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Mayotte : son grand-père testé positif, il s’inquiète pour le reste de sa famille

Alors que son grand-père a été contaminé au Covid-19, puis placé en réanimation en fin de semaine dernière, Ahmed* regrette que les autorités sanitaires n’aient pas dépisté les cas contacts. Il redoute que plusieurs membres de sa famille soient testés positifs dans les prochains jours.

“Mon grand-père n’arrivait plus à respirer, donc nous avons appelé le 15 pour venir le chercher. Au début, nous pensions que c’était la dengue… Il a été admis au CHM en fin de semaine dernière où il a été testé positif au Covid-19 avant d’être placé sous surveillance.” Au bout du fil, Ahmed, son petit-fils, retrace péniblement cet épisode douloureux. “Le lendemain, son état s’est dégradé. Et il a été transféré en réanimation sous assistance respiratoire.” Une véritable onde de choc s’abat alors sur l’ensemble de la famille. “Même si c’est une personne très fatiguée qui a besoin d’assistance pour manger et faire sa toilette, il marchait tous les jours entre son domicile et le mien. À plus de 70 ans, il n’avait jamais été hospitalisé”, relate-t-il. Alors que le chagrin le gagne, l’incompréhension prend rapidement le dessus. En cause : l’absence de dépistage des cas contacts du bacoco, tels que sa femme et ses enfants, qui se relayaient pour prendre régulièrement de ses nouvelles. “On nous a dit de rester confinés, en attendant de développer des symptômes. J’ai été révolté par la réponse apportée, je trouve cela aberrant.” Pourtant, cette réponse est identique pour tous depuis plus d’un mois maintenant. À savoir la mise en quatorzaine au domicile et le respect strict des consignes. Pas franchement convaincu, il décide ce lundi matin d’appeler le numéro vert de l’agence régionale de santé ainsi que le centre hospitalier de Mayotte pour recueillir de plus amples informations. Le premier échange ne lui donne pas satisfaction. À la différence du second qui lui apporte quelques précisions. “Le médecin m’a certifié qu’il n’y avait pas d’inquiétude particulière à avoir et m’a dit qu’on allait nous appeler tous les jours.” Relativement rassuré par les explications du professionnel de santé, Ahmed pointe tout de même du doigt certaines ambivalences, malgré l’annonce du Premier ministre de procéder à des tests massifs. “Va-t-on nous laisser tomber malade pour réagir”, s’interroge-t-il, désemparé par cet immobilisme. Avant de reprendre quelque peu ses esprits : “C’est comme ça que ça se passe, car les moyens actuels ne permettent pas de faire autrement.”

Inquiet pour les membres de sa famille, Ahmed craint un effet boule de neige. “On ne sait pas qui est potentiellement atteint. On prie Dieu que ce soit négatif. On a des pathologies chroniques, comme l’asthme.” C’est la raison pour laquelle il ne sort de chez lui qu’en cas de nécessité, pour aller faire des courses par exemple. Lui-même est en arrêt de travail sur conseil de son médecin pour éviter de s’exposer sur son lieu de travail. Surveillant pénitencier, il rapporte un cas de Covid-19 dans la maison civile de Majicavo, après qu’un détenu ait obtenu une permission pour aller voter au premier tour des élections municipales. “Je faisais en sorte de me doucher et de me changer là-bas pour ne pas prendre de risque avec ma femme et mes trois enfants”, souligne-t-il. Aujourd’hui, il redoute une explosion du nombre de cas. “Les habitants sont en train de banaliser la situation alors que ça peut rapidement tourner au vinaigre. Tout le monde sort…” Une mise en garde qu’il répète inlassablement. Car pour lui, c’est le non-respect du confinement, qui explique la contamination de son grand-père. “Les anciens ont du mal à rester chez eux”, conclut-il, visiblement attaché à ce que l’erreur ne se reproduise pas deux fois.

* le prénom a été modifié

 

Après les résidents du RSMA, certains militaires montent au créneau

Ce week-end encore, les rapatriés des Comores placés en confinement au RSMA pointaient du doigt leurs conditions de vie. Pendant ce temps, des effectifs de la caserne où ils sont maintenus depuis le début de la crise sanitaire, accusent des traitements injustes de la part de la hiérarchie à leur encontre.

Les confinés rapatriés de Madagascar et, plus récemment, des Comores ne sont pas les seuls à se plaindre des conditions de vie au RSMA. Depuis le début de la crise sanitaire, certains personnels de la caserne du régiment du service militaire adaptée de Combani dénoncent un traitement à leur égard qu’ils considèrent comme injuste et moralement très éprouvant.

Sous couvert d’anonymat, plusieurs jeunes militaires expliquent être bloqués au sein de l’enceinte, depuis l’arrivée des premiers confinés trois semaines plus tôt, sans pouvoir, depuis, rejoindre leurs familles ou proches, parfois gravement malades. Pendant ce temps, certains cadres ont eux, pu regagner leur domicile, voire parfois la métropole. Mais alors que certains accusent un traitement de faveur, le lieutenant-colonel Frédéric Jardin, chef de corps du RSMA, tient à corriger le tir : un mois plus tôt, l’ensemble des 136 volontaires techniciens disponibles a été rappelé puis placé en quatorzaine en vue d’accueillir la centaine de rapatriés de l’île intense. Mais les militaires enceintes ou dont les femmes venaient d’accoucher, dont un proche présente un risque de comorbidité ou ceux qui ne parviennent pas à faire garder leur enfant ont tous été renvoyés à domicile. Idem pour ceux qui ont à leur charge un proche dépendant ou non autonome.

Dans ce contexte, des cadres ont effectivement été renvoyés chez eux jusqu’au déconfinement, ou à la reprise du pont aérien pour ceux qui ont pu rejoindre l’Hexagone, confirme encore le lieutenant-colonel, dans la mesure où ceux-ci ne logent pas au sein même du régiment ou à proximité, alors que les volontaires techniciens, ont eux, la caserne pour lieu de résidence. Face aux directives dues à la quatorzaine des militaires dans le cadre de l’opération Résilience, deux volontaires techniciens ont pris la décision de déserter le RSMA pour aller se confiner auprès de leur famille. Mais en aucun cas – sauf dérogations exceptionnelles – “[les personnels d’encadrement] restés sur place ne sont autorisés à quitter le régiment”, atteste Frédéric Jardin, qui nie en bloc les accusations d’allers-retours injustifiés portés par d’autres recrues.

Une escapade la nuit qui tourne mal

Parmi ces bruits de couloirs, la sortie nocturne d’un caporal-chef fait particulièrement jaser. Dans les premières semaines du confinement, ce gradé aurait, selon les rumeurs, utilisé son véhicule pour quitter le RSMA à la nuit tombée afin de s’accorder un peu de bon temps. Or, en chemin, l’homme a été victime de caillassage et aurait, pour dissimuler son méfait, volontairement abîmé sa voiture une fois de retour à Combani afin de faire porter le chapeau à un tiers. Interrogé quant à l’événement, le lieutenant-colonel Frédéric Jardin ne cache pas sa surprise, et livre un tout autre scénario. Ce soir-là, un caporal-chef a effectivement été autorisé à quitter la caserne pour “régler des affaires personnelles”. À son retour, son véhicule a effectivement été touché par des jets de pierre, fait que le principal intéressé n’a jamais caché aux yeux de sa hiérarchie.

Face à ces accusations, le chef de corps a ainsi pris la décision de convoquer ses troupes, lundi matin, pour leur rappeler qu’elles étaient soumises à un statut militaire et de fait, contraintes de se plier aux injonctions formulées par le président de la République. Un rappel à l’ordre qui n’a pas été du goût de tout le monde, puisque, confinés loin de leurs proches, “plusieurs collègues menacent de se barrer”, avoue un militaire sur place

 

Un retour après quatorzaine des étudiants mahorais en métropole ?

Alors que les étudiants mahorais de métropole s’inquiètent quant aux modalités de leur retour sur l’île, le ministère des Outre-mer lance un grand recensement des étudiants ultramarins afin d’anticiper celui-ci.

“Il ne s’agit pas de faire courir un risque à Mayotte. Alors, nous en avons discuté et certaines réflexions sont intéressantes. Nous savons par exemple que nous n’avons pas encore, à Mayotte, suffisamment de structures pour gérer correctement les choses en cas de grosse épidémie, notamment en termes de mise en quatorzaine” : dans notre édition d’hier, un étudiant mahorais de métropole, également très engagé dans le secteur associatif, Antoissi Aiman M’Dallas, mettait en avant l’inquiétude qui se pose quant au déconfinement à venir et aux conditions dans lesquelles lui et ses camarades pourraient revenir à Mayotte, alors que l’épidémie de Covid-19 et les mesures de confinement bouleversent tous les déplacements. Parmi les pistes de réflexion exposées, “certains ont soulevé l’idée d’utiliser, ici en métropole, des auberges de jeunesse ou des petits hôtels qui sont de toute façon tous vides actuellement, pour effectuer cette quatorzaine avant notre départ, avant de faire un test pour pouvoir prendre l’avion”, confiait-il. Cette idée a-t-elle aussi germé dans les bureaux de la rue Oudinot ?

Difficile de dire si l’idée sera retenue, mais une chose est sûre : le ministère des Outre-mer planche d’ores et déjà sur le retour des étudiants ultramarins sur leur territoire, sous condition de mise en quatorzaine préalable. Un arrêté est ainsi paru le 17 avril dernier* et, s’il n’aborde pas encore de solutions pour répondre à la nécessité d’un isolement préventif, il lui est préalable. C’est en effet “un traitement automatisé de données à caractère personnel” qu’autorise le document dont la finalité est “d’évaluer et d’organiser les besoins en termes de quarantaine (sic) des étudiants ultramarins en mobilité dans l’Hexagone dans la perspective de leur retour sur leur territoire”. La plateforme prévue pour recueillir les informations est accessible depuis le dimanche 19 avril et jusqu’au 2 mai à tous les étudiants concernés sur le site internet www.outremersolidaires.gouv.fr.

“Anticiper les besoins”

Dans un communiqué de presse publié hier, le ministère explique la démarche : “Afin de préparer le retour des étudiants dans leur territoire en toute sécurité pour eux et pour leurs proches, il est nécessaire de connaître le nombre d’étudiants qui envisagent de rentrer sur chaque territoire et à quelle échéance au regard des modalités d’examen fixées par les établissements scolaires ou universitaires.” Des informations, est-il indiqué, destinées à permettre à l’État d’anticiper “les besoins et les modalités de mise en quatorzaine, en lien avec les territoires et en partenariat avec la délégation interministérielle à l’égalité des chances des Français d’Outre-mer et la visibilité des Outre-mer (Diecvi), les Crous et l’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité (Ladom).”

En parallèle, le ministère lance un appel à projets** en soutien aux étudiants ultramarins, “pour renforcer l’action d’accompagnement social réalisé par les associations au profit des étudiants dans quatre domaines” : réalisation des démarches administratives en vue d’obtenir des aides auprès des différentes institutions, soutien pour lutter contre l’isolement, soutien pour l’obtention d’aides alimentaires et soutien pour la mise en œuvre de tutorat.

*Arrêté du 17 avril 2020 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel afin d’évaluer et d’organiser les besoins en termes de quarantaine des étudiants ultramarins en mobilité dans l’Hexagone dans la perspective de leur retour sur leur territoire.

**Consultable sur www.outre-mer.gouv.fr/lancement-dun-appel-projets-renforcer-laccompagnement-des-acteurs-associatifs-pour-les-etudiants.

 

À Koungou, le personnel du collège retrousse ses manches contre la précarité alimentaire

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Après Passamaïnty et Majicavo, ce sont désormais les effectifs du collège Frédéric D’Achéry de Koungoui qui ont décidé de monter une cagnotte afin de distribuer des bons alimentaires aux familles les plus démunies. À l’échelle du seul établissement scolaire, ils seraient déjà plus de 1.000 jeunes à vivre dans des situations précaires.

Ils ont récolté 2.000 euros en seulement 24 heures. Depuis jeudi, une collecte de dons en ligne* propose de venir en aide aux familles les plus démunies de Koungou. Derrière l’initiative, un collectif de personnel éducatif du collège de la deuxième commune du département. “En tant que fonctionnaires, on sait qu’on fait partie des privilégiés sur cette île, et encore plus à Koungou”, souffle Alexis Boutin Lucien, conseiller principal d’éducation du collège Frédéric D’Achery, et instigateur de l’initiative.

Concrètement, les fonds récoltés – parfois jusqu’en métropole – seront convertis en bons alimentaires avant d’être distribués dans un maximum de quartiers possibles aux familles identifiés par l’assistante sociale de l’établissement scolaire. “On privilégie les familles du collège dans un premier temps”, explique encore Alexis Boutin Lucien. Et pour cause : selon le CPE, 80 % des élèves de Frédéric D’Achery vivent en situation de précarité plus ou moins avancée. À raison de 1.900 inscrits, cela représente un public de plus de 1.500 jeunes, alors que la semaine dernière, la préfecture n’avait pu distribuer “que” 500 bons alimentaires aux familles les plus vulnérables de Koungou. Un petit pas, certes, encourageant, mais encore bien insuffisant.

“On n’a pas la prétention de dire qu’on va pouvoir aider tout le monde”, avoue le conseiller principal d’éducation. “Mais il faut que tout le monde prenne la mesure de la situation : tous ceux qui ont les moyens d’agir, même à petite échelle, ne doivent pas hésiter à donner ou à remplir un sac de courses.” Côté bénévoles, les forces vives ne manquent pas, puisque la majorité du personnel du collège s’est déjà mobilisé, en sus des citoyens qui ont rejoint la réserve citoyenne.

Quid de la distribution ?

Mais alors que les scènes d’émeutes se sont multipliées depuis les dernières semaines lors des distribuons de bons alimentaires, la logistique n’est pas prise à la légère par le collectif du collège. “On est en pleine réflexion, on envisage toutes les solutions”, commente Alexis Boutin Lucien, qui semble privilégier le porte-à-porte plutôt qu’une distribution collective en un point fixe. “On envisage de travailler avec les associations locales, qui connaissent mieux les quartiers.” L’idée serait, dès lors, de distribuer les précieux coupons par groupe de quatre bénévoles directement au domicile des familles identifiées, et ce, évidemment, dans le respect des gestes barrières.

Concernant les besoins humains, le collectif du collège estime déjà compter suffisamment de bénévoles pour accomplir la tâche qui l’attend. En revanche, la cagnotte est elle toujours en ligne et chaque don demeure le bienvenu. “Même si on ne peut rien donner, rien que la partager peut faire un effet tâche d’huile !”, sourit le CPE. D’autres initiatives du même genre ont également germé à Passamaïnty et Majicavo notamment.

*https://www.helloasso.com/associations/l-amicoko/formulaires/1?fbclid=IwAR0yTHS4zbAIqh8TViVcCawVT5CMAsXLgoYhXXfFuByv8hiEJq0tReLlIXU

Le parcours du combattant des voyageurs bloqués à Mayotte

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La fermeture des frontières a été réclamée par les Mahorais dès le début de la crise sanitaire. Cependant, elle n’a pas fait que des heureux. De nombreux voyageurs qui séjournaient temporairement à Mayotte n’ont pas pu rentrer chez eux à temps. Ils se retrouvent aujourd’hui bloqués sur l’île, désemparés.

“J’étais venu deux semaines pour rendre visiter à ma fille, et depuis impossible de rentrer chez moi.” Frédéric est arrivé à Mayotte le 16 mars. Le soir même, le président de la République annonçait le confinement total et les mesures qui en découlaient. Même si le pays était déjà en pleine crise à ce moment-là, Frédéric ne pensait pas que la situation aurait été aussi critique au point de ne pas pouvoir retourner en métropole. Selon lui, “il n’y avait pas de problème, d’ailleurs l’aéroport de Dzaoudzi est resté ouvert pendant presque deux semaines après le début du confinement”. Depuis, c’est le parcours du combattant pour ce père de famille qui fait tout pour pouvoir rejoindre sa femme et ses autres enfants restés dans l’hexagone. “Dès les premiers jours, je suis allé à la préfecture et on m’a dit que seul le deuil est considéré comme motif familial impératif. J’ai été très étonné parce que je demande un regroupement familial. Ma femme a besoin d’aide avec les enfants. Et je dois aussi rentrer pour des raisons professionnelles”, explique-t-il. Frédéric est informaticien indépendant. Il est dans l’impossibilité de pratiquer le télétravail, car il se déplace chez les clients. Il est loin d’être un cas isolé. Suite à une publication sur les réseaux sociaux, des dizaines de voyageurs se trouvant dans la même situation se sont manifestés. Ensemble, ils ont créé un collectif et comptent réunir leurs forces afin de se faire entendre par la préfecture.

D’autres vivent la situation avec philosophie et préfèrent attendre la sortie de la crise afin de rentrer chez eux, à l’image de Tom qui est venu à Mayotte trois jours avant le début du confinement. “Je comprends tout à fait cette situation. C’est regrettable, mais je le vis bien. Je suis avec ma petite amie, c’est mieux que d’être seul en région parisienne.” Comme tous les voyageurs, Tom a dû reporter son voyage à plusieurs reprises. “Air Austral m’a envoyé un message expliquant que mon vol était annulé. J’ai dû donc les appeler à nouveau pour changer mon billet. J’ai eu une place pour le 2 mai, mais suite à la dernière décision du président de prolonger le confinement le billet a été à nouveau annulé.” Désormais, il préfère attendre la fin du confinement avant de demander une nouvelle date. Contrairement à Frédéric qui a souhaité partir le plus tôt possible. L’aéroport de Dzaoudzi est supposé ouvrir le 18 mai, alors il s’est inscrit sur un vol du 19 mai. Mais rien ne lui garantit son départ ce jour-là. “Beaucoup de clients nous ont demandé de les positionner le plus tôt possible dans les vols programmés. On se fixe des dates pour avoir un cadre, mais cela ne veut pas dire qu’elles seront confirmées. On procède étape par étape au vu de la situation évolutive”, prévient Stéphanie Bégert, directrice de communication de la compagnie Air Austral.

Quel rôle joue la préfecture ?

Les voyageurs s’accordent tous à dire qu’ils ont bien été pris en charge par Air Austral dans la mesure du possible, même s’il a été difficile de joindre le service client au début. En revanche, une grande partie déplore la gestion de la crise par la préfecture. “Un service a été expressément créé pour s’occuper des situations des gens comme nous. J’ai envoyé quatre mails à l’adresse communiquée et je n’ai eu qu’un accusé réception. Je n’ai aucune information depuis trois semaines. La préfecture ne répond pas et ne donne aucune explication”, s’inquiète Frédéric. En effet, une cellule de coordination de vols a été lancée pour l’occasion. Et selon la préfecture “des efforts sont en cours pour permettre le retour en métropole des personnes qui le souhaitent via un transfert sans quatorzaine à La Réunion. La cellule de coordination des vols est chargée de recenser les demandes et de les prioriser”. Elle nous affirme que la situation devrait s’améliorer cette semaine et la semaine prochaine. Pour le moment, la préfecture n’a pas souhaité communiquer sur les modalités de retours de ces voyageurs, ce sera fait lorsqu’elles “seront stabilisées”.

En attendant, les voyageurs se débrouillent comme ils peuvent. Fréderic a même songé à aller aux Comores lorsque cela était encore possible. “J’ai pensé à prendre un bateau pour [y] aller parce que là-bas on a plus de chances d’être entendus puisque les Français qui [y] sont sont rapatriés. Mais il n’y a même plus de bateau”, dit-il avec un pincement au cœur en pensant à sa famille.

 

24 heures avec… Nasrane Bacar, championne d’athlétisme : “C’est l’occasion de récupérer”

La Mahoraise, tenante du titre de championne de France en salle sur 60 mètres (2019), vit plutôt bien son confinement, enfermée dans son 52m2 à Talence, près de Bordeaux. Celle qui est aussi coach sportive a très vite su adapter sa routine, entre vidéos sur le web, entraînements et lectures.

Il est 10 heures, ou plutôt 11 heures, Nasrane Bacar ne sait plus très bien. En ces jours de confinement, les matinées s’étirent et pourtant, la jeune femme ne voit pas le temps passer. Car ses journées sont réglées comme du papier à musique. Petit-déjeuner et rangement pour bien commencer, puis coaching en visioconférence et entraînement personnel. Vient l’heure du déjeuner, et, après une bonne douche, l’athlète file devant son ordinateur, où elle travaille pendant deux heures à développer son activité sur le web.

Car la Mahoraise originaire de Bandrelé ne se contente plus, depuis déjà quelques mois, de sa passion pour les sprints. En janvier, elle s’est lancée à son compte, pour donner des cours de sport à des clients, souvent des chefs d’entreprise. Mais alors que Nasrane Bacar commence tout juste à se constituer un petit réseau de clients fidèles, l’annonce du confinement vient mettre un coup d’arrêt au lancement de son activité. “Résultat, cela faisait donc deux trois semaines que j’étais sans travail”, raconte-t-elle. Mais pas question de se démoraliser. La sprinteuse a proposé à certains clients de poursuivre leur entraînement en visioconférence. Et elle a aussi relancé une page Facebook, sur laquelle elle poste désormais régulièrement des vidéos “Sport et confinement”. “Au début, c’était juste comme ça, pour partager quelques exercices, montrer ce que je fais et me faire un peu de pub”, témoigne la sportive. Aujourd’hui elle espère aussi séduire une autre clientèle, notamment ceux qui la suivent depuis Mayotte, en proposant des programmes à des prix plus abordables.

Aider les gens à garder le moral

Mais ce n’est pas tout. Contactée par la délégation de Mayotte à Paris, Nasrane Bacar a aussi accepté de participer bénévolement à leur action “Sport Santé – Convivialité”, aux côtés de Bavou Mohamadi Loutoufi, entraîneur et préparateur physique, et ancien handballeur professionnel, lui originaire de Tsingoni. Cette opération doit permettre de lutter contre le risque d’isolement, d’exclusion sociale et l’expérience du confinement en Hexagone qui “peuvent constituer un véritable déchirement pour nos concitoyens exposés à ces maux”, peut-on lire dans la description de l’événement Facebook de la délégation. “Là, il s’agira de vraies séances complètes, avec plus d’explications que sur mes vidéos personnelles. C’est une façon d’aider les gens à garder le moral”, résume Nasrane Bacar. L’athlète proposera désormais ces séances gratuites tous les lundis à 15h. Et une activité de plus dans un agenda de confinement déjà bien fourni !

Tellement fourni, que lorsque la jeune femme relève enfin les yeux vers la fenêtre de son appartement à Talence, le jour décline déjà. “Le temps de faire tout ça, et il est 21h, 22h”, décrit-elle. Une fois tous ses objectifs remplis, la coach s’accorde alors un peu de répit, en lisant quelques pages d’un livre. Ces temps-ci, c’est Les rêves de mon père, l’autobiographie signée par l’ancien président des États-Unis Barack Obama. Juste avant, Nasrane s’était plongée dans Devenir, de Michelle Obama. “On m’avait dit que c’était une femme inspirante qui avait beaucoup porté le destin de Barack Obama, donc je voulais en savoir plus. Mais à ce stade de ma lecture, je trouve que cette vision déforme un peu la réalité, et je préfère bien plus Les rêves de mon père”, analyse-t-elle.

Tirer profit du confinement

Avec tout ça, Nasrane Bacar n’oublie cependant pas sa carrière d’athlète, stoppée en plein vol par la pandémie. En gardant la même rigueur dans ses entraînements personnels, elle sait qu’elle ne perdra pas en performance : “j’ai continué mes programmes comme si ça allait reprendre, j’ai du matériel de sport chez moi et je peux aller courir autour du pâté de maisons.” Pour elle, le confinement est aussi synonyme de récupération. “Je sortais d’une grosse saison hivernale, donc je prends ces quelques semaines comme l’occasion de récupérer, de reposer mon mental et mon organisme”, se satisfait-elle. Sa prochaine compétition ? Les interclubs, qui devaient se tenir début mai. Puis les championnats d’Europe d’athlétisme, qui doivent toujours, en théorie, avoir lieu du 25 au 30 août 2020 à Paris, mais qui peuvent eux aussi être annulés d’un instant à l’autre. Pour autant, l’athlète préfère “ne pas se prendre la tête”. La championne du 60 mètres en salle sait voir le verre à moitié plein. Même pour les Jeux Olympiques de Tokyo, reportés à 2021, et auxquels elle espérait briller cette année en rejoignant le collectif relais du 4 fois 100 mètres. “En réalité, j’avais peu de chances d’atteindre cet objectif-là, car ils se réfèrent aux résultats de l’année précédente. Donc ce report, ça me donne d’autant plus de chances de réussir à rejoindre le collectif”, se réjouit-elle.

 

 

Pour le docteur Madi Abdou, “la femme enceinte ne transmettra jamais le virus”

Dans un communiqué en date du 16 avril, Santé Publique France recense dix femmes enceintes atteintes du Covid-19 depuis le début de la propagation du virus à Mayotte. Pour le docteur Madi Abdou, chef de pôle gynécologie-obstétrique, la grossesse ne représente pas un risque. Et l’accouchement se fait normalement.

Covid-19 ou non, la maternité de Mayotte continue de tourner à bloc. Comme le démontre une vidéo tournée par une sage-femme et diffusée le 14 avril dernier au JT de 13h de France 2. Bilan de la nuit de lundi à mardi : une vingtaine de naissances ! Mais existe-t-il un réel danger pour ces futures mamans qui affluent par dizaine quotidiennement ? “La femme enceinte est un statut, ce n’est pas une personne à risque”, insiste le docteur Madi Abdou, le chef de pôle gynécologie-obstétrique. Pourtant, l’agence régionale de santé, qui comptabilise le nombre de cas positifs sur le territoire, en recense dix. Un chiffre relayé la semaine dernière par Santé Publique France. Seule différence avec une personne classique : “il faut qu’elle soit suivie de près, car son évolution peut être très rapide. Mais le risque de fausse couche n’est par exemple pas plus élevé.” D’où leur installation dans le service de médecine. Ou encore l’envoi de l’une d’elles en réanimation pour des raisons de force majeure. “Elle n’était pas arrivée à terme, donc nous n’avons pas déclenché l’accouchement. Elle se porte très bien aujourd’hui. Nous n’avons pas encore été confrontés à une dépression respiratoire et une souffrance fœtale aiguë qui aient nécessité une prise en charge immédiate par césarienne”, assure celui qui est également président de l’association Redeca, qui organise des campagnes de dépistage du cancer du col de l’utérus.

Pas de séparation à la naissance

Si sur le papier, la situation de la femme enceinte atteinte du virus ne semble visiblement pas plus alarmante ou préoccupante que cela aux yeux des autorités sanitaires, quid de celle du futur nouveau-né ? “La femme enceinte ne [lui] transmettra jamais le virus”, certifie le docteur Madi Abdou. Il y a quelques jours au Pérou, un bébé est né contaminé par sa mère à travers le placenta. C’est le deuxième de ce genre à l’échelle mondiale. Face à ce constat, il revient quelque peu sur ses paroles : “Alors c’est juste un cas. Ou alors, il s’agit d’une contamination manuportée”, corrige-t-il. Les données à ce sujet sont encore trop floues pour certifier tel ou tel raisonnement. Néanmoins, le professionnel de santé confie que la maman ne sera pas séparée de son enfant après la naissance, en portant un masque et des gants, et qu’elle pourra l’allaiter normalement, comme n’importe qui.

Et pour que les accouchements se déroulent dans les meilleures conditions possibles, l’ensemble du service se tient prêt à appliquer toute une série de mesures sanitaires. “Nous avons l’habitude des épidémies et à chaque fois, nous nous préparons. Toute une procédure stricte est à suivre.” La plus symbolique est de ne pas admettre d’accompagnants dans la salle de travail… Et pour celles et ceux qui se posent des questions sur les éventuelles répercussions du Coronavirus sur le bébé, les résultats s’écrivent encore en pointillés. “Selon la société française de foetopathologie, il n’y a pour le moment pas de malformation dans les diagnostics prénatals. Et s’il y en a une, elle a été provoquée par une autre pathologie”, suppose le vice-président du syndicat des médecins. En clair, les premières expériences laissent présager un risque pour la grossesse proche du néant. Toutefois, certaines interrogations persistent toujours… Après tout, ne cesse-t-on jamais de répéter que la médecine n’est pas une science exacte ?

Le labo du centre hospitalier de Mayotte au cœur de la détection

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C’est une des pièces maitresses du dispositif de détection du Covid-19. Au cœur du processus, le laboratoire du CHM analyse les prélèvements faits sur les potentiels porteurs du coronavirus. Une tâche primordiale menée sept jours sur sept, qui s’ajoute à ses missions habituelles.

« Il faut parler du laboratoire ! Sans eux la situation serait dramatique, vraiment. » À la sortie du Centre hospitalier de Mayotte (CHM), la remarque de ces deux soignantes croisées sur les coursives en dit long. Car le laboratoire du CHM, c’est un peu la face méconnue de l’hôpital. Implanté dans la cour intérieure d’un des bâtiments de l’institution et isolé du va-et-vient des accès principaux, sa notoriété est bien moindre que d’autres services tels celui des urgences ou de la très célèbre maternité. Pourtant, il est au cœur des missions de l’hôpital, notamment en cette période où sévissent non seulement la dengue, mais aussi le Covid-19. En permanence, cinq biologistes, 35 techniciens de laboratoires et une douzaine de secrétaires et agents se relayent pour analyser les prélèvements reçus dans cinq spécialités : la biochimie, l’hématologie, la microbiologie, l’immunologie, et la biologie moléculaire, une discipline particulièrement sollicitée durant les épidémies actuelles. À la tête du service, le docteur Patrice Combe, biologiste, qui s’assure de l’efficacité du « labo » durant cette crise sanitaire. Visite des lieux pour comprendre comment sont réalisés les tests Covid-19.

Première étape : le prélèvement nasopharyngé réalisé sur un patient, au CHM ou à domicile. Au terme de celui-ci, l’écouvillon est placé dans un tube contenant un milieu « eNat », permettant d’inactiver le virus : « En faisant cela, nous détruisons le virus en préservant l’acide ribonucléique (ARN), que le milieu stabilise, car c’est lui qui permet de faire son diagnostic », éclaire le docteur Louis Collet, biologiste et initiateur du laboratoire de biologie moléculaire au CHM. Cette inactivation est nécessaire pour transporter l’échantillon sans risque jusqu’au laboratoire où il sera analysé.

L’indispensable étape de vérification. Il s’agit de s’assurer que le prélèvement a bien été placé dans un milieu inactivateur. Si ce n’est pas le cas, le biologiste le fait. En trente-minute, le Covid-19 est inactivité.

Les divers prélèvements sont reçus à l’accueil par les secrétaires, qui se chargent de les enregistrer et de les étiqueter avant qu’un robot ne les dispatche. Mais ceux menés pour suspicion de Covid-19 bénéficient d’un traitement différent puisqu’ils sont réceptionnés sur un bureau à part. Et sous triple emballage : le tube contenant le prélèvement mis dans un sachet fermé – comme tout autre échantillon –, mais le tout est, en plus, placé dans une boîte étanche. Pour en récupérer le contenu, les précautions demeurent de mise. C’est sous un aspirateur à air PSM (pour Poste de sécurité microbiologique) que l’opération est menée. C’est également là que les tubes sont vérifiés, ce qu’explique Patrice Combe : « Nous vérifions systématiquement que le prélèvement a été placé dans le bon milieu inactivateur (indentifiable au bouchon bleu du tube, NDLR). Si ce n’est pas le cas, nous le faisons nous-mêmes. En 30 minutes, le virus est inactivé. » Une étape de vérification indispensable car « la première règle est évidemment de ne pas contaminer le personnel du laboratoire. » Les échantillons sont ensuite disposés sur des racks, direction les extracteurs.

Chef du service, le Dr Patrice Combe s’assure du bon fonctionnement du laboratoire, particulièrement sollicité en cette période de double épidémie : Covid-19 mais aussi dengue.

 

Des machines qui tournent 12h par jour

Le docteur Louis Collet, biologiste, devant un des deux extracteurs du laboratoire. Ils peuvent traiter une centaine de prélèvements en six heures.

C’est dans la salle voisine qu’ils sont installés. Un extracteur, c’est une machine permettant d’extraire – comme son nom l’indique – l’acide nucléique (ARN). Pour bien comprendre, « un virus peut être comparé à une boite. Lorsqu’on l’ouvre, on trouve ces acides. » Ce sont eux qui sont ici recherchés. Et

pour y parvenir, on utilise un réactif, substance chimique par laquelle l’extraction est possible. Là se pose un fort enjeu car, épidémie mondiale oblige, ces réactifs sont particulièrement demandés. Une problématique à laquelle s’ajoute la suspension des liaisons aériennes avec la métropole. « L’acheminement est compliqué en temps normal, mais il l’est encore plus actuellement, y compris pour envoyer des examens spécialisés à Paris ou à La Réunion », explique le chef de service en poursuivant sur la question des fameux réactifs : « Nous avons de bons rapports avec la société qui les fabrique alors nous y parvenons quand même, mais quand nous commandons vingt boîtes par exemple, nous en recevons cinq. Cela demande donc énormément de temps à Issa, notre agent qui s’occupe de la logistique du laboratoire, pour s’assurer que les commandes sont faites en temps et en heure. »

Un avantage toutefois : « Nos extracteurs sont ouverts, paramétrables. Cela veut dire qu’en cas d’épidémie comme celle en cours, l’institut Pasteur nous a envoyé les réactifs (Primers) et la méthode recommandée et nous la mettons en place car nous pouvons, sous réserve d’avoir les substances, fabriquer le réactif. » Une dépendance à l’extérieur moindre ? Dans une certaine mesure, oui : « C’est ce qui explique les difficultés des laboratoires équipés de machines fermées pour dépister le Covid-19. Dans ce cas, ils dépendent des réactifs qui leur correspondent. Or, tous les laboratoires qui ont ce même extracteur demandent eux-aussi en ce moment ces réactifs, et le fabricant ne peut pas suivre. » Mais revenons au CHM, qui dispose en ce moment d’une marge confortable de réactifs puisque les stocks constitués permettent de réaliser encore 3 000 tests, en plus des 1 500 déjà effectués.

Ces extracteurs QIA Symphony, le laboratoire en possède deux depuis l’an dernier. Autant dire, dans le contexte du moment, qu’ils tombent à point nommé. L’ancienne machine ne pouvait pratiquer qu’une trentaine d’extractions par jour. « Eux peuvent traiter environ 100 prélèvements en six heures », détaille Louis Collet. Mais évidemment, ils ne sont pas exclusivement consacrés au Covid-19 : dengue, fièvre de la vallée du Rift et autre arbovirus passent par eux. Autant dire qu’en temps de crise, ils tournent quasiment à plein régime : « en termes de volume, le lundi, le mercredi et le vendredi, le premier fait la dengue. Le deuxième fait tous les jours deux séries de Covid-19. L’activité des machines est doublée : elles sont à l’oeuvre 12h par jour et peut-être qu’elles vont devoir l’être également la nuit en fonction de l’évolution des épidémies du Covid-19 et de dengue. » Le laboratoire de biologie moléculaire, lui, travaille désormais sept jours sur sept, contre cinq habituellement, avec le soutien de l’ARS et de Santé publique France. Mais revenons-en à notre extraction. Une fois celle-ci achevée, la dernière étape du dépistage s’annonce.

De 1 à 10 millions d’ARN

Le rotor sur lequel sont disposées les cupules contenant les ARN extraits. Chacune correspond à un patient. Elles sont ensuite placées dans l’amplificateur pour une polymérisation en chaine.

Cette étape, c’est l’amplification de l’ARN extrait précédemment. En termes biologiques, on appelle ça la polymérisation en chaîne. Pour cela le laboratoire dispose de quatre amplificateurs. Le Dr Louis Collet le détaille : « D’un ARN, on en fait 10 voire 11 millions de copies non infectieuses. La polymérisation se fait en temps réel et se traduit par la réalisation de courbes sur nos écrans. Au fur et à mesure du processus, on observe – ou pas – l’augmentation de la concentration du virus. C’est ainsi qu’on peut déterminer si le patient est positif ou négatif au Covid-19. »

Fin de l’analyse, enregistrement et transmission des résultats. En tout, un test Covid-19 nécessite huit heures. Le jour de notre visite, mardi 14, 219 patients avaient été testés depuis le 13 mars.

Au fur et à mesure du processus d’amplification, des courbes apparaissent sur l’écran : « on y observe – ou pas – l’augmentation de la concentration du virus. C’est ainsi qu’on peut déterminer si le patient est positif au négatif au Covid-19, positif, ou porteur asymptomatique », détaille un biologiste. Sur le graphique, chaque courbe correspond à un patient. Au premier plan : les résultats des tests de Covid. On distingue ici trois patients un positif, un négatif, et un en concentration faible.

En arrière-plan les résultats des tests de dengue, 250 chaque semaine. On devine l’ampleur de l’épidémie : « La dengue c’est la folie, 60% des patients sont positifs », constate le Dr Louis Collet.

“À couper le souffle”, en apnée dans le lagon de Mayotte avec un champion mondial

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Le documentaire diffusé dimanche dernier par France Ô suit les explorations de Stéphane Tourreau, vice-champion du monde d’apnée, dans le 101ème département. Le sportif revient sur ces dix jours mémorables à Mayotte.

 

Un véritable marathon, épuisant mais passionnant. C’est le souvenir que garde Stéphane Tourreau, le vice-champion du monde d’apnée en poids constant, de son passage à Mayotte. Une expérience “à couper le souffle”, comme est d’ailleurs intitulé, à juste titre, le documentaire diffusé par France Ô dimanche soir dernier. Ce film d’une cinquantaine de minutes réalisé par son ami vidéaste Mathias Lopez, retrace leur séjour dans l’un des plus grands lagons fermés du monde. Pendant dix jours, ils ont pu explorer ces profondeurs bleues turquoises, d’une richesse unique. “Mayotte est un endroit magique pour sa biodiversité, et rares sont les îles qui possèdent autant d’espèces marines réunies au même endroit”, souffle l’apnéiste, la tête encore remplie d’images.

Des dauphins timides mais curieux, des coraux aux mille couleurs, des tortues à N’gouja, “où il suffit de lever la tête pour en voir trois”, comme il s’en émerveille devant la caméra… Et même un dugong ! Cette espèce, menacée de disparition, ne compte que quelques spécimens dans les eaux de l’île aux parfums. Pour lui, c’est là l’un des souvenirs les plus marquants de ce tournage. “Pour vous dire, c’était même la blague du séjour, ‘‘imagine on croise un dugong’’, et c’est arrivé”, sourit le sportif. Pourtant, tout le projet aurait pu tomber à l’eau. Le départ de l’équipe dans le 101ème département, en décembre dernier, a été suspendu pendant un temps au cyclone Belna, qui, par chance, est passé à plusieurs kilomètres des côtes mahoraises.

 

Une discipline exigeante

 

La chance, nonobstant, Stéphane Tourreau n’y croit pas vraiment. Pour lui, tout est surtout question d’état d’esprit, et le champion valorise particulièrement la résilience et la capacité d’adaptation. Ce sont ces deux valeurs qui l’ont guidé dans une carrière prolifique. Pour plonger à plus de 100 mètres – son record est précisément de 113 mètres – il faut en effet une certaine persévérance. L’apnée à poids constant est une discipline exigeante, qui consiste à s’aventurer dans les profondeurs, simplement à l’aide de ses muscles, de ses poumons, et de palmes, mais sans assistance extérieure ou bouteilles d’oxygène. À partir d’une certaine profondeur, l’apnéiste atteint la narcose à l’azote, que l’on appelle aussi ivresse des profondeurs. À ce stade, “la pleine conscience est indispensable, non seulement pour économiser ses forces et être plus efficient, mais aussi pour être à l’écoute de soi et de son environnement, et rester en sécurité”, explique Stéphane Tourreau. Une capacité intuitive et une adaptabilité particulièrement utile dans les expériences d’exploration telles que celle menée sur le tournage de “À couper le souffle”. Cette fois-ci, l’as de la plongée a nagé jusqu’à 70 mètres dans les fonds marins, jusqu’au tombant de la Passe en S.

Les richesses de Mayotte

“La grande particularité du lagon, c’est la visibilité. C’est incroyable, on peut voir à plus de 50 mètres, on aperçoit les espèces en dessous de nous, et cela donne encore plus envie d’explorer”, témoigne l’apnéiste, qui a rarement vu un tel spectacle, même dans les Caraïbes dont il revenait pour une compétition à peine quelques jours avant son départ pour Mayotte. L’île est pour lui un condensé d’éléments qui participe à un éveil des sens : “c’est ce côté, eau, terre, feu, avec la source volcanique, qui crée ce spectacle inédit pour la vue, le toucher, avec un grand brassage des espèces”, dépeint-il aussi. Et c’est pour lui cette richesse qui décrit le mieux Mayotte dans son ensemble, loin des clichés parfois négatifs renvoyés par certains reportages, qu’il déplore. “Ce n’est pas ça qui permet de construire l’avenir, mais bien au contraire, des valeurs de partage, des intentions positives”.

Et cette philosophie-là, Stéphane Tourreau l’applique aussi dans ses convictions, notamment en faveur de l’environnement. Le sujet de l’écologie et de la préservation du lagon, encore peu appréhendé au niveau local, ne lui a bien sûr pas échappé. “La pollution, cela me choque toujours, malheureusement, c’est partout pareil, je l’ai vu sur beaucoup de plages du monde”. Mais pour lui, pas question pour autant de rester les bras croisés. “C’est à nous d’agir et de deux façons : en communiquant, et en étant actif, de ses propres mains pour espérer motiver d’autres personnes et provoquer un effet boule de neige”. Dans le documentaire, on le voit d’ailleurs ramasser les déchets sur la plage. Son initiative finit par attirer les enfants curieux des alentours, qui mettent alors tous la main à la patte. Comme pour donner raison à cet éternel optimiste, qui, de retour chez lui et confiné, arrive toujours à garder le moral : “j’avais justement prévu de refaire un peu d’entraînement d’apnée hors de l’eau !”, s’amuse-t-il.

 

Pour voir le film documentaire en replay, rendez-vous sur : https://www.france.tv/documentaires/voyages/1370577-a-couper-le-souffle.html

Photographies : copyright Olivier Lefebvre, Mathias Lopez et Puzzle Media

Covid-19 aux Comores, déconfinement, clusters de contamination… D. Voynet fait le point

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Lors de sa traditionnelle audioconférence de presse au sujet de l’épidémie de coronavirus, la directrice de l’Agence régionale de santé est revenue sur les différentes mesures prises par son institution au cours des derniers jours comme le renforcement d’équipes mobiles et un dépistage en passe de devenir plus massif. Et a livré quelques informations au premier rang desquelles le décès du grand mufti des Comores suite à la contraction du Covid-19, venant confirmer la présence du coronavirus dans l’archipel.

 

 

Ce jeudi, 233 cas de coronavirus étaient identifiés à Mayotte. Soit 12 de plus que la veille. Enfin pas tout à fait, comme tient à le rappeler la directrice de l’ARS, déterminée à être le plus claire possible sur les chiffres livrés par son institution. “Nous avons en fait un seul cas qui est rapporté à la journée du 15 avril, les autres ayant été un renouvellement de tests un peu douteux qui ont été refaits et imputés aux journées du 12, 13 et 14”, détaille ainsi Dominique Voynet qui voit dans ce double test “la première manifestation de l’arrivée de deux biologistes supplémentaires de la réserve sanitaire à Mayotte qui ont pu rattraper le retard sur les tests suspects”. Quatre personnes sont toujours en réanimation, dont l’une dans un état critique quant 94 autres personnes contaminées sont officiellement guéries. “Ce n’est pas encore la moitié mais quand même, nous sommes à 41%”, se satisfait à ce titre l’ancienne ministre.

 

Laquelle satisfaction ne dure pas longtemps dans le discours de la directrice de l’ARS qui, même si rien n’indique pour l’heure qu’une montée en flèche des contaminations est nécessairement à prévoir, a plusieurs sujets d’inquiétude. D’abord, le nombre de femmes enceintes touchées par le virus, au nombre de 10. Situation face à laquelle “nous avons mis en place une filière dédiée à l’hôpital tant qu’elles ont de la fièvre et qui poursuivront à être suivies de très près par nos équipes une fois rentrées à leur domicile”, explique Dominique Voynet qui trouve dans ce suivi l’occasion d’expliquer qu’une équipe “solide et nombreuse” a été monté ces derniers jours pour opérer une plus grande attention auprès des cas confirmés et cas contact. Au sein de cette équipe mobile, cinq médecins et des infirmiers dont des personnes parlant shimaoré.

 

Le CHM au centre des inquiétudes

 

Autre sujet d’inquiétude, le CHM. Non pas pour sa réponse médicale, mais pour la présence en son sein de nombreux cas de de contamination. “On a un gros problème au CHM. J’ai rencontré cette semaine Catherine Barbezieux pour attirer son attention et alerter ses équipes sur la question de l’hygiène hospitalière et là encore, nous allons mettre en place deux équipes mobiles qui vont faire le tour des services et faire de la formation aux agents pour leur réexpliquer comment bien utiliser les équipements de protection et surtout comment bien les enlever, car c’est souvent à ce moment-là que l’on se contamine”, explique à ce titre la directrice de l’ARS. Côté CHM, on s’organise pour une reprise du suivi des patients chroniques, car “on s’est rendu compte que beaucoup d’entre eux n’osaient pas se déplacer dans les centres par crainte du Covid”, assure Dominique Voynet, pas peu fière d’expliquer que face à ce constat, “nous mettons en place une ébauche d’hospitalisation à domicile. Dans cette période de crise, on arrive à faire en quelques jours ce qui n’a pas réussi à être fait pendant des années”.

 

Encore un motif de satisfaction rattrapé par “notre inquiétude quant aux nombres des décès à domicile et quant aux conditions de ces décès”, dévoile docteur Voynet. “Nous sommes en train de procéder à une analyse complète des décès qui sont survenus à domicile depuis le début de la crise Covid pour essayer d’expliquer chacun des décès inattendus. Il s’agit de savoir exactement quelle est la cause du décès car on se rend compte que beaucoup de situations méritent d’être investiguées sérieusement, notamment pour écarter le doute du Covid”, explique encore la directrice, assurant que les résultats seront rendus publics.

Transparence aussi, sur la situation au RSMA : “nous avons considéré que les personnes qui ont voyagé autour de la personne dépistée positive, même si elle a voyagé avec un masque, devaient être considérées comme des cas contacts à risque moyen. Nous savons qui ils sont et ils ont été placés ensemble au RSMA, ils sont isolés et suivis par les infirmières. Cela dit, nous savons maintenant qu’il y a du Covid aux Comores (voir encadré) et nous allons donc, à partir de lundi, dépister toutes les personnes qui sont au RSMA, dont les infirmières“, indique Dominique Voynet. La personne dépistée a quant à elle fait son entrée à l’internat de Tsararano, mué en centre de confinement, au même titre que deux autres patients.

 

Vers un déconfinement ?

 

De manière générale, deux clusters de contamination, Bandrélé et le CHM – “où on a un vrai problème”-, sont encore vif et sous surveillance, tandis que la propagation du virus au sein des agents de la police aux frontières et du commissariat de Mamoudzou semble s’endiguer. Si un “gros travail de formation” sera opéré au centre hospitalier pour atteindre ce résultat, les équipes de l’ARS s’attellent encore à déterminer l’ensemble des cas contacts des patients de Bandrélé.

 

Possible, alors, d’imaginer que Mayotte puisse peu à peu sortir du confinement en même temps que la métropole avec une réouverture des écoles le 11 mai ? “Est-ce que l’on pourra à ce moment confirmer une décrue, est-ce que l’on sera toujours à un niveau élevé de contamination voire à un niveau épidémique, à ce stade je ne le sais pas et ne peut donc pas confirmer que le confinement sera levé progressivement sur le territoire à partir de cette date”, répond la directrice de l’ARS, renvoyant au recteur le soin de se positionner au sujet des écoles “car il y a des problèmes énormes à régler, ne serait-ce que le transport scolaire la cantine, l’équipement des élèves…”. Difficile donc, de se calquer sur le modèle métropolitain, même si l’Agence de santé souhaite se préparer au déconfinement grâce à des tests à grande échelle (voir encadré). Comme de se fier aux experts “qui font de la littérature derrière leur téléphone” au sujet de Mayotte. C’est peu dire que Dominique Voynet n’a pas mâché ses mots à l’encontre des rédacteurs de l’avis du comité scientifique qui s’est penché sur les Outre-mer. “Personne ne m’a appelé, on a juste eu un mail d’un type qui nous a demandé de lui expliquer ce que l’on dit déjà dans nos rapports quotidiens. C’est un avis très général qui ne se repose pas sur grand-chose, et pour preuve, il annonce un pic épidémique dans plusieurs territoires qui sont aujourd’hui à un plateau”, tance l’ancienne ministre. Mais que les mahorais soient rassurés, Dominique Voynet assure que c’est bien elle qui murmure directement à l’oreille de la ministre des Outre-mer, laquelle y serait très attentive.

Anchya Bamana : « L’aide sociale à Mayotte ne doit oublier personne, c’est notre priorité »

Maire de Sada mais aussi présidente de l’union départementale des centres communaux d’action sociale (CCAS), Anchya Bamana témoigne des difficultés d’assurer la continuité des droits des administrés tout au long de la crise sanitaire. Et après les premiers couacs de la distribution alimentaire, l’élue de la collectivité appelle tous ses homologues à l’unité et à plus de coordination.

Flash Infos : Comment expliquer que les distributions alimentaires, notamment gérées par les CCAS, ont parfois donné lieu à des attroupements, allant à l’encontre de la distanciation sociale ?

Anchya Bamana : Les acteurs ont du mal à se coordonner, je n’ai pas peur de le dire. On est en train de gérer une crise, certes, mais cela ne doit pas nous empêcher de nous organiser pour répondre aux besoins de la population. Nous avons toujours plaidé le dialogue, pour que tous les élus s’associent à ce projet dans le respect du confinement et des gestes barrières sans empêcher les services de fonctionner, et on y arrive petit à petit. Depuis le début de la semaine, les choses commencent à se délier dans la distribution et l’organisation sur le terrain. On ne peut en aucun cas se permettre de créer des rassemblements, d’autant plus à l’approche du mois de ramadan. Ce n’est pas simple du tout, et c’est pourquoi nous devons tous nous unir.

F.I : Concrètement, comment agir, alors que certains élus en lice pour les municipales sont accusés d’instrumentaliser la crise sanitaire à des fins électorales ?

A.B : L’aide sociale ne doit oublier personne, c’est notre priorité. Personne ne doit tirer la couverture de son côté. Les maires, la collectivité et l’État doivent assurer la continuité pour qu’il n’y ait pas de rupture des droits, pour personne. Par exemple, le gouvernement a envoyé cette semaine plus de moyens, comme des chèques-services, et il a aussi appelé les associations à participer aux distributions. Dès lors, j’ai dit au sous-préfet que nous, élus, nous devions absolument être au courant de l’arrivée de ces nouveaux moyens dans nos communes pour, encore une fois, mieux se coordonner et surtout éviter les doublons entre les différentes aides de l’État, celles des communes et celles du département. Car s’il y a des doublons, nous risquons d’oublier d’autres publics dans le besoin.

F.I : Justement, les CCAS ne sont, en temps normal, pas autant mobilisés par la distribution alimentaire. Qu’en est-il des autres publics vulnérables que vous suivez habituellement ?

A.B : En effet, nous avons différents types de bénéficiaires, et tous ne vivent pas nécessairement dans les bidonvilles mais peuvent quand même vivre dans une grande précarité. Chaque CCAS a une liste de personnes vulnérables parmi lesquelles il y a des familles monoparentales, des personnes âgées ou handicapées, des bénéficiaires du RSA, etc. L’enjeu est de pouvoir aider tout le monde. Tous les CCAS ont une autonomie de gestion et d’action donc tous ne fonctionnent pas de la même façon. Mais à Sada, nous avons ouvert deux numéros de permanence pour que nos services continuent à fonctionner. Une assistance sociale appelle régulièrement les familles et les personnes que nous suivons habituellement. Elle s’assure notamment que les personnes âgées ou handicapées ont tous les médicaments nécessaires à leur traitement.

F.I : Les CCAS de Mayotte disposent-ils de suffisamment de moyens pour aider tous les publics fragiles et fragilisés par la crise sanitaire ?

A.B : Non, les moyens ne suffiront pas. C’est pourquoi j’ai lancé un appel pour que les élus de

Mayotte se réunissent pour faire remonter ensemble les difficultés financières que l’on peut rencontrer et il y en a forcément. Le budget que nous déployons pour la gestion de cette crise, nous ne l’avions pas prévu au départ, donc il est tout à fait naturel que les collectivités, au même titre que les entreprises, touchent des aides. Or, nous devons remonter cette demande au niveau de la préfecture et de nos partenaires car les collectivités doivent être accompagnées dans cette démarche. Mais les élus doivent se mobiliser ensemble, sinon le manque de dialogue risque de nous compliquer la tâche. C’est pourquoi nous faisons un point avec le préfet chaque semaine. Nous avons demandé à l’État de l’aide pour équiper nos agents de terrain et là-dessus, je tiens à remercier l’agence régionale de santé qui en a fourni des masques pour chacun d’entre eux.

La radiologie, le service mahorais indispensable à la veille du passage au stade 3

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Alors qu’une grande majorité des habitants positifs au virus rentre se confiner chez eux, le centre hospitalier de Mayotte recense tout de même une vingtaine de patients hospitalisés, qui transitent par le service de radiologie pour dresser un bilan de leurs lésions pulmonaires. Par ailleurs, le chef de pôle médico-technique, Thierry Pelourdeau, attend avec impatience une deuxième console de post-traitement pour interpréter en masse tandis qu’il vient de diagnostiquer le premier cas d’encéphalopathie due au Covid-19.

Si la radiologie n’accueille plus de consultations externes la matinée et de vacation privée l’après-midi pour diminuer les flux, elle ne chôme pas pour autant. Réorganisé comme bon nombre de services du centre hospitalier de Mayotte, il se retrouve lui aussi en première ligne face au Coronavirus. Alors pour éviter une propagation interne du virus, le chef de pôle médico-technique, Thierry Pelourdeau révèle le partie pris pour dissocier les malades classiques de ceux contaminés. « Nous avons mis en place un circuit non Covid par l’entrée de la porte principale et un autre par celle des urgences. Il y a une séparation physique entre les deux », confie-t-il en pointant du doigt par terre, de la rubalise comme de distinction. Toutefois, « comme les technologies en notre possession sont en un seul exemplaire, à l’instar du scanner, les patients vont forcément au même endroit, donc nous jouons sur le timing. » Conséquence de ces va-et-vient ? Des mesures d’hygiène qui vont bien au-delà des protocoles standards, avec un nettoyage complet au sol, complété par un nettoyage à la vapeur, à chaque passage d’un Covid +. Mais ce n’est pas tout. Face à une personne à risque, le personnel enfile une protection adaptée qui se compose d’une surblouse, d’une charlotte, d’un masque FFP2, d’un tablier en plastique et de lunettes de protection. Un équipement ô combien nécessaire qui s’explique pour une raison toute simple : « lorsqu’un médecin radiologue est droitier et qu’il doit réaliser une échographie du rein gauche, cela signifie qu’il doit toucher le malade pour le positionner… » En revanche, le protocole pour un Covid s’avère moins lourd puisque l’imagerie des poumons peut s’effectuer sans injection.

Un nouvel outil essentiel pour le stade 3

Dans le même temps, le service profite d’être toujours au stade 2 de l’épidémie sur le territoire pour peaufiner ses techniques et ses tactiques. Ainsi, Thierry Pelourdeau doit recevoir une deuxième console post-traitement par le biais du Mistral, qui a amarré hier après-midi à Mayotte. « Elle sera opérationnelle à la fin de semaine dans le but d’interpréter en masse et d’aller plus vite. Elle sera particulièrement utile durant la phase 3 pour diagnostiquer les nouveaux cas et assurer aux réanimateurs, aux infectiologues et aux urgentistes de revoir et de comparer les examens », détaille-t-il. Un nouvel outil qui se conjugue avec un certain remaniement de ses effectifs. « Je me prépare à mettre deux praticiens sur le scanner et un seul sur l’échographie et l’IRM. » Pourtant, si ce choix se justifie à l’heure actuelle, il pourrait très rapidement fluctuer en fonction de l’évolution de ses dernières conclusions. Pas plus tard que mercredi, le chef de pôle médico-technique a en effet décelé le premier cas d’encéphalopathie due au Covid-19, sachant que le patient ne présentait aucunes lésions pulmonaires. « Un tableau inédit et plus grave que ceux décrit par la société française de radiologie », souligne-t-il. Une trouvaille possible grâce à l’IRM cérébral, et qui rend donc la tâche des professionnels de santé en charge du dépistage encore plus ardue. « Le test PCR est la référence pour le diagnostic », insiste Thierry Pelourdeau, qui ajoute que « le scanner thoracique sert davantage

pour le suivi et doit permettre le tri durant la phase 3, parce que l’importance des lésions pulmonaires est corrélée à la gravité clinique qui va en résulter ». Quoi qu’il en soit, les manipulateurs radio ne peuvent échapper, eux aussi, à un risque de contamination. D’autant plus quand certains malades omettent d’évoquer certains symptômes en lien avec le Coronavirus… « J’ai donné comme consigne qu’il fallait partir du principe que tous les patients étaient Covid + », rappelle Thierry Pelourdeau.

Interdiction de sortie en mer : les pêcheurs professionnels mahorais satisfaits par la mesure

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Les pêcheurs ont eu peur lorsque le préfet a annoncé l’interdiction de toute activité en mer pendant le confinement. Mais après négociation, leurs représentants sont satisfaits de la mesure car celle-ci réglemente davantage la circulation maritime et elle protège l’activité des pêcheurs professionnels.

La nouvelle est tombée comme une bombe. Le préfet de Mayotte avait annoncé dans une audioconférence du mercredi 15 avril, l’interdiction de sortie en mer, y compris pour les pêcheurs, afin d’éviter toute confusion avec la lutte contre l’immigration clandestine. En effet, 5 kwassa ont été localisés cette semaine en mer. Jean-François Colombet a donc voulu prendre des mesures drastiques pour que le virus n’entre pas à Mayotte par des voies maritimes illégales. Cependant, la mesure n’a pas été bien accueillie par les pêcheurs qui ne veulent pas se retrouver dans des situations similaires à celles des petites entreprises mahoraises en ce moment. “Je préfère ne pas avoir accès aux fonds d’aides et travailler. Qu’est-ce que je vais faire avec 3.500 euros ? J’ai 14 salariés et je dois poursuivre mon activité pour les payer”, déclare Régis Masséaux, gérant de la société Cap’tain Alandor et président des syndicats maritimes des pêcheurs professionnels mahorais. Une renégociation s’est donc imposée entre les professionnels et le préfet et un compromis a été trouvé. “On pourra aller en mer et travailler. Nous vous discuté avec le préfet et finalement cette mesure ne concerne pas les pêcheurs professionnels mais seulement les plaisanciers. Nous devrons cependant être en règle”, explique Abdallah Issouffi, vice-président de la chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte (Capam). Lors d’un contrôle maritime, les professionnels devront présenter une autorisation de sortie dérogatoire fournie par la Capam, leur numéro de Siret, le permis de navigation et chaque employé présent dans le bateau devra délivrer une attention de rôle dans l’équipage. De plus, “chaque pêcheur doit signaler son départ en mer en appelant le 196. S’il décide de se déplacer pour aller à un autre endroit, il doit également l’alerter et enfin à son retour, il doit appeler pour prévenir qu’il est rentré”, précise le 3e vice-président de la Capam responsable de la pêche.

 

“Cette démarche est bénéfique pour les pêcheurs professionnels”

 

On pourrait croire que les pêcheurs seraient réticents à la décision de Jean-François Colombet, mais ils en sont plutôt ravis. « Ce qui est dommage c’est le contexte de pandémie dans lequel sont prises ces mesures. Mais cette démarche est bénéfique pour les pêcheurs professionnels. Ça tirera la profession vers le haut”, se réjouit Régis Masséaux. L’arrêté préfectoral ne permettra pas aux pêcheurs plaisanciers de circuler, ni aux pêcheurs informels qui sont les redoutables concurrents des professionnels déclarés. “Les plaisanciers ne peuvent pêcher que le week-end et pourtant ils le font même en semaine. Quant aux pêcheurs non déclarés, ils ne sont même pas officiellement dans la profession mais ils pêchent”, regrette Abdallah Issouffi. Désormais, il leur sera plus difficile d’exercer leur activité informelle puisque qu’un pêcheur qui n’est pas inscrit à la Capam ou qui n’est pas équipé de balise sera arrêté s’il est pris en flagrant délit. Le 3e vice-président de la Capam, responsable de la pêche souhaiterait que ces mesures soient appliquées au-delà du confinement. “Maintenant on peut travailler dans de bonnes conditions. Et je souhaite que cela continue même après la crise. Je ne m’inquiète pas pour les pêcheurs, ils vont prendre l’habitude.”

Secteur par secteur, le point du préfet de Mayotte sur la situation

Hier, le préfet de Mayotte, Jean-François Colombet, faisait un point général par audioconférence. Situation sanitaire, confinement, immigration clandestine, ravitaillement, confinés du RSMA, tensions alimentaires et accès à l’eau pour les plus démunis, économie ou encore ramadan : tous les sujets ont été abordés. Nous retranscrivons ici, en substance, les propos du haut fonctionnaire et ses annonces.

Confinement et sécurité

Un relâchement à corriger

On observe un certain relâchement depuis quelques jours. Nous sommes donc en train d’ajuster nos modalités de contrôle, car si ce relâchement n’est pas corrigé, cela compliquera la fin du confinement.

Nous sommes dans une phase réceptive avec 5.296 procès-verbaux dressés, ce qui est un volume considérable, et nous avons multiplié les points de contrôles fixes. Nous entrons désormais dans une phase plus dynamique, notamment dans les villages, en soirée, où nous tentons de combiner notre action pour faire respecter le confinement avec la surveillance générale.

Pour cela, il y a un élément nouveau qui est la présence du DLEM : les militaires arrivés en renfort avec le Mistral peuvent être affectés à des missions diverses, dont celles de protection de sites présentant un intérêt particulier, économique notamment, comme des entrepôts, certains commerces, etc. Le DLEM patrouille ainsi tous les soirs en Grande-Terre et en Petite-Terre de 22h à 6h du matin sur des points définis avec la police et la gendarmerie. Ces patrouilles ne sont jamais au contact des malfaiteurs, mais chaque fois que cela s’avère nécessaire, une coordination se met en place entre les patrouilles du DLEM et les forces de sécurité intérieures pour intervenir.

RSMA

Testé positif au Covid-19 au retour des Comores

Nous avons mis en place une quatorzaine au RSMA qui a été extrêmement critiquée par certains. Dispositif que nous avons renouvelé pour les gens rapatriés des Comores, lundi. Et l’une d’entre elles – un citoyen français – a été testée positive au Covid-19. Il y avait donc une utilité à ce dispositif puisque cette personne n’a pas été contaminée à Mayotte.

Immigration

Une pression qui recommence

Je souhaite que le Mistral qui arrive [aujourd’hui] reste dans la zone, car je veux densifier la présence militaire entre Anjouan et Mayotte. Nous sommes exposés à une pression qui recommence. Nous avons de nouveau des tentatives de passage. Dans la nuit de mardi à mercredi, nous avons eu cinq détections radars pour lesquelles nous avons été au contact. Quatre kwassas ont été refoulés et nous pensons que le cinquième est arrivé. On doit donc redoubler d’efforts et faire en sorte que notre présence en mer soit plus forte. Je sollicite donc le maintien du Nivôse et de son hélicoptère, mais aussi du Mistral pendant qu’il est là, bien qu’il devra ensuite retourner vers sa mission de fret.

Pour les personnes qui seraient interceptées sur la plage, nous allons probablement transformer le CRA en lieu de mise en quarantaine, car si l’on prend le support juridique du Code des étrangers pour

garder les gens en rétention, ils peuvent en ressortir au bout de cinq jours si le juge des libertés estime qu’il n’y a plus de perspectives d’éloignement. Or, l’Union des Comores a fermé ses frontières. Cela veut dire que les reconduites sont impossibles. Moi, mon premier objectif, c’est la protection sanitaire et c’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, les gens qui sont rentrés des Comores lundi ont été conduits au RSMA, comme ceux venant de Madagascar auparavant. Je ne souhaite pas avoir 200 Comoriens dont certains seraient porteurs Covid-19 à Mayotte. La priorité, c’est la protection des Mahorais, et il ne faut pas encombrer et fragiliser un système sanitaire par des apports extérieurs.

Par ailleurs, le cas de Covid-19 positif découvert lundi au retour des Comores, en confinement au RSMA, m’amène à mettre en place un dispositif musclé en mer. Je vais donc réarmer une opération avec les militaires, solliciter la présence du Nivôse dans la zone, mobiliser sept bateaux dont quatre en mer 24h/24, demander au gouvernement de nous renforcer en moyens humains, et demander à ce qu’une vive protestation soit faite par l’ambassadrice de France contre l’Union des Comores, car ils ne font pas ce à quoi ils s’étaient engagés, c’est-à-dire surveiller les côtes comoriennes pour éviter les départs en direction de Mayotte.

Nous allons également interdire toute activité nautique sur le lagon à l’exception des barges, car les embarcations créent des échos sur nos radars qui nous amènent parfois sur des pêcheurs en pensant qu’il s’agit de kwassas. C’est une perte d’efficacité. Un dispositif personnalisé sera mis en place pour les pêcheurs pour qu’ils puissent être indemnisés : 3.500 euros renouvelables tous les mois s’ils payent des impôts et, s’ils ne sont pas déclarés, nous allons essayer de faire jouer le fonds du conseil départemental à hauteur 1.000 euros par mois.

Liaisons aériennes

Entre 22 et 26 tonnes de fret par semaine

Nous avons mis en place une organisation logistique absolument inédite, notamment due à la suspension des vols commerciaux. Nous sommes d’ailleurs le seul département français à l’avoir obtenue pour protéger les Mahorais. En compensation, nous avons deux vols par semaine opérés par Air Austral, sans rupture de charge : lorsqu’ils partent de Paris, ils sont essentiellement chargés de fret pour Mayotte. On parvient ainsi désormais à acheminer entre 22 et 26 tonnes de fret par semaine. Cinq sont pour le CHM, beaucoup pour des organismes pharmaceutiques et le reste en fret frais à disposition des transitaires.

Nous avons aussi des vols militaires, et d’autres vols affrétés par Paris, notamment l’A330 Etec qui a amené des billets de banque extrêmement utiles pour délivrer les prestations sociales ; mais aussi par Santé publique France ; et nous avons récemment eu un vol Air Seychelles affrété par le ministère de l’Intérieur pour amener des masques à destination des policiers et des gendarmes.

Liaisons maritimes

Ni pénurie ni difficultés à anticiper

Il n’y a aucune pénurie à constater ni de difficultés à anticiper à l’heure actuelle. Il y a certes une désorganisation totale du fret maritime, mais elle est à imputer à une situation mondiale, et non à celle de Mayotte en particulier : conflits sociaux qui ont affecté les ports métropolitains lors du mouvement de protestation contre la réforme des retraites ; grandes compagnies qui mettent beaucoup moins de moyens sur l’eau pour transporter les marchandises, etc. Le commerce maritime mondiale est complètement perturbé. Cela dit, des bateaux accostent toujours à Mayotte, le commerce maritime s’exerce toujours.

Nous avons aussi le soutien du Mistral, qui travaille exclusivement pour Mayotte au moment où je vous parle. Il arrivera [aujourd’hui] avec 230 tonnes de fret, dont 19.000 litres de gel hydroalcoolique. Et, évidemment, le fret qui arrive par le Mistral n’est pas facturé.

Distributions alimentaires

Des bons alimentaires plutôt que des colis

Nous avons une situation très spécifique à Mayotte puisque nous avons mis en place une distribution pour des gens en grandes difficultés. J’ai annulé une distribution de colis alimentaires, car, malgré le soutien du DLEM, nous aurions eu des rassemblements trop importants. Nous tâtonnons, c’est vrai, et avec les élus, nous avons tenté des expériences qui ne se sont pas révélées satisfaisantes. Mais nous avons donc progressé. Désormais, nous optons définitivement pour la distribution de bons alimentaires. Un ou deux maires proposaient cette solution, et c’est la plus efficace. Sur les mois d’avril et de mai, nous allons ainsi distribuer près de deux millions d’euros, à la charge de l’État, en bons alimentaires. Nous allons le faire par le biais de trois vecteurs :

— les CCAS, qui ont la liste des familles nécessiteuses et qui pourront leur remettre des bons

— sept associations qui connaissent les familles qui ne sont pas sur les listes des CCAS. C’est notre cœur de cible, car, s’il y a des Mahorais en difficultés, il y a aussi des étrangers, en particulier en situation irrégulière, et qui doivent eux aussi, naturellement, avoir accès au soutien alimentaire. C’est une question humanitaire, éthique, mais aussi sanitaire puisque nous nous protégeons contre la circulation du virus en faisant ça.

— Les enseignants. Dans certains établissements secondaires, il y a des enseignants qui sont très proches des élèves, qui connaissent ceux qui sont en très grande difficulté. Dans une relation de confiance, je veux confier à ces enseignants volontaires des bons alimentaires pour qu’ils les remettent à ces quelques enfants.

Accès à l’eau

Des rampes à eau dans 14 secteurs

Avec la directrice de l’ARS, Dominique Voynet, nous sommes tombés d’accord pour définir 14 secteurs jugés prioritaires dans des zones paupérisées, afin de les équiper de rampes à eau avec bouton poussoir pour éviter le gaspillage, car il faut garder à l’esprit que vers le mois de novembre, nous aurons probablement des sujets à traiter de ce côté-là. Elles seront installées assez rapidement.

Également, j’ai demandé aux maires d’ouvrir un établissement recevant du public par village, au sein duquel les familles pourront avoir un accès libre à l’eau. Cela peut être tirer un tuyau depuis une canalisation dans la cour d’une école par exemple. Cela se fera avec les maires volontaires qui sont prêts à nous apporter leur concours, notamment avec la police municipale pour réguler tout ça et éviter les grands rassemblements de personnes.

Nous avons aussi obtenu de l’opérateur 50 cartes d’accès aux bornes-fontaine. Elles ont été remises à la Croix-Rouge pour qu’elle puisse les distribuer. Et nous avons également obtenu le financement de 700 cartes pour les bornes à eau monétique, qui sont distribuées. Pour ne pas créer d’affluence propice à la circulation du virus, elles le sont dans des commerces alimentaires dispersés sur le territoire, là où le besoin s’en fait sentir.

Pétrole lampant

Trois points de distribution à Kawéni au lieu d’un

Il y a eu une période de pénurie qui a créé une forte attente. Les plus fragiles ont reçu l’idée qu’il n’y en avait plus. C’est une erreur, il y en a et il n’y a aucun problème là-dessus. Simplement, il fallait rétablir la possibilité de payer ce pétrole lampant en espèce comme la loi l’exige, sinon on donne le sentiment que quelque chose de bizarre se passe. De plus, au lieu de contingenter ce pétrole lampant, il fallait le distribuer en abondance et multiplier les points de distribution dans le but d’éviter les regroupements.

Hier après-midi, nous avons donc réuni Total et Sodifram, et nous avons convenu que Total mettrait en place quatre cuves de 1.000 litres de pétrole lampant sur trois points de distribution à partir [d’hier] à 14h : la station Total et deux autres au Sodifram de Kawéni. Il n’y aura pas de surcoûts, car les frais d’installation et de distribution seront absorbés par ces deux groupes. Le DLEM sera présent sur place et la ville a fait l’effort de mettre des barrières sur zone. Nous ne manquerons pas de pétrole lampant dans les prochaines semaines. Cette expérimentation sera maintenue [aujourd’hui] et vendredi. Nous ferons ce même jour son inventaire et soit nous le modifierons, soit nous le répliquerons partout où c’est nécessaire, en particulier en Petite-Terre.

Économie

792 entreprises mahoraises ont sollicité du chômage partiel

En quelques chiffres, 792 entreprises mahoraises ont déjà sollicité du chômage partiel pour 7.800 salariés. Cela représente 3,4 millions d’heures de travail qui seront financées par l’État.

Concernant les prêts garantis par l’État, 10 millions d’euros ont déjà été garantis et ont été octroyés à 75 entreprises mahoraises.

S’agissant du fonds de solidarité – 1.500 euros délivrés par l’État auxquels s’ajoutent 2.000 euros du conseil départemental si les conditions sont remplies – , il a déjà été mobilisé pour 173 bénéficiaires à Mayotte. Et 2,5 millions d’euros de report de charges sociales ou fiscales ont été accordés.

Nous avons aussi accordé 1,8 million de report décades à ceux qui l’avait sollicité.

J’ai par ailleurs demandé aux maires de mettre en place dans leur commune une petite cellule pour expliquer aux chefs de petites entreprises, qui ont parfois des difficultés linguistiques ou d’accès au digital, quels sont leurs recours.

Enfin, 25 entreprises sont en cessation de paiement. Une task-force en lien avec la CCI a été mise en place pour que chacun des dossiers de ces sociétés soit étudié au cas par cas et regarder ce que nous pouvons faire pour les soutenir durant cette période.

Ramadan

Une dérogation pour les marchés alimentaires

Le groupe de réflexion que j’ai mis en place m’a remis ses recommandations (voir Flash Infos d’hier) et nous sommes en train de les travailler pour lancer une vaste campagne de communication. Les messages seront portés auprès de la population. Par ailleurs, nous allons rouvrir des marchés exclusivement alimentaires. Une partie la population, modeste, s’y ravitaille, donc il faut pouvoir les rendre accessible à nouveau. Par ailleurs, nos agriculteurs rencontrent de grandes difficultés pour écouler leur production : nous avons donc là l’occasion de soulager ce secteur important. Aussi, certains des produits traditionnellement consommés durant le ramadan ne se trouvent pas dans les grandes surfaces. Il faut donc que ces marchés puissent les fournir. Les maires qui le souhaitent

pourront donc déroger à l’interdiction en vigueur sur demande, à condition que les gestes barrières et les précautions à prendre soient respectées.

Pratique funéraire

La mise en place d’un opérateur qualifié

Nous avons environ 800 décès par an à Mayotte. Deux tiers interviennent à domicile. Cela veut dire que pour ceux-là, on a moins de deux décès par jour à Mayotte. Soit, statistiquement parlant en tout cas, un décès tous les sept ou huit jours par commune. Tant que durera la crise sanitaire, il y aura 24h/24h la possibilité d’obtenir le concours d’un médecin pour constater le décès. Afin que ce médecin l’accepte, l’ARS travaille à la mise en place d’un tarif incitatif pour favoriser les déplacements de nuits des médecins de ville.

Par ailleurs, compte tenu de la rareté des décès, nous avons demandé qu’un opérateur qualifié puisse procéder à la mise en bière dans une double housse mortuaire. Les gestes doivent être professionnels. Les cadis l’ont bien compris. Enfin, cet opérateur sera pris en charge par les communes pour soulager les familles. Cela ne va pas ruiner ces dernières, d’autant qu’on peut les aider.

Éducation

Protéger les enseignants avec des masques

Je m’engage à protéger les enseignants. Une commande massive de masques alternatifs a été lancée avec le conseil départemental auprès des petites entreprises mahoraises pour qu’elles nous livrent 25.000 masques financés par le FEDER. Ils sont faits sérieusement sur un modèle AFNOR, et permettent de se protéger efficacement contre une charge virale légère. C’est notamment le cas pour les enseignants qui seront face aux élèves. Nous avons quatre semaines pour cela. Notre ambition est, si l’épidémie doit durer, de monter à 50.000 masques alternatifs, voire plus.

Sur le 11 mai

“Rien n’est gagné”

Le 11 mai se gagne. Rien n’est gagné d’avance, rien ne sera automatique. Soit nous sommes performants tous ensemble, soit nous ne sommes pas parvenus à assumer ensemble cet effort de confinement et le 11 mai n’aura, pour Mayotte, aucune valeur. Tous les jours, nous devons consentir à des efforts pour retrouver une vie normale.

Ce qui est important, ce n’est pas tant le nombre de cas que le nombre de patients admis en réanimation. Toute notre stratégie nationale repose là-dessus : protéger les centres hospitaliers. Quand le nombre de cas admis en réanimation commencera à monter, alors nous aurons la révélation de quelques choses d’extrêmement sérieux. Ce n’est pas encore le cas, avec seulement trois séjours en réanimation. Les chiffres donnés par l’ARS peuvent donc sembler encourageants, mais si nous relâchons nos efforts sur le confinement, nous perdrons.

 

“On nous demande de faire respecter le confinement, mais derrière, on ne nous accompagne pas”, déplore Saïd Omar Oili

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Total, rôle du maire dans la gestion de crise, rapport avec les autorités et réouverture des écoles, Saïd Omar Oili, maire de Dzaoudi-Labattoir, président de la communauté de communes de Petite-Terre et de l’association des maires de Mayotte, fait le point. Et réaffirme l’importance du premier magistrat communal dans la crise qui secoue le territoire.

Flash Infos : À la une de vos dernières actualités, votre bras de fer avec Total. Comment avez-vous obtenu gain de cause ?

Saïd Omar Oili : Sans nous consulter, Total a décidé de manière unilatérale de refuser le paiement en espèces arguant de question de sécurité pour leurs agents. Peut-être que cette société ne lit pas les statistiques locales, mais quand 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et que deuxièmement, le taux de bancarisation est très faible, ce qui empêche la délivrance de cartes bancaires, empêcher le paiement en espèce revient nécessairement à exclure une très large part de la population des services de Total. Or il s’agit bien sûr de l’essence, mais surtout de la matière première pour la cuisson, qu’il s’agisse de gaz ou de pétrole lampant. Je me suis dit que si je ne faisais rien, nous nous dirigerions d’une crise sanitaire vers une crise sociale, car à l’approche du mois de ramadan, les gens n’accepteraient pas cette situation. J’ai donc pris mon bâton de pèlerin, j’ai alerté Paris par l’intermédiaire de l’Association des maires de France dont le président, François Baroin, a saisi le ministre compétent. Et par ce canal, le patron de Total. Voilà donc comment nous avons réussi à les faire revenir à la raison et permettre dès cette semaine que le paiement en espèce soit de nouveau accepté. Rappelons par ailleurs que payer en espèce est un droit.

FI : Suite à cela, on a pu observer des attroupements dans les stations-services, ce qui vous a poussé à fermer la station de Petite-Terre. Quelle est la solution ?

S. O. O. : Lorsque vous affamez quelqu’un pendant trois ou quatre semaines et que du jour au lendemain vous ouvrez les grilles en demandant de se mettre en rang, vous croyez que les gens vont vous écouter ? C’est bien ce qu’il s’est passé. Comme il n’y a pas eu de concertation et de réflexion au départ, les choses ne pouvaient que mal se dérouler. Au moment de la réouverture, les gens n’avaient plus rien chez eux, ils savaient aussi que le ramadan arrive et que dans les conditions actuelles, Total pourrait fermer les vannes quand il le voudrait. Forcément, c’est la ruée.

Je me suis rendu sur place pour voir ce qu’il se passait avant de prendre la décision de faire fermer les lieux. Les gens m’ont expliqué la situation dans laquelle ils se trouvaient et m’ont indiqué que dans ces conditions ils n’auraient plus d’autres choix que de couper du bois pour cuisiner de manière traditionnelle. Ce n’est pas acceptable et j’ai donc demandé à Total de fermer ce jour pour rouvrir dans de bonnes conditions. Nous travaillons actuellement avec des associations pour permettre d’encadrer les choses, que les gens puissent respecter les gestes barrière et je travaille également avec la directrice de Total à qui j’ai demandé que l’on puisse vendre le pétrole à tout le monde. C’est-à-dire que pour cette semaine, nous rationnons à 10 litres par personne. C’est peut-être à partir de là que nous pourrons diminuer l’afflux vers les stations-services et revenir petit à petit à une situation normale.

FI : Quelle est la leçon à retenir de cette situation ?

S. O. O. : J’ai écouté le discours du président de la République et j’ai relevé qu’il a cité les maires près d’une dizaine de fois en expliquant que nous étions les maillons forts de la mise en place de toutes les mesures et que l’on ne pouvait pas travailler sans eux. Dans ce cadre, à chaque fois que les pouvoirs publics ou les entreprises essaieront de prendre des mesures unilatérales sans concertation, nous arriverons à ce genre de situation.

FI : Justement, compte tenu du rôle du maire que vous évoquez, quelles sont les différentes actions que vous avez prises pour répondre aux différents besoins de la population dans cette période de crise sanitaire ? Et à l’échelle de la communauté de communes de Petite-Terre ?

S. O. O. : À l’échelle de la commune, l’élément le plus central est le centre communal d’action sociale avec qui nous avons mis en place une distribution de colis alimentaires pour venir en aide aux populations les plus démunies. Nous avons toute une organisation en ce sens qui repose sur un travail déjà mené tout au long de l’année qui vise à identifier les familles en difficulté. Cela nous permet de livrer des colis alimentaires sans qu’il n’y ait d’attroupements. C’est nous qui allons vers les gens, car nous les connaissons. Dans le même temps, ceux que nous n’aurions pas encore identifiés sont invités par la police municipale qui sillonne les rues avec son mégaphone à venir se faire connaître au CCAS ou à la mairie pour qu’ils puissent bénéficier de l’aide. Cela marche très bien et depuis le début du confinement nous avons assisté plus de 4.000 familles.

Concernant la communauté de communes, nous avons mis l’accent sur le ramassage des déchets. Nous en avons la compétence même s’il revient au Sidevam de le faire. Comme celui-ci est complètement défaillant – alors même que nous cotisons à hauteur de trois millions d’euros par an -, il nous a fallu prendre les choses en main afin de lutter contre la prolifération des moustiques et donc la propagation de la dengue. Nous faisons donc en sorte que nos communes soient propres même si ce n’est pas évident.

FI : En tant que président de l’association des maires de Mayotte, considérez-vous que vos collègues maires s’investissent autant qu’ils le devraient en cette période ?

S. O. O. : Chaque territoire a sa personnalité et spécificité, à partir de là, chaque maire est le mieux à même de juger de ce qui est dans l’intérêt de sa commune. Cependant, nous nous trouvons dans une situation compliquée. Pour de nombreux maires, nous sommes encore en période électorale. Ce n’est plus mon cas puisque j’ai été élu au premier tour, mais je comprends leurs difficultés. Je me sens libre, je n’ai pas de calcul à faire, ce qui n’est à l’évidence pas leur cas. Il est donc très difficile pour beaucoup de mes collègues d’agir autant qu’ils le voudraient dans ces conditions.

Ce problème d’élection freine les maires dans leur action, c’est certain.

FI : Considérez-vous que les élus locaux sont à la fois accompagnés et écoutés dans la gestion de cette crise ?

S. O. O. : C’est un autre feuilleton… Je me tiens en ce moment à une ligne de conduite qui se résume ainsi : on ne répare pas le toit d’une maison pendant l’orage. Laissons donc passer l’orage et réparons le toit ensuite. Cela veut dire que même si le président de la République a reconnu qu’il y a eu des maladresses, des manquements et des erreurs en évoquant la France métropolitaine où l’administration est très rodée, on se doute bien qu’il y a encore eu plus de loupés ici. Mais est-ce pour autant le moment de le dire, d’indexer ? Je ne le crois pas, la solidarité doit prévaloir, mais il faudra retenir les leçons. Cette crise devra nous servir à quelque chose, non pas à se chamailler, mais faire avancer Mayotte dans la modernité. Pour l’instant, l’urgence est de préserver les vies.

Il faut bien reconnaître que les élus locaux n’ont pas la main sur beaucoup de choses en ce moment, c’est le préfet qui a les pleins pouvoirs. Peut-être aurions-nous pu être plus utiles. Nous reparlerons de cela. Mais mon inquiétude actuelle, en tant que maire, est la réouverture des écoles. Comment allons-nous les ouvrir ? Sachant que les écoles sont surchargées, pas aux normes… Si on ouvre les classes sans qu’absolument toutes les bonnes mesures de précaution soient prises, que va-t-il se passer ? C’est une grande interrogation et il faudra au moins sur ce point que nous travaillions en concertation, en bonne intelligence. Certaines communes auront de grandes difficultés, ne serait-ce que pour décontaminer les écoles, obtenir un nombre suffisant de masques, etc. Nous devons travailler ensemble sur ces questions pour préserver les vies de nos familles. Pour l’heure, on est dans le flou total.

FI : Vous sentez vous freiné dans votre action ?

S. O. O. : Le problème est que nous avons la même information que tout le monde, celle livrée par l’ARS à l’ensemble de la population. Or, peut-être que nous, les maires, aurions mérité d’être mieux informés, car c’est à nous que les habitants ont accordé leur confiance. Cela aurait par exemple pu permettre que nous soyons mieux informés, en toute discrétion, des foyers de contamination sur nos territoires. Cela aurait pu nous permettre de mieux aider, mais le lien n’est pas là. C’est dommage qu’on ne nous fasse pas confiance.

Si chaque commune avait une bonne connaissance de l’évolution de la situation sur son territoire, nous serions à même de nous adapter, mais là, nous sommes en panne d’information. Nous nous retrouvons seuls face aux questionnements de nos concitoyens. Nous avons seulement le droit à une information générale et c’est très frustrant, car c’est nous, les maires, que les gens viennent voir. Comment leur répondre que nous n’en savons pas plus qu’eux ? Nous sommes très seuls dans ce genre de situation.

FI : Sentiment d’isolement donc, mais aussi d’inquiétude ?

S. O. O. : Bien sûr que je suis inquiet, notre territoire est touché. Si j’avais plus de données, peut-être que je serais plus rassuré, mais pour l’heure on ne peut être que dans le doute. Ce à quoi s’ajoute l’irrespect des mesures de confinement par une grande partie de la population qui n’a pas les moyens de les appliquer.

On se rend compte aujourd’hui que l’économie informelle est ce qui fait vivre Mayotte, qui l’a fait manger. Avec ces mesures, on se rend aussi compte que les gens n’ont plus rien du tout. Peut-être que, là aussi, il faudrait que nous travaillions plus ensemble pour adapter les règles à la réalité locale. Sans cela, je refuse que les maires soient indexés pour leur inaction, c’est trop facile. On ne peut pas supporter d’être pointés du doigt alors que l’on ne participe pas aux décisions. C’est difficile à vivre alors que nous essayons avec le peu de moyens que nous avons d’aider nos populations et quelque part de réparer les pots cassés.

Comment peut-on dire à quelqu’un de ne pas sortir alors qu’il n’a pas d’eau et qu’il ne sait même pas si la borne-fontaine va fonctionner ? Si elle ne marche pas, on va dire que c’est la faute du maire alors que justement, il aurait fallu veiller à ce que l’accès à l’eau soit effectif au moment du confinement.

Alors on essaye de rattraper, mais il y a tellement de verrous administratifs que c’est trop dur. J’ai réussi à mettre trois bornes-fontaines à La vigie, mais quel parcours du combattant ! On nous demande de faire respecter le confinement, mais derrière on ne nous accompagne pas.

 

“Le vaccin est préventif, la molécule est curative”

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Docteur en chimie spécialisée dans les molécules bioactives et l’ingénierie des biomolécules, Fahoullia Mohamadi revient pour Flash Infos sur l’importance de la recherche et du développement pour faire face à la crise du Coronavirus. Elle apporte également son expertise scientifique sur la vaccination et l’approche moléculaire, et évoque l’apport de sa profession pour un territoire comme Mayotte.

Chercheuse originaire d’Acoua, Fahoullia Mohamadi suit la propagation du virus sur le territoire d’un regard avisé. Si elle n’est pas spécialisée dans la microbiologie, son parcours pluridisciplinaire lui permet d’apporter quelques éclaircissements sur le Covid -19. “Mon métier consiste à chercher des molécules bioactives dans les tous les organismes, qu’ils soient terrestres ou marins, et d’étudier leur activité”, confie la chimiste. Ainsi, elle explique que pour faire face à cette crise sanitaire sans précédent à l’échelle mondiale, deux approches se confrontent. La première est la vaccination. Elle consiste à injecter le pathogène, c’est-à-dire le virus, mais de manière fortement atténuée. “Il faut qu’il ait les mêmes caractéristiques pour induire une réponse immunitaire, ce sont les fameux anticorps en question.” Pour développer cette démarche entre en jeu la recherche. Le fonds de commerce de Fahoullia Mohamadi. “Elle permet de développer les munitions et les boucliers pour lutter contre cet ennemi invisible”, détaille-t-elle. Si le président de la République, Emmanuel Macron, prévoit des moyens supplémentaires pour accroitre la somme de nos connaissances, cette activité demande du temps ainsi que du matériel coûteux et sophistiqué… “Nous estimons à un an la mise sur le marché d’un vaccin, car il faut s’assurer que le corps ne réagisse pas trop violemment. Ce délai, très optimiste, est incompressible !”

Comment appréhender le sujet, alors que les Français entament leur quatrième semaine de confinement et que le monde économique tourne au ralenti ? Face à cette interrogation, la chercheuse explique que la seule solution fiable à ce jour est l’approche moléculaire, à l’instar de la chloroquine, qui est tombée dans le domaine public et qui déchaîne les passions par le biais du controversé Docteur Raoult. Seul bémol, elle traite ponctuellement le symptôme, mais n’assure pas une immunité. “Elle fonctionne seulement à l’instant T, si nous ne produisons pas assez d’anticorps, nous sommes potentiellement à risque. Donc il est possible de contracter une deuxième fois la maladie.” Pour résumer, “le vaccin est préventif” tandis que “la molécule est curative”.

Faire de Mayotte, une terre de recherche

Toujours est-il que Fahoullia Mohamadi souhaite que le 101ème département apporte sa contribution à l’effort et se saisisse de cette opportunité pour faire parler de lui. Un combat qu’elle défend bec et ongles ! Prenant ainsi exemple sur les difficultés rencontrées pour créer sa société PhytoKeyz sur sa terre natale, dont le travail consiste à valoriser la biomasse de l’île, en d’autres termes les plantes médicinales aromatiques. “Nous avons un beau potentiel, mais il n’est pas exploité localement”, regrette-t-elle. “En revenant à Mayotte, il fallait expliquer l’intérêt de la recherche aux institutions, aux chambres consulaires et au conseil départemental. Mon projet a finalement a été favorablement reçu en 2018 et peut apporter énormément au territoire.” En attendant d’avoir un laboratoire digne de ce nom sur le sol de Mayotte, elle collabore avec celui de chimie des biomolécules et de l’environnement à Perpignan, inscrit au sein du centre national de la recherche scientifique. Son souhait désormais est d’intégrer des étudiants mahorais qui découvrent petit à petit son milieu professionnel. “La prochaine étape est de faire venir des doctorants pour générer de la valeur scientifique sur le territoire.” L’officialisation du rectorat en début d’année et le projet de construction d’une technopole à Dembéni la rendent optimiste. Ne reste plus qu’à bénéficier d’une université de plein exercice pour se voir définitivement allouer des moyens supplémentaires importants. “Même si Mayotte est un microcosme, nous pouvons concevoir de très beaux travaux à notre niveau”, espère Fahoullia Mohamadi. Et pourquoi pas faire du territoire une référence en matière de recherche et de développement…

 

Non, un porteur du Covid n’est pas confiné au RSMA

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L’un des 69 rapatriés des Comores a été dépisté positif au Covid-19, a révélé le préfet mardi. Mais ce patient n’a jamais, contrairement aux autres voyageurs, intégré la caserne militaire de Combani afin d’y être placé en quatorzaine. En revanche, cette personne ayant contracté le virus depuis l’Union des Comores, les autres confinés du RSMA deviennent à leur tour de potentiels porteurs.

L’information dévoilée hier matin par le préfet n’est pas passée inaperçue : « Une personne rentrée des Comores lundi soir a été testée positive au Covid-19 », a annoncé Jean-François Colombet au cours d’une audioconférence. Face au manque de précisions apportées sur le sujet par le délégué au gouvernement, certains ont d’abord cru que cette personne avait ou était encore placée en quatorzaine au sein du RSMA, avec les 65 autres rapatriés. Mais il n’en est rien.

Comme nous l’expliquions dans l’édition de Flash Infos du mercredi 15 avril, tous ces voyageurs ont été médicalement contrôlées dès leur arrivée sur le tarmac. Cet examen sanitaire avait ainsi conduit trois personnes au CHM, l’une d’entre elles présentant effectivement des symptômes inquiétants, qui se sont effectivement avérés être ceux du Coronavirus. En bon état de santé général, le patient n’a ensuite non pas rejoint la caserne de Combani, mais bel et bien son domicile où il est évidemment soumis au confinement strict. « Nous nous sommes assurés que ses conditions de vie permettaient de rester confiné chez soi », a assuré Dominique Voynet, directrice de l’agence régionale de santé. « Comme tous les autres porteurs, nous suivons régulièrement cette personne », à propos de laquelle aucune information plus précise n’a été communiquée, si ce n’est qu’elle avait séjourné un mois aux Comores avant de regagner Mayotte. Autrement dit, c’est bien sur le sol des îles voisines que le Coronavirus a été contracté, alors que le gouvernement comorien assurait jusqu’alors que la maladie ne circulait pas dans le pays.

Mais, quid des autres voyageurs qui deviennent alors de potentiels cas contacts ? « Nous n’avons pas d’inquiétude particulière les concernant », a tempéré Dominique Voynet. « Ils portaient tous un masque au moment de monter dans l’avion. Mais cela n’exclue pas que d’autres personnes aient pu contracter la maladie aux Comores. » Ainsi, en plus du passage quotidien d’une infirmière entre les murs de la caserne militaire, d’autres médecins assureront le suivi des confinés. « Avec l’infectiologue et l’épidémiologiste de notre équipe, nous envisageons de tous les dépister d’ici la semaine, ce qui nous laisserait le temps d’avoir, potentiellement, de premiers cas positifs. », a commenté encore l’ARS. Auquel cas, aucun autre dépistage systématique n’aura lieu dans 14 jours, quand les rapatriés pourront regagner leurs domiciles.

Deux évacuations du RSMA en moins de 24 heures

Comme nous le dévoilions hier, un enfant âgé non pas de trois mais de quatre ans a effectivement été évacué par ambulance du RSMA mardi soir, alors qu’il était fiévreux et sembler présenter quelques difficultés respiratoires. Sa mère, également confinée dans la caserne de Combani n’avait alors pas pu l’accompagner jusqu’au CHM, où le garçonnet a pu retrouver son père, infirmier, avant d’être dépisté négativement et de regagner le domicile familial.

Un octogénaire atteint de maladie chronique grave a également quitté le RSMA mercredi matin après avoir été ausculté par un médecin. Cette personne, munie lors du débarquement de plusieurs attestions médicales faisant état du risque que pouvait représentait pour sa santé un confinement collectif, avait été contrôlée à l’aéroport et les médecins avaient estimé que son état n’allait pas à l’encontre de son transfert à Combani. Mais toutefois fragile, il a lui aussi, été prise en charge au CHM, sans y être toutefois dépisté puisque non fiévreux. L’homme a également été placé en confinement à domicile.

 

À Mayotte, les aidants familiaux ne veulent pas être oubliés

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Le confinement est un nouveau coup dur pour les aidants bénévoles qui aident un proche malade ou en perte d’autonomie à domicile. Et par les temps qui courent, la directrice de l’association départementale des aidants familiaux de Mayotte ne supporte plus le manque de reconnaissance à leur égard. Témoignage.

Depuis maintenant cinq ans, Hassanti Oumouri prend soin de sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Comme elle, ils sont plusieurs centaines de personnes à Mayotte, d’après ses propres estimations basées sur un grand carnet dans lequel elle note tous ses contacts. On les appelle les aidants familiaux : contrairement aux aidants professionnels, ou auxiliaires de vie, ces bénévoles sont généralement un proche désigné comme responsable d’un membre de leur famille malade, handicapé, ou en perte d’autonomie. Régulièrement, ils déplorent un manque d’accompagnement, de structure pour les décharger de temps en temps, et de reconnaissance. C’est d’ailleurs pour cette raison que la femme d’une cinquantaine d’années a décidé de créer l’association départementale des aidants familiaux de Mayotte (ADAFM), il y a maintenant trois ans, pour se soutenir les uns les autres et faire remonter leurs besoins. Mais aujourd’hui, Hassanti Oumouri l’assure : “la situation est encore pire qu’avant.”

En cause, bien sûr, le confinement, qui a déjà mis un point d’arrêt à leurs rencontres régulières. “Normalement, je vais souvent voir les autres aidants de Passamaïnty, de Vahibé, de Cavani, mais maintenant surtout pas ! On reste tous enfermés chez nous pour protéger notre proche malade”, décrit-elle. Ce qui n’empêche pas cette habitante de Passamaïnty de prendre régulièrement des nouvelles : “on se contacte chaque jour, parfois on s’appelle aussi par groupe de 5, je ne sais pas trop comment ça marche, mais l’un d’entre nous a réussi à faire ça”, raconte aussi la présidente de l’association, qui ne maîtrise pas beaucoup ces outils numériques. “Oui, c’est une vidéo, oui”, confirme-t-elle quand on lui décrit le dispositif de visioconférence. À défaut de pouvoir sortir prendre l’air, les aidants peuvent en tout cas, grâce à ce système, garder un peu le moral en ces temps d’isolement. Hassanti Oumouri compose aussi régulièrement les numéros dans son carnet d’adresses, pour “demander comment ça va, comment va la maman”.

Frappés par la crise de l’économie informelle

C’est donc tout naturellement vers elle que ces aidants bénévoles, sans formation et souvent démunis face aux besoins de soin de la personne malade, se tournent pour obtenir à leur tour de l’aide. Et les témoignages de détresse affluent de toutes parts, ces jours-ci. En effet, l’activité d’aidant n’est souvent pas compatible avec un emploi à plein temps, et la plupart profite de rares heures de liberté en temps normal pour “vendre des tomates, se faire un peu d’argent au bazar de Mamoudzou”, cite-t-elle par exemple. “Pour ma part, je suis une petite commerçante, d’habitude je vends quelques habits ici chez moi, je gagne parfois vingt euros par jour, parfois quarante.” Or confinement oblige, toutes ces activités ont été interrompues, et les aidants ne sont donc pas épargnés par la crise que connaît l’économie informelle de Mayotte. “Ils ne savent pas quoi donner à manger à leur proche ; moi de mon côté, je rationne un peu depuis le début pour ne pas manquer”, souligne Hassanti Oumouri.

S’il n’existe pas de statut officiel pour eux, normalement, ces proches aidants ont droit à une rémunération, ou plutôt une compensation calculée sur la base des heures passées. La personne aidée, si elle en a les moyens, ou si elle perçoit l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), ou la prestation de compensation du handicap (PCH), peut rémunérer le proche désigné. “C’est assez

variable, mais cela leur permet de toucher en moyenne 200 euros par mois”, estime Enrafati Djihadi, la directrice de l’union départementale des associations familiales (UDAF). Pourtant, d’après Hassanti Oumouri, les aidants mahorais sont nombreux à ne plus percevoir ce coup de pouce financier, et ce depuis un ou deux ans. En cause, un changement dans le dispositif du PCH. “Avant c’était le conseil départemental qui s’occupait des dossiers, et désormais, c’est aux aidants eux-mêmes de réunir les pièces pour obtenir cette compensation financière”, explique Enrafati Djihadi. Mais “la plupart des aidants ne savent ni lire ni écrire, alors quand on leur dit de courir partout pour faire des dossiers, ils finissent souvent par rester chez eux et se débrouillent par eux-mêmes”, soupire Hassanti Oumouri.

Des familles sans réponse

Face à cette situation, aujourd’hui aggravée par le confinement et l’impossibilité de récolter quelques euros à la sauvette, l’aidante familiale déplore donc le manque d’aides qui leur sont destinées. “Certains m’appellent pour me dire qu’ils n’arrivent à rien obtenir de la part des CCAS”, rapporte-t-elle. En cause, suppose Enrafati Djihadi, un certain embouteillage des aides alimentaires. Face à l’affluence, toutes les familles ne peuvent être traitées en même temps : “certaines personnes n’ont pas encore de réponse, car elles ne sont pas forcément connues, donc elles ne sont pas sur les listes du CCAS, ou leur situation n’est pas prioritaire, mais nous devons clarifier avec l’ensemble des acteurs quelles réponses apporter à ceux qui sont dans ce cas”, développe-t-elle. Au CCAS de Mamoudzou, on assure d’ailleurs qu’aucune demande n’a été rejetée, à proprement parler. “Il y a des travailleurs sociaux qui procèdent aux évaluations sociales au téléphone pour déterminer les aides à fournir, mais il n’y a pas de question d’éligibilité”, défend Anziza Daoud, la directrice. “Il y a déjà eu une distribution alimentaire, qui n’a certes pas pu suffire pour tout le monde, mais j’invite les personnes qui n’ont pas encore pu en bénéficier à se faire connaître pour les futures distributions”. Mais la directrice de l’association des aidants ne comprend pas, de son côté, pourquoi personne n’a pensé à la concerter en amont. “J’aimerais bien qu’on nous appelle ! Personne ne se préoccupe de notre cas, alors que beaucoup d’entre nous souffrent”, conclut-elle.

 

Confinement difficile pour les étudiants mahorais qui demandent à rentrer chez eux

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Le Collectif des citoyens de Mayotte a demandé aux autorités locales ainsi qu’à la ministre des Outre-Mer le rapatriement des étudiants mahorais se trouvant seuls en métropole et à La Réunion, pendant le confinement. Les principaux concernés redoutent l’approche du mois de ramadan qu’ils devront passer loin de leurs proches.

“On a envie de rentrer chez nous, d’aller voir nos familles et de passer le ramadan avec elles.” Fayza Houmadi n’est pas un cas isolé. Cette étudiante, également présidente de l’association des étudiants mahorais de Montpellier, redoute l‘approche du ramadan. Le confinement est une période difficile, particulièrement pour les étudiants mahorais qui se retrouvent seuls dans des résidences universitaires souvent vidées de leurs occupants. Jusqu’alors ils se sont pliés aux consignes comme tout le monde, mais le ramadan débutera dans quelques jours et cette période de partage risque d’être mal vécue par les étudiants mahorais isolés. “C’est un moment qu’on aime passer en famille. Ici on s’arrange pour rester entre amis, mais même cela ne sera plus possible. J’appréhende un peu”, confesse Fayza.

C’est la raison pour laquelle le Collectif des citoyens de Mayotte a demandé, dans une lettre ouverte, au préfet, au président du conseil départemental et à la ministre des Outre-mer, le rapatriement des étudiants mahorais isolés en métropole et à La Réunion. Ces étudiants seraient “actuellement confinés dans la plus grande détresse. Beaucoup subissent une solitude, un stress alarmant dont nous craignons les conséquences psychologiques qu’un ramadan isolé pourrait aggraver”, indique le collectif. Il demande que l’aide annoncée par le président de la République aux étudiants ultramarins soit utilisée pour ramener les étudiants chez eux. Ces derniers observeraient une quatorzaine “sur leur île natale avant de rejoindre leur foyer”, précise le Collectif des citoyens de Mayotte.

Cependant, cette hypothèse n’est pas soutenue par tous. Nour, étudiant mahorais à Valenciennes pense que le rapatriement est une fausse bonne idée. “C’est une bombe sanitaire qu’on enverra à Mayotte si le projet se concrétise. Il suffit qu’une personne soit contaminée dans l’avion pour que le virus se propage. Et même si on les met en quatorzaine, je ne pense pas que Mayotte ait les capacités de confiner des milliers ou même des centaines d’étudiants en même temps.”

Un confinement qui augmente les dépenses des étudiants

L’isolement n’est pas l’unique souci que rencontrent ces étudiants mahorais. Le confinement a généré des dépenses supplémentaires souvent inattendues. “Pour assurer la continuité pédagogique, j’ai dû acheter un ordinateur parce que je n’en n’avais pas et j’utilisais ceux de l’université. C’est une dépense qui m’a mise dans le rouge mais je n’avais pas le choix”, témoigne Haithia, étudiante à Toulouse. Cette Mahoraise est arrivée en métropole en septembre 2019. Elle a dû s’adapter au changement auquel font face tous les étudiants mahorais, mais le confinement ne lui facilite pas la tâche. “Je ne pensais pas passer ma première année ici comme ça. Le confinement a un peu tout chamboulé mais heureusement je reste proche de ma famille à Mayotte.” Et elle ne peut compter que sur un soutien psychologique puisque sa famille est dans l’incapacité de l’aider financièrement. La jeune fille doit donc se débrouiller avec une bourse de 300€ par mois. “Cela ne suffit plus parce que je fais beaucoup plus de courses. Avant, il me suffisait de 50€ par mois, maintenant le prix de mon panier a doublé”, explique-t-elle. Même constat chez Nour, qui a dû également investir afin de ne pas perturber son année scolaire. “J’ai acheté une imprimante pour les documents nécessaires. Avant je le faisais à la fac. Mes charges ont également augmenté puisque je suis tout le temps à la maison.”

Les bourses ont été versées plus tôt que prévu ce mois-ci, et tous en sont reconnaissants. Mais ils savent que cela n’est pas la solution à tous leurs problèmes. Quant aux étudiants non boursiers, leur situation est plus précaire car beaucoup exerçaient un job étudiant pour subvenir à leurs besoins. Ils se retrouvent aujourd’hui sans ressources, mais doivent continuer à payer leurs charges. “Le Crous a décidé que les étudiants qui ont quitté leur logement universitaire pour rejoindre leurs proches n’ont pas à payer le loyer. Mais qu’en est-il des ultramarins comme nous qui n’avons pas de famille et qui sommes obligés de rester dans nos chambres universitaires ?”, s’interroge la présidente de l’association des étudiants mahorais de Montpellier. Une question légitime quand on sait que le confinement met à mal de nombreux parents qui se retrouvent au chômage et qui sont dans l’incapacité d’aider leurs enfants.

 

À Mayotte, un ramadan confiné

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La question était dans l’esprit de tous : comment se déroulerait le ramadan en cette période de confinement ? Les préconisations du conseil cadial sont tombées hier. Et priorité absolue est donnée aux règles actuellement en vigueur. En conséquence, c’est un ramadan confiné qui débutera le 23 avril prochain.

“Nous espérons désormais pouvoir être réunis pour l’Aïd”, confie Younoussa Abaine, à la tête de la direction départementale de la cohésion sociale. Car pour célébrer la fin du ramadan, “les cadis dans les communes sont priés d’observer la lune. Les prières en groupe ne seront pas accomplies si jamais le confinement est maintenu”. En cause : le confinement national prolongé jusqu’au 11 mai, comme annoncé lundi soir par le président de la République, Emmanuel Macron, et qui a des répercussions sur le ramadan, qui débute cette année le 23 avril.

Dans les faits, donc, il n’y aura pas d’aménagement du confinement durant ce mois sacré pour les musulmans. C’est ce qu’a préconisé, hier, le conseil cadial. “Le respect du confinement est le seul moyen d’en sortir vite”, explique-t-il, précisant que la fermeture des mosquées et l’interdiction des prières en groupe demeuraient valables jusqu’à la levée de la réglementation en vigueur par les autorités. “Néanmoins, il est primordial de rappeler aux fidèles les vertus des prières à la maison en famille. La prière dite Tarawih, spécifique au mois du ramadan, très assistée par les fidèles, n’est en aucun cas obligatoire. Elle peut être accomplie individuellement à la maison”, précise-t-il.

Quant aux traditionnels foutaris, il faudra également s’en passer, ou en tout cas les pratiquer de manière extrêmement raisonnée. “Les attroupements dus aux invitations pour la rupture du jeûne, que ce soit sur le plan familial ou villageois, sont proscrits. La rupture du jeûne doit se limiter aux noyaux nucléaires de la famille”, préconisent les autorités religieuses.

Les questions que se posaient les fidèles trouvent donc une réponse, une dizaine de jours après la constitution par le préfet d’un groupe de réflexion sur le sujet. Jean-François Colombet l’expliquait dans un entretien qu’il nous avait alors accordé : “Cette période est extrêmement importante pour ceux qui pratiquent le culte que nous retrouvons majoritairement à Mayotte. Or, nous avons une équation à résoudre : une pratique du ramadan égale à une non-prolifération du Covid-19. (…) Je compte faire appel à des responsables comme les parlementaires, quelques maires, le grand cadi, etc. En somme, des personnes qui pourront réfléchir au sujet et formuler (…) des propositions pour répondre à cette question : comment conjuguer la fête du ramadan et la protection individuelle de chacun contre le virus ?”

La question de l’approvisionnement

Autre point d’importance : celui des attroupements de population lorsqu’il faut se ravitailler. On le sait, période de partage oblige, les foutaris proposent des tables aux mets nombreux et en grosse quantité. En ce sens, le conseil cadial invite les autorités municipales à “organiser des marchés dans les communes durant les week-ends, pour permettre aux habitants de s’approvisionner en produits locaux, bien prisés pendant le ramadan”.

Enfin, en ce qui concerne l’entraide aux plus défavorisés, “les associations caritatives musulmanes et les associations partenaires sont autorisées à collecter et distribuer des colis alimentaires pour le mois de ramadan, afin de faciliter le jeûne aux personnes démunies et sans ressources.” Des associations qui peuvent également “anticiper la distribution de la zakat, troisième pilier de l’islam, et l’étaler sur le long du mois du ramadan.”

 

Mayotte Hebdo de la semaine

Mayotte Hebdo n°1116

Le journal des jeunes