En 2017, les Gardiens du littoral H.A.R avaient repris leur activité de pré-collecte des déchets dans des secteurs éloignés des services publics et notamment sur les hauteurs de Koungou, en novembre dernier. Des opérations – financées sur leurs propres fonds – qui n’ont pas pu être réitérées, faute de financements. L’association en appelle au soutien des collectivités locales.
Afin de stopper le déversement de tonnes de détritus venant encombrer les mangroves, centre-ville, égouts et même lagon (a fortiori en cas de pluie) – quand ils ne sont pas enfouis par les habitants –, plusieurs associations comme Les Naturalistes, Mayotte nature environnement ou les Gardiens du littoral ont décidé de réagir. Ces derniers avaient lancé la pré-collecte des ordures ménagères dans le quartier de Kawéni en juillet 2017. L’idée : aller dans les zones inaccessibles aux services publics pour récupérer les ordures vouées à l’oubli.
Pendant près de cinq mois, cinq à six personnes ont ainsi été mobilisées sur le terrain pour un budget total estimé à 30.000 euros, puisé dans les fonds propres de l’association. Depuis le 26 novembre dernier, ils avaient repris cette activité de pré-collecte, cette fois-ci sur les hauteurs de Koungou, inaccessibles aux véhicules standards. La quantité d’ordures ménagères avoisinait alors les 93.000 kilos. « Nous avons investi près de 10.000 euros de fonds propres pour reprendre cette action quotidienne, [alors que] notre association vit uniquement de l’activité de ses bénévoles et de l’apport de ses partenaires« , explique la structure. Un travail qui a représenté plus de 1.500 heures de bénévolat.
Des actions continues de nettoyage, surveillance, sensibilisation, médiation et prévention auprès des citoyens qui n’ont pas eu l’effet escompté. Malgré l’apport évident de l’association dans le cadre d’une mission d’intérêt général et pour améliorer la protection du patrimoine naturel, celle-ci n’a reçu aucun soutien financier des institutions jusqu’à maintenant, et se voit donc dans « l’incapacité de poursuivre » son action. « Sa bonne réalisation nécessite des moyens indispensables : l’entretien et les réparations de notre véhicule 4×4, la location d’un camion, les frais de carburant, les équipements et les protections individuels, les outils de ramassage, la location d’un local, plus de personnes ou encore la restauration de nos équipes…« , assurent les Gardiens du littoral.
Vers une gouvernance partagée ?
Pourtant, ce service est un atout puisqu’il permet de diminuer considérablement les actes inciviques et les dépôts sauvages, coûteux pour la collectivité. Il offre également de nombreuses perspectives de tri et de valorisation. En outre, le projet de pré-collecte répond « pleinement » aux enjeux du Contrat de plan État-région 2015-2020 en termes de gestion et de valorisation des déchets (renforcer l’efficacité des systèmes de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés en vue d’endiguer la pollution croissante liée aux flux de déchets, garantir la préservation du patrimoine naturel de l’île et s’inscrire dans une stratégie d’économie circulaire).
« Notre objectif a toujours été de parvenir à une gestion saine et durable de notre environnement et de nos espaces naturels en faveur de la valorisation du territoire de Mayotte. La propreté des espaces est également un élément important du vivre-ensemble, du bien-être collectif et de la cohésion sociale« , affirme l’association.
Bien « consciente » qu’avec l’arrêt de la pré-collecte, les « mauvaiseshabitudes » risquent de reprendre le dessus, l’association souhaiterait élaborer et mettre en œuvre un projet territorial en inscrivant leur engagement dans un système de gouvernance partagée et/ou un système participatif impliquant les différents partenaires.
Les habitants appelés à participer
Une proposition qui pourrait faire mouche auprès du Syndicat intercommunal d’élimination et de valorisation des déchets de Mayotte (Sidevam976). « Moi, personnellement, je n’ai pas de visibilité sur ce projet. Néanmoins, pour les demandes concernant les ordures ménagères, nous répondons présents, soit financièrement, soit par l’apport du matériel et des camions. Toute initiative qui peut et pourra nettoyer le territoire mahorais est une bonne initiative« , souligne Madi Saïd, vice-président du Sidevam. Et d’ajouter qu' »il faut toutefois le faire intelligemment. L’idéal est de se mettre en collaboration avec nous et de mutualiser nos forces. J’encourage et je félicite ces initiatives mais elles ne sont pas toujours très bien organisées« .
En outre, les Gardiens du littoral appellent « chaque acteur » à contribuer à ces actions sociales et environnementales. Pour les aider, une cagnotte a donc été lancée sur Leetchi (https://www.leetchi.com/c/1-pour-lenvironnement). « Un changement est primordial pour construire ensemble des réponses adaptées aux besoins du territoire« , confirme l’association.
La résilience des entrepreneurs de Mayotte n’est plus à prouver. Malgré un climat économique durement marqué par un mouvement social d’ampleur en début d’année dernière, les chefs d’entreprise ont continué à créer, à investir, à innover. Le conseil départemental a accompagné 30 d’entre eux, pour un soutien financier total de 660.000 euros. Explications.
Les porteurs de projets ont passé de dures sélections, mais les sourires radieux et les applaudissements au sein de l’hémicycle du conseil départemental ont dit mardi la satisfaction de voir l’économie mahoraise avancer, malgré les évidentes difficultés structurelles auxquelles s’est ajouté cette année un mouvement social paralysant. En effet, une trentaine de porteurs de projets étaient conviés hier par le Département à une cérémonie de signature des premières conventions d’attribution d’aides économiques départementales. Ainsi, plus de 662.000 euros ont-ils été octroyés à 30 entreprises, sur le million d’euros prévu par l’enveloppe initiale. Ces fonds – dédiés à l’investissement, mais également à l’accompagnement en particulier des femmes et des jeunes entrepreneurs – ont permis de créer ou de maintenir des emplois (35 emplois existants et 28 créations) dans divers domaines, notamment la santé, les services, l’hôtellerie-restauration et les loisirs. Pêle-mêle, on peut citer une maison de santé, des salons de beauté, des chambres d’hôtes et des restaurants, un garage, des pharmacies, une boulangerie, des services de location de jet-ski, de bateau, un data center (voir encadré), etc.
Sélection naturelle
L’Agence de développement et d’innovation de Mayotte (Adim), qui a assuré l’orientation et l’accompagnement des porteurs de projets, a reçu 360 visites en 2018, a indiqué son président Ben Issa Ousséni. Certains entrepreneurs toquaient à la porte suite au mouvement social, mais repartaient déçus, car « l’octroi de subventions de fonctionnement [par le Département] est interdit« . Et ceux dont les demandes excédaient 50.000 euros ont été redirigés vers les fonds européens. Mais nombre de porteurs de projets ont pu bénéficier d’une aide du conseil départemental – et parfois en sus de l’obtention d’autres fonds, notamment européens. La sélection s’est faite « naturellement« , a expliqué Ben Issa Ousséni : un premier écrémage du fait du caractère incomplet de certains dossiers (absence de bilans validés par un expert-comptable, de cotisations à jour, etc.) ; un second lors de la défense de la viabilité du projet économique devant un jury composé de l’Adim, du Département et de la CCI. Mais « toutes les personnes qui ont passé ces sélections » avec succès se sont vues attribuer des aides allant de 3.000 à 50.000 euros. Cette « sélection naturelle » explique que l’ensemble des fonds n’aient pas été intégralement consommé. Le solde du million prévu – près de 340.000 euros, donc – a été reversé au budget général du conseil départemental. L’année prochaine, l’opération sera renouvelée. Et si une sélection plus dure doit s’opérer, des secteurs prioritaires seront définis. Le président de l’Adim suppose que le nombre de demandes ne peut qu’augmenter « car les entreprises ont compris qu’on les aidait« .
Jeudi, en milieu d’après-midi, un détenu d’une trentaine d’années, incarcéré pour des délits mineurs, est parvenu à s’évader alors qu’il effectuait un travail de ménage en extérieur. Il ne lui restait que quelques mois de détention à purger.
« Nous n’arrivons pas trop à comprendre. Il a dû avoir un flash, un déclic sur le moment, et regrette probablement son geste aujourd’hui », analyse le chef d’escadron François Bisquert, commandant de la gendarmerie de Mayotte. Jeudi, aux alentours de 15h30, un détenu de 27 ans incarcéré au centre pénitentiaire de Majicavo s’est échappé alors qu’il effectuait des travaux de ménage. Sorti quelques minutes avec un surveillant aux abords extérieurs de l’enceinte de la prison pour vider des poubelles, il aurait, selon toute vraisemblance, profité d’un moment d’inattention de l’agent pénitentiaire pour prendre la fuite en courant. L’alerte a immédiatement été donnée, et les différents « plans de recherche » de la gendarmerie (avis de recherche avec descriptif physique et habillement, passage en revue de l’entourage et des anciens domiciles connus…) ont été activés pour retrouver sa trace. Des patrouilles piétonnes, des contrôles routiers et une section aérienne ont été déployés et un dispositif d’une quinzaine de personnes – le détachement spécial d’intervention (DSI) des gendarmes mobiles de Koungou – a été mobilisé jusqu’en début de soirée pour retrouver le fugitif. Pour l’heure, les recherches n’ont rien donné.
Trois ans de prison supplémentaires encourus
L’homme, qui purgeait une « petite peine » à Majicavo, était notamment connu de la justice pour des vols avec effraction. S’étant « relativement bien comporté » depuis le début de son incarcération, il n’avait plus que « trois ou quatre mois » de détention à effectuer. D’où l’étonnement des forces de l’ordre. C’est d’ailleurs précisément en raison de son bon comportement et au regard de sa faible dangerosité que l’administration pénitentiaire avait accepté de lui confier le travail en extérieur qui lui a finalement fourni l’occasion de s’échapper. Sa cavale risque cependant d’alourdir considérablement sa note, si le détenu est repris. En effet, pour le délit d’évasion « simple » – commis sans violence, effraction ou corruption – il encourt désormais une peine de trois ans de prison et 45.000 euros d’amende (article 434-27 du code pénal). Bien plus donc que les quelques mois qu’il lui restait à purger. En outre, « il s’agit d’un Français, pas d’un ESI [Étranger en situation irrégulière ndlr] », précise le chef d’escadron Bisquert. Dès lors, il ne pourra pas voyager aussi facilement qu’un M’déré* s’il souhaite aller se cacher dans les îles voisines. Inscrit au Fichier des Personnes Recherchées (FPR), toute tentative de quitter Mayotte par les voies normales et légales lui est par ailleurs impossible.
*L’Anjouanais Abderemane Nassur, dit M’déré, a été appréhendé en décembre dernier à l’issue d’une cavale de deux ans au cours de laquelle il avait effectué plusieurs allers-retours entre Mayotte et Anjouan.
Après des années de location, le Conseil départemental va acquérir un nouveau bâtiment dans le 16ème arrondissement de Paris pour la Délégation de Mayotte. Un achat sur les fonds propres de la collectivité qui a vocation à devenir une adresse prisée pour l’ensemble des acteurs mahorais mais aussi pour ceux qui s’intéressent à l’île aux parfums.
La Délégation de Mayotte à Paris devrait, sauf grand retournement de situation, acquérir un ancien hôtel particulier, établi sur trois étages, du 16ème arrondissement pour y installer son quartier général. Soihabadine Ibrahim Ramadani, le président du conseil départemental, réunit les élus lundi 4 février pour sa validation en commission permanente. Le montant de la transaction du bien immobilier s’élèverait à 10.9 millions d’euros, auquel il faudrait ajouter 752.300 euros de frais de notaires, 327.000 euros d’honoraires de commercialisation et environ 60.000 euros de travaux d’aménagement. En cas d’avis favorable, la promesse de vente pourrait être actée mi-février, suivie le mois suivant par l’acte de vente. L’institution pourrait alors y emménager pour le début de l’été et prévoir une inauguration pour la rentrée de 2019.
Des loyers pouvant grimper jusqu’à 140.000 euros par an
Si le montant peut paraître exorbitant pour un bâtiment situé à huit mille kilomètres de l’île aux parfums, « cette acquisition rentre dans la logique de la mise en œuvre du plan de la mandature 2015-2021 [du Département] qui consiste à devenir propriétaire », confie Mohamed Zoubert, délégué de Mayotte à Paris. En effet, les locations successives des trois dernières décennies représentent un coût non négligeable. « Entre 2003 et 2013, nous avions un loyer annuel d’environ 140.000 euros pour un local sur l’avenue de l’Opéra. Depuis, nous avons déménagé rue d’Hauteville contre 90.000 euros. » Ces chiffres peuvent bien évidemment faire tourner la tête… Toutefois, les finances de la collectivité semblent loin d’être dans le rouge, à en croire ses propos : « les heures sombres sont derrières nous ! »
Une vitrine pour Mayotte
La bâtisse de 689 mètres carrés doit permettre d’offrir une plateforme unique à l’ensemble des acteurs mahorais qui se déplacent à Paris, comme les entreprises, les associations, les établissements publics ou encore les collectivités territoriales… « L’idée est de faire du lobbying, d’être présent sur tous les dossiers et de séduire des investisseurs mais aussi des ingénieurs et des médecins mahorais exerçant en métropole », explique Mohamed Zoubert. Dans ce sens, des conférences, des expositions et des rencontres pourraient y être organisées dans l’espoir de contribuer toujours davantage à l’amélioration de l’image et du territoire de Mayotte. Le Département pourrait également décider d’y créer une pépinière d’entreprises à destination des étudiants exilés, souhaitant se lancer dans l’entrepreneuriat. Une vingtaine d’agents de la Délégation de Mayotte à Paris intégrerait cette nouvelle vitrine, dont les missions tourneraient autour de l’Europe, l’économie, le social, l’insertion et la formation.
Encadré : Qu’est-ce que la Délégation de Mayotte à Paris ?
Depuis 1989, le Conseil départemental dispose d’une représentation à Paris. La Délégation de Mayotte, un service créé en 2003 et rattaché à l’administration générale, a repris, en partie, les activités de l’ancienne Maison de Mayotte à Paris, une association loi 1901, qui assurait une mission de service public dans les domaines scolaire, universitaire, sanitaire et social, en faveur des Mahorais qui vivaient en France hexagonale ou qui y étaient de passage. Cette évolution résulte de la mutation institutionnelle, en d’autres termes de la décentralisation de 2004, et des défis socio-économiques à relever pour le 101ème département.
Par quelques communiqués de presse rapprochés dans le temps, la préfecture a remis au goût du jour la problématique de la contamination de certaines tomates produites à Mayotte au dimethoate, un pesticide interdit en France. À tel point qu’elles ont presque disparu des étals.
Dans l’affaire des tomates mahoraises dont certaines sont contaminées au dimethoate, il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que le taux de contamination à cet insecticide a diminué depuis 2017, date des premières analyses poussées menées par la Direction de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt (Daaf) à Mayotte sur les tomates produites localement. La mauvaise, c’est que ce taux reste 17 fois supérieur à la norme autorisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – contre 27 fois en 2017. Et que le volume de tomates contaminées sur le territoire reste inconnu des autorités.
Interdit en France depuis avril 2016, le dimethoate est toutefois autorisé dans d’autres pays de la zone océan Indien, tels que les Comores et Madagascar. On peut ainsi supposer que le produit pulvérisé sur les tomates de Mayotte proviendrait par des voies illégales de contrées voisines. Cet insecticide, créé en 1948, est un « puissant toxique du système nerveux, agissant par l’intermédiaire de son passage aisé de la barrière cutanée et des muqueuses respiratoires« , indique l’Agence régionale de santé soulignant que l’arrêté pris le 15 janvier dernier par la préfecture de Mayotte était « [justifié]« . Cet arrêté met sous surveillance renforcée la commercialisation des tomates dans le département et ce, pour 150 jours. Durant cette période, les contrôles sont intensifiés et « quiconque propose des tomates à la vente doit pouvoir justifier de l’origine et de la provenance du lot par une facture d’achat, un bon de livraison ou tout document permettant d’identifier la provenance » des fruits, prévient la préfecture. Depuis la prise de cet arrêté, plus de 200 kilos de tomates ont été saisis puis détruits et des amendes de 450 euros pour défaut de traçabilité ont également été dressées à l’encontre de certains vendeurs qui peuvent, dans certains cas, être convoqués à la Direction du Travail (Dieccte).
Tomates orphelines
Ainsi les contrôles se multiplient-ils comme ce lundi matin au marché couvert de Mamoudzou, alors que la plupart des tomates ont mystérieusement disparu des étals. Dans le calme, les agents de la Dieccte fouillent méticuleusement chaque carton, soulèvent fruits et légumes, demandent aux propriétaires des stands de se manifester. Seul un étal sans propriétaire propose encore des tomates. Lorsque la vendeuse à qui appartient la patente arrive au marché, interrogée par les agents de la Dieccte, elle s’insurge : « Ce ne sont pas mes tomates, on les a mises chez moi mais ce ne sont pas les miennes« .
En tout cas, aucun document officiel pour ces tomates orphelines, qui sont saisies, comme celles retrouvées derrière un étal dans un immense sachet plastique (voir photo). Cette quinzaine de kilos de produits non identifiés sera confisquée par la Dieccte ce matin-là, pour destruction. « Il ne s’agit pas d’interdire la vente mais de pouvoir savoir d’où viennent les tomates« , explique David Touzel, de la Direction du Travail. Or, déplore le fonctionnaire, aucun des marchands de fruits et légumes contrôlés la semaine dernière n’a été en mesure de lui fournir des documents attestant de la provenance des produits vendus.
L’omerta sur la provenance des produits
Un problème de traçabilité davantage prégnant lorsqu’il s’agit des vendeurs de bords de routes, particulièrement visés par les mesures en cours. En effet, la préfecture a noté que toutes les tomates testées par la Daaf avaient été traitées au dimethoate, hormis celles du marché de Mamoudzou, des coopératives agricoles et des supermarchés. Or, dans le cas des vendeurs de bords de routes, l’affaire se complique. Tout d’abord, « la personne qui a la patente (lorsque celle-ci existe, ndlr) n’est pas forcément celle qui exerce » et il n’est pas certain « que les produits vendus [soient] bien ceux qui doivent être vendus« , explique le directeur de cabinet du préfet. En outre, beaucoup de ces vendeurs « sont en situation irrégulière sur le territoire« , renchérit David Touzel, de la Direction du Travail, et s’approvisionnent via des réseaux informels. « Quand on leur demande, [les vendeurs] ne veulent pas nous dire d’où proviennent les tomates« , confie un agent de la Dieccte. Il appartient aux communes, via la police des marchés, de veiller à ce que la réglementation en matière de commerce de bord de routes soit respectée (autorisation de vente, redevance, etc.). Cependant, sur des enjeux de santé publique, l’État peut reprendre la main et mettre en place des contrôles spécifiques, comme c’est l’objet de l’arrêté récemment pris.
La préfecture incite en parallèle les consommateurs à la plus grande vigilance lorsqu’ils achètent leurs tomates car une « situation de danger pour la santé » existe. « La qualité a un coût, sans doute« , avertit le directeur de cabinet du préfet qui met en garde contre des tomates peu chères et qui seraient vendues dans des conditions ne permettant d’établir la traçabilité des fruits.
Ce mardi matin, plusieurs points stratégiques de l’île ont connu des blocages en raison de barrages érigés par des jeunes, qui réclament des abris de bus pour se protéger de la pluie. Les gendarmes ont utilisé des grenades lacrymogènes pour disperser les foules et rétablir la circulation en direction de Mamoudzou. Le mobilier urbain a subi de nombreux dégâts et quelques blessés sont à déplorer.
Un épais écran de fumée noire s’échappe dans le ciel. Le pont reliant Tsoundzou I et II est inaccessible. Jonché sur le sol, un arbre empêche toute forme de circulation en direction de Mamoudzou et impose à une ribambelle de véhicules de stationner sur le bas-côté. Tout commence à 4h du matin au rond-point de Tsararano lorsqu’une poignée de lycéens décide d’ériger un barrage aux abords de leur établissement. Leur revendication : la construction immédiate d’un abri de bus pour se protéger en temps de pluie. « Certaines mamans ont aussi rejoint ce groupe pour politiser les manifestations », confie Ambdi Jouwaou, le maire de Dembéni, qui a répondu favorablement à l’entrevue exigée par les jeunes. Le mouvement prend rapidement de l’ampleur et se déplace jusqu’à Passamaïnty. Un blocage se forme à l’aide de matériaux de chantier et empêche l’entrée et la sortie dans la commune. « Je suis coincé depuis deux heures… Pour aujourd’hui, se rendre au boulot semble compromis », explique un conducteur lucide vers 8h. Dans un lotissement SIM, le gardien convie même les habitants à ne pas s’aventurer à l’extérieur pour éviter une déconvenue.
Grenades lacrymogènes et caillassages
Les affrontements entre la jeunesse et les forces de l’ordre se durcissent au fil des minutes. Soixante-dix militaires et cinquante policiers se prêtent main forte. Une pluie de grenades lacrymogènes s’abat pour répondre aux divers caillassages. L’air devient alors irrespirable et les yeux se mettent à piquer. La panique gagne du terrain et les déplacements se multiplient dans tous les sens. Aux alentours de 9h, la gendarmerie décide d’envoyer deux pelotons lourdement équipés pour reprendre le contrôle de la situation. Sur Tsoundzou I, du matériel urbain est détérioré. Éparpillés en nombre sur la route principale, les pavés obligent les automobilistes à manœuvrer avec précision. Un peu plus loin, deux poubelles, en combustion quelques secondes auparavant, laissent une empreinte sur le sol.
Peu avant midi, le calme revient après plusieurs heures de chaos sur la circonscription de Mamoudzou, mais « des actions éparses d’harcèlement se déroulent toujours sur la RN2 à Tsararano pour nous faire courir », souligne le colonel Leclercq. Les dégâts matériels sont nombreux, comme en témoignent les stigmates visibles sur la route. Du côté des effectifs, sept policiers ont été blessés dans le feu de l’action et un gendarme a été évacué vers le centre hospitalier de Mayotte. « Il n’y a pas eu d’interpellations, car le but était de rétablir la circulation », détaille le commandant Cosseron. « L’enquête est en cours pour identifier les meneurs. »
Le sénateur et vice-président du Sénat, Thani Mohamed Soilihi, présentait mardi ses travaux sur l’évolution institutionnelle du département de Mayotte dans l’hémicycle Younoussa Bamana au conseil départemental. Il souhaite ériger Mayotte en département-région ce qui instaurerait notamment un scrutin de liste à deux tours et un haut conseil cadial.
« 1 département + 1 région = 1 collectivité unique qui s’engage à vos côtés« . Une volonté souhaitée par le sénateur Thani Mohamed Soilihi et sa proposition de loi ordinaire relative au département-région de Mayotte déposée le 21 janvier dernier au Sénat. « Je suis fier de ce moment qui marque un travail commun réussi. Notre collectivité a besoin d’une évolution institutionnelle et il me semble que cela doit passer par la transformation de Mayotte en département-région« , a-t-il expliqué. Selon lui, cette loi pourrait aider les collectivités à relever les difficultés particulières que rencontre le département du fait de sa situation géographique, de ses problèmes économiques et sociaux et de la saturation de ses services publics grâce notamment à des dotations bien plus élevées qu’actuellement. « Pour le moment, Mayotte montre ses limites. Nous sommes une des régions les plus arriérées d’Europe. Si nous passons en département-région, il sera possible pour le territoire de se développer de manière conséquente« , a souligné Soibahadine Ibrahim Ramadani, président du conseil départemental.
Pour le sénateur, il s’agit donc d’ériger Mayotte en département-région afin de répondre à la « situation paradoxale » pointée du doigt par les acteurs locaux. En effet, Mayotte est une collectivité unique exerçant des compétences à la fois départementales et régionales. Or, le territoire ne reçoit pas toutes les dotations qu’il devrait en tant que région. « Clarifier la situation de chaque institution est primordial« , a affirmé le président du Département. Pour ce faire, le département-région succéderait au département pour pouvoir exercer les compétences attribuées à un département d’outre-mer et à une région d’outre-mer, tout en demeurant une collectivité territoriale.
Une « assemblée de Mayotte«
Un changement de statut du territoire qui pourrait également se concrétiser par le changement du mode de scrutin. Mayotte se rapprocherait alors de la situation institutionnelle de la Guyane et de la Martinique, mais aussi de celle de la Corse. En effet, cette évolution induirait la fin du mode de scrutin caractéristique des départements – le scrutin binominal paritaire à deux tours dans 13 cantons – et instaurerait un scrutin de liste à deux tours, avec une représentation proportionnelle, et une prime pour la liste arrivée en tête dans une circonscription unique divisée en 13 sections. Le département-région s’administrerait par un conseil élu de 51 membres, soit quatre élus par canton*, réunis en « assemblée de Mayotte » afin d’élire l’exécutif de la collectivité. L’assemblée serait assistée d’un « conseil économique, social, environnemental de la culture et de l’éducation« .
« Pour tenir compte des spécificités de Mayotte, la collectivité serait dotée d’autres organes« , a annoncé Thani Mohamed Soilihi dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi. Il espère principalement la constitution d’un « Haut conseil cadial » qui aurait une mission générale de médiation dans les affaires sociales de la vie mahoraise. « L’islam est consubstantiel à la culture de Mayotte. Nous souhaitons le mettre dans le marbre. C’est une instance représentative au-delà du territoire« , a confirmé Soibahadine Ibrahim Ramadani.
« Clarifier la situation du port«
En outre, compte tenu de l’importance « particulière » du port de Longoni et des enjeux du développement économique et de l’aménagement du territoire de l’île, il serait institué un établissement public de l’État, appelé « grand port maritime de Mayotte« . Le sénateur veut également constituer un établissement public d’organisation et de gestion du transport des personnes et des marchandises entre la Grande-Terre et la Petite-Terre. « Il n’y a pas encore d’échéance prévue pour le port. Les choses sont problématiques au port. Tout d’abord, nous aimerions engager des discussions avec chacun des acteurs présents au port« , a déclaré le parlementaire.
Quant aux finances, leur régime serait aussi largement calqué sur celui des collectivités comparables. Toutefois, Thani Mohamed Soilihi sollicite l’État afin qu’il verse une dotation globale exceptionnelle dite « de rattrapage » de 90 millions d’euros par an. En 2017, le département avait reçu 800.000 euros de dotation. « C’était un début mais l’État doit prendre conscience que nous devons évoluer« , a soutenu le sénateur de Mayotte.
Enfin, le président du conseil départemental a rappelé que l’État exercerait les compétences en matière de routes nationales et de construction des collèges et lycées. L’entrée en vigueur de cette loi est prévue à compter de la première réunion de l’assemblée de Mayotte suivant sa première élection en mars 2021.
Le vice-rectorat de Mayotte a fait le choix de mettre l’accent sur le développement du numérique éducatif dans le premier et le second degré. Lundi, le service de l’État et le GEMTIC ont donc signé une convention de partenariat à la CCI de Mamoudzou. Une première action sera menée du 15 au 19 avril prochains avec « la semaine du numérique« .
« C’est un cheval de bataille pour le gouvernement« , a assuré Stephan Martens, vice-recteur de Mayotte lors de la signature d’un partenariat, lundi, avec le président du Groupement des entreprises Mahoraises des technologies de l’information et de la communication (GEMTIC), Feyçoil Mouhoussoune, à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Mayotte. Depuis quelques années, différents plans numériques ont été élaborés pour permettre de développer l’informatique dans les établissements scolaires. Ce partenariat est la « continuité » du travail déjà réalisé. « Il est important que les jeunes Mahorais s’approprient le numérique pour qu’ils puissent plus facilement s’ouvrir à l’environnement régional mais aussi mondial« , a expliqué le vice-recteur.
Selon lui, le numérique est un levier permettant de réduire les inégalités entre les élèves, faciliter leur insertion ou encore modifier les pratiques pédagogiques et répondre aux différents défis du territoire. En effet, à Mayotte, le débit internet reste trop faible pour subvenir aux besoins administratifs et pédagogiques liés à l’utilisation du numérique. De plus, les équipements numériques, en dehors des ordinateurs, sont encore trop peu répandus dans les établissements. Enfin, les ressources humaines sont insuffisantes puisque, encore aujourd’hui, les enseignants titulaires et les formateurs ne sont pas encore habitués aux divers usages du numérique éducatif. Mais le vice-recteur a annoncé que « d’ici 2020« , les enseignants pourront passer un CAPES informatique*.
Outre cette nouvelle formation à destination des enseignants, une action autour du numérique aura lieu du 15 au 19 avril prochains dans les locaux de la MJC de Kawéni – dotée du haut débit – pour promouvoir les nouvelles pratiques pédagogiques mais également de nouveaux métiers porteurs d’emploi. « Rassembler les jeunes sur des réflexions liées à des problématiques concrètes, c’est le but de cette semaine. Les jeunes doivent avancer avec l’informatique, c’est notre époque« , a affirmé Stephan Martens. Plusieurs partenaires sont déjà connus comme STOI, la ville de Mamoudzou ou encore Orange.
Lors de cette semaine, des formations pédagogiques et des présentations des entreprises du numérique seront au programme pour démontrer aux jeunes que les métiers du numérique ne sont pas « uniquement » réservés à une élite ou à certains domaines de compétences. « Nous avons beaucoup de mal à recruter sur le territoire. Il faut leur faire prendre conscience de leurs compétences en la matière et qu’il y a du travail pour eux« , a confirmé Feyçoil Mouhoussoune.
Deux concours pour les élèves seront également organisés avec la « Webcup junior » pour « susciter des vocations » et « détecter de futurs talents » grâce à la promotion et à l’initiation aux langages de programmation. En équipe, les lycéens devront réaliser une page Internet sur un thème donné, en moins de 5h. Le second s’inscrit dans le projet « Robocup junior national et international ». L’ambition est de réaliser et programmer – collectivement ou individuellement – des robots. « Les jeunes ont plus de bagages numériques que nous les adultes, il faut donc s’en servir. Nous avons espoir d’aller à la finale à Bordeaux début juin. Si nous n’y arrivons pas, notre grand objectif est la compétition internationale en 2020. Actuellement, il nous manque encore les financements« , a souligné une des organisatrices de la semaine du numérique. Un appel du pied qui n’a pas échappé au vice-recteur. « Nous ferons notre possible pour y contribuer ».
Stephan Martens, vice-recteur de Mayotte, et Feyçoil Mouhoussoune président du GEMTIC ont signé lundi une convention de partenariat afin de développer le numérique notamment auprès des jeunes.
* Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré.
Le dispositif inédit lancé par le centre communal d’action sociale (CCAS) de Mamoudzou et l’association Messo débute ce lundi. Quinze jeunes de 16 à 25, en décrochage scolaire et professionnel vont ainsi suivre plusieurs mois de formation et d’accompagnement en faveur de leur réinsertion.
En 2017, quelque 65 % des jeunes mahorais n’avait obtenu aucun diplôme qualifiant, selon des chiffres de l’Insee. Un problème d’autant plus important que sur l’île aux parfums, la moitié de la population est âgée de moins de 17 ans et demi. Pour endiguer le phénomène, le centre communal d’action social (CCAS) de Mamoudzou lance ce lundi son dispositif inédit “Défi Jeunes”, cofinancé par la politique de la Ville.
Cette formation de quatre mois vise à accompagner 15 jeunes de 16 à 25 ans, en marge du système éducatif, du marché du travail et plus largement, de la vie sociale. En somme, « rendre ces jeunes employables et leur redonner confiance par l’intégration« , résume Mohamed Moindjie, deuxième adjoint au maire chargé de l’aménagement du territoire, logement et déplacement et vice-président du CCAS. Au programme : des ateliers de travail sur la réalisation d’un CV, sur les addictions, des exercices de communication et la découverte des secteurs qui recrutent localement, comme la sécurité et le social. Autant d’étapes qui doivent leur permettre, à terme, de trouver un stage, une formation ou peut-être même un emploi.
« Le mot défi prend tout son sens, et à Mayotte, où beaucoup de jeunes ne sont inscrits ni à Pôle Emploi, ni à la Mission locale, cela répond à des besoins énormes« , défend Nawal Issoufa Jimitri, directrice de l’association Messo, engagée dans l’insertion des jeunes par le travail, et partenaire du projet. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire d’être déjà enregistré comme demandeur d’emploi pour rejoindre le Défi Jeunes. Seules conditions, au-delà de l’âge : habiter sur l’une des communes de Mamoudzou et être dans une situation administrative « bien claire« , insiste Anziza Daoud, directrice du CCAS de Mamoudzou. Autrement dit, pouvoir présenter des papiers d’identité en règle.
Des places encore disponibles
Mais, sans grands contacts avec l’extérieur, les jeunes en décrochage et très marginalisés, demeurent méfiants quant aux administrations. Résultat : le CCAS et Messo n’ont pas encore identifié les quinze candidats. Alors, pendant les trois prochaines semaines, toutes personnes correspondant au profil recherché peut se présenter à l’hôtel de ville de Mamoudzou ou dans les locaux de l’association à M’tsapéré pour intégrer le Défi Jeunes. Il est également possible de s’inscrire par téléphone auprès de la mairie au 02.69.63.91.00, en demandant le service du CCAS, ou auprès de Messo au 02.69.62.18.23.
« C’est une chance qu’on vous donne, une main qu’on vous tend« , répètent de concert les directrices dont les structures ont envoyé des agents directement sur le terrain à la recherche de jeunes vulnérables. Parmi ceux qu’ils ont rencontrés, Mahmoud, habitant à Cavani. « Rester dehors sans rien faire, c’est trop difficile« , articule-t-il timidement en alternant shimaoré et français. « Beaucoup de jeunes devraient s’inscrire [au dispositif], c’est bénéfique pour eux« . Si cette première édition se révèle efficace, le Défi Jeunes pourrait bien être reconduit les années suivantes, doté d’une plus grande capacité d’accueil.
Vendredi, le président du syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte, Moussa Mouhamadi, a adressé ses vœux à la population pour l’année 2019. Il en a profité pour rappeler son implication pour améliorer le cadre de vie des Mahorais et préserver l’environnement. De nombreux projets vont notamment voir le jour dans le cadre du contrat de progrès, estimée à 141 millions d’euros.
Après le plan « Urgence eau » de 2017 et la crise sociale de 2018, le président du SIEAM, Moussa Mouhamadi, n’espère plus suer autant à grosses gouttes. Et c’est avec une bonne nouvelle qu’il s’est présenté sur l’estrade à l’occasion des vœux. En effet, la réflexion menée sur la nouvelle programmation « eau et assainissement » a abouti à la signature du contrat de progrès en juillet dernier. Celui-ci « ne porte pas que sur l’eau, mais fixe également la ligne à tenir pour le développement de l’assainissement de Mayotte ». Si l’énumération des projets est toujours appréciable, l’annonce des chiffres est plus croustillante. « Nous avons entre les mains un outil-clé qui garantit le financement des opérations prioritaires, estimé à environ 141 millions d’euros d’ici 2020. 73,5 millions pour le volet assainissement et 67,5 millions d’euros pour l’eau potable, avec une part SIEAM de 35 millions d’euros au total. »
Des projets à la pelle pour l’eau potable
Cette année semble donc être celle de la réalisation des projets ambitieux. Entre autres, l’optimisation des moyens techniques, l’amélioration du rendement du réseau de distribution ou encore son extension. Sans oublier la création de nouveaux forages pour mener à bien le dossier du barrage de l’Ourovéni. Concernant les ressources existantes, plusieurs missions attendent toute l’équipe du SIEAM, comme par exemple la protection des points de captage, la poursuite de la réhabilitation d’anciens forages et la mise en service complète de la nouvelle usine de dessalement de Petite -Terre, mais aussi la mise à niveau des ouvrages de stockage de l’eau (remplies par les eaux de surface et les eaux de ruissellement), des unités de potabilisation et des réservoirs.
Une DSP pour l’assainissement
Le SIEAM n’en oublie pas pour autant l’assainissement et compte bien procéder à l’augmentation des branchements et l’amélioration du fonctionnement des mini-stations d’épuration situées en zones rurales et de la gestion des boues. Toutefois, le lancement d’un grand nombre d’ouvrages supplémentaires, à Mamoudzou Sud, Koungou, Petite – Terre, Tsingoni ou encore Bouéni, pousse le syndicat à confier à un tiers le service public de l’assainissement. « Les démarches tendant à externaliser la gestion des eaux usées de Mayotte vont aboutir très prochainement à une délégation de service public qui devra permettre d’atteindre un meilleur rendement avec des coûts maîtrisés », dévoile Moussa Mouhamadi.
Entre la suppression de plusieurs indemnités, la hausse des contractuels, les enseignants du secondaire sont montés au créneau hier dans les rues de Mamoudzou. Ils dénoncent un manque d’implication de la part du vice-rectorat et une précarisation croissante de leur profession.
Ils étaient entre 150 et 200 enseignants du secondaire, titulaires ou non, à défiler dans les rues du centre de Mamoudzou jeudi matin. En cause : l’appel lancé par la quasi-totalité des syndicats de l’Éducation nationale à Mayotte, contre la perte d’attractivité de l’Académie et la précarisation de ses professeurs. Des revendications propres à l’île, alors qu’un mouvement similaire se jouait à l’échelle nationale. « Depuis 2013, les conditions de séjour ne sont plus assez intéressantes« , martèle fermement Patrick Fornecker, secrétaire général adjoint du Syndicat national des enseignants du second degré (Snes).
Depuis plusieurs mois, de nouveaux problèmes s’ajoutent à une situation déjà jugée critique par le corps enseignant. « Contrairement à ce qui a été prévu, les gens arrivés en 2011 ou 2013 ne touchent pas d’indemnité d’éloignement et les néo-titulaires n’ont pas droit à l’indemnité de sujétion géographique alors qu’ils y avaient droit l’année dernière« , développe le représentant syndical. « À cela s’ajoute le fait qu’on refuse le recalcul de l’indemnité de logement, et c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase ! »
Vers un mépris de la profession ?
Si les représentants syndicaux ont pu s’entretenir pendant une heure avec le secrétaire général et le chef de cabinet du vice-rectorat – le vice-recteur étant en déplacement en dehors de Mayotte –, l’échange n’a pas été à la hauteur de leurs attentes. « Ils nous ont dit qu’au ministère, on considère que tant que le système fonctionne (même mal) il n’y a pas de problème« , décrit Patrick Fornecker, enseignant à Mayotte depuis 15 ans. « Le rectorat nous répète qu’il n’a pas la main sur ces décisions. Nous devons donc faire une croix sur un système éducatif de qualité… » Résultat, selon le Snes, l’Académie se rapproche dangereusement des 60 à 70 % d’emplois contractuels, les plus précaires. Selon le syndicaliste, cette évolution démontre ni plus ni moins que « le rectorat est en train de couler ».
Si une grève nationale est déjà annoncée pour le 5 février, l’intersyndicale de Mayotte s’interroge encore sur la forme que devra prendre le mouvement à l’échelle locale. « Au-delà des grèves, il y aura sûrement d’autres moyens d’action« , avance le secrétaire adjoint du Snes. Parmi les moyens de pression envisagés, le recours en justice devant le tribunal administratif sur des dossiers comme les néo-titulaires ou le logement, comme cela s’est déjà pratiqué en Guyane. Quoi qu’il en soit, « Il n’y a, je crois, pratiquement pas un seul collègue qui n’est pas en train de défendre l’institution« , conclue Patrick Fornecker.
À toute société ses anciens, mais à Mayotte les cocos et bacocos ont une importance toute particulière. Traditionnellement, ils sont ceux qui doivent être écoutés, respectés, mais aussi protégés, préservés. Le lien intergénérationnel est un des piliers de la société. Et c’est là que le bât commence à blesser. Car tout développement d’une société induit un changement, et dans le département le plus jeune de France, les choyés d’hier risquent de devenir les oubliés de demain.
Elle a 80 ans, bien que son visage ne le laisse aucunement présager. Dans le hall de sa maison de Pamandzi, à laquelle on accède par un étroit corridor menant au fond d’une cour, Mkaya – Fatima Silahi de son vrai nom – tricote. Une activité bien peu commune à Mayotte, mais pour laquelle elle a une appétence toute particulière. Sous ses doigts encore agiles malgré l’âge, les fils rouges, bleus, ou blancs deviennent des sacs et des chapeaux qu’elle vend. Une occupation bienvenue dans des journées souvent trop longues. Des enfants qui travaillent et des difficultés pour se déplacer : l’univers de Mkaya se résume à son domicile. Un quotidien moralement difficile, comme elle l’explique : « C’est dur de ne pas être accompagnée. À plusieurs, on trouve des solutionsaux problèmes qui se posent. Mais seule, comment faire ? » À côté d’elle, Faharidhine Zadi et Anima Abdou Razakou. Les deux animatrices de la mairie de Pamandzi sont mises à disposition de l’association Maison familles et services. L’objectif de l’organisme ? Rendre visite aux séniors, les suivre, faire travailler leur motricité, mais aussi déceler d’éventuelles situations à risque. La problématique de l’isolement des anciens à Mayotte, elles la connaissent donc bien pour y être chaque jour confrontées. « La solitude leur pèse, confirmentelles.Ils aimeraient être accompagnés en permanence. Le fait d’être en groupeleur manque, les échanges avec d’autres leur manquent aussi. » Une visite presque quotidienne de l’association, qui revêt des allures de nécessité. « Nous avons un rôle de confidente », reprennent les deux jeunes femmes avant de poursuivre : « Faute de pouvoir parler à quelqu’un, ces personnesse confient à nous, et nous disent des choses qui nous travaillent parfois. Entout cas, il est certain qu’elles nous laissent difficilement partir quand nousdevons y aller », lâchent-elles dans un sourire. La situation de Mkaya est représentative de nombre d’autres sur le territoire. Dans le département le plus jeune de France, où les personnes de plus de 60 ans ne représentent – pour le moment – que 4 % de la population, selon les chiffres du recensement de 2012, les anciens semblent oubliés. Traditionnellement, ces derniers sont pourtant au centre des attentions d’une société qui se prévaut de s’occuper de ses aïeuls. Oui, mais voilà : le développement « aidant », les traditions changent et le soutien familial d’hier doit s’adapter aux contraintes de l’époque.
Ce changement de société, Inoussa El Fat y assiste depuis 10 ans. Travailleur social et directeur d’une toute nouvelle structure à Bandrélé – 976 Allo Saad, qui œuvre dans les prestations à domicile à destination notamment des personnes âgées –, il a vu la société mahoraise changer. « Les gens ont désormais moins le temps de s’occuper de leursparents et grands-parents. Il y a le travail tout d’abord, mais parfois aussi des départs de l’île. Des familles s’en vont pourchercher un meilleur confort de vie ailleurs, et leurs anciens, eux, restent ici. Parfois, ils n’ont plus personne, à part des voisins », souligne-t-il. Un phénomène « longtemps resté moins visible » et qui s’est accéléré en suivant les évolutions d’une société en plein bouleversement. Au final : une problématique apparue soudainement et qu’il faut désormais prendre à bras le corps. Problème : nul ne sait précisément quels sont les besoins, aucun recensement des séniors en situation d’isolement, et plus largement de leurs besoins, n’ayant encore été fait : « On nesait pas combien ils sont », s’accordent les différentes associations. « Les séniors ne se sentent pas respectés » C’est un « paradoxe » remarque Soyfoudine Abdou Razak, directeur de l’association Maison Familles services. « Le changement de société, nos anciens s’y attendaient », explique-t-il en regrettant que rien n’ait permis d’assurer une transition souple.
Son constat ? « Ils sont tristes que le droit commun ne s’applique pas encore comme ailleurs, et ne leur permette pas de rompre l’isolement. Ils voient les jeunes flamber, les gens rouler en 4×4, et eux être exclus. Les personnes âgées ne se sentent pas respectées, alors qu’elles ont fait beaucoup pour cette île, pour son combat. Elles ont fait le travail, mais n’en bénéficient pas. » En cause : « le manque de prise en charge et d’accès à leurs droits », devenus aujourd’hui indispensables, car « les familles pensent parfois s’occuper de leurs personnes âgées, mais ce n’est pas le cas. Il ne suffit pas de les garder à domicile, il faut aussi les occuper, s’assurer que tout aille bien, les soigner dans certains cas, surveiller leur alimentation.
» Un manque de prise en charge ? « Oui », affirme le directeur de l’organisme qui accuse : « En France, il y a des statuts, des droits, et des techniques de prise en charge pour les personnes âgées. Tout cela n’est soit pas mis en place à Mayotte, soit trop mal connu pour qu’ils en bénéficient. Nos vieux souffrent de maltraitance institutionnelle. » Des dispositifs existent pourtant. Du côté de la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM), outre les pensions de retraite et de veuvage, une allocation de solidarité aux personnes âgées de 65 ans et plus disposant de faibles revenus, existe. Idem pour le Conseil départemental, qui dispose d’une direction dédiée : la Direction des personnes âgées et des personnes handicapées (DPAPH), via laquelle l’institution accorde, selon la situation, une allocation personnalisée d’autonomie (APA), mais aussi des aides ponctuelles pour l’achat de matériel destiné à améliorer un peu le confort de vie des personnes âgées en situation précaire. Une centaine d’APA accordé l’an dernier, pour près de 500 demandes. « Cette allocation existe depuis 2001 en métropole, mais n’a été appliquée qu’en 2015 ici », explique Abdourazakou Allaouiya, directrice du service Évaluation de l’autonomie à la DPAPH, qui reconnait qu’une étude des besoins doit être « indéniablement » menée pour mener à bien ce vaste chantier : « Pour l’instant, nous disposons tout de même des informations que nous font remonter nos assistants sociaux, infirmiers et associations, avec lesquelles nous travaillons. »
Parmi ces partenaires, la Fédération Mahoraise des Associations des personnes âgées et des Retraités (FMAPAR), qui estime « à 9/10ème le travail restant à mener », selon les mots de son président, Bacar Hadhirami : « On parle beaucoup de personnesâgées, mais on ne les regarde pas. On ne sait pas qui elles sont nicombien elles sont. » Seule piste pour la structure : les enquêtes qu’elle mène chaque année depuis 2007 pour orienter ses actions. Et les résultats « sont les mêmes depuis 10 ans », affirme Laoura Ahmed, directrice de l’organisme : « Le mal-logement etles difficultés d’accès à leurs droits. » En cause notamment, des demandes d’aides trop complexes et contraignantes pour des séniors : « Ils sont fatigués, ne peuvent pas toujours se déplacer,faire la queue longuement car il n’y a pas de guichet dédié, les délaisde traitement peuvent être extrêmement longs, il faut égalementrevenir parfois une dizaine de fois, etc. Tout cela est décourageantpour eux et ils ne veulent pas se lancer dedans, perdant du mêmecoup les aides auxquelles ils ont droit. Et parfois, ils n’ont toutsimplement plus confiance dans les institutions. » Dès lors, une des missions de la Fmapar est d’orienter et de suivre ces séniors, afin de faciliter leurs démarches. Mais pour fonctionner, une association a besoin de subventions. Et dans un contexte budgétaire tendu, celles-ci ne seraient pas à la hauteur des attentes : « On nous a par exemple accordé39 000 euros pour mener quatre actions. Mais cela ne permet d’enfinancer qu’une seule », illustre la responsable. Malgré tout, la fédération a réussi à organiser des évènements comme la Semaine bleue, Miss Coco, ou la Journée de sensibilisation des personnes âgées et des retraités
Des subventions trop faibles ?
Retour à Pamandzi, dans la maison de Mkaya. Le directeur de Maison famille et services, Soyfoudine Abdou Razak déplore également ce manque de soutien financier de la part des institutions. L’ancienne association, Coco Sénior Club, dont il a repris la présidence en 2015 pour en épurer les comptes grâce à un don privé, disposait d’un accueil de jour pour occuper les personnes âgées la journée après les avoir récupérés le matin à domicile, a dû suspendre ses activités, faute de subventions suffisantes à son fonctionnement :
« En 2017, nous n’avons obtenu que 15 000 euros de subvention de la part du Département.
Entre le coût du loyer, celui des activités que nous menions, celui du prestataire de bus, etc., cela ne suffit pas. C’est bien trop peu pour permettre à une structure comme la nôtre de fonctionner.
Nous avons fait le maximum, mais il nous a fallu arrêter. » Mkaya, comme tous les autres adhérents, a ainsi vu ses journées se résumer soudainement à son domicile. Retour à l’isolement : « Elle ne voit plus ses amies, mais chacune nous demande des nouvelles des autres à chaque fois que nous les visitons », reprennent deux animatrices, Faharidhine et Anima, appuyées par Mkaya : « Quand on voit d’autres personnes, on grandit, on est plus actifs, alors que là je ne fais plus que tricoter et regarder Mayotte 1ère », regrette-t-elle.
Soyfoudine Abdou Razak donne d’autres exemples : « Nous avions également un projet de caravane des droitspour sensibiliser la population au sort des personnes âgéesà travers le territoire, pour leur faire connaître leurs droits. Nousavions chiffré le budget à 150 000 euros, et la subvention quel’on nous a proposée s’élevait à 4 000 euros. Qu’est-ce que vousvoulez faire avec ça ? » Et de rappeler sa proposition d’une grande enquête, en collaboration avec un sociologue, pour déterminer les besoins réels en la matière. Cette même enquête qui apparaît indispensable à tous les acteurs du secteur pour améliorer le sort de nos anciens : « Nous n’avons pas obtenu les fonds. » Au final, le responsable estime que « rien n’est fait à partde la politique politicienne. Enattendant, le problème s’alourdit.
Il y a des fonds nationaux et européens disponibles, mais nos élus ne vont pas les chercher. Cela ne mène à rien. En 2017, nous avions par exemple tenté d’organiser un salon des séniors à Mayotte. Les tergiversations politiques l’ont fait échouer. »
Et demain ?
Alors, qu’attendre pour nos séniors ? Malgré un manque de moyens évident, l’espoir de voir s’améliorer le sort de nos séniors existe. « Malgrétout, les choses semblent allerde mieux en mieux », constate ainsi le directeur de 976 Allo Saad, Inoussa El-Fat, en se réjouissant que « le pôle dédié àcette question au Département soitun des plus actifs. » Formation de travailleurs sociaux, pour l’heure encore en nombre insuffisant, mais également mise en place prochaine des accueillants familiaux – les personnes âgées sont reçues au sein de familles pour en partager la vie en échange d’une rémunération –, des projets existent. De nouveaux dispositifs ont par ailleurs été mis en place récemment : c’est le cas de Gari La Coco, à Chirongui, un système de transport à la demande pour les démarches administratives et de la vie quotidienne ; ou encore de Allô Maltraitance (Alma), permettant le signalement de personnes âgées maltraitées. La question des maisons de retraite est également abordée régulièrement. Mais la société mahoraise est-elle prête à cette option malgré de nouvelles et croissantes contraintes sociétales ? « Nousavons ce projet, explique Soyfoudine Abdou Razak, de Maisonfamilles et services, mais il n’est pas encore accepté par lesfamilles. Les gens travaillent et ne peuvent plus s’occuperde leurs proches, mais ils préfèrent les garder à domicile, sanspour autant pouvoir faire ce qu’il faut. » Quoi qu’il en soit, et quelles que soient les solutions qui seront choisies, les éternels débats ne peuvent avoir lieu, car, comme souvent dans le 101ème département, la situation urge. Le temps passe vite, et nos anciens sont de plus en plus en nombreux.
C’est ce qui est détaillé dans le Plan régional de santé Réunion-Mayotte couvrant la période 2018-2028 : « Ce territoire [Mayotte] doit également anticiper un vieillissementprogressif de sa population, et répondre dès maintenantaux besoins de prévention, de soins et d’accompagnementdes personnes âgées en perte d’autonomie, encore peunombreuses. » Et de préciser : « Le vieillissement (…) débutantà Mayotte, implique d’anticiper l’évolution nécessaire de l’offresanitaire et médico-sociale pour faire face à un allongementde l’espérance de vie, des situations de dépendance lourde, uncumul de fragilités sociales et médicales, une augmentation desmaladies chroniques et des troubles psychiques. Le repérageet la prévention de la perte d’autonomie sont à mobiliserfortement, pour limiter ou retarder les effets du vieillissement,
et soutenir les aidants. Cette exigence répond à la demande sociale d’accompagnement des personnes dépendantes au plus près de leur lieu de vie, d’adaptation de leur environnement, et de conservation d’une vie sociale de qualité. La réponse institutionnelle, légitime dans certaines situations de grande dépendance et d’épuisement de l’entourage ne pourra se développer à hauteur de ce défi démographique et économique ; une évolution de l’offre de soins et d’accompagnement est donc nécessaire. »
Le préavis de grève déposé par les trois sociétés aéroportuaires (Mayotte Air Service, Mayotte Aviation et Air Sûreté Mayotte) au début du mois n’est plus d’actualité. Les négociations entre la CGT-Ma et le directeur général ont porté leurs fruits. Un accord a été trouvé sur le départ de l’actuel responsable d’exploitation mais aussi sur l’application de la convention collective nationale.
Suite au préavis de grève déposé par la CGT-Ma en date du 3 janvier, la direction de Mayotte Air Service, représentée par Moïse Issoufali, et les représentants de l’organisation syndicale se sont réunis mardi 15 janvier pour tenter de trouver un terrain d’entente.
« Parmi les 120 salariés, une grande majorité des employés partage l’idée de voir partir le responsable d’exploitation », expliquait Zayad Saïd Hachim, délégué syndical de la CGT, dans les colonnes de Flash Infos du vendredi 11 janvier 2019. Il accusait alors ledit responsable de propos injurieux et racistes envers certains collaborateurs et exigeait son départ immédiat.
Au cours de la réunion de mardi 15 janvier, il a été convenu que « le responsable d’exploitation ne sera pas en relation directe avec les employés, à l’exception des responsables des services qui lui sont directement rattachés ». L’évolution de la situation sera suivie durant le premier trimestre avant d’envisager une solution définitive. Mais selon nos informations, le cadre en question devrait bel et bien faire ses valises dans deux mois et quitter définitivement son poste. Ce léger contretemps par rapport à la revendication initiale se justifierait par une raison simple : l’agrément empêcherait de changer l’organigramme de la société dans un délai aussi court.
Par ailleurs, comme prévu, l’application de la convention collective nationale n’a pas posé de problème. La direction s’est en effet engagée sur quatre points. Elle va verser une prime mensuelle de servitude de cinquante euros à tous les salariés ayant trois mois d’ancienneté et n’ayant pas à leur disposition un moyen de transport de l’entreprise (contre 15 euros pour la prime de transport actuelle). De plus, vingt chèques déjeuners d’une valeur unitaire de 8 euros vont remplacer dans le courant du premier trimestre la prime de repas de 90 euros, tandis que l’adhésion à la mutuelle pour tous les salariés va être relancée. La cotisation mensuelle sera prise en charge à hauteur de 60 % par la direction et de 40 % par le salarié. Enfin, une révision salariale de l’année 2018, c’est-à-dire une régularisation du Smic, va être réalisée et apporter les modifications nécessaires sur la période concernée. Le versement de cette différence sera effectué sur la paie de janvier 2019. « Dans l’ensemble, c’est un très bon accord », conclut, satisfait, Zayad Saïd Hachim.
Lancée le 15 décembre dernier par le Conseil économique, social et environnemental, la consultation en ligne « Avec ou sans gilet jaune, citoyennes et citoyens, exprimez-vous » a déjà mobilisé plus de 12.000 participants pour 6.000 contributions et 120.000 votes. En tête des propositions figurent la question des avantages fiscaux pour les énergies renouvelables, le renforcement des politiques et des allocations familiales, la revalorisation de la rémunération des fonctionnaires, la réforme du système éducatif, ou encore la prise en compte du vote blanc. Au total, la participation des citoyens, la transition écologique et les inégalités sociales sont les thématiques les plus récurrentes.
Vous avez jusqu’au 4 janvier minuit pour vous rendre sur la plateforme https:/participez.lecese.fr afin de donner votre avis. Sur la base des résultats de cette consultation, mais aussi d’auditions et de la consultation de citoyens tirés au sort, un avis sera élaboré et présenté au vote en mars 2019 dans le but d’apporter une réponse globale aux enjeux révélés par le mouvement des gilets jaunes.
La Société mahoraise de presse (Somapresse) et ses partenaires lancent ce vendredi la dixième édition des Trophées Mayotte Hebdo du Sportif de l’année. Retour sur un événement qui a et continue(ra) de placer le sport et les sportifs mahorais au centre des intérêts.
Au soir de la première cérémonie de remise des trophées du Sportif de l’année, en janvier 2010, les nommés et les invités tenaient dans une petite salle d’un restaurant kawénien. Ils n’étaient pas nombreux, à peine une soixantaine à communier et célébrer les sportifs bénévoles mahorais lauréats.
Six lauréats, pour cinq catégories : le meilleur sportif, le meilleur entraîneur, le meilleur dirigeant, la meilleure équipe et le meilleur sportif mahorais évoluant hors de Mayotte (Mahopolitain). À l’issue de la cérémonie, lauréats, nommés, dirigeants de clubs, présidents de comités et ligues et sportives, partenaires unanimes : l’élection du Sportif de l’année devait prospérer.
« L’organisation de ce trophée encouragera certainement de nombreux sportifs et dirigeants à se battre afin d’être reconnus pour leur travail à la fin de l’année », assurait Saïd Mahatsara dit Zico, président du Football Club de Labattoir, élu Dirigeant de l’année 2009. Les années sont passées.
Au fil des élections, l’organisation a souhaité valoriser plus de sportifs bénévoles. Ainsi sont apparues de nouvelles catégories : la Sportive de l’année, l’Équipe féminine de l’année, la Mahopolitaine de l’année, le Prix spécial du jury… Au fil des élections, l’organisation a souhaité populariser l’événement.
Objet d’un bref sujet au journal télévisé le lendemain de la première cérémonie, celle-ci est aujourd’hui diffusée en direct sur Mayotte La 1ère télé, première chaîne locale, ainsi que sur les réseaux sociaux et l’antenne radio du média du groupe France Télévisions.
10 ans aux côtés des sportifs mahorais bénévoles
L’organisation, au fil des saisons a souhaité améliorer le contenu de la cérémonie. D’une simple remise de médailles et de trophées, d’un simple rendez-vous bouclé en moins d’une heure, la soirée des Trophées Mayotte Hebdo du Sportif de l’année s’est progressivement transformée, pour devenir une soirée de spectacle, où danses et chants modernes et traditionnels, scènes de théâtre, démonstrations d’arts martiaux et de sports de combats se mêlent.
Après avoir nommé plus de 300 sportifs, athlètes, entraîneurs, dirigeants, équipes, après avoir décerné plus de 70 trophées de lauréats, la Somapresse aborde la dixième édition de son événement. Les catégories Sportif, Sportive, Entraîneur, Dirigeant, Équipe masculine, Équipe féminine, Mahopolitain, Mahopolitaine et Arbitre subsistent. Et deux nouvelles font leur apparition !
La première d’entre elles est un nouvel hommage au sport féminin : après avoir séparé les sportifs des sportives, les équipes masculines des équipes féminines, les mahopolitains des mahopolitaines, la Somapresse emploie la même démarche en direction des arbitres, en créant une catégorie spécifique à l’arbitrage.
« Les arbitres, qui sont nommés par leur ligue ou leur comité ont fait leur entrée à l’élection du Sportif de l’année en 2017 : jusqu’à présent, aucune femme n’avait été choisie pour représenter l’arbitrage mahorais ! Ce que nous trouvions dommage, car des femmes sont aussi investies et passionnées par l’arbitrage que certains hommes. Cette catégorie a été créée pour mettre la lumière sur l’arbitrage féminin mahorais, bien présent mais trop peu valorisé », souligne Laurent Canavate, fondateur de l’élection.
L’arbitrage féminin et le handisport : nouvelles catégories du Sportif de l’année
Une autre catégorie de sportifs sera dorénavant mise en valeur : les handisportifs. A première vue, le handisport à Mayotte est inexistant. Mais en creusant, la Somapresse a réalisé que des actions ponctuelles ou régulières en faveur du handisport sont menées ici et là par certaines associations.
D’une certaine façon, le handisport avait fait une première apparition à l’élection du Sportif de l’année 2017, en février dernier, lorsque l’artiste paraplégique Docteur Léo recevait un « Prix surprise » pour avoir escaladé le Mont Choungui et réalisé le tour de l’île avec son fauteuil roulant.
« Durant ces deux événements, nous nous sommes effectivement sentis comme des handisportifs, car c’était un gros travail psychologique et physique, avant, pendant et après les actions, pour atteindre les objectifs que nous nous étions fixés », affirmait-il, le regard plongé sur son trophée.
C’est pour faire naître des idées auprès d’autres associations et redonner vie à une discipline perdue qu’est créée cette onzième et dernière catégorie… À partir de ce vendredi, le public peut se rendre sur le site www.mayottehebdo.com pour découvrir et surtout voter pour leurs sportifs favoris. La dixième cérémonie des Trophées Mayotte Hebdo du Sportif de l’année est programmée le samedi 16 février 2019.
Réactions de stupeur outrée à Mayotte à la lecture du communiqué du ministère des Outre-mer annonçant que 84 produits allaient bénéficier d’une réduction, voire d’une suppression de l’octroi de mer. Quatre des cinq départements ultramarins sont concernés. Hors Mayotte.
« Sous l’impulsion d’Annick Girardin, ministre des Outre-mer, une liste de 84 produits locaux supplémentaires pouvant bénéficier d’une réduction ou d’une suppression de la taxe d’octroi de mer a été annoncée aujourd’hui par Pierre Moscovici, commissaire européen chargé des affaires économiques et financières. Ce travail a été mené en lien avec les conseils régionaux de Guadeloupe et de La Réunion, l’assemblée de Guyane, l’assemblée de Martinique ainsi que les acteurs socioprofessionnels de ces territoires », se félicite le ministère le 14 décembre par voie de communiqué. Seuls quatre des cinq départements d’outre-mer sont ainsi concernés par cette aide exceptionnelle, hors Mayotte, décrit sans délicatesse le ministère, commettant sans doute là une erreur de communication puisque rien dans le communiqué de presse ne vient expliquer cette omission.
Ainsi, les réactions outrées ne se sont pas fait attendre et ont débuté avec celles du conseiller départemental Daniel Zaïdani (MDM) qui n’a pas manqué d’interpeller le président du Département. Fustigeant « le traitement inégalitaire scandaleux entre Mayotte et les autres départements d’outre-mer », l’élu estime que cet état de fait participe de « la stratégie du gouvernement de M. Macron de maintenir Mayotte dans ses difficultés et son sous-développement ». Daniel Zaïdani rappelle donc à Soibahadine Ibrahim Ramadani, le président du conseil départemental, « que la charge de l’application de l’octroi de mer à Mayotte » relève de sa compétence et enjoint à l’exécutif de « [se saisir] du dossier et d’user de tous les moyens en sa possession pour faire infléchir la décision de la ministre des Outre-mer ».
Contacté à maintes reprises mardi à ce sujet, le ministère des Outre-mer n’a pas répondu à nos sollicitations.
À Mayotte, 470 espèces sont protégées : 220 animaux et insectes, ainsi que 250 végétaux. La préfecture vient d’établir la liste quasi exhaustive de ces espèces, un texte inédit pour la biodiversité mahoraise. À condition que les efforts politiques suivent.
La liste est longue. Et à Mayotte, elle est la première à recenser tous les types d’espèces végétales et animales protégées, souvent endémiques. Au total, elles sont près de 470 à faire l’objet d’une mesure de protection, officialisée par l’arrêté préfectoral du 14 décembre qui abroge tous les textes antérieurs pour les spécimens cités. De quoi accélérer la stratégie « biodiversité pour le développement durable de Mayotte 2013-2020 », élaborée entre autres par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
À noter toutefois : les populations marines interdites à la pêche ne sont pas mentionnées, puisque déjà référencées dans un arrêté de juin dernier, à l’initiative de la Direction de la Mer Sud Océan Indien (DMSOI). Exception faite pour les tortues vertes et imbriquées, qui sont parmi les dix reptiles à bénéficier d’une attention toute particulière. Ainsi, la destruction ou l’enlèvement des œufs et des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement de l’animal ainsi que la perturbation intentionnelle, la naturalisation, le transport, le colportage, l’utilisation, la détention, la mise en vente ou l’achat sont strictement interdits, mentionne l’arrêté préfectoral. Pour rappel, les peines pour braconnage peuvent s’élever à 750.000 euros d’amende et sept ans d’emprisonnement. La destruction, l’altération ou la dégradation des aires de reproduction et de repos des tortues et de neuf autres reptiles, dont les couleuvres et les geckos, sont également interdites, contrairement à toutes les autres espèces protégées. Six autres rampants, dont les serpents des cocotiers et les caméléons, sont également protégés, à un moindre niveau.
En mer et sur terre
Le panorama des espèces protégées est vaste : cinq catégories de mammifères terrestres, parmi lesquels makis et roussettes ; huit crustacés terrestres et d’eau douce dont différentes espèces de crevettes et le bernard l’hermite ; cinq mollusques terrestres ; 33 insectes, dont le phasme ; 10 arachnomorphes (ressemblant à des araignées) et 138 oiseaux.
S’y ajoutent près de 250 espèces végétales – près de la moitié des plantes locales – contre 106 recensées en 2006, date du dernier arrêté préfectoral sauvegardant la flore mahoraise. Leur protection se divise en deux niveaux : 91 familles ne peuvent être ni détruites, coupées, arrachées ou cueillies, ni transportées, colportées ou commercialisées. Quatre autres sont uniquement interdites à l’achat et à la vente. Problème : l’arrêté, disponible en accès libre sur le site de la préfecture, ne mentionne les plantes protégées que sous leur nom scientifique, qui deviennent donc difficilement identifiables par le grand public.
De l’acté à l’action
« Ma principale préoccupation, c’est comment faire passer le message auprès de la population », insiste Michel Charpentier, président de l’association des Naturalistes de Mayotte. Pour celui qui est également vice-président du conseil de gestion du parc naturel marin de l’île, l’arrêté, plus exhaustif que les précédents, est un point de départ « très positif » pour la biodiversité locale. Toutefois, pour obtenir les résultats escomptés, il doit s’inscrire dans une démarche pédagogique et de communication.
Comment informer le public des aires de repos et de reproduction dédiées ? Comment lui permettre d’identifier les espèces concernées ? Et, surtout, comment sensibiliser les agriculteurs et les éleveurs, qui travaillent au plus près des espèces protégées ? Contactées à maintes reprises par notre rédaction, ni la préfecture, ni la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal) n’ont donné suite à nos sollicitations. En janvier dernier, les Naturalistes saluaient la signature d’un arrêté anti-brûlis. Mais près d’un an plus tard, la pratique persiste encore largement sur le territoire. En sera-t-il de même avec la destruction de la biodiversité mahoraise ?
La semaine dernière, les habitations illégales érigées sur les terrains Batrolo, à Kawéni, ont enfin fait l’objet d’une déconstruction complète après des années d’attente. Si quelques habitants ont essayé de se réinstaller ailleurs, d’autres, en situation irrégulière, ont été renvoyés dans leur pays d’origine. Certains ont accepté d’être relogés temporairement. Le point avec le sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, Julien Kerdoncuf.
Suite à l’opération impressionnante menée mercredi dernier, conjointement par les forces de l’ordre et un huissier sur des terrains de Kawéni, la question du relogement des habitants se pose. Au lendemain de l’intervention, il ne reste que les stigmates du passage des tractopelles. Les cases en tôle laissent place à un véritable champ de ruine. Quelques courageux récupèrent leurs dernières affaires avant de quitter les lieux, pendant que d’autres, désespérés, sont encore dans l’inconnu. Joint par téléphone, le sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, Julien Kerdoncuf, revient sur le devenir de ces hommes, femmes et enfants. En préambule de la déconstruction, des enquêtes sociales préventives ont été réalisées sur le site pour prévenir les occupants des choix qui s’offraient à eux.
« Dimanche et lundi, nous avons placé au centre de rétention administratif 36 étrangers en situation irrégulière qui sont, depuis, déjà repartis vers les Comores », dévoile-t-il. Pour ceux qui possèdent des papiers en règle, un hébergement temporaire leur a été proposé sous la houlette de l’association départementale pour la condition féminine et aide aux victimes (ACFAV). Selon nos informations, ils ont la possibilité d’occuper les logements mis à leur disposition pendant une durée pouvant aller jusqu’à trois mois, le temps de se retourner. « Sauf que ces places ne sont pas forcément situées dans la même zone géographique de l’endroit où ils vivent. Donc les parents préfèrent bien souvent trouver une solution par eux-mêmes pour ne pas perdre leurs habitudes », explique Michel Henry, le directeur de la Croix Rouge, qui tient à jour toutes les demandes via le service d’accueil et d’orientation. Ainsi, si certains ont fait appel à des proches pour prendre un nouveau départ, d’autres n’ont pas hésité à reconstruire leurs cases en tôle dans les hauteurs de Kawéni. « Ils ont été délogés le jour-même », confie le sous-préfet. « Une trentaine de personnes qui avaient refusé notre aide quelques jours auparavant ont ensuite accepté notre proposition de relogement. »
Malgré tout, ce chiffre paraît bien maigre lorsque l’on sait qu’environ 80 familles vivaient sur les terrains Batrolo. Alors, où se trouvent-elles à l’heure actuelle ? Sans grande surprise, l’hypothèse la plus probable est de les voir s’implanter ailleurs. « Il est nécessaire que les propriétaires, les municipalités et les services de l’État travaillent main dans la main pour agir dans le cadre de la flagrance », insiste Julien Kerdoncuf. Dans le cas contraire, l’histoire risque de se répéter…
À l’occasion du dernier Grand Séminaire de Mayotte (GSM), qui s’est tenu entre le 22 et le 30 novembre derniers, un groupe de spécialistes s’est penché sur les axes de développement du territoire. Le thème retenu pour cette troisième édition, « Sortir Mayotte de la pauvreté », fera bientôt l’objet de propositions concrètes, rassemblées dans un manifeste qui sera mis à disposition des pouvoirs publics dès le mois de février. L’auteur Alain-Kamal Martial, à l’initiative du GSM, a livré à Mayotte Hebdo quelques-unes des pistes retenues.
Mayotte Hebdo : Comment décririez-vous la situation économique et sociale du 101ème département à l’issue de ce troisième grand séminaire ?
Alain-Kamal Martial : Tout d’abord, vous avez sûrement entendu et lu que 84% de la population mahoraise vit sous le seuil de pauvreté. Comme nous sommes un département français, et donc un territoire rattaché à l’Union européenne, ce n’est pas en nous comparant avec les pays voisins, Les Comores ou Madagascar, que nous trouverons la juste mesure de la réalité sociale de Mayotte. La comparaison doit être faite avec les autres départements français […] Un autre point important, c’est la fiscalité. Dotations d’État, impôts sur le foncier, octroi de mer… Nous avons décelé une grande injustice qui ne pénalise pas tant les entreprises mais surtout les individus : il y a une majorité de gens qui ne cotisent pas à Mayotte parce qu’ils sont trop pauvres. Ça pénalise tous ceux qui travaillent. La pauvreté de Mayotte est une pauvreté de tiers-monde. Quand l’accès à l’eau devient un problème, quand les gens ne peuvent pas se faire soigner, ça, ce sont des problèmes de tiers-monde. Cela génère une économie informelle, issue de la criminalité, de la prostitution, du trafic de drogue, une « économie du pauvre » en quelque sorte. Si on réduit la pauvreté, on réduit du même coup ces problématiques-là également.
MH : Quels sont les leviers d’action pour faire reculer la pauvreté à Mayotte?
AKM : Nous avons constaté qu’il y a de plus en plus de Mahorais diplômés qui viennent à Mayotte et qui en repartent. On parle ici bien sûr des Mahorais, mais aussi des Mahorais d’origine indienne, d’origine malgache, ou métropolitaine, et qui ont envie de revenir ici. Ça fait partie des potentiels qui peuvent permettre à Mayotte d’émerger. C’est une ressource formidable. Or, ils buttent sur nos lacunes, car nous n’avons pas d’infrastructures et le territoire ne s’est pas encore préparé à les accompagner dans leur projet. Nous attendons que les projets viennent du public, mais les administrations et les bailleurs de fonds n’ont pas encore intégré le secteur privé. Nous pensons aussi qu’il faut dépasser le strict emploi dans l’administration à Mayotte. Le secteur privé constitue le domaine le plus prometteur ici. Lorsque j’étais au collège, on nous disait qu’il fallait bien travailler à l’école pour travailler dans une administration. Aujourd’hui, il faut dire aux jeunes qu’ils doivent bien travailler à l’école pour créer leur activité. Il faut aussi que les pouvoirs publics changent sur ce point. Au lieu de gonfler les recrutements divers, il faudrait qu’ils aident le privé à se développer, et ce dans une multitude de domaines : bâtiment, santé, mais aussi social, en développant les délégations de service public par exemple. C’est comme ça que nous serons efficaces, car nous aurons des gens compétents sur leur secteur et nous pourrons être compétitifs. Il y a aussi une activité de pointe qui peut créer de l’emploi à Mayotte, c’est ce que nous montrent les parcours de plusieurs jeunes Mahorais, comme celui de cette jeune chimiste [Fahoullia Mohamadi, docteur en chimie spécialisée dans les molécules bioactives et l’ingénierie des biomolécules, également professeur à l’Institut de formation en soins infirmiers de Mamoudzou ndlr] ou du docteur [en Sciences de la vie et de la santé] Issouf Mohamed, qui est venu pour lancer son projet de plantes médicinales sur le territoire. Mayotte compte aujourd’hui beaucoup de compétences qui peuvent aider cette île. Tant qu’on ne mettra pas en place des structures pour accueillir ces « génies », nous seront perdants. (…) La question de l’université est très importante également. Il y a un CUFR [Centre universitaire, à Dembéni, ndlr], mais il n’y a pas de campus, pas de laboratoire… Il faudrait développer une vraie université à Mayotte. Chaque année, des centaines de jeunes quittent l’île pour leurs études. Ils représentent une part importante de la consommation. Imaginez qu’ils restent ! Et imaginez que l’on vienne de Tanzanie ou même du Yémen pour apprendre le français ici !
MH : Pensez-vous que la question de la pauvreté est suffisamment prise en compte dans le débat public ?
AKM : Il faudrait d’abord qu’on dépasse ce discours sur l’immigration clandestine Mayotte-Comores. Nous avons constaté que les débats tournent toujours autour de ces sujets. C’est l’emploi et le chômage qui devraient toujours être dans l’actualité, car c’est là que le bât blesse ! Par exemple, nous nous sommes demandés pourquoi les Mahorais n’avaient pas suivi le mouvement des gilets jaunes [comme en métropole ou à La Réunion ndlr]. Parce que quand on parle d’opinion, depuis toujours – mais encore plus depuis deux ans – on parle de feuille de route et d’immigration clandestine à outrance. Aujourd’hui, c’est le seul sujet qui mobilise les Mahorais. Les politiques et les médias doivent orienter les débats sur les questions de pauvreté. L’opinion se rendra compte. Notre axe est clair : sortir Mayotte de la pauvreté. Nous ne pensons pas que ce soit l’immigration clandestine qui créé la pauvreté. Peut-être qu’elle l’aggrave, mais Mayotte est déjà pauvre. Si nous travaillons à réduire la pauvreté, nous aiderons aussi à régler la question de l’immigration clandestine. Il y aura de moins en moins de gens, qui, face à l’extrême pauvreté, participent à l’économie informelle qu’elle génère.
Une impressionnante opération de délogement de familles occupant illégalement un terrain privé au creux de la côte Sogea a généré un « léger caillassage » mercredi matin, auquel ont répliqué jets de grenade et de gaz lacrymogène. La circulation routière a été interrompue par les forces de l’ordre jusqu’en début d’après-midi et l’opération de destruction s’est ensuite déroulée dans un calme relatif.
Un nuage de poussière s’évapore de la côte Sogea. Sur le bord de la route, dans les lacets en direction de Kawéni, quelques personnes regardent d’un air médusé les coups de tractopelle. Les bangas, eux, s’effondrent comme des châteaux de cartes. Hommes et femmes tentent de sauver leurs quelques biens. Certains transportent sur leur tête des morceaux de tôle, d’autres remontent de cette fosse gigantesque des armoires et des bidons. Pieds nus, les enfants accourent pour aider leurs parents, inconscients du danger qui les entoure. Positionnées en hauteur et en contrebas, deux sections de la compagnie départementale d’intervention (CDI), réunissant une cinquantaine de policiers, tentent de maintenir l’ordre. Mais des jets de pierre les poussent à faire usage de gaz lacrymogène et de grenades pour disperser la foule en colère. La tension est palpable et les insultes fusent. Un enfant de 3 ans est légèrement blessé par des gaz lacrymogènes et pris en charge par les secours, confirme le commandant Cosseron. Un peu plus tard dans la matinée, une dizaine de gendarmes mobiles rejoignent les policiers afin de renforcer les effectifs. Par peur de nouveaux caillassages sur des véhicules de civils, les forces de l’ordre interrompent la circulation routière sur la côte Sogea.
« Mardi matin, nous avons procédé à l’expulsion de 80 familles qui occupaient illégalement le terrain. Aujourd’hui (ce mercredi matin, ndlr), nous encadrons la destruction de ces habitats illégaux », raconte le commandant Demeusy. De fait, une pelleteuse – dont la panne en milieu de matinée suscitera les vivats moqueurs des habitants expulsés – broie ce mercredi la tôle et les structures en bois constituant les abris précaires de ces familles. Parmi elles, des étrangers en situation régulière et des Français. Une quarantaine de clandestins présents sur ce terrain ont d’ores et déjà été interpellés dimanche et lundi derniers, confirme le sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine, Julien Kerdoncuf. Ce n’est pas la première opération de destruction de l’habitat illégal qui a lieu sur cette parcelle, mais la « cinquième ou la sixième (…) C’est cependant la plus importante », détaille encore le sous-préfet.
Délogement, relogement
« Moi et mon enfant de deux ans, on ne sait pas où on va dormir ce soir », se désole une Grande-comorienne, portant son fils dans les bras et contemplant les décombres. Si la préfecture assure que « des propositions d’hébergement temporaires » ont été faites aux familles, quelques habitants affirment ce mercredi matin qu’aucune solution de relogement n’a été évoquée. Or, entre le moment où les enquêtes sociales préliminaires au délogement ont été réalisées avec un nombre déterminé de bangas recensés (53 à l’origine selon Julien Kerdoncuf) et le début de l’opération de destruction, près d’une trentaine d’habitats sont apparus soit, potentiellement, plus d’une centaine de personnes supplémentaires que les assistants sociaux n’ont vraisemblablement pas eu le temps de voir. « La plupart des familles ont refusé » les propositions de relogement au profit d’un emménagement chez des proches, précise en outre la préfecture, davantage préoccupée par les familles cherchant à emporter avec elles des reliquats de leur maison détruite afin d’aller reconstruire sur d’autres terrains. C’est d’ailleurs la volonté farouche des habitants d’emporter avec eux les restes de leur banga qui a provoqué l’intervention des forces de l’ordre puis la riposte d’une partie des habitants, en début de matinée. « Nous sommes extrêmement vigilants » par rapport à ce phénomène, souligne le sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine. Ainsi, la « destruction totale » de l’ensemble des constructions est-elle de rigueur. L’opération devrait s’achever ce jeudi.
Une propriété privée en plein cœur des bangas
Les larmes aux yeux, Saenu Said constate impuissant la destruction des bangas. Pourtant, le père de cinq enfants tient fermement entre ses mains un titre de propriété privée. « C’est ma mère qui a acheté le terrain, avec une personne dénommée Said Soihili. Depuis 2002, j’y suis installé après y avoir construit ma maison. J’ai en ma possession tous les papiers pour prouver que je ne suis pas dans l’illégalité », dévoile-t-il. Au loin, impossible de la manquer. En tôle, elle reste malgré tout sophistiquée par rapport aux habitations voisines. De plus, son investissement dans des panneaux photovoltaïques, pour produire de l’électricité en l’absence de raccordement, ne passe pas non plus inaperçu… « Pour cela, j’ai même fait un prêt de 7.000 euros à la banque que je rembourse encore aujourd’hui », dit-il. Sur place ce mercredi matin lors de l’opération de délogement, Saenu Said ne sait pas vers qui se tourner. Ni les forces de l’ordre, ni l’huissier, ni la préfecture ne sont en capacité de lui assurer que son logement ne sera pas détruit. Alors que tous ses voisins s’empressent de sauver leurs biens, il n’a pas bougé le petit doigt. « Je suis complètement perdu, je ne sais pas ce que je dois faire pour arrêter cette intervention ! » S’il compte faire valoir ses droits pour défendre sa propriété, il ne s’interdit pas de porter plainte : « C’est sûrement la seule solution pour obtenir justice. »