 101ème département, les professeurs contractuels sont majoritaires. « Ils représentent 57% du corps enseignant selon le rectorat, mais nous pensons qu’ils sont beaucoup plus », précise Yacouba Galledou, secrétaire générale de Sgen-CFDT Mayotte. Aux yeux des organisations syndicales, ils sont tout simplement devenus indispensables à l’Éducation nationale qui peine à embaucher des titulaires. Pourtant, selon l’intersyndical qui s’est créé sur l’île, certains contractuels vivraient des situations d’injustice. C’est la raison pour laquelle il a sollicité le recteur, Gilles Halbout, pour une réunion qui aura lieu le 27 mai. « Nous constatons que les conseillers pédagogiques et certains inspecteurs outrepassent leur rôle d’accompagnateur. Ils [leur] mettent beaucoup de pression. Ils essayent de briser nos collègues, c’est à la limite du mépris alors qu’ils doivent les accompagner », dénonce encore Yacouba Galledou.
Et l’année 2020-2021 serait particulièrement difficile pour les enseignants contractuels. « Nous avons observé un nouveau phénomène, nos collègues contractuels qui travaillent dans l’enseignement depuis quatre ou cinq ans ne sont pas renouvelés. Les conseillers pédagogiques qui les ont suivis depuis toutes ces années leur disent soudainement qu’ils ne sont pas bons pour ne pas renouveler leurs contrats », accuse le représentant de l’intersyndical. Car au bout de cinq ans de contrat en tant que contractuel, la sixième année est synonyme de contrat à durée indéterminée pour l’enseignant ! À condition d’être bien évalué par l’inspecteur.
Ce sentiment d’injustice s’accompagne à celui de l’abandon. Les contractuels sont des enseignants non formés avant leur prise de fonction. De ce fait, ils doivent passer une série de formations qui les préparent au métier. Et se voient encadrer par un tuteur pour les accompagner. « C’est comme cela que ça passe partout en France, sauf à Mayotte où nous [les] faisons travailler par manque de tuteurs et d’inspecteurs. Et la crise sanitaire a profondément perturbé ce fonctionnement », continue le secrétaire général de Sgen-CFDT Mayotte. Alors ce dernier n’a qu’un seul souhait : que les contractuels soient tous « exceptionnellement » renouvelés pour l’année prochaine. Une requête qui fait doucement rire le recteur…
« Il faut faire ses preuves ! »
À quelques de sa rencontre avec les syndicats, Gilles Halbout sait déjà à quoi s’attendre. « C’est un sujet qui revient chaque année. Nous avons toujours des contractuels qui considèrent avoir été mal évalués. Alors comme les fois précédentes, nous allons étudier tous les dossiers et nous prendrons des décisions au cas par cas », annonce-t-il, en réponse aux désidératas de ses détracteurs. Selon le responsable de l’académie, ces contractuels non renouvelés représentent seulement 2,5% de leur groupe, soit une infime minorité. Si certains seront probablement repêchés, il est hors de question de renouveler la totalité pour le recteur. « Est-ce que c’est souhaitable ? C’est du n’importe quoi ! Je ne veux pas stigmatiser les contractuels, mais certains chefs d’établissements nous disent qu’ils sentent la différence », avoue-t-il. Il n’est pas contre l’idée de donner une nouvelle chance à ceux qui n’ont pas de dossier totalement négatif, quitte à les renvoyer en formation, mais une chose est claire, tout le monde n’aura pas cette chance. « Pour le bien de l’Éducation nationale, il faudra se séparer des autres, parce que tout le monde n’est pas fait pour enseigner. Il faut faire ses preuves ! », martèle Gilles Habout.
Quid alors de la supposée manigance du rectorat pour ne pas attribuer de CDI aux anciens contractuels ? « C’est faux, archi faux ! Nous n’avons aucun intérêt à faire cela, parce qu’à Mayotte, nous avons besoin d’enseignants. Nous avons déjà du mal à recruter alors nous n’allons pas nous amuser à ne pas reconduire ceux qui ont de l’expérience », s’emporte le recteur. Sa politique de fonctionnement est même à l’opposé de ce qui est dénoncé par l’intersyndical puisque depuis sa prise de fonction, les contractuels ont eu la possibilité d’avoir des contacts de deux à trois ans, selon leurs compétences. La réunion prévue jeudi prochain risque de faire des déçus.
Un des arts traditionnels de l’archipel consiste à tailler le bois. Portes, coffres, sièges… Tout peut être sculpté par les mains des menuisiers comoriens. Installé à Mayotte, Marouf continue à faire perdurer cet art unique.
Tac, tac, tac, outils en main, Marouf sculpte avec précision un coffre haut d’un mètre cinquante. Son stagiaire, assis en face de lui, le regarde, d’un air très concentré. Les gestes du menuisier sont secs et précis. Cela fait presque 20 ans maintenant qu’il fait ce travail. Ainsi, il maîtrise chaque technique à la perfection et se dit lui même passionné. « J’ai voulu passer le concours pour être gendarme, mais je n’ai pas eu cette chance… Du coup je me suis dis que je connaissais ce travail d’artisnat et que j’aimais ça, alors pourquoi pas en faire mon métier », retrace l’homme, toujours les yeux focalisés sur son œuvre en préparation.
Marouf touche le bois avec douceur, ses doigts suivant les lignes dessinées sur le bois, qui n’attendent qu’à être sculpté. L’homme d’une cinquantaine d’années a appris le métier de son père, à Domoni. Malheureusement, les jeunes mahorais n’ont pas la passion qui l’habite. « J’ai des stagiaires, mais ils ne sont pas tous motivés, ils disent que c’est trop dur », sourit-il, un brin taquin. Il donne toutefois des cours à trois métropolitains, qui souhaitent apprendre. Pourtant,vivre de sa passion est un luxe auquel beaucoup n’ont pas accès. « Il n’y a pas énormément de travail, mais assez pour vivre », résumet-il avec philosophie, avant de souffler sur les copeaux devant lui. Marouf se contente de vivre de ce qu’il a, et semble en être très heureux.
Un travail de patience
« Pour un coffre de cette taille, c’est trois semaines de travail, tous les jours, sauf le dimanche », explique-t-il. Après avoir travaillé toute la surface, il vernit la pièce unique pour la protéger. Avant de passer à cette étape, il lui reste un côté à sculpter. Pendant ce temps, le mouvement ne faiblit pas à l’angle de la rue. « Salam Alikoum », lui dit un passant. Il connaît tout le monde dans le quartier et vice versa. Les plus jeunes s’arrêtent un instant pour lui dire bonjour et admirer sa dextérité. Les plus anciens le saluent chaleureusement, lui souhaitant du courage pour sa journée de travail. Sa bonne humeur réchauffe les cœurs. Très humble, et plein de bienveillance, Marouf travaille soigneusement, sans oublier d’échanger avec les uns et les autres. S’il trouve que Mayotte a quelques inconvénients, il aime « le travail manuel artisanal » et se plaît à embellir chacun des morceaux de bois qui passe dans ses mains. Il sera sûrement posé au niveau du même angle de Cavani pendant encore de longues années, distribuant des sourires et partageant son savoir-faire.
Lancée à l’initiative d’éleveurs et d’industriels en 2017, la SAS Abattoir de volailles de Mayotte (AVM) vient de sortir de terre son outil. Forte du succès de sa marque 100% locale, la société entend multiplier par dix sa capacité de production. Et ainsi donner un coup de boost à la filière.
Cot-cot codêêêt !… Sous le haut plafond du hall de réception, l’on devine presque les piaillements des milliers de poulets qui passeront bientôt la patte dans l’étrier. Accrochées en rang les unes derrière les autres, les suspensions flambant neuves attendent patiemment leur cargaison, prêtes à emporter leurs victimes de chair et de plumes jusqu’au poste de saignée. Plouf ! Un stop dans l’eau pour les étourdir – l’électronarcose, dans le jargon – et schlack, un cou tranché en direction de la Mecque, et les voilà bonnes pour passer à la casserole, ou presque. Bon, pour l’instant, ce sont surtout quelques notes de cornemuse qui résonnent dans l’imposant bâtiment de Kahani, où des ouvriers s’attellent encore à peaufiner les derniers détails. “Je ne suis pas sûr qu’il y aura de la musique pour les poulets”, souligne avec esprit Guillaume Rubin, le directeur d’AVM, qui guide les visiteurs sur ce chemin de la mort.
1 de 7
Non sans fierté. Car avec ce tout nouvel abattoir de volailles, l’entreprise mahoraise qui commercialise depuis déjà deux ans la marque “Mon Pouleti” va bientôt pouvoir multiplier par dix sa capacité de production. Dans ce bâtiment grand de 2.200 mètres carrés, AVM entend en effet faire défiler un million de poulets, soit 1.500 tonnes de viande, contre les 120 actuellement produites sur le petit outil de Coconi, destiné davantage à un usage pédagogique. “Depuis 1986, il y a eu beaucoup de tentatives de structurer la filière poulet de chair, qui se sont heurtées à de nombreuses difficultés. Nous avons donc voulu être prudents et commencer avec une petite production”, rappelle le patron en retraçant l’historique de la boîte, créée en 2017. Pour éviter d’y perdre des plumes, la SAS a associé tous les acteurs de la chaîne, des éleveurs, aux industriels, parmi lesquels on retrouve notamment AFICAM, AEM et Ekwali Couvoir. De quoi structurer la filière, de l’amont à l’aval.
Une étape du développement agricole de Mayotte
L’objectif, à terme ? Doubler la production. “Mais il faut aussi créer cette demande”, concède Guillaume Rubin. Pas de quoi dégonfler Elhad-Dine Harouna, son président. “On m’a toujours dit que les Mahorais veulent manger moins cher. Moi je crois qu’ils veulent manger moins cher mais de qualité !”, avance l’éleveur qui s’est lancé dans l’aventure agricole en 2013. “Depuis, nous avons gravi les échelons, c’est un travail de 30 ans. J’ai vendu des poulets abattus sous le manguier, puis en sac plastique, jusqu’à la barquette avec Mon Pouleti. Et ce n’est qu’un début dans le développement agricole de notre territoire”, se targue le président d’AVM. Pour autant, pas question de tomber dans un modèle hyper-productiviste, “comme ce qu’ils ont fait en Bretagne”. Leur philosophie : préférer des éleveurs “familiaux mais performants”, actuellement au nombre de 12, plutôt que dépendre de “trois grosses exploitations”. Et surtout, les rémunérer au juste prix.
Une offre 100% locale, par et pour les Mahorais
Offrir aux Mahorais une offre locale, et de qualité, voilà la promesse de ce nouvel abattoir, qui doit accueillir ses premières volailles à la mi-juillet, pour une inauguration officielle prévue le 27 août. L’autre plus ? Un atelier de découpe, pour empaqueter ailes et cuisses à foison, ce que ne permettait pas l’actuel outil de Coconi. Disponibles en grande surface comme dans la boutique de l’usine, Baraka Frais, les poulets, mais aussi du canard, de la pintade, et de la charcuterie de volaille pourront être achetés à un prix abordable, garantit-on. Le tout 100% local, et “local de Mayotte”, insiste Amélie Tassin, responsable de production et de commercialisation. “Nous n’arriverons pas à concurrencer les mabawas importés à 2,50 euros, mais sur des marques type Label rouge, importées de métropole, nous pourrons peut-être être concurrentiels, avec une qualité locale”, explicite Guillaume Rubin. Tout dépend in fine des volumes. Et justement, pour mutualiser les coûts d’une telle structure et faire des économies d’échelle, AVM compte s’associer à d’autres acteurs, comme la Laiterie de Mayotte, pour stocker et livrer les produits partout sur l’île. “Nous ne voulons pas faire un produit élitiste, mais au contraire, un produit achetable par le plus grand nombre”, martèle le directeur.
L’Europe s’engage, le conseil départemental aussi
Un enjeu de taille, compte tenu des problématiques de vie chère qui asphyxient l’île, encore trop dépendante de ses exportations. D’où la participation du conseil départemental, dont les élus étaient présents en nombre pour cette première visite. “Après mon élection, c’est peut-être la deuxième délibération qui a été votée à l’unanimité, c’est pas beau ça ?”, évoque le président de la collectivité Soibahadine Ibrahim Ramadani. En tout, il aura fallu une enveloppe de huit millions d’euros pour mettre sur pied cet outil, qui offre, une fois n’est pas coutume, une réalisation concrète de l’utilisation des fonds européens. 5.36 millions d’euros du FEADER sont en effet venus abonder l’opération, auxquels le conseil départemental a ajouté de sa poche 680.000 euros supplémentaires. Petits grincements de dents dans l’assistance. “Dans l’enveloppe FEADER, il y a aussi la participation du conseil départemental”, piaffent les élus en insistant pour corriger leur ligne dans le tableau. Pas de panique ! L’équipe d’AVM s’empresse d’exécuter un rapide calcul mental. “Oui au total, cela fait plutôt 1.18 million d’euros de subventions du Département. Bon, ce n’est pas non plus très exact de présenter les choses ça, mais bon…” Gare aux coups de bec !
Depuis le début du mois de mai, la société Transdev s’occupe de la partie gestion du réseau de transports scolaires pour le compte du Département. Son rôle pour les six prochaines années : s’assurer de superviser toute la partie exploitation, de gérer des inscriptions, d’accompagner les véhicules et d’apporter toute son expérience. Entretien avec le directeur Outre-mer de Transdev, Julien Tenenbaum.
Flash Infos : Pourquoi Transdev a-t-il décidé de se positionner sur le marché de transport scolaire mahorais ?
Julien Tenenbaum : Transdev jouit d’une présence très forte en Outre-mer depuis une trentaine d’années. Jusqu’à il y a encore deux ans, nous intervenions comme actionnaire minoritaire de la société Matis, donc nous avons une certaine connaissance du territoire. Lorsque le Département a décidé de réallotir le marché de transport en distinguant les parties exploitation et gestion du réseau, nous nous sommes positionnés sur la seconde, parce que cela rentrait exactement dans la lignée de ce que nous faisons actuellement dans les autres territoires ultramarins.
Nous n’avons pas de bus, nous n’avons pas pour vocation à exploiter directement des lignes, mais nous apportons différentes fonctions supports. Notre rôle consiste à superviser pour le compte de la collectivité les six lots d’exploitation, et à nous occuper de la gestion des inscriptions et de l’accompagnement des véhicules. C’est ce que nous aimons faire !
FI : Quelle est la particularité de cette convention signée pour les six prochaines années avec le Département ?
J. T. : Même si nous avons officiellement débuté ce mois-ci, nous n’avons pas encore de rôle exécutif sur le réseau, puisque notre mission démarrera réellement à la fin du mois d’août à l’occasion de la rentrée scolaire. L’une des principales fonctions sera l’accompagnement des transporteurs locaux et des services du Département pour une logique de montée en compétences. À titre d’exemple, nous avons prévu une série d’actions pour ces premiers telles que de la formation et du conseil.
Nous avons prévu de nouveaux outils qui permettent d’organiser le réseau pour faciliter la vie et le travail des différents services. Le but étant d’arriver petit à petit à son amélioration, sachant toutes les difficultés rencontrées. Nous arrivons avec beaucoup d’humilité par rapport à cela. Nous ne révolutionnerons pas tout, mais nous souhaitons faire front commun avec les différents partenaires pour y contribuer au fil des six prochaines années.
FI : L’été dernier, le conseil départemental avait modifié une clause de l’appel d’offres de marché public du transport scolaire. Dans le dernier texte, l’entreprise qui remportait la délégation ne serait plus obligée de reprendre les 80 employés du délégataire sortant. Qu’en est-il ?
J. T. : Pour notre part, nous reprenons une vingtaine de personnes : ceux qui encadrent les accompagnateurs, ceux qui gèrent les inscriptions, ceux qui assurent le contrôle de la bonne exécution des services et ceux qui planchent sur les études et la réorganisation du réseau. Vous n’êtes pas sans savoir que 200 à 300 véhicules circulent au quotidien. Et ce chiffre peut être, bien évidemment, amené à évoluer en fonction des nouvelles constructions scolaires. Il ne s’agit pas des conducteurs et des mécaniciens qui dépendent de la partie exploitation. En parallèle, le Département mettra à notre disposition des accompagnateurs du transport scolaire. Cela représente une centaine de personnes qui sont présentes aux différents hubs de l’île, le matin et le soir. Et nous allons également recruter localement pour constituer notre équipe pour la partie marketing, ressources humaines, formation, etc.
FI : Les chauffeurs de bus expriment régulièrement leur ras-le-bol. Dernièrement, ils ont notamment demandé l’installation de vitres blindées pour les protéger. Quelle est votre position sur ce point ?
J. T. : Nous allons essayer d’être force de propositions auprès du Département, des forces de l’ordre, du rectorat et des transporteurs. Nous n’allons pas directement équiper les véhicules, mais nous allons réfléchir à la mise en place de systèmes de vidéosurveillance. Nous arrivons avec des méthodes de travail, en nous disant que nous avons besoin de discuter avec l’ensemble des partenaires locaux dans le but de construire une amélioration des conditions sur le réseau.
Un conseil académique de la vie lycéenne s’est tenu ce mercredi après-midi au lycée des Lumières. Le recteur et son équipe sont partis à la rencontre des élèves élus des établissements scolaires pour échanger avec eux, écouter leurs doléances et leurs propositions.
Chaque année, environ trois conseils académiques de la vie lycéenne se tiennent pendant l’année scolaire. Si tous les sujets peuvent être abordés, cette dernière séance a été une nouvelle occasion d’évoquer les questions de violence. Dans un premier temps, les élèves ont fait part de leur quotidien au sein de leurs établissements respectifs. Face à eux, le recteur Gilles Halbout, la déléguée académique à la vie lycéenne, et le conseiller technique établissement et vie scolaire du rectorat. Après des échanges autour de l’insécurité, l’égalité fille/garçon, ou encore le rôle des EMS (équipes mobiles de sécurité), des propositions sont soumises par les élèves élus au conseil académique de la vie lycéenne de leurs lycées.
Formation des élèves pairs
L’un des sujets sur la table ? Le rôle des élèves pairs, ces jeunes formés par la gendarmerie pour repérer les situations critiques. En deux séances, une théorique et une pratique, ils sont mis en situation. « Le rôle de l’élève pair est d’être en lien avec ses camarades. Nous ne sommes pas des minis policiers, nous devons juste observer ce qu’il se passe à l’école et alerter quand il y a un problème », précise l’une d’entre eux. Sensibilisés sur les questions de violence et de harcèlement, ces observateurs doivent s’impliquer bien au-delà des frontières de l’établissement scolaire, puisqu’on leur de-mande de rester attentif à ce qu’il se passe dans les quartiers. Le but : repérer les potentiels règlements de compte. Une mécanique déjà bien huilée, avec un groupe WhatsApp, qui mêle forces de l’ordre et élèves pairs. En cas de problème, ces derniers peuvent envoyer un message pour alerter directement les policiers.
Renforcer l’implication des parents
La question de la parentalité a longuement été évoquée lors de cette séance. Les élèves n’ont pas hésité à pointer du doigt leurs géniteurs, trop peu disponibles. « Souvent quand il y a des réunions parents/profs, la moitié des parents ne viennent pas », soulève une lycéenne. Les raisons sont multiples, manque de temps, barrière de la langue, aucun moyen de se déplacer… C’est la raison pour laquelle une élève a proposé de mettre des bus à disposition des parents, par exemple. Une solution qui les incitera peut-être à s’impliquer davantage dans l’éducation de leurs enfants.
Lettre au ministre des Outre-mer
Autre point clé : les lieux de rassemblements. L’équipe du rectorat, tout comme les élèves, n’ont pas manqué de relever le manque d’espaces communs et publics en dehors des établissements scolaires. « L’idée serait de créer des endroits où les adultes et les enfants pourraient se retrouver pour échanger », indique la déléguée académique à la vie lycéenne. « C’est bien de créer ces endroits mais encore faudrait-il les sécuriser », rétorque un élève. D’autres n’y croient tout bonnement plus, à force d’entendre le même discours. « Depuis que je suis petite on réclame ça à Mirereni et on n’a rien. C’est ce qui favorise la délinquance, parce que quand on n’a rien à faire, certains se tournent vers la violence. À chaque élection, les candidats nous promettent un stade et nous n’avons toujours rien », tempête Souraya Souffou, la représentante du lycée de Kahani.
Création d’une vidéo contre la violence
Pour trouver un écho salvateur, les lycéens ont aussi lancé un projet de vidéo. Le petit film s’intitule « stop à la violence » et il a été initié par les élèves élus au Conseil national de la vie lycéenne qui sont à Mayotte. « On a parlé de notre situation à Mayotte au sein du CNVL et les autres étaient choqués. Ils ont tout de suite voulu nous épauler et ont envoyé des vidéos de soutien », explique Sarah Adam, déléguée de l’académie de Mayotte. Les élèves qui ont participé sont originaire de la métro-pole mais également de l’Outre-mer. Une fois finie, elle sera publiée sur le site du rectorat et sur ceux des autres académies qui souhaitent la partager afin de rendre plus visible la situation de l’île aux parfums.
Des collations qui posent problème
Le sujet de la collation a aussi été évoqué. Les élèves se sont plaints des sandwichs qu’on leur donne. « Il y a des aliments non identifiés », grimace une élève. L’équipe pédagogique rappelle tout de même que malgré les critiques, des nutritionnistes sont là pour composer ces collations. « Il faut trouver une bonne alternative entre les aliments bons et pas chers pour les familles », propose la dé-léguée académique à la vie lycéenne. D’autres aimeraient bien que les mamans puissent venir préparer les repas dans les établissements. Toute solution est bonne à prendre pour éviter que les élèves quittent les lycées pendant les heures de pause pour acheter à manger. « C’est durant ces moments là qu’on se fait agresser et que les bagarres éclatent », évoque Souraya Souffou, représentante du lycée de Kahani.
Autant de propositions et d’échanges qui sont appréciés par les élèves. « Cela nous aidera à trouver des solutions contre la violence », espère l’élève du centre. « Grâce à cette réunion, on a pu discuter avec les élus des autres lycées et c’est une bonne chose parce que c’est rare qu’on puisse se réunir et parler des problèmes de nos lycées », ajoute Nahed Issilamou, élu au CNVL. Les adolescents ont l’impression d’avoir été entendus, et repartent la tête pleine d’espoir. Le recteur et ses collaborateurs ne sont pas en reste. En quittant la séance, Gilles Halbout tient entre ses mains un carnet noirci par les propositions qui ont émergé de tous ces cerveaux à instruire. « Je retiens pas mal de bonnes idées… Il faut qu’ils échangent entre eux parce qu’il n’y a pas de solutions miracles. Il y a des propositions auxquelles on avait déjà pensé, d’autres qu’on va mettre en place », déroule le recteur de Mayotte. Action, réaction ! L’année scolaire s’achève dans quelques semaines. Gageons que ces idées seront bénéfiques, si ce n’est tout de suite, au moins aux lycéens de l’année prochaine.
Le 19 mai avait lieu la réunion autour d’une table virtuelle des acteurs économiques de la Réunion et de Mayotte. L’objectif ? Favoriser des échanges entre les entrepreneurs et les institutions afin de valoriser le potentiel mahorais et ainsi encourager la création de réseaux et d’écosystèmes.
“Notre but commun est de favoriser la dynamique de réseau, d’être au service du développement de l’emploi. Nous souhaitons identifier les entrepreneurs comme personnes ressources pour qu’ils deviennent des ambassadeurs de leur territoire« , rappelle en introduction Marie-José Karake, chargée du marketing territorial au Département de l’île aux parfums. Les différents acteurs connectés lors de cette visioconférence organisée par la délégation de Mayotte à La Réunion (DMR) souhaitent promouvoir le 101ème département et les travaux mahorais sur le territoire, mais aussi à La Réunion et en métropole.
Expérience large de la culture de l’océan Indien
À l’occasion de cet événement, différents entrepreneurs présentent leur activité. À l’instar de Mariama Baro, à la tête d’un snack sur l’île Bourbon. “J’ai réalisé des études en lien avec la petite enfance et le service à la personne, puis un jour j’ai décidé de me lancer et de monter mon entreprise. Aujourd’hui, je fais découvrir au travers de mes plats la cuisine mahoraise, mais aussi d’autres spécialités réunionnaises afin d’offrir à mes clients une expérience large de la culture de l’océan Indien”, affirme fièrement la jeune femme. De quoi faire saliver de jeunes mahorais, qui auraient l’idée de se lancer dans une aventure entrepreneuriale.
Sitti Batoule Said Ali, fondatrice des entreprises Mayotte développement (MayDev) ainsi que l’agence Inadcom, raconte comment après avoir grandi en région parisienne et réalisé ses études d’expertise comptable en métropole, elle a souhaité revenir à Mayotte et y construire une carrière professionnelle. “J’avais cette soif de rentrer au pays et je me suis tournée vers le monde de l’entreprise. Cela fait neuf ans que j’accompagne, que j’assiste et que j’oriente des entreprises. Je pense que l’entrepreunariat demande une réelle projection, un état d’esprit, une philosophie. Aujourd’hui, je souhaite être actrice du développement de notre territoire et poursuivre mon aventure en installant également MayDev à La Réunion.”
Un avenir entrepreneurial possible
Parti à La Réunion il y a quelques années, Zaidou Assani a décidé de faire le grand saut en 2021 et de créer son entreprise de services dans le domaine du bricolage. “J’ai toujours aimé le travail manuel. Avec mon entreprise Z Services, je réalise des petits travaux à domicile. Mon travail se caractérise par des interventions rapides de deux heures maximum. Je réalise des travaux sur de la plomberie, des boiseries, des terminaux électriques, des serrures, ou encore de la rénovation de peintures. Mes clients apprécient ma réactivité : en une heure je suis chez eux et moins d’une demi-journée après, leurs petits travaux sont réalisés. À terme, je souhaiterais pouvoir financer un fourgon et avoir mon propre atelier mobile de réparation.”
Directeur général de la SIM, Mondroha Ahmed Ali salue les initiatives, comme celle de Zaidou Assani, et en profite pour pointer du doigt le manque d’entreprises sur le territoire mahorais, notamment dans le domaine du BTP. “Lorsqu’on lance une opération de construction, on n’a que quelques entreprises qui répondent à nos appels d’offres. Aujourd’hui, il y a un réel besoin de structuration chez les PME. Il faut que les entreprises puissent se développer et embaucher.” En effet, lorsqu’il s’agit de travaux de grande et moyenne envergure, les sociétés sont bien souvent contraintes d’avoir recours à des travailleurs venant de métropole. Par ailleurs, Maymounati Moussa Ahamadi, directrice de la CRES de Mayotte, évoque à ce sujet l’importance de l’Économie Sociale et Solidaire afin de permettre à tout un chacun de bénéficier de la dynamique de l’entrepreneuriat. “On ne peut pas se développer en attendant des investisseurs extérieurs. Il faut créer des entreprises à Mayotte pour répondre aux besoins locaux et ainsi dynamiser le territoire par l’emploi.”
Par le biais de ce webinaire, les différents acteurs présents ce jour espèrent inciter les talents et les jeunes mahorais à entreprendre à Mayotte.Et de rappeler l’importance de les informer des opportunités qui peuvent s’offrir à eux sur le territoire du 101ème département français.
A Mayotte, si un grand nombre de pêcheurs ont aujourd’hui des bateaux à moteurs, la pirogue traditionnelle mahoraise, à un balancier, a été pendant longtemps le moyen préféré pour aller pêcher. Et elle a toujours quelques adeptes. La preuve ? On en fabrique encore, dans le nord et le sud de l’île, mais aussi en Petite-Terre.
Vêtu d’un pantalon de survêtement et d’un t-shirt jaune, un homme se penche sur une pirogue pour attacher une cordelette. L’Africain, comme il est surnommé en raison de sa couleur de peau très foncée, se concentre pour fixer le balancier, l’une des dernières étapes de la construction. C’est avec son père que ce Grand Comorien d’origine, arrivé à Mayotte il y a vingt ans de cela, a appris à construire des pirogues, lorsqu’il était jeune. Un art qu’il a su maîtriser avec le temps, sans être pour autant sa vocation première. « Je le faisais d’abord sur mon temps libre, avec un de mes voisins », explique l’homme aux mains marquées par les années et la mer. “Puis les gens ont commencé à me dire qu’ils aimaient quand j’avais travaillé sur leurs pirogues, j’ai donc décidé d’en faire mon métier”. Ce savoir-faire, il l’exerce donc toujours aujourd’hui, à Pamandzi, sur la digue, au plus proche du ressac. Les chanceux peuvent l’apercevoir, les mains occupées à fixer les derniers détails.
Un business en chute libre
C’est que les pirogues se font rares dans les eaux du lagon. « Les Mahorais ont perdu cet amour de la mer et de la pêche », soupire l’Africain, comme résigné. Pour cet amoureux des vieilles choses, la barque en bois de badamier ou de manguier, creusée à même le tronc, surpasse encore toute autre embarcation. L’arrivée en masse des bateaux à moteurs, plus puissants et moins éprouvants pour les bras tannés des pêcheurs, a presque fait couler les ventes de l’africain. Il y a dix ans, l’artisan vivotait tranquillement de sa petite affaire.“Je pouvais en vendre 10 dans le mois ! Aujourd’hui, c’est seulement une ou deux”, compte-t-il, en se remémorant la belle époque. Pas question pour autant, de faire bouger le prix d’un centime : une pirogue vaut toujours 1000 euros. Tout rond !
Bon, il y a bien une chose qui est venue chahuter un peu les habitudes de ce grand nostalgique. La technique. Avant l’arrivée des machines, la construction d’une pirogue prenait environ un mois. Il s’agissait de creuser puis de laisser sécher la résine, à l’air libre, afin de s’assurer que le bois soit bien protégé. Aujourd’hui, une pirogue se fait en moins d’une semaine ! De quoi booster la production. Mais la demande, elle, ne suit pas. La suite du processus n’a pas changé. Une fois la coque et le balancier sec, ils sont fixés entre eux grâce à du fil. L’Africain attrape justement le fil dans ses mains en même temps qu’il parle, mécaniquement, et relie les deux morceaux de l’embarcation. La technique est maîtrisée, répétée des centaines voire des milliers de fois, l’artisan n’a même pas besoin d’y réfléchir, ses gestes sont enregistrés à la perfection.
Quand il s’exprime, c’est la passion qui parle. Même si la construction est bien plus rapide avec les machines, il préfère la méthode traditionnelle. “Les pirogues sont plus résistantes comme ça, avec la méthode d’avant”, assure-t-il. Malgré les difficultés, l’Africain aime profondément son métier et à 50 ans passés, il n’a plus envie de changer. Il pense qu’il pourra toujours trouver des amoureux de la mer. Les vrais, ceux qui préfèrent les douces ondes de la pirogue sur la surface au vrombissement hurlant d’un bateau à moteur.
Ce mardi 18 mai, le maire de Dembéni, Moudjibou Saidi, et le préfet de Mayotte, Jean-François Colombet, ont inauguré l’hôtel de police municipale dans l’enceinte du marché couvert Boura Mouta, situé à Tsararano. Une cérémonie qui s’est soldée par la signature du pacte de sécurité entre la commune et l’État dont l’objectif consiste à renforcer les moyens humains et matériels.
Face à la porte blindée de l’armurerie, le chef de la police municipale, Said Soule, tourne délicatement la clé dans la serrure. Un déclic et s’ouvre alors la caverne d’Ali Baba du nouveau lieu de travail dédié aux forces de l’ordre de la commune de Dembéni. « Chaque agent a son petit casier », précise-t-il au préfet, Jean-François Colombet, présent pour l’inauguration du bâtiment cinq étoiles situé à Tsararano. Avant de sortir une arme de poing et de la tendre au locataire de la Case Rocher. « Fermez les yeux », murmure celui-là à l’égard du Père Bienvenue et du Grand Cadi, en s’emparant du calibre. Une seconde plus tard, le voilà qui se retrouve avec celui du lieutenant-colonel de la gendarmerie, Bruno Fhima, un dans chaque main, à comparer le poids des deux modèles… C’était l’anecdote Far West de ce mardi 18 mai !
1 de 8
Retour en arrière, quelques minutes plus tôt lors de la cérémonie officielle pour le nouvel hôtel de la police municipale de Dembéni, donc. Symbole d’une « promesse de campagne qui voit le jour » aux yeux de Moudjibou Saidi, le maire de la ville, pour qui « les questions de sécurité sont l’une de nos priorités ». Devant le contingent de policiers municipaux, le premier magistrat rappelle les investissements consentis par la municipalité afin de pouvoir exercer leur mission 24 heures sur 24, sept jours sur sept. En ligne de mire : la sécurisation et l’équipement des locaux, dans une aile du marché couvert Boura Mouta, pour la somme de 876.000 euros.
Cinq agents supplémentaires d’ici la fin de l’année
Organisé au début du mois d’avril, ce déménagement complète surtout la signature du pacte de sécurité, intervenue peu après les prises de parole de la matinée dans la salle de formation flambant neuve. « Que pourrait faire l’État, seul, s’il n’avait pas à ses côtés des élus engagés et des associations attentives ? », s’interroge le délégué du gouvernement pour défendre la nécessité de ce « travail partenarial » et de ces « initiatives de médiation ». Selon lui, si « la délinquance ne s’arrête jamais, nous pouvons y être confrontés de jour comme de nuit », « les rencontres intervillages permettent de montrer que les voisins ont les mêmes problèmes et qualités ».
Ainsi, à travers cette collaboration avec la préfecture, la collectivité s’engage à porter son effectif de 16 à 21 agents d’ici la fin de l’année. En retour ? « Nous avons obtenu une dotation de 65.000 euros pour équiper les policiers », se réjouit Jean-François Colombet. Mais le lot de bonnes nouvelles ne s’arrête pas là. « Nous allons concourir à tous les travaux que vous avez en projet, qui visent à garantir et à améliorer la sécurité des habitants. » Exemples avec l’installation d’une vingtaine de caméras de vidéoprotection sur « des endroits stratégiques » et le branchement de l’éclairage public sur « les zones les plus criminogènes ».
Le maire et le préfet, main dans la main
Que ce soit dans le discours du maire ou du préfet, que le premier qualifie de « parrain de la commune », la ligne directrice ne change pas d’un iota. « Nous faisons front uni », assure le représentant de l’État dans le 101ème département. « Rien n’est pire que de parler sans rien faire. En inaugurant ces bureaux, nous allons poser un jalon pour nous mobiliser tous ensemble et regagner de la fraternité. » Portée par « l’une des polices les plus efficaces de Mayotte » selon l’état-major de la gendarmerie, Dembéni montre la voie de la tolérance zéro. Même s’il lui reste encore quelques points à peaufiner, comme la formation au tir et la mise en place d’une communication digne de ce nom avec les forces de l’ordre. Qui en coulisse ne cachent pas leur envie ou plutôt leur admiration face à ces conditions de travail.
Quelques heures plus tard, c’était au tour de Chirongui de signer le pacte de sécurité
Après l’inauguration de l’hôtel de police municipale de Tsararano et la signature du pacte de sécurité avec la ville de Dembéni, le préfet a filé tout droit vers Chirongui pour parapher la même convention avec la municipalité de la commune, « qui va permettre à [vos] efforts de se conjuguer à ceux de l’État ».
De son côté, le capitaine de la police municipale, Cédric Maleysson, a rappelé que cette griffe en bas de page marque un pacte fort mais aussi un travail « main dans la main » des deux acteurs afin de lutter contre l’insécurité et la violence sur le territoire mahorais. « Le pacte de sécurité se traduit concrètement sur le terrain par plus de présence, plus d’effectifs, de plus grandes plages horaires et un armement des forces de police municipale. »
Le maire de Bandrélé et son équipe étaient en visite ce mardi matin dans les locaux de l’agence Pôle emploi de Mamoudzou, où ils ont pu découvrir les différents services de la structure. Une étape importante dans le projet de partenariat qui se dessine entre la ville et l’établissement public. Les deux partis signeront une convention au mois de juin en faveur de l’insertion professionnelle.
Drôle de public ce mardi matin dans les locaux de l’agence Pôle emploi de Mamoudzou. En effet, le maire de Bandrélé Ali Moussa Moussa Ben et son équipe font le tour des différents services du site… « Ils viennent visiter parce que je souhaite qu’ils voient ce que nous faisons afin qu’ils réalisent l’importance de l’institution à Mayotte », résume Salim Farssi, le directeur de l’établissement dans la ville chef-lieu. Et pour cause ! Le centre communal d’action sociale de Bandrélé doit lui dénicher un pied à terre dans le cadre de la convention qui sera signée au mois de juin entre les deux partis. « Nous n’avons pas énormément de structures sur le territoire. Aujourd’hui, l’idée est de rencontrer la commune pour demander un certain nombre d’éléments que le CCAS pourrait nous mettre à disposition », continue le responsable.
La raison de ces discussions ? Le souhait de Salim Farssi de décentraliser certains services. À commencer par le transfert de certains agents vers le Sud de l’île dans le but de proposer une meilleure proximité aux habitants de la ville. « Ils vont partager le local en question avec la Mission locale qui y est déjà installée. L’objectif est de faciliter l’intervention de Pôle emploi », indique Hadya Sidi, la responsable de la maison d’insertion du CCAS de Bandrélé. Et au maire d’ajouter : « Les jeunes demandent à être formés, mais à l’issue de cette formation, ils ont besoin d’être insérés professionnellement. Travailler avec Pôle emploi nous emmène vers cette direction. » Dans une commune où 54% des personnes ont moins de 25 ans, cette mesure est effectivement indispensable.
Une meilleure prise en charge
À Mayotte, il n’existe que deux agences Pôle emploi : la première à Mamoudzou et la seconde à Dzoumogné. Sans oublier une petite antenne à Chirongui. Une situation qui incite les demandeurs d’emploi à parcourir des kilomètres et à payer un trajet onéreux pour compléter leurs démarches. « Ils doivent rédiger leurs outils de recherche d’emploi ou réaliser leur actualisations mensuelles. Tout cela [leur] fait l’objet de plusieurs déplacements vers Mamoudzou et cette convention va nous aider à les maintenir sur leurs localités », se félicite le directeur de l’agence de Mamoudzou. En contrepartie, le CCAS de Bandrélé doit assurer un rôle d’intermédiaire. « Souvent, les jeunes entament des démarches puis disparaissent. Nous les connaissons et nous pouvons facilement les approcher pour les faire revenir à Pôle emploi », souligne Hadya Sidi.
Salim Farssi espère faire de ce partenariat un exemple pour les autres collectivités. À ses yeux, la proximité est un élément clé pour favoriser l’insertion professionnelle. Il souhaite travailler avec différentes communes ou intercommunalités afin que Pôle emploi soit présent sur l’ensemble de l’île. Et le travail de fond commence à payer, puisque certaines collaborations existent déjà, notamment avec les communes de Tsingoni et Labattoir, qui ont mis à disposition de Pôle emploi des « Maisons France service ». Des agents y sont présents pour assurer le même service qu’en agence. « Tous ces partenariats se multiplient dans l’attente de construire de nouveaux locaux qui nous sont propres », salive Salim Farssi. Tout comblé par la visite du jour.
Ce mardi 18 mai débutait les trois jours de séminaire portant sur la thématique de “la politique de la ville” au pôle culturel Moussa Tchangalana de Chirongui. Pour cette première journée, les élus étaient invités par le groupement d’intérêt public (GIP) Maore Ouvoimoja de 9h à 15h30 afin d’échanger sur les enjeux inhérents à leurs communes.
Tout d’abord une définition de la “politique de la ville” s’impose. Le GIP Maore Ouvoija la définit comme une politique « qui a pour but de réduire les écarts de développement au sein des villes ». Mais encore ? « Elle vise à restaurer l’égalité républicaine dans les quartiers les plus pauvres et à améliorer les conditions de vie des habitants. » À Mayotte il existe 36 quartiers prioritaires où vivent près de 180.000 personnes.
Afin de les identifier comme tels, plusieurs critères ont été retenus. Parmi eux, le type de bâti, l’accès à l’eau et à l’électricité mais aussi la formation et l’insertion professionnelle des habitants. Selon les résultats du recensement de la population mahoraise en 2017, 70% des habitants de l’île aux parfums vivraient dans l’un de ces 36 quartiers défavorisés. Un chiffre trois fois supérieur aux autres départements d’Outre-mer et huit fois supérieur à la métropole, où cette tranche de la population ne représente que 8% de la population globale.
Les contrats de ville
En 2015, l’ensemble des municipalités françaises où se trouvent des quartiers prioritaires ont signé un contrat relatif à la politique de la ville. Celui-ci prend fin le 31 décembre 2022. Il est alors urgent pour les municipalités d’établir un bilan et définir les actions majeures à mener d’ici la fin de l’année pour penser ensuite à un éventuel renouvellement. “L’objectif de notre consultation aujourd’hui est de mettre en place un temps d’échange entre les différents acteurs et ainsi construire une vision partagée de la politique de la ville”, dévoile Linda Rabahi, la directrice du GIP Maore Ouvoimoja.
Avant de rappeler quelques chiffres clés relatifs au contrat de politique de la ville “En 2020, à Mayotte, c’est un peu plus de 5.6 millions d’euros qui ont été octroyés au titre de la politique de la ville. Ils ont permis de financer 399 actions. Et 139 structures ont bénéficié de subventions.” Des sommes non négligeables qui ont offert aux différents acteurs du 101ème département français la possibilité de mener à bien des projets au profit des habitants.
Le temps des échanges
À la question : “Quels sont selon vous les enjeux fondamentaux de la politique de la ville à Mayotte ?” Le terme le plus souvent employé par les élus est le mot “jeunesse”. Des mineurs très régulièrement au centre de tous les débats. “Notre territoire est marqué par cette jeunesse. Nous devons lui donner une chance de garantir l’avenir de Mayotte. Lui offrir une possibilité d’insertion dans la société. Les jeunes sont aujourd’hui trop souvent marginalisés”, témoigne l’adjointe au maire de Mamoudzou en charge de l’action sociale.
Dans toutes les bouches, l’éducation, le logement et l’insertion doivent être les priorités absolues en termes de politique de la ville. La directrice générale adjointe à la vie publique et à l’action citoyenne de la ville chef-lieu évoque, quant à elle, les problèmes d’insécurité sur l’île, qui demeurent intimement liés à cette jeunesse à la dérive. “Il faut réaliser une prévention de la délinquance par l’emploi et l’éducation. Les jeunes représentent plus de 50% de la population. Nous ne disposons pas des moyens essentiels pour leur donner accès à l’enseignement. Le but, c’est l’emploi pour s’insérer, le but c’est la dignité, une place dans la société.” Entendu ?!
La Chambre de commerce et d’industrie, aux côtés du conseil départemental, du rectorat, de la mairie de Dembéni et du CUFR ont inauguré ce mardi le pôle formation. Un nouveau lieu pour proposer des cursus de la formation initiale à la formation continue. Et booster le développement de Mayotte.
“Cette année, ils ont pris que les beaux gosses !”, lance Youssouf en jetant des regards charmeurs autour de lui pour mesurer l’effet de sa remarque sur ses trois camarades. Du haut de sa petite vingtaine, le jeune étudiant-entrepreneur de la licence professionnelle Management et gestion des organisations a déjà tout compris au b.a-ba du marketing : a.k.a, bien enrober le produit. “En réalité, c’est notre première promotion plutôt”, sourit Andry Ramaroson pour rétablir un peu de vérité sous les gloussements de la fine équipe. Dans le tout nouveau pôle formation de la CCI, situé à un kilomètre à vol d’oiseau du CUFR, le responsable de la licence à l’université et directeur du Pépite Mayotte veille sur ses ouailles comme un maître d’école.
1 de 4
En tout, ils sont déjà 35 apprentis dans ce bâtiment vert sur la route principale de Dembéni. Futurs techniciens ou vendeurs conseil en magasin, étudiants en BTS services informatiques aux organisations et ou encore étudiants-entrepreneurs accompagnés par Pépite se côtoient dans ce nouvel espace, fruit d’un partenariat entre la Chambre de commerce et dindustrie, le conseil départemental, le rectorat, le centre universitaire et la mairie de Dembéni. “Dans le cadre de son action de soutien et d’accompagnement aux entreprises, la CCI avec le pôle formation met l’accent sur l’orientation et la formation des femmes et des hommes mahorais pour la montée en compétences des salariés et des entreprises”, présente Isabelle Chevreuil, la présidente de la commission formation à la Chambre. Un accompagnement pour tous, qui va de la formation initiale à la formation continue. “Grâce à notre réseau, nous pouvons proposer des activités à tous les publics, jeunes, demandeurs d’emplois, directeurs d’entreprises…”
“Un souffle nouveau à notre économie locale”
Et ce réseau semble déjà avoir porté ses fruits. Notamment pour Bae Dine, développeur informatique en devenir qui a atterri ici il y a six mois pour sa première année de BTS informatique. Si tout se passe bien, la deuxième le verra s’envoler pour Maurice, grâce à un partenariat avec la Business School de l’île voisine. “Enfin, il faut qu’on valide et après on peut partir en mobilité”, précise l’étudiant en arrêtant une seconde de clapoter sur son clavier. Dernière case à cocher ou presque : le stage, mais c’est déjà tout trouvé pour Bae Dine. “Il faut qu’on se démène un peu, mais il y a un accompagnement, oui”, acquiesce-t-il.
Outre cet accompagnement concret, le pôle formation vient aussi mettre la main à la patte pour encourager la croissance du territoire. “Ce site, à proximité du CUFR, de la future technopole et du campus connecté (présenté le 4 mai dernier, NDLR), se veut être un lieu pour des hommes et des femmes qui œuvrent pour le développement de Mayotte, et pour leur propre développement”, développe Isabelle Chevreuil. De quoi apporter “un souffle nouveau à notre économie locale”, poursuit-elle, aussitôt approuvée par la vice-présidente en charge de l’éducation, de la formation et de l’insertion au conseil départemental, Mariame Saïd. “Nous avons besoin de compétences, de gens qualifiés”, confirme l’élue, en référence au manque d’ingénierie chronique dont souffrent aujourd’hui les directeurs d’entreprises sur l’île aux parfums. Et à en croire nos étudiants-entrepreneurs, c’est une affaire qui roule. Un atelier de couture de robes de mariées pour Alimati, une société de transport de marchandises pour Hidaya, des locations de matériel touristique pour Kader et d’automobiles pour Youssouf… À peine finis leurs deux mois destinés à monter un projet entrepreneurial, les quatre se voient déjà à la tête de leur propre business. “Je peux prendre vos coordonnées ? Pour vous recontacter quand je lancerai mon entreprise ?”, glisse Alimati, smartphone déjà dégainé. Comme une vraie pro du réseautage.
Comme sur toutes les îles, le poisson fait fureur à Mayotte. Fraîchement pêché tous les jours, il est présent dans de nombreux plats traditionnels mahorais. La pêche fait donc partie intégrante de la société sur l’île et la pratique n’a pas vraiment changé ses codes. Si certaines poissonneries ont ouvert ou certaines associations de pêcheurs se sont formées, la majorité travaille à son propre compte, sans être déclaré, et ça, depuis des années.
“J’ai mon bateau, le même depuis 10 ans, avant ça, j’avais celui de mon père”, explique Ahmedi*, alors qu’il s’apprête à partir une nouvelle fois en mer. Le fils n’a toujours fait que pêcher, d’abord avec son patriarche, puis seul, petit à petit. Mais tous n’ont pas eu la chance d’avoir un tel mentor avant de se jeter à l’eau. Pour beaucoup, arrivés à Mayotte depuis les îles voisines, il a fallu se débrouiller, pêcher pour faire bouillir la marmite. Qui, sinon, restait bien vide, faute de papiers pour s’en sortir. “Ces gars, ils arrivent ici ils ne connaissent rien, et on les met sur des barques avec des bidons d’essence, en pleine nuit”, soupire Ahmedi. Baigné dedans depuis tout petit, le jeune pêcheur n’a pas vraiment peur de la mer. “Je sais quels jours je ne dois pas y aller, c’est tout”, ajoute-t-il d’un air malicieux.
Moins cher qu’ailleurs
Ahmedi vend sa poiscaille de trois à sept euros le kilo. Tout dépend de la bête. “Le thon, c’est 5”, lance-t-il à son client en posant un poisson sur la balance. 3 kg. Ravi de son achat, le badaud repart avec son sac plastique rempli de sa prise du jour et de glaçons. Le vendeur le regarde partir au loin, la mine satisfaite. Chaque jour, il écoule ainsi 10 à 15 kilos de marchandises et n’a presque aucune perte. On peut l’apercevoir dans les rues de Mamoudzou, traînant dans sa brouette bringuebalante une glacière et sa balance. “Sardine combien ?”, l’interpelle une dame qui ramène ses enfants de l’école. Vendu ! La cuisinière en grillera cinq sur son barbecue ce soir. “Je sais qu’ils sont frais, et c’est moins cher qu’au Baobab !”, explique la mère de famille, qui préfère acheter son poisson de cette manière, tout comme ses fruits et légumes. Et la voilà qui repart le sourire aux lèvres, l’odeur de son futur plat déjà dans les narines.
Une mise en danger des espèces du secteur de la pêche
L’argument a de quoi peser dans la balance, certes. Mais si un grand nombre de pêcheurs sur l’île fonctionne de cette façon, la pêche est soumise à de nombreuses réglementations, surtout depuis la départementalisation, en 2011. Et toute cette pêche informelle ne peut pas être comptabilisée par les associations de protection de l’environnement, qui tentent de préserver le Parc marin mahorais. Il est donc difficile de faire état des espèces à protéger, pourtant, elles sont de plus en plus nombreuses sur l’île. “Je ne fais pas attention aux poissons que je pêche”, assure Ahmedi. Avant de reprendre, d’un air songeur : “s’il est assez gros pour être vendu, je le prends…” Heureusement, lui ne se contente que de nos amis à écailles. D’autres n’hésitent pas à remonter des tortues ou des raies Manta, des espèces protégées et par conséquent, interdites à la pêche et à la commercialisation. Une pratique qui pourrait, à long terme, avoir des conséquences fatidiques sur la faune sous-marine mahoraise.
L’autre revers de la médaille, c’est que ce grand nombre de pêcheurs informels constitue aussi un frein dans la professionnalisation de la filière sur l’île. Malgré les aides pour des formations et du matériel, beaucoup choisissent de ne pas se déclarer, par peur de ne plus gagner assez d’argent. “Si on se déclare, on doit vendre le poisson plus cher à cause des charges. Les gens n’achètent pas s’il y a moins cher ailleurs”, analyse Ahmedi, en fin observateur de la concurrence. Son ami n’a pas eu le nez aussi creux : lui ne vend plus que 5 kilos par jour, contre 15 avant d’avoir été déclaré, affirme le pêcheur informel.“Il ne gagne plus assez pour avoir un employé. Alors qu’avant, il avait deux bateaux”. Décidément, la pêche sur Mayotte semble bien coincée entre deux courants contraires, concurrence déloyale d’un côté, et respect des réglementations de l’autre.
La brouette d’Ahmedi est presque vide à l’approche du coucher de soleil, synonyme d’une bonne journée de travail. Il la pose un instant pour s’essuyer le front. “Ce qu’il reste, je vais le vendre en rentrant chez moi”, réfléchit-il à voix haute. Demain, quatre heures, il sera de retour sur l’eau, sa lampe à la main et ses bidons d’essence, empilés sur sa barque.
Propagation du virus, confinements… La Somapresse a dû faire face à des contre-temps liés à la crise sanitaire. Toutefois, ceux-ci n’ont jamais remis en question la tenue de l’élection le Sportif de la Décennie 2010-2019, dont le coup d’envoi a été donné ce lundi sur Mayotte La 1ère.
Ce lundi, la Somapresse a révélé la liste des nommés à l’élection du Sportif de la Décennie 2010-2019. Les lauréats seront connus le 5 juin prochain à l’issue de deux semaines de vote des internautes et du jury, et à l’occasion d’une soirée spéciale diffusée en direct sur Mayotte La 1ère télé et internet.
Aboubacar Madi « Aboudji » (Basket Club M’tsapéré – Sélection de Mayotte), Ahmed Saïd Salime « Henri » (Basket Club M’tsapéré, Vautour Club Labattoir – Sélection de Mayotte), Mouhtar Madi Ali « Johnny » (Football Club M’tsapéré – Sélection de Mayotte), Anli Oireau Madi (ASC Tsingoni Handball – Sélection de Mayotte), Hafidhou Attoumani (Racing Club Mamoudzou – Sélection de Mayotte) : l’identité des cinq sportifs mahorais retenus dans la catégorie phare de l’élection est enfin connue.
Et ils ont assurément mérité leur place dans la liste finale des sportifs locaux ayant marqué la décennie 2010-2019. En effet, reconnus à la fois comme des leaders et des performeurs par leurs pairs, ces cinq athlètes ont, ces dix dernières années, enfilé les compétitions, les titres et les trophées avec leur(s) club(s) respectif(s).
L’événement le Sportif de la Décennie 2010-2019, enfin lancé, était initialement annoncé plus tôt cette année. Elle se voulait l’alternative d’une élection annuelle irréalisable en 2020, compte tenu de la crise sanitaire du Covid-19 ayant eu pour conséquence l’annulation des compétitions officielles. Ne pouvant récompenser des sportifs sans qu’il n’y ait eu de sport, la Société mahoraise de presse (Somapresse) renonçait, à contre cœur mais logiquement, à l’élection du Sportif de l’année 2020. Une première depuis la création de l’événement en 2009.
10 ans de performances récompensées en une édition
« De toute évidence, nous ne pouvions maintenir l’élection dans son modèle habituel. Avec neuf mois sur douze sans sport et aussi peu de compétitions qui ont pu se terminer, cela n’aurait pas eu de sens. Mais en même temps, nous étions tous unanimes sur le fait qu’il fallait trouver une alternative : continuer d’une manière ou d’une autre, à promouvoir l’excellence sportive mahoraise. La Somapresse possède des archives sport remontant aux années 1980 ! Et sur la dernière décennie, nous avons encore plus de détails sur les performances sportives des uns et des autres grâce au travail mené par nos journalistes dans le cadre de l’élection du Sportif de l’année. Nous disposions de tous les éléments pour proposer l’organisation d’un tel événement« , expliquait le chargé de l’événementiel à la Somapresse, Nassem Zidini, dans les colonnes de Flash Infos en janvier dernier.
Cependant, Mayotte, dans le même temps, faisait face à un rebond significatif du nombre de contaminés du Covid-19, contraignant les autorités politiques et sanitaires mahoraises à ordonner un deuxième confinement. L’élection du Sportif de la Décennie 2010-2019 dont la cérémonie de remise des trophées était programmée au 24 février 2021, était ainsi repoussée à une date ultérieure… Trois mois plus tard, le coup d’envoi de l’événement est officiellement donné. Depuis l’annonce des nommés hier soir en direct du JT de Mayotte La 1ère, les internautes peuvent se rendre sur le site internet du sportif de la décennie pour participer à l’élection et voter pour leurs sportifs favoris. La clôture des votes est arrêtée au dimanche 30 mai à minuit.
Clôture des votes le 30 mai
Outre la catégorie phare du Sportif de la Décennie, sept autres catégories figurent dans cette élection, avec pour chacune d’entre elles, cinq nommés : la Sportive de la Décennie, l’Entraîneur de la Décennie, le Dirigeant de la Décennie, l’Équipe masculine de la Décennie, l’Équipe féminine de la Décennie, le Mahopolitain (sportif mahorais évoluant hors de l’île) de la Décennie, et enfin la Mahopolitaine (sportive mahoraise évoluant hors de l’île) de la Décennie. Exit les catégories Espoir Masculin et Espoir Féminin, Sport Santé, Handisport ou encore Arbitre Masculin et Arbitre Féminin, que les habitués de l’événement avaient pu voir précédemment.
« Cet événement, le Sportif de la Décennie, prend en compte les résultats d’une décennie entière, en l’occurrence la décennie 2010-2019. Or les catégories Espoirs ou Arbitres n’ont fait leur apparition dans l’événement le Sportif de l’année que récemment. Exemple des catégories Espoir qui ont été ajoutées en 2019 seulement… Pour ces catégories, nous n’avions pas le recul nécessaire pour pouvoir les maintenir« , souligne Nassem Zidini. Au soir du 30 mai, le vote des internautes sera unifié au vote du jury pour déterminer les lauréats de l’élection. Un jury composé, comme à l’accoutumé, de la rédaction de la Somapresse, de journalistes sportifs, de personnalités sportives mahoraises et des partenaires institutionnels historiques de l’événement (CROS Mayotte, Département, Jeunesse et Sport État). Autre fait habituel : la cérémonie de remise des trophées aux lauréats programmée le 5 juin prochain sera diffusée en direct sur Mayotte La 1ère télé et internet.
Envie d’un petit tour en deux roues économique et écologique ? Ne cherchez plus ! L’entreprise Sazile Scooters Location a la solution et vous propose des scooters électriques en libre service sur la commune de Mamoudzou.
Louer un scooter à tout moment via une application mobile, comment ça marche ? Une inscription et un smartphone suffisent pour partir au volant des scooters électriques de la flotte Sazile Scooters Location. Pour 50 centimes de réservation puis 23 centimes la minute, les titulaires d’un permis de conduire ou d’un BSR peuvent s’offrir une virée dans les alentours de la capitale du 101ème département.
Responsable de la gestion de la jeune entreprise de location, Aina Ratsimbason revient sur les défis de son activité. “Nous avons eu l’idée de mettre en place des scooters électriques en libre service pour palier aux problèmes de transports que rencontrent les Mahorais.” Avant de témoigner de la logistique mise en place par le loueur de cycle : “Chaque soir, notre équipe va chercher les scooters afin de les recharger dans nos ateliers. Nos employés assurent également l’entretien des véhicules et de l’équipement mis à disposition des usagers. Les scooters sont révisés dès leur arrivée à l’atelier. Dans le coffre, les conducteurs pourront retrouver un casque et une charlotte ainsi que des gants qui sont nettoyés et désinfectés tous les soirs.”
Une entreprise en devenir
Aujourd’hui, cinq deux roues sont déjà en service sur le territoire. Un chiffre qui devrait s’accroître dès l’ouverture des locaux de l’entreprise, près de la barge de Mamoudzou. “Nous avons actuellement une vingtaine de scooters, dont une quinzaine qui attendent d’être mis en service. Au mois d’avril, nous avions une cinquantaine d’inscrits. Les gens sont intéressés par la praticité du modèle que nous proposons.”
Un moyen de transport facile d’utilisation et une inscription à la portée de tous les Mahorais connectés “En fournissant simplement leur carte d’identité et leur permis ou BSR via notre application, ils peuvent s’inscrire gratuitement et emprunter par la suite les scooters. Via l’application disponible sur smartphone les usagers ont accès à une carte de la zone où ils peuvent circuler avec nos scooters et repérer également où se trouve le véhicule le plus proche.” À l’heure actuelle, les trois employés de l’entreprise espèrent faire de nouveaux adeptes et permettre aux Mahorais de se déplacer plus facilement sur les routes de l’île aux parfums.
Ce lundi 17 mai, l’Ademe a présenté à l’occasion d’un webinaire le dispositif Tremplin à destination des TPE et PME, un nouveau guichet d’aide simple à mobiliser qui vise tous les domaines de la transition énergétique, dans le cadre du Plan de relance. Les entreprises ont jusqu’à la fin du mois de juin pour se manifester et ainsi pouvoir bénéficier d’un appui financier non négligeable.
Derrière son écran, Camille Gandossi, ingénieure en charge d’animer les dispositifs du plan de relance pour l’Ademe, clapote sur son clavier. « Vous indiquez le nombre de luminaires LED que vous souhaitez acquérir puis vous voyez apparaître en temps réel le montant maximal auquel vous avez droit », déroule-t-elle à l’occasion d’un webinaire ce lundi 17 mai pour présenter le dispositif Tremplin, un nouveau guichet de soutien à destination de toutes les TPE et PME, quelle que soit leur forme juridique, à l’exception des auto-entrepreneurs pour « éviter les risques de fraude ». Avant d’ajouter : « Chaque bénéficiaire éligible ne voit que les aides auxquels il peut prétendre. »
Alors si votre projet concerne l’acquisition de véhicules électriques, d’équipements de réduction et de gestion des déchets, l’accompagnement pour des travaux ambitieux de rénovation des bâtiments, des études sur les émissions de gaz à effet de serre et les stratégies climat des entreprises, l’outil en question peut vous permettre d’accéder à des coups de pouce forfaitaires dans tous les domaines de la transition écologique, que ce soit pour réaliser des diagnostics et des études ou bien des financements. Avec en prime, un dossier de demande simplifié ! Puisque les données administratives sont saisies en ligne et générées automatiquement. « Ensuite, je vais pouvoir l’instruire de manière efficace et rapide », poursuit Camille Gandossi. Cerise sur le gâteau : une fois la contractualisation actée, vous recevez une avance de 30% et le paiement final sur attestation simple certifiée sincère. Seule contrainte majeure, l’Ademe ne prévoit d’épauler que les projets dont le montant de l’aide demandée serait supérieur à 5.000 euros et inférieur à 200.000 euros. Attention toutefois, « les devis pour les grands investissements ne doivent pas être signés ».
Un seul dossier déposé
Alors que le dispositif Tremplin est déployé depuis plus d’un mois et est mobilisable jusqu’à fin juin, les entreprises ne se bousculent pas encore au portillon… « Un seul dossier a été déposé pour le moment », précise Jean-Michel Bordage, le directeur régional de l’Ademe. Il s’agit d’un éco-label pour des services de nettoyage. « C’est relativement simple à mobiliser et c’est cumulable. » Suffisant pour convaincre les Mahorais de passer le cap ? Oui, selon le responsable de la cellule dans l’océan Indien, qui vante son « grand succès dans l’Hexagone ». « Nous espérons que ce sera le cas dans les territoires ultramarins. » Pour s’en assurer, il précise l’existence d’un bonus de 20% dans les Outre-mer. À vos connexions !
C’est un premier pas dans le domaine de l’ophtalmologie à Mayotte. Deux infirmières du 101ème département sont actuellement en formation au Mans pour pouvoir effectuer les premiers soins d’orthoptie, l’une des branches de l’ophtalmologie. Pour rappel, le territoire n’a aucun ophtalmologue permanent, une situation qui a des conséquences sur la population qui n’est pas assez sensibilisée. Les deux infirmières, Blandine Méliand et Haladati Mtsounga, auront la mission de démocratiser cet aspect de la santé encore méconnu sur l’île. Cela passera notamment par la création de plu-sieurs centres de médecine spécialisés dans la santé oculaire.
Flash Infos : Vous êtes en formation d’orthoptie. En quoi consiste-t-elle ?
Blandine Méliand : C’est une mission qui a été initiée par le docteur Rottier pour pallier au désert médical et paramédical qu’il y a à Mayotte. Nous allons intervenir en tant qu’infirmières ayant été formées aux premiers examens d’orthoptie. Nous pourrons faire les entretiens et les dépistages, et ensuite réorienter les patients vers des médecins par le biais de la télémédecine ou directement vers le CHM. Il y a des orthoptistes à Mayotte mais ils ne sont pas assez nombreux, et le territoire en a besoin de beaucoup plus. Il n’y a pas d’ophtalmologue permanent à Mayotte, alors nous serons en contact avec ceux de la métropole. Dans un second temps, il y aura des médecins de métropole qui viendront en mission prendre le relais.
FI : Comment se passe la formation ?
Haladati Mtsounga : C’est une découverte, nous ne savions pas trop à quoi nous attendre. Cela fait six semaines que nous avons commencé. Au début, ce n’était pas facile parce qu’il y a des cours théoriques et l’ophtalmologie est un sujet délicat. Il faut revoir des notions et nous avons l’habitude de travailler, alors revenir sur les bancs de l’école n’est pas évident. Mais maintenant cela va mieux.
B. M. : Nous avons des cours théoriques pour nous appuyer dans nos connaissances et appréhender le vocabulaire adéquate pour pouvoir tout comprendre. Puis nous avons une partie pratique pour apprendre à faire fonctionner les machines et à communiquer avec les patients, à savoir quelles informations il faut aller chercher auprès d’eux. Notre objectif est d’aider l’ophtalmologue avec qui nous serons en contact. Nous serons ses yeux et ses mains, alors il faudra que notre diagnostic soit complet pour qu’il ait toutes les clés pour pouvoir prescrire les bons traitements.
FI : Lorsque l’appel a été lancé, pourquoi avez-vous décidé d’y répondre ?
H. M. : Je l’ai fait pour changer de rythme de travail. Je suis à l’hôpital et il y a pas mal de boulot, je n’arrivais plus à suivre. Je suis jeune maman, cela me fatiguait et j’avais besoin de changer. Et en plus, c’est un beau projet qui m’intéressait. Je me suis inscrite par curiosité.
B. M. : Pour ma part, c’est cet aspect de la nouveauté qui m’a attirée. C’est une pratique nouvelle pour moi. Cela nous permet de faire évoluer notre profession d’infirmière et d’aider la population locale parce qu’ayant été infirmière libérale, je voyais bien que j’avais du mal à faire consulter mes patients par manque de praticiens.
FI : Jusqu’à quel point le manque d’ophtalmologue a un impact sur les diagnostics faits aux Mahorais ?
B. M. : Les diagnostics se font tardivement, mais cela va même au-delà. Étant donné qu’il n’y a pas d’ophtalmologues et de suivis orthoptistes, la population mahoraise est très peu sensibilisée à la santé oculaire. Par manque de connaissances et d’informations, elle ne va pas facilement consulter. Et quand elle le fait parce que c’est obligatoire, les cas sont déjà bien avancés. C’est ce que j’ai pu constater avec mes patients atteints de maladies chroniques. Dans le milieu de la clinique, c’est plus difficile à identifier parce qu’il n’y a pas encore de cabinet. Nous avons du mal à nous projeter, nous ne savons d’ailleurs pas ce que nous allons trouver sur le terrain, ce sera la surprise…
FI : Si les Mahorais ne sont pas sensibilisés à la santé oculaire, de quelle manière allez-vous procéder, une fois installées, pour les inciter à consulter ?
H. M. : Nous ferons des missions de sensibilisation dans le milieu scolaire et des dépistages. Et je pense que cela va aller très vite, parce que les enfants vont en parler à leurs parents, aux autres enfants. Nous n’avons même pas encore commencé et il y a déjà pas mal de monde au courant, donc ça va le faire.
B. M. : L’éducation passe par les enfants donc nous allons nous rendre dans tous les milieux scolaires au rythme de deux demi-journées par semaine. Nous voulons sensibiliser les enfants pour leur faire comprendre que porter des lunettes n’a rien de grave et qu’au contraire, cela peut leur servir dans la vie. C’est de cette manière que les mentalités vont changer. C’est ce qui a été fait en métropole dans les années 80 où les infirmières ont sensibilisé dans les écoles. C’est important pour le docteur Rottier de faire ces dé-marches auprès des plus petits, c’est d’ailleurs ce qui l’a poussé à lancer le projet.
FI : Une fois que vous aurez fini votre formation, quelle sera la suite ?
B. M. : Bonne nouvelle : nous venons de recevoir les financements de l’agence régionale de santé de Mayotte. Le docteur Rottier qui est en charge du projet a pu lancer la production des machines qui nous seront nécessaires pour faire les soins complémentaires. Nous espérons les recevoir d’ici deux mois. Dès leur réception, il va falloir ouvrir les cabinets. Le premier sera dans la commune de Bandrélé, le second à Hamjago à la fin de l’année 2021, et le troisième à Sada dans le premier semestre de l’année 2022. Ça c’est dans l’idéal parce que pour l’instant, nous ne sommes que deux infirmières donc nous ne pouvons ouvrir que deux centres. Le principe est d’avoir une infirmière dans chaque cabinet, nous ne pouvons pas avancer autrement. Nous lançons donc un appel pour qu’un ou une infirmière rejoigne le projet. C’est absolument nécessaire pour pouvoir ouvrir le troisième centre !
Le moyen de transport privilégié sur Mayotte est le scooter. Pratique pour échapper aux bouchons et se rendre rapidement d’un bout à l’autre de la capitale, nombreux sont ses adeptes. Comme tout véhicule, les deux roues ont besoin d’être révisés. Plusieurs garages informels se sont donc montés sur l’île, dont un au cœur de M’gombani.
À première vue, tout le bâtiment ressemble à une banale maison. Une porte ouverte sur un rideau, une petite terrasse donnant sur la route et des amis installés devant pour discuter. Mais très souvent, deux, trois voire quatre scooters se garent devant l’entrée. Certains sans carrosserie, d’autres sur une seule roue… Des indices qui jour après jour ne trompent pas. « Hé baco, le bruit là, il est pas normal », lance Andjib* à un scooteriste dans la rue. Le jeune homme ralentit et soulève sa visière. « Sérieux ? », lâche-t-il d’un air étonné, avant de s’arrêter totalement. Le premier véhicule d’une longue série. Un problème d’accélérateur, un feu défaillant, une suspension à resserrer… Les deux roues défilent entre les mains des mécaniciens.
1 de 4
Pendant que l’un d’entre eux s’occupe de souder, deux autres retournent un bolide pour trouver le problème. « Attrape la clé et mets là ici s’il te plaît », dit Ayoub en désignant un boulon avec son doigt. Après moult tentatives, ils finissent par dénicher la bonne. Pile au moment où un morceau du scooter tombe… « Parfait, je le ressoude et c’est bon. Attention aux yeux ! » Un masque ou une paire de lunettes de soleil sur le nez en guise de protection, Andjib s’emploie avec son fer à souder. Une fois la pièce remise en place, le moment tant attendu arrivé : s’assurer que l’ensemble tienne la route. Fraîchement désigné, Baoudji* enfile fièrement son casque et démarre la bête comme sur des roulettes.
Une organisation au jour le jour
Si ce jour-là, le travail ne s’arrête pas, ce n’est pas toujours le cas. L’occasion rêvée pour Andjib de s’atteler à des réparations plus longues. Et ce n’est pas ce qui manque au vu des carcasses qui traînent à droite à gauche. « Ça ça roule pas encore, mais bientôt », annonce-t-il tout sourire, telle une promesse, alors que le scooter ne ressemble plus qu’un amas de ferrailles et de câbles. Dring… Dring ! Son téléphone sonne pour la troisième fois en seulement quelques minutes. « Passe dans une heure, par contre tu vas me payer ! », prévient le mécano, face à la malhonnêteté de certains de ses clients. Une habitude prise par les membres de sa famille, mais aussi par quelques habitants du quartier, qui le connaissent bien. « En général, les gens me font la blague, mais il y a toujours un espoir que je dise oui. »
La journée de travail commence plutôt tard en général. Durant l’après-midi plus exactement, quand le soleil ne tape plus sur la terrasse. Les gens s’arrêtent à la sortie du travail et discutent le temps que les révisions soient effectuées. À la nuit tombée, plusieurs deux roues attendent encore d’être réparés. Chacun des garçons en sélectionne un et se penche alors dessus. Les langues se délient, les cigarettes s’enchaînent, les passant les saluent. Et si le bruit continue peut paraître fatigant, ils sont maintenant habitués à ces aller-retour incessants, à ces moteurs vrombissants et à ces éclats de rire.
Depuis le milieu de l’année 2020, les acteurs départementaux et nationaux de la formation professionnelle, de la santé et du social se mobilisent aux côtés du Carif-Oref pour construire un projet de développement des compétences dans les secteurs sanitaire, médico-social et social, intitulé Suha Na Maecha (Santé et Vie). D’une durée de deux ans (2021 et 2022), il doit contribuer à une meilleure prise en charge des habitants et à la création de plus d’une dizaine de milliers d’emplois pérennes.
« L’idée ? C’est d’apporter davantage de services aux publics vulnérables. » Vétu de sa traditionnelle chemise rouge, Yves Rajat, directeur de l’agence française de développement (AFD) à Mayotte, se réjouit de la présentation ce mercredi 12 mai du projet Suha Na Maecha, porté par le Carif-Oref, dont le but est d’offrir plus d’emplois et de compétences dans les secteurs de la santé et du social sur l’île aux parfums. « Nous croyons à l’urgence et à la nécessité d’accélérer. […] La formation est un investissement d’avenir », soutient-il, au moment d’évoquer les 580.000 euros mis sur la table par l’établissement public, le principal pourvoyeur aux côtés de l’ARS, du Département et de l’État, pour la mise en œuvre de ce programme « porteur d’espoir pour le territoire ».
1 de 3
Car il faut bien le dire, le chemin à parcourir au cours des deux prochaines années est loin d’être un long fleuve tranquille, tant « les difficultés en matière de recrutement des salariés, d’accompagnement et de fidélisation » sont multiples aux yeux d’Eliane Conseil, le cabinet chargé d’appuyer le Carif-Oref . Un constat dressé après seulement deux semaines de présence sur le 101ème département. Si l’état des lieux quantitatifs et qualitatifs des métiers, en d’autres termes la phase de diagnostic, est en cours de réalisation jusqu’au mois de juin, la consultante Valérie Pascal apporte déjà quelques pistes de réflexion : « Il faut éviter le turnover des cadres pour ne pas fragiliser les équipes. » D’où ses déplacements prévus dans les PMI et les centres communaux d’action sociale par exemple « pour prendre le pouls ».
Les projets à court et moyen termes
Plus spécifiquement, cette étude s’inscrit dans le contrat de plan régional de développement de la formation, de l’orientation professionnelle 2019-2022, comme le précise Soilihi Mouhktar, le directeur de l’apprentissage, de la formation professionnelle et de l’insertion au conseil départemental. De quoi ravir Éric Sanzalone, chargé des projets à la direction de l’offre de soins et de l’autonomie à l’ARS, qui expose les projets dans le domaine sanitaire sur l’île aux parfums. Comme les nouvelles autorisations en hospitalisation à domicile et les offres de soins de suite et de réadaptation (50 places pour l’hôpital de Petite-Terre et 50 autres pour un centre privé à Koungou). Mais aussi ceux dans le secteur médico-social : enfants et adultes en situation de handicap, plateforme autisme, renforcement des prises en charge des soins infirmiers à domicile pour les personnes âgées, création de nouvelles unités de vie pour la prise en charge des aînés… « Il ne suffit pas de développer l’offre dans les murs, l’offre immobilière, sans [penser aux] ressources humaines adéquates. »
Et c’est bien là tout l’enjeu ! Ou plutôt le triple enjeu en matière de politique de formation. Premièrement, il faut former et faire monter en compétences les professionnels des structures sanitaires et médicosociales existantes et à venir. Deuxièmement, il est nécessaires de tenir compte des nouveaux métiers, des nouvelles compétences, des dispositifs de prévention et d’éducation à la santé, des perspectives offertes par les délégations de tâches. Troisièmement, il apparaît indispensable de structurer une offre de formation professionnelle, adaptée et pérenne, en fonction de l’évolution des organisation et des nouveaux besoins pour les futurs établissements et structures de soins.
Plus de 15.000 emplois à pourvoir
Si depuis 2013, les acteurs recensent 4.000 recrutements dans les secteurs social, médico-social et petite-enfance, tous savent que les 8.400 emplois envisagés il y a près de dix ans selon une étude de la Dieccte s’orientent davantage vers le double, « a minima », aujourd’hui. « La demande et les besoins sont encore plus importants. Il nous faut un outil de prévision, d’aide à la décision évolutif pour ne pas travailler dans le vide », insiste Youssouf Moussa, directeur du Carif-Oref. Exemple criant chez les infirmières. « Aujourd’hui, nous en formons 45. Nous allons passer à 80. Mais nous savons qu’il en faudrait 120 », souligne Valérie Pascal. Qui plaide pour intaurer un institut régional du travail social (IRTS) de plein exercice ou pour mettre l’accent sur les métiers de rééducation, tels que l’orthophonie ou l’ergothérapie. Avec toujours en tête d’attirer des jeunes vers ces carrières et de privilégier les locaux.
Toujours est-il que l’ensemble des partenaires du jour parlent d’une seule et même voix. « Il faut changer de braquet, de paradigme », indique Yves Rajat, avant de reprendre l’une des phrases célébres de Montaigne : « Ce n’est pas un vase que l’on remplit, mais un feu que l’on allume. » Une citation qui donne une certaine inspiration à son acolyte, Soilihi Mouhktar. « À l’impossible, nul n’est tenu. » Après les paroles, place aux actes !