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Jadelhak Cheick-Ahmed : jeunesse, réussite et partage

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Jadelhak Cheick-Ahmed, 24 ans, est chef de projet pour la mise en ligne des Airbus A220 à La Réunion. Si le jeune mahorais a réussi à réaliser ses rêves, il espère aujourd’hui inspirer les étudiants de son île, ou au moins les motiver.

Issu de la première promotion Sciences de l’Ingénieur du lycée de Kahani en 2013, Jadelhak Cheick-Ahmed vit aujourd’hui son rêve : travailler dans l’aéronautique. Passionné d’aviation depuis son enfance, le jeune homme travaille maintenant chez Air Austral. « Je voulais comprendre comment ces grosses boîtes métalliques arrivent à voler avec 500 personnes à son bord à 11.000 km d’altitude en toute sécurité », explique-t-il. Sa passion, il la tient de sa curiosité, de son envie de savoir, et surtout de comprendre. « J’ai toujours voulu me raccrocher au maximum à l’aérien, toutes les notions que j’étudiais en cours j‘essayais de les ramener à l’aviation. »

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C’est cette passion qui l’a poussé à partir étudier à La Réunion, puis en métropole, malgré son amour pour son île. Aujourd’hui, son rôle est de coordonner toutes les équipes travaillant à la conception des avions A220 de la compagnie réunionnaise, du constructeur de l’avion au Canada à la formation des mécaniciens par un organisme européen. C’est cette pluridisciplinarité qui lui plaît le plus dans son travail, lui permettant d’être en lien avec beaucoup de services, auparavant méconnus. Pour lui, partager cette passion qui l’anime est très important, notamment avec les jeunes de son île.

 

“Aujourd’hui je suis là et si je peux aider les jeunes, c’est avec grand plaisir”

 

Fraîchement diplômé, en février 2020, de l’ELISA (école d’ingénieurs des sciences aérospatialesà à Saint-Quentin, Jadelhak voit déjà plus loin. Le jeune homme a conscience d’être regardé dans son département, et il espère inspirer certains étudiants, ou du moins, les motiver. Il explique que son envie de partage est grandissante. Cet amoureux des avions a même passé un diplôme pour enseigner l’aéronautique dans les collèges et les lycées. “J’ai envie de dire aux jeunes de faire leur maximum pour réussir, si moi je l’ai fait, tout le monde peut le faire.

Il relativise sur le fait que le parcours n’est pas évident et qu’il faut parfois s’accrocher. Mais que le jeu en vaut la chandelle. Il s’épanouit aujourd’hui dans son travail, grâce à sa ténacité. “Quand j’étais en prépa, je me disais que l’échec n’était pas une option. Parce qu’à partir du moment où tu commences à te dire j’ai une option B, c’est sûr que l’option A ne marchera pas.

 

“Au fur et à mesure, Mayotte va devenir un territoire attractif”

 

S’il travaille aujourd’hui à La Réunion, Jadelhak n’écarte pas un retour sur Mayotte dans un futur plus ou moins proche. “En tant que jeune, c’est le moment de parcourir le monde et de découvrir d’autres cultures, d’autres mentalités, d’aller prendre une richesse extérieure et de revenir à Mayotte avec une plus value.” Comme il le souligne, l’aéronautique n’est pas encore bien structurée à Mayotte mais la tendance va à l’amélioration. “On commence à avoir des pilotes, des mécanos, et j’imagine que dans un futur proche, il y en aura plus et au fur et à mesure, Mayotte va devenir un territoire attractif.

Le Mahorais garde donc beaucoup de contacts avec les jeunes de son île, en partageant son expérience, prouvant que la réussite est aussi à leur portée. “Ce que je voudrais dire aux jeunes de chez nous, c’est osez, croyez en vous, et accrochez-vous.

Covid-19 à Mayotte : des indicateurs en nette baisse mais la vigilance reste de mise

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Confiné depuis quatre semaines, le 101ème département reprend du poil de la bête. Les taux d’incidence et de positivité ont été divisés par deux tandis que la situation à l’hôpital s’améliore. Pour autant, l’agence régionale de santé ne veut pas crier victoire trop tôt et demande à la population de ne pas relâcher les efforts du dernier mois pour envisager un déconfinement dans les règles de l’art.

covid-19-mayotte-indicateurs-baisse-mais-vigilanceAu son de sa voix, Dominique Voynet, la directrice générale de l’agence régionale de santé, semble lâcher un grand ouf de soulagement. Avec un taux d’incidence de l’ordre de 391 cas ce vendredi 5 mars, « c’est vraiment sur la bonne tendance », même si cela « reste élevé par rapport au standard ». Pas de raison de crier victoire donc, mais la dynamique des derniers jours laisse dorénavant penser que « l’épidémie est derrière nous ». Idem pour le taux de positivité qui baisse drastiquement pour atteindre les 16%. Une chute par ailleurs faussée par un taux de dépistage en recul de 25% comparé à la semaine précédente. « Les habitants se présentent moins au laboratoire ou en pharmacie », avoue l’ancienne ministre, qui se réjouit de voir le nombre de cas contacts passer de « sept ou huit à deux ou trois ».

Du côté de l’hôpital, les indicateurs amènent également un motif d’espoir. « Ça se détend, on a moins de patients Covid en réanimation. » Bilan des courses : pas de nouvelles entrées durant deux jours consécutifs et aucune évacuation sanitaire en lien avec le virus depuis le lundi (deux ont été envoyés ce dimanche). Une petite victoire en cette période de forte affluence. Conséquence : « On a fermé le service de médecine 5 installé dans le service de chirurgie traumatologique. » Même son de cloche aux urgences avec la probable réouverture du service d’accueil pédiatrique.

 

Onze décès à La Réunion

 

Et si le CHM peut se targuer de ne recenser plus que 102 malades hospitalisés, les décès – 127 dimanche soir – continuent eux de grimper. « Ils arrivent dans un contexte d’hospitalisation longue », précise Dominique Voynet. « En cas de défaillance polyviscérale, le risque de surinfection augmente et le pronostic vital devient alors plus pénalisant. » D’où son leitmotiv de ne pas relâcher la pression, après tant d’efforts consentis ! « Ce n’est pas une épidémie à prendre à la légère. Des gens en paient de leur vie. Ici, on connaît tous les morts. Ce sont des jeunes, dans la force de l’âge. »

Ces chiffres coïncident avec la mise à plat des 97 dossiers des patients transférés à La Réunion dans le cadre des evasan depuis début février. « Sur les 11 personnes décédées là-bas, on avait connaissance de deux », confie la directrice de l’ARS. Mais en l’absence d’un centre d’information unique pour réunir toutes les données entre les différentes structures de l’île Bourbon, difficile dans ces conditions de suivre l’évolution des uns et des autres. « On ne savait pas si certains étaient passés de la médecine à la réanimation, si certains s’étaient dégradés, si certains étaient sortis… Mais maintenant, ils vont nous remonter plus régulièrement les informations. Les Mahorais ont besoin de savoir ! »

 

Bientôt le départ de l’Escrim

 

Cette bouffée d’oxygène pose aussi des questions sur le devenir des moyens déployés. Quid du service de santé des armées et de l’Escrim (Élément de sécurité civile rapide d’intervention médicalisée) ? Le départ du premier n’est pour l’heure pas envisagé puisque la tension en réanimation reste au-dessus des capacités normales. « On a encore impérativement besoin de leurs dix lits », assure Dominique Voynet. En revanche, pour le second, la donne est différente puisque « l’activité en Petite-Terre est contenue ». « Si la situation ne se dégrade pas, on envisage une fin de mission dans deux semaines. » L’accueil des urgences pourrait alors être suspendu pour terminer les travaux et ouvrir en bonne et due forme le dispositif de soins de suite et de réadaptation.

Malgré l’abondance de bonnes nouvelles, la responsable de l’autorité sanitaire dans le 101ème département ne veut pas crier victoire trop tôt. « L’une de mes inquiétudes est que les personnes se relâchent car l’épidémie reflue. » Et à quelques jours de la fin du confinement, le territoire peut se mettre à rêver de retrouver un semblant de vie normale. « On se prépare à rouvrir les écoles avec un dispositif adapté. Au vu des chiffres aujourd’hui, je ne préconiserai pas de [le] prolonger. » Ouf.

 


 

Un vol sans turbulence pour les quatre Mahorais évasanés en métropole

 

Jeudi dernier, quatre patients mahorais ont été transférés en métropole depuis La Réunion. « Les indications médicales étaient compatibles avec une longue distance », souligne Dominique Voynet, la directrice de l’agence régionale de santé de Mayotte. « Le vol s’est bien passé d’un point de vue technique : il n’y a pas eu de problème d’oxygène. » Sur place, ils ont été dispatchés dans différents hôpitaux de la région parisienne.

Si cette première mondiale s’est déroulée sans accroc, la responsable espère ne pas être amenée à reproduire « cet exercice qui est très coûteux financièrement et en ressources humaines ». Avant d’évoquer le rapatriement de patients mahorais toujours hospitalisés sur l’île Bourbon en cas de dégradation sanitaire. « Il est plus facile d’imposer deux heures de trajet pour Mayotte que dix heures pour Paris. »

Au centre éducatif renforcé de Mayotte, les timides premiers pas des mineurs délinquants vers la réinsertion

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Ils ont entre 13 et 17 ans et sont déjà passés devant le juge pour des faits délictuels ou criminels. Mais pour éviter l’incarcération systématique, et surtout la récidive, la protection judiciaire de la jeunesse a la lourde tâche d’accompagner ces jeunes vers la réinsertion. L’un de ses dispositifs, le centre éducatif renforcé (CER) de Mayotte, accueille certains de ces mineurs repris de justice, pour des sessions de quatre mois intensifs. Reportage.

Sous sa casquette blanche et ses équipements dignes d’un jardinier professionnel, Ibrahim* a un sourire banane. “Aujourd’hui, on s’est levé tôt, on a fait du sport et là, il faut couper les feuilles”, rembobine-t-il la mine satisfaite, pour décrire sa journée déjà bien entamée. Un joli programme… et surtout inhabituel pour le jeune homme de 17 ans, plutôt accoutumé aux grasses matinées et aux longues après-midi d’oisiveté. Scolarisé jusqu’en 3ème, le mineur a atterri au centre éducatif renforcé de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) de Mayotte, après un passage par la case délinquance. Intégré au centre depuis le mois de décembre, il commence, doucement, à se projeter vers l’avenir. “J’aimerais bien faire un stage de cuisine”, poursuit celui qui n’hésite pas à donner un coup de spatule pour “aider la femme qui nous prépare à manger”.

À côté de lui, son acolyte a la langue moins pendue. Assis à l’ombre l’air revêche, Ahmed* débite ses réponses par monosyllabes. “Oui”, “non”, “CM2”, marmonne-t-il à chaque fois qu’on lui tend la perche. “Moi, je veux faire de l’entretien de climatiseur”, lâche enfin le taiseux, poussé par les encouragements de ses éducateurs. “C’est plutôt le premier qui était bavard”, nuance quelques minutes plus tard Erwan Bourhis Humbert, le coordinateur de ce centre géré par Mlézi, association habilitée par l’État et le Département. Sur les six mineurs à sa charge, rares sont ceux qui ont le contact humain facile, surtout avec les adultes.

 

Situation “préoccupante” pour les mineurs privés de liberté

 

Et c’est justement là que le CER entre en jeu. Ce dispositif fait partie de l’arsenal de la PJJ pour accompagner les jeunes vers la réinsertion. Créé en 2019 sur l’île aux parfums, le centre a déjà réalisé six sessions, pour une capacité de huit mineurs maximum. Avec le Dago (l’Établissement de placement éducatif), l’UHD (Unité d’hébergement diversifié), ou encore les centres éducatifs fermés et renforcés de La Réunion, ce sont en moyenne 100 jeunes qui sont placés chaque année depuis 2017 par la PJJ. Objectif : redonner un cadre pour ces mineurs, happés trop tôt par la délinquance… Et éviter leur incarcération systématique, qui peut les embourber encore davantage dans un cycle de violences. Au niveau national, un récent rapport de la contrôleure des lieux de privation de liberté a d’ailleurs jugé la situation des mineurs enfermés “préoccupante” : au 1er janvier 2020, 804 mineurs étaient incarcérés, contre 672 dix ans plus tôt.

 

9% de mineurs non accompagnés

 

Pour éviter les barreaux, le juge des enfants ou d’instruction, sur proposition de l’éducateur de la PJJ, et en fonction du profil et de la gravité de la condamnation, peut donc décider du placement du jeune en centre éducatif renforcé. Là, le mineur – entre 13 et 17 ans – entame un parcours musclé qui va durer quatre mois. La session actuelle court donc jusqu’au 26 avril. À chaque fois, les candidats font l’objet d’un examen minutieux, pour former le groupe. Car il vaut mieux éviter les rivalités de bande… ou encore respecter les interdictions de contact avec des co-auteurs décidées par le tribunal, par exemple. Ceux qui échouent là ont pour la plupart écopé de peines pour des vols avec violence, indique le responsable du CER. Information non négligeable : les mineurs non accompagnés ne représentent que 9% des effectifs suivis par la PJJ. “En cherchant bien, nous trouvons toujours des familles éloignées”, analyse Hugues Makengo, son directeur territorial à Mayotte.

 

Trois phases, de la rupture à la réinsertion

 

Et à peine arrivés, les voilà mis dans le bain. Réveil matin, 6h30, du sport, quatre à cinq heures par jour, une itinérance à Mayotte ou à La Réunion si la situation sanitaire le permet, un accompagnement quasi individualisé et “peu de temps de repos”… Sacré planning ! “On a fait par exemple de la via ferrata à Bouéni, et dans ces situations, ils sont obligés de faire confiance à l’adulte. Cela casse leur fonctionnement habituel”, illustre Erwan Bourhis Humbert. Ce parcours du combattant dure pendant un mois. “C’est la phase de rupture, pour rompre avec leur mode de vie car nous avons souvent affaire à des jeunes très marginalisés avec des horaires nocturnes, des consommations de stupéfiants, une déscolarisation”, explique le coordinateur.

À l’issue de cette première phase, place à la “remobilisation”. De retour au centre, les jeunes (ex ?)-délinquants commencent à travailler leur projet individuel. Ils sont alors accompagnés d’un psychologue et d’un enseignant de l’Éducation nationale pour revoir les bases. Car s’ils parlent tous français en général, ces mineurs montrent des lacunes. À la mi-janvier, les six de la session actuelle ont justement entamé cette phase de montée en compétences, qui peut durer jusqu’à deux mois. “On les aide à faire leur CV, pour trouver un stage”, ajoute une éducatrice. Enfin, en fonction de leur avancée, chacun peut entamer la troisième et dernière phase, celle de la réinsertion vers l’extérieur, qui peut signifier la rescolarisation, l’entrée dans une formation ou encore un stage.

 

Sans suivi, le risque de la récidive

 

Et c’est gagné ! Enfin, pas tout à fait. Car le risque de récidive existe bel et bien, “surtout s’ils ne sont pas suivis”, constate Hugues Makengo. Chiffres à l’appui ? “Non, mais il peut nous arriver de les retrouver entre trois et six mois après leur sortie des dispositifs d’insertion”, acquiesce Erwan Bourhis Humbert. Pour garantir une réinsertion durable, et surtout faire baisser la délinquance à Mayotte, la seule action du CER ne peut suffire. “Souvent, nous récupérons des jeunes entrés en délinquance mais qui relèvent plus de parcours d’enfants maltraités, qui ont faim, qui sont élevés dans des familles élargies”, présente le directeur de la PJJ. D’où la nécessité de renforcer aussi le travail de la protection de l’enfance mené en amont par l’ASE (aide sociale à l’enfance), qui dépend du Département.

Dernier défi et non des moindres : faire reconnaître les compétences acquises pendant le passage du mineur au centre éducatif. Car si, à l’issue de son suivi, le jeune obtient un livret de compétences, il est important de capitaliser par une certification des organismes agrées. “Ici, à Mayotte, les problèmes avec la jeunesse sont tellement importants, en termes de scolarisation, de chômage, qu’il apparaît presque normal que ceux repris de justice ne soient pas priorisés (pour obtenir la certification de leur compétence)”, déplore Hugues Mackengo. Avant de conclure, sous les bruits de la tondeuse en marche dans les mains d’un Ibrahim concentré au-dessus de ses herbes folles : “Même avec tous mes diplômes, je suis incapable de faire ce qu’il fait…”

* les prénoms ont été modifiés

Liste rouge des espèces menacées : situation inquiétante mais pas irréversible à Mayotte

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@labanquedimagesdemayotte.com

Ce jeudi 4 mars, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a publié les résultats complets de la liste rouge des espèces menacées en France et en Outre-mer. À Mayotte, la faune, la flore et le monde marin sont particulièrement concernés. Grégoire Savouret, le représentant de l’organisation sur l’île aux parfums, fait le point sur la situation des espèces dans le département.

Depuis 13 ans, plus de 10.000 espèces ont été évaluées en France métropolitaine et dans les Outre-mer. Le bilan total révèle que 2.340 espèces sont menacées et que 187 ont déjà disparu. À Mayotte, près d’une plante sur deux se trouve dans une situation alarmante (43%), tout comme 25% des oiseaux nicheurs. On compte parmi eux le Martinet noir africain, défini comme « en danger » ou le Crabier blanc « en danger critique ». 42% des espèces de reptiles terrestres sont en péril, soit 5 sur les 12 présentes sur l’île. Parmi elles, la couleuvre ou encore le Gecko diurne à bandes noires. Les dernières inquiétudes se portent sur les coraux. Si seulement 12% d’entre eux sont aujourd’hui exposés, la « tendance globale va à la détérioration » et l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) craint « une perte de la diversité biologique ».

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Toutefois, Grégoire Savouret, le représentant de l’organisation dans le 101ème département, est loin d’être fataliste. À ses yeux, il ne faut voir ces chiffres ne sont pas irréversibles. « Je pense qu’il n’est pas trop tard et qu’il ne sera jamais trop tard », déclare-t-il. Selon lui, les actions peuvent être réalisées à différentes échelles. « Chacun peut travailler dans ce sens-là ! Par exemple, lorsqu’un manguier dérange, on peut choisir entre le couper ou l’élaguer. Et c’est un choix qui peut changer la donne. Ces petites actions mises bout à bout peuvent faire un vrai changement. »

À d’autres échelles, les collectifs et les associations peuvent aussi mettre des opérations en place, comme pour le ramassage des déchets. Et au niveau institutionnel, des espaces protégés peuvent être répertoriées. Mais Grégoire Savouret insiste sur un point primordial : « La priorité à Mayotte sont les actions à petite échelle et la sensibilisation de la population. »

 

Préserver ce qui n’a pas encore été détruit

 

« Parler du point de vue des espèces à Mayotte n’a pas grand intérêt. Il faut alerter sur le fait qu’on a besoin de la biodiversité pour vivre. » En effet, la perte de cette dernière pourrait impacter le cadre de vie des Mahorais à long terme. À l’instar de la nourriture, comme les fruits et légumes qui sont pollinisés par les abeilles.

« Il faut préserver ce qu’on a pas encore détruit », insiste Grégoire Savouret, en sensibilisant les personnes au maximum sur cette question de biodiversité et en changeant les pratiques agricoles. Les brûlis peuvent, par exemple, avoir de lourdes conséquences, même sur une petite pelouse, car ils détruisent la biodiversité qu’on ne voit pas forcément, comme les insectes ou les champignons.
Si le bilan est inquiétant, la situation n’est pas irrévocable. « Il y a déjà des gens qui y travaillent et des actions qui sont mises en œuvre… Il faudra juste les renforcer pour changer la machine et faire un virage à 180 degrés », assure le représentant local de l’UICN.

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Les sportifs confinés à Mayotte : « Nous revoir et nous amuser ensemble »

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Hazal Saïd, président de l'AJ Kani.

Selon les dernières tendances, l’agence régionale de santé (ARS) et la préfecture de Mayotte annonceront la fin du confinement d’ici la fin des vacances d’hiver, pour la prochaine rentrée scolaire prévue le lundi 15 mars 2021. À ce moment, les sportifs mahorais pourraient alors envisager une nouvelle reprise de leurs activités. En attendant, ces derniers sont toujours confinés. Pour s’occuper, certains d’entre eux font preuve d’imagination et de créativité. D’ici l’officialisation du déconfinement, Flash Infos vous propose de découvrir comment les sportifs mahorais confinés maintiennent la flamme. Pour ce premier volet de la série « Les sportifs confinés », cap au Sud de l’île avec l’association AJ Kani. Faute de Covid, la nouvelle équipe dirigeante menée par Hazal Saïd a entamé la saison 2021 avec… un concours de danse.

C’est une nouvelle équipe dirigeante, pleine d’idées et d’ambition, qui a pris les commandes de l’Association des jeunes de Kani-Kéli (AJK), en décembre dernier. Avec à sa tête, le chouchou du village, Hazal Saïd. Lui, le capitaine de l’équipe vainqueur de la coupe régionale de France en 2013 : buteur décisif en finale à Labattoir face à l’Espérance d’Iloni. Et présent, déjà, huit ans plus tôt, en 2005, lors du premier triomphe de l’AJK en CRF et de sa première participation au septième tour de la coupe de France.

Entre temps, l’ex-attaquant de la sélection de Mayotte a organisé son jubilé puis mis un terme à sa carrière. Mais, jamais loin de son club de cœur, le Kani-Kélien est resté disponible. Il a notamment encadré les équipes Jeunes, dirigé l’équipe première en tant qu’entraîneur et s’est porté bénévolement garant de l’entretien de la pelouse du « stade Godra« , réputé comme le meilleur terrain de football de l’île. Mais, tout héros qu’il a été, l’influence de Hazal Saïd auprès des dirigeants de l’association n’était pas celle qu’il espérait. « J’ai vu le fonctionnement du club. En étant dedans, j’ai vu – et tout le monde savait – qu’il partait à la dérive. Donc je me suis dit qu’il était peut-être temps de faire quelque chose. Et j’avais conscience que le seul moyen de faire quelque chose, c’était d’être à la tête du club puisque lorsque je n’étais qu’entraîneur, et que d’autres étaient à la tête, j’ai essayé de proposer mes idées, mais je n’étais pas décideur. En 2020, j’ai fait le choix de porter ma candidature à la présidence pour avoir le pouvoir de décision et pouvoir reconstruire le club. »

 

Un succès jusqu’en métropole

 

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Méli, l’une des gagnantes du concours de danse et du polo personnalisé du club.

Le 20 décembre dernier, Hazal Saïd et son équipe ont été élus pour un mandat de deux ans. L’aura du meneur d’hommes s’est immédiatement ressentie et bien au-delà de son village. Les premiers partenaires du nouveau projet AJK ont fleuri. Des joueurs de renomméese sont engagés et ont renforcé l’équipe première. Et pour la mener vers la Régionale 1, objectif sportif du club, le président élu a fait appel à l’expérience et aux services de l’ancien capitaine et entraîneur du FC M’tsapéré, Mohamed Ibrahim alias Sorcier. La crise sanitaire a cependant mis les ambitions sportives de l’association entre parenthèses. En attendant le lancement de la saison 2021, en attendant de pouvoir reprendre le chemin des terrains, les membres du club n’ont pas souhaité rester les bras croisés. Ils ont ainsi mis en place un concours de danse ouvert à tous sur les réseaux sociaux.

Le défi : réaliser ses plus beaux déhanchés sur le titre « Ayia Loulou ? Ndretou ! » (Où sont les Diables ? Ils sont là !), du nom du slogan du club. Une musique hommage à l’AJK produite par l’artiste et comédien originaire de Kani-Kéli, Combo. « À la demande du président, on a tout de suite accepté de mettre en œuvre le challenge », se souvient Naïma Ali Saïd, sympathisante de l’association et organisatrice du concours avec ses amies Faïza et Fadia. Tous trois fidèles soldats du clan Hazal. « On le soutient et ce, bien avant sa candidature à la présidence du club. Dans tout ce qu’il a fait pour l’AJK, on a toujours été derrière lui », assure Naïma. « Il en faut des dirigeants comme ça pour que la population s’intéresse de nouveau au club, pour le remettre au premier plan de la vie du village », estime Fadia.

Le concours de danse, le dirigeant en développe les raisons : « Nous vivons actuellement des moments très difficiles avec la crise sanitaire. Tout le monde est enfermé, sans la possibilité de sortir et d’avoir une vie sociale. Je me suis dit, pourquoi pas, booster un peu tout le monde et s’amuser. D’où est venue l’idée. C’était aussi une manière de voir tout le monde, les fans du club et les autres puisque le concours était ouvert à tous. » De Kani-Kéli à Hagnoundrou, en passant par M’bouini, Bandrélé et jusqu’en métropole… le concours a attiré une vingtaine de participants et susciter de nombreuses réactions sur Facebook. Ce week-end, les lauréats du concours se verront remettre le polo officiel de l’AJK personnalisé de leur nom, à leur domicile. Et c’est le président en personne qui fera le déplacement. « C’était super ! Ça nous a permis de nous revoir et de nous amuser ensemble », se réjouit Hazal Saïd. « Je remercie particulièrement Naïma, Fadia et Faïza, qui ont tout organisé et sans qui on n’aurait pas pu prendre cette initiative », conclut le président du club.

Sénateur Thani : « Une réforme ne se suffit pas à elle-même, il faut lui donner les moyens »

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En septembre prochain, la réforme portant sur la justice des mineurs entrera en vigueur sur l’ensemble du territoire national. Parmi ses fervents défenseurs, le sénateur mahorais Thani Mohamed Soilihi, par ailleurs avocat de profession. Que le texte prévoit-il ? Comment s’appliquera t-il à Mayotte ? Explications.

Flash Infos : Pourquoi réformer la justice des mineurs ?

Thani Mohamed Soilihi : Ça fait plus de onze ans qu’on en parle. La justice des mineurs avait été instituée par une ordonnance datant de 1945, au sortir de la guerre, sous l’égide du général de Gaulle. La justice des mineurs a toujours voulu lier répression, certes, mais aussi éducation, puisqu’un mineur, un enfant, ne peut pas être appréhendé comme un adulte qui lui agit en pleine connaissance de cause. Cette philosophie-là n’a jamais changé, tous les gouvernements confondus ont toujours tenu à maintenir cet équilibre entre éducation et répression. Par contre, l’ordonnance a été retouchée pas moins de 39 fois. Ces réformes successives ont eu pour effet de défigurer le texte original. C’est donc pour ça qu’il est question de réformer cette ordonnance. Et en septembre dernier, le texte a enfin été déposé par Nicole Belloubet [garde des Sceaux du gouvernement Philippe, ndlr] sous forme d’ordonnance, grâce à une habilitation accordée par le Parlement. Là, il fallait rectifier l’ordonnance mais avec la crise liée au Covid, cela a pris du retard et rentrera en vigueur en septembre.

FI : Concrètement, qu’est-ce que la réforme changera à compter de ce mois ?

T. M. S. : Elle ne change pas fondamentalement la philosophie de la justice pénale, qui repose sur la répression et l’éducation, mais elle va faire en sorte que la réponse pénale soit rendue plus rapidement. Aujourd’hui, lorsqu’un mineur commet des faits, il y a bien évidemment une phase d’enquête, d’instruction devant le juge des enfants, etc. Aujourd’hui, le délai moyen de ce traitement est de 18 mois. Donc ça peut être certes moins, mais ça peut aussi être beaucoup plus. Certaines affaires ont même défrayé la chronique puisqu’entre la commission des faits et le jugement, les personnes concernées étaient devenues majeures. Quand la réponse pénale tarde autant, quel sens peut-on lui donner ?

Ainsi, le texte de réforme veut que le mineur soit présenté devant le juge très rapidement, entre 10 jours et trois mois, qui sont des délais incompressibles pour ne pas bâcler les procédures. Cette première comparution est très importante puisqu’il y a tout de suite une réponse qui est apportée. L’autre apport, c’est que la victime est convoquée dès cette phase alors que dans la procédure qui vaut jusqu’à présent, elle n’est convoquée qu’au moment du procès, donc au bout de 18 mois, un an ou quatre ans… Une procédure de césure a été mise en place dans le cadre de la réforme. Autrement dit, on coupe en deux la procédure avec ce moment phare immédiatement après les faits ainsi qu’avec la mise en place d’une mise à l’épreuve éducative avant le jugement final. Si entre temps, la situation du mineur a évolué favorablement, la réponse pénale sera différente, et inversement.

FI : Tous les dispositifs prévus par la réforme pourront-ils être appliqués à Mayotte, où les moyens, les structures compétentes et les effectifs ne sont pas les mêmes qu’en métropole ?

T. M. S. : C’est la particularité en matière pénale : la loi pénale, et même celle des mineurs, est valable pour tout le territoire français. Il n’y a pas de particularité lorsqu’il s’agit d’un texte pénal. Donc bien évidemment, l’ensemble de ces dispositions sera applicable à Mayotte, comme partout ailleurs sur le territoire national. À Mayotte, il y a beaucoup d’enfumage, les gens parlent de sujets qu’ils ne connaissent ou ne maîtrisent pas. Si l’on veut faire des exceptions pénales, il faudrait que Mayotte soit hors de la France. S’il y a des particularités ici, c’est en matière sociale, par rapport au Code du travail, etc. Ce sont des sujets qui, à certaines conditions, peuvent effectivement connaître quelques particularités, mais pas la matière pénale.

FI : Vous réitérez depuis longtemps la demande de création d’un centre éducatif fermé sur le territoire. Pourquoi aujourd’hui, et ce malgré l’ampleur de la délinquance des mineurs à Mayotte, une telle structure n’existe toujours pas à travers l’île ?

T. M. S. : Je le dis partout : une réforme ne se suffit pas à elle-même, il faut lui donner les moyens, qu’il s’agisse en effet d’un centre éducatif fermé, mais aussi d’autres moyens. Cette nouvelle procédure, pour qu’elle puisse fonctionner, nécessitera des juges en plus, des magistrats en plus, des greffiers en plus, des fonctionnaires en plus à la PJJ…

La réponse pénale est multiple et diversifiée. Là aussi, il faudrait tordre le cou à ceux qui pensent que la justice des mineurs est laxiste. Je ne connais pas un magistrat ou un juge qui se lève le matin en se disant : « Je vais être laxiste à l’égard des mineurs ! ». S’il y a des décisions prises qui peuvent paraître laxiste, c’est qu’en fait, les moyens pour les faire appliquer n’existent pas. Certains ont refusé de voter cette réforme parce qu’ils l’estimaient trop sévère vis-à-vis des mineurs. C’est dire ! Mais à Mayotte, lorsqu’un juge doit passer par la case centre éducatif fermé, il n’a plus que le choix de le laisser dehors ou de le mettre au quartier des mineurs à Majicavo, pour des faits qui ne méritent pas de prison ferme. Parfois, la décision est prise de ne pas l’y envoyer, ou avec un temps d’emprisonnement très limité. Alors, le mineur peut ne pas comprendre pourquoi il a été enfermé puis libéré, et il risque d’y ressortir plus dangereux qu’il n’y est entré.

Les moyens peuvent être présents et toutes les cases doivent être cochés. Pour l’instant, nous avons un centre éducatif renforcé, un travail de terrain qui est fait, par les associations, au sein des familles d’accueil notamment. Le cran au-dessus, c’est ce centre éducatif fermé. Dans l’arsenal législatif, la justice pénale des mineurs et des majeurs est différente, mais le juge peut considérer ou non l’excuse de minorité (que la réforme conserve), qui permet que la peine soit deux fois moins élevé que si la personne mise en cause était majeure. La marge de manœuvre du magistrat est d’autant plus limitée si toutes les structures prévues dans le cadre de cette réponse pénale font défaut. Or à Mayotte, on manque évidemment de moyens pour faire fonctionner comme il faut la justice des mineurs. Pourquoi ce vœu de créer un centre n’est-il toujours pas exaucé ? Je ne le sais pas moi-même. Et je ne suis pas le seul à demander cette mesure ! Mais le manque de moyen concerne aussi le champ de l’enquête : il faut des officiers de police judiciaire qui maîtrisent la particularité de cette justice pour que les procédures ne craignent pas d’être annulées pour vice de procédure. Les enquêteurs ont eux-aussi besoin de ce renfort de moyens.

Au regard des mes demandes, on pourrait croire que je suis sévère avec ce gouvernement, mais c’est justement parce qu’il en a exercé pas mal. Pour moi, l’absence de ce centre éducatif fermé est en quelque sorte un trou dans la raquette. Mais le fait que nous soyons le département le plus jeune va peut-être faire bouger les choses, il faut rappeler que plus de la moitié de la population de Mayotte est mineure. Connaissez-vous beaucoup de territoires français à être dans ce cas ?

Depuis l’époque Belloubet, et même avant, il a été acté de créer une vingtaine de nouveaux centres éducatifs fermés dans toute la France. Je crois que parmi ces 20 nouveaux centres, Mayotte en mérite bien un.

FI : Avec la fin du quinquennat d’Emmanuel Macron, l’année prochaine, cela laisse peu de temps…

T. M. S. : Vous savez, le jour où on arrêtera des annonces et des programmations, j’arrêterai la politique ! Si le centre est annoncé un mois avant la fin du quinquennat et que les moyens sont mis sur la table, je m’en contenterai. Les promesses d’un président n’engagent pas forcément son successeur, mais en réalité, elles le devraient. Ce n’est pas une demande que je formule comme ça : cette réponse apporterait un plus dans la résolution de la délinquance des jeunes à Mayotte. Nous avons pu avoir un centre éducatif renforcé parce que nous l’avons demandé avec insistance, il n’y a pas de raisons pour que nous n’ayons pas de centre éducatif fermé !

FI : Au-delà de la jeunesse de la population, comment expliquez-vous que la délinquance juvénile à Mayotte monte en puissance année après année ?

T. M. S. : Je crois que depuis trop longtemps, les jeunes ne sentent pas inquiétés puisque, faute de structure, la réponse juridique n’est pas à la hauteur de la gravité des faits commis. Mais il y a d’autres facteurs à prendre en compte comme l’abandon de certains parents, causés en partie, mais pas uniquement, par l’immigration clandestine puisque dans certaines situations, l’autorité parentale fait défaut. Et pendant longtemps, avant l’arrivée d’Issa Abdou [le vice-président du conseil départemental, en charge des affaires sociales, ndlr], on ne s’est pas préoccupé de la partie préventive. Sur l’île, on insiste beaucoup sur la répression, mais la prévention est tout aussi importante, voire plus, puisque c’est elle qui fait qu’un mineur ne passe pas à l’acte. Nous avons trop accumulé les manquements, et aujourd’hui nous sommes en train de payer cash toutes ces années-là. Nous étions face à une bombe à retardement, et aujourd’hui la mèche a été allumée. Je ne veux pas avoir la critique facile, mais c’est une responsabilité collective, parttagée. Les mesures concrètes pour éviter que cela arrive n’ont pas été assez nombreuses.

 


 

Centre éducatif fermé : un problème de coût ?

 

En 2019, les mineurs délinquants représentaient 7% de l’activité pénale à Mayotte, selon la PJJ. Or, en l’absence d’un centre éducatif fermé mahorais, entre 20 et 30 jeunes sont envoyés tout au long de l’année, vers des structures réunionnaise. Pour une autre figure politique, interrogée sous couvert d’anonymat, le plus gros frein à la création d’un centre mahorais pourrait être financier. En effet, les centres éducatifs fermés représentent les dispositifs les plus coûteux de la protection judiciaire de la jeunesse, du fait du fort taux d’encadrement. « En outre, le coût d’une journée moyenne a fortement augmenté au cours des dernières années, du fait en particulier de la réévaluation des moyens humains et de l’augmentation des coûts dans le secteur public », pointait déjà du doigt le Sénat en 2018, qui estimait à 672 euros le coût d’un jour de fonctionnement par mineur pris en charge en 2019. « Ramené au ratio de la population de Mayotte, on ne fait pas le poids », confie encore notre source, qui rappelle qu’avec près de 10.000 naissances à l’année, « ces millions ne serait pas jetés par la fenêtre, car peu importe le coût, il s’agit de mettre en échec la montée d’une certaine forme de violence chez les jeunes ». D’autant plus que les coûts liés au fonctionnement d’un centre d’éducatif fermé demeurent moins lourds qu’un placement en détention.

Continuité pédagogique : Des vidéos Youtube pédagogiques pour réviser le programme d’histoire-géographie

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Enseignant d’histoire-géographie au lycée de Chirongui, Cyril Castelliti a profité de la période de confinement pour proposer du contenu pédagogique par vidéo à ses élèves de Seconde et de Première. Un moyen qui lui permet de les captiver plus facilement tout en adaptant le programme au contexte mahorais.

Perché sur un toit dans la baie de Bouéni, Cyril Castelliti se met en scène face caméra. Dos à l’océan dans un décor paradisiaque, l’enseignant d’histoire-géographie au lycée de Chirongui joue le pédagogue à distance, confinement oblige. « J’ai pris le programme et j’ai essayé de faire un contenu à la fois scolaire et léger. Sans que ce ne soit pas non plus ultra-rigide ! Même si cela reste un cours, j’ai voulu être fun », confie le sourire aux lèvres le Marseillais d’origine. La raison de ce choix ? L’absence d’ordinateur à la maison pour une grande partie de ses élèves. Difficile dans ces conditions de parcourir un document PDF et de le synthétiser. « Par contre, ils passent leur vie sur Youtube avec leur Smartphone, donc je savais qu’ils y avaient tous accès. »

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L’aval de son inspectrice en poche, il poste successivement deux vidéos d’une petite dizaine de minutes en ligne. L’une sur la période de transition entre le Moyen-Âge et les temps modernes. L’autre sur les espaces de production. Une aubaine pour les lycéens qui ont ainsi la possibilité d’y « accéder à tout moment ». Et surtout « de travailler sur la prise de note, une habitude pas encore complétement intégrée ». Là, ils peuvent mettre sur pause quand bon leur semble, sans ressentir la pression de la classe et du temps imparti. Bénéfique donc, mais comment s’assure-t-il que ses protégés visionnent bel et bien ses enregistrements ? « L’Éducation nationale met à disposition une panoplie d’outils numériques, qui sont parfois perfectibles, mais il y a quand même moyen de les utiliser. Par exemple sur Pronote, il y a des QCM (questionnaire à choix multiples) assez intuitifs que je leur envoie pour vérifier ce qu’ils ont retenu », rassure Cyril Castelliti, selon qui les retours sont encourageants.

 

Mahoriser le programme

 

Alors pour intéresser encore davantage ses élèves, l’enseignant n’hésite pas à dresser, dès que possible, des parallèles avec le 101ème département dans le but de mieux intégrer certaines notions. « On a l’impression que faire de l’histoire-géographie à Mayotte, c’est forcément se calquer sur le programme national sans l’adapter au contexte local. Or, ce n’est pas du tout le cas. Au contraire, le rectorat nous pousse à mahoriser le programme. » Pour cela, il valorise ses expériences journalistiques, comme un reportage réalisé aux Comores sur l’ylang-ylang publié dans le journal L’Humanité. « L’idée est de faire sens avec des problématiques locales. Tout ce qui peut permettre de tourner les projecteurs de manière bienveillante sur le territoire doit être fait. Je n’ai rien inventé… Disons que j’ai improvisé via mes connaissances », insiste celui qui a également lancé le Hashtag Mayotte La Magnifique en mai dernier lors de la première vague pour valoriser les merveilles de l’île aux parfums.

Mais tout ce contenu n’apparaît pas sur la toile en un claquement de doigts. « Il ne faut pas sous-estimer la masse de travail que cela représente. » Entre l’écriture, le tournage, le montage et la recherche iconographique, Cyril Castelliti table sur une semaine de dur labeur. Mais le jeu en vaut la chandelle. Et il compte bien en abuser encore plus qu’à l’accoutumée dès le retour en présentiel. « On parlera de ce format lors de la rentrée pour réfléchir à comment le développer et le faire perdurer dans le temps, pendant les vacances scolaires par exemple. » Pas de plan sur la comète donc ! « Je ne suis pas Youtubeu ! À 70% c’est du bricolage. Quand il y a du bruit, comme des travaux, de la circulation ou des bruits d’animaux, je préfère en jouer plutôt que d’essayer de le cacher. En clair, je suis juste Cyril avec son ordi qui bugue et son vieux micro dans sa campagne à Bouéni », s’amuse le futur trentenaire. Mention très bien.

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Alison Morano, anthropologue : « Il n’y a pas de profil type du délinquant à Mayotte »

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Crédit photo : Grégoire Mérot

En 2016, Alison Morano se penchait sur « la catégorie sociale des mineurs isolés à Mayotte », dans le cadre de son mémoire d’anthropologie sociale et ethnologie. Depuis, elle ne cesse de s’intéresser à la situation de la jeunesse du territoire. Et dans le cadre de ses recherches, elle est amenée à rencontrer des mineurs qui, exclus d’un point de vue social, ont sombré dans la délinquance.

Flash Infos : Qu’est-ce qui vous a poussée à traiter la condition sociale des mineurs à Mayotte ?

Alison Morano : J’ai d’abord travaillé sur les mineurs isolés, puis ceux non scolarisés. Et le point commun de ces deux situations était une exclusion à la fois sociale, scolaire, familiale, administrative… J’ai voulu faire de cette exclusion multiforme un fil rouge et petit à petit, j’ai été amenée à traiter de l’errance. Je me suis immergée dans différentes structures, de l’aide sociale à l’enfance aux associations, en œuvrant à la fois avec les jeunes non scolarisés et avec la protection de l’enfance.

Il y a plusieurs formes d’exclusion : familiale pour les mineurs isolés ; scolaire, qui est très importante ici et sur laquelle j’ai beaucoup travaillé ; l’exclusion administrative de ceux qui ne remplissent pas les conditions immédiates à l’obtention d’un titre et qui se retrouvent relégués dans un espace de précarité et d’incertitude ; ou l’exclusion sociale en général dans des conditions de vie très éloignées de ce qui pourrait être satisfaisant. Ces exclusions se recoupent, se rejoignent et il y a une porosité des frontières entre chacune qui fait qu’un mineur peut conjuguer toutes ces formes-là et se retrouver dans une vulnérabilité extrême.

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Crédit photo : Grégoire Mérot

L’exclusion familiale, le fait de ne pas avoir de cadre « contenant » est aussi un élément récurrent. Que les parents soient sur le territoire ou non d’ailleurs, cela ne désigne pas que les mineurs non accompagnés, ou mineurs isolés. L’absence de ce cadre rassurant, de schémas éducatifs adaptés est un élément déterminant, au même titre que l’influence des bandes, qui peut par exemple encourager les comportements violents ou addictifs. Il n’y a pas un seul élément constitutif dans le parcours de vie des mineurs, c’est vraiment un ensemble, une chaise d’exclusion en quelque sorte.

FI : Comment l’exclusion, quelle qu’elle soit, peut-elle encourager le passage à l’acte délictueux ?

A.M. : Au regard des observations que j’ai pu faire et à travers le recueil de différents témoignages, le sentiment général est que ces jeunes ne se sentent pas intégrés à la société. Eux-mêmes ont conscience qu’ils sont l’avenir de Mayotte, que c’est cette jeunesse qui construit le département, mais ils déplorent de n’avoir rien à faire. Même auprès des jeunes majeurs que j’ai rencontrés en prison, c’est le discours qui revient. Certains déplorent aussi de ne pas avoir eu d’affectation au sortir de la troisième, alors ils ne trouvent pas d’école et finissent par rejoindre les groupes de leur quartier. Et à côté de ça les conditions sont extrêmement précaires…

FI : Pourtant, tous les jeunes délinquants n’agissent pas dans une logique de survie…

A.M. : Quand je suis arrivée à Mayotte, en 2015, on entendait des gens dire qu’ils s’étaient fait cambrioler leur frigo par exemple. Aujourd’hui, je l’entends beaucoup moins. Est-ce qu’on ne le relève plus ou est-ce la délinquance qui a changé de forme ? Je pense très sincèrement que ces cinq dernières années, la délinquance s’est durcie. Au-delà de voler de la nourriture parce qu’on a faim, on en profite pour prendre un ordinateur. La précarité s’est aussi peut-être accentuée. Le chômage en tout cas est toujours le même, et c’est quelque chose qui revient beaucoup dans le discours des jeunes délinquants que j’ai rencontrés. Ceux en situation régulière n’ont pas de perspective d’emploi, de formation, d’accès à un avenir un peu plus pérenne. Certains me l’ont clairement dit : « Je n’ai rien à faire, il faut que je mange donc je dois aller voler ». Cela leur permet de vivre un peu plus longtemps avec un peu d’argent. Je pense que les raisons de cette délinquance sont les mêmes, mais que la forme s’est durcie. Le phénomène d’influences des bandes peut encourager une forme de délinquance plus dure.

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Crédit photo : Grégoire Mérot

FI : Ces jeunes perçoivent-ils le passage à l’acte comme une façon de se faire entendre, ou une forme de protestation envers les services publics ?

A.M. : En effet, et on le voit beaucoup en ce moment avec les caillassages d’ambulances, des forces de l’ordre ou de ce qui symbolise l’État. Je pense qu’il y a une forme de haine, de rancune pour cet État qui pour certains les a séparés de leurs parents, pour d’autres ne leur permet pas de s’insérer dans la société avec une situation administrative irrégulière. D’autres encore, malgré une situation régulière ou une nationalité française, ne parviennent pas à s’insérer sur le marché de l’emploi. De l’autre côté, une partie de la population se sent elle aussi abandonnée par un État jugé laxiste. Je pense que les pouvoirs publics essayent, en amenant plus de policiers notamment. Mais est-ce que la solution repose vraiment sur les forces de l’ordre, ou faut-il essayer de résoudre les soucis autrement, en commençant par la racine plutôt que par la manifestation du problème ? Sur le long terme, cela aura-t-il un impact signifiant ? Je ne saurais pas le dire. Je serais mal placée pour juger ce qui est mis en place, mais au regard du nombre de MJC sur le territoire, on peut se demander s’il n’y a pas quelque chose à proposer ne serait-ce qu’à ce niveau-là.

FI : Dans l’imaginaire populaire mahorais, la délinquance serait majoritairement le fait de personnes en situation irrégulière. Est-ce ce que vos recherches ont mis en avant ?

A.M. : Dans le cadre de mes travaux sur l’errance, j’ai rencontré plusieurs jeunes qui sont tombés dans la délinquance, certains en étaient déjà sortis, d’autres non. J’ai alors fait très attention aux amalgames : on entend souvent à Mayotte qu’insécurité = immigration. Je ne nie pas qu’effectivement, dans les groupes de jeunes errants ou délinquants, il y a des mineurs natifs ou originaires des Comores, mais dans une proportion tout à fait équivalente avec les mineurs natifs de Mayotte. Ce sont d’ailleurs les jeunes eux-mêmes qui m’ont très rapidement dit qu’il n’y avait pas que des Comoriens dans leurs bandes. Et effectivement, les chiffres officiels rejoignent ce discours-là. Après, quand on parle de « natif de Mayotte », on ne vérifie pas d’où viennent les parents, c’est aussi un paramètre à prendre en compte.

Ce qu’il faut souligner, c’est l’hétérogénéité des profils et la porosité des frontières entre les différentes formes d’exclusion. J’ai surtout rencontré des adolescents âgés de 13 à 18 ou 19 ans. Ils m’expliquent que dans les bandes, il n’y a pas d’homogénéité d’âge ou de situation sociale ou familiale. Ça va du petit au grand, de celui né sur le territoire à celui né aux Comores, vivant avec ou sans parents. C’est quelque chose qui revient beaucoup : il n’y a pas de profil type du délinquant ou de l’errant à Mayotte, ce sont les conditions qui font que. Même au niveau de la situation sociale ou familiale, il n’y a pas de point commun. Ils se retrouvent dans la même galère, mais c’est tout.

FI : Comment alors lutter contre ces formes d’exclusions ?

A.M. : Je pense que l’important, c’est déjà d’écouter les jeunes qui sont exclus ou en rupture. Ils ne se sentent pas écoutés, pas entendus. Il faudrait peut-être mettre en place des comités de quartier par exemple, dans lesquels les jeunes auraient leur mot à dire et où l’on pourrait s’intéresser à eux, se demander pourquoi ils agissent comme ça, quelles sont leurs envies, leurs projets. Leur donner la parole est quelque chose de primordial. Lorsque je termine un entretien avec un jeune, il arrive souvent qu’il me remercie de l’avoir écouté, de lui avoir posé des questions sur qui il est, ce qu’il veut devenir. Il faut aussi évidemment proposer un peu plus d’activités adaptées à différents âges, il n’y a pas que les terrains de foot qu’il faut mettre en avant. Il y a d’autres profils de jeunes qui aimeraient peut-être faire autre chose. Il faudrait aussi envisager que ces activités ne soient pas exclusives sur le plan administratif pour qu’elles soient accessibles au plus grand nombre. Pour les formations par exemple, c’est très difficile d’y accéder sans titre de séjour. Je ne veux pas focaliser sur ce genre de jeunes évidemment, mais je pense qu’à terme, le fait d’exclure administrativement une partie de la jeunesse peut devenir une source de colère et de ressentiment. Beaucoup d’entre eux sont nés ou ont grandi ici, donc leur exclusion crée une population assez révoltée. L’exclusion scolaire favorise également beaucoup le sentiment d’exclusion, de ne pas être intégré dans la société. Quand un jeune ne peut pas aller à l’école mais voit les autres le faire, ça crée une véritable barrière.

➕ Retrouvez l’intégralité du dossier consacré à la délinquance des mineurs.

À Longoni, le futur lycée des métiers du bâtiment attend toujours sa viabilisation

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Le rectorat organisait une visite sur le terrain du très attendu lycée de Longoni en compagnie des architectes mais aussi du président du SMEAM. Car pour vraiment lancer ce chantier titanesque, les freins sont nombreux. Et le syndicat des eaux a un rôle à jouer…

« À droite, ce sera la bande active. À gauche, les ateliers. Et au fond, l’internat ! » En plein cœur de la malavoune à la sortie de Longoni, Lola Paprocki, architecte chez Encore Heureux, fait office de guide touristique auprès du recteur Gilles Halbout, venu faire le point sur la construction du futur lycée des métiers du bâtiment évalué à 95 millions d’euros, auxquelles il faut rajouter cinq millions d’euros pour l’internat de 100 places et huit millions d’euros pour la cuisine centrale. « Ici, on est sur l’espace qui va préparer 5.000 repas pour tous les établissements du nord de l’île. » Si le panneau en bord de route matérialise en 3D le projet du gigantesque établissement scolaire, dont la première tranche doit sortir de terre en 2024, difficile pour l’heure d’imaginer le résultat final parmi les enclos de zébus et les cabris en errance encore présents sur le site.

« On avait prévenu qu’il fallait s’équiper de bottes », sourit l’une de ses collègues au moment d’enjamber un ruisseau, amené à devenir un « grand saut-de-loup » ou plutôt un « vrai canal » dans un avenir proche. Sur ce terrain de six hectares, sur lequel sont prévus 33.000 mètres carrés de surfaces de plancher, doivent déambuler quelque 1.800 élèves. « Ce sera le plus grand lycée de France en termes de superficie », souligne l’équipe d’architectes, qui souhaite garder une essence de chaque arbre et respecter au mieux la topographie, comme cette butte pour accueillir la maison des lycéens ou cette cheminée ancienne en plein cœur de la cour de récréation. « On veut vraiment garder l’écrin végétalisé pour ramener quelques degrés de fraîcheur. »

 

72 poteaux pour un balisage symbolique

 

Et pour bien visualiser la grandeur de cet établissement scolaire, il suffit de lever la tête et de scruter le balisage pour le moins artistique. « Avec l’atelier Ya Hazi – Permanence architecturale, on a fait une proposition au rectorat. Au lieu de réaliser une simple barrière qui empêcherait l’accès, on a voulu réaliser un chantier participatif dans le but d’inclure les habitants. Regardez les gamins, vous avez vu comment ils sont fiers ! », s’enthousiasme Lola Paprocki. « On a invité cinq artistes mahorais pour fabriquer des poteaux qu’on a installés tous les dix mètres. On voit une réelle symbolique de la périphérie, ceci dit on peut la traverser. On comprend la limite, mais elle n’est pas un obstacle. »

Un moyen également de freiner l’installation d’habitat illégal en attendant le début des travaux. Mais aussi de faire comprendre à la dizaine d’habitations de plier bagages. Plus facile à dire qu’à faire… À l’image de cet agriculteur, installé depuis une vingtaine d’années, rencontré au cours de la visite guidée. Un contentieux à régler avec l’établissement public foncier et de l’aménagement de Mayotte (EPFAM), qui s’occupe des négociations et des dédommagements financiers. « C’est lui qui habite [l’enclos] que l’on vient de traverser et il n’a toujours pas été indemnisé. »

 

Le Smeam de nouveau au cœur des polémiques

 

Mais ce n’est pas le seul frein aux premiers coups de pioche. En ligne de mire : la viabilisation du terrain, « la complexité première », confie Lola Patrocki. D’où la présence du président du syndicat mixte des eaux et de l’assainissement de Mayotte, Fahardine Ahamada. L’eau joue décidément encore bien des mauvais tours au 101ème département en cette période de saison des pluies. « On règle tout aujourd’hui », indique d’un ton ferme Gilles Halbout en se retournant vers celui qui est également maire de Bandraboua. Pour ce qui est de l’extension de la station d’épuration de 400 mètres cubes, le financement et le portage de la maîtrise d’ouvrage se voient confiés à l’EPFAM. « Sans cela, on ne pourra pas ouvrir le lycée », précise l’architecte. Sans parler du dévoiement d’une conduite d’adduction d’eau potable qui traverse le site et qui surtout alimente tout le nord de l’île. « S’il n’est pas dévié, on ne pourra pas construire car on risque de tomber dessus et de le trouver. C’est absolument impossible d’envisager quoi que ce soit sans ce détournement. » Le SMEAM se retrouve ainsi face à ses responsabilités pour ne pas ralentir un chantier qui a déjà pris un an de retard, en raison principalement de la crise sanitaire… L’heure tourne et le temps urge ! Car les enfants du quartier, eux, s’y voient déjà faire leur rentrée scolaire, voire même plus. « Moi, je veux être professeur de mathématiques ! » Une prémonition ?

 


 

Un faré pour symboliser le futur lycée des métiers du bâtiment

 

longoni-futur-lycee-metiers-batiment-attend-viabilisationSi le futurs lycée des métiers du bâtiment est loin d’être opérationnel, un faré vient de sortir de terre en seulement trois mois, à seulement quelques mètres du site de l’établissement scolaire. Un chantier école participatif, source d’apprentissage pour les entreprises Collectif Dallas et Ahamada Tchanga et les élèves du lycée polyvalent de Dzoumogné, qui viendront étudier à Longoni. « On a utilisé des matériaux dits exemplaires, comme la brique de terre comprimée et une charpente bois réemployée de la démolition soignée de la mairie de Sada », résume Lola Paprocki.

Cette bâtisse est d’autant plus symbolique qu’elle doit accueillir des classes en dehors des murs pour des travaux pratiques mais aussi pour stocker la grande maquette du lycée. « On a aussi pour ambition de travailler ici une fois par semaine pour faire de la médiation, parler du projet et échanger avec les habitants », poursuit l’architecte. Et une fois les travaux démarrés, le lieu sera le point de départ des visites. Et à terme, il sera surtout la porte d’entrée de la zone sports où se situera le dojo et le gymnase. « Quand l’établissement sera fermé, ce sera ouvrable au public. »

Diffamation : le président du syndicat de pompiers SNSPP-PATS de Mayotte devant le tribunal

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Après une grève de plusieurs semaines qui a pris fin le 14 septembre 2020, l’ex-directeur du SDIS, le colonel Fabrice Terrien, cible de propos véhéments de la part des pompiers pendant ce mouvement, a décidé de poursuivre en justice le président du syndicat Ahmed Allaoui Abdoul-Karim. L’audience avait lieu ce mercredi au tribunal de Mamoudzou.

C’est un Ahmed Allaoui Abdoul-Karim la mine grise qui s’est présenté à la barre du tribunal correctionnel de Mamoudzou ce mercredi. “Mon rôle, c’est de défendre les droits des sapeurs-pompiers de Mayotte, en tant que syndicaliste. Alors cette situation, là, je suis surpris…je la vis plutôt mal, avec ma famille”, lâche-t-il d’emblée aux juges dans une déclaration spontanée. Le président du SNSPP-PATS Mayotte – pour Syndicat national des sapeurs-pompiers professionnels et personnel administratif technique ou spécialisé, il faut s’accrocher – devait répondre des faits de diffamation que lui reproche l’ex-directeur du Service départemental d’incendie et secours 976, le colonel Fabrice Terrien. Ce nom vous dit quelque chose ?

Souvenez-vous, c’était en août 2020. Après un préavis envoyé le 30 juin, les sapeurs-pompiers de Mayotte entrent en grève illimitée pour protester contre leurs conditions de travail… et surtout demander le départ de leur directeur. Les secouristes dénoncent le mépris et le manque de considération du colonel envers ses troupes alors que les casernes, “vétustes”, et dont les portails ne ferment pas toujours, sont prises pour cible par des fauteurs de trouble. Très vite, le conflit se cristallise sur la personne de Fabrice Terrien, directeur depuis bientôt deux ans. Les noms d’oiseaux volent et s’affichent en grosses lettres sur la devanture des casernes et sur les camions qui défilent dans les rues de Mamoudzou.

 

“Il a pris un vol bleu”

 

Si vous étiez à Mayotte pendant cette période, vous n’avez pas pu manquer de croiser ces camions”, rappelle Maître Aurore Baudry, l’avocate du colonel Terrien, lui-même absent à l’audience. La raison est simple : “il a pris un vol bleu”, résume son conseil pour insister sur le préjudice moral et le préjudice d’image subis par l’ex-directeur. “Cela a porté un discrédit sur son professionnalisme et aujourd’hui, il ne peut plus diriger un SDIS.

Loin de tout laisser derrière lui, le fonctionnaire lui-même sapeur-pompier professionnel a décidé dès le mois d’octobre 2020, soit environ deux semaines après la sortie de crise, de poursuivre en justice Ahmed Allaoui Abdoul-Karim pour huit propos diffamatoires publiés sur la page Facebook du SNSPP-PATS et un sur sa page Twitter. Il faut dire que le syndicat ne manque pas d’éloges pour désigner le “Terrien” : “harceleur”, “dictateur”, “démagogue”, “narcissique”, le tout accompagné de photographies des véhicules peinturlurés et d’appels à “quitter les lieux”… “C’est très malheureux de voir qu’un haut gradé soit capable de mentir devant les médias alors qu’il ne veut rien faire pour améliorer la vie de ses hommes”, écrit encore le syndicat dans le commentaire d’un post mentionné à la procédure. Pire qu’un mauvais repas de famille !

 

Publication de la décision sur les réseaux sociaux

 

Bref, le courant ne passe pas. Notamment entre le président du SNSPP-PATS Mayotte et le directeur du SDIS. “Monsieur Allaoui avait déjà tenu des propos très véhéments qui lui avaient valu des poursuites et des sanctions disciplinaires”, fait valoir l’avocate. “On va vous expliquer que ces paroles violentes s’insèrent dans le contexte syndical mais là, elles s’attaquent directement à la personne de Monsieur Terrien, cela dépasse le cadre de la liberté d’expression”, déroule-t-elle.

Quant à la grève en elle-même, le colonel a tenu à rappeler au tribunal que pas moins d’une vingtaine de séances avaient été organisées avec les syndicalistes pendant un an et demi pour entendre leurs revendications. Un argument qu’il n’avait eu de cesse, d’ailleurs, de souligner pendant le mouvement social. Son avocate demande aujourd’hui 5.000 euros pour le préjudice moral et 10.000 euros pour le préjudice d’image, ainsi qu’une publication de la décision sur la page Facebook du SNSPP-PATS Mayotte, sur celle de son entité nationale, sur celle personnelle d’Ahmed Allaoui et sur Twitter.

 

Aucune preuve, selon la défense

 

Ni fait ni à faire !, balaie en substance Maître Alexandre Volz, l’avocat de la défense. “Pour les 90% de sapeurs-pompiers qui ont suivi la grève, leur première revendication était le départ de Monsieur Terrien”, commence-t-il en présentant une petite revue de presse aux magistrats. Surtout, aucune preuve dans le dossier ne permet de démontrer que son client est le seul à avoir écrit les messages sur les comptes Facebook et Twitter du syndicat. L’organigramme se compose de neuf représentants syndicaux, et aucun post n’a d’ailleurs été signé. “Tout ce qu’on vous dit, c’est qu’on ne peut pas poursuivre le syndicat donc on poursuit son président ?” Tacle à l’accusation. Une jurisprudence de la Cour de cassation exclut en effet la poursuite pour diffamation ou injure d’un syndicat, en tant que personne morale. L’affaire a été mise en délibéré et le tribunal rendra sa décision le 24 mars. Ahmed Allaoui repart de la salle d’audience le pas lourd. Et surtout sans commentaire.

Soulaïmana Noussoura : « Il y a dix ans, les gens pensaient que j’étais un illuminé »

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À l’occasion de la sortie de son livre, intitulé « Plan Marshall pour Mayotte », Soulaïmana Noussoura revient sur un projet qui lui tient à cœur depuis presque 20 ans. Une reconstruction de l’île aux parfums en grand, qui lui a valu d’être « vu comme un fou » il y a dix ans. Pourtant, nombreuses de ses premières idées ont vu le jour, ou sont en cours.

soulaimana-noussoura-il-y-a-dix-ans-les-gens-pensaient-que-jetais-un-illumineGrande figure du syndicalisme à Mayotte, Soulaïmana Noussoura a publié cette semaine son
quatrième roman. Il y explique en détail ses envies et ses rêves pour l’île aux parfums, toujours sous l’idée qu’un « développement économique n’est viable que si la finalité est sociale ». Des envies qu’il avait déjà commencé à exprimer il y a dix ans, mais que peu de gens ont prises au sérieux. Pourtant aujourd’hui, il est qualifié d’expert sur la question du développement du 101ème département et en a profité pour réaffirmer sa volonté de voir un « Plan Marshall pour Mayotte ».

Dans l’esprit de l’auteur, le plan se développe sur différents axes. Le premier concerne la communication. Soulaïmana Noussoura était l’un des premiers à revendiquer la nécessité d’une ligne aérienne directe entre Dzaoudzi et Paris. Alors qu’il était pris pour un avant-gardiste à l’époque, il est maintenant possible de rejoindre le territoire directement depuis la métropole. Aujourd’hui, l’auteur va plus loin et revendique même la création d’un deuxième aéroport sur le territoire. L’écrivain rêvait aussi d’une île pouvant être traversée rapidement du nord au sud et d’est en ouest, grâce à des transports en commun, une idée qui germe dans la tête des élus mahorais, comme en témoigne le projet de réseau ferroviaire présenté la semaine dernière par le conseil départemental.

 

Alimentation, logement et emploi

 

Le deuxième axe concerne l’alimentation. Il y a dix ans, Soulaïmana Noussoura luttait pour une restauration scolaire. Et si une collation a été mise en place, il reste encore beaucoup à faire pour les 110.000 élèves mahorais. La généralisation de la restauration scolaire pourrait permettre « la création de milliers d’emplois », et un accès de meilleure qualité à l’éducation, selon l’auteur.

Les deux derniers points évoqués sont le logement et l’emploi. En effet, plus de 30% de la population de Mayotte vit dans des logements insalubres. Et le nombre d’habitants ne fait qu’augmenter. Pour Soulaïmana Noussoura, « chacun devrait avoir accès à une maison avec le minimum, c’est-à-dire une chambre, un salon, une cuisine ». L’homme évoque aussi l’emploi. Si le taux de chômage est si haut, c’est selon lui parce que « l’État ne joue pas son rôle ». Il avait proposé aux prémices de son Plan Marshall, d’accompagner les personnes ne parlant pas français pour leur permettre d’accéder à des jobs et de soutenir financièrement les associations et les entreprises afin de les aider à recruter. Et pour lui, ces changements s’effectueront grâce à des prises de positions politiques.

 

« On est comme l’équipe de France »

 

« Des fois, ils oublient qu’on est comme l’équipe de France », dit Soulaïmana Noussoura, sourire aux lèvres. « Pour qu’on soit bons, il faut que les défenseurs soient bons, mais aussi
les milieux et même le public. » Pour lui, Mayotte n’avancera pas tant que la France ne donnera pas à Mayotte la possibilité d’être égale aux autres départements français. « Dans un pays comme dans une équipe, tout le monde a son importance, la preuve aujourd’hui avec les matchs sans public, il manque une saveur, pourtant on pourrait croire que le public n’est pas forcément utile. »

Passé du « fou » à « l’expert », Soulaïmana Noussoura ne cherche pas à imposer son point de vue sur son île, mais à le partager, surtout avec la nouvelle génération. « C’est à nous, les anciens, de dire aux jeunes qu’ils ont un rôle à jouer dans le développement de Mayotte. » Avec ce nouveau livre, l’auteur veut dire que les rêves ne sont parfois pas si fous et qu’il faut continuer à se battre.

48 étrangers en situation irrégulière interpellés à Koungou dans une opération de grande envergure

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Après les violences du week-end dernier, une vaste opération menée par la gendarmerie nationale et la police aux frontières a été conduite à Koungou ce mardi matin, dans le but d’interpeller les voyous qui ont semé la terreur auprès des habitants.

Eh fils de p*** (sic), on est là ! Venez nous chercher !” Les cris s’élèvent de la colline d’en face. Au point culminant, un homme tout de noir vêtu agite les bras entre deux cases en tôle. Les noms d’oiseaux volent, sans trop faire de doute sur leurs destinataires : à l’entrée du quartier dit de la Jamaïque, juste à côté des cases SIM qui ont été ravagées vendredi et samedi par des bandes de jeunes, les gros bras de la gendarmerie campent sur leurs positions. Et ça ne bronche pas.

Comme promis en réponse aux violents événements du week-end, la préfecture a sorti l’artillerie lourde. À l’origine, des interpellations dans le quartier Jamaïque, en amont de la destruction prochaine de 200 cases en tôle, avaient mis le feu aux poudres. “Ils ne seront pas les plus forts. Nous allons démontrer que la force restera dans les mains de l’État de droit et non dans celle des barbares”, avait assuré lundi Jean-François Colombet qui entendait poursuivre cette opération, prévue le 9 mars. Ce mardi, il faut dire que le dispositif est à la hauteur de ses promesses.

 

48 étrangers en situation irrégulière interpellés

 

Rien que sur la route nationale, un blindé et deux camions de gendarmerie patientent sur le bas-côté, à l’entrée de Koungou. Puis, disséminés un peu partout dans les quartiers de la commune, les véhicules aux reconnaissables couleurs kaki ou bleue surveillent les points stratégiques. Avec le GIGN et la police aux frontières (PAF), les forces de l’ordre ont mené le matin même une vaste opération d’interpellations. “L’objectif était d’aller chercher les émeutiers qui ont commis ces actes de violences”, réaffirme le sous-préfet Jérôme Millet, venu inspecter le dispositif en milieu de matinée.

En tout, 48 étrangers en situation irrégulière ont pu être interpellés à la mi-journée, confirme-t-il. Mais difficile, pour l’heure, de savoir si les fauteurs de trouble de vendredi figurent dans le lot. L’enquête de la gendarmerie doit en effet se poursuivre pour identifier les auteurs des faits. D’après les dernières informations disponibles, trois personnes ont été placées en garde à vue dans le cadre de ces investigations, et l’une d’entre elles a été incarcérée.

 

La peur plane même dans les maisons vides

 

Depuis ces événements, un calme pesant plane aux abords du quartier Jamaïque. Les maisons pillées sont vides, voire entièrement calcinées. “Ils étaient vingt là, juste là sur la passerelle, alors que j’étais seul chez moi… Je ne sais pas comment je suis passé. C’est tout ce que j’ai à dire”, se désole son locataire, sans voix. “Tout le monde a peur, c’est une réalité et il faut voir comment nous pouvons désamorcer cette tension”, analyse Raïssa Andhum, la conseillère départementale de Koungou, venue “prendre le pouls” dans le quartier, à peine rassuré par la présence des forces de l’ordre.

 

Le dialogue plutôt que la force

 

Mais les locataires des cases SIM ne sont pas les seules victimes de cette situation. “J’ai huit enfants dont un nouveau-né avec moi là-haut, au milieu de ces gaz lacrymogènes”, soupire Nassim, qui habite le quartier dit de la Jamaïque. Le père de famille déplore l’amalgame fait entre les “voyous”, qui “viennent de tous les quartiers”, et les habitants des bangas “qui n’agressent personne”. “Au lieu d’utiliser la force, Monsieur le Préfet devrait encourager le dialogue”, poursuit ce trentenaire à la recherche d’un emploi… et aujourd’hui d’un logement. “Personne ne veut nous accueillir, dès qu’on vient de la Jamaïque. Un voisin avait trouvé un logement en Petite-Terre, et il a été refoulé à la barge”, fait-il valoir. La rumeur circulait que des habitants en train de déménager avaient été empêchés de traverser, à la suite des heurts de vendredi.

Bang ! Des détonations résonnent dans les hauteurs. Il est l’heure de rentrer se calfeutrer chez soi… Pour Nassim, direction la Jamaïque. De loin, on peut déjà apercevoir la fumée des gaz lacrymogènes s’élever au-dessus des cases en tôle. “Quelle galère !”, conclue-t-il.

Confinement semaine 4 à Mayotte : les associations écoulent doucement leurs bons mais les listes s’allongent

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Gestes barrières obligent, la prudence est de mise pour donner aux bénéficiaires les précieux bons alimentaires d’urgence. Mais alors que le confinement a été prolongé de deux semaines, les nouveaux candidats continuent d’affluer.

Il est à peine 9h, et une première femme signe déjà la liste pour récupérer ses deux bons alimentaires. Ce mardi, l’association Mouvement pour une alternative non violente (MAN) océan Indien organisait une nouvelle distribution à M’Tsapéré. “On en a distribué 100 ici la semaine dernière, ça représente 50 familles”, retrace Cyndie Pernet, la gestionnaire de l’association. En tout, sur les trois secteurs de Mamoudzou où il est présent, le MAN a écoulé quelque 600 bons de vingt euros. Un peu plus de la moitié de son stock, livré par la Direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS), il y a environ deux semaines. Et une goutte d’eau dans l’océan, tant les besoins sont criants sur l’île aux parfums.

Alors que le confinement a été décrété il y maintenant près de quatre semaines, le dispositif d’aide alimentaire d’urgence a connu quelques retards à l’allumage. Le 18 février dernier, le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu et le ministre de la Santé Olivier Véran avaient annoncé en ce sens un soutien de 1,6 million d’euros pour une période de trois mois à Mayotte. Un dispositif, précise le communiqué, piloté par la préfecture en lien avec les collectivités locales et les associations. “C’est un dossier qui roule ! En tout cas, les budgets sont considérables, le sujet n’est pas financier”, se satisfait aujourd’hui Jérôme Millet, le sous-préfet et secrétaire général adjoint à la préfecture.

 

“Les gens attendent aussi”

 

Ça roule, mais doucement quand même. Après quelques accrocs entre l’Union départementale des centres communaux d’action sociale (UDCCAS) et la Case Rocher, ce sont finalement quatorze associations qui se départagent le territoire, avec le soutien, ou non des CCAS. Tout dépend, en réalité, des mairies qui avaient le choix de signer la convention avec l’État en vue d’organiser l’aide alimentaire. “Finalement, nous, on a fait sans, parce que pendant qu’on attend la convention, les gens attendent aussi”, explique Cyndie Pernet. Désormais, à Mamoudzou, son association gère les quartiers de Cavani et M’Tsapéré. Avec Koungou, le MAN organise des distributions dans trois secteurs.

 

Respect des gestes barrières

 

Et sur place aussi, les choses prennent du temps, covid oblige. “Kavou masque, kavou bon !”, sourit un membre de l’association à destination des nouveaux arrivants. “Distance !”, s’exclame Cyndie Pernet depuis le haut des marches, au-dessus de la petite place ensoleillée. Force est de constater que la consigne passe. Contrairement aux scènes d’attroupements qui avaient pu être constatées lors du premier confinement, en mars-avril 2020, pendant des distributions de denrées alimentaires, ici, pas de foule ni de cohue au-dessus de la table installée par le MAN. “Vous signez avec ce stylo, pour respecter les gestes barrières”, indique-t-on à l’une des bénéficiaires.

Avec ça, je vais pouvoir acheter du riz, des mabawas, des pâtes et du lait pour mon bébé d’un an”, énumère Mami, une bénéficiaire, qui vit avec sept enfants dans le quartier de Mandzarisoa à Mamoudzou. Dans sa pochette, la mère de famille a soigneusement rangé ses papiers d’identité et les actes de naissance de ses enfants. Indispensables pour espérer repartir avec ses deux tickets de vingt euros, qui peuvent être dépensés dans les enseignes Sodifram, Sodicash, Baobab, Hyper Discount, et Jéjé.

 

Cinquante bénéficiaires sur la matinée

 

Comme elle, ce mardi, ils sont une cinquantaine à avoir apposé leur signature pour récupérer le précieux sésame. Les bénéficiaires sont appelés directement le jour J, “pour éviter les attroupements” précise Guilhem, un jeune service civique de l’association. “Mais cela prend plus de temps, et à ce rythme-là, nous allons devoir revenir encore trois ou quatre fois !”, souffle-t-il en tournant les pages de la longue liste qu’il tient entre ses mains.

J’ai une liste d’au moins 1.500 familles”, chiffre Cyndie Pernet qui se base sur les maraudes effectuées dans les trois secteurs à sa charge, en amont des distributions. “Aujourd’hui, nous avons de quoi donner à environ 200 familles par secteur, alors que nous en avions recensées plutôt 500. Pour faire face à l’urgence, j’ai fait un tri pour privilégier ceux qui avaient le plus d’enfants”, expose-t-elle. Et c’est sans compter ceux qui s’ajoutent, chaque jour, aux listes initiales… “C’est ici les bons ? Vous n’êtes pas venus chez moi pour m’inscrire”, s’étonne ainsi une habitante de M’Tsapéré. Dans le département le plus pauvre de France, le confinement s’étire. Les listes des publics précaires aussi.

Le CESEM répond à l’autorité environnementale qui doute de l’utilité d’une piste longue à Mayotte

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Réuni ce lundi 1er mars en séance plénière, le Conseil économique, social et environnemental de Mayotte (CESEM) a réaffirmé sa volonté de voir les travaux de la piste longue commencer.

Pour le Conseil économique, social et environnemental de Mayotte (CESEM), l’allongement de la piste de l’aéroport permettrait « d’accueillir des avions plus gros », un moyen de développer économiquement et touristiquement le 101ème département. Mais en décembre dernier, l’autorité environnementale (AE) avait émis des réserves sur une telle construction, jugeant le dossier trop léger et le projet, pas forcément nécessaire. Ils avaient notamment fait remonter des difficultés liées à l’acheminement des matériaux et aux rasages des collines de Petite-Terre. Des difficultés économiques donc, qui selon le CESEM, ne relèveraient pas de l’AE.

Les questions environnementales soulevées par l’AE ont cependant été prises en compte par le CESEM. Il proposerait ainsi de mettre en place un conseil scientifique dédié à l’environnement. Une autorité qui aurait un « regard impartial » sur le projet et qui dresserait un portrait de « l’état initial des milieux » à partir d’inventaires naturalistes et de bio-indicateurs. Le conseil aimerait aussi inclure les citoyens dans la réflexion grâce à un travail collaboratif, en intégrant des associations environnementales ou encore des pêcheurs.

Selon le CESEM, le projet devrait rapidement commencer… Les Mahorais ayant des attentes fortes après l’officialisation des travaux annoncée par le président de la République, Emmanuel Macron, lors de sa venue en octobre 2019. Il souhaiterait donc rapidement mettre en place un « cadre propice à l’examen des points de vigilance » remontés par l’AE, via un travail préparatoire sur le terrain et un comité de suivi des conditions environnementales. Et par la même occasion enfouir définitivement toutes les craintes.

Évacuation sanitaire de Mahorais vers la métropole : le compte à rebours a commencé

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Dans les petits papiers depuis plusieurs semaines, le ministère de la Santé envisage bel et bien d’evasaner quatre patients en réanimation de La Réunion vers la métropole. Selon la directrice de l’agence régionale de santé de Mayotte, Dominique Voynet, cette grande première mondiale aurait lieu jeudi et concernerait des Mahorais.

Pressentie depuis plusieurs semaines, une évacuation sanitaire grandeur nature vers la métropole, au départ de La Réunion, doit bel et bien se réaliser dans les prochains jours. Probablement « jeudi » selon Dominique Voynet, la directrice de l’agence régionale de santé de Mayotte. Le but consiste à alléger la tension hospitalière de l’île Bourbon, où le service de réanimation présente un coefficient d’occupation de ses 122 lits de l’ordre de 90%.

Que retenir alors de cette gymnastique inédite qui n’est autre que le vœu du ministère de la Santé ? Tout d’abord que l’autorité sanitaire précise avoir envisagé plusieurs possibilités pour préparer une montée en puissance du dispositif. Des options « tour à tour éliminées », confie l’ancienne ministre. Pas d’A400M de l’armée de l’air, de deuxième avion privé ou encore de 777-300 d’Air France. Ce dernier gros porteur avait d’ailleurs suscité un vif intérêt, puisqu’il pouvait embarquer huit à dix civières. Cette éventualité avait même déjà trouvé son nom de code, à savoir « l’opération Hippocampe. » Mais la réalité a vite repris le dessus : « Impossible de transporter autant d’oxygène à bord. »

 

« Probable que ce soient des patients mahorais »

 

Le choix s’arrête finalement sur Air Austral et le transfert de seulement quatre patients Covid, coordonné par le Samu de Paris. Reste encore à déterminer les profils… Et à ce petit jeu-là, Martine Ladoucette, l’homologue réunionnaise de Dominique Voynet, elle aussi en conférence de presse ce mardi après-midi, botte en touche. « Je ne suis pas la mieux placée pour évoquer les critères de sélection, cela relève de l’appréciation médicale. […] Les médecins se donneront jusqu’au dernier moment pour évaluer le bénéfice-risque. » Alors qu’en parallèle, la responsable de l’autorité sanitaire dans le 101ème département se la joue un peu plus offensive. « Il est probable que [ce] soient des Mahorais hospitalisés depuis un moment, qui sont assez stables pour ne pas souffrir [durant le trajet]. »

Si la décision peut encore évoluer dans les prochaines heures, la levée de bouclier des Réunionnais rajoute de l’huile sur le feu. Car à leurs yeux, la solidarité régionale serait à l’origine de la presque saturation en réanimation de leurs hôpitaux. Difficile dans ces conditions conflictuelles d’infliger onze heures de vol à un Réunionnais pour se faire soigner, selon un confrère du département voisin, qui plaide la pression populaire. « On peut le comprendre mais on ne peut pas l’accepter », peste Dominique Voynet. « Il y a bien des patients de Paca ou de Dunkerque qui sont envoyés vers d’autres régions. Les Mahorais méritent le respect et une prise en charge optimale. »

 

Mains tendues vers La Réunion

 

D’autant plus que les taux d’incidence et de positivité baissent brutalement depuis le milieu de semaine dernière. Signe d’un probable pic épidémique, même si la vigilance est de mise : « La décrue n’est pas linéaire d’un jour sur l’autre. » De quoi toutefois se donner un bol d’air. Et d’envisager de rendre la pareille. « Si La Réunion se trouve en difficulté, on assumera nos responsabilités », précise la directrice de l’ARS. Avant d’ajouter : « Si l’épidémie régresse chez nous, on est prêts à accueillir des patients réunionnais. Nos médecins ont fait leur preuve. » D’ailleurs, Mayotte se tient même prête à organiser directement des évacuations sanitaires vers Paris, pour la modique somme de 250.000 euros…

Trois interpellations, dont une incarcération, à la suite des violences à Koungou

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Le préfet Jean-François Colombet est revenu sur les événements du week-end dans le quartier Jamaïque de Koungou et a confirmé son intention de mener l’opération de destructions de cases en tôle, prévue le 9 mars.

Ils ne seront pas les plus forts.” Le ton, menaçant, est à la hauteur des scènes effroyables relayées ce week-end sur les réseaux sociaux. À la suite des “faits inqualifiables” survenus vendredi et samedi dans la commune de Koungou, le préfet de Mayotte Jean-François Colombet a adressé un avertissement aux “voyous” du quartier Jamaïque. “Nous allons démontrer que la force restera dans les mains de l’État de droit et non dans celle des barbares”, a assuré le locataire de la Case Rocher qui a aussi tenu à exprimer sa “compassion à l’égard des victimes de ces actes d’une rare sauvagerie”.

Le délégué du gouvernement a confirmé que l’opération de destruction de cases en tôle, décidée par arrêté préfectoral en vertu de la loi Élan, sera maintenue, “à la date et dans l’envergure prévues”. Et d’évoquer les coulées de boue, qui, on s’en souvient, avaient provoqué la mort d’une mère et de ses quatre enfants dans ce quartier insalubre en 2018. “Nous allons effacer ce quartier”, a insisté Jean-François Colombet.

 

Plusieurs opérations d’interpellations prévues

 

En amont de la destruction prévue le 9 mars, plusieurs opérations d’interpellations d’étrangers en situation irrégulière seront par ailleurs menées. Selon une source, le préfet s’est entretenu lundi matin avec les forces de l’ordre pour organiser ce vaste plan d’action.

De son côté, la gendarmerie a communiqué sur ces violences “d’un niveau exceptionnel menées par plusieurs dizaines de jeunes qui n’ont eu de cesse d’harceler les forces de l’ordre et de commettre des actes délinquants d’une grande gravité tant envers la population que ses biens”. Ses agents sont intervenus “avec tous (les) moyens terrestres et aériens pour libérer les axes entravés par des barricades enflammées, rétablir l’ordre public et secourir une famille dont l’appartement avait été incendié”, précise-t-on. Ce lundi, trois personnes avaient été interpellées et placées en garde à vue, dont l’une déjà envoyée en détention provisoire, d’après le communiqué.

Visite du préfet de Mayotte et de l’ARS à l’hôpital de Petite-Terre, enfin opérationnel

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La propagation inquiétante du Covid-19 à Mayotte a permis de mettre un coup d’accélérateur pour ouvrir l’hôpital de Petite-Terre plus tôt que prévu. Opérationnel depuis vendredi, l’établissement a déjà reçu une soixantaine de patients, dont deux en détresse respiratoire.

Un homme tousse sous son masque, allongé dans la pénombre sur son lit d’hôpital. Il est l’un des premiers patients accueillis dans ce tout nouveau service d’urgence. Livré en quatrième vitesse grâce aux renforts de l’Élément de sécurité civile rapide d’intervention médicalisée (ESCRIM), pour faire face à une seconde vague de Covid-19 particulièrement virulente à Mayotte, l’hôpital de Petite-Terre a ouvert ses portes vendredi. En tout, une soixantaine de patients ont déjà enfilé la blouse lors des trois derniers jours. Un événement que l’on n’attendait plus et qui a été rendu possible par la crise sanitaire. Incroyable mais vrai !

Et ce lundi, c’est le gratin institutionnel qui se voyait offrir un petit tour du propriétaire par les pompiers et membres de la Sécurité civile envoyés depuis la métropole. “Par là, Monsieur le Préfet, comme si vous étiez le patient”, indique d’une main le colonel Michel Cherbetian, responsable du détachement. La délégation, composée de Jean-François Colombet, mais aussi de la directrice de l’agence régionale de santé Dominique Voynet, du maire de Pamandzi Madi Souf, de l’édile de Dzaoudzi Saïd Omar Oili, et de responsables du centre hospitalier de Mayotte, lui emboîte le pas. Direction les urgences. Premières impressions ? “Wait and see”, souffle Madi Souf, un brin espiègle, avant de passer les portes vitrées.

 

Une cinquantaine de lits

 

Pour l’instant, les 35 personnes de l’ESCRIM, accompagnées de membres du centre hospitalier de Mayotte (CHM), ont investi le rez-de-chaussée et le premier étage de l’imposante bâtisse. Et le résultat est bluffant, il faut le dire ! En deux jours montre en main, les experts de la crise ont su armer un service d’urgence, doté de deux salles de déchocage, une spéciale Covid, cinq box d’examen dont un de pédiatrie, mais aussi un élément d’orientation de diagnostic – “un laboratoire qui nous permet de faire des diagnostics rapides”, explique le médecin-chef Isabelle Arnaud – et un petit box pour les pansements et sutures.

En tout, deux unités de vingt lits et une unité de dix lits pour les adolescents/enfants, soit une cinquantaine de lits, ont pu être installées. De quoi libérer les 14 places du centre de Dzaoudzi, qui continue de recevoir les femmes enceintes pour des accouchements. À terme, l’établissement pourra même augmenter ses capacités jusqu’à 12 lits de maternité, 5 lits d’urgence et une cinquantaine de lits en soins de suite et réadaptation, récapitule Dominique Voynet.

 

Stabiliser les patients même la nuit

 

Le gros plus ? L’hôpital est ouvert 24h/24. Comprendre : même la nuit. Désormais, les patients pourront être soignés pour des fractures comme pour des urgences plus graves directement en Petite-Terre, sans qu’il soit besoin, donc, d’affréter une barge en dehors des heures de service. “Nous avons de quoi stabiliser les patients la nuit, et les installer à l’étage avant d’organiser leur transfert éventuel vers le CHM de jour”, décortique le colonel Michel Cherbetian. Hier soir, deux patients Covid arrivés en détresse respiratoire ont ainsi pu bénéficier de soins sur place. “L’un allait mieux, il n’a même pas eu besoin d’être transféré le lendemain !”, se réjouit le Dr Isabelle Arnaud. “Vous effacez l’urgence”, acquiesce le préfet Jean-François Colombet.

 

À dans six mois

 

Un nouveau souffle aussi pour le centre hospitalier de Mamoudzou, qui fait toujours face à un afflux soutenu de malades même si l’épidémie semble doucement marquer le pas sur le territoire. Les équipes de Petite-Terre peuvent effectuer des soins de réanimation, soit le service le plus sous tension, grâce à l’installation dans les nouveaux locaux d’une troisième citerne d’oxygène de 17.000 litres, reçue à Mayotte pour faire face à la crise.

Reste la question pour le million : combien de temps l’hôpital va-t-il rester ouvert ? Si le détachement actuel de l’ESCRIM est prévu pour un mois, il n’est pas impossible qu’une deuxième équipe vienne prendre le relais, si la situation sanitaire l’exige. Et sur le moyen terme, l’autorisation de fonctionnement obtenue dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire court sur six mois. D’ici là, il faudra mener de nouvelles visites de conformité et remplir un dossier “plus lourd”, résume Dominique Voynet. Tout roule, comme sur des roulettes !

Un centre d’étude des langues à Mayotte pour s’ouvrir sur le continent africain

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À la suite d’une délibération du conseil départemental en date du 25 février, un centre d’étude des langues va ouvrir et être rattaché à la Chambre de commerce et d’industrie de Mayotte. Une opportunité pour les travailleurs des secteurs public et privé qui vont pouvoir apprendre en l’espace de huit semaines l’anglais, le portugais et le swahili dans le but de mieux représenter l’île aux parfums au niveau régional.

Si le conseil départemental a adopté en 2018 le Cadre stratégique de coopération décentralisée et d’action internationale, une nouvelle délibération vient asseoir un peu plus sa politique et son influence dans l’océan Indien, avec la mise en place d’un centre d’études des langues rattaché à la Chambre de commerce et d’industrie. « Nous étions l’un des derniers départements de France à ne pas recourir à ce dispositif bien huilé, ce qui était malheureux », rappelle Zoubair Alonzo, le directeur de l’organisme. Un coup de pouce non négligeable destiné à la population active, à l’instar des cadres d’entreprises privées et d’administrations publiques, « qui sont amenés à porter haut les couleurs de Mayotte au niveau régional ».

Sauf que pour y arriver, il faut savoir mieux communiquer avec les interlocuteurs. Or, la barrière de la langue peut parfois être un frein à certaines discussions, voire même à certaines négociations. D’où la possibilité d’apprendre en un temps record des notions de base, si ce n’est plus. En ligne de mire : l’anglais, « très majoritairement parlé chez nos voisins », mais aussi et surtout le portugais, « voie d’accès au continent africain, comme au Kenya, en Tanzanie et au Mozambique où nous nourrissons de grandes ambitions » avec le projet gazier. « Ce centre d’étude des langues doit être un outil orienté vers les besoins de professionnalisation des Mahorais », insiste Mohamed Sidi, le 6ème vice-président de la collectivité, au moment d’inviter ses collègues de l’assemblée à se prononcer sur la création de ce réseau linguistique.

 

Le swahili, une grande première en France

 

D’ailleurs, Mayotte doit se démarquer des autres territoires nationaux avec également l’apprentissage du swahili, puisque la CCI va « embaucher des formateurs qui seront formés sur le niveau souhaité » et « définir le référentiel pédagogique ainsi que les outils de formation », précise Zoubair Alonzo. Une spécificité propre au 101ème département qui risque bien de rapidement devenir une référence de la langue bantoue. Et tout cela pour un prix dérisoire : 100 euros la session de huit semaines. « Ce sont vraiment des participations modiques et accessibles à tous les travailleurs, même si les entreprises peuvent les prendre à leur charge. Le Département veut que les Mahorais s’approprient ces langues. »

L’idée de cette politique ? « L’accroissement des échanges économiques, culturels, sportifs et scientifiques, la montée en compétences, et la poursuite de notre programme d’ouverture de représentations institutionnelles dans neuf pays d’Afrique de l’Est et de l’océan Indien », insiste Mohamed Sidi, dans le but de rompre de façon pérenne avec l’isolement de l’île aux parfums. Et au vu des premiers retours, le centre d’étude des langues, dont l’ouverture est prévue début avril, devrait faire carton plein. « Pour le swahili, je sais que nous avons déjà reçu énormément d’appels alors que nous n’avons pas encore officiellement communiqué. Idem pour le portugais. C’est de bon augure », ajoute Zoubair Alonzo, qui invite les salariés du privé et du public à se rapprocher de la CCI pour vivre une expérience « intéressante et enrichissante ».

Basketball : Des dribbles et des paniers même en période de confinement

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Alors que le confinement a été prolongé de deux semaines sur l’île, certains sportifs ne supportent plus d’être enfermés. Alors à 15h, sur certains plateaux de Mayotte, une douzaine de joueurs se retrouvent et oublient un instant le Covid.

« Jamais deux fois ! », crie l’un des joueurs avant de planter un panier longue distance. Le sourire sur son visage suffit à comprendre à quel point il est heureux de refouler un terrain de basket. Lui, comme tous les autres joueurs présents. Pour certains, qui ne travaillent plus à la suite du confinement, c’est la seule sortie de la journée. Une sortie à risque, sans masque, et sans distanciation sociale. Mais sur le plateau, le virus est bien loin des esprits.

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« Moi, déjà, une semaine sans jouer je deviens fou », déclare Ibrahim*, employé dans une salle de sport en Petite-Terre. « Ici, on joue depuis le début du confinement, on n’a jamais arrêté. » Et si, de temps à autre, une voiture de police passe, cela n’inquiète en rien les joueurs, qui ne détournent même pas la tête. « Ils sont venus une fois, au début, pour nous dire qu’il y avait le confinement. Ils ont fait des menaces, mais bon, nous on s’en fout, on joue. » S’ils sont tous d’accord sur un point, c’est que la menace d’une amende ne les empêchera pas de jouer.

 

Le sport comme dernier lien social

 

Les matchs créent de l’animation au sein des quartiers, on s’arrête, on regarde, on commente, on applaudit une action. On retrouve un peu de vie dans ces temps qui semblent suspendus. Les petits admirent la technique des plus grands, et les mamans les surveillent avec bienveillance. Jouer permet de garder des liens sociaux, mais aussi de garder la forme.

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Le début de saison a déjà été raccourci, et plus aucun match ni entraînement n’a lieu depuis trois semaines. Pour Ben*, qui s’entraîne habituellement trois fois par semaine, la reprise sera « dure, voire trop dure » et pourtant, il vient jouer presque tous les jours. Avoir bravé le confinement pour jouer au basket les avantagera peut-être donc au retour des matchs, surtout physiquement. Et même la pluie, ces derniers jours, ne les a pas empêchés de se dépenser. Aujourd’hui, ils ne sont que 10. « En général, il n’y a pas que nous », avoue Ben. « Mais là il pleut, donc il y a moins de monde. Nous, on veut jamais s’arrêter de jouer. »

Puis arrive 18 heures, la nuit tombe petit à petit. Et si habituellement, les lumières restent allumées, il n’en est pas question en cette période de confinement. Alors les derniers échanges de balle se font dans la pénombre, les derniers paniers sont marqués avant que chacun ne quitte le terrain. On enlève ses chaussures, on s’étire, puis on remet son masque en sortant du terrain, comme on referme une
parenthèse.

* Les prénoms ont été modifiés

M’safara : un voyage dans les airs pour lutter contre l’arrivée de kwassas à Mayotte

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Il y a un mois, le préfet Jean-François Colombet annonçait sa décision de solliciter des structures privées pour lutter contre l’entrée illégale et massive de kwassas-kwassas en provenance de l’Union des Comores pendant la crise sanitaire. Parmi elles se trouve l’association M’safara (voyage), récente sur le marché et spécialisée dans la surveillance aérienne. Elle est pour le moment la seule association aéronau-tique de Mayotte à avoir répondu à l’appel du délégué du gouvernement. Équipée d’un aéronef bi-moteur, elle souhaite pérenniser sa collaboration avec la préfecture, au-delà de la crise sanitaire. Le secrétaire général de M’safara nous détaille leur mis-sion, sans jamais révéler son identité car il sait que s’engager dans la lutte contre l’immigration clandestine peut avoir des représailles.

Flash Infos : Quelles sont les missions habituelles de l’association ?

Association M’safara : L’association a été créée en septembre 2019. Nous sommes trois pilotes professionnels et bénévoles, et notre objectif est de développer le secteur de l’aviation générale à Mayotte. Dès le début, nous avons proposé des missions de surveil-lance dans divers domaines : pêche, pollution, tortues… Nous secourons également des personnes en mer, et accessoirement nous faisons ce que nous appelons du co-avionage, c’est-à-dire que nous pouvons emmener des gens dans les îles d’à côté.

FI : Depuis maintenant un mois, vous faites également de la surveillance aérienne des frontières de Mayotte. Est-ce vous qui avez proposé spontanément vos services à la préfecture ?

A. M. : Nous avions déjà préparé le terrain avec la préfecture parce que nous savions que la LIC (lutte contre l’immigration clandestine) est un gros sujet à Mayotte. C’est nous qui avons démarché la préfecture avant même l’annonce récente du préfet, et cela a été ex-trêmement long. Depuis août 2020, nous attendions qu’elle fasse appel à nous. En vain, malgré des sollicitations récurrentes. Nous avions pourtant fait des tests avec eux, mais nous n’avions pas de retour jusqu’au mois dernier. Actuellement, notre mission avec la préfecture est temporaire, mais nous voulons la pérenniser.

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FI : Quels objectifs avez-vous reçu de la part de la préfecture

A. M. : Nous n’avons fixé aucun objectif avec la préfecture, parce que nous savions pas ce que ce genre de mission allait donner sur le long terme. Nous fonctionnonsz avec des lettres de mission reconduites toutes les deux semaines pour surveiller et intercepter les kwassas.

FI : Comment se déroule une surveillance aérienne avec vous ?

A. M. : On nous donne des indications, on nous dit quel secteur nous devons surveiller. Nous survolons les zones à une basse altitude pour bien voir ce qu’il y a sur l’eau. C’est important de distinguer si ce sont des pêcheurs, des plaisanciers ou des embarcations suspectes. Mayotte a des radars, donc si le poste de la surveillance d’État en mer a des échos, il nous envoie vérifier de quoi il s’agit. Les radars ne peuvent pas faire la diffé-rence. La préfecture nous a mandatée pour des missions de trois heures quotidiennes, que nous scindons généralement en deux : 1h30 le matin et 1h30 le soir. Mais il nous arrive de les réaliser d’une seule traite.

FI : Lorsque vous apercevez un kwassa, quelle est la procédure à suivre ?

A. M. : Nous appelons le poste de contrôle de l’action de l’État en mer qui gère l’ensemble de la surveillance du territoire. Ensuite, les agents sur place déploient les moyens mari-times nécessaires pour intercepter les embarcations.

FI : Depuis le début de votre mission de lutte contre l’immigration clandestine, com-bien de kwassas avez-vous signalé ?

A. M. : Je ne peux pas vous dire ! Il faut vous en tenir aux chiffres de la préfecture.

FI : Avec quel type d’appareil travaillez-vous ?

A. M. : Nous avons fait venir un avion de métropole spécialement pour la surveillance, avant même de travailler avec la préfecture. C’est un avion taillé pour ça. Il est bi-moteur et c’est essentiel quand nous survolons la mer parce que si un moteur tombe en panne, le deuxième prend immédiatement le relais. L’avion a également des dispositifs pour re-garder vers l’extérieur, et il est très bien équipé pour mieux communiquer avec ceux qui sont sur terre.

FI : Récemment, une voiture de la LIC aurait été volontairement incendiée. Avez-vous peur des représailles que peut engendrer cette mission ?

A. M. : Nous commençons à l’appréhender. L’incident avec la voiture de la LIC, même si nous ignorons encore les causes réelles, conforte notre idée de ne pas être dans une communication tout azimut. Je trouve que nous avons déjà beaucoup trop communiqué. Dorénavant, nous allons restreindre tout cela, nous devons nous protéger*.

FI : Malgré cela, vous souhaitez tout de même pérenniser votre collaboration avec la préfecture au-delà de la crise sanitaire ?

A. M. : Absolument. Nous avons démontré que ce que nous faisons est utile. Nous vou-lons aussi montrer qu’une association est capable d’obtenir des contrats de cette ampleur avec l’État. Maintenant, cela ne dépend pas de nous, mais de la préfecture. Si l’État veut que nous continuions à travailler ensemble, il va devoir passer par autre chose que des lettres de mission de deux semaines. Et si cela marche, nous ferons venir un ou des pi-lotes professionnels pour nous appuyer.

*C’est la raison pour laquelle, notre interlocuteur a souhaité garder l’anonymat.

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Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes